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PACC Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6


Conformément à l’article 108(3)e) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a l’honneur de présenter son

VINGT-DEUXIÈME RAPPORT

Le Comité permanent des comptes publics a étudié le Chapitre 31 du rapport de décembre 2000 du vérificateur général du Canada (Pêches et Océans — La gestion de la flotte) et fait rapport de ce qui suit :

INTRODUCTION

La flotte du ministère des Pêches et des Océans résulte de la fusion, en 1995, de la flotte de la Garde côtière canadienne et de la flotte de Pêches et Océans chargée des activités scientifiques et de l’application des règlements de la pêche. La flotte porte maintenant le nom de Garde côtière canadienne et relève du ministère des Pêches et des Océans. Au 31 mars 2000, elle comptait 144 navires, ce qui en faisait la plus grande flotte civile du Canada. Ces navires assurent des services importants : aide à la navigation, déglaçage, volet maritime des opérations de recherche et de sauvetage, prévention de la pollution marine et intervention environnementale. Elle appuie aussi le Ministère dans ses activités concernant l’application des règlements sur les pêches, les sciences halieutiques, l’hydrographie, l’océanographie et autres services maritimes.

L’exploitation, l’entretien et le remplacement des immobilisations de la flotte coûtent cher. En 1999-2000, par exemple, le Ministère a consacré environ 229 millions de dollars à ces aspects de la flotte. Il a aussi dépensé environ 52 millions de dollars pour le soutien à terre.

Compte tenu des coûts d’entretien et de fonctionnement de la flotte et de l’importance de ses fonctions, le Comité a décidé d’examiner les résultats de la vérification de la gestion de la flotte. Il s’est donc réuni le 23 octobre 2001 pour revoir le Chapitre 31 du rapport de décembre 2000 du vérificateur général du Canada (Pêches et Océans — La gestion de la flotte). M. Michael McLaughlin (sous-vérificateur général, Services corporatifs), M. John O’Brien (directeur principal, Direction des opérations de vérification) et M. Kevin Potter (directeur, Direction des opérations de vérification) ont comparu pour le compte du Bureau du vérificateur général du Canada. M. John Adams (commissaire de la Garde côtière canadienne), M. Charles Gadula (directeur général de la flotte) et M. Bill Doering (directeur exécutif, Initiative du renouvellement de la gestion de la flotte) représentaient le ministère des Pêches et des Océans.

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

La principale conclusion que l’on tire de cette vérification est que le ministère des Pêches et des Océans ne gère pas la flotte de manière rentable et ce, dans les trois domaines sur lesquels a porté la vérification : organisation et reddition de comptes, gestion du cycle de vie des navires et gestion des ressources humaines.

Presque tous les facteurs qui découragent une saine gestion et la responsabilité fonctionnelle dans n’importe quelle organisation se retrouvent dans la Garde côtière canadienne. Par exemple, les activités de la flotte sont décentralisées et réparties entre cinq régions, chacune fonctionnant selon ses propres pratiques et préférences. Il s’ensuit un manque constant d’uniformité au niveau des pratiques et de la planification.

Les liens hiérarchiques entre les régions et l’administration centrale sont complexes et obscurs. Il est très difficile de gérer la flotte d’une perspective nationale et de maximiser l’exploitation des ressources entre les régions. L’horizon actuel de planification et de financement d’un an est trop court et, bien que le Ministère envisage de passer à une période de trois ans, le vérificateur général pense qu’une période de planification de cinq ans serait préférable. Il y a des lacunes dans les processus utilisés par le Ministère pour financer les opérations de la flotte  et la méthode actuelle de répartition des coûts « n’incite pas à utiliser les navires ». Les attentes au chapitre du rendement des programmes « sont peu claires, non réalistes ou à court terme », pour reprendre les termes du vérificateur général. Des attentes mal définies en matière de rendement sont combinées à une information insuffisante pour les fins du contrôle et de la comptabilisation du rendement de la flotte. La mise en œuvre intégrale de la Stratégie d’information financière (SIF), qui pourrait contribuer à résoudre certains de ces problèmes, prendra encore plusieurs années. Compte tenu de ce qui précède, il n’est donc pas étonnant que le sous-vérificateur général ait dit ce qui suit au Comité : 

Au bout du compte, nous nous demandions comment quiconque au Ministère pourrait être tenu responsable d’offrir les services de la flotte de façon rentable.

