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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 juin 2001

• 0909

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous étudions le projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois.

Nous recevons ce matin trois groupes de témoins. Nous entendrons, du Groupe Investissement Responsable, M. Eric Steedman; de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, M. Réjean Bellemare, conseiller du syndicat; de Démocratie en surveillance, M. Duff Conacher, son coordonnateur.

Je propose que chaque témoin fasse son allocution liminaire, qu'il se limite à cinq minutes, après quoi nous passerons aux questions.

Je cède la parole à M. Steedman.

M. Eric Steedman (Groupe Investissement Responsable): Merci.

Je tiens à remercier le comité d'avoir accepté d'entendre ce matin le Groupe Investissement Responsable. Nous formons une société de consultation basée à Montréal qui oeuvre dans le domaine de l'investissement social, surtout auprès des investisseurs institutionnels.

• 0910

Nous approuvons le projet de loi sous sa forme actuelle, et nous félicitons le comité d'avoir décidé d'améliorer les dispositions relatives aux propositions d'actionnaires et à la sollicitation de procurations. Nous estimons que c'est un grand pas en avant pour la démocratie de l'actionnariat au Canada. En outre, nous croyons que ces mesures reflètent l'évolution des perspectives et des attentes des actionnaires du Canada.

À ce propos, je prie le comité de se reporter au mémoire qui lui a été adressé par la Shareholder Association for Research and Education, connue également sous le nom de SHARE. SHARE a envoyé son mémoire au greffier le 27 février, et l'on y trouve une description détaillée de la disposition que propose SHARE. SHARE est un groupe avec lequel nous travaillons en étroite collaboration, et nos opinions sur ce projet de loi sont très semblables.

Deuxièmement, et enfin, je prie également le comité de consulter le rapport qui a été commandé par la Canadian Democracy and Corporate Accountability Commission, que préside Ed Broadbent. Je sais que cette commission a déployé de grands efforts partout au pays pour entendre les vues des nombreuses personnes qui s'intéressent aux investissements sociaux. Nous sommes d'avis que les constatations de la commission seront d'un grand intérêt pour votre comité, au sujet de cette question et des autres qui pourraient influencer la refonte de ce projet de loi à l'avenir.

La présidente: Avez-vous bien dit que vous aviez envoyé un rapport au greffier sur...

M. Eric Steedman: Oui. L'auteur n'était pas Groupe Investissement Responsable, mais plutôt un groupe affilié au nôtre qui s'appelle SHARE—le Shareholder Association for Research and Education. Il a été renvoyé le 27 février de cette année et adressé au sénateur Leo Kolber, mais on en a envoyé également une copie au greffier.

La présidente: Ce rapport a-t-il été envoyé au greffier du comité sénatorial?

M. Eric Steedman: Je crois savoir qu'il a été envoyé au greffier de votre comité. J'en ai une copie avec moi aujourd'hui.

La présidente: D'accord, monsieur le greffier, si vous voulez bien y jeter un coup d'oeil... Merci.

M. Eric Steedman: Je vous en prie.

La présidente: Réjean Bellemare, s'il vous plaît.

[Français]

M. Réjean Bellemare (conseiller syndical, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)): Bonjour. Dans un premier temps, je remercie le comité d'avoir invité la FTQ à se présenter devant lui.

La FTQ représente 500 000 travailleurs et travailleuses au Québec, dans différentes parties des secteurs public et privé.

On s'intéresse particulièrement aux questions des entreprises et de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. On a mis en place notre fonds de solidarité dans les années 1980, au moment d'une crise économique majeure. On voyait très souvent les entreprises fermer en raison de la crise économique, sans égard à ce qui se passait dans la société dans laquelle elles avaient évolué pendant des années. Notre réponse, à ce moment-là, a été la création du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. La création de ce fonds de solidarité n'était pas une réponse syndicale au départ, celle de dire qu'on allait investir dans les entreprises, mais pour nous, ça l'était. Comme citoyen corporatif, on voulait s'intégrer dans la société et travailler à son développement. On pensait que certaines entreprises pouvaient le faire aussi. On pouvait le faire, entre autres, avec ce que j'aime appeler du capital de risque autochtone, du capital qui reste au Québec et qui est là pour le développement des emplois au Québec et de la société du Québec.

À ce sujet, je mentionnerai que, même si on est en faveur du projet de loi et qu'on souhaite son adoption, la loi telle qu'elle est présentement ne nous semble pas contenir suffisamment d'indications pour permettre aux administrateurs des compagnies de tenir compte de leurs partenaires sociaux lors de leurs décisions au conseil d'administration. À mon point de vue, le terme anglais stakeholders décrit très bien cela. Les stakeholders dans une compagnie sont les travailleurs, la société, la population et les fournisseurs. Ce sont tous des gens qui sont affectés par les décisions des entreprises, et un administrateur d'une entreprise qui voudrait tenir compte de ces stakeholders aurait peut-être de la difficulté à s'appuyer sur la loi telle qu'elle est écrite actuellement pour le faire.

Nous applaudissons cependant toute la question de la démocratisation des entreprises en termes d'accès à des propositions d'actionnaires, de facilitation de la soumission de propositions d'actionnaires, de possibilités pour les actionnaires d'échanger entre eux de l'information. À notre point de vue, il s'agit d'améliorations importantes.

• 0915

Cependant, pour faciliter davantage les propositions d'actionnaires et la démocratisation de l'entreprise, on aurait aimé qu'il y ait un processus d'arbitrage lorsqu'une entreprise refuse de soumettre une proposition aux actionnaires. Je sais que des discussions ont cours sur des comités d'arbitrage possibles, mais on n'en parle pas présentement dans la loi. Il aurait été intéressant qu'on en parle.

Il aurait aussi été intéressant que, dans le cas d'une entreprise qui refuse de soumettre une proposition d'actionnaires, le fardeau de la preuve soit clairement à la charge de l'entreprise, qui devrait expliquer pourquoi elle refuse cette proposition d'actionnaires. C'est dans la loi, mais ce n'est pas très clair, et on aurait aimé que ça soit un petit peu plus clair.

Finalement, la loi indique que, par règlement, on va stipuler qui peut soumettre des soumissions, le nombre d'actions nécessaires et depuis combien de temps on doit les avoir. Même si on a entendu dire que les règlements pourraient être assez légers et permettre facilement l'accès, on aurait préféré que ces normes soient inscrites dans la loi.

De façon générale, on remarque quelques absences dans le projet de loi, mais on est en faveur de la loi.

Nous avons aussi travaillé avec Shareholder Association for Research and Education, une filiale de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique avec laquelle on échange très souvent des points de vue. Je vous invite donc, comme mon confrère, à jeter un coup d'oeil sur le mémoire de SHARE.

Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Merci, monsieur Bellemare.

[Traduction]

Nous allons maintenant entendre Démocratie en surveillance, M. Duff Conacher.

M. Duff Conacher (coordonnateur, Démocratie en surveillance): Merci beaucoup. Je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre aujourd'hui.

Je représente aujourd'hui la Corporate Responsability Coalition, qui se compose de 32 groupes de citoyens établis dans cinq provinces. La coalition comprend 18 groupes nationaux et représente au total plus de 2 millions de Canadiens.

La coalition s'inquiète de voir le projet de loi S-11 adopté sous sa forme actuelle, essentiellement parce qu'elle estime que le gouvernement fédéral n'a tenu aucun compte des préoccupations des citoyens relativement aux agissements répréhensibles et à l'irresponsabilité des entreprises. Ces préoccupations ont été très clairement exprimé lors d'un sondage mené par Environics International, qui a interrogé 1 000 citoyens dans 23 pays, sur six continents, en mai 1999.

Les Canadiens comptent parmi les premiers au monde à réclamer des entreprises responsables, se classant juste derrière l'Australie, en ce qui concerne les agissements répréhensibles des entreprises, et ils tiennent à ce que celles-ci n'aient pas pour objectif principal de faire des profits, de payer des impôts ou de créer de l'emploi, mais d'établir des normes de déontologie supérieures à ce qu'exige la loi et de s'employer à bâtir une meilleure société pour tous. Il s'agit d'un phénomène mondial, mais encore là, le Canada venait derrière l'Australie, parmi les 23 pays où ce sondage a été fait. Les Canadiens étaient ceux qui exprimaient les plus grandes préoccupations, et ils étaient les plus nombreux à exiger que les entreprises s'emploient activement à bâtir une meilleure société pour tous.

Comment y parvenir? Nous croyons que la meilleure façon de procéder consiste à modifier au départ la Loi canadienne sur les sociétés par actions et ensuite les lois semblables au niveau provincial, mais également les lois connexes au niveau fédéral.

J'espère que vous avez reçu la lettre que je vous ai envoyée. Je ne sais pas si elle a été traduite et si elle vous a été remise, mais si ce n'est pas le cas, j'espère que vous la recevrez avant que vous n'acheviez votre étude du projet du loi. C'est en partie pourquoi je suis ici aujourd'hui. Je prie le comité d'augmenter le nombre de ses audiences et de voyager dans le pays pour s'assurer que les Canadiens soient entendus.

Chose certaine, la Corporate Responsibility Coalition n'a pas été entendue. L'ancien ministre de l'Industrie, John Manley, a refusé de rencontrer les représentants de la coalition, et l'actuel ministre de l'Industrie, Brian Tobin, que nous demandons à rencontrer depuis trois mois, n'a même pas répondu en dépit du fait que la coalition représente plus de deux millions de Canadiens et 32 groupes de citoyens de toutes les régions du pays.

En outre, Industrie Canada a procédé à des consultations très imparfaites et antidémocratiques au sujet de la question des administrateurs de sociétés et des cadres qui doivent prendre en compte les intérêts des intéressés, question qui a déjà été soulevée aujourd'hui par le représentant de la FTQ. Cette consultation se résumait à une lettre qui a été envoyée en juillet 1998 à plus de 1 700 sociétés, associations de sociétés et avocats d'affaires, mais à seulement 41 groupes de citoyens.

• 0920

Industrie Canada a décidé de ne pas inclure dans le projet de loi S-11 une mesure obligeant les sociétés à prendre en compte les intérêts des intéressés, étant donné que cette lettre n'a reçu que 68 réponses, dont quatre seulement provenaient de groupes de citoyens, alors que 29 provenaient de sociétés, huit d'associations de sociétés et 15 d'avocats d'affaires.

Essentiellement, le gouvernement fédéral n'a tenu aucun compte du fait que les Canadiens réclament des lois vigoureuses pour contrer l'irresponsabilité des entreprises, et s'est incliné devant le puissant lobby d'une coalition d'entreprises qui comprend Alcan, BCE, Imperial Oil, NOVA Corporation, Northern Telecom, TransAlta Utilities Corporation et quelques grands cabinets d'avocats d'affaires. Nous exigeons que l'on tienne compte des préoccupations des citoyens, et que le projet de loi soit modifié avant d'être adopté.

