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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 22 mars 2005




Á 1120
V         La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.))
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin

Á 1125
V         L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)
V         La présidente
V         L'hon. Sue Barnes
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente

Á 1130
V         Le greffier du comité (M. Jean-Philippe Brochu)
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC)
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin

Á 1135
V         M. Roger Valley (Kenora, Lib.)
V         M. Pat Martin
V         M. Roger Valley
V         M. Pat Martin
V         M. Roger Valley
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         L'hon. Sue Barnes

Á 1140
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin

Á 1145

Á 1150
V         M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.)
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Lloyd St. Amand
V         M. Pat Martin
V         M. Lloyd St. Amand
V         M. Pat Martin
V         La présidente

Á 1155
V         L'hon. Sue Barnes
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Roger Valley
V         M. Pat Martin
V         M. Roger Valley
V         M. Pat Martin

 1200

 1205
V         L'hon. Sue Barnes
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin

 1210

 1215

 1220

 1225

 1230

 1235
V         La présidente
V         M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC)
V         La présidente
V         M. Jim Prentice
V         La présidente
V         L'hon. Sue Barnes
V         La présidente

 1240
V         L'hon. Sue Barnes
V         M. Pat Martin
V         L'hon. Sue Barnes
V         La présidente
V         M. Pat Martin

 1245
V         M. Jim Prentice
V         La présidente
V         M. Jim Prentice
V         La présidente
V         M. Jim Prentice
V         M. Jeremy Harrison
V         La présidente
V         M. Jeremy Harrison
V         La présidente

 1250
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         M. Pat Martin
V         La présidente
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 mars 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1120)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Bonjour. Puisque nous accusons un peu de retard ce matin, j'aimerais ouvrir sans plus tarder cette séance, la 24e, du mardi 22 mars.

    Conformément à l'article 108 du Règlement, nous entreprenons une étude sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Rappel au règlement, madame la présidente.

    J'ai donné préavis au greffier que j'avais l'intention de déposer une motion au début de cette séance, motion dont j'avais donné avis le 22...

    Non, excusez-moi. Avis a été dûment donné d'une motion relative aux pensionnats. Maintenant que vous avez déclaré ouverte cette séance, je...

+-

    La présidente: Le greffier m'informe que vous ne pouvez déposer la motion sur un rappel au règlement. J'aimerais beaucoup que nous nous en tenions à notre ordre du jour. Vous êtes inscrit pour cette motion à la fin de la séance; votre motion est à l'ordre du jour.

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, le premier point dans toute séance est l'adoption de l'ordre du jour et l'ordre du jour que vous avez introduit doit être adopté et peut donc faire l'objet d'un débat sur l'adoption. Je ne sais pas si vous avez sauté par-dessus cette étape dans vos remarques initiales, mais vous avez distribué un ordre du jour. Nul n'a proposé l'adoption de l'ordre du jour, mais je crois avoir que c'est une première étape nécessaire, ce qui nous donne alors l'occasion de parler de l'ordre dans lequel vont être abordés les sujets du jour.

    J'aimerais parler de la séquence des sujets dans l'ordre du jour, sur la base de l'avis que j'ai déposé—d'ailleurs, avec beaucoup d'avance.

+-

    La présidente: Monsieur Martin, on m'informe que vous ne pouvez changer cela au moyen d'un rappel au règlement. Ceci est notre façon normale de démarrer une réunion, et nous la pratiquons depuis que le comité a été formé, depuis l'automne.

+-

    M. Pat Martin: Eh bien, madame la présidente, vous avez déjà déclaré irrecevable mon rappel au règlement. J'interviens maintenant en tant que membre du comité sur la question de l'ordre du jour. Il ne s'agit plus d'un rappel au règlement. J'ai demandé la parole afin de pouvoir parler de l'ordre des sujets figurant à l'ordre du jour. Il s'agit pour le comité de décider dans quel ordre nous allons traiter des points figurant à l'ordre du jour qui nous a été remis.

    Je fais valoir que j'ai donné préavis dans les règles, sous forme d'un avis de motion, du fait que je souhaitais que le sujet de ma motion soit débattu aujourd'hui. Il n'y a donc pas de surprise. J'ai notifié le greffier et je vous demande d'accepter l'idée que nous devrions parler de l'ordre du jour. Si nous ne sommes pas au stade voulu de la réunion du comité pour que je propose la motion, ce qui est mon intention et mon objectif, nous devrions à tout le moins être au stade où nous pouvons parler des points de l'ordre du jour dont nous allons traiter aujourd'hui.

    Je pense que si vous sondiez les membres du comité présents, vous constateriez que la volonté du comité est effectivement de délibérer de la motion dont j'ai donné préavis, concernant les suites, ou du moins le résumé et recommandations, de l'étude que nous avons menée sur les pensionnats avant ce congé...

+-

    La présidente: Monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: ... et maintenant que nous en sommes à l'ordre du jour, je propose que c'est de cela que nous parlions. Maintenant que j'ai la parole, j'aimerais pouvoir expliquer pourquoi il serait préférable, et cela correspond d'ailleurs au souhait de la majorité des membres du comité...

+-

    La présidente: On m'informe que vous avez besoin du consentement unanime du comité. Vous avez besoin du consentement du comité pour modifier l'ordre du jour.

+-

    M. Pat Martin: Nous avons besoin du consentement du comité, mais pas du consentement unanime.

+-

    La présidente: Non, vous avez besoin du consentement du comité.

+-

    M. Pat Martin: Vous avez besoin du « vote majoritaire du comité », ou bien appelez cela comme vous voulez.

+-

    La présidente: J'espérais en appeler à votre courtoisie envers les témoins, car nous ne voulons manquer de courtoisie envers aucun témoin comparaissant devant le comité. Nous essayons de garder les motions pour la fin de la réunion.

    J'ai Sue Barnes, puis M. Harrison.

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, je n'avais pas réellement terminé mon intervention. Je ne vois pas comment vous décidez qui a la parole.

+-

    La présidente: Je viens de parler à M. Harrison, qui a levé la main.

+-

    M. Pat Martin: J'ai de la difficulté à vous entendre, madame la présidente. Dites-vous que je n'ai pas la parole?

+-

    La présidente: Je faisais savoir à M. Harrison que quelqu'un d'autre a demandé la parole avant lui.

+-

    M. Pat Martin: Je vois.

    Nous avons cherché à suivre de notre mieux les règles du comité permanent. Lorsque nous avons décidé des règles du comité, la seule chose que nous avons spécifiée était que l'avis de motion serait de 24 heures au lieu de 48 heures. Aucune limite de temps n'a été imposée à la durée des interventions sur les motions, ou les amendements ou clauses lors des séances. Lorsqu'il s'est agi de décider de ces règles pour le comité, rien de tel n'a été établi. Cela m'inquiéterait que les règles soient modifiées arbitrairement, ou sujettes uniquement à l'interprétation du greffier, alors qu'elles devraient être dûment couchées par écrit au moment voulu, au moment de la formation du comité et de l'élection de son président.

    Je me suis présenté de bonne foi aujourd'hui, en suivant les règles telles qu'elles je les connais, en ayant donné dûment préavis—les 24 heures de préavis requis pour déposer une motion—et donc aujourd'hui, lorsque je m'adresse à vous et demande que nous étudiions l'ordre du jour, en l'absence de toute règle contraire, le premier point devrait être une décision collective concernant les sujets qui seront étudiés aujourd'hui.

