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CIMM Rapport du Comité

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INTRODUCTION

En novembre 2002, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a fait valoir qu’il était temps que les Canadiens examinent exhaustivement la possibilité d’établir une carte nationale d’identité. M. Coderre a en outre laissé entendre que le Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l’immigration serait la tribune appropriée pour cet examen et le Comité a accepté de se pencher sur cette question importante.

Cependant, à l’heure actuelle, l’étude est incomplète. Le Comité prévoit de poursuivre ses travaux et d’entendre d’autres Canadiens tandis que cette question continue de susciter des débats publics. Nous avons établi qu’il serait utile de rendre publiques nos conclusions provisoires pour aider à centrer l’examen stratégique en cours. À ce jour, on n’a encore avancé aucun projet précis concernant une carte nationale d’identité sur lequel les Canadiens pourraient faire connaître leurs opinions, mais nous espérons que le présent rapport provisoire aura pour effet de clarifier davantage les questions fondamentales qui exigent des réponses.

A.La portée de l’étude

Les préoccupations liées à la sécurité nationale à la suite des événements du 11 septembre sont peut-être bien un facteur à l’origine de cette question, mais la carte nationale d’identité pourrait aussi être utile à d’autres égards, par exemple pour faciliter les voyages et les échanges commerciaux et pour la lutte contre l’usurpation d’identité. Lors de sa comparution devant le Comité, le 6 février 2003, le ministre a déclaré ce qui suit :

Une carte nationale d’identité est simplement un outil qui permet au porteur de prouver, avec un degré élevé de certitude, qu’il est bien celui qu’il prétend être. La carte offre un degré de certitude considérable en raison des mesures de sécurité déployées au moment de son émission et de la technologie qui y est appliquée.

...

Bien que l’attention plus soutenue qu’on porte aux preuves d’identité sécurisées soit issue en partie des attaques terroristes, d’autres éléments entrent en jeu. Au Canada, le vol d’identité est considéré comme un problème grave et qui est en croissance.

...

Nous devons également nous garder de juger trop rapidement. Ce débat suscitera sans doute des opinions très fortes dans les deux camps. Il est nécessaire d’entendre l’avis de tous. Ce dont nous avons besoin, c’est d’objectivité — un exercice animé par des faits et par la raison, et non pas par des insinuations.

Le Comité a, essentiellement, obtenu carte blanche pour examiner la question d’une carte nationale d’identité. Aucun document officiel de consultation n’a été publié et les témoins qui ont comparu devant le Comité ont été priés de faire part d’observations générales sur le sujet.

B.Le processus d’étude

En février 2003 le Comité a tenu des audiences dans toutes les capitales provinciales, de même qu’à Vancouver et à Montréal. Des questions importantes touchant au mandat du Comité ont été examinées à ces audiences, par exemple les questions relatives à l’établissement des immigrants, le Programme des candidats des provinces et le projet de loi C-18, la Loi sur la citoyenneté au Canada, et deux rapports ont déjà été produits à la suite de ces consultations1. Bien qu’un certain nombre de témoins aient fait part de leurs préoccupations au sujet d’une carte nationale d’identité, il ne s’agissait pas là du sujet principal des audiences. Citoyenneté et Immigration Canada n’a produit aucun document de consultation officiel sur la question, mais le Comité a publié un court document d’orientation. Le communiqué de presse du Comité se lisait en partie comme suit :

Les Canadiens utilisent deux sortes de pièces d’identité : tout d’abord, les documents de base tels que les certificats de naissance et les documents d’immigration, qui sont nécessaires pour obtenir les autres pièces, soit les documents habilitants comme les passeports, les permis de conduire et les cartes d’assurance sociale. L’utilisation frauduleuse de l’un ou l’autre de ces documents soulève d’importantes préoccupations concernant la sécurité nationale, l’intégrité des programmes gouvernementaux, les infractions commerciales et la possibilité pour les Canadiens de voyager à l’étranger.

Le Comité entend se pencher sur ces questions, de même que sur celles qui touchent la protection des renseignements personnels et la conservation des valeurs canadiennes. Voici certaines des questions que le Comité voudrait voir les témoins aborder :

Quels problèmes sont liés aux pièces d’identité canadiennes, plus particulièrement les documents de base tels que les certificats de naissance?
Quels principes directeurs devraient orienter la stratégie nationale sur les pièces d’identité?
Quel ordre ou quels ordres de gouvernement devraient être responsables?
Est-il nécessaire de créer une nouvelle carte d’identité nationale ou devrait-on plutôt renforcer les éléments de sécurité des documents de base actuels?
Quelles mesures d’autres pays ont-ils prises en ce qui a trait à la carte d’identité nationale?
Chaque Canadien devrait-il être tenu d’avoir sur lui une pièce d’identité sûre en tout temps? Le port d’une pièce d’identité devrait-il plutôt être volontaire pour certains (p. ex., les citoyens canadiens et les résidents permanents) et obligatoire pour d’autres (p. ex., demandeurs du statut de réfugié, étudiants étrangers et autres résidents temporaires)?
Quels renseignements devraient être intégrés dans le codage des cartes? Qui devrait avoir accès à ces renseignements? L’information devrait-elle être centralisée? Quelles mesures de protection seraient nécessaires pour prévenir les utilisations malveillantes?
Quelles technologies permettent d’accroître la sécurité des documents? Quelles questions l’utilisation de technologies particulières comme la biométrie soulève-t-elle? (Les identificateurs biométriques comprennent les empreintes digitales, le balayage de l’iris et la reconnaissance du visage.)
Combien coûterait une carte d’identité nationale? Quelles économies une telle carte permettrait-elle de réaliser (p. ex., sur le plan de la réduction des infractions liées au vol de pièces d’identité)?

Le Comité reconnaît que certains témoins avaient l’impression de ne pas avoir suffisamment de temps pour préparer des mémoires détaillés sur le sujet compte tenu du calendrier du Comité. Pour d’autres, il était difficile de faire des observations sur le sujet sans avoir en main une proposition précise. De toute évidence, le processus de consultation des Canadiens est loin d’être terminé et nous entendrons d’autres témoins dans un proche avenir.

En mars 2003, les membres du Comité se sont rendus à Washington, D.C., pour examiner diverses questions concernant l’immigration et la sécurité à la frontière avec leurs homologues du Congrès. Nous avons alors également profité de l’occasion pour discuter des documents d’identité, de la biométrie et d’autres sujets connexes avec divers membres du Congrès, des représentants d’organisations non gouvernementales ayant leurs bureaux à Washington et des représentants d’entreprises privées qui s’intéressent à cette technologie en évolution.

En juin et juillet 2003, le Comité a poursuivi ses travaux en Europe. Nos efforts ont été axés sur la question de la carte nationale d’identité mais nous avons également eu la possibilité d’examiner la mise en œuvre de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés à divers bureaux canadiens des visas. Le Comité a eu la chance de se rendre dans six capitales européennes où la carte d’identité était soit en usage, soit à l’étude. Nous avons eu la possibilité d’examiner la technologie de la carte à puce actuellement en développement et d’évaluer le niveau d’acceptation de cette technologie par le public.

Au Canada et en Europe, nous avons également entendu des experts participant à divers aspects de la production des cartes d’identité, y compris des spécialistes de l’utilisation des identificateurs biométriques. Au total, le Comité a entendu 48 associations et particuliers  au Canada ainsi que 89  représentants des gouvernements et autres particuliers à l’étranger. Nous continuerons de tenir des audiences sur cette question importante et nous espérons que le présent rapport provisoire aura pour effet de susciter les discussions et les débats.

EXAMEN PRÉLIMINAIRE PAR LE COMITÉ

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes n’avait encore jamais examiné la question d’une carte nationale d’identité. Dans son rapport sur le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés proposé, déposé en mars 2002, le Comité analyse la question de la nouvelle carte dite «  feuille d’érable  » pour les résidents permanents2. Le Comité a examiné les préoccupations opposant le respect de la vie privée et la sécurité dans le contexte de l’utilisation d’identificateurs biométriques sur ces cartes et il a conclu que, afin de sécuriser davantage la nouvelle carte de résident permanent, le gouvernement devrait y insérer un identificateur biométrique après qu’il se sera assuré de l’existence de dispositifs de sécurité appropriés. Le Comité n’a pas examiné directement la création d’une carte universelle pour tous les Canadiens mais il a déclaré ce qui suit au sujet de la carte dite «  feuille d’érable  » :

Tout en étant sympathique aux préoccupations ci-dessus au sujet de l’utilisation des identificateurs biométriques, le Comité croit qu’avec des dispositifs de sécurité appropriés et pour les fins limitées envisagées, un identificateur biométrique est essentiel pour assurer l’aspect sécuritaire de la nouvelle carte de résident permanent.

Quels seraient les dispositifs de sécurité appropriés? Nous recommandons les suivants :

Bien qu’aucun système biométrique ne soit inviolable, le système devrait être le plus précis possible afin d’assurer un haut degré de confiance dans les résultats.
Toutes les mesures possibles devraient être prises pour empêcher les risques d’altération du système.
Un identificateur unique — les empreintes digitales ou la lecture d’empreintes rétiniennes — serait préférable à un identificateur moins fiable.
L’usage de l’identificateur biométrique sur la carte serait réservé à des fins d’immigration.
Étant donné que l’identificateur sur la carte authentifie l’identité du titulaire enregistré dans le système, il est essentiel que le processus d’enregistrement initial soit le plus précis possible. La biométrie ne peut pas déceler une fausse identité.

