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INST Rapport du Comité

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Opinion dissidente de l'Alliance canadienne
Le plan d'action du Canada pour l'innovation
Le 8 juin 2001

            Le troisième rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie sur l’innovation s’inscrit dans le cadre d’une étude de longue haleine portant sur l’innovation, la productivité, la compétitivité et le domaine des sciences et de la technologie (S. et T.) au Canada. Les membres alliancistes du Comité sont d’avis que le rapport décrit bien certains des problèmes les plus notoires de la politique du Canada en matière de S. et T. et y propose des solutions, mais l’Alliance canadienne n’en estime pas moins devoir s’en dissocier afin d’en dénoncer certaines lacunes graves.

            La plus troublante d’entre elles est que le gouvernement refuse depuis longtemps de reconnaître le fait que ses politiques n’arrivent pas à stimuler l’innovation et la productivité. Les membres libéraux du Comité, qui en forment la majorité, n’admettent pas que les gouvernements libéraux qui se sont succédé à Ottawa ont entravé le progrès et le développement économiques au Canada. Et cette attitude de déni de la réalité se répercute sur le niveau de vie des Canadiens, qui est actuellement de 30 % inférieur à celui de leurs voisins américains. (National Post, 6 juin 2001)

            L’Alliance canadienne croit que si le gouvernement persiste à prélever des impôts élevés, à refuser de formuler une politique exhaustive et transparente en matière de sciences et de technologie et à se rabattre sur des programmes de dépenses publiques dépassés et dont l’efficacité n’est toujours pas prouvée comme s’ils allaient « miraculeusement tout régler, il continuera de décevoir les Canadiens dans ce dossier. Tant que le gouvernement niera ses échecs et n’envisagera pas la question différemment, le Canada n’atteindra pas ses objectifs en matière de S. et T.

La fiscalité et l’incidence de la politique publique

            Les résultats économiques du Canada demeurent fort inquiétants quand on les compare à ceux qu’obtiennent ses principaux partenaires commerciaux. Sa productivité a chuté par rapport à celle d’autres pays de l’OCDE, et comparée à celle des États-Unis, elle est proprement alarmante. De la 6e place, qu’il occupait en 1997, dans l’échelle mondiale de la compétitivité, le Canada est tombé au 9e rang.

            Dans la préface du rapport, le Comité affirme que « les entreprises du pays [sont] traditionnellement frileuses en matière de R. et D. » (page 3). L’Alliance maintient que la faute en incombe aux politiques publiques des 30 dernières années, qui n’ont pas réussi à créer et à soutenir une culture de l’innovation et de la compétitivité. Elle croit aussi que si elles bénéficiaient d’un climat propice aux affaires, les entreprises canadiennes croiraient aux bénéfices à tirer de la R. et D. et hésiteraient moins à courir des risques pour innover.

            L’Alliance craint que le fait que nous ayons le taux d’impôt sur le revenu des particuliers le plus élevé des pays du G-7 et le taux d’impôt sur les sociétés le plus lourd des pays de l’OCDE nuit à la recherche et à l’investissement. Réduire les impôts réglerait certes ce problème, mais le Comité n’a pas cru bon d’en faire la recommandation, et les baisses d’impôt timides et échelonnées sur de longues périodes que prévoit la dernière mise à jour relative à la situation économique risquent peu d’encourager les entreprises et les investisseurs à courir le risque d’innover. De plus, comme les principaux concurrents et partenaires commerciaux du Canada se préparent en vue d’une autre vague de réductions d’impôts, son retard ne fera que s’aggraver.

            Le Conseil canadien des chefs d’entreprises et Canadian Manufacturers and Exporters conviennent tous deux que le Canada ne pourra pas améliorer sa productivité sans une baisse des impôts. Roger Martin, doyen de la Rotman School of Management de l’Université de Toronto, a reconnu que le secteur privé canadien ne donne pas sa pleine mesure, mais il a aussi soutenu que le gouvernement fédéral ne fait pas assez lui non plus. En effet,

« Le gouvernement du Canada n’a rien fait d’innovateur en matière de politique fiscale depuis 25 ans. Il s’est contenté d’imiter ce qui s’est fait ailleurs, et dans la plupart des cas, il n’a pas été aussi efficace que les pays imités. » (National Post, 6 juin 2001) [Traduction libre]

Jason Myers a dit au Comité que le régime fiscal appliqué à la technologie dissuade d’innover. En effet,

« …nous avons constaté que de moins en moins les fabricants peuvent défalquer leur matériel, utiliser des crédits d'impôt pour appuyer leurs investissements dans la nouvelle technologie. De façon plus générale, étant donné que les dépenses en immobilisations dépendent des bénéfices, il y a beaucoup d'autres facteurs qui interviennent dans le bilan des entreprises, surtout les petites, de sorte qu'il faudrait peut-être chercher de ce côté-là. Cela va encore plus loin. Les instruments fiscaux sont une composante importante du problème, mais pas la seule. » (IST, réunion # 13)