    Encore une fois, je pense que si vous sondiez la majorité des membres du comité, vous constateriez que la volonté du comité est effectivement de poursuivre l'étude que nous avons entreprise sur l'efficacité et l'éthique, franchement, associée à l'indemnisation des survivants des pensionnats : la méthode, l'efficience du programme, les recommandations en vue de le modifier.

Á  +-(1125)  

+-

    L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Rappel au règlement.

+-

    La présidente: Madame Barnes.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Madame la présidente, je crois que ce comité, lorsqu'il a décidé de ses travaux, a pris le calendrier et attribué des dates, et il y avait consensus de tous les partis concernant les jours auxquels nous traiterions des différents sujets. L'ordre du jour, tel qu'il est imprimé, prévoit de commencer aujourd'hui l'étude sur les biens immobiliers matrimoniaux car tous les autres partis, ayant choisi leurs sujets de prédilection et leurs dates, tel qu'ils en ont décidé avec leur majorité sur les bancs de l'opposition, ont choisi—et cela a été confirmé depuis le congé de Noël—d'entreprendre toutes les études demandées par les partis d'opposition. La date que nous avons unanimement retenue autour de cette table pour le démarrage de l'étude sur les biens immobiliers matrimoniaux est aujourd'hui.

    Je fais remarquer que nous avons déjà perdu une demi-heure. Ce me semble être un moyen de ne pas passer à l'ordre du jour.

+-

    La présidente: C'est pourquoi j'essayais d'appliquer la pratique suivie jusqu'à présent. Nous avons satisfait les voeux de tous les partis en choisissant quelles études seraient faites quels jours, et nous avons respecté ce calendrier.

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, je vous demande de décider s'il s'agissait là d'un rappel au règlement légitime ou non. Si ce n'en est pas un, c'est moi qui ai la parole.

+-

    La présidente: Si vous cherchez maintenant à modifier l'ordre du jour, le greffier m'informe que ce n'est pas sujet à débat, uniquement d'un vote.

+-

    M. Pat Martin: Me demandez-vous une motion visant à modifier l'ordre du jour afin de...

+-

    La présidente: C'est ce que l'on m'a indiqué. Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons commencé nos séances conformément à l'ordre du jour et que j'espérais, tenant dûment compte des désirs de chacun et de la courtoisie due à tous, que nous nous en tiendrions à l'ordre convenu, et ce par respect pour les témoins. J'espérais que nous puissions traiter de votre motion à la fin de la réunion, car nous sommes en train de faire attendre les témoins.

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, vu ce que vous m'avez dit, j'aimerais présenter une motion visant à inverser l'ordre du jour. J'aimerais introduire officiellement ma motion indiquée à l'ordre du jour, et je me ferais un plaisir de vous l'expliquer en détail, si le vote est positif.

+-

    La présidente: Je vais vérifier.

    Je vous remercie de votre patience. Nous allons conférer sur la décision à prendre.

    Je vais demander au greffier d'expliquer aux membres du comité la procédure.

Á  +-(1130)  

[Français]

+-

    Le greffier du comité (M. Jean-Philippe Brochu): Je suis désolé de vous avoir induits en erreur. Quand on veut passer au second sujet à l'ordre du jour, cela ne peut pas faire l'objet d'un débat et d'un vote. Quand on veut changer l'ordre du jour en imposant des conditions, cela peut faire l'objet d'un débat et d'un vote.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: La motion proposée—et je pense qu'elle a été déposée au stade voulu de la séance et est donc recevable—consiste à passer au point de l'ordre du jour qui concerne ma motion. Que vous le fassiez en inversant l'ordre, ou que vous le fassiez en sautant par-dessus le premier point pour passer au deuxième, tels qu'ils sont indiqués à l'ordre du jour, peu m'importe. Le fait est que l'ordre dans lequel ils sont inscrits n'est pas nécessairement l'ordre dans lequel ils seront débattus au cours de la réunion. Il appartient au comité d'en décider.

    Ma motion aujourd'hui demande simplement que l'ordre dans lequel nous abordons les sujets à l'ordre du jour consiste à commencer avec l'avis de motion de Pat Martin.

+-

    La présidente: La décision est que ce que vous préconisez n'est pas sujet à débat, mais à vote, et nous allons donc procéder au vote sur cette motion.

+-

    M. Jim Prentice (Calgary-Centre-Nord, PCC): Pourriez-vous nous préciser la motion, madame la présidente?

+-

    La présidente: J'allais demander à Pat de la lire de nouveau, pour la gouverne des membres du comité.

+-

    M. Pat Martin: Désolé, madame la présidente, souhaitez-vous que je lise la motion que je...

+-

    La présidente: La motion que vous venez de présenter.

+-

    M. Pat Martin: La motion que j'ai présentée demande de passer à l'avis de motion de Pat Martin sans tarder.

+-

    La présidente: Ceux en faveur de la motion? Ceux opposés?

    La motion est adoptée.

+-

    M. Pat Martin: Merci, madame la présidente.

    Il est donc conforme au Règlement, monsieur le greffier, que je présente maintenant ma motion principale—dont avis a été donné—si nous sommes dûment...

+-

    La présidente: Vous pouvez présenter votre motion.

+-

    M. Pat Martin: Nous en sommes officiellement là à l'ordre du jour.

    Merci, madame la présidente.

    J'ai le plaisir de proposer la motion dont j'ai donné avis, et je commencerai par la lire dans son intégralité. Ensuite, avec la permission de la présidence, j'aimerais expliquer certains des éléments saillants de la motion, dans l'espoir de convaincre les membres du comité de voter pour la motion le moment venu.

    L'ordre dans lequel j'ai l'intention de procéder, madame la présidente, consiste à vous guider tout d'abord à travers les détails de la motion et des recommandations qu'elle contient—35 recommandations—auxquelles s'ajoutent une introduction et une instruction sommaire à la fin. De fait, madame la présidente, pour plus de commodité, vous pouvez choisir d'aller droit à la fin de la motion et lire la directive que contient le paragraphe final.

    Deuxièmement, j'aimerais nous diriger vers, ou demander l'indulgence du comité de passer en revue, le rapport de l'Assemblée des Premières nations sur les pensionnats. Je pense qu'il a été distribué lors de la réunion du comité. Il était intitulé : Rapport de l'Assemblée des Premières nations sur le plan de règlement des conflits du gouvernement du Canada qui vise à indemniser les victimes de sévices infligés dans les pensionnats indiens. Je pense qu'il sera utile pour nous tous, en considérant les mérites de la motion, de nous laisser guider par les arguments en faveur de certaines des recommandations du plan de règlement avancé par l'Assemblée des Premières nations.

    Le troisième élément dont j'aimerais que le comité tienne compte, c'est le rapport de l'Association du barreau canadien intitulé : La prochaine étape logique : des paiements de redressement versés à tous les élèves survivants de pensionnats indiens. Le comité trouvera dans ce document des recommandations excellentes et de grande utilité de l'Association du barreau canadien, qui non seulement a étudié de façon très poussée le plan général d'indemnisation des victimes, mais a également passé beaucoup de temps à examiner le mécanisme de règlement, le mécanisme accéléré qui est devenu le sujet de notre débat ces dernières semaines.

