ENVI Rapport du Comité
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OPINION DISSIDENTE DE
LA LOYALE OPPOSITION DE SA MAJESTÉ
AU-DELÀ DU PROJET DE LOI C-9
Le processus du C-9 :
L’ingérence du Bureau du premier ministre et du Conseil privé ont rendu l’étude du projet de loi C-9 beaucoup moins efficace qu’elle aurait pu l’être, particulièrement à l’étape du Comité. Malgré tout, le projet de loi C-9 représente une amélioration par rapport à la Loi actuelle.
L’étude effectuée par le Comité a permis d’améliorer la transparence du projet de loi, tant en définissant les échéances de chaque étape du processus d’évaluation que par la remise de documentation aux parties intéressées bien avant que les décisions soient prises. Ces mesures ont sécurisé tous les intéressés et représentent un pas en avant.
La disposition relative à l’examen aux sept ans a été rédigée de manière à ce que le réexamen porte sur toute la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et non seulement sur les articles qui intéressent plus particulièrement le gouvernement. Le C-9 était handicapé par le fait qu’il ne pouvait pas modifier les articles de la LCEE originale dont il n’était pas déjà prévu de discuter dans le cadre du projet de loi. Le mécanisme d’examen prévu dans le C-9 en tient compte de sorte qu’une étude plus complète de la Loi aura lieu vraisemblablement en 2010.
Pour cette raison, l’Opposition officielle remet en question la nécessité d’un rapport Au-delà du C-9 en ce moment. Au contraire, le rapport du Comité permanent semble être une tentative à peine voilée de contrer les décisions prises au Comité dans un certain nombre de domaines et représente une atteinte sérieuse à l’intégrité du travail effectué par les membres du Comité depuis un an. Il est biaisé et antidémocratique et déborde carrément du sujet à bien des endroits et même du contexte de la LCEE en général.
Points positifs du C-9 :
Un certain nombre de résultats positifs ont été atteints à l’étape du Comité en ce qui a trait au projet de loi :
• | L’établissement de la portée de l’évaluation serait obligatoire au début du processus d’évaluation environnementale. Cela permettrait tant au promoteur du projet qu’aux groupes intéressés dans la population de mieux comprendre toute l’ampleur du projet avant que l’on présente des soumissions ou des objections, d’où une confiance accrue dans le processus. |
• | On a ajouté aux dispositions concernant le registre en ligne qu’il faudrait mettre l’information à la disposition des parties intéressées sur demande. Voilà qui accroît sensiblement la transparence. Toute motion du gouvernement visant à modifier cet article devrait préciser explicitement que des versions imprimées seront disponibles sur demande. |
• | Des délais raisonnables ont été prévus pour remettre la documentation. On a accepté les amendements de l’Alliance voulant que l’information figure au registre en temps opportun pour apaiser les préoccupations avant que des problèmes importants surgissent. |
• | La disposition relative à l’examen après sept ans permettra d’ouvrir toute la Loi pour l’améliorer et non simplement des articles que le gouvernement juge importants comme ce fût le cas cette fois-ci. |
Points négatifs du C-9 :
Les résultats négatifs du C-9 sont les suivants :
• | Les sociétés d’État ont été soustraites à l’application de la LCEE et seront autorisées d’ici trois ans à créer un règlement distinct régissant l’évaluation environnementale. Le gouvernement n’a pas bien expliqué pourquoi une réglementation distincte serait nécessaire pour une poignée de sociétés d’État. Fait troublant, les membres du Comité ont voté démocratiquement pour que les sociétés d’État soient visées par la LCEE. Cette décision démocratique a pourtant été renversée par l’ingérence du BPM et du BPC et l’on a ajouté des exemptions pour les sociétés d’État. |
• | Le C-9 modifie le paragraphe 23(2) de la Loi pour permettre au ministre de l’Environnement de rouvrir une évaluation environnementale et de reconsulter le public avant de faire connaître sa décision. Le ministre pourrait alors retarder une décision simplement parce que le dossier est névralgique sur le plan politique. Ce pouvoir discrétionnaire pourrait donner lieu à des abus et semble très peu justifié autrement que par l’opportunisme politique. |
• | L’Alliance a exercé des pressions pour que les autorités municipales et locales d’aménagement du territoire puissent contribuer au processus d’évaluation autant que les bandes des Premières nations. Il est tout à fait logique de consulter les administrations locales concernant les décisions qui les toucheront directement. Ces amendements ont été défaits au Comité et les administrations locales continueront d’être très peu protégées par la LCEE. |
Réaction spécifique à Au-delà du projet de loi C-9 :
L’Opposition officielle croit que le mécanisme d’examen après sept ans ajouté au projet de loi à l’étape du Comité répondra adéquatement à des lacunes de la LCEE. La rédaction de Au-delà du projet de loi C-9 dans ce contexte semble inutile et vise principalement à revoir des décisions prises par le Comité.