            Ce a quoi il a ajouté ce qui suit : « … l'un des principes fondamentaux de l'économie veut que l'on ne fasse rien qui puisse augmenter les coûts de production, si l'on veut favoriser l'activité économique. » (IST, réunion # 13)

Recommandation 1

            L’Alliance canadienne recommande de réduire les impôts des sociétés et des particuliers et d’éliminer l’impôt sur le capital destiné à l’innovation, qui coûte 1,3 milliards de dollars aux Canadiens.

Recommandation 2

            L’Alliance canadienne croit que le Comité permanent de l’industrie devrait instituer sans délai avec le Comité permanent des finances un comité mixte qui tiendrait des audiences sur la politique fiscale et l’effet que les taxes et impôts sur le capital-actions, sur le matériel et l’outillage, sur les nouvelles technologies, d’une part, et la stratégie de connectivité, d’autre part, ont sur la productivité au Canada.

Une politique exhaustive en matière de S. ET T.

            L’Alliance canadienne craint que si l’efficacité globale de la politique publique en matière de S. et T. laisse à désirer, ce ne soit dû en partie au fait que les parlementaires connaissent mal les problèmes fondamentaux de la science. Elle croit donc qu’il y aurait lieu de créer au Parlement le poste d’expert scientifique en chef, un fonctionnaire qui relèverait directement du Parlement et qui aurait pour mandat d’aider à formuler une politique complète en matière de sciences et de technologie.

            Les députés et les sénateurs ont des antécédents variés et différents et sont souvent appelés à prendre des décisions sur des sujets à caractère scientifique qu’ils connaissent très mal. L’expert scientifique en chef comblerait cette lacune en faisant une analyse équilibrée et objective des questions de S. et T. dont serait saisi le Parlement. Son service ferait des enquêtes sur les volets de la politique publique qui sont avant tout fondés sur les sciences et la technologie, comme l’agriculture, la défense, les transports, l’environnement et la santé, et fournirait aux parlementaires de l’information sur les questions relevant des sciences pures et de la recherche fondamentale. Ses rapports seraient publiés.

Recommandation 3

            Le premier ministre, après consultation des partis d’opposition, devrait nommer un expert scientifique en chef qui aurait pour mandat d’informer et de conseiller les parlementaires à l’égard des questions de sciences et de technologie dont le Parlement serait saisi.

Critères transparents pour le financement de la recherche scientifique

            L’Alliance canadienne a toujours cru qu’il importait d’investir des fonds publics dans la S. et T. Les conseils subventionnaires ont à ce chapitre une excellente feuille de route, que nous saluons. Or, pour créer un environnement global plus propice à l’innovation, les investissements en sciences et en technologie doivent être transparents, s’inscrire dans un cadre d’action en S. et T. plus vaste et être accompagnés de baisses d’impôts.

            Les députés alliancistes craignent que le gouvernement actuel ne choisisse de dépenser les deniers publics sans élaborer de politique exhaustive et à long terme en matière de S. et T. et sans se soucier de savoir si ses programmes de dépenses porteront fruit. Par exemple, comme la stratégie de marquage actuellement appliquée par Industrie Canada n’a pas été rendue publique, nous n’avons aucun moyen de savoir si elle est une réussite ou un échec. De plus, le fait que le gouvernement choisisse lui-même les projets de recherche scientifique qu’il subventionnera ou ne subventionnera pas est de nature à créer des complications, d’autant plus qu’à ce chapitre, son dossier n’est pas reluisant et que le favoritisme politique a toujours parasité ses programmes de dépenses.

            Plusieurs projets de « mégascience » sont actuellement financés ou cherchent à se faire financer par le gouvernement fédéral. Ces projets doivent bénéficier d’énormes capitaux de premier investissement et être régis par des plans à long terme pour pouvoir demeurer concurrentiels, conserver l’appui des investisseurs et employer beaucoup de scientifiques. Il s’agit du projet de rayonnement synchrotron, du détecteur de neutrinos de Sudbury, du Centre canadien de neutrons, de Génome Canada, du projet d’Iter, et de bien d’autres.

            L’Alliance voit mal par quel processus décisionnel — si tant est qu’il y en ait un — le gouvernement décide d’appuyer un projet de mégascience plutôt qu’un autre, car aucun critère ne semble présider à ces choix.