    Si le temps le permet, madame la présidente, dans le contexte de mes remarques, j'aimerais passer en revue les éléments saillants des témoignages que nous avons entendus ici lors de notre étude des pensionnats, lorsque nous avons été éclairés par des élèves survivants qui nous ont expliqué de la manière la plus prenante leur difficulté à obtenir satisfaction avec le mécanisme d'indemnisation actuel. C'est dans ce contexte que nous avons appris les sommes étonnantes dépensées pour démontrer que ces victimes mentent.

    De fait, si je puis résumer l'objectif général de mon initiative d'aujourd'hui, c'est d'arrêter de dépenser de l'argent pour tenter de présenter les victimes comme des menteurs et menteuses, car c'est ce que fait le gouvernement du Canada. Lorsque nous avons 200 avocats travaillant à temps plein pour le ministère de la Justice qui contestent les réclamations, au lieu de dépenser un montant comparable en indemnité pour les victimes afin qu'elles puissent reprendre le train de leur vie, il y a quelque chose qui cloche profondément et terriblement avec le mécanisme de règlement des différends. 

Á  +-(1135)  

+-

    M. Roger Valley (Kenora, Lib.): Madame la présidente.

+-

    M. Pat Martin: Et la quatrième chose que je vais demander...

+-

    M. Roger Valley: Madame la présidente, pourrais-je avoir une clarification, je vous prie?

+-

    M. Pat Martin: Et la quatrième chose que je vais demander, par votre intermédiaire, madame la présidente, pendant que j'ai la parole...

+-

    M. Roger Valley: Je rendrai la parole tout de suite, madame la présidente, mais je m'inquiète simplement pour nos témoins qui sont venus ici traiter d'un sujet très important. Est-ce que M. Martin accepterait de les libérer? Je pense que la motion de M. Martin exigera une longue discussion. Cela va nous prendre pas mal de temps. Je pense que nous devrions manifester du respect pour le sujet dont nous allons traiter avec ces témoins lorsqu'ils comparaîtront, et nous devrions demander le consentement du comité pour libérer les témoins afin que nous puissions discuter en détail de la motion de M. Martin.

+-

    La présidente: On m'informe que nous en sommes à l'ordre du jour et que nous devons donner la parole à M. Martin.

+-

    M. Pat Martin: Merci, madame la présidente.

    Pendant que j'ai la parole, et je n'ai pas l'intention de la céder pour ce que je vais faire, je ne vois pas la nécessité pour les témoins, qui ont été invités expressément pour traiter des biens immobiliers matrimoniaux, de rester avec nous pendant ce débat, à moins que le sujet en soi les intéresse. Je n'ai pas l'intention, au cours de mon intervention et de mes explications sur les mérites de ma motion, de poser des questions aux témoins qui sont à la table aujourd'hui, et donc sans céder la parole, je suis disposé à faire ce que bon vous semble concernant ces témoins.

+-

    La présidente: Cela signifie-t-il que vous donnez avis que nous n'aurons pas besoin d'eux aujourd'hui?

+-

    M. Pat Martin: Je vous donne un aperçu des documents que je prévois de passer en revue pour justifier la motion que je présente aujourd'hui, madame la présidente.

+-

    La présidente: Madame Barnes.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Merci.

    Sans enlever la parole à M. Martin, je pense que les témoins que nous avons invités aujourd'hui pour traiter des biens immobiliers matrimoniaux... nous allons avoir besoin de l'intégralité des deux heures. Nous n'avons même pas une heure, même moins d'une demi-heure disponible. Je suggère, avec le consentement du comité, de décaler simplement notre calendrier, sachant que nous n'aurons pas suffisamment de temps pour entendre ces témoins précieux de manière suffisamment approfondie pour que leurs témoignages soient utiles au comité. Je sais que nous avons besoin non seulement d'entendre ce qu'ils ont à nous dire, mais ainsi que tous les partis puissent poser des questions. Je consentirais donc à reporter la comparution de ce groupe car je ne pense pas que nous puissions avancer assez rapidement pour pouvoir... Et je n'aimerais pas perdre leur témoignage. Voilà ma position.

    Merci, madame la présidente.

Á  +-(1140)  

+-

    La présidente: Merci, madame Barnes.

    Vous avez la parole, monsieur Martin.

+-

    M. Pat Martin: Merci, madame la présidente.

    J'étais sur le point de vous indiquer le dernier document auquel je demande aux membres du comité de se référer, soit le guide et le manuel sur la question des pensionnats présentés par l'Assemblée des Premières nations comme étant le document technique qui accompagne son plan, ses recommandations. Il s'intitule Rapport de l'Assemblée des Premières nations sur le plan de règlement des conflits du gouvernement du Canada qui vise à indemniser les victimes de sévices infligés dans les pensionnats indiens. Ce document nous a été distribué également, il s'agit de ce volume que vous voyez ici. Je pense que les membres du comité le trouveront utile, dans le contexte du débat d'aujourd'hui ou lors des séances ultérieures que nous devrons peut-être programmer sur le sujet des pensionnats.

    Je dépose ce document... ou je l'apporte avec moi aujourd'hui pour la gouverne du comité, car il est utile de connaître le contexte historique. Les efforts déployés jusqu'à cette date du 22 mars 2005—l'avis donné par l'Assemblée des Premières nations...

+-

    La présidente: Monsieur Martin, ce document n'a pas été distribué aux membres du comité. Le greffier me dit qu'il n'a pas été distribué car il n'est qu'en anglais et qu'il est trop volumineux pour que les traducteurs...

+-

    M. Pat Martin: Pour être envoyé à la traduction. D'accord.

+-

    La présidente: Oui.

+-

    M. Pat Martin: Merci, madame la présidente. Dans ce cas, je vous indique que je l'utiliserai dans le contexte de mon argumentation et que j'y ferai référence. Chaque fois, je laisserai suffisamment de temps, à ceux qui sont intéressés à voir le texte, pour le parcourir, ou du moins je préciserai la page du document où se trouve la citation, afin que les membres du comité puissent, s'ils le jugent nécessaire, s'y reporter de leur propre chef, dans l'une ou l'autre langue officielle.

    J'ai également l'intention, madame la présidente, pendant mon intervention, de citer les témoignages d'un certain nombre des témoins qui ont comparu devant nous, car on ne peut considérer aucun aspect de la tragédie des pensionnats indépendamment des autres. Je suis convaincu qu'il faut considérer ce que nous cherchons à réaliser aujourd'hui dans tout le contexte—non seulement l'histoire, non seulement la logique historique, la logique coloniale erronée qui a donné naissance à ces écoles, bien que ce soit un premier pas indispensable—et j'ai l'intention d'exposer ce que je considère être la véritable motivation des pensionnats indiens. J'espère avoir le temps de vraiment situer ce contexte—car nous ne pensons pas un instant que le système des pensionnats était une affaire d'éducation. Il ne s'agissait pas non plus de religion, bien que c'était là des écoles religieuses. Je suis convaincu, pour ma part, que c'était un élément d'un programme d'assimilation. Je vais utiliser des termes forts ici—que cela ait été intentionnel ou non, on ne peut contester que le résultat a été une tentative de génocide culturel pour extirper l'indianité des Indiens.

    Ces termes forts ont résonné haut et clair, je pense, dans les témoignages des victimes, dont la moindre n'était pas le chef national de l'Assemblée des Premières nations, qui nous a raconté son vécu personnel. J'ai trouvé particulièrement émouvant—je dis cela en guise d'introduction, madame la présidente, à ma motion—de voir non seulement le chef actuel de l'Assemblée des Premières nations faire une présentation à notre comité, mais que soit aussi présent dans la salle l'ancien chef national de l'Assemblée des Premières nations, confirmant le témoignage que nous avions entendu et relatant, dans des conversations privées avec d'autres survivants des pensionnats, ses propres souvenirs de survivant d'un pensionnat, car Matthew Coon Come n'a pas témoigné officiellement devant le comité.

