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SPER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 5 février 2003




¹ 1545
V         La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.))
V         Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy)

¹ 1550

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         M. Michael Mendelson (analyste de politique, Caledon Institute of Social Policy)

º 1605

º 1610
V         La présidente
V         Pr Michael Prince (professeur titulaire de la chaine Lansdowne en politique sociale, Faculté de développement social et humain, Université de Victoria)

º 1615

º 1620

º 1625
V         La présidente
V         Mme Sally Kimpson (À titre individuel)

º 1630

º 1635

º 1640

º 1645
V         La présidente
V         M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne)

º 1650
V         M. Michael Mendelson
V         M. Reed Elley

º 1655
V         Mme Sherri Torjman
V         Pr Michael Prince
V         La présidente
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)

» 1700
V         Mme Sherri Torjman

» 1705
V         Sally Kimpson
V         M. Michael Mendelson

» 1710
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         M. Michael Mendelson
V         Michael Prince
V         La présidente

» 1715
V         Mme Sherri Torjman
V         La présidente
V         Mme Sherri Torjman

» 1720
V         M. Michael Mendelson
V         M. Reed Elley

» 1725
V         Sally Kimpson
V         M. Reed Elley
V         Sally Kimpson
V         La présidente
V         Sally Kimpson
V         Michael Prince

» 1730
V         La présidente
V         M. Michael Mendelson

» 1735
V         Mme Sherri Torjman
V         La présidente
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         La présidente










CANADA

Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1545)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): Bienvenue.

    Je vous ai présenté des excuses au nom de mes collègues libéraux qui sont soit malades, soit à un autre comité ou ailleurs. De ce fait, les rangs des libéraux sont un peu clairsemés. Comme vous le savez tous, si notre merveilleux petit comité a de si bons résultats, c'est parce qu'il n'a jamais accepté de personnes imposées «par le sommet». Nous n'acceptons que des volontaires passionnés. Nous espérons pouvoir continuer à recruter de tels volontaires passionnés, et nous espérons que les députés malades vont retrouver la santé…

    Une voix: Et que nous n'allons pas être malades.

    La présidente: … et que nous n'allons pas être malades nous-mêmes.

    Il faudrait peut-être aussi que nous envisagions de modifier l'heure de notre réunion. Le Comité des affaires autochtones siège cinq jours par semaine, nuit et jour. Il se passe des choses complètement folles, non?

    Une voix: C'est trop.

    La présidente: Oui.

    Notre tout petit comité parfait est encore plus petit aujourd'hui, mais toujours parfait, de même que nos témoins. Nous sommes toujours ravis d'accueillir des experts aussi talentueux que ceux de cet après-midi, car cela nous aide beaucoup d'avoir des gens qui sont profondément engagés sur cette question et qui peuvent nous dire objectivement et honnêtement ce qui va et ce qui ne va pas dans le système. Merci d'être venus.

    Je pense que nous allons commencer par Sherri.

+-

    Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy): Merci beaucoup, madame la présidente. Je souhaitais moi aussi remercier votre tout petit comité parfait de nous avoir invités aujourd'hui.

    Je dois vous féliciter car vous avez ouvert vos consultations aux Canadiens grâce à l'Internet, ce qui est je crois un précédent original au Canada. Tout cela n'a certainement pas été facile. Vous avez surmonté de nombreux obstacles et vous avez dû trouver toutes sortes de solutions, et je vous en félicite.

    Au cours de cette étude, vous allez entendre beaucoup parler du Régime de pensions du Canada. Vous avez ouvert la porte au dialogue. Vous allez donc entendre probablement beaucoup de critiques à l'égard du programme, par exemple les gens vont vous parler des problèmes qu'ils ont eus, notamment les demandeurs, les bénéficiaires ou ceux qui orientent des patients vers le programme. C'est normal, puisque vous avez invité les gens à formuler des commentaires et à vous parler de leur expérience.

    Ce que je souhaite vous dire, c'est que tout en estimant qu'il est important que chacun puisse exprimer ses préoccupations et ses souhaits d'amélioration du programme, j'espère que ces objections ne serviront pas en fin de compte à justifier un recul, un démantèlement ou une détérioration du programme. Je tiens à le préciser car je l'ai déjà constaté ailleurs. Comme beaucoup d'autres Canadiens, nous nous adressons à vous en toute bonne foi dans l'espoir d'améliorer la condition des personnes handicapées. Je pense que cette amélioration de leur condition devrait être l'objectif fondamental de votre travail.

    Vous nous avez invités à venir vous parler de la sécurité du revenu et du Régime de pensions du Canada aujourd'hui. Je suis heureuse de le faire. Je souhaiterais simplement présenter quelques notions générales avant d'entrer dans le détail.

    Il faut bien comprendre que la notion de sécurité du revenu est distincte de celle de soutien pour les personnes handicapées. Je sais que vous avez eu de nombreux débats sur cette dernière notion. Ce sont deux domaines intrinsèquement liés dans le monde réel; autrement dit, si l'on bénéficie d'un soutien pour personnes handicapées, on a la possibilité de gagner un revenu, et de même, si l'on a un revenu adéquat, on a la capacité de payer des mesures de soutien aux personnes handicapées.

    Mais pour l'instant, nous nous interrogeons sur la pertinence du système de sécurité du revenu car il y a un certain nombre de questions à régler à cet égard. Les programmes actuels donnent-ils aux Canadiens la possibilité de satisfaire leurs besoins fondamentaux? Leur permettent-ils de payer leur logement, leur alimentation, leurs vêtements et leurs services publics et sont-ils adéquats et efficaces? Pour ce qui est des autres besoins, ou des frais supplémentaires entraînés par une invalidité, on peut essayer d'y répondre d'une manière différente.

    Donc, théoriquement, ce que nous examinons aujourd'hui, c'est le système de sécurité du revenu. Il repose sur un certain nombre de fondements. Je dois préciser que quand je parle de «système», c'est un compliment qui n'est pas vraiment mérité parce qu'on ne peut pas vraiment parler d'un système cohérent. Comme vous le savez, il comporte toutes sortes d'éléments discordants. Le problème vient en priorité du fait que l'admissibilité est fonction de la cause du handicap. Par conséquent, vous pouvez avoir les mêmes capacités fonctionnelles que quelqu'un d'autre mais toucher des prestations complètement différentes et vivre dans des conditions totalement différentes simplement en raison de la cause de votre handicap.

    Au Canada, nous avons un ensemble d'assurances et quelques programmes supplémentaires en matière d'invalidité. Si vous êtes assuré, cela veut dire que vous cotisez à un régime dans l'espoir que, si l'éventualité contre laquelle vous vous protégez se matérialise un jour, vous pourrez bénéficier de ce programme. C'est le postulat d'un régime d'assurance. Il est important de bien comprendre que les assurances ont un rôle de fondement essentiel au Canada. Si nous devons aborder sous un autre angle la question du revenu des personnes handicapées, il faut bien réfléchir à ce qu'entraînerait l'abandon de ces fondements, de cette base que constitue l'assurance.

    Essentiellement, nous avons l'indemnisation des accidentés du travail, qui est une assurance qui couvre les accidents ou les maladies du travail. Nous avons l'assurance-emploi, qui assure une protection à court terme en cas d'interruption entraînée par une invalidité, une maladie ou une période de chômage à court terme. Il y a ensuite la protection à long terme que constituent les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada, qui assure aux citoyens une protection ou un revenu en cas d'interruption de longue durée de leur revenu de retraite, ou des prestations pour handicap ou décès. Enfin, il y a toute une série d'assurances privées. Dans plusieurs provinces, comme l'Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie-Britannique, il y a l'assurance-automobile. Au Québec, il y a aussi un régime d'indemnisations sans égard à la responsabilité.

¹  +-(1550)  

    Il existe aussi des programmes conçus pour des catégories bien particulières, par exemple les prestations pour anciens combattants ou l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Mais tous les gens qui ne sont pas admissibles à l'un de ces programmes en sont réduits à l'aide sociale provinciale. Les règlements sont très différents, mais dans l'ensemble ce sont des régimes très rigoureux qui ne permettent pas aux gens d'avoir un revenu très généreux, comme vous le savez.

    Ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont les prestations d'invalidité dans le cadre du Régime de pensions du Canada. C'est cela que nous examinons. Il est important d'envisager des formules de réforme immédiate à court terme de ce régime car cela pourra nous servir de tremplin pour une réforme plus vaste de la sécurité du revenu.

    Quels sont les problèmes? Vous en avez certainement déjà entendu parler. C'est la pertinence, l'admissibilité, les composantes liées au travail et le régime d'appel.

    En ce qui concerne la pertinence, il s'agit d'une prestation qui assure un revenu mensuel limité, de l'ordre de 971 $ en 2003—c'est le maximum. Il est important de considérer la moyenne car elle est en fait nettement inférieure. Elle est de l'ordre de 700 $ et quelques par mois en 2002, dernière année pour laquelle nous avons des chiffres. C'est bien en dessous du seuil de la pauvreté.

    Le problème vient en partie—et il faut se placer dans le contexte historique pour mieux comprendre—du fait qu'à l'origine le Régime de pensions du Canada était vraiment axé sur la composante retraite. Les prestations de ce régime n'étaient donc pas censées être les seules auxquelles avaient droit les citoyens; elles étaient censées n'être qu'une composante, un volet dans un ensemble de programmes. Donc il n'a jamais été question que les prestations versées en vertu de ce régime représentent la totalité du revenu des bénéficiaires. Elles devaient être versées parallèlement à d'autres revenus.

    Or, les prestations d'invalidité sont la plupart du temps le seul revenu dont disposent les gens, et encore quand ils sont admissibles, et c'est la grande question suivante. La question essentielle, c'est en effet de savoir si les gens sont «admissibles».

    Il existe deux grands critères d'admissibilité aux prestations du Régime de pensions du Canada. Le premier, ce sont les cotisations. Il faut avoir cotisé quatre ans sur une période de six ans. C'est plus qu'autrefois. On a prolongé la durée en 1998.

    Le second critère, c'est qu'il doit s'agir d'une invalidité grave et prolongée qui vous empêche régulièrement d'avoir une activité rémunérée. C'est un critère extrêmement rigoureux. Cela veut dire que vous devez avoir un handicap très grave et à toutes fins pratiques, être incapable de travailler.

    Le problème, c'est que cette définition n'a pas été appliquée de façon uniforme au Canada. Certaines personnes dans un état donné ont été admissibles aux prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada alors qu'on les a refusées à d'autres personnes qui étaient dans la même situation. Il y a donc tout ce problème d'interprétation du critère de gravité pour la loi.

    Il y a une chose qui serait vraiment intéressante pour votre comité, ce serait de voir à quel point certaines décisions rendues en appel ces dernières années ont remis en question l'interprétation administrative du critère de gravité. Dans certains cas, les juges ont estimé qu'on avait toujours voulu avoir un programme très restreint. Dans d'autres décisions assez importantes, ils ont affirmé que le programme n'avait jamais été destiné à être interprété de façon aussi étroite et qu'il fallait tenir compte des facteurs socio-économiques pour déterminer la gravité.

    Je vais revenir dans un instant à la question des recours, mais je voudrais simplement souligner quelques-unes des principales préoccupations que formule le public.

¹  +-(1555)  

    Un troisième critère concerne l'aptitude à travailler. Ce n'est pas facile de travailler quand on touche des prestations d'invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada; en fait, si vous y êtes admissible, vous n'êtes pas censé pouvoir travailler. Il est donc difficile de dire que vous êtes capable de travailler un peu pour compléter votre revenu. C'est n'est que tout récemment qu'on a commencé à assouplir le programme dans ce domaine et à donner aux gens un peu de soutien professionnel pour voir s'ils peuvent gagner un peu d'argent supplémentaire pour améliorer leur situation. C'est un véritable casse-tête pour les prestataires, et beaucoup ne veulent même pas suivre une rééducation professionnelle parce qu'ils ont peur de perdre leurs droits. S'ils sont exclus du Régime, ils ne peuvent plus compter que sur l'aide sociale.

    Il y a aussi d'autres secteurs à examiner. Il faut bien comprendre qu'avec l'évolution de la technologie et des médicaments, beaucoup de gens sont capables de travailler. Mais le Régime de pensions du Canada voit tout en noir et blanc. Le monde actuel est gris. Ce qu'il nous faut, c'est un Régime beaucoup plus souple et adapté à tout un éventail de besoins.

    Il ne s'agit pas simplement des prestations d'invalidité. En fait, il faudrait envisager la question générale des prestations partielles dans le cadre de notre régime de revenu de retraite. C'est un vrai problème.