Une politique gouvernementale qui remonte à 1995 exige des ministères qu’ils gèrent leurs ressources matérielles — y compris les navires — à l’aide de la méthode du cycle de vie, mais le Ministère ne le fait pas encore. Les constatations des vérificateurs sur la façon dont la flotte gère les étapes du cycle de vie des navires ne sont pas encourageantes.

Une étude visant à déterminer le nombre de navires nécessaires reposait sur les besoins régionaux et non nationaux, ce qui a fait rater l’occasion « de mieux partager les ressources et d’accroître la productivité ». Le Plan des immobilisations à long terme du Ministère « ne brosse pas un tableau réaliste ou véritable des besoins à long terme de la flotte au chapitre des immobilisations ». Il n’y a aucun « système national permettant d’effectuer régulièrement une surveillance ou une analyse pour s’assurer que la flotte est utilisée de façon efficace et économique ou pour connaître les résultats atteints ». Il manque aux gestionnaires de la flotte des données fondamentales pour les assister dans leur travail  Les renseignements dont ils disposent ne sont pas intégrés aux autres informations financières et opérationnelles, ne leur arrivent pas en temps opportun et ne sont pas suffisamment fiables pour être utiles à la prise de décisions. Enfin, les vérificateurs ont constaté que les gestionnaires de la flotte :

… prennent actuellement leurs décisions de remplacement et d’entretien à partir de la meilleure estimation possible de l’état dans lequel se trouve chaque navire et du coût d’exploitation qui y est associé, mais ont peu d’analyses factuelles à leur disposition.

La rémunération représente la plus importante dépense de fonctionnement de la flotte. En 1999-2000, par exemple, les salaires et charges connexes ont représenté environ 79 % du coût d’exploitation des navires. Pourtant, les vérificateurs nous ont affirmé que « les responsables ne portaient pas suffisamment attention aux ressources humaines ». La flotte n’a pas de plan des ressources humaines et « les lignes directrices en matière de ressources humaines sont inadéquates ». M. Adams a admis que la flotte avait « accumulé probablement cinq à six ans d’inaction au chapitre des ressources humaines », un aveu d’autant plus étonnant que la flotte n’existe que depuis 1995. La vérification montre que la flotte a désespérément besoin d’un plan en la matière.

Les conventions collectives et la formule de financement, la gestion des congés de maladie, les accidents du travail et les heures supplémentaires compliquent la tâche des gestionnaires. Les vérificateurs n’ont trouvé « aucune indication selon laquelle les gestionnaires ont essayé de comprendre ou de réduire l’utilisation des congés de maladie », beaucoup plus élevée que dans le reste de la fonction publique. Les auteurs d’un rapport du Ministère n’ont trouvé « aucune indication selon laquelle les gestionnaires auraient essayé de réduire le coût des heures supplémentaires » de la flotte, lequel a représenté 70 % des dépenses totales du Ministère en heures supplémentaires (33 millions de dollars) en 1998-1999.

Comme dans d’autres secteurs de la fonction publique, le recrutement, la formation et la rétention du personnel posent de graves problèmes à la Garde côtière canadienne. Il a manqué 1,55 million de dollars au budget de formation pour répondre aux besoins de base en formation technique. L’érosion des effectifs, si elle n’est pas alarmante, est néanmoins inquiétante parce qu’elle touche surtout les officiers subalternes (qui représentent le futur noyau d’officiers) et qu’il faut de six à huit ans pour les recruter, les former et les entraîner. Or, les vérificateurs ont constaté l’absence de tout plan visant à s’assurer que la flotte continuera de recruter, de former et de retenir suffisamment de personnel. Enfin, le soutien à terre est trop important compte tenu de la taille de la flotte.

On constate donc que la flotte est maintenant aux prises avec plusieurs problèmes de taille qu’elle est mal équipée pour régler.