    Cependant, nous avons eu l'occasion de parler avec l'ancien chef national et chef actuel des Cris de la baie James. Je l'ai entendu relater publiquement son expérience personnelle des pensionnats, et je pense que ce récit mérite d'être répété ici.

    Je vous dis tout cela en guise d'introduction, avant de lire ma motion. Matthew Coon Come, lorsqu'on l'a emmené pour la première fois dans un pensionnat, était avec son petit frère. Dès le premier jour, après avoir été arraché à sa famille et emmené dans le pensionnat, on les a collés sous une douche, et ils n'avaient jamais vu de douche jusqu'alors. Ils avaient six et sept ans. Il n'y avait pas de douche dans la maison familiale. On les a mis sous la douche et le petit frère s'est tourné vers Matthew Coon Come et lui a demandé dans sa langue, le Cri, s'il devait se laver entre les orteils. Et ce personnage en robe noire a surgi de l'ombre et a commencé à le battre avec un bâton pour avoir posé cette question innocente à son grand frère dans sa langue. Il a été frappé avec un bâton dès le premier jour dans ce pensionnat. J'aurais voulu que l'ancien chef national de l'Assemblée des Premières nations puisse nous faire ce témoignage. Je ne peux l'oublier et je pense que tout le monde ici ressent probablement la même chose.

    Après cette introduction et ce préambule, j'aimerais maintenant présenter officiellement la motion dont j'ai donné avis le 21 février 2005, il y a presque un mois de cela. Je répète encore une fois, en guise d'introduction, que vous allez probablement reconnaître, madame la présidente, certains des passages car ils reprennent exactement, mot pour mot, les recommandations figurant dans le rapport de l'Assemblée des Premières nations.

Á  +-(1145)  

    Disons les choses clairement, toujours en guise d'introduction. Ce que je cherche à faire, c'est que le comité dépose un rapport qui reflète très exactement le rapport de l'Assemblée des Premières nations, rapport que le gouvernement du Canada a ignoré et négligé pendant plus de trois mois de manière très discourtoise. Je ne cache pas que mon intention est d'amener ce rapport sur le parquet de la Chambre des communes, afin que les députés soient obligés de se lever et de se faire compter.

    Si cette motion est soumise à vote sur le parquet de la Chambre des communes, le vote portera réellement sur la question de savoir si nous approuvons le programme d'indemnisation actuel des victimes et survivants des pensionnats. Nous allons obliger chaque député à se lever et à voter pour ou contre l'efficacité et la moralité du système d'indemnisation actuel.

    Au cas où les gens s'endorment pendant mon discours ici, voilà donc l'esquisse générale. Voilà en résumé ce que j'ai l'intention de faire, avec la coopération de mes collègues, du moins ceux des bancs de l'opposition. J'espère que nous le ferons à la fin de ce débat, avec la coopération de tous les membres de ce comité. Rien ne me rendrait plus fier que de voir notre comité convenir, par consensus, que le programme d'indemnisation actuel des survivants des pensionnats indiens est un échec catastrophique et que nous n'allons pas continuer à dépenser des millions et des millions de dollars pour traiter les victimes de sévices de menteurs. Plus un sou ne sera dépensé pour contester les demandes d'indemnisation. Cet argent devrait plutôt aller aux victimes afin qu'elles puissent reconstruire leur vie.

    Cela dit, madame la présidente, j'aimerais passer en revue la motion que je présente. Je vais peut-être la résumer avant d'entrer dans les détails techniques.

    La motion que je vous présente aujourd'hui comporte trois volets. Vous verrez qu'elle contient 35 recommandations, mais qui se répartissent en seulement trois grands thèmes.

    Le premier thème est l'indemnisation forfaitaire et généralisée des victimes. L'admissibilité serait fondée sur le fait que vous y étiez. Si vous pouvez prouver que vous avez fréquenté un pensionnat, vous toucherez le niveau de base de l'indemnité forfaitaire. Voilà ma première prémisse fondamentale, et c'est aussi le premier paragraphe du rapport de l'Assemblée des Premières nations. Un certain nombre de recommandations s'inscrivent dans ce thème et je pourrais vous parler des montants concernés.

    Le deuxième grand volet est celui d'excuses publiques du premier ministre du Canada à la Chambre des communes. Il ne s'agirait pas d'une lettre du ministre des Affaires indiennes, ni d'un secrétaire parlementaire qui hocherait la tête et dirait que cela n'aurait pas dû arriver. Nous voulons—et lorsque je dis nous, je parle au nom des survivants des pensionnats qui, c'est à leur crédit, ont patiemment attendu ce moment pendant des décennies—ce moment où le premier ministre du Canada se lèvera au nom du gouvernement du Canada pour déclarer : « Nous avons commis une erreur tragique d'ingénierie sociale. Nous n'aurions pas dû. C'était mal, et nous sommes désolés ». Rien de moins n'est acceptable, madame la présidente, sur le plan d'excuses publiques officielles.

    Tant le rapport que ma motion contiennent encore beaucoup d'autres recommandations. Le troisième volet sera la mise en place d'un mécanisme de mise à jour de la vérité et de réconciliation pour que les victimes qui souhaitent faire connaître leur vécu puissent parler de ce qui leur est arrivé. Les deux camps dans cette terrible tragédie pourront alors commencer la guérison qui est possible une fois que l'on entend la vérité, que la vérité peut être dite sans honte et sans rancoeur et sans les affrontements qui ont lieu aujourd'hui lorsque les avocats du gouvernement cherchent à prouver que les victimes ne disent pas la vérité. Qu'est-ce qui pourrait être plus stressant? Qu'est-ce qui peut victimiser davantage les victimes que de partir de la présomption qu'elles mentent et les obliger à prouver, au-delà de tout doute raisonnable, que quelqu'un qui est aujourd'hui décédé a sexuellement abusé d'elles il y a 50 ans?

Á  +-(1150)  

    De toute façon, pourquoi les gens mentiraient-ils? Qui pourrait être assez tordu pour penser que cette femme de 88 ans, Flora Merrick, s'est présentée à notre comité et nous a menti lorsqu'elle racontait avoir été battue et enfermée dans une pièce pendant deux semaines pour s'être rendue à l'enterrement de sa mère? Qui irait inventer pareille chose? Qui viendrait se présenter ici et raconter un tel mensonge? Mais c'est sur ce fondement qu'est construit le programme d'indemnisation actuel. Cette femme a fait une fugue pour se rendre à l'enterrement de sa mère lorsqu'elle avait neuf ans.

    Il est presque incroyable que l'on ait mis sur pied un programme, un système d'indemnisation, qui est fondé sur la notion que vous mentez, sauf preuve du contraire. Ce n'est pas que vous êtes innocent jusqu'à ce que votre culpabilité soit prouvée, non, vous mentez tant que vous ne prouvez pas le contraire. Les auteurs de ces exactions sont morts depuis longtemps et tout ces sévices vous ont été infligés lorsque vous aviez neuf ans, sans témoin. Quelle folie est-ce là, madame la présidente? Rien que cela justifie que l'on mette en pièce tout le maudit programme d'indemnisation et que l'on commence à zéro avec quelque chose qui soit humain, qui soit efficient et efficace, au lieu de dépenser...