AUTRE EXAMEN PRÉLIMINAIRE AU CANADA

Au cours des années 1990, le Comité permanent de la Chambre des communes sur le développement des ressources humaines a examiné un projet visant le remplacement du numéro d’assurance sociale par une carte nationale d’identité. Cette proposition a été rejetée par le gouvernement en raison des préoccupations touchant à la protection de la vie privée et du coût projeté3. La réponse du gouvernement concernant la création d’un système de cartes nationales d’identité se lisait alors en partie comme suit :

Compte tenu des plus de 30 millions de détenteurs potentiels d’une carte d’assurance sociale et de la ténuité de l’infrastructure en place, on estime qu’il en coûterait entre 1,2 milliard et 3,6 milliards de dollars pour émettre une carte «  intelligente  » aux Canadiens admissibles. Des dépenses supplémentaires devraient être engagées par le gouvernement fédéral pour assurer la protection des renseignements personnels et les échanges de données nécessaires. Le réenregistrement périodique des détenteurs de carte entraînerait en outre des coûts additionnels considérables4.

Dans le document  de 1999, le gouvernement a également déclaré ceci :

Un système national d’identification soulèverait d’importantes préoccupations au chapitre de la protection des renseignements personnels (souligné dans l’original). Pour passer à une telle approche, il faudrait s’interroger en profondeur sur les modes de transmissions de l’information, les modes d’accès, les critères d’accès, les exigences relatives à l’enregistrement obligatoire et au réenregistrement périodique et les autres répercussions d’un éventuel registre national d‘identification.

Il est raisonnable de présumer qu’un système d’identification plus précis et plus sûr réduirait les fraudes et les abus à l’égard des programmes et des services pour lesquels on y a recours. On ne dispose, à l’heure actuelle, d’aucune donnée suffisamment fiable sur les coûts des fraudes et des abus qui pourraient être évités dans le section public avec la création d’un système national d’identification. Cependant, en faisant du NAS l’instrument principal d’un nouveau système national d’identification, on en augmenterait d’autant la valeur pour les fraudeurs voulant tirer profit d’une usurpation d’identité, ce qui exigerait une vigilance accrue pour l’administration et le contrôle du système5.

Comité est également au courant de l’existence d’au moins deux groupes de travail fédéraux-provinciaux-territoriaux qui examinent actuellement les questions liées à l’identité et à la fraude. L’un d’eux est le groupe de travail sur l’usurpation d’identité et l’autre est le Conseil fédéral, provincial et territorial sur l’identité au Canada. Le premier a pour mandat d’examiner le cadre législatif existant au Canada et de recommander des changements possibles à la loi qui pourraient être utiles dans le cadre des poursuites pour usurpation d’identité et autres infractions connexes. Pour sa part, le Conseil examine l’élaboration d’une stratégie pour l’amélioration des processus d’identification, notamment en ce qui a trait à la délivrance des documents de base. À notre connaissance, aucun de ces deux groupes n’a déposé un rapport public.

LA BIOMÉTRIE

Il serait peut être bon d’expliquer exactement le sens du terme scientifique «  biométrie  » dans le contexte des systèmes d’identification. Comme mentionné ci-dessus, dans le rapport déposé en mars 2002, Bâtir une nation : le Règlement découlant de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le Comité a examiné l’utilisation possible d’un identificateur biométrique pour la carte de résident permanent (dite «  feuille d’érable  »). Il convient de reprendre le survol de la question présenté dans ce rapport dans le contexte d’une carte nationale d’identité pour les citoyens du Canada.

La biométrie est la technologie qui convertit les caractéristiques physiques et comportementales des particuliers en données numériques. Les données sont cryptées dans un système, qui peut être une carte individuelle, et sont utilisées pour effectuer des comparaisons.

Il existe divers types d’identificateurs biométriques. Certains — les empreintes digitales et les caractéristiques de l’œil (la rétine et l’iris) — sont uniques à chacun. D’autres comme les traits du visage, la géométrie de la main et l’empreinte vocale sont considérés comme étant relativement uniques à une personne. Les deux types contiennent de l’information qui est considérée comme non transférable. Ni l’un ni l’autre ne contient de données concernant la personne; l’identificateur biométrique est plutôt les données de la personne.

Les identificateurs biométriques sont utilisés à des fins d’authentification (ou de vérification) de l’identité ou d’identification de la personne ou les deux.

Certains observateurs s’inquiètent de l’usage généralisé de l’information biométrique, en particulier dans le secteur privé. Ils font valoir que les systèmes biométriques ne sont pas inviolables et qu’il y a des risques d’échanges de données. Ils estiment que certains usages, tels que la surveillance des foules à partir des traits faciaux, menacent l’autonomie individuelle.

Les détracteurs considèrent que l’utilisation généralisée de la biométrie soulève des questions d’ingérence dans la vie privée, s’attaque à l’individualité humaine et peut provoquer chez certaines personnes le sentiment que le gouvernement et l’entreprise privée interviennent trop dans leur vie personnelle. Ils parlent d’envahissement furtif, c’est-à-dire une utilisation de la technologie à des fins non voulues, voire non prévues au moment de son introduction.

LES OPINIONS DES CANADIENS

A.Les sondages

Le Comité est au courant de deux sondages récents ayant porté directement sur la question d’une carte nationale d’identité pour les Canadiens. Pour le sondage COMPAS/National Post réalisé en décembre 2002, la question suivante a été posée : «  Que pensez-vous d’une carte d’identité de haute technologie pour tous les résidents du Canada? Compte tenu, d’une part, des avantages possibles au niveau de la sécurité et, d’autre part, du risque possible pour la liberté, est-ce une bonne idée ou une mauvaise idée?  » Dans leur réponse, 57 % des répondants ont dit que c’était une bonne idée et 30 % ont répondu que c’était une mauvaise idée.

Cependant, le contexte dans lequel la question a été posée soulève des doutes quant à la valeur de la réponse. Les trois questions précédentes posées au cours du sondage étaient les suivantes :

(Q20) Passons maintenant aux questions d’intérêt global et international. Considérez-vous la menace terroriste posée par des extrémistes islamistes comme Oussama ben Laden comme plus sérieuse que la plupart des autres menaces posées par le passé ou comme moins sérieuse?

(Q21) Compte tenu des droits légaux des personnes qui sont accusées de crimes, est-ce que les personnes vivant au Canada qui sont accusées d’être des terroristes ont les mêmes droits que les accusés criminels par le passé, ou bien est-ce que ces personnes ont moins de droits?

(Q22) Les États-Unis ont fait part de la décision de prendre les empreintes digitales des voyageurs à destination des États-Unis en provenance du Canada et d’ailleurs qui sont nés dans des pays considérés par les États-Unis comme impliqués dans le terrorisme; les États-Unis ont-ils raison d’adopter cette politique?

L’autre sondage, daté du 31 mars 2003 et intitulé Canadians’ Views Towards a National ID Card and Biometrics, a été réalisé par Les Associés de recherche Ekos à la demande de Citoyenneté et Immigration Canada. Le Comité n’a pas participé à la réalisation de ce sondage ni au choix des questions posées.

Ce deuxième sondage a aussi démontré que le public accordait un appui important à une carte nationale d’identité. Compte tenu des observations ci-dessus concernant le premier sondage, il est intéressant de noter que, dans le sondage Ekos, l’appui à une carte était plus élevé lorsque la question était posée à la fin du sondage, plutôt qu’au début. Les réponses obtenues étaient les suivantes6 :

Pièce 2.4 - Appui à une carte nationale d’identité

En ce qui concerne les données biométriques, la question et les résultats sont les suivants :

Pièce 2.6 - Appui à une carte nationale d’identité avec données biométriques

Il faudrait noter, toutefois, que le sondage a aussi laissé entendre que la plupart des Canadiens ne connaissent pas la signification du terme «  biométrie  ». Quand on demandait aux répondants ce que le mot signifiait pour eux, seulement 15 % des personnes interviewées ont risqué une réponse. De ce petit nombre, seulement 32 % (c’est-à-dire moins de 5 % de tous les répondants) ont donné une réponse considérée comme correcte par Ekos. Le Comité prend également note des remarques à la fin du rapport :

[Traduction] Dans l’ensemble, les résultats laissent supposer un appui solide à l’adoption d’une nouvelle carte nationale d’identité et à l’utilisation de la biométrie par les gouvernements et le secteur privé, mais il est possible que ces résultats représentent un niveau maximum d’appui. Malgré la conclusion préliminaire selon laquelle l’appui à une nouvelle carte nationale d’identité est plus élevé si la question du sondage sur le sujet est placée à la fin de la batterie de questions sur la biométrie (c’est-à-dire après que les répondants ont été exposés à des renseignements sur les sujets en question), il est certainement plausible qu’un débat public sur les enjeux puisse entraîner une érosion de l’appui. Comme c’est le cas pour d’autres questions d’intérêt public, nous nous attendons à ce que le débat soit dominé par les élites (par ex. les défenseurs des libertés civiles, les avocats, les universitaires, les groupes de défense de la vie privée, les médias et les partis d’opposition), lesquelles se prononceront presque toutes contre l’adoption d’une nouvelle carte et l’utilisation de la biométrie. Pour ajouter au défi, nous déterminons que les arguments les plus solides en faveur de l’adoption de ces technologies prennent appui sur les lacunes des documents, systèmes et procédures actuels, à l’origine des utilisations frauduleuses et abusives de l’information.

Le gouvernement du Canada aura un défi de taille à relever au chapitre des communications s’il s’engage dans ce débat avec un message aussi négatif.

B.Les audiences du Comité

Les mémoires présentés par les témoins qui ont comparu devant nous au Canada opposent un contraste frappant aux résultats des sondages examinés par le Comité. Le Comité ne fait que commencer à entendre les témoignages des Canadiens, mais la  majorité des témoins qui ont comparu devant le Comité jusqu’ici étaient obstinément opposés à toute forme de carte nationale d’identité. Beaucoup ont présenté des exposés détaillés émaillés d’arguments très élaborés contre la réalisation d’un tel projet. Leurs principales préoccupations, qui tendent à se chevaucher dans une certaine mesure, sont résumées sous les 13 rubriques suivantes. Il convient de souligner que les paragraphes qui suivent ne reflètent pas les conclusions du Comité; il s’agit simplement d’un sommaire des préoccupations dont les témoins nous ont fait part jusqu’ici.