    Que pouvons-nous faire? Quelles sont les propositions de réforme à court et à long termes? À court terme, on peut se demander si la prestation est adéquate, si les prestations versées sont suffisantes. Elles sont indexées régulièrement, et on ne peut pas en dire autant de certaines autres prestations, mais il faut tout de même se demander si elles sont suffisantes.

    Il faut aussi s'interroger sur la question de l'admissibilité et déterminer si une période de quatre ans de cotisation sur six ans n'est pas excessive pour certaines personnes, et il faut aussi rendre le critère de gravité beaucoup plus cohérent.,

    Il y a diverses façons de le faire, mais si quelqu'un qui a un problème de santé bien défini demande à bénéficier du programme, on pourrait dire qu'il y est automatiquement admissible si l'on connaît exactement les paramètres de sa situation. Je pense à quelqu'un qui souffre de SLA, et on pourrait certainement citer bien d'autres cas de personnes à qui il sera probablement impossible de travailler pendant une longue période. Il existe donc des moyens de faciliter le processus d'admissibilité.

    Il faudrait aussi encourager beaucoup plus tôt la réadaptation professionnelle. Il faut admettre qu'on doit aider les gens à travailler dans toute la mesure du possible, mais ils doivent pouvoir réintégrer le programme si cela ne marche pas.

    Il faudrait aussi essayer de voir s'il serait possible d'avoir une prestation variable, c'est-à-dire que si les gens pouvaient accroître leur niveau de revenu, leurs prestations diminueraient un peu, mais ce serait quand même avantageux pour eux en fin de compte. Actuellement, le régime de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada l'interdit. Il y a un montant fixe. Vous y avez droit ou vous n'y avez pas droit. Ce n'est pas un montant variable en fonction des autres revenus que vous pourriez avoir. Il faudrait y réfléchir, même si cela modifie quelque peu la structure d'ensemble du Régime. Il faudrait donc réfléchir soigneusement avant de choisir cette solution.

    Pour améliorer la situation actuelle, on pourrait aussi intégrer certaines composantes d'évaluation. Actuellement, il y a toutes sortes de régimes en vigueur, et tout le monde fait des évaluations qui font double emploi. Je crois que nous ferions un progrès considérable si nous avions une procédure d'admission uniformisée et une réadaptation professionnelle plus rapide.

    Enfin, on pourrait améliorer les procédures d'appel de toutes sortes de façons. Le Québec fait actuellement un travail intéressant sur la médiation, la conciliation, les moyens de régler les conflits liés au régime pour éviter toute une procédure juridique coûteuse, compliquée et pénible.

    À long terme, que faudrait-il faire pour avoir un régime de sécurité du revenu beaucoup plus complet? Il y a eu beaucoup de propositions de réforme, mais avant d'en arriver directement au Régime de pensions du Canada, il y a un autre domaine dans lequel on pourrait intervenir dans un avenir plus proche: on pourrait permettre aux personnes de ne plus dépendre de l'aide sociale en essayant de leur assurer un revenu adéquat.

    Il est absurde d'obliger les personnes handicapées à vivre du bien-être social pendant tout le reste de leur existence. Le bien-être social n'a jamais été destiné à assurer un revenu à long terme. C'est une prestation à court terme de dernier ressort. C'est donc un domaine dans lequel j'interviendrais tout de suite.

    En second lieu, on pourrait intervenir progressivement sur le RPC et progresser vers des réformes plus globales en établissant des prestations fondées sur le revenu, des prestations partielles et en assurant une réadaptation professionnelle. On accomplirait ainsi une bonne partie du chemin vers une réforme globale.

º  +-(1600)  

    Enfin, j'en reviens ici à mon premier point. Il faut examiner en même temps les mesures de soutien pour les personnes handicapées, et je sais que vous l'avez fait, pour voir comment les deux systèmes pourraient être coordonnés. En fin de compte, on pourrait progresser énormément sur le front du revenu en travaillant sur celui des mesures de soutien pour les personnes handicapées et en mettant en place un régime solide. Je pense donc qu'il y a beaucoup de choses qu'on peut faire tout de suite et qu'on peut sérieusement déblayer le terrain pour l'avenir.

    Mais ce qui est surtout important, avant de modifier radicalement les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada, c'est d'avoir un réel débat national pour savoir si nous voulons éliminer la partie des prestations qui est couverte par des assurances. C'est un régime que nous avons obtenu de haute lutte, pour lequel les parlementaires se sont battus avec acharnement, et qui offre à la majorité des Canadiens une protection qu'ils ne pourraient pas avoir autrement. Donc, avant de bouleverser ce régime, je propose qu'on réalise des améliorations progressives, qu'on le modernise pour pouvoir finalement l'intégrer aux réformes que nous apporterons à l'aide sociale. Ce serait une façon réaliste de réformer en profondeur notre système.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, Sherri.

    Michael Mendelson.

+-

    M. Michael Mendelson (analyste de politique, Caledon Institute of Social Policy): Je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux d'être ici. Je semble malheureusement condamné à prendre la parole après Sherri. Elle est tellement éloquente, il faut bien que quelqu'un fasse le repoussoir.

    Au fait, j'ai répondu à votre sondage sur l'Internet. Il est excellent, et j'espère que je n'ai pas faussé vos résultats.

    Des voix: Oh, oh!

    M. Michael Mendelson: Mais il est excellent.

    Une voix: Vous y avez répondu combien de fois?

    M. Michael Mendelson: Seulement une demi-douzaine de fois, parce que je m'étais trompé la première fois. Mais c'est un excellent sondage et j'en félicite le comité. Je crois que vous avez ouvert un tout nouveau débat aux Canadiens, et ce n'est qu'un début. Il y a là un potentiel incroyable pour votre comité, et j'espère que votre initiative sera suivie.

    J'aimerais faire quelque chose d'un peu différent. Alors que je réfléchissais à ma comparution ici, je me suis demandé si j'allais aborder les points particuliers auxquels vous vous intéressez ou si j'allais prendre un peu de recul pour vous parler du problème en général. Étant donné que je ne vais être là que cette fois-ci, je vais essayer de prendre un peu de recul et vous parler du problème d'ensemble.

    J'ai examiné certains des problèmes que vous étudiez et dont vous discutez. Je vous félicite du travail remarquable que vous avez accompli.

    Il est certain qu'on peut raffiner—si je puis dire, ou disons peut-être simplement améliorer—certains aspects des prestations d'invalidité du RPC. Je pense qu'on va pouvoir y apporter des améliorations progressives.

    Mais la question que je voudrais aborder aujourd'hui, c'est de savoir si certains des problèmes sur lesquels vous vous penchez et pour lesquels vous voulez essayer de formuler des recommandations solides, sont endémiques à ce genre de programme. Autrement dit, si l'on en résout un certain nombre, si l'on raffine certaines dispositions, est-ce que d'autres problèmes ne vont pas resurgir ailleurs?

    Qu'est-ce que ça veut dire? Eh bien, le programme invalidité du Régime de pensions du Canada fonctionne sur la base de catégories binaires. Autrement dit, on crée une barrière. D'un côté de cette barrière, il y a les gens qui sont admissibles au programme, qui sont étiquetés comme personnes handicapées ou ayant un certain type de limitations et de l'autre côté, il y a ceux qui ne peuvent pas franchir la barrière. Or, comme l'a dit Sherri, les gens ne correspondent pas à des catégories; on devrait plutôt parler d'éventails, de spectres, si je peux ainsi m'exprimer. Et encore, ce ne sont pas des spectres unidimensionnels, mais bien des éventails pluridimensionnels extrêmement complexes.

    Notre discours sur l'invalidité a évolué avec les années. On parle maintenant de personnes ayant des limitations fonctionnelles. On ne parle plus de personnes handicapées. La question que je pose au comité, et à un public plus large par-delà le comité, c'est de savoir si on utilise cette expression par simple souci de rectitude politique ou si cela signifie quelque chose au niveau du programme. Est-ce que nous voulons vraiment dire que la notion de personne handicapée n'existe pas? Pourrait-on envisager de concevoir un régime de sécurité du revenu et de soutien dans lequel on n'utiliserait jamais l'expression «handicap», ou qui au moins n'impliquerait pas le classement des personnes en catégories de personnes handicapées ou non handicapées?

    Je crois que c'est une question très délicate. Dans les pays anglo-américains—le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis—nous sommes entourés de programmes organisés en catégories. Dans un tel contexte, il est presque impossible d'imaginer un monde dans lequel on ne serait plus obligé de s'appuyer sur la définition de handicap pour définir l'accès à un programme.

    On m'a dit, et on vous l'a dit aussi lors de vos réunions, que dans d'autres pays, par exemple les pays scandinaves, les gens nous disent: Comment pouvez-vous définir le handicap? Ils ont autant de difficulté à voir le monde sous l'angle de ces programmes définis par catégories que nous à le concevoir sous l'angle de programmes non définis par des catégories. Le contexte dans lequel nous vivons nous paraît tout à fait normal et naturel, et nous avons donc du mal à imaginer autre chose, mais il existe peut-être une autre formule.

º  +-(1605)  

    Ce que j'aimerais inviter le comité à faire, c'est à se demander si les problèmes d'équité, les appels constants, les incohérences, les problèmes de définition à caractère douteux, si tous ces problèmes sont les corollaires inévitables de tout programme qui nous oblige à faire entrer des personnes rondes dans des trous carrés, si je puis dire, pour déterminer que certaines personnes sont admissibles et d'autres non. Évidemment, la question fondamentale est de savoir s'il peut exister une autre solution.

    Je ne vais pas vous exposer aujourd'hui une autre solution. Je veux simplement vous donner un aperçu extrêmement général de ce que pourrait être votre formule. Je pense que si vous voulez essayer de trouver une autre formule que le PPI-RPC, il faut vous posez la question différemment et vous demander: Faudrait-il un Régime de pensions du Canada dans le cadre duquel les prestataires pourraient en quelque sorte bénéficier d'une pension pré-retraite en fonction d'une évaluation de leur situation particulière? C'est la question que nous souhaiterions poser. Il ne s'agit pas nécessairement de demander à quelqu'un s'il a ses deux jambes, une seule ou pas de jambe du tout, ni s'il est handicapé ou non. Il s'agit de s'interroger sur la situation des gens et de déterminer quelle est la situation appropriée. C'est un type de question totalement différent.

    J'ai entendu plusieurs fois décrire le régime des Pays-Bas. Je ne sais pas si vous savez comment les choses se sont passées aux Pays-Bas. On vous l'a déjà raconté? Je vais vous dire ce que j'en ai compris et si vous entendez quelqu'un qui vient des Pays-Bas, cette personne pourra éventuellement vous dire que ce n'est pas cela et vous expliquer exactement ce qu'il en est. Je vais donc vous donner mon interprétation.

    Les Pays-Bas se sont trouvés à une époque aux prises avec un programme où les handicaps étaient déterminés en fonction de catégories: ou on était handicapé, ou on ne l'était pas. Ils se sont rendu compte que leur programme d'aide aux personnes handicapées servait essentiellement de programme de retraite anticipée quand l'économie du pays était en difficulté. Nous connaissons la chanson. Et le nombre de participants au programme augmentait de façon complètement incontrôlée.

    Ils se sont donc demandé comment ils pourraient rectifier la situation. Ils ont remplacé le principe des catégories par un ensemble beaucoup plus vaste de critères permettant de déterminer l'employabilité de chaque individu. En gros, quand quelqu'un demande à bénéficier du programme, on évalue sa demande en fonction de ce que j'appellerais une analyse coûts-avantages.

    Cela peut paraître assez brutal, mais le principe consiste à chercher à savoir s'il existe dans la zone géographique à laquelle l'individu a accès deux emplois qu'il pourrait exercer… Cela ne veut pas dire deux emplois vacants, d'ailleurs, mais simplement deux emplois qui existent. Autrement dit, ce ne sont pas nécessairement des postes vacants, mais simplement deux types d'emplois qu'il pourrait éventuellement exercer dans la zone géographique à laquelle il a accès, ou pour lesquels il pourrait être formé dans des conditions rentables. Autrement dit, on se demande s'il serait justifié de former cette personne. Si l'on estime que non--et il peut y avoir des considérations d'âge, etc.--la personne peut alors avoir droit à des prestations de retraite anticipée.