J'aimerais parler de quelques autres mesures, en ce qui concerne les propositions des actionnaires, qui ont été abordées par les deux autres témoins aujourd'hui. L'une porte expressément sur la création d'un tribunal distinct qui pourrait entendre des causes lorsque les sociétés rejettent les propositions d'actionnaires. En outre, même si on nous a expliqué que l'actuel projet de loi inverse le fardeau de la preuve et l'impose aux sociétés, et les obligera à prouver qu'une proposition d'actionnaire ne répond pas aux normes requises pour la distribution d'une telle proposition, ce n'est pas mentionné explicitement dans le projet de loi.

Nous exigeons un amendement: à savoir, que la loi oblige explicitement l'entreprise à prouver que la proposition d'actionnaires n'a aucun lien avec les activités de l'entreprise. Dites-le explicitement. Ne laissez pas aux tribunaux le soin d'interpréter si le fardeau de la preuve a bel et bien été inversé.

Nous nous préoccupons essentiellement des intérêts des intervenants. Or, ce projet de loi est muet à cet égard. Tout d'abord, nous voulons qu'on y ajoute une condition obligeant les administrateurs à prendre en compte les intérêts des intervenants, lorsqu'ils prennent des décisions, et à rendre compte publiquement de la manière dont ils ont pris leur décision. Deuxièmement, Nous voulons que l'on accroisse considérablement les exigences relatives aux communications, et qu'un seul site Web soit créé par le gouvernement fédéral, où l'on pourrait faire des recherches sur toutes les sociétés. Nous voulons que tous les cas d'inobservation soient révélés, que l'on précise toutes les lois auxquelles elles sont obligées de se conformer, qu'il s'agisse des lois fiscales, environnementales ou ouvrières.

En outre, nous voulons que leurs activités à l'étranger soient révélées, de telle sorte que les gens puissent retracer plus aisément la source des produits qu'ils achètent.

Nous voulons aussi que l'on protège tous les dénonciateurs qui sont à l'emploi des entreprises. C'est une disposition qui existe maintenant dans quelques lois, mais nous accusons beaucoup de retard par rapport aux États-Unis, où cette disposition figure dans un éventail de lois beaucoup plus large. Si l'on veut protéger tous les employés des entreprises dans tous les cas d'agissements répréhensibles, le plus simple est d'avoir une disposition protégeant les dénonciateurs dans toutes les sociétés visées par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Nous voulons aussi alourdir les peines en cas d'agissements répréhensibles des entreprises, y compris le recours aux marchés publics. L'impartition et les subventions devraient être interdites aux entreprises qui récidivent. L'administration achète beaucoup de produits et de services et pareille interdiction pourrait efficacement inciter les entreprises à agir de façon responsable.

Parallèlement à la LCSA, nous aimerions qu'on apporte des modifications au Code criminel, comme d'autres l'ont réclamé récemment, en particulier par suite de la situation causée par la catastrophe de la mine de Westray. Il faudrait également modifier les normes de la responsabilité pénale des entreprises, dans le cadre des mesures sur la responsabilité sociale.

Nous estimons également que les intéressés devraient avoir le droit d'entreprendre l'examen de l'ensemble des activités d'une entreprise et que les membres du conseil d'administration soient tenus de tenir compte les intérêts des intéressés.

Enfin, nous souhaitons que le projet de loi soit modifié pour exiger que les entreprises soumises à la LCSA, joignent un feuillet au document qu'elles envoient chaque année aux actionnaires. Ils y seraient invités à se joindre à une association d'actionnaires en échange d'un droit d'adhésion annuel modique. Ce sera un point de convergence où l'actionnaire pourrait trouver des renseignements et de l'aide relativement à ses droits, ce qui comblerait une lacune créant à l'heure actuelle pour l'actionnaire placé devant plus d'un millier de fonds communs de placement et un vaste éventail d'instruments de placement, mais qui ne sait où s'adresser pour obtenir de l'aide pour faire des comparaisons ou formuler une plainte.

• 0925

Pourquoi réclamons-nous ces mesures, en particulier celles qui concernent les intéressés? Simplement parce que les mesures qui ont quelque peu abaissé les obstacles aux propositions des actionnaires, les changements qui ont été apportés à la Loi canadienne sur les sociétés par actions dans le projet de loi S-11, n'aideront en rien les citoyens qu'inquiètent des sociétés comme General Motors du Canada, Ford Motor du Canada, Toyota, Honda, Chrysler, Volkswagen, IBM, Hewlett-Packard, Mobil Oil, Amoco, Chevron, Imperial Oil, Husky Oil, McCain Foods, les restaurants McDonald, Zellers, Cargo, Monsanto, Canadian Pacific, General Electric, Bayer, Merck Frosst, Glaxo Wellcome, Puralator et 3M Canada, pour n'en citer que quelques-unes au Canada qui sont des filiales à part entière d'entreprises étrangères ou canadiennes. Elles n'appartiennent donc qu'à un seul actionnaire, une autre entreprise, et cet actionnaire n'a pas besoin que les obstacles soient levés dans le cas des propositions venant des actionnaires pour exiger des comptes de sa filiale.

Les Canadiens, ont besoin d'autres mesures, car ils ne sont que des intéressés et n'ont ni le droit ni la possibilité d'acheter des actions, de devenir actionnaires, et d'utiliser le mécanisme de propositions qui est à leur disposition. C'est donc dire qu'en se contenant de lever les obstacles aux propositions des actionnaires ou ne responsabilisera que très peu les entreprises au Canada. C'est pourquoi notre association invite le comité, le Parlement et le gouvernement à modifier le projet de loi pour inclure des mesures relatives aux droits des intéressés dans le projet de loi S-11 avant son adoption par le Parlement.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Conacher.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, AC): Je n'ai pas de questions, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Un de mes collègues qui n'est pas ici ce matin, Stéphan Tremblay, a suivi ce dossier avec beaucoup d'attention. Une des préoccupations qui l'habitent, c'est que beaucoup de choses seront définies par voie réglementaire et ne seront pas incluses dans la loi, dont toute la question des délais, du nombre de jours requis et ainsi de suite.

Il y a un projet de règlement qui existe. Est-ce que vous êtes satisfaits du projet de règlement ou si vous préféreriez que ces choses soient dans la loi afin que les modifications à ces choses doivent passer par le processus législatif habituel?

M. Réjean Bellemare: Comme je le mentionnais plus tôt, de mon côté, je préférerais que ce soit dans la loi. Cependant, on est au courant du règlement et on est assez satisfaits de ce qu'il y a dedans. C'est la façon de modifier ce règlement qui nous inquiète un peu. C'est moins public et cela peut se faire sous toutes sortes de pressions. Donc, on aurait préféré que ce soit dans la loi et qu'il y ait un véritable débat public. On pense que ce sont des règlements importants. Malgré tout, on appuie le projet de loi. Nous croyons qu'il vaut mieux qu'il y ait la loi et les règlements, que pas de loi du tout.

[Traduction]

M. Duff Conacher: Nous avons toujours estimé, surtout en ce qui concerne les droits des participants qui ont beaucoup plus de mal à faire du lobbying, de s'organiser et d'exercer des pressions, que ces droits devraient figurer dans la loi elle-même, encore une fois pour qu'un examen public ait lieu si l'État décide de capituler et d'élever à nouveau les obstacles aux propositions des actionnaires. Si c'était dans la loi, plutôt que dans les règlements, cette marche arrière serait beaucoup plus publique.

[Français]

M. Pierre Brien: Monsieur Conacher, je n'ai pas bien compris la fin de votre présentation, quand vous parliez de compagnies à actionnaire unique. Il n'y aura pas plus de possibilités d'exercer des pressions sur elles. Quelle est votre suggestion précise quant à ces compagnies qui sont détenues par un actionnaire unique, étranger ou autre?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Encore une fois, parce que ces entreprises sont des filiales à part entière, et n'ont qu'un seul actionnaire, la société mère, il n'y a pas d'actionnaires, que ce soit des caisses de retraite ou des particuliers, qui puissent présenter des propositions pour corriger ce que les intéressés peuvent estimer être des agissements répréhensibles de la part des entreprises, tout simplement parce qu'il n'y a pas d'actions à vendre, la filiale appartenant à 100 p. 100 à la société mère. C'est pourquoi nous réclamons des mesures pour protéger les droits des intéressés, comme exiger que les membres du conseil d'administration tiennent compte des intéressés. Cela s'appliquerait à ces entreprises. Elles sont assujetties à la LSCA. Il faut aussi divulguer le bilan de conformité de l'entreprise, protéger les dénonciations des employés et alourdir les peines en cas d'agissements répréhensibles des sociétés.

• 0930

Toutes ces mesures sont nécessaires pour relever les normes de la responsabilité des entreprises et les amener à agir de façon responsable. Elles ne sont pas assujetties aux pressions des actionnaires. Les entreprises réclament sans cesse l'égalité des chances et pour les obliger à agir de manière responsable, il faut instaurer ces mesures à l'intention des intéressés. Nous réclamons l'égalité des chances mais à un niveau plus élevé de citoyenneté et de responsabilité sociale pour toutes les entreprises assujetties à la LCSA, et non seulement celles qui sont cotées en Bourse.

[Français]

M. Pierre Brien: Je vais réfléchir à voix haute et demander l'opinion de tout le monde.

Je me rappelle un problème qu'on a eu récemment chez nous. Une compagnie américaine qui était actionnaire dans un projet voulait envoyer les déchets de Toronto dans le nord de l'Ontario, à la frontière du Québec. Il était très difficile d'avoir accès à cette compagnie ou d'essayer de comprendre ce qui se passait dans cette compagnie, qui était accusée de toutes sortes de choses partout dans le monde.

Ne croyez-vous pas que les compagnies dans certains domaines, comme le domaine environnemental, devraient être des compagnies publiques? Serait-il indiqué d'interdire que ces compagnies soient contrôlées par un seul actionnaire? On pourrait dire aux gens qu'ils peuvent opérer dans ce secteur, mais qu'un certain pourcentage des actions de leur compagnie doit être détenu par le public pour faire en sorte que des mécanismes comme celui du projet de loi actuel puissent être efficaces. On pourrait exercer des pressions sur ces gens afin de les rendre un peu plus socialement corrects.