1.Une carte nationale d’identité et la sécurité nationale

De nombreux témoins ont soutenu que, si le but visé par l’introduction d’une carte nationale d’identité était de lutter contre le terrorisme ou d’améliorer autrement la sécurité nationale au Canada, les avantages ou les répercussions de cette mesure seront nuls. Les visiteurs pour une courte période au Canada ne seraient probablement pas admissibles à une carte nationale d’identité mais, même dans le cas des citoyens canadiens et des résidents permanents, le simple fait de posséder une carte nationale d’identité ne signifierait pas pour autant que son détenteur ne pose pas une menace à la sécurité du Canada. Comme certains témoins l’ont fait remarquer, les autorités américaines connaissaient l’identité de bon nombre des pirates de l’air du 11 septembre; ce sont leurs intentions qui étaient inconnues. Le Comité est aussi conscient du fait que des incidents terroristes impliquant des Canadiens, par exemple les bombes posées et les enlèvements commis par le FLQ ainsi que l’explosion du vol 182 d’Air India, auraient eu lieu même si la carte nationale d’identité avait existé.

2.Une carte nationale d’identité et le respect de la vie privée par l’État

Le Comité a été mis en garde à de nombreuses reprises contre la possibilité que la police puisse arrêter des gens sur la rue et exiger une preuve de leur identité. Des témoins ont laissé entendre que, pour qu’une carte nationale d’identité soit utile aux fins d’application de la loi, il faudrait qu’elle soit obligatoire pour tous et il faudrait que les détenteurs l’aient sur eux en tout temps. On a laissé entendre que l’introduction d’une carte nationale d’identité serait une pente glissante conduisant à une ingérence accrue dans la vie privée des Canadiens. Même si la carte d’identité était facultative et qu’il ne serait pas obligatoire de la présenter aux autorités, des témoins ont soutenu que la situation ne tarderait pas à changer étant donné que, en raison du coût du projet, l’utilisation de la carte sur une plus grande échelle serait encouragée. Quelques témoins étaient persuadés qu’une carte nationale d’identité deviendrait, essentiellement, un passeport interne.

Le Comité a aussi entendu des témoignages selon lesquels une carte nationale d’identité, si elle était obligatoire, pourrait enfreindre la Charte canadienne des droits et libertés. On a renvoyé à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans R. c. Dyment7, dans laquelle le juge La Forest déclare :

Fondée sur l’autonomie morale et physique de la personne, la notion de vie privée est essentielle à son bien-être. Ne serait-ce que pour cette raison, elle mériterait une protection constitutionnelle, mais elle revêt aussi une importance capitale sur le plan de l’ordre public. L’interdiction qui est faite au gouvernement de s’intéresser de trop près à la vie des citoyens touche à l’essence même de l’État démocratique.

La question de la possibilité de renvoi croisé des données a également été soulevée. Si une carte nationale d’identité contenait divers types de renseignements intéressant les autorités gouvernementales ou pouvait être reliée à cette information — par exemple, le dossier médical, le dossier du conducteur et les antécédents professionnels d’une personne — les répercussions au niveau de la vie privée seraient importantes. Le Comité a été informé qu’il serait préférable d’établir des dépôts séparés et distincts des renseignements personnels pour aider à protéger la vie privée des Canadiens.

Les témoins ont également analysé l’affirmation voulant que, si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre lorsque des représentants de l’État exigent une pièce d’identité, et que seuls les criminels devraient être préoccupés par l’ingérence dans la vie privée. On a laissé entendre que cette hypothèse ne tenait pas la route et que, en poursuivant le raisonnement suivant cette même logique, on conclut que la police devrait être autorisée à pénétrer dans notre domicile, à lire notre courrier ou à écouter nos conversations téléphoniques, en tout temps, seulement pour s’assurer que nous ne contrevenons pas à la loi. Comme un témoin l’a déclaré :

Le fait est que nous avons tous des choses à cacher, non pas parce qu’elles sont mauvaises ou honteuses, mais simplement parce qu’elles sont privées.

3.Préoccupations liées à la protection de l’information

La protection des données personnelles est déjà une question délicate et de nombreux témoins se sont dit préoccupés par le risque d’une utilisation abusive des données contenues sur une carte nationale d’identité de même que par le fait que les données devraient être conservées dans un dépôt central pour que le système de cartes fonctionne comme prévu. Des témoins ont mentionné le risque que les bases de données puissent être «  piratées  » ou utilisées de façon inappropriée par les fonctionnaires chargés de l’exploitation du système. Au cours de ses déplacements au Canada, le Comité a constaté que la perte d’un seul disque dur dans une compagnie d’assurances à Regina faisait les manchettes. Le matériel en question contenait des données confidentielles et des renseignements particuliers sur environ un million de personnes et d’entreprises. Même si le disque dur a finalement été retrouvé, cet incident a confirmé la crainte de nombreux témoins.

Les représentants de l’industrie de la biométrie ont déclaré que la carte comme telle n’aurait pas de répercussions négatives sur la vie privée. Il faut plutôt se préoccuper du système utilisant les cartes nationales d’identité. On a laissé entendre qu’il serait possible de concevoir un cadre de protection de l’information, afin de soulager les craintes des critiques et de protéger les renseignements personnels.

Les opposants ont mentionné l’existence de lois sur la protection de l’information et fait état de la possibilité d’élargir celles-ci si une carte nationale d’identité était introduite, mais certains ont laissé entendre que, pour que les lois du genre soient utiles, il faudrait créer une armada de fonctionnaires chargés de l’application de la loi et de la protection des données personnelles. On a soutenu que cette mesure aurait des répercussions importantes sur le coût du système d’identité ou que, pour cette raison, il serait peu probable que la protection appropriée des données soit assurée.

4.«  L’envahissement furtif  »

De nombreux témoins mettaient en doute le fait que la carte nationale d’identité puisse servir uniquement à des fins restreintes et précises. Comme mentionné ci-dessus, le coût probable d’un système de cartes nationales d’identité pourrait encourager l’élargissement de ses utilisations. De même, le fait que l’information serait «  à portée de la main  » pourrait inciter les ministères et les organismes gouvernementaux à exercer des pressions pour élargir l’accès à ces renseignements.

Des témoins ont fait remarquer que, lorsque nous communiquons de l’information au gouvernement, nous sommes normalement assurés que celle-ci servira uniquement aux fins pour lesquelles elle a été recueillie. Si l’État et les organismes d’exécution peuvent avoir accès à cette information pour d’autres fins, il se pourrait que cette promesse fondamentale ne soit pas tenue. Souvent, on justifie l’envahissement furtif par les économies financières qu’il permet, par l’accroissement de l’efficience ou par la sécurité accrue des citoyens, mais on a aussi soutenu que l’élargissement de l’utilisation des données constituerait une violation grave des pratiques d’information équitables.

D’autres ont donné le numéro d’assurance sociale comme exemple d’«  envahissement furtif  ». Mis en place à des fins administratives limitées, des organismes non gouvernementaux ont eux aussi tôt fait d’exiger le numéro d’assurance sociale comme si c’était tout à fait normal. On a laissé entendre que la carte nationale d’identité pourrait devenir essentielle pour les transactions commerciales, quelles qu’elles soient, depuis l’achat d’épicerie au moyen d’une carte de crédit jusqu’à la location d’une automobile. Ce point a soulevé deux grandes préoccupations chez les témoins : la proposition selon laquelle la carte serait entièrement facultative ne tient pas la route si les non-détenteurs ne peuvent effectuer des transactions commerciales ordinaires et, deuxièmement, la possibilité que chaque utilisation de la carte soit enregistrée numériquement pourrait conduire à l’établissement d’une base de données centrale qui enregistrerait tous les détails de la vie quotidienne du détenteur de la carte.

5.Le perfectionnement technique de la carte et le risque de fraude

Grâce aux progrès technologiques, les gouvernements se targuent de pouvoir produire des documents mieux protégés contre la falsification mais les organisations criminelles ont souvent accès à ces mêmes technologies nouvelles. Le Comité a été informé que, déjà, la nouvelle carte de résident permanent du Canada pourtant très sécurisée est falsifiée. Des témoins ont laissé entendre que les «  criminels  » ne sont habituellement pas très loin derrière lorsqu’il est question de progrès technologiques.

6.Préoccupations liées à l’utilisation d’une carte multiservice

On a laissé entendre que, si une carte nationale d’identité multiservice très sécuritaire était instaurée, certains seraient fortement incités à falsifier la carte ou à obtenir une carte par des moyens frauduleux au moyen d’une fausse identité. Fait assez surprenant, selon certains témoins, il est possible qu’un document unique qui constituerait une preuve d’identité prétendument absolue entraîne en fait une augmentation des cas de falsification et d’usurpation d’identité. Un témoin a porté à l’attention du Comité un rapport du National Research Council des États-Unis, déposé en 2002, dans lequel on trouve ceci :

[Traduction] Tout en offrant de meilleures solutions à certains problèmes liés à l’usurpation d’identité, un système national d’identité comporte des risques intrinsèques. Par exemple, il est probable que l’existence d’une source d’identité unique et distincte aurait pour effet de créer un point de défaillance unique susceptible de faciliter l’usurpation d’identité. Le piratage ou la falsification d’une pièce identité permettrait à l’individu de «  devenir  » la personne décrite sur la carte, pratiquement sans équivoque, notamment si le système national d’identité était utilisé à de nombreuses fins autres que celles imposées par le gouvernement. ... Il se pourrait qu’il soit plus tentant, sur le plan économique, de faire de fausse cartes d’identité que de faire de faux dollars américain.