    D'accord, j'en ai suffisamment dit là-dessus.

    J'aimerais vous parler des recommandations contenues dans la motion elle-même, madame la présidente. La motion se lit ainsi :

Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité considère certaines recommandations du Rapport de l'Assemblée des Premières nations sur le plan de règlement des conflits du gouvernement du Canada qui vise à indemniser les victimes de sévices infligés dans les pensionnats indiens et que le comité note leur caractère réfléchi et constructif, et qui se lisent comme suit...

+-

    M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.): Dispense, madame la présidente.

+-

    M. Pat Martin: Je vous demande pardon? Dispense?

+-

    La présidente: Monsieur St. Amand.

+-

    M. Lloyd St. Amand: Ce n'est que de la lecture. Nous savons tous lire.

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, je ne sais pas si les règles de la Chambre des communes s'appliquent automatiquement au comité, mais mon intention était de lire l'introduction, puis de justifier les recommandations telles qu'elles sont présentées. Je sais que M. St. Amand sait lire. Nul ne le conteste. Mais je pense qu'il y a—

+-

    M. Lloyd St. Amand: Et vous avez prouvé que vous le savez également.

+-

    M. Pat Martin: Je ne puis prouver que vous le savez, car je ne vous ai jamais réellement vu lire. Mais de fait, je pense qu'il est bon de lire ma motion afin qu'elle figure au procès-verbal. Nul n'a jamais introduit dans le procès-verbal la motion dont j'ai donné avis le 21 février.

+-

    La présidente: Tout sera versé au procès-verbal, monsieur Martin.

    J'aimerais également à ce stade proposer de libérer les témoins, si le comité est d'accord.

Á  +-(1155)  

+-

    L'hon. Sue Barnes: Je suis d'accord, mais l'ordre des témoins est important. Nous devons commencer par l'audition de ces témoins-là, et cela va donc se répercuter non seulement sur ces témoins mais sur la date de comparution de tous les autres que nous avions prévus la semaine prochaine et la semaine suivante, et tout le reste.

+-

    La présidente: Monsieur Martin, nous savons que tous les membres du comité ont en main le texte de votre motion. Peut-être pourriez-vous donner vos explications et faire avancer les choses.

+-

    M. Pat Martin: Je veux bien. J'ai la parole, et je continuerai donc à défendre ma motion de la manière qui me convient. Si vous me demandez de ne pas la lire intégralement, je passerai en revue uniquement les recommandations, car ce sont elles que je demande à mes collègues d'appuyer. J'essaie de rallier mes collègues et de les amener à voter en faveur de cette motion. Il importe que je défende et justifie le texte même du rapport et je ne sais pas comment le faire sans procéder ligne par ligne. Pour rendre justice à ce sujet, je ne pense pas qu'il faille se bousculer et se précipiter, car il serait impossible de résumer ce que nous cherchons à réaliser.

+-

    La présidente: Monsieur Valley.

+-

    M. Roger Valley: M. Martin veut le soutien de tous les membres autour de cette table. Peut-être pourrais-je proposer un amendement amical qui lui apporterait le soutien de probablement certains membres du comité.

    Seriez-vous prêt à prendre connaissance d'un amendement amical à ce stade?

+-

    M. Pat Martin: Une fois que j'aurais fini de présenter le sujet de la journée, je serai ouvert à des amendements.

+-

    M. Roger Valley: Nous avions l'impression que vous cherchiez notre soutien. C'est pourquoi j'en parle maintenant. Vous n'auriez pas alors à continuer de nous prouver que vous savez lire.

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, il se trouve que j'ai lu littéralement certains passages jusqu'à présent. Je serai sûrement ouvert à des amendements plus tard, mais il me semble prématuré de présenter des amendements avant même d'avoir connaissance de la motion.

    Puisque nous en sommes au débat sur la motion, j'aimerais procéder dans l'ordre que j'ai indiqué. Au début de mon intervention, j'ai informé le comité que j'avais l'intention de passer en revue la motion. Ensuite, j'aimerais présenter certains des arguments à l'appui des clauses de la motion, qui sont extraites du rapport de l'Assemblée des Premières nations. Ensuite, peut-être, il y a une nouvelle péripétie qui va, je l'espère, émouvoir particulièrement mes collègues, à savoir que l'Association du barreau canadien appuie ce concept. Il importe que nous ayons l'occasion, dans le contexte de cette présentation... Ma présentation ne serait pas complète si je n'avais pas la possibilité d'esquisser, à tout le moins, ce que l'Association du barreau canadien qualifie si justement de « prochaine étape logique ».

    Ce que nous pouvons tous admettre, c'est qu'il n'y a aucune raison ou logique dans le système d'indemnisation actuel des survivants des pensionnats, car la part largement prépondérante de l'argent va aux avocats et à l'administration des programmes, et non dans la poche des victimes.

    Il serait plus facile pour tous de placer cela dans un contexte ordonné si je présentais les choses aux membres du comité, et les versais au procès-verbal permanent, dans l'ordre que j'ai indiqué. Je pense qu'il n'est pas bon d'interrompre ce flot à ce stade. En examinant cela par morceaux disjoints, on rend un mauvais service au sujet d'ensemble.

    Il s'agit ici réellement de la suite du travail que nous avons entamé. Mais ce travail que nous avons commencé, nous l'avons laissé en plan, n'est-ce pas, madame la présidente. Je suis sûr que vous conviendrez tous que normalement, lorsque le comité étudie un sujet, cela débouche sur un rapport. Le rapport du comité n'est pas seulement un résumé de ce que nous avons entendu, mais contient aussi des conclusions qui se dégagent de ces témoignages, le tout présenté de manière ordonnée, avec peut-être une recommandation adressée au gouvernement. Il s'agit d'un rapport au Parlement : voici ce que nous avons entendu, et voici ce que nous, les membres du comité, en pensons. C'est là mon objectif ici.

    Pour rendre justice au sujet, et pouvoir soumettre un rapport complet au Parlement, il importe que notre comité fasse un examen serré de tout ce que nous avons entendu. C'est pourquoi, dans ma présentation, je vous renvoie au rapport de l'Assemblée des Premières nations, au rapport de l'Association du barreau canadien et aussi au rapport du National Consortium of Residential School Survivors Counsel.

    Un consortium a été formé, regroupant les conseillers juridiques qui représentent les survivants des pensionnats des diverses provinces. Ces avocats se sont groupés. Ils se rencontrent régulièrement et formulent des recommandations dont vous verrez qu'elles sont parallèles aux éléments clés de la motion que je dépose aujourd'hui.

    Donc, afin que je puisse développer correctement mon argumentation, il ne serait pas équitable de me demander, premièrement, d'arrêter de lire ou, deuxièmement, de commencer à présenter des amendements avant même d'avoir entendu ce que je vais vous dire aujourd'hui. Je pense que vous serez très surpris d'entendre certains des faits et chiffres lorsque je vous ferai part des détails du rapport du National Consortium for Residential School Survivors Counsel, c'est-à-dire des avocats.

    Nous avons eu des informations récentes, remontant au 2 et 3 février, qui résument l'expérience réelle jusqu'à présent. Je ne parle pas là de renseignements anecdotiques, ni de témoignages émotionnellement chargés. J'aborde plutôt le programme lui-même avec un esprit analytique—l'esprit d'un vérificateur comptable, pour tout dire—pour voir ce qui a été dépensé jusqu'à présent. La question que nous devons nous poser ensuite, comme élus, c'est de savoir si cet argent est bien dépensé, si le public canadien en retire une bonne contrepartie. Ma présentation serait même incomplète si nous ne passions pas en revue les avis de l'Association des avocats qui défendent les survivants des pensionnats indiens.