    Il y a aussi d'autres éléments. Si la réponse est positive, on peut dire à la personne soit qu'elle n'a qu'à aller tout simplement se trouver un emploi, soit qu'elle a droit à une réadaptation professionnelle ou même quelquefois à une simple formation élémentaire dans l'équivalent d'un collège communautaire pour acquérir les compétences voulues pour exercer un de ces emplois.

º  +-(1610)  

    On vous a déjà parlé de personnes qui sont dans des situations différentes. Si un programmeur d'ordinateur se retrouve en chaise roulante à 55 ans, cela ne l'empêche pas d'exercer son emploi. En revanche, quelqu'un qui sait à peine lire et compter et qui a toujours bien gagné sa vie en faisant correctement son métier de manoeuvre dans la construction, mais qui se retrouve en chaise roulante à 55 ans, ne peut pas se recycler comme programmeur et n'est vraisemblablement plus employable. Le handicap est le même, mais aux Pays-Bas, on ne juge pas en fonction du handicap, mais en fonction de la situation de l'individu.

    Je ne suis pas en train de vous soumettre un programme complet, je souhaite simplement que le comité réfléchisse pour voir s'il est possible d'envisager un programme, un système de sécurité du revenu au Canada, qui ne soit pas fondé sur une catégorisation des individus.

    J'aimerais ajouter, si j'ai une minute, et je ne sais pas si j'ai parlé trop longtemps, que cette catégorisation m'inquiète surtout pour ce qui est des enfants, pour des raisons simples et pragmatiques car je crois--et je pense qu'il y a des preuves à cet effet--que le fait de classer un enfant comme handicapé peut avoir un effet très négatif sur ses espoirs et sur son avenir. Pour moi, c'est vraiment odieux de mettre une famille et un enfant dans une situation telle qu'il leur faut choisir entre l'étiquette d'une catégorie et ne pas pouvoir manger ou accéder à des services. Si nous parvenons à supprimer cela, ce serait à mon avis une réforme beaucoup plus importante et plus profonde que la question des handicaps dans le RPC.

    Ceci dit, je crois que dans le fond c'est toujours la même question fondamentale, et je demande instamment au comité de chercher à résoudre le problème non pas par des réglages fins, si je peux parler ainsi--il n'y a pas que des réglages fins; certains points, comme le problème fondamental des taux, correspondent à un gros réglage, je dirais--mais aussi en essayant de voir si certains des problèmes étudiés ne sont pas en fait des problèmes structurels et s'il est possible de les régler en envisageant un gros changement comme celui-là.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Michael Prince.

+-

    Pr Michael Prince (professeur titulaire de la chaine Lansdowne en politique sociale, Faculté de développement social et humain, Université de Victoria): Merci, madame la présidente.

    J'ai un mémoire que j'ai envoyé au greffier, a-t-il été distribué? Merci.

    Je suis heureux de pouvoir comparaître encore une fois devant le sous-comité. Comme les autres témoins, je voudrais aujourd'hui pouvoir vous aider dans la lourde tâche que vous avez entreprise, ce dont je vous félicite. J'ai aussi fait le sondage sur le site Web, à propos duquel j'aimerais vous féliciter. C'est très convivial, et l'on présente de façon très claire les questions relatives au programme auxquelles le comité souhaite trouver des réponses. Je voulais dire officiellement que je ne l'ai fait qu'une fois.

    Des voix: Oh, oh!

    Pr Michael Prince: Il y a tant de questions et tant de possibilités. En fait, aujourd'hui, je voulais adopter une perspective d'ensemble sur votre travail en parlant de vision ou de valeurs et évoquer des solutions ou quelques options de politique à garder à l'esprit pendant votre étude.

    J'insisterais surtout pour que le comité se penche non seulement sur le programme invalidité du Régime de pensions du Canada, mais qu'il examine aussi de près les autres programmes de prestations de revenu et mesures fiscales qui existent déjà. Mes collègues, notamment Sherri, ont bien déblayé les questions et les liens dans ce domaine.

    Je vous encourage aussi à avoir une vision encore plus audacieuse, à voir de plus en plus loin, et à envisager de recommander une nouvelle prestation de revenu pour les personnes handicapées, ou un crédit d'impôt remboursable, en liant cela à la stratégie nationale de soutien aux personnes handicapées. Je pense qu'il est essentiel que vous ayez une approche complète de ce genre pour aborder les problèmes de catégorisation dont vient de parler Michael, ainsi que le problème reconnu depuis longtemps de la fragmentation des régimes actuels de revenu et de soutien pour les personnes handicapées. Et si nous voulons vraiment nous attaquer à ce problème, il est essentiel d'avoir une démarche globale pour promouvoir la vision d'une pleine citoyenneté qui a été exprimée depuis cinq ou six ans dans les ententes intergouvernementales, tant par le gouvernement du Québec d'un côté que par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'autre part, par le biais des documents «À l'unisson».

    Je vous ai énuméré certaines valeurs qui me semblent importantes. Ce ne sont pas les seules, mais je vous encourage à vous pencher sur celles-ci. Ce sont des valeurs qui font écho à celles que nous évoquons quand nous parlons d'assurance médicale et de soins de santé au Canada, et qui ne sont ni moins importantes, ni moins pertinentes. Quand nous parlons d'enfants et d'adultes handicapés, nous parlons de personnes qui sont parmi les plus vulnérables, les plus désavantagées et les plus marginalisées de notre pays.

    Pour ce qui est des solutions, Sherri vous a déjà parlé des critères d'admissibilité au programme invalidité du RPC. Vous vous souvenez qu'on a resserré ces critères en 1998 pour la première et unique fois dans toute l'histoire de ce programme. Depuis son origine en 1966, le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces, y compris le Québec à chaque fois, avait toujours libéralisé et amélioré l'accès à ce programme bien nécessaire. La seule exception à ces révisions favorables a été la décision de 1998, qui peut se comprendre dans le contexte du débat de 1996 ou 1997 sur le déficit fédéral. Vous vous souvenez sans doute que le ministre des Finances de l'époque, M. Martin, a abandonné le projet de réforme des prestations pour personnes âgées au même moment parce que la situation budgétaire s'était améliorée, mais que les restrictions apportées au programme invalidité du RPC ont été maintenues. Autrement dit, le gouvernement n'a pas appliqué ses projets de restriction des prestations pour les personnes âgées, la SV, le SRG et l'allocation de conjoint, mais il l'a fait pour le programme de prestations d'invalidité du RPC et cette disposition est restée immuable depuis.

    Or, nous savons que les temps ont changé. On parle actuellement d'excédents budgétaires et, à Noël, nous avions toutes sortes de rêves pour les prochaines années dans la tête. Que ce soit 30 milliards, 60 milliards, 50 milliards ou 70 milliards, tout le monde semble s'entendre pour dire que nous aurons encore un excédent budgétaire pendant plusieurs années.

º  +-(1615)  

    J'estime que s'il était normal de retirer le projet de restriction des prestations des personnes âgées, il est temps maintenant de revenir sur ce resserrement des exigences d'admissibilité pour rétablir les règles d'avant 1998. En outre, pour la raison supplémentaire que Sherri et Michael viennent de mentionner, on reconnaîtrait mieux de cette façon le caractère épisodique et dégénératif de certains handicaps. On aurait un critère d'admissibilité plus souple et plus réaliste.

    Vous avez entendu parler des définitions de «sévère» et «prolongé» du projet de loi. La Cour fédérale du Canada, notamment dans sa décision sur l'affaire Villani il y a deux ans, a opposé à une approche rigoureusement abstraite une «approche fondée sur le monde réel» pour interpréter les définitions de «sévère» et «prolongé» et évaluer le potentiel d'employabilité. Je crois que ce qu'envisageait le Parlement en 1966, quand Judy LaMarsh a présenté le projet de loi, et ce qu'envisage toujours le Parlement aujourd'hui, en 2003, c'est une approche fondée sur le monde réel et non sur des considérations purement abstraites. Il faut tenir compte des conditions du marché du travail qui varient d'une ville à l'autre et d'une région à l'autre, comme on le fait pour le programme d'assurance-emploi.

    Le RPC repose sur un mythe: les marchés du travail seraient strictement identiques partout et la situation des individus en chaise roulante serait exactement la même, qu'ils soient programmeur d'ordinateur ou travailleur de la construction, alors que nous savons très bien que c'est faux. Par conséquent, quelles que soient les autres réformes que vous allez proposer, je pense que vous devez veiller à ce qu'une des valeurs qui vont guider ces réformes soit l'adoption pour ce programme et pour les autres de critères d'admissibilité clairs et cohérents conformes aux intentions du Parlement et approuvés par les assemblées législatives des provinces.

    Permettez-moi de m'écarter un peu du programme invalidité du RPC. On peut envisager plusieurs autres réformes, et j'en mentionne quelques-unes dans mon mémoire. Sherri a parlé de la définition de la notion de handicap. Je pense que les députés présents dans cette salle seront d'accord avec moi pour dire qu'il est probable que le sujet, ou l'un des trois principaux sujets sur lequel vous recevez le plus de correspondance, c'est l'invalidité. En tout cas, je sais que l'ADRC reçoit une quantité énorme de courrier à ce sujet.

    Une des choses qui déroutent les Canadiens, c'est que leur admissibilité à un programme fédéral dépend de la façon dont on définit l'invalidité. Certes, comme l'a dit Michael, c'est peut-être lié à la nature et à l'histoire particulière de chacun de ces programmes, mais cette réponse n'est pas très satisfaisante, elle est plutôt très décevante et irritante pour la majorité des Canadiens.

    Je sais que DRHC procède revoit actuellement ces définitions dans le contexte de divers programmes et services fédéraux. Je souhaiterais que les personnes qui font ce travail le fassent de façon plus transparente, plus publique, en rendant plus de comptes à votre comité, et dans un climat de plus grande participation pour bénéficier de l'apport d'autres groupes. Je pense que votre sous-comité devrait participer à la supervision de ce travail au cours des deux à cinq prochaines années.

    J'aimerais terminer en vous proposant quelques grands éléments de réflexion pour les trois, cinq ou sept prochaines années. Sherri vous a donné un aperçu du système de revenu pour personnes handicapées actuel au Canada. Je suis bien d'accord avec elle pour toujours mettre entre guillemets le mot «système», car c'est une expression un peu généreuse.

    Vous pouvez par exemple comparer le système de revenu pour personnes handicapées au système de revenu de retraite au Canada et examiner les programmes administrés dans le cadre de ces deux systèmes. Si vous le faites, ce qui vous frappera d'emblée, c'est qu'il manque dans le système de revenu pour personnes handicapées une assise qui existe dans le système de revenu de retraite. Dans ce dernier cas, il y a un programme public national--le Supplément du revenu garanti et l'allocation de conjoint--qui est indexé, financé par les recettes de l'État et qui apporte un soutien au revenu des personnes âgées économiquement faibles. Il n'existe pas de programme analogue dans le cadre du système de revenu pour personnes handicapées. Le risque, c'est qu'on en demande trop au programme invalidité du RPC et qu'on essaie de le détourner de sa vocation de base d'assurance sociale. À mon avis, ce serait une erreur.

º  +-(1620)  

    Ce qu'il nous faut en revanche, c'est un programme public national financé par les recettes de l'État et administré dans le cadre du régime fiscal sous forme de crédit d'impôt remboursable. On pourrait le faire en remplaçant un ou plusieurs des crédits ou allégements d'impôt fédéral déjà existants. Tel que je l'envisage, ce crédit serait indexé et fondé sur le revenu, l'Agence du revenu aurait le droit de le revoir, et il y aurait une possibilité d'appel, probablement auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.

    Le modèle auquel je pense serait analogue à celui de la prestation nationale pour enfants, car cette nouvelle prestation fiscale s'accompagnerait d'un effort pour sortir les Canadiens handicapés des programmes provinciaux et territoriaux d'aide sociale. Il faut les sortir du régime d'aide sociale. Ils ne méritent absolument pas cela. Au fur et à mesure que le gouvernement fédéral investirait des fonds nouveaux sur une période de cinq à 10 ans, dans cette nouvelle prestation d'impôt pour personnes handicapées du Canada, les provinces et les territoires pourraient réinvestir l'argent de l'aide sociale sous forme de soutiens. Le gouvernement fédéral interviendrait donc au niveau du revenu et les provinces et territoires auraient, conformément à leur champ de compétence, la responsabilité des services et des soutiens.