            Le ministre de l’Industrie, Brian Tobin, a d’abord dit au Comité que les décisions visant les projets de mégascience étaient prises ailleurs qu’au Cabinet et étaient basées sur les conseils donnés par des agences telles que le CNRC ou le CRSNG. En effet,

« Toutes les décisions concernant l'ensemble de ces programmes sont prises indépendamment de ma personne, des membres du cabinet, des députés du Parlement et du gouvernement en général. Évidemment, cela appelle un autre débat que nous pourrions avoir. Je pense qu'il faut une certaine modération et une certaine détermination, lorsqu'on a des fonds, comme c'est le cas au cours de la présente année financière — fonds que nous pourrions utiliser en grande partie d'une part pour réduire la dette ou d'autre part pour faire des investissements stratégiques — pour résister à la tentation de se lancer à la dépense et de donner le feu vert à tous les projets que les députés, moi compris, souhaiteraient proposer. Au lieu de cela, nous pourrions demander à un panel d'experts — dans le cas de Génome Canada, un panel constitué de spécialistes internationaux — de nous fournir leur meilleur avis en se fondant sur les demandes présentées pour nous aider à déterminer où ces investissements stratégiques devraient se faire au Canada. » (IST, réunion # 3)

Mais le ministre a ajouté ce qui suit, sur le même sujet :

« Ce sont là des décisions qui seront prises par le cabinet spécifiquement parce qu'il s'agit de grands projets uniques. » (IST, réunion # 3)

            L’Alliance est d’avis qu’il est mauvais de prendre les décisions relatives aux projets de mégascience au cas par cas et selon des critères potentiellement entachés de favoritisme. Si ces décisions devaient respecter des critères clairs, scientifiques et parlementaires pourraient faire leur travail beaucoup plus facilement. Lorsqu’il s’est penché sur la question (en décembre 2000), le vérificateur général a découvert que le gouvernement ne s’est doté d’aucune structure pour gérer l’approbation des projets de mégascience relevant de plusieurs ministères et agences, leur mise à exécution et la reddition de comptes en ce qui les concerne. Maintenant que la cartographie génomique nous fait entrer dans la prochaine génération de recherches en santé, et comme nous voulons convaincre plus d’investisseurs étrangers en sciences et technologie à placer leurs capitaux et à faire effectuer leurs recherches au Canada, il est certain que le financement des projets de mégascience va continuer de susciter des pressions.

Recommandation 4

            L’Alliance canadienne croit, comme le vérificateur général, qu’il faut établir un cadre de gestion des grands projets scientifiques. Ce cadre devrait comporter, sans s’y limiter, une analyse coût-avantage complète et publique faite par une agence non gouvernementale et un comité de pairs et situant les projets dans le contexte des priorités du Canada en matière de sciences et de technologie; des évaluations de l’impact des projets sur les collectivités; des séances d’information sur leur nature scientifique données par le bureau de l’expert scientifique en chef du Parlement; l’établissement d’une structure de responsabilisation claire et la publication de rapports annuels.

Conclusion

            Le Canada pourrait être un chef de file mondial en fait d’innovation et d’entrepreneuriat et dans le domaine des sciences et de la technologie, mais cela n’arrivera que si le gouvernement change radicalement sa façon d’élaborer la politique publique en la matière. Pour résoudre nos problèmes très réels à ce chapitre, le gouvernement devrait abaisser les taux de l’impôt sur le revenu des particuliers et de l’impôt sur les sociétés, veiller à ce que le financement de la R. et D. obéisse à un plan financier à long terme contraignant et élaborer des critères clairs régissant le choix des projets de mégascience à appuyer.

            Nous devons faire en sorte que les États-Unis et d’autres pays ne prennent pas encore plus d’avance sur le Canada sur le plan de la productivité. Le gouvernement doit faire certaines choses très précises pour que l’innovation et la S. et T. en viennent à constituer une part importante de l’économie canadienne. Les Canadiens ont des possibilités phénoménales dans ce domaine et relèveraient le défi avec succès s’ils bénéficiaient de l’environnement voulu.

            L’Alliance canadienne espère que le gouvernement trouvera le courage de s’attaquer aux problèmes de la faible productivité et du manque d’innovation qui sévissent au Canada. Il ne pourra toutefois pas le faire s’il persiste à nier ses erreurs à cet égard. Il est temps pour le gouvernement d’innover vraiment en dotant le pays d’une politique de S. et T. efficace au lieu de s’en tenir aux programmes de dépenses conventionnels. Une baisse des impôts, la création du poste d’expert scientifique en chef au Parlement et un processus transparent d’investissement public en S. et T. l’aideraient beaucoup à retrouver la confiance des entreprises et investisseurs canadiens et à raviver l’esprit d’aventure et de découverte sur lequel notre pays est bâti.

Charlie Penson, député
James Rajotte, député