Le premier grand problème concerne la nécessité de remplacer les navires vieillissants. Le Ministère estime à 30 ans la vie utile d’un navire. Or, ses 41 grands navires ont en moyenne 22 ans, ce qui veut dire qu’il va bientôt falloir les remplacer, à un moment où les fonds d’immobilisations sont rares. D’après les propres estimations du Ministère, le remplacement de tous les grands navires coûtera 2,2 milliards de dollars. M. Adams a dit au Comité que, en supposant un taux de renouvellement de 4 % de l’actif, la Garde côtière devrait consacrer de 140 à 150 millions de dollars annuellement aux immobilisations. Or, le budget de ce poste « a oscillé entre 30 et 40 millions de dollars » ces dix dernières années. En outre, la flotte ne gère pas en fonction du cycle de vie et ne le fera pas avant 2005 au moins, estimation que l’ancien vérificateur général a qualifiée d’optimiste. Enfin, le Plan des immobilisations à long terme présente des lacunes.

Le deuxième grand problème concerne les nouveaux rôles que la flotte pourrait être appelée à jouer à la suite des événements du 11 septembre 2001. À l’heure actuelle, aucun rôle supplémentaire n’a encore été défini. Il se pourrait cependant que la flotte soit tenue de renforcer sa présence au large des côtes du Canada et de jouer un rôle plus actif au chapitre de la surveillance et de la sécurité. Les difficultés de la flotte, que la vérification a fait ressortir, ne permettent pas de penser que le Ministère pourra, du moins dans un avenir rapproché, faire face à quelque nouvelle demande que ce soit.

Le dernier problème qui se pose pour la flotte a trait à sa capacité de satisfaire aux importantes exigences qui lui sont actuellement imposées. La vérification a fait ressortir qu’elle n’y parvient pas dans tous les cas. Par exemple, la flotte ne satisfait pas toujours pleinement aux exigences nationales établies en matière de niveau de service pour le programme de recherche et de sauvetage. Quant au programme des services à la navigation maritime, M. Adams a admis qu’il « arrive que les bouées restent dans l’eau plus longtemps que nous le souhaiterions quand l’hiver arrive et […] que nous ne les réinstallions pas aussi rapidement que nous le souhaiterions après la fonte des glaces […] à cause du manque de ressources financières, effectivement ».

Lors du dépôt du budget fédéral le 12 décembre 2001, le gouvernement a annoncé qu’il avait l’intention d’affecter la somme totale de 60 millions de dollars au cours des cinq prochaines années à la protection des ports canadiens et d’autres infrastructures essentielles. Une partie de ces fonds servira à accroître la surveillance exercée par la Garde côtière canadienne sur les voies navigables du Canada. Le gouvernement a également annoncé que Transports Canada identifierait avec d’autres organismes des mesures supplémentaires destinées à améliorer la sécurité maritime. Une augmentation du financement n’est pas une solution aux problèmes de la flotte, mais plutôt une raison de plus d’apporter à la gestion les améliorations qui s’imposent. Ces améliorations doivent être apportées rapidement puisque l’éventualité de responsabilités supplémentaires se rapproche. Et elles devront être apportées quoi qu’il arrive.

Il convient de signaler que le Ministère n’a contesté aucune des constatations du vérificateur et qu’il a acquiescé à toutes ses recommandations, ce qui est encourageant. En guise de réponse, il a élaboré un plan d’action en sept points. Pourtant, il lui a fallu un an pour le faire et le résultat, qui a été présenté au Comité lors de la réunion, était décevant. Le Ministère a en fait présenté un projet de plan d’action qui énumère les secteurs dans lesquels des mesures devraient être prises sans préciser en quoi elles consisteront. Une année s’étant écoulée depuis la vérification et plusieurs mois depuis la réunion, le temps est venu pour le Ministère d’étayer son plan d’action. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 1

Que le ministère des Pêches et des Océans présente un plan d’action détaillé au Comité en réponse au Chapitre 31 du rapport de décembre 2000 du vérificateur général du Canada. Ce plan doit préciser les mesures prévues ou en cours pour donner suite à chacune des recommandations de même que les dates de mise en œuvre et d’achèvement et être présenté au Comité au plus tard le 30 septembre 2002.

Le Comité est particulièrement préoccupé par les constatations du vérificateur au sujet de l’information fournie par le Ministère dans ses rapports au Parlement. Le vérificateur a relevé des problèmes en ce qui concerne les méthodes utilisées par le Ministère pour imputer les coûts de la flotte à ses secteurs d’activités et constaté que le rapport sur le rendement contient en conséquence des données « non fiables ». En outre, l’ancien vérificateur général a indiqué que :

Même si le Ministère sait que la flotte n’est pas en mesure de répondre à certaines des attentes les plus fondamentales en matière de service, il n’a pas fait d’efforts soutenus pour cerner ou divulguer la nature et l’étendue de ces lacunes.