[Traduction]

M. Duff Conacher: Même dans ce cas, les propositions des actionnaires ne seront qu'une stratégie très ponctuelle pour faire en sorte que les entreprises agissent de façon responsable, parce qu'il n'y a pas guère de moyens à consacrer à un grand nombre de propositions chaque année. Il faut beaucoup de temps et d'efforts pour présenter une proposition et la faire cheminer jusqu'à l'assemblée générale. C'est pourquoi il vaut beaucoup mieux, selon nous, modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions et exiger que toutes les entreprises soient à l'écoute des intéressés, et aient à répondre publiquement de la manière dont elles s'y prennent. Vous les obligerez ainsi à agir de façon responsable.

La loi les oblige actuellement à ne tenir compte en fait que des résultats et à faire apprécier les parts des actionnaires. À moins qu'il y ait une loi environnementale ou ouvrière qui les oblige à tenir compte d'autres considérations, elles n'ont qu'à défendre l'intérêt strict des actionnaires sans s'occuper des autres intéressés.

C'est selon nous la façon la plus systématique de relever le niveau de responsabilité des entreprises canadiennes, comme d'autres pays l'ont fait. L'Angleterre, par exemple, exige que les entreprises tiennent compte des intérêts des employés. Le Connecticut oblige les membres du conseil d'administration à tenir compte des intérêts de tous les intéressés, et la moitié des États américains autorisent les membres du conseil d'administration à tenir compte des intérêts des intéressés. Le Canada est donc à la remorque d'autres pays en la matière. Comme je l'ai dit, Industrie Canada a tout simplement fait la sourde oreille aux préoccupations des citoyens et des groupes de citoyens lors des consultations sur le sujet.

M. Eric Steedman: J'ajouterai que si vous examinez ce qui s'est passé aux États-Unis, où les intéressés ont de plus longs antécédents de militantisme, et le précédent des réformes juridiques par la Securities Exchange Commission, qui a, je crois, servi de précédent aux mesures contenues dans le projet de loi S-11, il y a eu beaucoup d'échanges entre actionnaires. La question de communiquer avec les entreprises ou d'appliquer des pressions des actionnaires sur les entreprises basées aux États-Unis ou ailleurs, suppose de plus nombreuses consultations internationales entre actionnaires, pour que leurs voix soient entendues.

• 0935

[Français]

M. Pierre Brien: Ma préoccupation porte sur les situations où il n'y a qu'un actionnaire unique, if there is only one shareholder.

M. Eric Steedman: Quand il n'y a qu'un seul actionnaire, comme dans le cas d'une compagnie privée, il est bien difficile de trouver un moyen d'appliquer des pressions d'actionnaires.

M. Pierre Brien: Ce n'est pas ma question. Est-ce qu'il n'y a pas des secteurs d'activité dans lesquels on pourrait interdire aux compagnies d'être des compagnies privées, exiger qu'elles soient des compagnies publiques avec des actionnaires?

M. Eric Steedman: C'est une question de réglementation et non de loi.

M. Réjean Bellemare: Je n'ai pas vraiment réfléchi sur des secteurs particuliers. Tout ce que je peux ajouter à ce qui a déjà été dit—et je partage le point de vue de M. Conacher—c'est qu'on devrait permettre aux directeurs d'entreprises, comme je l'ai mentionné dans ma présentation, de tenir compte de l'intérêt des autres partenaires. À titre d'exemple, depuis sa création, le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec fait un bilan social des entreprises pour savoir comment elles traitent les autres partenaires de la société, les employés, la pollution, etc.

Donc, on pense que ça devrait être là. Est-ce que ça devrait être là sous forme de réglementation particulière pour certains secteurs de l'industrie? Je n'ai pas poussé très loin ma réflexion à ce sujet.

M. Eric Steedman: Une idée serait peut-être de regarder ce qui s'est fait en Grande-Bretagne. Il y a eu une étude là-dessus, le rapport Turnbull. C'est une étude sur la responsabilité des directeurs qui siègent aux conseils d'administration de toutes les sociétés, publiques et privées, qui ont un seul actionnaire.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci beaucoup pour vos présentations.

Je veux revenir sur la question des règlements et sur le fait que certains éléments sont inclus dans le règlement plutôt que dans la loi, comme cela se fait traditionnellement.

Moi aussi, je crois que les questions de principe devraient se trouver dans la loi. Toutefois, mon expérience avant de devenir politicienne m'a amenée à voir l'utilité, à certaines occasions, que des choses soient dans les règlements, parce que le processus d'amendement d'un règlement est beaucoup plus rapide. Le législateur et les fonctionnaires peuvent agir beaucoup plus rapidement lorsque c'est dans les règlements.

Parmi les points que vous avez soulevés, il y avait, par exemple, les délais. Si les délais se trouvaient dans la loi habilitante et qu'on jugeait qu'ils ne sont pas satisfaisants, par exemple qu'ils sont trop longs ou trop courts, cela pourrait nous prendre quelques années pour corriger la situation. Quand les délais sont prévus dans le règlement, cela permet d'en faire l'expérience et de voir s'ils sont satisfaisants. S'il ne le sont pas et s'il existe de bons motifs pour les modifier, avec le consentement des stakeholders évidemment, on peut les modifier rapidement au lieu de passer une autre fois par tout le processus parlementaire.

Je n'ai pas de questions à vous poser là-dessus. Je vous demande simplement de retenir cela comme un élément ou comme un motif pour justifier que certaines choses soient dans les règlements. Je trouve que ce n'est pas bête d'évoluer un peu dans le cadre législatif, dans la façon dont on élabore les lois et les règlements, et la fonction de chacun.

Monsieur Conacher, vous avez dit que plusieurs personnes intéressées n'avaient pas été invitées à participer à la consultation. Est-ce que ces organismes ont eu l'occasion de faire leurs représentations lors des consultations du comité permanent du Sénat?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Votre comité ne parcourt pas le pays, pas plus que ne l'a fait le comité du Sénat. Cela exclut beaucoup de gens au pays. Pour cette raison, et à cause des consultations non démocratiques et imparfaites d'Industrie Canada sur la question d'obliger les conseils d'administration à tenir compte des intéressés, beaucoup de groupes de citoyens ont été exclus des consultations sur ce projet de loi. Comme les sondages nous disent que le Canada est un pays où on se préoccupe beaucoup du manque de responsabilité des entreprises, le gouvernement a fait la sourde oreille aux inquiétudes des citoyens et il n'aborde pas ces questions dans ce projet de loi, qui est la plus importante pour les entreprises canadiennes au niveau fédéral parce qu'elle s'applique à toutes. C'est le texte qui détermine la «citoyenneté» des entreprises qui veulent être constituées au niveau fédéral.

• 0940

Si le projet de loi S-11 est adopté tel quel, avec ces modifications, le Canada restera loin derrière les autres pays pour ce qui est de remédier aux problèmes de l'irresponsabilité des entreprises.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci.

Étant donné les commentaires, observations et conclusions que vous avez faits, puis-je présumer que vous n'appuyez pas ce projet de loi, que si ce projet de loi demeure substantiellement dans son état actuel, Democracy Watch, Démocratie en surveillance, sera contre ce projet de loi?

[Traduction]

M. Duff Conacher: Oui, la coalition s'oppose au projet de loi, je le répète, parce qu'on a omis de remédier à de nombreux problèmes fondamentaux.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci.

Monsieur Bellemare, ai-je raison de présumer que, si jamais les suggestions ou les recommandations que vous avez formulées au nom de la FTQ ne se retrouvaient pas sous forme d'amendements à ce projet de loi avant son adoption, la FTQ appuierait le projet de loi malgré tout?

M. Réjean Bellemare: Oui. On pense que c'est déjà un pas dans la bonne direction, bien qu'on partage une bonne partie des craintes que M. Conacher a exprimées, entre autres sur l'accès qu'on donne aux stakeholders dans les décisions corporatives au Canada. Donc, il y a un pas de fait, mais ce n'est pas suffisant. On pense que des amendements pourraient y être apportés, mais on aimerait quand même que ce projet de loi soit adopté. Ce serait au moins ça de fait, et on pourrait travailler sur ce qui reste à faire.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup. J'ai terminé, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Jennings.

M. Penson ou M. Brien, avez-vous d'autres questions? Non?

Monsieur Bélanger, s'il vous plaît.

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur Conacher, avez-vous témoigné devant le comité sénatorial à ce sujet?

M. Duff Conacher: Oui.

M. Mauril Bélanger: Avez-vous fait des progrès d'une manière ou d'une autre?

M. Duff Conacher: Nos préoccupations tenaient en partie aussi aux mesures relatives aux intéressés dont j'ai parlé. Pour ce qui est des considérations que doivent prendre en compte les administrateurs ou les cadres lorsqu'ils étudient une proposition et lorsqu'ils la distribuent, les obstacles ont été un peu abaissés.

Encore une fois, comme je l'ai dit, Industrie Canada nous a dit que le fardeau de la preuve sera inversé si une entreprise rejette une proposition, et si l'actionnaire doit s'adresser aux tribunaux pour contester ce rejet. On nous a dit que le fardeau de la preuve sera inversé, et il appartiendra à l'entreprise de prouver que la proposition ne présente aucun lien important avec les activités de l'entreprise, ou qu'elle est exclue pour une autre raison justifiable.

Nous ne voyons rien de tel dans le projet de loi. Nous aimerions que ce soit dit explicitement. C'est le seul domaine où il y a eu progrès. Encore là, je le répète, cela veut dire qu'un certain nombre d'entreprises réglementées par le fédéral, qui sont constituées en sociétés au niveau fédéral, ne se verront imposer aucune obligation supérieure relativement à la citoyenneté ou à la responsabilité étant donné que ce sont des sociétés à 100 p. 100 ou des sociétés privées.

M. Mauril Bélanger: Comment expliquez-vous le fait que des groupes comme SHARE et la FTQ sont favorables à ce projet de loi?

M. Duff Conacher: Je pense que vous avez entendu une expression de soutien très réservée.

M. Mauril Bélanger: Néanmoins, ils y sont favorables.

M. Duff Conacher: Groupe Investissement Responsable ne se préoccupe que des propositions des actionnaires, ni des intéressés, tout comme SHARE. C'est le sort de ces derniers qui nous préoccupe.

M. Mauril Bélanger: Pouvez-vous nous donner la liste de 32 organisations qui forment cette coalition? Je n'ai pas vu votre mémoire, je voudrais donc savoir si cette liste est disponible.

M. Duff Conacher: Oui, la liste accompagnait notre mémoire.

M. Mauril Bélanger: D'accord. Est-il possible d'obtenir le mémoire?

La présidente: Vous l'aurez bientôt. Le mémoire est encore à la traduction. Nous devrions le recevoir bientôt.