L’évaluation environnementale fédérale fait-elle une différence?
L’Opposition officielle est d’accord avec le rapport en ce qui concerne la sensibilisation plus grande à l’évaluation environnementale. Nous sommes d’accord aussi pour dire que celle-ci devrait donner des écosystèmes forts et une bonne participation du public. Mais le rapport parle également de bénéfice pour l’environnement parmi les objectifs de la Loi. Or, le préambule de la Loi dit qu’elle « vise au développement durable par des actions de conservation et d’amélioration de la qualité de l’environnement » tandis que l’objet est de « prendre des mesures à l’égard de tout projet susceptible d’avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets ». Ce sont les objectifs de la LCEE et ils sont conformes à la philosophie de l’Alliance selon laquelle il faut trouver un équilibre entre l’aménagement et la protection de l’environnement. Bien que le bénéfice pour l’environnement soit un objectif louable, il est aussi extrêmement vague et l’on pourrait considérer qu’il outrepasse le mandat du C-9 et de la LCEE. C’est pourquoi nous rejetons l’affirmation du contraire dans Au-delà du projet de loi C-9.
Se servir de l’évaluation environnementale dans les grands dossiers environnementaux :
L’idée de faire de la LCEE un mécanisme pour évaluer les dangers des émissions de gaz à effet de serre est tout à fait inappropriée. L’Opposition officielle s’oppose au Protocole de Kyoto dans les termes les plus vigoureux et ne participera pas à un rapport essayant d’établir un lien entre ce traité voué à l’échec et l’évaluation environnementale au Canada. C’est un exemple typique de gaspillage de ressources environnementales importantes dans la lutte peu avisée contre le réchauffement de la planète que représente Kyoto.
L’évaluation environnementale est-elle profitable à l’environnement?
L’Opposition officielle est d’accord avec l’observation suivante du commissaire à l’environnement et au développement durable (paragraphe 6.5, chapitre 6, rapport de 1998) : « Le gouvernement fédéral ne recueille pas l’information nécessaire pour dire aux Canadiens si l’évaluation environnementale permet ou non d’atteindre les résultats escomptés. » Mesurer les résultats n’est pas le fort du gouvernement fédéral comme on l’a vu récemment dans le dossier du registre des armes à feu et celui de la vérification de la TPS.
Une vision claire de l’évaluation environnementale :
Au-delà du projet de loi C-9 le dit bien : l’accent mis sur le processus doit se traduire par des résultats concrets. Nous sommes d’accord pour dire que le processus doit déboucher sur des résultats. Mais c’est un point qu’il convient d’étudier dans le cadre de l’examen de la LCEE après sept ans et non tout de suite après l’étude de la législation.
Application efficace des responsabilités environnementales :
Au-delà du projet de loi C-9 préconise la création d’un organisme indépendant qui établira un système de permis et réglementera les mesures d’atténuation. Nous craignons qu’un tel organisme ne soit guère plus qu’un autre palier de bureaucratie. Tant que l’on n’aura pas démontré clairement qu’un tel organisme ferait plus qu’occasionner des dépenses, cette mesure sera prématurée.