Si une carte nationale d’identité était requise pour avoir accès aux services gouvernementaux et privés, la non-acceptation de la carte pourrait être très problématique tant pour la personne concernée, qui pourrait devenir, essentiellement, une non-entité, que pour tout système qui dépend largement de l’efficacité de la carte. Actuellement, si la base de données du régime d’assurance-emploi éprouve des problèmes techniques ou si une personne perd sa carte d’assurance-maladie, il pourrait y avoir quelques inconvénients, mais les témoins ont laissé entendre que ceux-ci sont minimes comparativement aux perturbations que pourrait causer la perte ou la non-acceptation d’une carte multiservice.

7.Préoccupations liées aux documents de base

Une question qui a été posée par de nombreux témoins était : «  Quelles pièces d’identité faudra-t-il joindre à une demande de carte nationale d’identité ?  » Il serait inutile de créer un système coûteux très perfectionné sur le plan technique et ensuite de délivrer des cartes à des personnes en se fondant sur un certificat de naissance et une carte d’assurance-maladie. Le Comité est tout à fait conscient des problèmes de fraude liés à la délivrance des passeports et il croit savoir que, tant au niveau fédéral qu’à l’échelon provincial, des réformes sont soit en cours, soit envisagées, en vue d’assurer que les documents de base sont plus fiables qu’actuellement et qu’ils sont remis uniquement à leur titulaire légitime. Cependant, comme de nombreux témoins l’ont fait remarquer, le risque que des documents de base soient obtenus par des moyens frauduleux est réel et pourrait compromettre un système de cartes nationales d’identité coûtant des milliards de dollars.

8.Une carte nationale d’identité et les voyages internationaux

Le Comité note que le Bureau des passeports a apporté récemment des améliorations aux caractéristiques de sécurité du passeport canadien et que des travaux sont en cours en vue de l’utilisation des données biométriques de reconnaissance faciale. L’Organisation de l’aviation civile internationale a émis des normes à ce sujet et l’on prévoit que, bientôt, la plupart des pays se plieront à ces exigences. Aussi, certains témoins ont laissé entendre que si l’un des objectifs était de faciliter les voyages, une carte nationale d’identité portant des identificateurs biométriques semble inutile ou redondante. Ils ont soutenu que la création d’une toute nouvelle bureaucratie gouvernementale à cette fin ne serait pas efficace en termes de coûts.

9.Une carte nationale d’identité et l’usurpation d’identité

Diverses préoccupations suscitées par l’utilisation d’une carte nationale d’identité pour la lutte contre l’usurpation d’identité ont été portées à l’attention du Comité. Pour commencer, le Comité a été informé que, dans la plupart des cas, l’usurpation d’identité est commise lorsqu’une personne obtient le numéro de carte de crédit d’une autre personne, son NIP bancaire ou des données personnelles similaires; il ne s’agit pas de crimes commis face à face. Ainsi, la production d’une carte nationale d’identité pourrait ne pas être exigée pour de nombreuses transactions commerciales, par exemple celles effectuées en direct ou par téléphone, alors qu’il y a un risque de fraude.

D’autres ont demandé si les Canadiens devraient présenter une carte nationale d’identité chaque fois qu’ils effectuent une transaction commerciale et, le cas échéant, quel serait le suivi numérique des achats et des déplacements quotidiens? M. Coderre a indiqué que la plus grande menace à la vie privée du citoyen est le vol d’identité et son utilisation par une autre personne. À cela, un éditorial paru dans The Montreal Gazette, dont le Comité a eu copie, a rétorqué :

[Traduction] C’est une affirmation que seule une personne au gouvernement peut faire. Pour notre part, la plus grande menace à la vie privée est un vaste registre gouvernemental utilisant des cartes à puce pour connaître chacun de nos déplacements, chacun de nos achats et chacune de nos activités.

D’autres ont aussi attiré l’attention sur la possibilité d’utilisation abusive des renseignements par les entreprises. On a laissé entendre qu’une carte nationale d’identité pourrait faciliter les recoupements non désirés de données à des fins de marketing ou autres.

Finalement, on a laissé entendre au Comité que les entreprises, plutôt que le gouvernement, devaient assumer les coûts d’un tel système. On a soutenu qu’il serait préférable, pour une meilleure utilisation des fonds publics, d’allouer ceux-ci à des organismes d’exécution plutôt qu’à une bureaucratie coûteuse qui n’a pas fait ses preuves.

10.Le coût d’implantation d’un système de cartes nationales d’identité

Du fait que le Comité n’a pas devant lui une proposition faisant état d’un type précis de carte et d’un système de gestion de données, il est impossible de savoir combien coûteraient l’instauration et la gestion permanente d’un système de cartes nationales d’identité. Cependant, des témoins ont fait de leur mieux pour nous éclairer à ce sujet.

Par exemple, certains ont renvoyé au coût du registre national des armes à feu lequel, jusqu’ici, a coûté plus d’un milliard de dollars pour l’enregistrement de moins de la moitié de la population canadienne. D’autres ont présenté leurs propres estimations, lesquelles variaient de 2 à 5 milliards de dollars, établies d’après la population canadienne, les coûts de la technologie et les frais généraux d’administration. Par exemple, le Commissaire provisoire à la protection de la vie privée du Canada a laissé entendre que les frais initiaux seuls pourraient atteindre de 3 à 5 milliards de dollars. M. Marleau a fondé cette estimation sur le coût des registres actuellement en place au Canada et aussi d’après des projections des coûts faites au Royaume-Uni et aux États-Unis pour un système similaire.

Le Comité note que, lorsque le gouvernement de l’Ontario a envisagé l’adoption d’une carte de droits à puce, les frais initiaux étaient estimés à 500 millions de dollars. De plus, comme mentionné ci-dessus, un projet de remplacement du numéro d’assurance sociale par une carte nationale d’identité a été présenté au cours des années 1990 et a été rejeté par le gouvernement à cause, entre autres, du coût projeté de 3,6 milliards de dollars. La nouvelle carte de résident permanent peut également servir de point de référence; cette carte, bien qu’elle possède les caractéristiques nécessaires pour l‘inscription de données biométriques, ne contient pas encore ce type d’information. À ce jour, cette carte a coûté environ 68,5 millions de dollars et des dépenses additionnelles sont prévues, soit 36,2 millions de dollars en 2003-2004 et 19,7 millions de dollars en 2004-2005. Il y a environ 1,5 million de résidents permanents qui sont admissibles à la carte et, en juin 2003, 450 000 cartes avaient été émises. On évalue à 600 000 le nombre de cartes émises en date d’octobre 2003. Des droits de 50 $ sont imposés pour chaque demande de carte au titre du recouvrement des coûts.

Bon nombre des témoins qui ont traité de la question des coûts ont aussi laissé entendre que, quel que soit le coût réel, l’argent pourrait être mieux dépensé aux frontières, pour l’application des lois et pour l’amélioration de la sécurité des documents existants.

11.Préoccupations liées au niveau de perfectionnement de la technologie de la biométrie

La technologie de la biométrie n’est pas infaillible. Le Comité a été informé de problèmes liés aux taux d’acceptations et de refus erronés. Dans le premier cas, il s’agit de l’acceptation de l’identité lorsque la personne qui présente la carte ne correspond pas, en fait, aux données biométriques inscrites sur celle-ci. Dans l’autre cas, il s’agit du rejet de l’identité du détenteur légitime de la carte. Le Comité a été informé que, pour avoir une carte hautement sécurisée, un taux élevé de refus erronés est nécessaire. Ainsi, des détenteurs légitimes seront refusés par le système simplement parce qu’un grand nombre d’inscriptions s’accompagne d’une marge d’erreur inhérente. Cela signifie que des titulaires légitimes d’une carte nationale d’identité pourraient soulever des soupçons ou faire l’objet d’accusations à cause d’une défaillance de la technologie. Selon des témoins, le fait d’abaisser le taux de refus erronés aurait pour effet d’augmenter le taux d’acceptations erronées. Bien entendu, un taux élevé d’acceptations erronées porterait atteinte au but visé par la création d’une carte nationale d’identité.

En réponse à ces observations, les spécialistes de la technologie biométrique ont laissé entendre que l’utilisation de deux ou plusieurs identificateurs biométriques pourrait augmenter le niveau de sécurisation de la carte. Les logarithmes de reconnaissance faciale couplés aux empreintes digitales ou aux empreintes de l’iris pourraient régler ce problème.

12.Une carte nationale d’identité et le ciblage racial

Certains témoins ont laissé entendre que l’instauration d’une carte nationale d’identité encouragerait de nouvelles formes de discrimination et de harcèlement à l’endroit des minorités visibles. On a soutenu que certains groupes feraient l’objet d’incessantes vérifications du statut et de l’identité par la police et les entreprises.

13.L’absence d’une proposition précise

Lorsque le Comité a été invité à étudier cette question, aucune proposition précise concernant une carte nationale d’identité ne lui a été soumise. Nous avons plutôt eu carte blanche et l’on nous a demandé de faire enquête auprès des Canadiens pour savoir si le gouvernement canadien devrait instaurer une nouvelle pièce d’identité nationale et, le cas échéant, quelle devrait en être la forme. Certains des témoins ayant comparu devant le Comité se sont dits désemparés devant cette approche, faisant valoir qu’il est impossible de défendre ou de critiquer un projet aussi nébuleux.

LES ÉTATS-UNIS

En mars 2003, les membres du Comité se sont rendus à Washington, D.C., pour examiner diverses questions concernant l’immigration et la sécurité à la frontière avec les législateurs américains de même qu’avec diverses organisations non gouvernementales. La question d’une carte nationale d’identité n’était pas au cœur des travaux du Comité mais, étant donné l’intérêt constant porté au sujet, des questions connexes ont souvent été abordées, notamment en ce qui concerne l’utilisation de la biométrie pour les documents de voyage.