M. Mauril Bélanger: J'aimerais le voir.

La présidente: Monsieur Steedman.

M. Eric Steedman: J'aimerais ajouter en réponse à cela que même si nous sommes favorables au projet de loi tel quel, notre position a un côté pragmatique. Nous voulons que le projet de loi soit voté, parce que nous craignons peut-être que des retards supplémentaires n'amènent le gouvernement à rejeter nos propositions.

• 0945

Cependant, je dois dire que la position de M. Conacher suscite notre sympathie pour ce qui est de la perspective d'ensemble. Notre intérêt, comme il le dit bien, vise davantage la démocratie de l'actionnariat.

M. Mauril Bélanger: Je ne manque pas de sympathie pour cela non plus.

Je suis assez nouveau au comité. Je n'ai pas étudié ce projet de loi pendant des années comme certains de mes collègues. J'aimerais bien avoir tout le temps qu'il faut. Mais à un moment donné, si l'on veut fonctionner dans une société, il faut compter sur la capacité qu'ont les autres de faire des choses dont vous êtes incapables. On n'a pas le temps de tout faire.

J'imagine que votre soutien part du même principe. Dans un monde idéal, nous aurions tous tout ce que nous voulons. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Je constate avec le plus grand sérieux que vous avez décidé, à contrecoeur ou non, d'exprimer votre appui au projet de loi tel quel. Je trouve cela très révélateur. J'imagine que vous avez accordé beaucoup d'attention à cette question, plus que moi.

M. Eric Steedman: Oui, c'est exact. Nous appuyons en effet le projet de loi. Nous appuyons assurément la future refonte de la loi. Nous supposons que ce processus sera continu et que beaucoup de questions qui demeurent en suspens seront réglées à l'avenir. Mais nous appuyons effectivement le projet de loi dans sa forme actuelle.

M. Mauril Bélanger: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Bélanger.

Monsieur McTeague, vous avez la parole.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Conacher, je me trouve un peu dans la même situation que M. Bélanger, n'ayant siégé au comité que depuis peu, en ce qui concerne l'étude de ce dossier, qui semble s'éterniser.

Pourriez-vous nous donner une définition de ce qui constitue un intéressé, dans votre esprit?

M. Duff Conacher: Nous sommes disposés à nous en remettre aux tribunaux qui en donneront une définition. Il s'agit simplement d'exiger que les administrateurs des sociétés tiennent compte des intérêts des intéressés quand ils prennent des décisions, de la même manière que les dispositions actuelles l'exigent. Les actionnaires peuvent entreprendre un examen d'une décision prise par une grande société qui a fait l'objet d'une définition par les tribunaux, ainsi que des poursuites qui ont été intentées.

M. Dan McTeague: Je pense que nous comprenons assez bien ce qu'est un actionnaire. Tant qu'un tribunal n'aura pas rendu de décision là-dessus, il serait utile pour certains députés de comprendre le contexte de certaines sociétés que vous avez mentionnées.

Dans votre esprit, l'intéressé que vous avez en tête pourrait- il être un groupe de consommateurs? Songez-vous à un groupe de particuliers qui auraient été lésés, qui peuvent avoir reçu un produit à un prix qui ne leur plaît pas ou bien un produit qui leur aurait susciter des problèmes financiers ou autres?

M. Duff Conacher: C'est également les employés, les collectivités et, parce que l'environnement ne peut pas se défendre lui-même en cour, des groupes d'intéressés qui protesteraient contre la dégradation environnementale causée par une société.

Cette loi n'a pas été modifiée en profondeur depuis 25 ans. Nous trouvons étonnant que lorsque le gouvernement fédéral décide enfin de la modifier, après un processus d'un an, on n'ait pas tenu compte de cette question pourtant essentielle des administrateurs et dirigeants des sociétés qui doivent tenir compte des préoccupations des intéressés.

La question a été soulevée par la Bourse de Toronto et par des comptables agréés. À l'heure actuelle, le droit est très flou dans ce domaine. Les entreprises disent qu'elles veulent que tout soit prévisible et certain. Si l'on se fie à une très ancienne décision rendue dans l'affaire Teck, personne ne sait exactement ce dont les administrateurs de sociétés doivent tenir compte quand ils prennent des décisions et entreprennent des activités. Pourquoi le gouvernement est-il passé par tout ce processus en ne tenant absolument aucun compte de cette question, voilà qui nous rend tout à fait perplexes.

M. Dan McTeague: Pourriez-vous nous donner un exemple d'autres pays qui, à votre connaissance, auraient mis en place un modèle du genre de celui que vous proposez pour ce qui est des droits des intéressés?

M. Duff Conacher: Comme je l'ai dit, en Angleterre, la Loi sur les sociétés exige que les sociétés enregistrées aux termes de la loi tiennent compte des intérêts des employés quand elles prennent des décisions. Dans la moitié des États américains, les administrateurs de sociétés sont autorisés à tenir compte des préoccupations des intéressés. Au Connecticut, les administrateurs des sociétés doivent tenir compte des préoccupations des intéressés.

M. Dan McTeague: Y a-t-il des provinces du Canada qui ont tenu compte de cela, ne serait-ce qu'en partie?

M. Duff Conacher: Non.

M. Dan McTeague: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Madame Torsney, aviez-vous une question?

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): J'ai une question à poser à M. Conacher.

Votre coalition est-elle une organisation nationale?

M. Duff Conacher: La Corporate Responsibility Coalition est une coalition formée de 32 groupes d'un bout à l'autre du pays.

Mme Paddy Torsney: Avez-vous visité les diverses régions du pays pour vous faire une opinion en prévision de votre comparution de ce matin?

M. Duff Conacher: Non. Nous avons voyagé d'un bout à l'autre du pays par des moyens électroniques.

• 0950

Mme Paddy Torsney: Je suppose donc qu'un comité qui inviterait tous les citoyens du pays à faire connaître leurs points de vue pourrait également prétendre avoir effectué des consultations d'un bout à l'autre du pays. On vient de nous remettre des documents formulant le point de vue d'autres personnes sur ce projet de loi et il est donc possible de faire des consultations sans que les comités se déplacent d'un bout à l'autre du pays. C'est bien cela?

M. Duff Conacher: Oui, si les gens pouvaient apprendre d'une façon quelconque que le comité délibère. Mais je doute, compte tenu de l'échéancier, que les gens en aient la possibilité, à moins que vous ne prolongiez les consultations jusqu'à l'automne, ce que je vous exhorte à faire. Continuez à consulter. Rien ne presse. Cette loi n'a pas été modifiée en profondeur depuis 25 ans...

La présidente: Merci, monsieur Conacher.

M. Duff Conacher: ... et quelques mois de plus permettraient aux Canadiens de faire entendre leurs voix. Pour vous, comme comité, cela donne l'impression...

La présidente: Merci, monsieur Conacher; nous avons entendu ce que vous aviez à dire.

Monsieur Bélanger, avez-vous une autre question?

M. Mauril Bélanger: Combien de temps ce projet de loi a-t-il été étudié au Sénat?

La présidente: Ce projet de loi a été étudié plusieurs fois au Sénat. Le Sénat en était saisi il y a plus d'un an. On l'a remis en chantier pour une refonte en profondeur. Il a été présenté de nouveau. Il y a eu des consultations étendues et le Sénat l'étudie depuis le début de la session actuelle. Il a été renvoyé à notre comité.

Nous avons reçu plusieurs lettres de gens qui appuient fermement le projet de loi; je ne pense pas qu'on ait distribué ces lettres. Leurs auteurs exhortent le comité à adopter rapidement ce projet de loi parce qu'ils ont comparu au Sénat deux fois déjà et ils ne souhaitent pas témoigner de nouveau pour l'appuyer. Les dispositions que nous avons sous les yeux ont été scrutées à la loupe. Évidemment, il subsiste certaines préoccupations qui n'ont pu faire l'objet d'un consensus, et c'est pourquoi ces questions ne figurent pas dans le projet de loi pour l'instant.

M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, avec votre indulgence, pourriez-vous nous expliquer ce que notre comité a eu à voir avec ce projet de loi par le passé, ou avec un projet de loi précédent durant la dernière législature?

La présidente: Ce projet de loi a été étudié au Sénat durant la dernière législature et le Sénat a procédé à de vastes consultations. Il y a eu une refonte en profondeur. Si je comprends bien, c'est la troisième mouture du projet de loi, après des séances de consultation. Des fonctionnaires du ministère témoigneront devant nous et vous pourrez leur poser d'autres questions.

[Français]

M. Pierre Brien: Je ne peux pas laisser passer cela. Je dois faire un commentaire. Madame la présidente, ce n'est pas parce que le Sénat s'est penché sur ce projet de loi pendant un certain temps que cela enlève au Parlement sa responsabilité de le faire, d'autant plus que c'est une institution non élue...

M. Mauril Bélanger: [Note de la rédaction: inaudible].

M. Pierre Brien: Non, non. C'est un commentaire que j'ai déjà entendu en comité, et je ne voudrais pas que les témoins ou les gens aient l'impression que je partage une opinion ou une tendance voulant que, parce que le Sénat a étudié ce projet de loi pendant un certain temps, on n'ait aucune responsabilité ici. Je tenais à clarifier cela.

J'ai une question à poser aux témoins. Même si vous appuyez le projet la loi, partagez-vous le point de vue de M. Conacher, lorsqu'il dit que cela peut attendre à l'automne? Est-ce qu'à votre point de vue, il doit absolument être adopté maintenant? C'est peut-être la dernière semaine où le Parlement siège. Est-ce que ce serait très problématique si on l'adoptait seulement à l'automne?

M. Réjean Bellemare: Si on appuie le projet de loi, c'est qu'on ne veut pas perdre ce qu'on y trouve déjà. On ne voudrait pas retarder son adoption de six mois à un an et risquer d'avoir un recul quant à la loi qui sera finalement adoptée. Si vous me dites que vous allez l'adopter à l'automne seulement pour y ajouter de bonnes choses, on ne sera pas contre. Mais on n'a pas de contrôle là-dessus. Vous en avez plus que moi, mais disons que cela m'inquiéterait un peu. Mais je n'ai rien contre le principe de départ. Si c'est pour une amélioration, quelques mois de plus ne changeront pas grand-chose.