  +-(1200)  

    Je ne vais pas vous faire lecture de certains des témoignages que nous avons entendus et qui figurent déjà dans le procès-verbal permanent de ce comité. J'y ferai simplement référence lorsque j'arriverai à un point de l'un des autres documents qui méritent vérification et confirmation de la part de survivants ou de témoins experts. Je pense qu'il est utile pour nous de pouvoir tirer ce parallèle. C'est presque comme un travail de vérification de concordance. En quoi les témoignages que nous avons entendus et les rapports nationaux qui ont été rédigés sur la question se recoupent-ils et se conjuguent-ils pour rendre encore plus convaincants les arguments présentés? Voilà ce que nous cherchons à établir. Je suppose que dans ce débat, mon rôle est de vous convaincre que ces éléments de ma motion sont justifiés et ne sont pas quelque chose qui m'est venu à l'esprit sous la douche, madame la présidente. Au contraire, c'est là le fruit de mois et de mois et de mois de recherches et d'analyses attentives.

    Je peux vous expliquer de nouveau, pour situer le contexte, que ce document officiel de l'Assemblée des Premières nations a été présenté au ministre il y a trois mois. La raison pour laquelle nous en avons parlé et pour laquelle le Parti conservateur a choisi d'en faire son sujet pour le débat du 21 février était précisément parce que c'était l'anniversaire des trois mois; c'était la date limite pour la réponse du gouvernement à ce rapport. Croyez-moi, les dirigeants des Premières nations à travers le pays se sont sentis insultés. Ils étaient abasourdis par l'absence de toute réponse à leur rapport.

    Lorsque nous passerons en revue ce rapport, vous verrez quel processus l'Assemblée a suivi à l'échelle nationale pour dégager ces recommandations. Ils ont pris un programme gouvernemental failli, se sont adressés au gouvernement pour montrer que les victimes des pensionnats ne sont pas indemnisées et que le programme est un échec catastrophique. Ils ont lancé un programme de consultation à l'échelle nationale des autorités et experts de tout le pays pour arriver à ce rapport. Ils l'ont présenté avec beaucoup d'espoir et d'optimisme au ministre, en lui laissant trois mois, un délai généreux—plus long que ce que nous accordons au gouvernement lorsque nous déposons un rapport.

    Lorsque nous déposons un rapport, nous exigeons une réponse du gouvernement dans les 45 jours. Eux, ils ont accordé trois mois. Ils n'ont eu aucune réponse. Au bout de deux mois et 28 jours, ils se sont adressés aux membres du comité en disant : « Nous avons fait de notre mieux pour dialoguer avec le gouvernement sur ce problème et le fait que nous n'ayons aucune réponse, que le ministre cherche même à défendre l'indéfendable est un camouflet ».

    Voilà donc pourquoi le Parti conservateur, c'est à son crédit, a choisi d'amener ce rapport et ce sujet au comité. C'est un prolongement de cet activisme, madame la présidente.

  +-(1205)  

+-

    L'hon. Sue Barnes: Rappel au Règlement, madame la présidente.

    Le député d'en face vient de dire qu'il n'y a pas eu d'intervention. Or, ici même, et le ministre et le témoin représentant l'APN ont indiqué que ce rapport est en cours d'examen. Je le sais, parce que j'étais là à cette réunion et que j'ai posé ces questions et reçu ces réponses des deux camps. Le compte rendu de cette réunion indique bien que le rapport fait l'objet d'un examen actif à ce stade.

+-

    M. Pat Martin: Je vous demande de déterminer s'il s'agit là un rappel au Règlement légitime ou plutôt d'une intervention dans le débat. S'il s'agit d'une intervention dans le débat, alors la secrétaire parlementaire aura toute occasion de s'exprimer. Madame la présidente, je vous demande de décider s'il s'agit d'un rappel au Règlement ou non, et sinon, je vous demande d'inviter les membres à ne pas m'interrompre à moins d'avoir un rappel au Règlement légitime.

+-

    La présidente: Ce n'est pas un rappel au Règlement.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    Je demande dans ce cas que l'intervention soit rayée du compte rendu. Elle n'a pas sa place dans le compte rendu permanent.

    Cela dit, j'aimerais en revenir à la motion dont nous débattons aujourd'hui, qui est en fait la substance des recommandations que vous trouverez dans le rapport de l'Assemblée des Premières nations.

    J'aimerais expliquer—et je pense l'avoir placée en contexte—la frustration ressentie par les architectes de ce rapport qui ont vu ce délai de trois mois expirer sans que le gouvernement ait la courtoisie de réagir, sans réponse formelle et certainement sans acceptation du rapport. Car la réalité, et les archives historiques le confirmeront, c'est que lorsque la ministre a comparu devant le comité elle a indiqué, ou du moins les personnes qui ont rédigé son discours ont déclaré que le programme actuel de règlement des litiges fonctionne bien et qu'il suffit simplement de plus de temps.

    Je pense que le comité devrait à l'unanimité rejeter cette position et j'espère que lorsque nous rédigerons un rapport final, nous prendrons soin d'écrire que, de l'avis de ce comité, le ministre a tort lorsqu'il affirme que le mécanisme de règlement des litiges fonctionne bien. Au contraire—je vais employer des termes forts et vous voudrez peut-être les atténuer dans le rapport final—c'est un échec catastrophique; c'est un désastre. C'est un gaspillage d'argent du même ordre que le registre des armes à feu.

    Madame la présidente, pour dessiner le contexte de la motion dont nous débattons aujourd'hui, à la toute première ligne on lit :

Pour que tous les torts soient réparés, nous recommandons l'attribution d'un montant forfaitaire à toute personne ayant fréquenté un pensionnat indien, peu importe si elle a été victime de sévices sexuels, corporels ou émotionnels graves.

    Voilà l'élément numéro un de la motion que je présente aujourd'hui. Les arguments en sa faveur sont profonds et ils sont complexes. Les arguments sont émotionnels. Les arguments pour cet article numéro un vous briseraient le coeur si vous y réfléchissiez, madame la présidente. Pour ma part, je n'oublierai jamais les témoignages que nous avons entendus et je vais vous faire part de ce qui s'est passé au Manitoba récemment.

    Une dame très âgée de Portage la Prairie témoignait dans le cadre de la partie B du mécanisme extrajudiciaire de règlement des conflits. Autrement dit, sa réclamation peut donner lieu à une indemnité maximale de 3 500 $. Elle était en train de témoigner au tribunal qui déciderait de son admissibilité à indemnisation lorsqu'elle s'est effondrée. Elle a été transportée d'urgence à l'hôpital et je crois qu'elle s'y trouve toujours.

    Les journaux de Winnipeg ont relaté ce fait divers. Certes, il peut y avoir une maladie préexistante ayant causé l'effondrement de cette personne âgée. Mais les membres de sa famille, dans le journal, disent que c'est dû au fait d'avoir revécu les événements du pensionnat, sa victimisation, qui ont causé cette tension et ce stress. Ce stress psychologique s'est manifesté par une défaillance physique. Et voilà ce que nous faisons à des personnes âgées de 80 et 90 ans, chaque jour, d'un bout à l'autre du pays.

