CIMM Rapport du Comité
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OPINION DISSIDENTE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE
RAPPORT INTITULÉ RÈGLEMENT SUR LES TIERS PAYS SÛRS
ET RÉDIGÉ PAR LE COMITÉ PERMANENT DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DÉCEMBRE 2002
Le Nouveau parti démocratique demeure fermement opposé à lEntente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis ainsi quau Règlement qui a été proposé pour la mettre en uvre.
Lamélioration du sort des réfugiés devrait constituer le principal objectif des modifications légitimes à notre politique sur les réfugiés. Nous ne croyons pas que lEntente satisfasse à cet objectif.
En fait, cest tout à fait le contraire. LEntente ne procède pas des traditions humanitaires du Canada mais découle plutôt des horreurs du 11 septembre. Elle a été élaborée au moment où les réfugiés faisaient lobjet dune chasse insouciante aux boucs émissaires lancée pour les faire passer pour les auteurs apparents de la terreur alors quils en sont la victime. Il ny a rien de fortuit : cette entente constitue un élément de la stratégie de la frontière efficace entre les deux pays.
LEntente a comme principe le traitement comparable des demandeurs du statut de réfugié des deux côtés de la frontière, ce qui nest pas le cas, de toute évidence.
Plusieurs méthodes américaines ont fait lobjet de critiques, étant qualifiées dinférieures aux normes internationales. Dautres critiques sérieuses ont également été formulées notamment : lois américaines autorisant le recours abondant à lincarcération, processus dexpulsion non transparent et accéléré ainsi que non-reconnaissance de la revendication fondée sur des motifs liés au sexe. De plus, les États-Unis ont, depuis longtemps, lhabitude de fonder inopportunément leur évaluation des réfugiés sur leurs objectifs en matière de politique étrangère.
Signalés récemment, les cas de profilage racial et de traitement inapproprié dont font lobjet des citoyens canadiens et certains résidents permanents ne constituent quun aperçu des méthodes utilisées réellement par les Américains à lendroit de citoyens non américains. Nos préoccupations samplifient depuis que nous savons que les cas des réfugiés seront examinés par le nouveau ministère de la Sécurité intérieure et que les autorités américaines ont allongé la liste des pays dont les citoyens seront assujettis à un « traitement spécial » de la part des agents américains. Comme plusieurs témoins lont signalé, les États-Unis ne sont pas un refuge sûr pour certaines catégories de réfugiés, et pour ce seul motif, le Canada ne devrait pas conclure cette entente.
Nos préoccupations se sont manifestées dès que le/la ministre a commencé à laisser entrevoir la possibilité de remettre en uvre une initiative sur les « tiers pays sûrs », propos qui ont été lancés à lextérieur du Parlement et peu de temps après la fin du débat sur la nouvelle Loi sur limmigration et la protection des réfugiés. Nos pires craintes ont été confirmées par les témoins qui ont comparu devant le Comité. Ceux-ci se sont opposés unanimement à lentente et ont cerné de nombreuses lacunes dans le Règlement.
Plusieurs problèmes dordre administratif ont été soulevés. Le fardeau de la preuve incombe injustement à la personne qui doit prouver quelle fait partie des exceptions. Un témoin a signalé que lEntente entraînerait « le chaos et la corruption ». Les agents seront tenus dexécuter des évaluations complexes et de prendre des décisions importantes qui ne relèvent pas de leurs responsabilités habituelles, et aucun mécanisme dexamen ne permettra de corriger les erreurs ou de tenir compte de nouveaux éléments de preuve. Les pouvoirs discrétionnaires que lEntente accorde aux agents sont encore plus restreints par le Règlement.
La charge de travail des agents devrait salourdir, et nous ne pouvons compter que sur de vagues promesses daccroître les ressources, engagement qui a été pris par un/une ministre qui a déjà reconnu que le manque de ressources est la cause du retard inadmissible dans la mise en uvre de la Section dappel des réfugiés aux termes de la Loi sur limmigration et la protection des réfugiés.
De plus, il est réaliste de sattendre à ce que lEntente fasse augmenter inévitablement lintroduction clandestine détrangers au pays. Le simple fait dimposer une nouvelle règle ne découragera pas soudainement les réfugiés, pour qui le Canada est synonyme dun avenir sûr. Une fois au pays, certains pourront demander le statut de réfugié tandis que dautres pourront être forcés de demeurer dans la clandestinité.
Une telle situation constitue un cauchemar administratif mais suscite des craintes au chapitre de la sécurité. De toute évidence, lEntente va à lencontre du but recherché : maintenir notre sécurité.
LEntente peut également exercer un effet destructeur sur les familles. Lexpérience du chemin de fer clandestin a montré que des familles désespérées seront prêtes à tout pour assurer la sécurité de leurs enfants, y compris à faire éclater la cellule familiale pour jouir dun meilleur sort dans le pays daccueil. Les exceptions restreintes pourront indirectement encourager ces stratégies désespérées.
LEntente est illogique sur les plans administratifs et humanitaires ainsi que sur celui de la sécurité. Pourquoi cherchons-nous alors à la mettre en uvre?
Environ 35 % de nos demandeurs du statut de réfugié arrivant des États-Unis, essayons-nous simplement de réduire le nombre de réfugiés admis au Canada? Le Canada accueille seulement un demi pour cent des réfugiés dans le monde. Il faudrait accroître et non pas réduire cet engagement afin daider près de 20 millions de personnes qui sont en danger ou qui sont déplacées. LEntente reflète plutôt la récente tendance suivie par le gouvernement dans ses initiatives en matière dimmigration et de protection des réfugiés afin de « resserrer » un régime qui est aux prises avec des problèmes imputables au manque de coordination et de ressources internes.
Dautre part, se pourrait-il que lEntente vise à nous intégrer à la « forteresse nord-américaine » dans le cadre des grandes visées américaines à la suite des événements du 11 septembre? Traduisant une harmonisation accrue de notre politique en matière dimmigration et de protection des réfugiés avec celle des États-Unis, lEntente aurait dû faire lobjet dun débat au Parlement.
Par conséquent, à qui cette nouvelle politique profite-elle?
Le gouvernement fédéral réduit sans aucun doute le nombre de réfugiés quil accepte, si cest là son objectif. Il pourra continuer de ne pas accorder à Citoyenneté et Immigration Canada les ressources nécessaires et restreindre son budget au lieu de respecter ses obligations internationales. Les États-Unis réussissent à obtenir lexpulsion des réfugiés dont ils ne veulent pas et peut-être dautres concessions de la part des Canadiens des « compensations futures ». Le Canada se retrouve certes encore plus près de lintégration aux États-Unis et de la perte de sa souveraineté. Et les criminels voient soffrir à eux une toute nouvelle occasion, avec laugmentation de lintroduction clandestine détrangers au pays.
LEntente profite à tous, sauf au réfugié.