M. Eric Steedman: C'est aussi notre position.

[Traduction]

La présidente: Je voudrais apporter une précision. La présidence ne voulait nullement laisser entendre que nous n'étudions pas les projets de loi. Mais vous devez savoir que tous les témoins qui ont comparu devant le comité sénatorial au sujet du projet de loi S-11 ont été invités à témoigner devant nous. Aucun d'entre eux ne souhaitait comparaître, sauf les trois témoins qui sont présents ce matin. On le leur a demandé deux fois. L'invitation a été réitérée et nous avons reçu plusieurs lettres dont les auteurs disaient qu'ils avaient déjà comparu deux fois et qu'ils ne souhaitaient pas le faire de nouveau. Ils sont convaincus de la valeur du projet de loi, d'après ce qu'ils disent dans leur lettre d'appui. Je ne peux pas forcer les gens à comparaître et nous avons donc aujourd'hui l'unique séance au cours de laquelle nous entendrons des témoins au sujet de ce projet de loi.

Nous remercions nos témoins d'avoir comparu devant nous ce matin.

Nous allons suspendre la séance pendant environ deux minutes pour permettre aux fonctionnaires du ministère de prendre place à la table.

• 0954




• 1004

La présidente: Nous reprenons la séance.

• 1005

Je pourrais peut-être demander aux fonctionnaires du ministère, qui témoignent de nouveau devant nous, d'éclairer les membres du comité sur le processus que l'on a suivi pour l'étude du projet de loi S-11, et de nous dire combien de temps il a duré. Ce serait utile.

M. Lee Gill (directeur, politique des lois commerciales, ministère de l'Industrie): Nous avons amorcé les consultations en 1994. À cette époque, nous sommes allés d'un bout à l'autre du pays, dans six villes, je crois. Nous en avons discuté et avons demandé à tous les intéressés quelles étaient à leur avis les modifications qu'il fallait apporter au projet de loi et quels étaient les problèmes que suscitait le projet de loi.

Nous sommes revenus avec toute cette information et nous avons rédigé neuf documents de discussion sur toutes les principales questions. Nous avons envoyé ces documents aux quatre coins du Canada, aux divers intéressés, en les invitant à nous faire parvenir leurs commentaires. Nous avons reçu un certain nombre de mémoires écrits. Nous avons fait une autre tournée d'un bout à l'autre du pays pour aller discuter avec les intéressés de ce que nous avions entendu et des diverses options qui avaient été élaborées dans les documents de discussion.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a lui aussi parcouru le pays en 1996, je crois, pour étudier la gouvernance des sociétés. Il a produit un rapport sur le sujet, où bon nombre de ces thèmes étaient évoqués.

À la même époque s'est posée la question de la responsabilité proportionnelle modifiée. Le ministre de l'Industrie a demandé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d'étudier la question. Ce comité a de nouveau parcouru le pays et je crois qu'il est également allé en Europe, au moins une fois, pour consulter certains groupes, notamment des assureurs, en Angleterre.

Mme Paddy Torsney: Nous, on ne fait jamais cela.

M. Lee Gill: En 1998, le Centre for Ethics and Corporate Policy de l'Université de Toronto a abordé la question de la clause des intérêts des actionnaires et envisagé un changement qui aurait permis aux directeurs de prendre en compte les intéressés dans leur processus décisionnel. Cette question a été évoquée à plusieurs reprises au cours des deux consultations précédentes, mais nous ne l'avons jamais réglée.

Le centre nous a fait des propositions, que nous avons soumises aux 2 000 groupes qui se sont dits intéressés par le sujet de la responsabilité des administrateurs et qui avaient demandé des documents à ce sujet à l'issue de nos consultations. Nous leur avons demandé leurs commentaires et nous avons reçu environ 65 mémoires provenant d'intéressés, dont un certain nombre se disaient favorables à la disposition sur l'intérêt des intéressés. D'autres y étaient hostiles et fournissaient des explications sur lesquelles je pourrais revenir, si cela vous intéresse. Voilà la portée de ces consultations.

En six ans, nous avons parcouru le pays à deux reprises, et le Comité sénatorial a fait la même chose.

La présidente: Pourriez-vous nous expliquer comment ce projet de loi était présenté? Si je comprends bien, il a déjà été déposé à deux reprises.

M. Lee Gill: Oui. Au départ, c'était le projet de loi S-19. Il y a eu des comparutions de témoins et le projet de loi a subi divers amendements. Il a été présenté de nouveau en temps que projet de loi S-11 après les élections, et d'autres témoins ont comparu. Du côté du Sénat, les témoins ont eu toute latitude pour intervenir. Nous avons apporté de nombreux changements au projet de loi en tenant compte des propositions qui nous ont été faites.

La présidente: On peut dire, monsieur Gill, que ce comité constate une certaine fatigue chez les témoins. Au bout de sept ans, certains d'entre eux ne veulent pas revenir pour nous dire la même chose, car ils veulent simplement que ces changements soient apportés.

M. Lee Gill: C'est sans doute juste.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Pour la première fois, il y a aussi une fatigue des membres du comité.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: J'aimerais que M. Gill m'apporte une précision.

Vers la fin du projet de loi, on trouve une série d'articles. Je crois que ce sont les articles 235, 236, 237 et 238.

M. Lee Gill: Oui.

Mme Paddy Torsney: Est-ce qu'ils ont fait l'objet d'une vaste consultation?

M. Lee Gill: Non. Ils ont été ajoutés par un sénateur en comité sénatorial.

Mme Paddy Torsney: Est-ce qu'ils ont été évoqués lors des questions et des réponses, à l'occasion des consultations menées du côté sénatorial?

• 1010

M. Lee Gill: Non.

Mme Paddy Torsney: Merci.

La présidente: Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: Je voudrais poser une question à M. Miller. J'ai vérifié mon courrier tous les jours et je n'ai toujours pas reçu l'opinion juridique sur l'article 115. Vais-je la recevoir par courrier, oui ou non?

M. Irving Miller (avocat-conseil, Section du droit commercial, ministère de la Justice et ministère de l'Industrie): De quelle opinion juridique parlez-vous?

M. Pierre Brien: Je parle de l'opinion juridique sur la constitutionnalité de l'article 115.

[Traduction]

M. Irving Miller: L'autre jour, j'ai consulté mes supérieurs hiérarchiques à ce sujet. Le ministère de la Justice considère qu'il convient de ne pas les distribuer à l'extérieur du gouvernement. Malheureusement, je ne vais pas pouvoir vous les remettre.

Comme j'ai essayé de vous le dire l'autre jour, nous sommes tout à fait en faveur de la position fédérale. J'ajoute que ce point de vue est aussi partagé par plusieurs cabinets d'avocats qui ont étudié la question du point de vue des intéressés. Dans le rapport sénatorial sur la responsabilité proportionnelle limitée, vous verrez que cette question a été abordée dans des témoignages. Encore une fois, elle a reçu l'appui de plusieurs cabinets d'avocats.

Je pense donc que tout le monde est plus ou moins d'accord, en définitive, sur la constitutionnalité de cette mesure. Mais comme je vous le disais la dernière fois, rien n'est tout à fait certain dans ce domaine.

[Français]

M. Pierre Brien: Êtes-vous au courant de la position du Barreau du Québec à ce sujet? Le Barreau a d'ailleurs écrit au greffier du comité. Je ne sais pas si les gens ont copie de cette lettre. Le Barreau partageait-il votre avis?

[Traduction]

M. Irving Miller: Je n'ai reçu aucun document du Barreau du Québec, mais j'ai rencontré plusieurs de ses représentants pendant les consultations. D'après les échanges que j'ai eus avec eux, ils se sont simplement posé certaines questions, mais ils ne m'ont pas dit ce qu'ils en pensaient. Je ne sais donc pas s'ils sont en faveur de notre position. Je sais qu'ils ont soulevé la question, et je leur ai fait la même réponse qu'à vous.

[Français]

M. Pierre Brien: D'accord. Si je résume...

[Traduction]

La présidente: Nous précisons, monsieur Miller, que nous avons reçu ce matin une lettre du Barreau du Québec qui affirme qu'il s'agit là d'une intrusion de l'autorité législative fédérale dans un domaine de compétence provinciale.

[Français]

M. Pierre Brien: Madame la présidente, la lettre est datée le 18 mai.

[Traduction]

La présidente: Elle n'a pas encore été traduite et elle ne sera pas distribuée avant d'avoir été traduite. Vous connaissez les règles.

M. Irving Miller: Non, je ne le savais pas.

[Français]

M. Pierre Brien: Nous pourrions débattre de l'efficacité...

[Traduction]

La présidente: Je viens d'en prendre connaissance.

[Français]

M. Pierre Brien: ...du service de traduction du comité.

[Traduction]

La présidente: Je ne l'avais jamais vue.

[Français]

M. Pierre Brien: D'accord. Elle a été écrite le 18 mai. Je ne veux pas que vous croyiez qu'elle est arrivée ce matin.

Je vais tâcher de résumer votre position. Si je comprends bien, l'article 115 est constitutionnel, selon vous, mais vous reconnaissez que vous vous immiscez dans ce qui était auparavant un champ de compétence provinciale au Québec.

[Traduction]

M. Irving Miller: Il y a deux aspects à considérer à ce sujet, à savoir le droit provincial et le droit fédéral. Le Code civil du Québec comporte des mesures d'application générale en matière de responsabilité. Ici, nous nous intéressons à un domaine particulier qui concerne les sociétés fédérales. Comme la Constitution nous habilite à traiter des sociétés fédérales dans le cadre des dispositions constitutionnelles sur la paix et l'ordre public ainsi qu'en matière de commerce, nous pouvons légiférer dans le domaine des sociétés fédérales et de leur gouvernance. Nos conseillers juridiques experts en droit constitutionnel nous disent que dans le cadre de la réglementation sur la gouvernance des sociétés, nous pouvons attribuer la responsabilité et l'étendue de l'information financière qui doit être divulguée aux termes de la loi. Nous ne nous intéressons qu'à l'information prévue dans la loi.

• 1015

Dans le cadre de ces paramètres, nos conseillers en viennent à la conclusion que nous pouvons modifier le régime de la responsabilité des vérificateurs et des administrateurs dans des circonstances bien précises, et que les nouvelles dispositions s'appliquent à toutes les sociétés fédérales du pays, nonobstant l'existence d'un droit d'application générale comportant des dispositions contraires pour les autres cas.

J'espère que je ne suis pas en train d'embrouiller les choses, mais ce projet de loi définit un cadre fédéral étroit et n'empiète sur le droit provincial que dans la mesure où c'est inévitable. En cas de conflit entre le droit fédéral et le droit provincial, c'est le droit fédéral qui a prépondérance. C'est la doctrine reconnue par les constitutionnalistes.

[Français]

M. Pierre Brien: Vous n'avez pas reçu l'opinion du Barreau plus tôt. Je vous signale donc qu'à son avis, il s'agit d'une intrusion dans un champ de compétence provinciale.

[Traduction]

M. Irving Miller: Je reconnais que c'est une intrusion dans le domaine du droit provincial, mais nous considérons qu'elle est légitime.