    La stratégie nationale de prestations pour enfants et la stratégie canadienne d'avantages fiscaux et de réinvestissement sont présentées depuis cinq ou six ans comme des modèles de collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

    Je crois que ce que je propose est aussi conforme à la vision de «À l'unisson» en matière d'emploi, de soutien du revenu et de soutien aux personnes handicapées. Je pense que c'est aussi conforme à l'Entente-cadre sur l'union sociale. Ces initiatives permettraient d'étendre les soutiens pour les personnes handicapées en améliorant probablement aussi leur qualité, tout en favorisant la mobilité des Canadiens dans les villes et d'une province ou d'une région à une autre.

    Je pense donc que cette stratégie nationale pourrait prendre la forme d'une entente fédérale-provinciale dans laquelle on préciserait les détails. Elle rejoint ce que Sherri disait tout à l'heure avec tant d'éloquence, à savoir que quand on examine le volet revenu, il ne faut pas oublier le volet soutien et leur interaction. J'encourage donc votre comité à faire preuve d'audace dans son examen des détails à long et à court terme de cette entreprise.

    En conclusion, madame la présidente, je pense que le programme invalidité du RPC est un programme important. Il a été l'une des grandes réalisations des Canadiens et des gouvernements fédéral et provinciaux dans les années 60. Il mérite d'être préservé au sein du Régime de pensions du Canada. Il faut lui apporter des réformes internes, mais surtout, il faut le renforcer au moyen d'autres changements importants.

    Merci.

º  +-(1625)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Sally Kimpson.

+-

    Mme Sally Kimpson (À titre individuel): Merci, madame la présidente.

    Je vous suis très reconnaissante de me permettre de vous parler de la vie des femmes handicapées, et plus précisément du programme invalidité du RPC.

    Je parle aussi au nom du Dr Tanis Doe, avec laquelle j'ai fait en 1999 une étude sur les prestations d'invalidité pour Condition féminine Canada. Nous avons cherché à voir comment on pourrait améliorer la vie des femmes handicapées grâce à des régimes de pension qui s'adapteraient à l'évolution de leur existence, par exemple à des changements dans leur état de santé ou leur aptitude à travailler. Vous constaterez que certaines de mes remarques coïncident avec celles des précédents intervenants, et j'en suis ravie.

    L'originalité de notre recherche vient du fait que Mme Doe et moi-même sommes des femmes handicapées et que nous avons l'expérience de tout un éventail de programmes de soutien du revenu. Nous nous sommes appuyées en partie sur cette expérience pour construire notre recherche, mais aussi pour porter un regard plus pénétrant sur nos constats.

    J'aimerais tout d'abord vous donner un bref aperçu du traitement profondément inégal infligé aux femmes handicapées au Canada. Ensuite, je vous présenterai quelques-unes de nos recommandations de politique.

    Historiquement, le RPC a été conçu comme une forme de soutien pour remplacer le revenu des travailleurs qui ne pouvaient plus travailler à cause d'un handicap--et il s'agissait essentiellement de chefs de famille hommes. Les femmes sont de plus en plus nombreuses à se joindre à la population active et elles sont maintenant admissibles aux prestations du RPC, mais en raison de la persistance des inégalités au sein de cette population active, le programme invalidité du RPC avantage les hommes de façon disproportionnée à deux égards importants.

    Premièrement, les décisions concernant l'admissibilité reflètent des traitements nettement différents pour les deux sexes, puisque 67 p. 100 des hommes sont considérés comme répondant aux critères contre 52 p. 100 seulement des femmes. Deuxièmement, il y a d'importantes différences entre les sexes pour ce qui concerne le montant des prestations. Les chiffres que je vous donne datent de 2000. Les hommes touchent en moyenne 737 $ par mois, et les femmes 625 $. En 2000, les prestations mensuelles moyennes versées aux hommes représentaient 80 p. 100 du maximum, soit 11 473 $, alors que pour les femmes c'était 68,1 p. 100 du maximum, soit 7 800 $ par an. Les femmes ont aussi moins de chances que les hommes de toucher des prestations d'invalidité à long terme parrainées par leur employeur.

    Les femmes handicapées sont parmi les plus pauvres des Canadiens. Les prestations mensuelles du RPC sont plus souvent la seule source de revenu pour les femmes que pour les hommes, dépassant le seuil de déclenchement des prestations provinciales de soutien au revenu des personnes handicapées. Cela varie naturellement d'une province à l'autre.

    Durant toute leur vie, les femmes handicapées ont un revenu moyen inférieur à celui des femmes non handicapées et à celui des hommes handicapés. D'après les chiffres de 1990 de Statistiques Canada, le revenu des femmes handicapées de 30 à 54 ans et de 55 à 64 ans ne représentait qu'environ 55 p. 100 de ce que gagnaient les hommes correspondants, et cela comparativement à une moyenne de 72,5 p. 100 de la rémunération des hommes à l'échelle nationale.

    Avec un taux de 48,2 p. 100, les femmes handicapées sont presque 10 p. 100 plus nombreuses que les hommes handicapés à vivre en dessous du seuil de faible revenu quand elles vivent seules, et ces femmes handicapées vivent plus souvent seules.

    Bien que le coût de la vie entraîné par une invalidité ne soit que partiellement pris en compte dans le RPC sous forme du montant de base, il est insuffisamment compensé par les crédits d'impôt ou l'aide sociale provinciale. Même avec l'aide sociale supplémentaire, les femmes handicapées qui touchent des prestations du RPC n'ont pas les moyens de payer les frais liés à leur handicap ni de subvenir à leurs besoins élémentaires, comme l'ont très bien dit de précédents intervenants.

º  +-(1630)  

    Pour les femmes qui touchent des prestations d'invalidité du RPC, il n'est pas surprenant que l'inégalité économique soit étroitement liée à l'inégalité de la rémunération entre hommes et femmes avant l'apparition d'une invalidité. Les femmes n'ont pas la même expérience du travail que les hommes et conséquemment n'ont pas le même accès aux avantages découlant du travail.

    Les femmes n'ont pas le même accès que les hommes aux emplois bien rémunérés tels que les postes de cadres. Elles ont plus souvent des emplois temporaires ou à temps partiel non syndiqués qui bien souvent ne leur permettent pas d'avoir accès à des avantages sociaux ou à d'autres formes de pensions que le RPC. C'est un aspect du «système» auquel nous somme confrontées.

    L'interruption de l'activité professionnelle pour élever des enfants joue un rôle dans cette inégalité, mais ce sont plus souvent les femmes que les hommes handicapés du même âge qui sont chefs de famille, divorcées ou qui vivent sans personne pour les aider.

    La règle du RPC qui exige que les personnes qui font une demande aient travaillé quatre années sur les six qui ont précédé l'invalidité est discriminatoire à l'égard des femmes qui risquent plus d'avoir des emplois temporaires ou à temps partiel. L'exclusion des années consacrées à élever des enfants, bien qu'utile parce qu'elle permet de ne pas tenir compte des années à faible revenu pour déterminer l'admissibilité, empêche les femmes d'accéder à la parité avec les hommes qui ne consacrent pas ces années à s'occuper des petits enfants.

    La hausse de l'exemption de base en matière d'invalidité, qui a été portée à 3 900 $ en 1998, pénalise les femmes qui ne sont pas admissibles au RPC à cause d'une rémunération faible.

    Comme les femmes ont tendance à avoir des emplois plus sédentaires que les hommes et qu'elles ont moins souvent des handicaps dus à des blessures--ce ne sont pas elles, les travailleurs de la construction en chaise roulante--elles sont moins souvent jugées incapables d'exercer leur ancien emploi.

    Parmi les principaux facteurs influant sur l'inaptitude à travailler chez les femmes, il y a la répartition des tâches domestiques entre les sexes, et notamment la présence d'adultes qui ont besoin de recevoir des soins, soins auxquels les femmes handicapées participent également avec leurs homologues non handicapés dans la population, ainsi que la nature et la qualité des dispositions prises pour s'occuper des enfants. Par conséquent, il y a moins de femmes qui sont admissibles aux prestations d'invalidité, parmi celles qui sont admissibles il y en a moins qui font une demande, et parmi celles qui font une demande, il y en a moins qui obtiennent une réponse positive.

    Les handicaps cachés, notamment ceux qui touchent la cognition et l'endurance, sont d'importants problèmes pour les femmes. Les femmes ont plus tendance, comme on l'a dit précédemment, à souffrir d'états épisodiques--c'est-à-dire fluctuants et cycliques--tels que la fatigue délibilitante et la douleur chronique liée à des maladies autoimmunitaires telles que le lupus systémique, l'arthrite et la sclérose en plaques. Ce ne sont que quelques exemples.

    En outre, des maladies comme la fatigue chronique, la sensibilité à des facteurs environnementaux, la fibromyalgie et la dépression unipolaire sont plus fréquentes chez les femmes, difficiles à diagnostiquer ou considérées comme d'ordre essentiellement psychologique. Non seulement nous souffrons plus souvent de ce genre de handicaps, mais nos demandes risquent aussi d'être rejetées à cause de la nature mal définie de certains de ces états.

    De janvier à décembre 1997, il y a eu à peine plus de 28 000 nouveaux bénéficiaires d'une pension d'invalidité du RPC. Un peu plus de 15 000 étaient des hommes et à pleine plus de 12 000 des femmes. La ventilation par catégorie de diagnostics a révélé une répartition des handicaps en fonction des sexes. Parmi les nouvelles prestataires, 25 p. 100 avaient des troubles psychiatriques ou mentaux et des maladies de l'appareil locomoteur et du collagène, alors qu'on ne trouvait ce genre d'état que chez un peu moins de 18 p. 100 des hommes qui touchaient des prestations.

    Globalement, ce que nous vous recommandons, c'est d'axer votre stratégie sur le retour au travail des femmes handicapées. Nous sommes convaincues que la bonne façon de reformuler la notion de handicap consiste à tout faire pour permettre aux gens de travailler sans pénalité--sans perte de prestations-- lorsque leur état le leur permet.

    Dans l'état actuel de la définition d'invalidité aux fins du RPC, il est pratiquement impossible pour une personne d'être handicapée et en même temps d'avoir un emploi rémunérateur. En dépit des inégalités structurelles plus profondes qui pénalisent économiquement les femmes handicapées, nous estimons qu'il faudrait au moins que le RPC, au lieu de contribuer à cette inégalité, encourage la réintégration dans la population active. Pour les femmes qui sont victimes de troubles chroniques fluctuants, la meilleure solution serait peut-être l'emploi à temps partiel.

º  +-(1635)  

    Nous reconnaissons que les femmes handicapées travaillant à temps partiel gagneront moins que celles employées à plein temps, n'auront pas forcément accès à des prestations d'assurance-maladie complémentaires parrainées par leur employeur, et n'auront probablement pas les moyens d'assumer le coût de la garde d'enfants ou d'un soutien à domicile. Ces deux services sociaux ont été réduits à leur plus simple existence ou privatisés par l'État, ou même ne sont pas disponibles. En permettant aux femmes de retourner au travail tout en conservant leurs prestations, dans le cadre du RPC, on atténuerait les retombées de ces inégalités liées au sexe.

    Nos recherches ont révélé un fort désir de retourner au travail chez la plupart des femmes avec lesquelles nous avons parlé. Nous en avons interviewé partout au Canada, et nous avons aussi interrogé les administrateurs du régime du RPC. Les femmes souhaitent travailler si elles en sont capables médicalement, et ce serait possible si elles n'étaient pas menacées de perdre leurs prestations. Ce désir de travailler est l'expression du fait bien connu qu'en dépit des handicaps, de la discrimination et des dissuasions économiques, les personnes handicapées veulent quand même travailler et souhaitent être soutenues dans leurs efforts pour gagner un revenu qui leur permettra d'assurer leur indépendance ainsi que celle de leur famille.

    Je vais passer aux recommandations.

    Nos recherches n'incluaient pas les modifications de 1998, donc les chiffres que nous avons datent d'avant 1998. Les changements de 1998 n'avaient pas encore été totalement mis en oeuvre quand nous avons élaboré et proposé notre sujet de recherche, et nous avons donc décidé d'aller de l'avant.

    Le groupe de travail d'octobre 1996--le groupe de travail sur la volonté d'agir--était sur la bonne voie quand il réclamait la suppression des pénalités pour les personnes qui reprenaient un travail rémunéré et la mise en place d'incitatifs à la réintégration des personnes handicapées sur le marché du travail. Le fait que les bénéficiaires puissent maintenant toucher 3 800 $ par an est important, mais beaucoup des femmes auxquelles nous avons parlé, et j'ai parlé encore à beaucoup d'autres depuis--n'étaient pas au courant de ce fait ou ne le comprenaient pas bien. Donc c'est quelque chose qui est mal connu dans le monde des personnes handicapées.