Comme nous nous y attendions, le gouvernement américain se préoccupe des questions de sécurité.  Il régnait dans la capitale américaine une atmosphère de crainte quant aux questions de sécurité, cette impression étant, bien entendu, alimentée par les événements du 11 septembre et les hostilités en Irak, mais aussi par les attentats commis par un tireur isolé, alors récents. Ce climat, de l’avis de certains, était utilisé à des fins politiques par divers groupes, dont certains répandaient des idées fausses sur le Canada et la sécurité de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Même en l’absence de telles fausses impressions, il était clair aux yeux du Comité que, étant donné la longueur de la frontière canado-américaine et compte tenu des ressources nécessaires pour sécuriser celle-ci, la question préoccupait grandement les législateurs américains. Le maintien des échanges commerciaux était également préoccupant et les conséquences économiques possibles du ralentissement de la circulation à la frontière, tant pour le Canada que pour les États-Unis, ont aussi été longuement examinés. Il est clair que le gouvernement américain cherche à établir une «  zone de confiance  » entre nos deux pays et croit qu’un système utilisant des pièces d’identité sécurisées fait obligatoirement partie de l’équation. Nous ne voulons pas laisser entendre que les États-Unis exercent des pressions sur le Canada pour qu’une carte nationale d’identité soit instaurée ici. Il semble plutôt que ce soit la sécurité des documents existants  qui les préoccupe.

Aux termes de la Enhanced Border Security and Visa Reform Act of 2002, à compter du 26 octobre 2004, pour qu’un pays demeure admissible au programme américain de dispense de visa, son gouvernement doit garantir qu’il délivre aux ressortissants de ce même pays des passeports qui sont lisibles à la machine et infalsifiables et qui incorporent des identificateurs biométriques et d’authentification répondant aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Parmi les pays qui bénéficient actuellement d’une dispense de visa, on trouve : Andorre, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Brunei, le Danemark, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Liechtenstein, le Luxembourg, Monaco, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Portugal, San Marino, Singapour, la Slovénie, l’Espagne, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni.

Le Canada n’est pas un pays qui bénéficie d’une dispense de visa. Essentiellement, nous formons une catégorie à part pour ce qui est de l’entrée aux États-Unis. Les citoyens canadiens sont exemptés des exigences relatives au visa et passeport prescrites par la Immigration and Nationality Act. Pour entrer aux États-Unis, un Canadien doit être en mesure d’établir son identité ainsi que sa citoyenneté. Pour ce faire, il suffit généralement d’un certificat de naissance, d’un certificat de citoyenneté ou d’un passeport. En fait, les inspecteurs de l’immigration peuvent même accepter une déclaration verbale de citoyenneté, bien que l’on recommande maintenant fortement aux Canadiens de se munir d’un document prouvant leur citoyenneté. Vu le climat qui règne en ce moment, le Comité est conscient que cette exemption dont jouissent les Canadiens pourrait changer et que des exigences similaires au programme de dispense de visa pourraient leur être imposées.

En ce qui concerne la carte nationale d’identité, lorsque la question était abordée avec des organisations non gouvernementales américaines, leurs opinions reflétaient largement les témoignages entendus par le Comité au Canada, à savoir les préoccupations liées à la protection de la vie privée, l’envahissement furtif, la fiabilité de la technologie et les coûts. La création d’une carte nationale d’identité américaine n’a pas été officiellement proposée — le Comité a plutôt été informé que, en fait, la plupart des Américains s’y opposeraient — mais un témoin a fait valoir qu’une carte nationale d’identité de fait est actuellement créée par le biais d’améliorations technologiques apportées au permis de conduire des États et par le partage à l’échelon national de l’information appartenant aux États.

L’attention du Comité a aussi été attirée par un récent rapport d’évaluation de la technologie produit par le General Accounting Office des États-Unis, en novembre 2002, intitulé Using Biometrics for Border Security8. Dans son rapport, le GAO a examiné sept technologies biométriques de pointe — la reconnaissance faciale, la reconnaissance des empreintes digitales, la géométrie de la main, la reconnaissance de l’iris, la reconnaissance de la rétine, la reconnaissance de signature et la reconnaissance du locuteur — et a déterminé que seulement quatre technologies semblaient convenir pour les applications aux frontières, soit la reconnaissance faciale, des empreintes digitales et de l’iris ainsi que la géométrie de la main. De même, dans son rapport, le GAO a insisté sur la nécessité pour le gouvernement américain de planifier attentivement les travaux avant de mettre en place une technologie donnée, précisant que les questions concernant le coût de cette technologie et ses répercussions sur le commerce et le respect de la vie privée devaient être soigneusement examinées.

Nous avons également eu la possibilité d’assister à des démonstrations de la technologie de la reconnaissance du visage et des empreintes digitales conçue pour les applications aux frontières. Les présentateurs ont fait la démonstration de systèmes qui servent à confirmer l’identité du détenteur du document et qui sont utiles pour identifier les personnes dont la photographie se trouve sur une «  liste de surveillance  » de criminels ou d’autres individus auxquels s’intéressent les autorités.

Nous avons également été informés des limites de l’utilisation d’un identificateur biométrique unique. Non seulement existe-t-il une marge d’erreur intrinsèque, mais le Comité a aussi appris que certaines technologies comportaient d’autres limites. Ainsi, certaines personnes sont physiquement incapables de fournir une empreinte digitale utilisable. La technologie de la reconnaissance faciale ne peut pas faire la distinction entre des jumeaux identiques. Un oeil de verre ne permet pas la reconnaissance de l’iris. L’utilisation de données biométriques multiples — certains experts ont proposé l’utilisation des empreintes digitales et de la reconnaissance de l’iris combinées — pourrait régler les problèmes du genre et réduire de beaucoup les taux de fausses acceptations et de faux rejets.

De toute évidence, la technologie biométrique est un instrument important pour le maintien de la sécurité collective, mais il n’est pas encore certain qu’un système de carte nationale d’identité utilisant les identificateurs biométriques constitue le meilleur choix.

L’EXPÉRIENCE EUROPÉENNE

Beaucoup de pays, voire la majorité des pays, possèdent un quelconque système de carte nationale d’identité. Les documents d’identité ont été créés pour diverses fonctions et le niveau de perfectionnement technologique varie grandement. Le Comité a pris connaissance de recherches faites par Citoyenneté et Immigration Canada portant sur les documents d’identité utilisés ou dont l’utilisation est envisagée ailleurs dans le monde; une copie de ce document se trouve à l’annexe B du présent rapport. Ce document est incomplet et les renseignements qu’il contient ne sont peut-être pas à jour pour tous les pays. Le Comité a également souligné qu’il pouvait contenir des données inexactes. Au fil des audiences du Comité, nous espérons qu’il sera possible de brosser un tableau complet et exact des systèmes de carte nationale d’identité existant ailleurs dans le monde.  Ce qui se passe actuellement sur la scène mondiale a fait l’objet de vastes discussions au cours des audiences du Comité et il est évident qu’une étude et des comparaisons à l’échelle internationale sont essentielles pour la tenue d’un débat informé.

L’examen des systèmes de carte nationale d’identité en place dans certains pays d’Europe et de la «  carte de droits  » proposée au Royaume-Uni s’est révélé très utile pour les membres du Comité qui ont pu se rendre à l’étranger. L’étude du développement des programmes d’identification au fil de l’histoire et des mesures prises actuellement pour la protection des renseignements a été des plus révélatrices. Nous avons beaucoup appris en étudiant ce qui se fait en Europe mais, de toute évidence, il existe des différences culturelles entre le Canada et les pays d’Europe continentale lorsqu’il est question de la protection des renseignements personnels et de l’État. Dans de nombreux pays où existent des systèmes de carte nationale d’identité depuis plus d’une génération, les questions relatives à la protection des données ne semblaient pas au premier plan des préoccupations et il n’était pas non plus largement question de l’importance, pour le gouvernement, de préserver l’anonymat des citoyens. En fait, nous avons vu comment certains systèmes de documents se transforment actuellement pour dépasser le simple stade de l’établissement de l’identité et devenir des instruments multifonctionnels.

Le Comité a aussi obtenu des documents d’information sur de nouvelles technologies de cartes à puce actuellement en développement. Le regroupement de données provenant de divers services gouvernementaux sur une seule carte, actuellement mis à l’essai en Espagne, est ingénieux mais également troublant. La carte d’identité électronique actuellement délivrée dans certaines communes choisies de l’Italie, offre clairement certains avantages sur le plan de la sécurité mais de nombreuses questions demeurent dans l’esprit des membres du Comité quant à savoir si un programme similaire serait avantageux ou acceptable au Canada.

Les sommaires qui suivent contiennent les points saillants des renseignements recueillis par le Comité en Europe. D’autres comparaisons internationales seront certainement utiles et le Comité a l’intention de poursuivre son examen des systèmes de cartes nationales d’identité en place à l’étranger.

A.Le Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, en juillet 2002, le gouvernement a amorcé une consultation sur la carte d’identité avec la publication d’un document portant sur les cartes de droits et l’usurpation d’identité intitulé Entitlement Cards and Identity Fraud9. La consultation s’est achevée à la fin de janvier 2003; elle a porté sur la mise en place d’une carte nationale d’identité suivant trois scénarios possibles :

1. Une carte réservée à certains groupes — lorsqu’il faut établir l’identité avec un niveau élevé de confiance pour l’accès à des services gouvernementaux donnés;

2. Une carte facultative — l’enregistrement et l’obtention d’une carte seraient facultatifs;

3. Une carte universelle — l’enregistrement et l’obtention d’une carte seraient obligatoires pour tous mais il ne serait pas obligatoire de porter ce document sur soi.

La carte proposée aurait pour but de lutter contre l’accès frauduleux aux droits, un problème qui existe également au Canada où il arrive que les avantages comme les soins de santé et l’aide sociale sont obtenus injustement par des moyens frauduleux. La carte de droits britannique ne servirait pas à des fins de sécurité nationale, par exemple pour la lutte au terrorisme, et les personnes qui ont renseigné le Comité à ce sujet ont indiqué très clairement qu’elle ne constituerait pas un instrument particulièrement utile à cette fin.