[Français]

M. Pierre Brien: D'accord, c'est parfait.

[Traduction]

La présidente: Encore une fois, pour préciser les choses, disons que les articles jugés abusifs sont l'article 18.1 de la Loi canadienne sur les coopératives et le nouvel article 19.1 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Madame Jennings, s'il vous plaît.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci, madame la présidente.

Je voudrais poser une question à M. Miller. Vous dites qu'il n'est pas dans les habitudes ou dans les moeurs du ministère de la Justice de divulguer des opinions juridiques. Je peux comprendre cela. Toutefois, je crois que si la constitutionnalité d'une partie des lois fédérales est en cause, on devrait tout de même pouvoir obtenir par écrit la position sur la constitutionnalité de cette partie de loi ou de cet article, et pas seulement verbalement comme vous le faites.

Je connais l'essentiel du sujet. Comme vous venez de le dire, votre position est qu'il s'agit d'une intrusion dans un champ de compétence provinciale qui est autorisée ou justifiée, et donc constitutionnelle. J'aimerais qu'on explique les enjeux d'ordre juridique et constitutionnel. Quels sont les arguments du gouvernement face aux objections possibles, aux prétentions qu'il s'agit simplement d'une intrusion?

Il est facile de dire qu'il s'agit d'une intrusion dans un champ de compétence provinciale, mais il faut aussi faire plus et expliquer si, dans le cadre constitutionnel canadien, il y a des situations où le gouvernement fédéral peut s'ingérer dans un champ de compétence provinciale. À quelles conditions? Quels sont les critères? Qu'est-ce qui fait que de le faire soit constitutionnel?

[Traduction]

M. Irving Miller: Je vais essayer de répondre tout d'abord à la dernière question, puis je reviendrai en arrière...

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je ne demande pas que vous répondiez. Je demande d'obtenir quelque chose par écrit sur cette question.

[Traduction]

La présidente: Je voudrais préciser une chose. Cette lettre a été envoyée hier par télécopieur et par courrier électronique. Elle porte la date du 18 mai, mais le greffier l'a reçue hier.

[Français]

M. Pierre Brien: J'ai demandé l'opinion juridique à la dernière séance. M. Miller pourra le confirmer.

[Traduction]

La présidente: Je comprends. Mais cette question a été soulevée plusieurs fois en comité et ce n'est pas M. Miller, c'est le gouvernement qui a pour politique de ne pas divulguer les documents. Je ne pense pas qu'on puisse demander à M. Miller de défendre ou d'expliquer le point de vue du gouvernement.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Madame la présidente, j'ai dit que je ne remettais pas en question la décision du ministère de ne pas divulguer une opinion juridique. Toutefois, lorsqu'un projet de loi ou un article est remis en question, il me semble que le gouvernement, via le ministère, devrait être en mesure de nous remettre un argumentaire par écrit pour répondre aux arguments utilisés par ceux et celles qui doutent de sa constitutionnalité. J'apprécie beaucoup l'argumentaire verbal de M. Miller, mais il n'est pas suffisant. Certaines personnes prétendent que c'est inconstitutionnel parce qu'il s'agit d'un empiétement dans un champ de compétence provinciale. M. Miller a expliqué très brièvement qu'il s'agit bien d'une intrusion...

• 1020

[Traduction]

La présidente: Madame Jennings, nous le savons.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Je ne demande pas l'opinion juridique d'un bureau d'avocat ou quelque chose du genre. On peut quand même nous fournir un argumentaire par écrit. Voilà ce que je demande et j'insiste pour en avoir une version par écrit, parce que si on adopte ce projet de loi et que dans deux mois ou dans deux ans quelqu'un soulève la question de l'empiétement sur une compétence provinciale, je veux être en mesure de défendre la position gouvernementale.

[Traduction]

La présidente: Je comprends.

Monsieur Miller, vous serait-il possible de nous communiquer un argumentaire, et non pas l'opinion juridique? Il faut aux membres de ce comité les arguments pour défendre cette décision.

M. Irving Miller: Je suppose que ce que je vous dis pourrait être couché par écrit. Après avoir consulté mon client, je pense que nous pourrons probablement préparer quelque chose. Ce ne pourra pas être considéré comme une opinion officielle du ministère de la Justice car encore une fois ce serait un empiétement sur la politique, mais cela formera une documentation dont vous pourrez vous servir.

La présidente: Cela vous suffira-t-il?

[Français]

Mme Marlene Jennings: J'aimerais aussi que le document que vous allez nous fournir contienne les références de la jurisprudence qui établirait, par exemple, que l'intrusion dans un champ de compétence provinciale est constitutionnelle selon tel critère. Je ne me fie pas seulement à ce qu'on me dit; je veux aussi pouvoir consulter les documents appropriés. Il y a longtemps que j'ai suivi des cours de droit constitutionnel et je n'ai pas pratiqué le droit constitutionnel depuis. J'aimerais donc pouvoir consulter ces documents de référence pour bien comprendre les enjeux. Je serai peut-être alors à l'aise de défendre la position du gouvernement.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Miller.

M. Irving Miller: Nous pourrions joindre quelques exemples de cas qui font jurisprudence.

Il y a beaucoup d'exemples de lois fédérales comportant des dispositions susceptibles d'empiéter à un certain degré sur la législation provinciale. C'est très fréquent. Nous examinons la situation du point de vue constitutionnel et nous essayons de déterminer s'il y a ou non un pouvoir fédéral habilitant car s'il y a un pouvoir fédéral habilitant même si...

La présidente: Monsieur Miller, voudriez-vous attendre un instant que Mme Jennings puisse vous écouter?

M. Marlene Jennings: Merci.

M. Irving Miller: Je disais simplement qu'il y a de nombreuses lois comportant à la fois des éléments fédéraux et des éléments provinciaux. S'il y a un pouvoir fédéral habilitant, en cas de conflit—encore une fois, je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure—en cas de conflit, c'est le gouvernement fédéral qui l'emporte. Le droit constitutionnel sur ce point est clair et nous avons tous les arguments nécessaires.

Vous avez reçu une lettre du Barreau du Québec. Je ne sais pas si d'autres provinces se sont exprimées sur ce point dans le contexte constitutionnel. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres...

La présidente: Nous n'en avons pas reçu d'autres, monsieur Miller.

M. Irving Miller: Nous ferons de notre mieux pour coucher quelque chose par écrit, mais je ne peux pas vous donner l'opinion officielle du ministère de la Justice, car je ne suis pas sous-ministre.

La présidente: Très bien.

Nous passons maintenant au suivant. Je vous rappelle que nous commençons à manquer de temps. Nous nous attendons à ce qu'il y ait un vote ce matin et je voudrais que vous ne l'oubliiez pas en posant vos questions.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharine, Lib.): Je voulais poser une question à M. Gill sur la série de consultations que vous avez tenues dans le pays. Ont-elles été annoncées? Le public a-t-il pu participer à vos consultations?

• 1025

M. Lee Gill: Nous n'avons pas fait de publicité dans les journaux ou ailleurs mais nous avons contacté le maximum de ceux et celles que ce projet de loi pouvait intéresser. Oui, si les gens voulaient venir, s'ils avaient exprimé un intérêt, ils auraient été les bienvenus.

M. Walt Lastewka: Y a-t-il eu participation publique?

M. Lee Gill: Oui. Divers organismes, divers groupes d'intérêts ont participé.

M. Walt Lastewka: Très bien. Merci.

La présidente: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, avons-nous une liste des personnes présentes et leurs titres?

La présidente: Oui, c'est la liste des témoins pour l'étude article par article. C'est sur l'avis de convocation de ce matin.

M. Mauril Bélanger: Merci.

Monsieur Miller, vous travaillez pour le ministère de la Justice. Ai-je raison de croire que c'est pour des raisons de secret professionnel que vous ne pouvez donner à notre collègue l'opinion juridique qu'elle réclame?

M. Irving Miller: Non, pas exactement. Vous avez raison, il y a secret professionnel mais en droit c'est le client qui bénéficie de ce secret, c'est-à-dire le ministère de l'Industrie. C'est seulement un aspect du secret professionnel.

M. Mauril Bélanger: Ce n'est donc pas une question de secret professionnel?

M. Irving Miller: C'est en partie cela. Si le client préfère ne pas communiquer cette opinion, c'est son privilège.

M. Mauril Bélanger: Puis-je alors demander au client, à quiconque représente ici le client, s'il est prêt à communiquer cette opinion, oui ou non?

M. Lee Gill: Le ministère de la Justice, lorsque je lui ai posé la question à propos d'un autre dossier, m'a informé que je n'étais pas autorisé à distribuer ces opinions.

M. Mauril Bélanger: Non, je demande si le client, le ministère de l'Industrie, serait disposé à communiquer ou non cette opinion. Il ne s'agit pas de savoir ce que le ministère de la Justice vous dit ou pas, mais ce que le ministère de l'Industrie est prêt ou non à faire.

M. Lee Gill: C'est la politique du gouvernement de ne pas communiquer ces opinions. Étant donné cette politique, je ne peux pas.

M. Mauril Bélanger: Donc vous demandez à des parlementaires d'adopter une loi sans partager avec eux l'opinion juridique que vous avez reçue du ministère de la Justice, n'est-ce pas?

M. Irving Miller: Puis-je me permettre d'intervenir?

La présidente: Certainement.

M. Irving Miller: M. Gill ne fait que respecter la politique générale du gouvernement. Comme madame la présidente l'a indiqué, en vertu de cette politique, le ministère de la Justice ne communique pas d'opinions à l'extérieur du gouvernement. J'ai vérifié auprès de mes supérieurs, ce n'est donc pas un simple avis personnel. Le gouvernement du Canada est notre client, nul autre, et ces opinions sont à l'intention du gouvernement du Canada.

Vous avez certes le droit d'utiliser tous les moyens que votre qualité de comité vous donne et que vous estimez justifiés pour essayez d'obtenir la communication de ces opinions. Je ne suggère pas un instant que vous ne puissiez proposer une motion en ce sens. Je ne peux tout simplement pas enfreindre la politique du gouvernement du Canada en offrant de vous la communiquer volontairement. C'est tout ce que je peux dire.

M. Mauril Bélanger: Merci.

La présidente: Cette question a été déjà posée je ne sais combien de fois et M. Miller s'est engagé à nous communiquer certains documents.

Vous aviez une autre question?

M. Mauril Bélanger: J'ai des questions à poser concernant la lettre de M. Gervais. Il soulève deux autres questions:

[Français]

les tests financiers et le droit de dissidence. Avez-vous eu la chance de prendre connaissance de cette lettre?