    Nous sommes favorables à un retour au travail des femmes handicapées sur une base volontaire, indépendamment de l'admissibilité aux prestations et sans risque de pénalités. Les femmes et les hommes qui souffrent de problèmes graves et prolongés, notamment ceux qui fluctuent, devraient être encouragés à retourner au travail dans toute la mesure du possible à partir du moment où leur état de santé leur permet d'exercer un emploi rémunéré. Plusieurs modifications connexes rendraient cette option plus acceptable économiquement pour le gouvernement, notamment, évidemment, la possibilité d'imposer le revenu gagné par les prestataires, ainsi que la possibilité d'autoriser les prestataires du RPC à cotiser en fonction de leurs gains au-dessus de l'exemption de base de 3 900 $, et en dessous du maximum, le MGAP.

    Nous avons deux autres recommandations qui visent à atténuer la pauvreté des femmes handicapées. La première serait de faire passer le plafond de revenu d'un emploi lucratif de 8 500 $ à 12 000 $ par an. À l'époque où nous avons fait nos recherches, le plafond correspondait à 25 p. 100 du MGAP, le maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, soit moins que le seuil de faible revenu. Je pourrais vous en parler un peu plus durant la discussion, mais c'est la directive stratégique qui nous a été soumise par les administrateurs du Régime, qui nous a ouvert les yeux. En fait, nous avons formulé certaines de nos recommandations en fonction de cela.

    Nous proposons de porter la limite à 30 p. 100 du MGAP, soit environ 12 000 $ par an, avant impôt. Les bénéficiaires pourraient alors gagner jusqu'à 1 000 $ par mois avant impôt tout en conservant leurs prestations.

    La deuxième recommandation qui découle de la première concerne un tout petit pourcentage des femmes handicapées qui pourraient gagner plus de 12 000 $ tout en restant handicapées. Nous pensons qu'il est important qu'on ne supprime pas automatiquement leurs droits si elles gagnaient plus que les 12 000 $ du plafond recommandé. C'est toute la question de savoir si une personne est productive et rentable, ou si elle est simplement rentable. Ce sont des distinctions que font les gens du PSR dans leurs évaluations. Nous proposons donc qu'on applique un deuxième plafond de revenu du travail pour les personnes gagnant entre 12 000 $ et 24 000 $ par an, qui correspondrait à 60 p. 100 du MGAP, soit le double du nouveau plafond.

    Ces modèles de réussite--évidemment, cela n'arriverait pas très souvent que quelqu'un gagne autant d'argent, car la plupart des femmes qui touchent des pensions du RPC ne sont pas des modèles de réussite--pourraient conserver une partie de leurs prestations, c'est-à-dire le montant de base et un pourcentage de leurs gains. Nous suggérons donc qu'entre 12 000 $ et 24 000 $, on récupère 50 p. 100 de ce qu'elles gagneraient.

º  +-(1640)  

    Notre troisième recommandation--et je crois que Sherri l'a mentionnée--serait de créer un état d'invalidité permanente qui permettrait aux bénéficiaires d'utiliser une procédure de nouvelle présentation accélérée de leur demande s'ils n'ont pas touché de prestations depuis plus de cinq ans. En gros, on reconnaît ainsi que les personnes qui ont une invalidité de longue durée peuvent faire partie épisodiquement de la population active. La période de cinq ans est quelque peu arbitraire car il peut arriver que des gens travaillent pendant cinq ans et retombent malades, et qu'ils soient alors obligés de tout réactiver pour être réintégrés au programme.

    La quatrième recommandation concerne le fait qu'il y a actuellement une période d'essai de trois mois pour les personnes qui ont bénéficié d'une réadaptation professionnelle et pour les personnes qui retournent au travail; nous souhaiterions au lieu de cela qu'il y ait une période d'essai au travail de durée indéfinie. Et pour les personnes, en particulier les femmes, qui souffrent d'un état chronique fluctuant, une période de trois mois n'est pas suffisante pour se réadapter à un contexte de travail et faire tous les changements nécessaires dans sa vie pour reprendre une vie active.

    Les femmes auxquelles nous avons parlé s'inquiétaient de la difficulté de trouver un travail adéquat, à un rythme qui leur correspondait, dans un cadre accessible. Ceci recoupe un peu ce qui a été dit tout à l'heure à propos de la définition du handicap, qui est liée à l'état plutôt qu'aux circonstances.

    Je n'en suis pas certaine, mais j'ai l'impression que cette limite de trois mois vient en droite ligne du secteur des assurances et elle me semble donc suspecte. Les administrateurs du RPC que nous avons interrogés dans le cadre de nos recherches ont reconnu qu'ils avaient énormément de difficulté à convaincre les gens d'accepter une rééducation professionnelle parce qu'ils ont peur de perdre leurs prestations au bout de trois mois. C'est ce qui est écrit dans les brochures, et en voyant cela, les gens disent: «À quoi bon?» 

    Notre cinquième recommandation serait d'établir--et cela recoupe ce que disait Michael--une assurance-maladie complémentaire provinciale pour les résidents de la province. Quiconque est admissible aux prestations du RPC devrait automatiquement être admissible aux prestations assurées par la province de résidence en vertu du TCSPS. Nous ne parlons pas ici des prestations d'aide sociale, mais de l'assurance-maladie complémentaire qui permet d'obtenir le remboursement des médicaments sur ordonnance et de divers types de matériel médical durable nécessaire pour permettre à des femmes handicapées de reprendre le travail. Cela couvrirait aussi des choses comme les travaux dentaires, la lunetterie et les appareils fonctionnels. L'admissibilité au RPC n'inclut pas actuellement ce genre de choses et bien souvent, les femmes qui travaillent à temps partiel n'ont pas accès à l'assurance-maladie complémentaire offerte par l'employeur.

    Notre dernière recommandation-- et Michael en parle aussi--serait d'autoriser l'Agence canadienne des douanes et du revenu à adopter la définition d'invalidité du RPC pour déterminer l'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées. De nombreuses femmes handicapées n'y sont pas admissibles à cause des critères médicaux extrêmement restrictifs. Il est particulièrement ironique les femmes handicapées les plus susceptibles de bénéficier de ce crédit, celles qui ont un revenu salarial, n'y aient souvent pas droit parce qu'elles ne satisfont pas aux critères médicaux. Et celles qui y sont admissibles en raison de la gravité de leur état en profitent moins, voire même pas du tout parce que leur revenu est insuffisant.

    C'est tout ce que j'avais à dire aujourd'hui. Je vous remercie et j'attends avec impatience la discussion.

º  +-(1645)  

+-

    La présidente: Merci infiniment.

    Monsieur Elley.

+-

    M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Eh bien, vous m'avez donné, comme à tous mes collègues j'en suis sûr, abondante matière à réflexion, et je vous remercie d'être venus. Il est regrettable qu'il n'y ait pas eu plus de membres du comité pour entendre vos remarquables exposés, mais soyez sûrs que les personnes de qualité qui siègent ici vous ont soigneusement écoutés et transmettront votre message.

    Comme notre très talentueuse présidente vous l'a dit, tous ceux d'entre nous qui font partie de ce comité le font parce qu'ils sont touchés personnellement sous une forme ou sous une autre par le problème de l'invalidité, et nous sommes donc ici pour améliorer la condition des gens. J'ai une fille handicapée de 12 ans qui est en chaise roulante. Mais pour son avenir, nous envisageons qu'elle puisse acquérir suffisamment de compétences dans le système scolaire pour être capable à un moment donné de contribuer au maximum de ses possibilités à la société et acquérir l'estime de soi dont elle a besoin, et aussi pour arriver à subvenir à ses propres besoins grâce à un emploi quelconque.

    Toutes les choses dont vous parlez m'interpellent profondément. J'ai le regard tourné vers l'avenir, vers la réalisation de tout cela. Je préférerais évidemment qu'elle échappe à tout cela, que la société fasse en sorte que des personnes handicapées comme elle ne soient plus obligées de vivre de l'aide sociale et de demander des crédits d'impôt pour personnes handicapées, ce genre de choses.

    Je suis donc très intéressé par le fil commun que je retrouve dans toutes vos interventions. Je crois que c'est Michael Mendelson qui a évoqué le problème en décrivant la situation aux Pays-Bas. Je pense que ce qu'il a dit, c'est qu'on «ne juge pas le handicap mais la situation de la personne handicapée». Il me semble que c'est l'essence de ce que vous avez dit à propos de cette expérience des Pays-Bas.

    Si nous tenions compte sérieusement de cela dans notre démarche face à tous ces problèmes dont nous parlons, je me demande comment cela pourrait se manifester au niveau des formes de soutien dont nous parlons ici. Essayons de voir un peu comment les choses pourraient fonctionner si nous appliquions cela ici.

º  +-(1650)  

+-

    M. Michael Mendelson: Il y a deux étés, j'ai assisté en Suède à une réunion sur la sécurité sociale internationale, quelque chose comme cela. J'y ai présenté un exposé sur les prestations pour enfants, un excellent exposé.

    Cette réunion a été très intéressante car les gens de la Suède, du Danemark et de la Norvège y faisaient leurs exposés en partant du principe qu'une famille où il y avait un enfant handicapé ne subissait aucun fardeau économique supplémentaire. Il n'en parlaient même pas, c'était sous-entendu. Les gens des autres pays leur ont dit qu'ils ne comprenaient pas de quoi ils parlaient au début, mais après avoir interrogé un peu plus en profondeur l'auteur du document auquel je pense, un Norvégien, ils se sont rendu compte que le problème ne se posait pas, qu'il y avait des formes de soutien social pour les familles dont un membre avait un handicap ou d'autres besoins particuliers nécessitant un soutien. Cela n'allait pas plus loin: il n'était absolument pas nécessaire de passer par toute une procédure d'étiquetage.

    Il n'y avait pas de programme défini pour les personnes handicapées. Il y avait un programme pour fournir par exemple une chaise roulante. Une chaise roulante est une forme très visible d'invalidité, mais il y en d'autres qui sont beaucoup moins visibles et beaucoup plus délicates.

    Je pense donc que le premier aspect d'un système de sécurité du revenu qui ne part pas d'une catégorisation des gens, ce n'est pas le système de sécurité du revenu, c'est le système de soutien. Il s'agit de fournir des soutiens aux personnes en fonction de leurs besoins.

    En l'occurrence, le contrôle, la police du système, si je puis dire--car c'est une réalité que nous devons tous admettre--est assuré par les gens eux-mêmes car, bien franchement, il n'y a pas beaucoup de gens qui veulent avoir un appareil fonctionnel s'ils n'en ont pas besoin. J'imagine que nous vivons dans un monde où tout est possible et qu'il y en aura toujours quelques-uns, mais ce ne sera pas vraiment un gros problème. Donc cette idée d'un système où l'on fournirait des soutiens en fonction des besoins est parfaitement acceptable.

    Si ces soutiens existent, et existent pleinement, la question est de savoir comment se présenterait un système de sécurité du revenu. Certains de mes amis qui sont des militants plus acharnés du mouvement des personnes handicapées et qui parlent de citoyenneté plus que de l'idée d'avoir un programme particulier d'aide affirment que le système de sécurité du revenu devrait être le même pour les personnes handicapées que pour les autres étant donné que les autres soutiens dont bénéficient ces personnes sont liés à leur handicap.

    J'ignore la situation de votre fille, évidemment, mais les gens dont je vous parle vous diraient qu'il y a beaucoup de gens qui auront de la difficulté à gagner un revenu pour une raison ou pour une autre, certains à cause d'un handicap physique, d'autres en raison d'autres handicaps, et d'autres encore à cause des circonstances personnelles de leur vie, parce que si vous passez par quatre, cinq, six, dix ou 12 foyers d'accueil avant d'arriver à l'âge de 12 ans, je vous prédis que vous aurez du mal à gagner votre vie à l'avenir. La système de sécurité du revenu devrait être conçu de manière à être fondé sur les besoins de l'individu et non sur son handicap.

    Excusez-moi pour cette réponse trop longue, mais c'est l'essence de cette idée.

+-

    M. Reed Elley: Finalement, vous voulez dire que la «souplesse» doit être un élément fondamental de notre approche.

    C'est Sherri je crois qui a mentionné que le but à long terme était de permettre aux gens de ne pas dépendre de l'aide sociale. Espérons qu'ils n'aient pas besoin d'y faire appel au départ, et c'est là que les systèmes de soutien interviennent en première ligne. Mais pour que les gens n'aient plus besoin de l'aide sociale, il faut une plus grande souplesse dans le système de façon à pouvoir déterminer exactement la gravité du handicap et tout cela.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Sherri Torjman: Je voulais faire quelques observations à la suite de votre question. Je suis d'accord avec la réponse de Michael. Lorsque vous avez posé votre question, je me suis dit que le meilleur moyen de réformer le système de revenu était d'intégrer immédiatement les autres systèmes associés et de veiller à ce qu'ils fonctionnent convenablement.