Lors d’une rencontre avec des représentants de la section de la carte de droits du Home Office, le Comité a été informé de la réponse à l’exercice de consultation du gouvernement. Nous avons appris qu’il n’y avait pas eu de changement réel dans l’opinion publique au cours de la consultation et que le projet bénéficie d’un appui général de la part de la population. Parmi les partisans, la plupart étaient en faveur d’une carte obligatoire. Cependant, on a fait remarquer que, même si le projet reçoit un large appui, celui-ci n’est pas profondément enraciné et qu’une «  minorité libérale  » bien organisée est très opposée à l’instauration d’une carte. On spécule, dans une certaine mesure, sur la possibilité que cette minorité prenne de la force après la présentation d’une loi concernant l’instauration d’une carte de droits.

Les critiques à l’endroit des plans du gouvernement au Royaume-Uni semblent s’apparenter aux observations faites au Canada par les témoins qui ont comparu devant le Comité, mais, selon les représentants de la section de la carte de droits que nous avons rencontrés, on se préoccupe davantage des aspects liés à la sécurité et à l’intégrité probables de la carte plutôt qu’au partage possible de données entre des organismes gouvernementaux.

Les projections de coûts préliminaires ont particulièrement intéressé le Comité. Suivant les estimations, le coût par personne d’une carte de droits se situerait entre 30 et 35 livres (environ 65–77 $CAN). Il n’était pas clair si ce montant permettrait au gouvernement de récupérer les coûts initiaux mais le Comité a appris que ce montant était supérieur au coût estimatif figurant dans le document de consultation du gouvernement. Dans ce document, les coûts initiaux d’une base de données centrale et d’un réseau de dispositifs d’enregistrement de données biométriques étaient estimés à 136 millions de livres (environ 300 millions de dollars canadiens). Les frais d’exploitation dépendent du type de carte choisie. Les chiffres ci-dessous, qui, comme mentionné, seraient inférieurs au coût total probable, nous ont été communiqués :

Type de carte10

Coût (livres sterling)

Coût (dollars canadiens)

Carte de plastique

1,318 milliard

2,780 milliards

Carte à puce simple

1,640 milliard

3,575 milliards

Carte à puce perfectionnée

3,145 milliards

6,850 milliards

Le Comité note que la population de la Grande-Bretagne est environ le double de celle du Canada. Donc, la facture pour un système similaire au Canada serait probablement moins élevée qu’en Grande-Bretagne, sans pour autant être moitié moins élevée.

Le Comité a aussi rencontré des représentants du Bureau des passeports de Grande-Bretagne, où des projets pilotes utilisant la biométrie sont en cours. Le Comité a appris que le R.-U. prévoit d’adopter la technologie de reconnaissance faciale pour les passeports d’ici 2005, suivant les normes établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale en mai 2003, dans le but de satisfaire à la loi américaine concernant les pays bénéficiant d’une dispense de visa, dont il est question ci-dessus.

À Londres, nous avons également été informés de la réalisation de projets pilotes portant sur l’utilisation des empreintes de l’iris et des empreintes digitales, deux technologies qui ont été bien accueillies par le public, selon les fonctionnaires chargés de renseigner le Comité.

Le Comité a également été informé au sujet du problème des faux passeports au Royaume-Uni où l’on évalue à 9 000 le nombre de demandes frauduleuses faites annuellement, soit environ 0,8 % de l’ensemble des demandes. Un aspect du problème qui a été examiné était bien connu du Comité, soit la question des documents de base non sécurisés. Le principal document utilisé pour obtenir un passeport britannique est le certificat de naissance. C’est un document public en Grande-Bretagne et quiconque peut demander une copie du certificat de naissance d’une autre personne.

Le Comité a aussi eu la possibilité de rencontrer le secrétaire du Home Office, Beverley Hughes, et d’autres parlementaires qui lui ont communiqué des renseignements additionnels sur l’exercice de consultation. Les divergences d’opinions étaient évidentes et il est clair que les législateurs britanniques n’endossent pas à l’unanimité la carte de droits.

Finalement, l’une des organisations non gouvernementales qui s’opposent farouchement à la carte de droits proposée en Grande-Bretagne, Privacy International, s’est adressée au Comité. En 1987, ce groupe a participé au débat sur la carte nationale d’identité en Australie, qui a presque conduit à la chute du gouvernement. Les représentants ont souligné que, à leurs yeux, les similitudes étaient nombreuses avec la situation actuelle au R.-U. En Australie, on a observé un renversement complet de l’opinion — de quelque 90 % en faveur à environ 90 % contre — après que la loi sur la carte d’identité ait été présentée. Le Comité a été informé que, bien que les cartes d’identité reçoivent toujours l’appui initial de la population, après que des questions comme la protection des données et les pénalités pour la non-observation sont mises de l’avant, l’appui diminue ou s’effondre totalement.

Les relations entre le citoyen et l’État au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie ont également été analysées; c’est là un point commun qui distingue ces pays des pays qui possèdent depuis longtemps un système de cartes nationales d’identité. Cette différence culturelle a sauté aux yeux des membres du Comité au cours des déplacements effectués en Europe continentale.

D’autres préoccupations signalées au Comité au cours des rencontres tenues à Londres faisaient écho à celles entendues au Canada. Par exemple, si des documents de base comme le certificat de naissance sont faillibles et falsifiables, aucune carte d’identité de haute technologie qui est délivrée à partir de ces documents n’est sécurisée. De même, le Comité a appris que, pour obtenir un système sécuritaire presque à 100 %, la technologie actuelle exigerait un taux élevé de «  refus erronés  ». Bien entendu, cela causerait des problèmes si des citoyens se voyaient refuser à tort l’accès à leur compte bancaire ou aux services de soins de santé. En outre, en abaissant le taux de «  refus erronés  », on augmente le taux «  d’acceptations erronées  » et l’on obtient un système non sécurisé. On a aussi laissé entendre que le coût du système serait plus élevé que les coûts liés à l’usurpation d’identité et que, de toute façon, il serait préférable de s’attaquer à ce problème en allouant des ressources appropriées à la police et aux organismes d’enquête.

B.L’Allemagne

À cause du manque de temps, les échanges sur la carte nationale d’identité en Allemagne ont été de courte durée, soit une demi-journée. Néanmoins, ces discussions ont été très profitables et ont permis au Comité d’acquérir une expérience pratique des systèmes d’identification biométrique actuellement mis au point et utilisant la technologie de la reconnaissance faciale et des empreintes digitales. Ces démonstrations ont fait ressortir clairement les avantages, pour ce qui est de l’économie de temps possible, de ces systèmes aux bureaux des douanes ou de l’immigration, à la frontière, par exemple.

En Allemagne, le service ministériel responsable de la carte nationale d’identité allemande a été privatisé en 2000. Le Bundes Druckerei produit ce document qui est obligatoire pour tous les citoyens allemands, dès l’âge de 16 ans. Le Comité a aussi été informé de l’existence d’une carte de citoyenneté distincte, qui est facultative et qui est munie d’une microplaquette, donnant accès aux services des administrations locales. Les données inscrites sur la carte et les données produites à la suite de l’utilisation de la carte sont assujetties aux lois fédérales concernant la protection des données en vigueur en Allemagne. Il existe également un registre national et toutes les personnes, y compris les résidants étrangers, qui travaillent ou étudient en Allemagne, sont tenues de s’enregistrer.

La technologie des cartes à puce facultatives est actuellement en usage en Allemagne, mais on n’a pas encore commencé à utiliser les données biométriques dans la documentation. Le Comité a été informé qu’un groupe de travail examine actuellement la technologie et que cet examen a été précipité par la loi américaine concernant les pays bénéficiant d’une dispense de visa, dont il est question ci-dessus.

C.La Pologne

Le ministère de l’Intérieur du gouvernement de la Pologne est responsable de la délivrance des passeports et des cartes nationales d’identité, ainsi que de la gestion du registre de la population de ce pays. En Pologne, chaque citoyen reçoit un numéro d’enregistrement personnel à la naissance. Pour la plupart des Polonais, ce numéro demeure le même toute la vie durant mais il arrive qu’un nouveau numéro soit attribué dans certains cas, par exemple l’adoption ou le changement de sexe. La carte nationale d’identité contient des données personnelles, des informations relatives au passeport et le numéro d’enregistrement. Elle ne contient pas d’autres renseignements gouvernementaux, par exemple les dossiers médicaux ou criminels, mais le Comité a été informé que ces documents contiennent le numéro d’enregistrement personnel et pourraient, par conséquent, être recoupés. Depuis 1997, la Pologne a une loi concernant la protection des renseignements personnels, mais il était difficile pour les membres du Comité d’en évaluer l’efficacité.

En ce qui concerne les différences d’ordre culturel relativement à la protection de la vie privée que nous avons déjà mentionnées, il était intéressant d’apprendre que les citoyens polonais ne sont pas particulièrement préoccupés par les vastes bases de données du gouvernement. Plutôt, et c’est peut-être une conséquence de l’histoire politique de la Pologne, le Comité a été informé que les Polonais se préoccupaient surtout de la possibilité d’avoir accès à l’information détenue par le gouvernement.

Le Comité a également eu la possibilité de visiter des installations de production de cartes en Pologne. Les visites du genre — le Comité a visité des installations similaires au Canada et aux États-Unis, et aussi en Espagne — sont révélatrices. Elles montrent de façon concrète les exigences au niveau de l’infrastructure et des investissements liées à la création d’un système de cartes d’identité, de même que les aspects connexes relatifs à la sécurité.

Le Comité a été très impressionné par le niveau de technologie utilisée et il a été très heureux de la coopération et de l’aide de ses hôtes polonais. Nous avons été reçus par de nombreux fonctionnaires qui nous ont fourni des renseignements précieux et offert un très bon aperçu de la situation.