C’est pourtant précisément le genre d’information dont le Parlement a besoin non seulement pour rendre des jugements éclairés sur la qualité du service fourni aux Canadiens par la flotte, mais aussi pour évaluer la suffisance du financement. Le Comité s’attend à ce que ces problèmes soient corrigés et recommande :

RECOMMANDATION 2

Que le ministère des Pêches et des Océans commence à fournir au Parlement des données exactes et fiables sur les plans et les priorités de sa flotte de même que sur son rendement dans tous les documents qu’il doit lui présenter, en commençant par son rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2002. Les rapports sur le rendement doivent notamment inclure une discussion franche des lacunes observées sur le plan du service, des raisons de ces lacunes et des mesures prévues ou déjà prises pour les combler.

RECOMMANDATION 3

Que le ministère des Pêches et des Océans fournisse, dans ses rapports sur le rendement, de l’information sur les résultats obtenus grâce aux mesures prises en réponse aux observations et aux recommandations du Chapitre 31 du rapport de décembre 2000 du vérificateur général du Canada. L’information devrait être directement reliée au plan d’action établi par le Ministère et commencer à être fournie avec le rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2002.

L’examen des témoignages entendus porte le Comité à croire qu’un grand nombre des problèmes que la vérification a fait ressortir sont attribuables à la structure d’organisation et de responsabilisation à l’intérieur de laquelle la flotte fonctionne. Le témoignage de M. Adams est venu appuyer cette conclusion :

Je ne crois pas personnellement que le modèle de gestion que nous essayons de suivre au sein du Ministère soit nécessairement le meilleur pour une organisation opérationnelle, pour une institution nationale comme la Garde côtière.

Il a ajouté que cela ne voulait pas dire que le modèle actuel ne pourrait pas fonctionner, mais il a poursuivi en disant que le sous-ministre avait demandé qu’on lui fasse une recommandation quant à la meilleure façon de gérer la Garde côtière canadienne. Le Ministère a également accepté d’examiner la façon dont la flotte s’intègre dans sa structure actuelle d’organisation et de responsabilisation, comme l’a recommandé l’ancien vérificateur général. Le Comité est convaincu qu’il vaut la peine de procéder à un tel examen pour en arriver à un modèle de gestion sinon optimal, du moins meilleur que celui dont dispose aujourd’hui la Garde côtière canadienne. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 4

Que le ministère des Pêches et des Océans, en collaboration avec le Bureau du vérificateur général du Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor, effectue à l’intention du sous-ministre un examen complet et rigoureux du modèle de gestion actuellement utilisé par la Garde côtière canadienne. Cet examen devrait permettre de définir différentes options et avoir été achevé au 31 décembre 2002.

Le Comité croit qu’un tel examen et la réponse du Ministère à ses constatations et recommandations présenteront un grand intérêt pour le Parlement et les Canadiens. Par conséquent, il recommande :

RECOMMANDATION 5

Que le ministère des Pêches et des Océans dépose son rapport d’examen du modèle de gestion utilisé par la Garde côtière canadienne, ainsi que sa réponse officielle englobant un plan d’action, à la Chambre des communes au plus tard le 31 mars 2003.

CONCLUSION

À la suite de la vérification, M. Desautels a indiqué qu’il était préoccupé « par le nombre et l’importance des questions » relevées. Il a ajouté que « le règlement de ces questions requiert une action rapide de la direction ». M. Adams a fait écho à ces remarques en disant au Comité que « la nécessité de prendre des mesures est urgente et reconnue ».

Les services fournis par la Garde côtière canadienne sont des plus importants pour le Canada ainsi que pour la sûreté et la sécurité de ses citoyens et de tous ceux qui empruntent ses voies navigables. Nul ne sait ce qui pourrait arriver si les lacunes relevées ne sont pas comblées. Le Comité s’attend donc à ce que le ministère des Pêches et des Océans agisse avec la plus grande célérité.

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale au présent rapport.

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (séances nos 27 et 53) est déposé.

 

Respectueusement soumis,

 

 

Le président,

 

JOHN WILLIAMS, DÉPUTÉ