    Il y a une option dont nous n'avons pas parlé aujourd'hui, ce que l'on appelle le financement individualisé. Bien que ceci existe en fait dans certaines provinces…et il y a des problèmes, donc je ne prétends nullement que ce soit la réponse et la panacée, mais c'est important néanmoins dans la mesure où c'est un modèle possible qui est très individualisé et assure une certaine souplesse. Il permet de dépenser une certaine somme, en fait, selon les besoins de la personne et le soutien nécessaire à la famille.

    D'après moi, la question que vous soulevez est extrêmement importante, parce que le problème des enfants handicapés et du soutien nécessaire à leur famille est un des aspects du programme national pour enfants pour lequel notre bilan n'est pas brillant. S'il y a un domaine du programme pour enfants auquel on aurait dû consacrer davantage de ressources, et il faudrait encore le faire, c'est bien celui-là, parce qu'il y a toute une série de mesures à envisager pour essayer d'éviter que les gens ne soient obligés de recourir au soutien du revenu à l'avenir. Vous parlez d'approche préventive, et je crois que c'est crucial.

+-

    Pr Michael Prince: J'ai un commentaire sur ce point.

    Vous avez mentionné votre fille de 12 ans, et cela m'a fait penser à ce qui se passera lorsqu'elle arrivera à 18 et 19 ans, et à ce qui arrive inévitablement aux personnes ayant des limitations fonctionnelles, c'est-à-dire qu'elles peuvent bénéficier de certains bons appuis, selon la commission scolaire dont elles dépendent, la région du pays où elles habitent, en milieu scolaire, mais une fois que ces personnes sont classées ou cataloguées comme adultes, comme vous le savez, elles ne relèvent plus de la responsabilité d'un ministère. C'est donc avant tout une responsabilité provinciale. Pourtant, je crois que le fédéral doit jouer un rôle national de leadership à long terme pour ce qui est des initiatives à coûts partagés d'aide aux personnes handicapées, de sorte que l'expression «continuité des soins», ou la notion de services sans interruption, devienne une réalité et ne soit pas juste de belles paroles.

+-

    La présidente: Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, madame la présidente.

    Bonjour à tous les quatre. Merci d'être là, malgré qu'il fasse un froid à ne pas mettre un chien dehors. J'ai écouté chacun d'entre vous très attentivement et ce faisant, je me suis rappelée que, dans le cadre du système de santé des années 1970, on a commencé à parler de l'individualisation des soins et ce, particulièrement dans le contexte des soins infirmiers.

    Ce concept implique qu'un enfant souffrant d'une pneumonie n'a pas nécessairement les mêmes besoins que le patient d'à côté qui souffre de la même maladie. Ainsi, on doit tenir compte du réseau de soutien et des besoins spécifiques des individus, entre autres. La situation des personnes qui sont aux prises avec un handicap est semblable. On parle ici d'une philosophie; en effet, individualiser des soins, cela veut dire être capable d'être juste, ce qui n'est pas évident.

    Par contre, je m'engagerais volontiers dans une réflexion sur les valeurs qui sous-tendent les systèmes. On est dans un État riche, qui est très fier d'endosser des valeurs telles que la compassion et la justice, et selon moi, ces valeurs doivent jouer en faveur des citoyens.

    Une chose qu'on pourrait faire, pour commencer, madame la présidente, serait de changer le nom de notre sous-comité; plutôt que de s'appeler le Sous-comité de la condition des personnes handicapées, pourquoi ne parlerait-on pas du comité de soutien aux personnes avec des limitations fonctionnelles? Tous et toutes, nous souffrons de limitations fonctionnelles. Y a-t-il quelqu'un ici qui n'en souffre pas?

    Au Québec, on utilise le terme depuis quelques années, et je trouve ce dernier extrêmement juste. En fait, au cours d'une année, on est tous confrontés, à un moment ou l'autre, à une limitation fonctionnelle; une grosse migraine, simplement, est une limitation fonctionnelle. On pourrait commencer par cela.

    Le fait qu'on n'arrive pas à trouver une définition qui soit suffisamment globale pour être juste me dérange beaucoup. Je suis tout à fait d'accord avec les gens--que ce soit des parents qui se battent pour leurs enfants, des adultes qui se battent pour eux-mêmes ou pour d'autres adultes--qui disent que la situation est un genre de capharnaüm et qu'on ne sait plus à quel saint se vouer.

    Or, je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'envisager, et d'en faire éventuellement une priorité, de former un groupe--bien qu'on ait ici un comité extraordinaire--qui définirait ce que signifie souffrir de limitations fonctionnelles. Il faut commencer par le commencement, et quand on ne sait pas de quoi on parle, c'est très difficile de déterminer ce qu'on va faire. Tout le monde comprendra que les niveaux peuvent être extrêmement différents.

    Dans les pays scandinaves, un certain nombre de choses semblent aller de soi pour des gens de bon sens qui sont là, et qui sont tellement là en fait que la population ne comprend pas que les choses puissent être différentes ailleurs. En outre, je tiens à souligner que dans ces pays, il y une proportion très importante de femmes au pouvoir. Or, à mon avis, tant et aussi longtemps qu'au niveau des centres décisionnels, en politique, il n'y aura pas plus de femmes, il sera très difficile d'inverser le processus.

    Il est clair que dans l'avenir, il va y avoir de plus en plus de personnes aux prises avec des limitations fonctionnelles. Il y a actuellement une augmentation importante chez les enfants. Ces derniers sont des personnes qui auront toujours vécu avec des limitations fonctionnelles. Ce sont en outre des gens qui, dans certaines situations, se débrouillent fort bien. Mais je pense qu'on a une responsabilité à l'égard de la prise en charge que la société doit assumer.

    N'y aurait-il pas lieu d'amener tous les intervenants à s'entendre, notamment les personnes aux prises avec ces limitations et les gens qui les soutiennent, soit les organisations et les professionnels de la santé qui dispensent du soutien et des services à ces personnes et qui sont le plus en mesure d'agir? À certains égards, cela rejoint le rapport qu'on a déposé et dans lequel on a demandé que cela soit fait. Mais ce sont des choses à venir.

    J'aimerais que vous me disiez si, à votre avis, il est réaliste de penser qu'il pourrait y avoir un véritable système de soutien. À un moment donné, il y a eu une grande mode--peut-être existe-t-elle encore, je ne sais pas; j'ai perdu ces choses de vue--concernant le système, autant en sciences qu'en sciences humaines; on parlait alors des fameux systèmes qui sont interreliés.

    Est-ce réaliste d'envisager cela quand on sait, que ce soit au sein du ministère ou des organisations qui oeuvrent auprès des personnes souffrant de limitations fonctionnelles, jusqu'à quel point il y a là des luttes de pouvoir? Je suis sûre de ne pas faire erreur en disant ça. J'ai suffisamment d'expérience pour être sûre que ces choses existent. Toutefois, on fait une lecture des faits entièrement différente. Je me rends bien compte du fait que je me trouve au niveau de la théorie, mais je pense qu'on ne peut pas changer les choses à moins de reposer sur des assises théoriques très réelles. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

»  +-(1700)  

[Traduction]

+-

    Mme Sherri Torjman: Oh, vous posez des questions incroyables, très profondes. J'ai quelques idées, parce qu'évidemment, il faut un peu de temps pour réfléchir avant de vous répondre.

    Je voudrais faire quelques commentaires. Tout d'abord, en ce qui a trait aux mesures d'aide et au fait que c'est important pour la population en général. Et je voulais signaler que nous avons fait un rapport en octobre 2000 intitulé «Proposition pour un fonds national de mesures d'aide personnelle», et ça s'appelait «fonds de mesures d'aide personnelle», non fonds de soutien aux handicapés, explicitement. L'idée était de montrer que c'est une question qui touche l'ensemble de la population et que si nous voulons éliminer ces catégories et cette rigidité, et la nécessité de satisfaire à 75 critères, nous devons comprendre que c'est une question qui doit préoccuper tout le monde et que chacun doit défendre.

    Certaines personnes peuvent avoir besoin de plus d'aide que d'autres, et de toute une série de mesures, mais il reste que c'est une question de population. J'aime donc beaucoup la façon dont vous abordez la question, et nous avons essayé d'insister sur cette notion afin d'élargir le débat.

    Vous avez demandé s'il serait possible d'avoir un grand système, aux plans conceptuel et théorique, je dirais absolument, oui. Le problème c'est que lorsqu'on passe à la pratique et à la conception, les questions de coûts deviennent importantes, parce qu'il est clair que si l'on élargit les critères d'admissibilité, on augmente les coûts potentiels.

    Il y a aussi le problème de savoir qui paie, et si nous avons actuellement autant d'éléments différents, c'est parce qu'il y a des payeurs différents et que l'on partage en fait certains des coûts par le biais de paiements différentiels. Si l'on passe à un seul grand système, on regroupe les paiements et, en fin de compte, il faut savoir qui va payer.

    Mais en théorie, ce que vous demandez ne me paraît pas déraisonnable du tout. Dans la pratique et dans la conception, on aboutit souvent à des questions de financement, et c'est toujours là que nous arrivons à une impasse.

»  +-(1705)  

+-

    Sally Kimpson: Je tiens à dire que je partage l'avis de Sherri, et ceci confirme que les mesures d'aide personnelle sont fondamentales pour pouvoir travailler. Si les personnes ayant des limitations fonctionnelles travaillent, elles contribuent à l'économie, elles ne sont pas simplement un fardeau, et il ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas oublier que quand nous travaillons, nous contribuons à l'économie et nous exerçons notre citoyenneté, comme le soulignait Michael. Je suis donc d'accord avec les radicaux, quels qu'ils soient.

    Je tiens à répéter que pour mettre en place les mesures d'aide… J'estime que le soutien à domicile en fait partie, et Dieu merci on se penche sur cette question au niveau fédéral. J'espère qu'on va inclure les personnes handicapées, et pas seulement celles qui obtiennent leur congé de l'hôpital. J'espère que les personnes qui ont des limitations fonctionnelles vont avoir le genre d'aide à domicile dont elles ont besoin pour exercer leur citoyenneté, car si on ne peut pas s'habiller, on ne peut pas aller à l'école et on ne peut pas aller travailler, et enfin on ne peut pas contribuer à la société.

    Il faut donc se souvenir de l'importance des mesures d'aide personnelle parce qu'elles nous permettent de contribuer à la société, et pas seulement financièrement.

+-

    M. Michael Mendelson: Je voulais juste ajouter qu'au Canada il ne faut jamais oublier la réalité fédérale-provinciale. Si nous élaborons un régime de mesures d'aide personnelle plus complet, ce sera certainement dans le contexte d'un chassé-croisé fédéral-provincial assez complexe. Ce ne sera pas non plus quelque chose d'homogène dans les provinces. Personnellement, je trouve que c'est très bien. En fait, je crois qu'il y a beaucoup d'avantages à cela car c'est une occasion d'apprendre les uns des autres.

    Il y a d'autres questions plus graves. Vous avez posé des questions profondes, qui sont difficiles à…

»  +-(1710)  

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Désolée.

[Traduction]

+-

    M. Michael Mendelson: L' exposé qui m'a passionné à la conférence où je suis allé en Norvège était consacré à la portée du paternalisme, si je peux utiliser ce mot, des organismes sociaux qui agissent au nom des personnes handicapées. La question n'était pas de savoir si les services étaient disponibles, mais s'ils étaient offerts par les organismes ou reçus par les personnes qui en avaient besoin, en quelque sorte, si je peux exprimer les choses de cette façon-là. C'est un problème sérieux. Ils ont fait des tests quantitatifs et trouvé que cela faisait une grosse différence.

    J'imagine que la leçon de tout cela, c'est que nous pourrons toujours en faire plus. Même si nous avions un système merveilleux, je suis sûr qu'il faudrait toujours l'améliorer. Je pense que c'est ce qu'il y a de bon dans la condition humaine, le fait que nous pouvons toujours faire mieux.

+-

    Michael Prince: Très brièvement, madame la présidente, j'aimerais me faire l'écho de Michael à propos de la signification d'un système. Je suis bien d'accord, ça ne veut pas dire un système homogène ou complet.