D.L’Italie

En Italie, on procède actuellement à la mise en place d’une carte à puce unique pour tous les citoyens. Le Comité a été informé que la carte nationale d’identité existante n’est pas sécurisée et qu’on estime à 500 000 le nombre de cartes falsifiées en circulation. La carte proposée fait actuellement l’objet d’un projet pilote. Au cours de la première phase, qui a débuté en 2001, 100 000 cartes ont été délivrées. Les représentants ont indiqué que, au cours de la phase suivante, de 1,5 à 2 millions de cartes seront émises.

La nouvelle carte à puce adoptée en Italie sera munie d’une microplaquette. Le Comité a été informé que l’utilisation d’une microplaquette est préférable à une bande optique parce qu’il est possible d’y stocker beaucoup plus de données. Nous avons aussi appris que le gouvernement italien avait rencontré trois grands problèmes dans le cadre de l’amélioration de la technologie des cartes nationales d’identité.

Premièrement, il y a eu la question des normes applicables aux microplaquettes. Les représentants chargés d’informer le Comité ont indiqué qu’ils hésitaient à utiliser une technologie exclusive parce que cette décision pourrait restreindre les choix futurs, le gouvernement ayant ainsi les mains liées au chapitre des biens d’équipement nécessaires à la mise en œuvre et pour ce qui est des changements futurs à apporter à la carte, au besoin.

Deuxièmement, on était préoccupé par la fragilité des microplaquettes. Est-il possible qu’elles soient égratignées ou endommagées dans le cadre d’une utilisation quotidienne normale? Est-il possible d’empêcher les dommages si la carte est gardée dans la poche, dans un portefeuille ou dans un sac à mains? Quels seraient les coûts permanents pour assurer la durabilité ou le remplacement des cartes endommagées?

Finalement, il y a eu des discussions quant à la nature des renseignements qui devraient être inscrits sur la microplaquette. Devrait-on inclure toutes les données sur la santé, l’emploi et les services sociaux ou simplement des données biométriques permettant de confirmer l’identité de la personne qui présente la carte?

Pour ce qui est des coûts, les représentants italiens ont estimé que le système de gestion des données et le processus de production des cartes coûteraient de 25 à 30 euros (38–46 $CAN) par carte. Cependant, ce montant ne comprend pas le prix des dispositifs requis pour la lecture des microplaquettes, dont le coût pourrait varier largement suivant la technologie utilisée et la quantité d’information stockée sur la carte. Le Comité a été informé que, entre autres mesures de réduction des coûts actuellement à l’étude, on envisageait d’inclure la possibilité d’effectuer des transactions bancaires au moyen de la carte nationale d’identité. Les recettes générées par l’utilisation de la carte pourraient aider à assumer les coûts de production. On a aussi indiqué que, en adoptant une carte multiservice, les Italiens économiseraient les montants que, autrement, ils auraient eu à dépenser pour d’autres cartes, le permis de conduire par exemple.

En ce qui concerne la protection des données, le Comité a été informé que le ministère de l’Intérieur de l’Italie possède une base de données centrale et que d’autres ordres de gouvernement qui fournissent des services conservent aussi des données pertinentes. Le Commissaire à la protection de la vie privée d’Italie nous a informés que la carte d’identité demeure un élément de la culture italienne, même si elle a été introduite sous le régime fasciste de Benito Mussolini au cours des années 1930. Ainsi, beaucoup de questions touchant à la protection des renseignements personnels qui ont été soulevées dans les pays de droit commun en rapport avec la carte nationale d’identité n’ont pas le même impact en Italie. Cependant, le Commissaire nous a informés que l’utilisation proposée d’identificateurs biométriques commençait à faire sourciller. Notamment, la prise des empreintes digitales est souvent associée à la criminalité, comme au Canada. La carte nationale d’identité actuelle comporte une zone vierge pour une empreinte digitale, facultative, mais le Comité a été informé que presque personne ne fournit une empreinte. L’utilisation des empreintes digitales comme identificateur biométrique pourrait susciter une réaction négative en Italie.

Le Commissaire a aussi fait remarquer que, contrairement aux autres identificateurs biométriques, une personne laisse des empreintes digitales n’importe où. Si le seul but de la carte nationale d’identité est de confirmer l’identité d’une personne, et qu’on ne prévoit pas s’en servir aux fins d’enquêtes policières, on a laissé entendre qu’un système perfectionné, et peut-être coûteux, devrait être mis en place pour prévenir l’abus.

Au cours de la rencontre avec des parlementaires italiens du Comité des affaires intérieures, nous avons appris que l’Union européenne avait émis quelques réserves à l’endroit de la nouvelle carte à puce et que la base de données gouvernementale ne répondait peut-être pas aux lignes directrices sur la protection de la vie privée de l’UE.

E.La Grèce

En Grèce, la police nationale est responsable de la carte nationale d’identité. Dès l’âge de 14 ans, tous les citoyens sont tenus d’avoir leur carte sur eux en tout temps. Le Comité a été informé que si une personne ne peut présenter sa carte d’identité à la demande de la police, cette personne est détenue jusqu’à ce que son identité soit établie. La carte est considérée comme une preuve d’identité incontestable tant dans le secteur public que dans le secteur privé; la carte contient une photo, des données personnelles, y compris le groupe sanguin, et un numéro unique. Le numéro de la carte nationale d’identité peut figurer sur d’autres documents délivrés par le gouvernement, comme le passeport par exemple.

Les fonctionnaires de police chargés de renseigner le Comité ont laissé entendre que la carte nationale d’identité grecque est rarement contrefaite et que, étant donné le processus de demande, il est difficile d’usurper l’identité d’autrui. On a aussi fait remarquer que la société grecque était très homogène et que cette situation pouvait jouer un rôle au chapitre de l’usurpation d’identité.

À l’âge de 14 ans, la personne doit se présenter au poste de police local pour demander une carte; le demandeur doit présenter son certificat de naissance et être accompagné d’un témoin (souvent un parent) qui atteste son identité. Des copies de la demande sont communiquées à trois services gouvernementaux distincts et sont conservées dans un dépôt central. La police gère la base de données centrale mais d’autres organismes gouvernementaux peuvent demander à la police d’avoir accès à l’information qui s’y trouve.

Malheureusement, nos hôtes n’ont pu nous donner une estimation des coûts du système des cartes nationales d’identité, précisant que, puisque celui-ci s’inscrit dans le cadre des dépenses de fonctionnement globales de la police, il était difficile de l’isoler de l’ensemble. Aucun droit pour le recouvrement des coûts n’est imposé aux demandeurs d’une carte nationale d’identité.

F.L’Espagne

En Espagne, la carte nationale d’identité a été introduite sous le régime fasciste du général Franco et, selon un parlementaire espagnol, le système a été établi principalement pour répondre au désir de l’État de contrôler ses citoyens. La carte est obligatoire. Dans le cadre du processus de demande, le demandeur doit fournir une empreinte digitale, mais celle-ci ne figure pas sur la carte nationale d’identité en tant qu’identificateur biométrique. Cependant, un projet pilote concernant une carte de droits sociaux était en cours au moment de la visite du Comité et les représentants espagnols étaient empressés de nous en démontrer les capacités et les caractéristiques de sécurité.

La carte à puce de sécurité sociale est actuellement mise à l’essai dans la région de l’Andalousie, en Espagne; cette carte contient une microplaquette regroupant les données personnelles de base du détenteur, le numéro national d’identification et des renseignements importants d’ordre médical, par exemple les allergies aux médicaments. Au moyen de lecteurs d’empreintes digitales installés dans des kiosques spéciaux un peu partout dans la région, les détenteurs de la carte ont accès à un large éventail de renseignements personnels, y compris leur dossier médical et les renseignements sur l’emploi, ainsi que la documentation relative à la sécurité sociale et à d’autres avantages similaires. Les professionnels de la santé peuvent aussi utiliser la carte pour accéder aux antécédents médicaux du patient, y compris les médicaments prescrits. Le Comité a assisté à une démonstration de cette technologie à l’un des kiosques informatisés du gouvernement.

Pour ce qui est de la sécurité de l’information, le Comité a été informé que les données inscrites sur la microplaquette sont chiffrées. De même, les bases de données sont séparées de telle sorte que la personne qui consulte les données sur la santé, par exemple, n’a pas accès aux dossiers sur la pension ou sur l’emploi. Les divers bureaux de services sociaux ont accès uniquement aux bases de données jugées essentielles à leur travail et toutes les demandes d’accès sont enregistrées. Les spécialistes de la santé ont besoin non seulement de la carte du patient et d’un lecteur spécial, mais ils doivent aussi insérer leur carte d’accès spéciale et fournir leur empreinte digitale pour consulter les dossiers médicaux. Comme mentionné, les particuliers peuvent consulter leurs propres dossiers de sécurité sociale et médicaux en s’identifiant uniquement au moyen d’une empreinte digitale.

Le Comité a été informé que les responsables prévoyaient de réaliser des économies après quatre ans, notamment au niveau du coût des produits pharmaceutiques, étant donné que la carte devrait permettre de réduire la fraude et les coûts de main-d’œuvre du gouvernement. Les coûts initiaux du projet pilote, soit quelque huit millions de cartes, ont été évalués à 55 623 629 euros (environ 85 200 000 $CAN), ventilés comme suit :

Postes

Euros

Cartes (8 millions de microplaquettes plus insertion plastique et personnalisation)

19 707 187

Matériel gouvernemental (y compris lecteurs d’empreintes digitales, kiosques automatisés et ordinateurs personnels de soutien)

13 402 569

Équipement — Soins de santé

13 222 266

Soutien technique et mise en œuvre

6 310 627

Autres (y compris publicité et vérification de données)

2 981 020

TOTAL

55 623 629

 

Nous avons été informés qu’une carte nationale d’identité numérisée avec microplaquette similaire à la carte à puce de sécurité sociale était aussi aux premiers stades de planification. Les promoteurs que nous avons rencontrés ont soutenu qu’une carte du genre pourrait être utilisée pour sécuriser davantage les transactions sur Internet et que celle-ci constituerait pour les Espagnols un avantage face aux concurrents commerciaux. Plutôt qu’un mécanisme de contrôle des citoyens, on a laissé entendre que cette carte donnerait aux gens une plus grande liberté pour accomplir leurs activités quotidiennes dans un cadre davantage sécurisé.