    Rien qu'au Manitoba, 25 avocats travaillent à temps plein pour le ministère de la Justice pour contester ces réclamations et forcer les victimes à revivre les sévices, et ce dans les circonstances les plus difficiles, les plus confrontationnelles. Je sais que le ministre et certains témoins ici ont prétendu que tout le processus a été conçu de manière à ne pas être confrontationnel, à être convivial, compassionnel et agréable pour les victimes. Mais en réalité—et cela a été présenté en témoignage—le questionnaire de 40 pages qu'il faut remplir pour une réclamation de catégorie B, avec un plafond de 3 500 $, 40 pages de détails minutieux sur ce qui vous est arrivé, où cela vous est arrivé, où vous avez été touché, combien de fois vous avez été touché, par qui vous avez été touché...

  +-(1210)  

Notre système judiciaire n'est pas tendre avec les victimes d'agression sexuelle. Là, c'est encore pire. Ce processus cause un stress excessif aux gens.

    La recommandation numéro un est simplement qu'une somme forfaire soit versée à tout le monde. J'aimerais pouvoir leur dire—j'aimerais que notre comité puisse leur dire—que l'on ne va plus les obliger à prouver qu'ils ont été victimes de sévices. Dès lors qu'une personne se déclare victime de sévices, on admet qu'elle a été victime de sévices. L'argent a déjà été réservé pour cela. Il est là, à attendre. Il devrait aller aux mains de ceux qui ont subi les sévices.

    Madame la présidente, il y a une autre dimension à cela. Cet argent est dépensé. Le pot s'amenuise, et l'argent va dans la poche des avocats et des bureaucrates au lieu d'aller aux victimes elles-mêmes. Je fais valoir ceci très clairement : dans mon esprit, même si les victimes ne pouvait jamais prouver de violence physique ou sexuelle, même si en réalité il n'y a jamais eu de sévices physiques ou sexuels au sens des définitions très strictes du système actuel, le fait d'avoir été arraché au foyer familial dix années de suite sans même être autorisé à rentrer pour Noël ou Pâques—deux mois l'été étaient les seuls congés autorisés—d'être arraché à son foyer familial et d'être privé de sa culture, de sa langue et de l'amour de ses parents dix années de suite, cela en soi mérite indemnisation, bonté divine! Les violences physiques et sexuelles ne font qu'amplifier la victimisation. Voilà la logique derrière cette idée d'un montant forfaitaire.

    Je vous ai dit que je pourrais parler chiffres avec vous, et je vais le faire. Le montant envisagé par victime est une somme forfaitaire de 10 000 $ par personne, plus 3 000 $ pour chaque année de pensionnat. La victime moyenne toucherait donc 15 000 $, 20 000 $ ou 25 000 $, selon le nombre d'années passées dans cette école. Comparez cela au montant que nous dépensons à contester les réclamations.

    Dans le cas de Flora Merrick, sa réclamation a fait l'objet d'une première opposition. On a fait venir des gens par avion de tout le pays pour contester sa petite réclamation de 3 500 $. Ils ont dépensé 30 000 $ pour cela. Elle a gagné et obtenu 1 500 $ parce qu'ils pensaient que le fait de battre une fillette et de l'enfermer dans une pièce pendant deux semaines n'était pas suffisamment grave pour justifier plus, et le gouvernement a interjeté appel, au prix d'un autre 30 000 $. Le gouvernement a interjeté appel. Au lieu que cette femme de 88 ans touche sa miette de 1 500 $ et rentre chez elle avec au moins la satisfaction que son gouvernement a cru qu'elle a été victime, on va dépenser 30 000 $ de plus pour prouver que Flora Merrick est une menteuse. C'est absolument incroyable lorsqu'on y songe, madame la présidente.

    Je pense que la plupart des Canadiens qui ont entendu cette histoire seraient d'accord. C'est lamentable. Cela amplifie l'événement le plus tragique de l'histoire canadienne récente, et cela arrive chaque jour d'un bout à l'autre du pays, car il y a 200 avocats à plein temps du ministère de la Justice que l'on a dépêché aux quatre coins du pays pour dépenser l'argent nécessaire pour prouver que les victimes de sévices mentent. Pas moins d'un tiers de tout le ministère de la Justice—tout un tiers—est occupé en ce moment à essayer de prouver que les victimes d'abus sexuels mentent. Parfois, je ne peux même pas y penser, tellement cela me fâche.

    Le point deux de la liste dit ceci :

Pour que tous les pensionnaires soient indemnisés de manière juste et équitable pour les préjudices associés aux pensionnats indiens, nous recommandons que, en plus des blessures couvertes par le montant forfaitaire, les personnes concernées puissent demander réparation pour d'autres sévices corporels, sexuels et émotionnels graves, et les blessures personnelles qui en découlent.

    Cela laisse une fenêtre d'opportunité pour ceux qui peuvent établir des niveaux extrêmes de sévices physiques, sexuels ou psychologiques et donc demander une indemnisation supplémentaire, au-delà de l'indemnité forfaitaire. C'est ce que recommande également le rapport de l'Association du barreau canadien dont j'ai fait mention, et est renforcé de nouveau, pour encore plus de clarté, dans le document du National Consortium of Residential School Survivors' Counsel.

  +-(1215)  

    Ces deux éléments fondamentaux pourraient donc régler la question de l'indemnité financière. Ils ne retranchent rien à l'impératif d'excuses publiques officielles, afin que la guérison entre le gouvernement du Canada et les victimes survivantes puisse commencer. Tout le monde a besoin de guérir. Franchement, il n'y a pas que les victimes survivantes. Nombre d'entre nous, dans la population en général, ressentons le besoin de régler cette question une fois pour toute, de regarder les choses en face, de les nommer pour ce qu'elles sont, pour pouvoir passer à autre chose. Mais pour cela nous devons nous inspirer de ce qui se fait à l'étranger.

    Je mentionne brièvement ce qui se fait en Irlande, où il s'est produit une situation de mauvais traitements scandaleux similaires, mais sur une échelle beaucoup moins grande. Le gouvernement irlandais, à toutes fins pratiques, a enfermé des enfants dans ce que l'on appelait des « écoles professionnelles », mais qui équivalaient à des pensionnats Mount Cashel à grande échelle car il y a eu récemment la révélation de sévices physiques et sexuels systématiques infligés aux enfant irlandais.

    Une méthode d'indemnisation des victimes a été mise au point. Premièrement, le gouvernement de l'Irlande a admis qu'il s'était passé là quelque chose, que cette chose était catégoriquement et fondamentalement répréhensible, et que des enfants ont subi des violences physiques et sexuelles. Mais ils ont conçu une échelle d'indemnisation attribuant une certaine pondération à certains aspects, pour déterminer le montant de l'indemnité.

    Dans ce modèle, je le signale, 95 p. 100 des victimes ont accepté l'offre d'indemnisation en l'espace de cinq ans. C'était donc un programme quinquennal et 95 p. 100 des victimes ont accepté l'offre, car elle était juste. Pour que l'offre soit juste, le gouvernement irlandais a mis en place une barème de pondération où la gravité des actes de violence représentait jusqu'à 25 points de l'évaluation, et la gravité des conséquences était pondérée à 75 p. 100.

    Autrement dit, ils ont pris ces personnes qui avaient été cassées par leur vécu, et les ont indemnisées, 25 p. 100 du montant étant fondé sur ce qui leur a été fait—ont-ils été battus, ont-ils été molestés, etc.—mais 75 p. 100 étaient fonction des conséquences—les séquelles dont la personne souffre aujourd'hui du fait de ce qu'il lui est arrivé.