    J'ai suggéré une possibilité, fondée sur un modèle de travail, l'initiative de la Prestation nationale pour enfants, qui laisse encore beaucoup de marge discrétionnaire aux provinces. On pourrait aussi prendre comme exemple les ententes sur le développement de la petite enfance. On pourrait aussi envisager l'aide à l'employabilité des personnes handicapées dans le cadre d'accords de financement partagé.

    Une autre solution serait d'appliquer la Loi canadienne sur la santé à la Romanow et Kirby, et c'est de cela que parlent les premiers ministres aujourd'hui. Que va devenir le fonds de transfert pour les soins à domicile que M. Romanow a proposé? C'est une notion qui a des répercussions sur les personnes ayant des limitations fonctionnelles et les mesures d'aide à domicile. Il a proposé une vision audacieuse: 2 milliards de dollars sur deux ans spécifiquement pour les soins à domicile. Une partie du montant serait consacrée aux soins qui suivent une période de soins aigus, une autre serait consacrée aux soins palliatifs au terme de la vie, et une autre encore aux mesures d'aide personnelle pour les Canadiens handicapés de tous âge. C'est ce qui s'approche le plus à l'échelle nationale de ce que je propose, mais je ne suis pas prêt à parier ma chemise là-dessus.

    Il faut donc que votre comité s'engage et nous propose une vision tout aussi audacieuse, pas une vision sur le modèle d'Ottawa, imposée du haut en bas, mais un partenariat prenant en compte la diversité de notre pays et basé sur des formules novatrices.

+-

    La présidente: À ce sujet, et dans la foulée des superbes réflexions de Mado qui sortent des sentiers battus à propos de tous les problèmes de langage que nous avons eus, si nous remettions les pendules à zéro en disant voilà ce que nous allons faire, qu'est-ce que cela donnerait? Cela ne me dérange pas que pendant les 20 prochaines minutes nous laissions de côté le comité pour avoir une discussion sur le langage, car le modèle médical nous empêche de bien voir si cela fait partie du système de santé ou non. Les droits font obstacle, parce qu'on parle de ce à quoi les gens ont droit au lieu de ce dont ils ont besoin.

    Ensuite, nous nous heurtons toujours aux questions d'invalidité et de capacité, ce que vous avez appelé les «limitations fonctionnelles», et toujours à la question de savoir qui paie. Je me disais toujours qu'il y avait deux questions, que ce soit à propos du programme d'invalidité du RPC ou du crédit d'impôt pour personnes handicapées: est-ce qu'on peut raisonnablement s'attendre à ce que cette personne subvienne par elle-même à ses besoins, et est-ce qu'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle s'occupe d'elle-même?

    Nous avons donc entendu beaucoup de questions de ce genre. Si quelqu'un pouvait me réduire le formulaire d'invalidité du RPC à cette question, je serais enchantée de cocher la case et de signer en laissant de côté tout le reste du formulaire. Mais on n'a jamais cherché à savoir ce qu'on voulait faire réellement.

    Je crois que ce que disait Mado, c'est qu'en matière de soins de santé, nous voulions essayer de mettre en place une démarche plus adaptée d'évaluation des besoins--de quoi cette personne a-t-elle besoin pour ne plus souffrir ou pour pouvoir aller à la salle de bain--au lieu de donner une chaise roulante à tout le monde alors que certains peuvent se contenter d'une canne. Même si on a droit à une chaise roulante, on ne la prend pas si l'on peut se contenter d'une canne.

    Je pense que nous continuons à partir dans toutes les directions comme des automates. J'en reviens toujours à l'idée que, si j'avais un outil pour mesurer la dignité ou l'estime de soi d'une personne, si quelqu'un pouvait me dire dans quelle mesure cette personne a le sentiment d'être un citoyen à part entière ou quelque chose comme cela, je suis sûre que nous pourrions trouver des moyens d'améliorer cette situation.

    Et pour les gens qui ne m'ont jamais entendu le dire encore, je n'aurais voulu appliquer qu'un seul tampon dans mon bureau, celui qui disait que cette personne souhaitait travailler, et était très motivée. Or, presque tous les formulaires que je remplissais partaient du principe qu'elle essayait d'escroquer le système. J'avais l'impression que c'était toujours cette question qu'on me posait.

    Comment faire? Comment déterminer notre rôle au gouvernement en matière de politique publique? Comment ne pas oublier qu'il y a certaines choses dans le secteur privé? Si nous avons un régime public si extraordinaire, pourquoi les gens voudraient-ils encore se payer une assurance privée? Si nous sommes le premier payeur, pourquoi un employeur se soucierait-il de le faire, et quelle serait la valeur ajoutée dans ce cas?

    J'aime bien la démarche des Pays-Bas, car les enfants qui passent par 52 foyers d'accueil… Vous savez, je n'ai jamais pu faire obtenir une pension à quelqu'un qui avait un trouble de la personnalité, mais il y a pourtant des gens qu'on ne veut pas voir travailler, parce qu'ils voleraient tout, et qu'ils sont tout simplement incapables de travailler parce qu'ils ont été élevés dans des conditions épouvantables.

    Alors aidez-moi à tracer ces orientations en partant du point de départ, y compris les questions fédérales-provinciales. Vous savez, toutes les questions que vous posez--que ce soit à propos des parents célibataires, des soins de santé et tout le reste… Je ne sais pas ce qu'ils sont en train de régler là-bas cet après-midi, je n'en ai pas la moindre idée, mais la question de savoir qui paie…

    Vous savez, dans mon questionnaire des vingt questions pour sauver le régime d'assurance-maladie, la première question est la suivante: «Si nous pouvions avoir un excellent régime de soins de santé avec 10 p. 100 du PIB et un partage 70-30, nous devrions a) l'adopter, ou b) continuer à nous chamailler pour savoir qui va payer». Je suis sûre qu'il n'y a pas un Canadien qui pense que nous ne devrions pas l'adopter.

»  +-(1715)  

    Donc, si nous posions la même question pour savoir ce qu'il faut faire pour permettre aux Canadiens de jouir pleinement de leur citoyenneté, qu'est-ce que cela donnerait? Je crois que notre objectif, c'est au moins d'infléchir le régime d'invalidité du RPC pour qu'il soit plus souple et plus à l'écoute de la réalité. Il faudrait vraiment éclaircir cela. Comme l'a dit Reed, c'est difficile d'être étiqueté. Nous avons tous des limitations fonctionnelles ou des capacités différentes. Il y a des gens qui sont détraqués. Je pense qu'ils causent plus de problèmes dans notre société. Ce qu'il faut, c'est nous aider à construire à partir de la base.

+-

    Mme Sherri Torjman: Vous pouvez faire beaucoup de choses pour promouvoir la citoyenneté. Nous parlons de sécurité du revenu aujourd'hui, en particulier. Une des choses qui seraient importantes à réaliser au départ à mon avis, ce serait de mettre en place une bonne formule de revenu d'invalidité dont le gouvernement fédéral assumerait la responsabilité.

    En matière de réforme de la sécurité du revenu, nous pensons qu'idéalement il faudrait que le gouvernement fédéral prenne la responsabilité du versement des prestations de revenu car c'est là que l'égalité et le paiement unique dans tout le pays comptent vraiment. C'est là qu'on ne veut probablement pas d'innovation, parce qu'on est dans le programme de bien-être social, si l'on peut dire. On veut quelque chose de cohérent, quelque chose de stable. On veut que les gens puissent bouger. Donc on crée une prestation nationale de revenu.

    Comme je le disais, on peut progresser en aidant les gens à ne plus dépendre de l'aide sociale au départ, en leur offrant une prestation décente. On peut proposer toutes sortes d'autres initiatives en matière de soutien aux personnes handicapées. Nous avons parlé de compenser les coûts. Nous avons un modèle pour cela au Canada. Le précédent, c'est la Prestation nationale pour enfants.

    Vous pouvez faire tout cela. Il faudrait que ce soit présenté comme un début. Les coûts qui seront déplacés ne couvriront peut-être pas tout ce dont on a besoin. Il faudra que les provinces et les territoires investissent plus. Je pense que c'est une façon importante et concrète de progresser. Il faudrait qu'au départ ce soit le gouvernement fédéral qui prenne l'initiative.

    Si vous vous interrogez de façon plus générale sur la citoyenneté, je pense qu'il faut parler d'éducation, d'accès aux loisirs et de toutes sortes d'autres questions. Je ne sais pas si vous voulez entrer là-dedans tout de suite. Pour ce qui est de la sécurité du revenu, je crois que nous avons des orientations très claires à cet égard.

+-

    La présidente: Est-ce que nous parlons de mesures de soutien pour les personnes handicapées ou de mesures de soutien à l'indépendance? Est-ce que le langage pose problème?

    Je crois que c'est ce que nous entendons tous, tous les membres du comité.

+-

    Mme Sherri Torjman: C'est le soutien du revenu.

    La seule raison pour laquelle le ministère des Finances va vous dire qu'il faut un autre filtre pour les limitations fonctionnelles, c'est qu'on ouvrirait tout le programme à la totalité du pays s'il était conçu uniquement en fonction du revenu. Ce que je vous présente, c'est la réalité.

    Ce qu'il faudrait idéalement, c'est un programme auquel les gens seraient admissibles uniquement en fonction de leur revenu. C'est ce qu'on souhaiterait idéalement. Mais je pense qu'on va vous pousser à mettre en place un autre filtre pour les limitations fonctionnelles uniquement, car sinon vous allez vous orienter vers une forme de revenu annuel garanti. Vous pourriez décider de faire cela. Mais méfiez-vous des gens des Finances qui vont vous dire qu'il ne faut pas aller dans cette direction. À un moment donné, vous allez retrouver ce filtre pour les limitations fonctionnelles dans le monde réel.

»  +-(1720)  

+-

    M. Michael Mendelson: Je pense que vous avez posé la bonne question. En fait, c'est vraiment la bonne question, sauf qu'il faudrait y ajouter celle-ci: peut-on raisonnablement s'attendre à ce que cette personne subvienne à ses besoins? C'est cette question qui pourrait servir à déterminer l'admissibilité à un programme de revenu. Je ne parlerais pas de programme pour personnes handicapées s'il y a un moyen de l'éviter, mais j'utiliserais un filtre.

    Je compléterais cette question par une seconde qui est la suivante: est-il raisonnable de donner à cette personne des aides ou une formation qui lui permettront de subvenir à ses besoins? Il y aurait donc une question secondaire qui permettrait de savoir si une formation ou d'autres formes de soutien personnel permettaient ou non à cette personne de se débrouiller elle-même.

    Dans le cas où la réponse à ces deux questions serait négative, il serait clair que la personne a besoin d'un soutien du revenu. Peut-on concevoir un programme qui permettrait à ces personnes de toucher un soutien du revenu? Je crois que oui. Est-ce que c'est possible au niveau fédéral? Il faudrait en discuter plus sérieusement.

    Il y a un élément que je voudrais souligner à cet égard, et il est important que nous en soyons bien conscients, c'est le fait qu'un système de soutien du revenu doit s'appuyer sur un processus rigoureux de détermination. On ne peut pas s'en remettre simplement à la bonne volonté et à la nature humaine. Bien que j'aie pu constater dans mon expérience personnelle que la plupart des gens tiennent profondément à travailler et à être productifs, il y a malheureusement dans la réalité une petite minorité de personnes qui ne le sont pas et qui peuvent saboter complètement le programme et provoquer une escalade rapide et imprévue des coûts. Donc, quel que soit le programme, il faut qu'il s'appuie sur un processus rigoureux de détermination.

    Mais je pense qu'on peut appuyer ce processus de détermination sur ces deux questions, la première et la question supplémentaire, que vous avez vous-même posées. En fait, quand j'ai posé ces questions auparavant--pour revenir au programme d'invalidité du RPC si vous me le permettez--la véritable question du RPC ne concerne pas la définition du handicap ou des limitations fonctionnelles. Si vous voulez retourner à la base, la vraie question à poser, c'est de savoir s'il existe des circonstances dans lesquelles le Régime de pensions du Canada va autoriser le versement de prestations de retraite anticipée, et quelles sont ces circonstances.