Utiliser l’évaluation environnementale comme un outil constructif pour améliorer les projets :
Nous appuyons la recommandation du rapport visant à utiliser la LCEE comme un outil constructif pour améliorer la viabilité d’un projet et éviter les dépassements de coûts par la suite. Or, avant le dépôt du rapport à la Chambre, la recommandation a été malencontreusement modifiée : on a supprimé l’incitation à réduire les coûts. Faire de la LCEE un outil constructif devrait consister notamment à mettre l’accent sur les coûts pour les promoteurs.
Examen public des projets d’importance canadienne :
La tentative d’appliquer la LCEE à des domaines de compétence purement provinciaux est tout à fait inconstitutionnelle au point 4.4 de Au-delà du projet de loi C-9. Une expression comme « l’importance pour tout le Canada » semble davantage conçue pour déborder du cadre de la LCEE que pour s’assurer qu’on emploie les bons mécanismes d’examen.
Toute tentative visant à instituer un examen automatique par une commission ou un examen conjoint à l’égard de projets situés à l’extérieur du champ d’action fédéral va à l’encontre des responsabilités historiques et de la division des pouvoirs en vertu des actes constitutionnels de 1867 et de 1982. Le paragraphe 92A(1) de l’Acte constitutionnel de 1867 (Acte de l’Amérique du Nord Britannique) se lit comme suit :
La législature de chaque province a compétence exclusive pour légiférer dans les domaines suivants :
a) | Prospection des ressources naturelles non renouvelables de la province; |
b) | Exploitation, conservation et gestion des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières de la province, y compris leur rythme de production primaire; |
c) | Exploitation, conservation et gestion des sites et des installations de génération et de production d’énergie électrique. |
Les propositions contenues dans Au-delà du projet de loi C-9 débordent des pouvoirs fédéraux et empiètent dans le champ de compétence des provinces. Elles créent en outre un chevauchement administratif inutile.
Évaluation des effets environnementaux cumulatifs :
Au-delà du projet de loi C-9 exprime la crainte que des projets multiples mais distincts aient des effets cumulatifs qui ne soient pas visés par chaque évaluation environnementale. On propose dès lors de faire équipe avec d’autres ordres de gouvernement, à un seuil donné de déclenchement, et de faire des évaluations régionales des effets cumulatifs. L’Opposition officielle est en faveur de réduire les chevauchements mais craint que ces mesures pourraient permettre à l’autorité fédérale de s’ingérer dans les évaluations environnementales provinciales ou locales.
Respecter les engagements fédéraux en matière d’environnement par l’évaluation environnementale :
Au-delà du projet de loi C-9 cherche à lier les obligations internationales du Canada comme le Protocole de Kyoto à nos lois nationales d’évaluation environnementale et donne en exemple les émissions de gaz à effet de serre des sables bitumineux de l’Athabasca. On préconise aussi un agenda axé d’abord sur la conservation. C’est tout à fait en dehors de la LCEE et ça devrait le rester.
L’équilibre qui existe en ce moment dans la LCEE et les amendements au projet de loi C-9 est approprié et on doit lui donner la possibilité de faire ses preuves. Là encore, la conservation est un objectif important, mais l’expression utilisée dans le rapport pourrait donner lieu à un préjugé déraisonnable qui nuirait à tout nouveau développement.
Promotion d’une participation significative du public :
L’Opposition officielle est d’accord pour dire qu’il faut des mécanismes plus puissants de consultation du public. Malheureusement, Au-delà du projet de loi C-9 compte exagérément sur l’examen par une commission pour y parvenir. C’est une optique trop étroite. La participation du public a été améliorée par les amendements au C-9. Même si on peut toujours faire mieux, il y aurait lieu qu’une commission fasse un examen lorsque l’envergure d’un projet le justifie et non simplement pour accroître la participation du public.