[Traduction]

M. Lee Gill: Je ne l'ai pas vue.

[Français]

M. Mauril Bélanger: Pourriez-vous le faire et nous dire quelle est la réaction du ministère?

M. Pierre Brien: Il s'agit d'un comité du Sénat. Je ne peux pas croire qu'ils n'ont pas regardé cela.

[Traduction]

M. Mauril Bélanger: Non, nous en sommes à l'étape de l'étude article par article.

M. Lee Gill: Il me faudrait 10 minutes pour examiner cette lettre et en discuter avec mes collègues. Est-ce possible, madame la présidente?

La présidente: Le vote n'a pas encore commencé et la sonnerie n'a pas encore commencé à retentir.

Mme Paddy Torsney: Pourrais-je faire une suggestion? Nous pourrions dès maintenant mettre aux voix les articles 1 à 50. Pendant ce temps-là vous aurez le temps de lire cette lettre, et dire ce que vous en pensez et nous pourrons reprendre l'étude article par article.

• 1030

La présidente: Si nous les regroupons il ne faudra pas plus d'une minute. Mon intention était de les regrouper.

Nous n'allions pas les proposer un par un, n'est-ce pas, monsieur Brien?

[Français]

M. Pierre Brien: À l'exception de la clause... [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

Mme Paddy Torsney: Pourquoi ne pas mettre aux voix tous ces articles, sauf celui-là, puis revenir à l'article en litige après le vote.

La présidente: Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, la sonnerie va retentir pendant 30 minutes. Il faudra compter une bonne heure avant que nous soyons de retour.

Il serait peut-être préférable de leur donner quelques minutes pour se consulter, mais je ne sais pas de quelle lettre il s'agit exactement. Est-ce que c'était cette lettre...?

Mme Marlene Jennings: Non.

La présidente: Je croyais que nous venions de nous mettre d'accord pour que M. Miller nous communique une réponse par écrit...

M. Mauril Bélanger: Trois points sont soulevés dans cette lettre. Le premier concerne la possibilité d'empiétement. On nous refuse l'opinion écrite sur ce point. Il y a une opinion sur ce point.

La présidente: Monsieur Bélanger, comprenons-nous bien. Nous allons rédiger une lettre au sujet de la déclaration que M. Miller a fait ici aujourd'hui.

M. Mauril Bélanger: La deuxième question est celle des tests financiers et la troisième, celle du droit à la dissidence. Trois questions ont été soulevées. Nous avons essayé d'en régler une. Je mentionne les deux autres pour voir si les fonctionnaires réagiront.

La présidente: Précisons les choses. Cette lettre a été reçue très tard dans le processus de sept ans, comme on l'a expliqué tout à l'heure. Franchement, le délai était de sept ans et la lettre est arrivée la semaine dernière...

[Français]

M. Pierre Brien: Madame la présidente, un instant.

[Traduction]

La présidente: Un instant, monsieur Brien.

Je propose que nous demandions une réponse écrite à cette lettre du sous-ministre afin que vous ayez une preuve ou quelque chose sur quoi vous appuyer. Je ne crois pas que nous devions lancer de nouveau tout ce débat aujourd'hui.

Lorsque nous avons invité les témoins, le Barreau du Québec n'a pas demandé à comparaître devant le comité. Quand nous avons demandé qui était intéressé à témoigner, personne ne s'est proposé. Tout le monde était au courant des consultations menées par le Sénat. Elles ont duré trois mois au Sénat.

Il faut quand même être juste. Plusieurs témoins nous ont demandé de régler ce problème au moyen de lettres et je veux m'assurer de comprendre clairement de quoi nous parlons. Je veux que le ministère réponde. Le ministère n'a-t-il pas été informé de la position du Barreau du Québec par le passé? Les gens du Barreau sont-ils préoccupés par cette mesure législative?

M. Lee Gill: Dans des discussions antérieures avec le Barreau du Québec, nous avons compris que, comme M. Miller l'a exprimé, il s'agit bien dans une certaine mesure d'une ingérence dans le droit provincial. Nous n'avons pas eu l'impression que le Barreau du Québec s'opposait nécessairement à toute la mesure.

J'ai également parlé avec mon homologue du ministère des Finances du Québec. Il a confirmé que ce changement influerait sur la loi québécoise, mais que les dispositions du projet de loi étaient libellées de telle sorte que leur portée était limitée à la compétence fédérale. C'est pour cela que nous avions procédé de cette façon.

La présidente: Mais ce qui me concerne, c'est la question des tests financiers et du droit à la dissidence. Le Barreau du Québec a-t-il déjà soulevé cette question auparavant, soit auprès du Sénat, soit auprès du ministère? Cette question a-t-elle été soulevée avant aujourd'hui?

M. Lee Gill: Pas à ma connaissance.

[Français]

M. Pierre Brien: Madame la présidente...

[Traduction]

La présidente: Un instant, monsieur Brien; je vais revenir aux questions.

D'accord, monsieur Brien, vous invoquez le Règlement.

[Français]

M. Pierre Brien: Madame la présidente, vous avez dit deux fois des choses incorrectes. Dans la première phrase de la lettre, il est écrit: «Le 8 mars dernier, nous soumettions à monsieur Denis Robert, greffier du Comité des banques...». Cette lettre a été déposée. Si, comme vous le dites, le processus sénatorial fait partie du processus global, on peut affirmer que cette lettre existe au moins depuis le 8 mars. Donc, arrêtons de dire qu'elle n'existe que depuis ce matin seulement. Je voulais corriger cela.

[Traduction]

La présidente: Ce n'est pas ce que dit la lettre. Elle ne dit pas que nous avons présenté cette lettre. Nous avons présenté un certain nombre de commentaires préliminaires. Faites attention. On ne dit pas que c'est la même lettre qu'ils ont présentée. C'est une lettre différente...

[Français]

M. Pierre Brien: N'oubliez pas la lettre du 8 mars.

[Traduction]

La présidente: Ils ont présenté des commentaires préliminaires.

[Français]

M. Pierre Brien: Ceux-ci.

[Traduction]

Mme Veronica Wessels (agente principale de projet, Réforme de la LCSA, ministère de l'Industrie): Madame la présidente, je vous signale que nous n'avons pas apporté la lettre du 8 mars mais, si je me souviens bien, cette lettre ne porte pas sur les mêmes questions. C'est la première fois que ces questions sont abordées.

[Français]

M. Pierre Brien: Incluant la responsabilité de recours civil?

Mme Veronica Wessels: Oui.

• 1035

M. Pierre Brien: Même pas la lettre du 8 mars?

[Traduction]

Mme Veronica Wessels: La lettre du 8 mars ne traite pas de la responsabilité proportionnelle modifiée.

La présidente: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente.

Peu importe que la question ait déjà été soulevée auparavant ou non. J'en ai pris connaissance pour la première fois au cours des dernières heures. J'ai lu attentivement la lettre dans le Bâtonnier du Québec. On y soulève trois points. Nous avons essayé d'en régler un. L'opinion qui a été fournie ne me pose aucun problème. Je m'oppose toutefois à ce que le ministère de la Justice ait pour politique de ne pas communiquer ses opinions juridiques, même au comité qui délibère sur une mesure législative qu'il nous a demandé d'examiner. Voilà ce qui me trouble, mais c'est une question secondaire.

Les deux autres questions qui ont été soulevées sont je crois légitimes. Elles portent sur des points qui méritent d'être étudiés. Il se pourrait que le personnel puisse répondre de façon satisfaisante. C'est tout ce que je désire. Je crois que ces questions méritent d'être abordées. Il y a deux aspects soulevés dans cette lettre, et c'est tout ce que je demande—une opinion, une réaction, pour qu'on me dise si les questions soulevées par le Barreau sont légitimes.

[Français]

C'est aussi simple que cela.

[Traduction]

Je ne prends pas parti ici. Je veux simplement savoir.

La présidente: Je crois que certaines des personnes assises à la table peuvent certainement parler des tests financiers proposés dans ce projet de loi, sans prendre 10 minutes pour lire une lettre. Sinon, nous avons alors un gros problème, monsieur Gill.

Mme Paddy Torsney: De toute façon, pourquoi ne pas leur donner 10 minutes pour la lire?

La présidente: Nous avons déjà pris 10 minutes. Nous allons maintenant passer aux tests financiers.

Mme Paddy Torsney: Nous n'avons toujours pas reçu la lettre de ce côté-ci de la table.

La présidente: Pouvons-nous faire des photocopies de cette lettre pour ceux qui ne l'ont pas apportée avec eux aujourd'hui?

Nous allons suspendre nos travaux pendant cinq minutes.

• 1037




• 1049

La présidente: Nous reprenons nos travaux.

Discutons donc de cette lettre pour savoir si nous pouvons répondre aux préoccupations qui y sont soulevées.

Monsieur Gill.

M. Lee Gill: Permettez-moi de dire à propos du premier point soit l'opposition du Barreau à la question générale de la responsabilité proportionnelle, je ne discerne pas dans cette lettre qu'on s'y oppose carrément pour des raisons constitutionnelles. J'ai plutôt l'impression que le Barreau dit que la proposition ne lui plaît pas parce qu'elle pourrait réduire d'une certaine façon le degré de responsabilité d'une société.

Cette proposition a été étudiée en détail. Nombre de témoins ont comparu. Elle permet d'attribuer la responsabilité selon le degré de faute, ce qui d'après les témoins dans l'ensemble était plus juste.

• 1050

Pour ce qui est de la solvabilité de la société ou du groupe de défendeurs et de leur disponibilité, les montants qui auraient normalement été versés conformément à une responsabilité conjointe et individuelle seront payés ce qui est le cas actuellement. Lorsque certains des montants ne sont pas disponibles, le demandeur ne recevra peut-être pas tout ce qu'il demande. Cependant, tous les petits demandeurs sont protégés par le même régime qui existe actuellement. Les sociétés de bienfaisance sont protégées. C'est l'investisseur averti qui pourrait être touché. Aucun témoin n'a dit qu'il y avait un problème important à cet égard.

Pour ce qui est des deux autres points, je demanderai à Daniel Picotte de répondre.

[Français]

M. Daniel Picotte (représentant du ministre de la Justice et procureur général du Canada): Le premier point qui est soulevé est celui des tests financiers. Je ne pense pas que le Barreau s'oppose à la mesure, proposée par la loi, de retirer les tests financiers dans le cas d'un prêt à un actionnaire. Ce qu'il se demande, tout simplement, c'est si on ne devrait pas les enlever partout, dans toutes les autres circonstances où une compagnie transige avec ses actionnaires. Il s'agit en l'occurrence de déclaration de dividendes, d'achat ou de rachat d'actions, ou encore de réduction de capital.