    Je pense que c'est cela, la bonne question. On n'a pas besoin d'un programme d'invalidité. Ce qu'il faut peut-être, c'est un programme de préretraite. Les personnes qui pourraient toucher ces prestations de préretraite seraient celles pour lesquelles on aurait répondu non, après un examen rigoureux, aux deux questions: peut-on raisonnablement s'attendre à ce que cette personne subvienne à ses besoins et est-il raisonnable de lui donner une formation ou des formes d'aide qui lui permettront de subvenir à ses besoins? Si nous acceptons l'idée qu'il doit y avoir un programme d'assurance, et c'est tout un autre débat, la question suivante est de décider si un travailleur qui a acquis des droits en vertu d'un programme d'assurance aura droit à ces prestations de pré-retraite.

    Ce ne sont pas des prestations d'invalidité car franchement, la réponse à ces deux questions pourrait très bien être négative et la personne pourrait très bien ne pas avoir une « incapacité fonctionnelle »--quoi que cela puisse signifier, parce que, si on pose assez de questions, nous avons probablement tous une incapacité fonctionnelle quelconque.

    Donc voilà ma réponse.

+-

    M. Reed Elley: Sur la question de notre rôle, et je pense que Sherri a bien fait de recentrer la discussion--c'est bien de sortir des sentiers battus et nous devons tous le faire pour toutes ces autres questions--nous connaissons tous les obstacles. Vous nous avez bien expliqué tout ce qui fait obstacle à cette initiative dans le pays.

    Toutefois, pour ce qui est de ces deux questions qui me semblent excellentes, est-ce que ce comité devrait pouvoir faciliter la mise en place d'une stratégie nationale de soutien individuel qui pourrait susciter l'intérêt des provinces--parce qu'il faut qu'elles embarquent--et qui nous permettrait de partager les responsabilités?

    L'une des grandes difficultés que rencontrent les gens avec qui je parle dans ma circonscription sur l'île de Vancouver, c'est qu'on les fait courir dans toutes les directions pour trouver de l'aide. Ils sont découragés. Tout d'abord, leur santé n'est pas brillante, ils n'ont pas l'argent nécessaire pour faire tout cela et on les oblige à aller un peu partout. Pourquoi n'aurions-nous pas une sorte de compétence partagée avec un organisme unique qui s'occuperait des gens qui ont besoin de soutien? Pourquoi continue-t-on à les faire courir dans toutes sortes de directions? Nous devrions tout de même pouvoir nous entendre avec les provinces pour commencer à coopérer et à aider ces gens-là à ce niveau tout à fait élémentaire.

    Notre comité peut-il commencer à suggérer des choses de ce genre? Je suis sûr que vous qui avez cette expérience, vous me comprenez parfaitement.

»  +-(1725)  

+-

    Sally Kimpson: Vous avez bien raison. C'est vrai que pour certaines personnes, aller chercher des prestations, c'est un emploi à plein temps. Elles consacrent toute leur énergie à essayer d'obtenir des prestations et des aides. C'est absurde. Il ne leur reste plus aucune énergie ni aucune ressource pour faire autre chose, et elles deviennent alors complètement handicapées.

    Pour ce qui est des provinces, elles paient déjà. Si les gens ne dépendent plus de l'aide sociale, on libérera énormément d'argent qu'on pourrait peut-être utiliser dans le cadre d'un dispositif à frais partagés. Je ne pense pas qu'il faudrait demander aux provinces de payer complètement…

    Mais en effet, s'il pouvait y avoir un guichet unique pour les personnes handicapées, ce serait une énorme amélioration dans leur existence. Il s'agirait de lier l'argent à la personne et à l'idée de lui permettre de subvenir à ses besoins de façon indépendante.

+-

    M. Reed Elley: Pourriez-vous nous dire comment notre comité pourrait faciliter ce genre de choses?

+-

    Sally Kimpson: Je ne sais pas jusqu'où va votre influence. Vous n'en êtes pas sûr non plus, apparemment.

+-

    La présidente: Elle est inquantifiable.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Sally Kimpson: Ah, bon. Je considère que c'est encourageant.

    Vous pouvez exercer votre influence de plusieurs façons. Je pense que c'est vous qui savez le mieux comment faire. Moi, je ne le sais pas vraiment. Vous travaillez beaucoup pour vos commettants. D'un côté, vous connaissez le milieu des personnes handicapées, mais vous avez aussi un lien avec ceux qui prennent ces décisions. Je pense que Sherri a raison. Il y aura certainement des problèmes et des défis au niveau du ministère des Finances.

+-

    Michael Prince: Je dois dire que je suis encouragé par ce qui s'est fait à l'automne à la Chambre des communes à propos du crédit d'impôt pour personnes handicapées. J'ai écrit un historique de la politique du programme d'invalidité du RPC que vous pouvez trouver dans les deux langues sur le site Web du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision, et Sherri en a fait un aussi dans les deux langues.

    Cet historique montre bien le rôle des députés. C'est un dossier stratégique assez particulier en ce sens que des comités comme le vôtre, ou des sous-comités comme le vôtre, avec des députés de tous les partis, ont joué un rôle beaucoup plus positif et plus important que dans bien d'autres domaines stratégiques au niveau national. Donc, s'il faut en croire les 35 dernières années, votre sous-comité présente un potentiel très encourageant pour ce dossier.

    Je pense donc que vous pouvez, et que vous devez reprendre le flambeau de ce comité et de tous ceux qui vous ont précédés à ce comité ou à d'autres comités permanents, avec des mandats plus complets que le vôtre. Il y a toute une histoire dont les députés de tous les partis peuvent être fiers, parce que c'est quelque chose qui vous touche tous dans votre existence de député. Il s'agit d'un défi universel, et non d'une question partisane, ce n'est pas une question fédérale-provinciale. Vous le savez tous, et c'est pour cela que vous avez pu coopérer de cette manière pendant 35 ans sur cette question.

    Pour ce qui est du problème des finances, quand on examine la dernière enquête sur la santé et les limitations d'activité qui a été réalisée en 2001, on constate que le pourcentage de la population qui déclare avoir une limitation fonctionnelle n'a pas augmenté par rapport au chiffre de référence 1991; en fait, il a légèrement diminué. Donc, pour apaiser les craintes de ceux qui croient qu'il y a une augmentation énorme, on peut dire que les pourcentages de handicaps légers, modérés et graves sont demeurés à peu près les mêmes. Je pense donc que nous n'avons pas besoin de perdre le sommeil à l'idée de ce danger moral qui risquerait de nous pousser à la faillite.

    En revanche, l'évaluation est une grosse question. Je vous recommanderais de faire d'abord un petit pas, puis un grand. Le petit pas, ce serait, quand vous accueillerez les représentants de DRHC ou d'autres hauts fonctionnaires fédéraux, de leur demander ce qu'ils font pour normaliser la définition de «handicap» et en vertu de quelles normes ils le font. S'agit-il d'une définition fédérale existante, d'un hybride ou d'un mélange de deux ou plusieurs définitions, ou s'agit-il encore de créer une troisième définition qui s'inspirerait de l'exemple de la Norvège, des Pays-Bas ou d'un autre pays?

    La définition initiale nous a été inspirée par le système de sécurité sociale des États-Unis quand ils ont instauré l'assurance-invalidité en 1956-1957. Nous avons repris leur définition en la modifiant légèrement, mais c'est de là que vient notre définition de «grave et prolongé».

    Est-ce que c'est encore valable aujourd'hui? Nous connaissons bien la réponse. Bien sûr que non. Cela ne marchait pas en 1993 ni en 1983, et cela ne marche pas aujourd'hui. C'est pour cela que nous avons chaque année 19 000 ou 20 000 appels à propos du programme d'invalidité du RPC. C'est devenu une énorme industrie et une énorme bureaucratie. On doit tout de même pouvoir réussir à faire mieux, avec tout le temps que vous y consacrez, ainsi que les médecins.

    Je pense donc qu'il y a une carte à jouer si le gouvernement joue son rôle comme il l'a fait avec les enfants. Environ 20 à 25 p. 100 des assistés sociaux des provinces sont des personnes handicapées. Cela représente des milliards et des milliards de dollars par an. Si le gouvernement fédéral joue son rôle de chef de file, on va débloquer des montants considérables et on va pouvoir intéresser les provinces.

    Merci.

»  +-(1730)  

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    La présidente: J'aime bien cette idée de pension de préretraite parce qu'on part du principe que la personne a appartenu à la population active. On ne réinvente donc pas vraiment la roue, puisque le régime d'invalidité du RPC part du principe que la personne a appartenu de cette manière à la population active et qu'on apporte simplement cette aide à des gens qui n'ont pas été dans cette situation et ne le seront probablement pas.

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    M. Michael Mendelson: À propos, l'Australie n'a pas de programme d'assurance. Son système fonctionne sans programme d'assurance. On peut imaginer un régime sans programme d'assurance sociale, mais dans le contexte canadien, soyons raisonnables, je pense qu'il faut quand même envisager de maintenir un programme d'assurance sociale comme le RPC qui permettrait de verser certaines prestations de préretraite dans certaines circonstances.

    Vous m'avez demandé ce qui serait le plus efficace, d'après moi. Je suis tout à fait d'accord avec Michael pour dire que dans le domaine des «handicaps» en particulier--et je mets ces mots entre guillemets--les parlementaires ont été très efficaces, ne serait-ce que parce qu'il y a manifestement un consensus non partisan à la Chambre sur toutes ces questions. Par ailleurs, vous traitez chaque jour avec vos électeurs. C'est l'un des éléments principaux de votre activité. Vous savez de quoi vous parler. C'est très important.

    J'aimerais dire que c'est très bien de penser aux grandes questions des programmes nationaux--et je vous encourage à le faire--puisque j'ai été administrateur provincial, mais je sais aussi que chaque fois que cela se produit, je me dis toujours: «Oui, mais que faites-vous en ce qui concerne vos propres programmes, vous au gouvernement fédéral?» Donc en même temps, je voudrais vous exhorter à remettre en cause le Régime de pensions du Canada. Je ne sais pas exactement qui le dirige, si c'est le ministère des Finances ou un autre; ce n'est jamais clair pour moi. Vous pouvez sans doute le savoir.

    Les personnes à qui l'on pose des questions ne sont généralement pas celles qui prennent les décisions. Je les mets au défi de demander s'il serait possible de repenser les bases du PPI-RPC. Est-ce possible de se débarrasser du «I»? Vous avez présenté ici aujourd'hui certaines des possibilités que l'on pourrait étudier plus avant. Bien sûr, les bureaucrates n'aiment pas qu'on les pousse à faire ce genre de choses, mais c'est le rôle des parlementaires. D'après moi, si le Canada arrive à montrer qu'il peut réformer ce programme, il sera vraiment beaucoup plus facile dans ces conditions d'obtenir la participation des provinces dans le cadre d'un programme de réforme plus général et encore plus ambitieux.

»  -(1735)  

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    Mme Sherri Torjman: Juste un mot là-dessus: si l'on encourageait les Finances ou un autre service à se débarrasser du «I», il faudrait faire attention à ce qu'aucune des personnes bénéficiant actuellement des prestations ne se retrouve sans rien--tout d'un coup, si l'on supprime le «I», on supprime 280 000 $. Il faut faire attention à cela.

    Je voulais répondre rapidement à la question que vous avez posée au sujet du rôle des parlementaires, parce que j'ai travaillé pour le comité parlementaire sur les personnes handicapées en 1981. C'était l'Année internationale des personnes handicapées. Je vous assure que le rôle des députés était d'une profonde importance. Les députés étaient tellement engagés--de tous les partis--et cela a contribué à mettre la question à l'ordre du jour et à l'y maintenir.

    Je voudrais encourager tous ceux qui sont ici à être des champions qui défendent cette cause, parce que l'invalidité a vraiment besoin de champions. Il faut en tenir compte dans chacun des ministères fédéraux. Ce serait bien aussi que vous puissiez en discuter avec vos homologues provinciaux en tant que députés des Parlement et assemblées législatives, parce que les discussions se déroulent actuellement au niveau des fonctionnaires. C'est très important, mais les fonctionnaires eux-mêmes ont besoin d'être orientés politiquement. Ils doivent savoir qu'ils répondent à des directives politiques et doivent présenter des résultats. À ce propos, puisqu'on intègre maintenant les résultats à tous les processus, nous devons voir des résultats. C'est peut-être ce qu'il faudrait faire pour faire avancer les choses. Je crois que vous avez un rôle absolument crucial à jouer dans ce domaine.

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    La présidente: Je ne sais comment vous remercier. C'est vraiment la qualité qui l'a emporté sur la quantité cet après-midi.

    Est-ce que vous aviez…?

[Français]

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    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il faut que je parte. J'ai une autre réunion.

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    La présidente: Oui, oui, c'est fini. C'est la bénédiction.

    La séance est levée.