En Espagne, le Comité a aussi visité les installations de production des cartes nationales d’identité, où il a noté les similitudes entre le matériel utilisé dans ce pays et celui dont on lui avait fait la démonstration en Pologne. Il était similaire, de même, à l’équipement observé au Canada et aux États-Unis. Certains membres ont demandé si l’uniformité apparente ou la disponibilité générale de l’équipement d’impression en question pouvaient entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit d’évaluer le risque de falsification des pièces d’identité.

Au cours de notre visite à Madrid, nous avons également eu un entretien avec le président de la Commission parlementaire de la Justice et de l’Intérieur, qui a entamé une franche discussion avec le Comité au sujet de la nécessité d’assurer l’équilibre entre les intérêts de la sécurité et la protection de la vie privée. Il a souligné que la réaction à la dictature qu’a connue l’Espagne servait de guide aux questions actuelles touchant à la protection de la vie privée et il a précisé qu’il faisait confiance à l’organisme indépendant responsable de la protection de l’information en Espagne. Il a aussi indiqué clairement que l’un des principaux facteurs de motivation en faveur de l’amélioration des documents d’identité était l’immigration illégale, un problème qui semble susciter beaucoup d’attention dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. De même, nous avons discuté du fait que, non seulement le contrôle et l’utilisation des données par le gouvernement étaient préoccupants, mais aussi que la collecte et la vente de données par des entreprises privées méritaient également que l’on s’y attarde.

Étant donné l’imposante quantité de données recueillies par le gouvernement espagnol et la possibilité d’usage abusif contre lequel le Comité a été à de nombreuses reprises mis en garde par des témoins au Canada, nous avions hâte de voir la Direction de la protection de l’information, en Espagne. Logées dans un bâtiment fortifié qui ressemble à une prison à sécurité maximale, dans la banlieue de Madrid, les bases de données du gouvernement donnaient assurément l’impression d’être à l’abri d’une attaque concrète de l’extérieur. Cependant, le Comité a été déçu par les réponses évasives des fonctionnaires chargés de la protection des données aux questions concernant la possibilité d’usage abusif de l’information par les services gouvernementaux ou par l’appareil de sécurité de l’État. On nous a informés de l’existence de lois pour la protection des données personnelles mais, interrogés davantage, les fonctionnaires n’ont pas répondu.

L’ÉTUDE CONTINUE DU COMITÉ

Le but du présent rapport provisoire est de fournir un sommaire de ce que nous avons entendu jusqu’ici. Muni de cette information, le Comité a l’intention d’entendre d’autres témoins qui ont exprimé le désir de se présenter devant nous et nous produirons ensuite un rapport final basé sur nos travaux. Nous notons également que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a organisé un forum, qui doit se tenir à Ottawa  au début d’octobre 2003, intitulé «  Biométrie : Incidences et applications pour la citoyenneté et l’immigration  ». Cette conférence devrait générer d’autres informations que nous allons examiner en plus de susciter une participation accrue du public à cette étude.

Pour le moment, toutefois, nous avons provisoirement dressé une liste de questions auxquelles il faudra répondre avant que nous ne puissions nous prononcer définitivement sur le sujet.

Questions seuil

1.À quelles fins servirait une carte nationale d’identité?
Prévenir l’usurpation d’identité?
Voter aux élections?
Lutter contre le terrorisme?
Faciliter les voyages à l’étranger?
Remplacer de nombreux documents par une seule carte?
Avoir accès aux services gouvernementaux?
Lutter contre l’immigration illégale?
Autres?
2.Avons-nous besoin d’une nouvelle pièce d’identité pour réaliser ces objectifs?
Est-il possible d’améliorer les pièces d’identité existantes pour atteindre ces objectifs plutôt que de créer un nouveau système?
Serait-il préférable de diriger des ressources ailleurs (par ex. l’application de la loi) en vue de la réalisation de ces objectifs?

S’il est établi qu’une nouvelle carte nationale d’identité est peut-être nécessaire, il faudrait se pencher sur les questions suivantes.

Questions corrélatives

3.Qui devrait détenir une carte?
La carte nationale d’identité devrait-elle être facultative ou obligatoire, ou obligatoire seulement pour certaines personnes?
Si elle est facultative, faut-il se préoccuper de la possibilité que, parce qu’elle est largement utilisée, l’acquisition d’une carte devienne une nécessité de fait?
Devrait-il être obligatoire de présenter la carte à un moment donné dans un but précis (par ex. pour entrer au Canada, lors d’une arrestation par la police, pour avoir accès à certains services gouvernementaux, pour avoir accès à des services privés, etc.)?
4.Quels seraient les coûts financiers probables?
Quels seraient les coûts initiaux et administratifs permanents?
Qui assumerait les coûts? Si un objectif est d’empêcher la fraude commerciale, le milieu des affaires devrait-il assumer une partie des coûts?
Si la sécurisation des cartes est compromise par les falsificateurs et les faussaires, devra-t-on abandonner le système en entier? Ou bien est-il possible de concevoir une carte à sécurité absolue?
5.pourrait contenir, à savoir :
Quelles données devraient se trouver sur la carte?
Qui devrait avoir accès à cette information?
Faut-il se préoccuper de l’envahissement furtif?
Comment faire pour corriger les informations?
Serait-il nécessaire d’inscrire une grande quantité de données sur le détenteur pour que la carte permette d’atteindre les objectifs fixés?
La carte devrait-elle fonctionner en donnant accès à une base de données en direct ou devrait-elle fonctionner en différé en confirmant simplement que la personne qui présente la carte a l’empreinte digitale, l’iris ou la structure faciale correspondant aux données biométriques inscrites sur la carte?
Quelles mesures de protection de la vie privée faudrait-il mettre en place et comment la surveillance et la mise en œuvre seraient-elles assurées?
Est-ce que les avantages qui pourraient découler de l’instauration d’une carte nationale d’identité sont proportionnels à l’ingérence possible dans la vie privée?
6.Des questions se posent relativement à la sécurisation de la carte, à savoir :
Étant donné que les documents de base ne sont pas totalement sécurisés, comment peut-on assurer que le particulier qui s’enregistre dans un nouveau système d’identification est bien celui qu’il prétend être?
Si la carte devient la pièce d’identité qui suscite le plus haut degré de confiance pour toutes les utilisations officielles, n’est-il pas davantage risqué qu’elle soit contrefaite ou que des fraudes soient commises à l’interne?
Quelles seraient les répercussions sur la personne dont la carte est perdue ou dont l’identité est usurpée par une autre personne en vue d’obtenir une carte?
Étant donné le niveau de perfectionnement technologique élevé de nombreuses organisations criminelles, est-il raisonnable de croire qu’une carte peut être suffisamment sécurisée pour que l’objectif fixé soit atteint?
7.Autres questions à examiner :
Quel(s) ordre(s) de gouvernement devrai(en)t assumer la responsabilité?
Une carte nationale d’identité permettra-t-elle d’éliminer la discrimination et le ciblage racial? Ou bien, comme certains l’ont laissé entendre, une carte nationale d’identité favorisera-t-elle de nouvelles formes de discrimination tandis que les membres des minorités feront l’objet d’incessantes vérifications du statut et de l’identité par la police, les banques et les commerçants?
Quelles seraient les répercussions des «  refus erronés  » et quelles mesures seraient prises pour régler ce problème?

CONCLUSION

Le Comité désire insister sur le fait que, dans l’ensemble, nous n’avons pris aucune décision finale. Le but de ce rapport est de résumer les témoignages entendus jusqu’ici et nous répétons que nous allons poursuivre notre étude. Il est clair qu’il s’agit d’une question stratégique très importante qui pourrait avoir de lourdes  répercussions sur la protection de la vie privée, la sécurité et la responsabilité financière. En effet, on nous a fait remarquer que cette question pourrait avoir un impact sur les valeurs fondamentales qui sous-tendent la société canadienne. Dans cet esprit, il sera essentiel d'informer largement la population sur les tenants et aboutissants d'une carte nationale d'identité et d'entendre le point de vue du citoyen sur la pertinence de sa mise en place. Nous espérons que ce document suscitera la réflexion et nous encourageons les Canadiens à continuer de faire part de leurs vues au Comité. 


1Le programme des candidats des provinces : Un partenariat pour attirer des immigrants dans toutes les régions du Canada, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Chambre des communes, 3e rapport, 37e Législature, 2e session, mai 2003 et Établissement et intégration : un sentiment d’appartenance, Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l’immigration, 5e rapport, 37e législature, 2e session, juin 2003.
2Bâtir une nation : le Règlement découlant de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Chambre des communes, 3e rapport, 37e législature, 1re session, mars 2002.
3Développement des ressources humaines Canada, Réponse du gouvernement du Canada aux recommandations concernant la politique d’assurance sociale du quatrième rapport du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées : Au-delà des chiffres : l’avenir du numéro d’assurance sociale au Canada, 31 décembre 1999.
4Ibid., p. 5.
5Ibid., p. 21.
6Les questions du sondage Ekos sont reproduites à l’annexe A du rapport.
7[1988] 2 R.C.S. 417.
8Disponible en direct : http://www.gao.gov/new.items/d03174.pdf.
9Disponible en direct : http://www.homeoffice.gov.uk/dob/ecu.htm.
10Selon le document de consultation, une «  simple carte de plastique  » serait similaire au permis de conduire actuellement en usage au R.-U. et ne contiendrait pas de puce; une «  carte à puce simple  » pourrait entreposer une quantité limitée de renseignements personnels et une «  carte à puce perfectionnée  » permettrait à son détenteur de «  signer numériquement  » des documents électroniques.