Il y a pourtant une différence à faire entre les deux types de circonstances. Dans le premier cas, une avance à un actionnaire peut être faite en juste contrepartie et dans des circonstances commerciales tout à fait appropriées, ce qui ne constitue pas une distribution des biens de la compagnie, alors que le deuxième groupe d'opérations constitue forcément une distribution des biens de la compagnie sans autre considération des actionnaires. C'est la raison pour laquelle je comprends que le projet de loi élimine les tests financiers dans le cas d'un prêt à l'actionnaire, mais ne l'élimine pas dans le cas des autres opérations.

Quant au droit de dissidence, le Barreau soulève une question sur la version française du paragraphe (6) de l'article 190 de la loi. Le projet de loi en question ne modifie en rien l'article 190, au paragraphe (6). C'est une question d'interprétation purement technique qui pourrait, j'imagine, faire l'objet d'autres modifications si le ministère de l'Industrie le jugeait opportun, mais ce n'est pas du tout couvert dans la loi actuelle.

La présidente: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente. Il est ici question d'une concordance entre les versions anglaise et française.

M. Daniel Picotte: Pour donner une réponse plus complète à la question, il y a un problème de concordance entre le français et l'anglais; il s'agit uniquement de savoir si quelqu'un peut se déclarer dissident par la suite sans avoir à démontrer qu'il avait voté contre. Il faut se souvenir que dans le contexte des sociétés publiques, la compagnie ne sait pas toujours quels actionnaires ont voté pour et lesquels ont voté contre, puisque leurs actions sont votées par des courtiers entre les mains desquels elles sont placées.

Cela pose donc une difficulté pratique et il y a une difficulté de concordance entre les textes français et anglais. Même la version anglaise, comme le Barreau le fait remarquer, gagnerait à être clarifiée. C'est probablement le cas. C'est une difficulté purement technique doublée d'une problématique pratique. Il n'y a rien dans la loi actuellement qui va dans un sens ou dans l'autre sur ce point particulier.

[Traduction]

La présidente: Devons-nous modifier l'article 190 aujourd'hui pour que le texte anglais et le texte français correspondent—il s'agit du paragraphe 190(6)?

M. Lee Gill: Je ne crois pas que ce soit nécessaire. Cela n'a pas posé de problème. Il s'agit d'une chose que quelqu'un a proposé à la dernière minute. Cela pourrait améliorer le projet de loi, mais cette modification pourra être apportée plus tard. Le projet de loi doit faire l'objet d'un examen dans cinq ans.

[Français]

La présidente: Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: Madame la présidente, j'aurais un commentaire à faire avant de poser ma question. Je m'interroge sur l'urgence de la situation. S'il y a quelque chose à corriger du point de vue de la cohérence, je me demande pourquoi il faudrait attendre cinq ans, jusqu'à la prochaine révision, pour le faire. On n'en est pas à quelques heures près dans le cas de ce projet de loi.

Vous dites que le paragraphe (6) de l'article 190 n'est pas modifié. Dans les amendements, il n'y en a aucun qui touche à l'article actuel. Vous faites référence au paragraphe 190(6) contenu dans la loi actuelle. Est-ce bien cela?

M. Daniel Picotte: Exactement. Le projet de loi S-11, comme il se lit actuellement, ne touche pas du tout au paragraphe 190(6).

• 1055

M. Pierre Brien: Mais le projet de loi S-11 pourrait très bien modifier le paragraphe 190(6). C'est l'objet du projet de loi S-11 que de modifier cette loi. C'est la même loi.

M. Daniel Picotte: C'est une question d'opportunité.

M. Pierre Brien: Exactement.

[Traduction]

La présidente: Pour que je comprenne bien, pouvez-vous me dire depuis combien d'années le paragraphe 190(6) existe sous ce libellé?

M. Daniel Picotte: Je dirais environ 20 à 25 ans.

La présidente: Et il n'y a jamais eu de problème?

M. Lee Gill: Pas à notre connaissance.

La présidente: Très bien.

S'il n'y a pas d'autres questions, je propose que nous procédions à l'étude article par article.

Je propose que nous regroupions les dispositions qui ne sont pas visées par des amendements.

(Les articles 1 à 58 inclusivement sont adoptés)

(Article 59)

La présidente: Monsieur Brien, vous avez plusieurs amendements à proposer à l'article 59.

[Français]

M. Pierre Brien: Madame la présidente, j'ai une série d'amendements dont l'esprit général, sauf dans le cas du dernier, est de définir les délais que le projet de loi dit devoir être adoptés par règlement. On fait référence au fait que, selon le projet de loi, les délais seront définis par voie réglementaire alors que les amendements que je dépose, à l'exception du dernier, visent à ce qu'ils soient définis dans la loi et non par voie réglementaire.

Pour ce qui est du dernier amendement, il s'agit d'établir un mécanisme en cas de litige. Lorsque des individus voudront faire distribuer un document que la compagnie refusera de distribuer, ce qui créera un litige, l'amendement prévoit un mécanisme pour le trancher. Ce sera fait par un comité arbitral composé de trois personnes plutôt que par les tribunaux. L'amendement prévoit aussi les délais qui pourraient influencer la rapidité avec laquelle on pourrait procéder.

L'amendement vise donc à simplifier une procédure juridique qui pourrait être beaucoup plus laborieuse autrement. Je comprends que ce n'est pas la volonté du comité de faire des modifications. Je n'ai pas d'attentes démesurément irréalistes, mais je tenais quand même à soulever ces points qui devront, à mon avis, être améliorés un jour ou l'autre.

J'aurais souhaité qu'on le fasse maintenant. Personnellement, je ne me sens pas lié par le fait que le Sénat a travaillé pendant des années là-dessus et j'aurais aimé qu'on le fasse ce matin. Mais je vais me rendre à l'évidence: ce point de vue n'est pas partagé par tous. Si vous voulez les approuver ou les rejeter en bloc, j'y donnerai mon consentement.

[Traduction]

La présidente: Très bien. Nous commencerons donc par votre premier amendement, monsieur Brien.

M. Pierre Brien: Vous pouvez regrouper tous ces amendements, si vous le désirez.

La présidente: Nous pouvons regrouper tous les amendements? Très bien. Il y en a 10.

(Les amendements sont rejetés)

(L'article 59 est adopté)

La présidente: Les articles 60 à 234 inclusivement sont-ils adoptés?

[Français]

M. Pierre Brien: Eh bien, l'article 115...

[Traduction]

La présidente: L'article 115, je m'excuse! Ce n'est pas dans ma trousse. Y a-t-il un amendement proposé à l'article 115?

[Français]

M. Pierre Brien: Eh bien, je proposerais qu'on vote contre parce que j'aimerais qu'on le retire.

[Traduction]

La présidente: Nous procéderons de façon différente.

(Les articles 60 à 114 inclusivement sont adoptés)

(L'article 115 est adopté avec dissidence)

M. Mauril Bélanger: Mais à la condition que nous recevions, dans un délai raisonnable, l'opinion qu'on nous a promise.

La présidente: Je recevrai certainement cette opinion d'ici 48 heures.

M. Mauril Bélanger: Merci, madame la présidente.

(Les articles 116 à 234 inclusivement sont adoptés)

La présidente: Monsieur Lastewka, vous proposez un amendement aux articles 235 à 238?

M. Walt Lastewka: Pas un amendement; je propose que l'on vote à tour de rôle sur ces dispositions.

La présidente: Vous ne les appuyez pas?

Ceux qui appuient l'article 235?

M. Mauril Bélanger: Un instant. Peut-on au moins donner des explications?

La présidente: Bien, les questions ont été posées à plusieurs reprises, mais peut-être M. Lastewka voudrait-il donner d'autres explications.

(Article 235)

M. Walt Lastewka: Comme on l'a signalé plus tôt, les fonctionnaires ont répondu à la question de Mme Torsney: les amendements apportés aux articles 235 et 238 ont été apportés sans qu'il y ait de consultations, et cela change... J'ai perdu mon document, mais peut-être les fonctionnaires pourraient-il...

• 1100

La présidente: Monsieur Gill, pourriez-vous apporter des précisions. Je sais que les articles 235, 236, 237 et 238 ont été des amendements apportés à la dernière minute au Sénat. Il n'y a eu aucune consultation. Ces amendements touchent un autre projet de loi...

M. Lee Gill: C'est exact.

La présidente: ... et il n'y a eu aucune consultation.

M. Lee Gill: C'est exact.

La présidente: Et ces modifications ne sont pas appuyées par...

M. Paddy Torsney: Le ministère de l'Industrie.

M. Lee Gill: Oui, et le ministère des Transports n'est pas heureux de ces propositions.

La présidente: Très bien.

M. Walt Lastewka: Madame la présidente, j'ai crû comprendre que des commentaires avaient été faits au Sénat laissant entendre qu'il y avait eu des consultations. Après vérification, il n'y en a eu aucune. Le ministère m'a fait savoir aujourd'hui qu'il n'y avait pas en consultations à ce sujet.

M. Lee Gill: C'est exact.

M. Walt Lastewka: Nous proposons donc de corriger le problème en votant contre ces quatre amendements.

(Les articles 235 à 238 inclusivement sont rejetés)

(Les articles 239 à 241 inclusivement sont adoptés)

(L'annexe 1 est adoptée)

La présidente: Je crois que l'on a proposé de modifier le titre. Monsieur Lastewka, quel est cet amendement?

M. Walt Lastewka: Puisque les articles 235, 236, 237 et 238 ont été rejetés, le titre du projet de loi devrait être modifié comme l'indique la feuille qui vous a été distribuée et devenir: «Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives et modifiant d'autres lois en conséquence», ce qui ramènerait le titre à sa forme originale à la suite...

(L'amendement est adopté)

La présidente: Le titre, modifié, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La présidente: Le projet de loi modifié est-il adopté?

Des voix: Adopté.

La présidente: Dois-je faire rapport à la Chambre du projet de loi modifié?

Des voix: D'accord.

La présidente: Aucune réimpression du projet de loi ne sera nécessaire, parce que nous ne faisons que supprimer certains passages et non pas en rajouter.

Mme Paddy Torsney: Devons-nous remercier les fonctionnaires?

La présidente: J'aimerais remercier nos témoins d'être venus ce matin. Nous avons hâte de recevoir la réponse demandée d'ici 48 heures, dans les deux langues officielles.

Monsieur Miller, pouvez-vous nous donner ces renseignements d'ici 48 heures, dans les deux langues officielles?

M. Irving Miller: Certainement.

La présidente: Parfait.

Nous allons reprendre nos travaux après le vote. Nous les reprendrons à huis clos pour étudier le rapport.

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]

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