Incorporation du point de vue autochtone :
Durant l’étude du Comité, l’Alliance a préconisé l’inclusion des autorités locales d’aménagement du territoire de la même manière qu’on l’a proposé pour les Premières nations. Tout changement envisagé à la Loi devrait refléter la nécessité de traiter également les autres communautés locales au Canada sur la question de l’évaluation environnementale. Ce débat est laissé de côté dans Au-delà du projet de loi C-9.
Amélioration de l’évaluation environnementale stratégique :
L’Opposition officielle est en faveur d’améliorer l’évaluation environnementale stratégique pourvu que les améliorations ne soient pas le reflet de l’abus du pouvoir fédéral si évident à d’autres égards dans Au-delà du projet de loi C-9.
Conclusion
Le C-9 franchit un pas modeste mais réel vers la coopération entre le secteur privé et les groupes de protection de l’environnement. Il contient également des mesures importantes de participation du public en plus de diminuer les litiges et d’accroître la confiance de part et d’autre. Comme nous l’avons vu, il est loin d’être parfait. Il demeure tout de même une mesure positive qui permet un second regard dans sept ans.
En revanche, le rapport est biaisé, partial et complètement contraire à l’esprit de collaboration édifié au sein du Comité.
Les organisations environnementales, les représentants du gouvernement et de l’industrie et les citoyens canadiens ont tous fait des témoignages de grande valeur sur la question de l’évaluation environnementale. Or, aucun représentant de l’industrie n’est cité dans Au-delà du projet de loi C-9.
Au-delà du projet de loi C-9 est hors mandat, déséquilibré et contraire à la Constitution. Certaines propositions et observations méritent d’être étudiées de plus près, et même dans certains cas d’être appuyées, mais l’ensemble est fondamentalement déficient et manque d’esprit de consensus, que ce soit entre les membres du Comité ou entre les présentateurs que le Comité a entendus durant l’étude du projet de loi.
Pour ces motifs, l’Opposition officielle recommande vivement au gouvernement de rejeter Au-delà du projet de loi C-9.
Recommandations :
1. | L’OPPOSITION OFFICIELLE RECOMMANDE QUE DANS LES DOUZE MOIS SUIVANT L’ADOPTION DU PROJET DE LOI C-9, LE GOUVERNEMENT DRESSE UNE LISTE DES SOCIÉTÉS D’ÉTAT NÉCESSITANT UNE EXEMPTION SPÉCIALE DES MESURES RÉGLEMENTAIRES D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE ET JUSTIFIE LE BIEN-FONDÉ DES EXEMPTIONS. |
1.1 | L’OPPOSITION OFFICIELLE RECOMMANDE EN OUTRE QUE TOUTE SOCIÉTÉ D’ÉTAT NON NOMMÉE SOIT RÉGIE PAR UN RÈGLEMENT FÉDÉRAL STANDARD D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE. |
2. | L’OPPOSITION OFFICIELLE RECOMMANDE QUE L’EXAMEN DE LA LCEE APRÈS SEPT ANS PORTE UNE ATTENTION PARTICULIÈRE AU RECOURS AU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DU MINISTRE PRÉVU AU PARAGRAPHE 23(2) DE LA LOI ET DÉTERMINE SI CE POUVOIR EST NÉCESSAIRE POUR RENDRE LE PROCESSUS D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE JUSTE ET EFFICACE. |
3. | L’OPPOSITION OFFICIELLE RECOMMANDE QUE L’EXAMEN DE LA LCEE APRÈS SEPT ANS PORTE UNE ATTENTION PARTICULIÈRE À LA CAPACITÉ DES AUTORITÉS LOCALES D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DE CONTRIBUER AUX DÉCISIONS D’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE QUI TOUCHENT DIRECTEMENT LEUR TERRITOIRE. |
Le tout respectueusement soumis,
Gary Lunn, député
SaanichGulf Islands