    Voilà ce qui manque dans la formule d'indemnisation que nous avons mise en place pour les victimes des pensionnats. Tout est axé sur ce qui vous est arrivé, et si vous ne pouvez pas prouver ce qui vous a été fait, vous ne touchez rien. Même si vous êtes un homme brisé, même si vous avez sombré dans l'abus de substances, le chômage et les crises émotionnelles pendant toute votre vie, les conséquences ne comptent pour rien. Seul compte ce qui vous est arrivé, et si vous ne pouvez le prouver, tans pis. Tant pis si c'était il y a 50 ans, tant pis si le prêtre qui vous a molesté est mort, tant pis s'il n'y avait pas de témoins parce que vous n'aviez que neuf ans et que cela se passait derrière des portes closes. C'est là l'injustice inhérente dans ce système et cette injustice existe alors même qu'il existait des modèles à l'étranger dont on aurait pu s'inspirer pour concevoir un meilleur système.

    Voilà ce que nous recommandons, madame la présidente, au point trois de ma motion :

Afin que l'indemnisation pour les sévices et leurs conséquences soit plus juste, nous recommandons de mesurer la gravité des conséquences, comme pour la démarche par laquelle le gouvernement de l'Irlande...

    Cette démarche présente un intérêt manifeste, madame la présidente. Lorsqu'on peut tirer les leçons de l'expérience pratique, que l'on a une preuve empirique venue de l'étranger, pourquoi ne pas le faire? Pourquoi ne pas s'en inspirer? Pourquoi vouloir réinventer la roue, surtout lorsqu'on voit que la roue que nous inventons est carrée? Elle est défectueuse, elle est fondamentalement dysfonctionnelle. Il nous incombe donc de nous inspirer de modèles qui marchent bien.

    Ma motion, inspirée directement du document de l'Assemblée des Premières nations, demande donc que nous reproduisions l'expérience irlandaise et peut-être bénéficiions de la même solution, du même remède qui a tant profité aux Irlandais et leur a permis de tourner la page.

  +-(1220)  

    Pour que tous les sévices et leurs conséquences soient pris en considération et évalués correctement, nous recommandons l'assouplissement et l'adaptation au contexte—notamment la race et le sexe—de la description des sévices corporels, sexuels et émotionnels et de leurs conséquences.

    Il y avait en effet une dimension culturelle dans les pensionnats. C'était tout une question de culture. Il s'agissait essentiellement d'extirper la culture. Ils étaient conçus pour assimiler les enfants indiens dans la culture dominante, qu'ils apprennent à nouer une cravate et ce genre de choses, et en tout cas ignorent la culture dans la laquelle ils sont nés. Cela m'a toujours frappé comme étant l'antithèse même du multiculturalisme tant professé par le Canada que de délibérément faire en sorte d'effacer une culture au fil d'un siècle.

    Prendre des mesures conscientes et délibérées pour éradiquer la culture indienne était en fait la politique officielle du gouvernement et l'instrument ou l'arme de choix, si vous voulez, c'était les pensionnats. Quelle contradiction éclatante avec tout ce que nous prétendons faire notre fierté, notre volonté de multiculturalisme. Vous leur arrachez leur culture et leur langue, vous les battez s'ils parlent leur langue, et ensuite vous donnez leur nom à un centre d'achat au bout de la rue. Ce serait drôle, si ce n'était pas si pathétiquement triste.

    Dans ce contexte, les sévices physiques et sexuels sont particulièrement poignants car, dans l'ensemble, la culture traditionnelle de la plupart des Premières nations est très pudique, sur le plan de la sexualité, et suit une approche très formelle. Je ne cherche pas à généraliser et ne prétend pas parler pour d'autres cultures, mais le contraste entre la formalité associée à la sexualité dans une culture traditionnelle et la perversion absolument tordue des prêtres catholiques pédophiles est tellement grand que la cruauté de ces actes est encore plus extrême.

    Ce n'était pas là des êtres équilibrés, ordinaires, qui supervisaient ces enfants. Ceux qui molestaient sexuellement ces enfants étaient des êtres tordus. C'était des malades qui vivaient dans l'isolement. C'était des gens qui n'avaient pas leur place dans la société courante et qui ont trouvé un lieu parfait pour se livrer à leur perversion sexuelle, en abusant des enfants dans les pensionnats pour Indiens, la Mount Carmel Clinic, Mount Cashel ou dans tous les établissements où se pratiquait ce genre de sévices.

    Donc, le premier contact de ces enfants avec la société blanche a été avec certains de nos représentants les plus dévoyés, auxquels ils étaient livrés dix années de suite. Voilà le contexte qui a été omis de la formule d'indemnisation : nous refusons de nommer ce qui s'est réellement passé là. Nous refusons de même prononcer les mots exprimant ce qui s'est réellement passé car nous avons honte. Nous avons confié ces enfants à des être malades. Nous avons continué à le faire génération après génération, même lorsque nous savions, même après 1904 où nous avions des documents faisant état de sévices généralisés et répétés.

    Chaque fois que des gens ordinaires tombaient là-dessus et allaient inspecter certains de ces pensionnats, ils en revenaient avec des rapports horrifiants. Ces rapports étaient répertoriés et archivés, mais rien ne changeait. Je pense que nous avons accepté, en tant que société, le caractère horrible de ces événements ainsi que notre culpabilité et notre responsabilité. C'est pourquoi nous avons affecté la somme de 1,7 milliard de dollars à l'indemnisation de ces victimes, pour au moins leur verser une compensation financière aux personnes qui ont souffert afin qu'elles puissent reconstruire leur vie.

    Mais nous tous ici qui avons entendu les témoignages avons pu nous faire une petite idée, à partir de seulement trois ou quatre témoins, de la difficulté qu'il y a à reconstruire sa vie lorsqu'on a été sexuellement exploité enfant, ou subi autant de violence psychique et physique. Ce n'est pas comme s'il suffisait d'encaisser 20 000 $ pour reconstruire sa vie.

  +-(1225)  

    Madame la présidence, cela m'amène à ce qui est peut-être l'aspect primordial de la proposition que je présente, le volet vérité et réconciliation. Le fait de pouvoir raconter son histoire dans une atmosphère de compréhension, exempte de jugement, dans un cadre dont vous savez qu'il a été créé pour votre bien—non pas créé pour convaincre le monde que vous mentez. Cela est très bénéfique.

    Encore une fois, si l'on peut emprunter à l'expérience d'autres pays et aux modèles réussis, par quel autre moyen l'Afrique du Sud a-t-elle surmonté les horreurs du régime de l'apartheid? Nelson Mandela et Desmond Tutu avaient un choix lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir : ils pouvaient se venger sur les coupables de ces crimes horribles commis au fil des décennies, ou bien ils pouvaient chercher à guérir et tourner la page. Ils ont fait le bon choix et ont été une inspiration pour le monde entier. Mais à la base de ce choix d'une résolution pacifique et d'un point final aux atrocités de l'apartheid a été le modèle vérité et réconciliation. C'était nouveau et audacieux : c'était une guérison véritable. C'était également émotionnellement épuisant et c'était embarrassant pour les personnes impliquées. Mais graduellement, au fur et à mesure du déroulement du processus, on ne voyait pas seulement les victimes se présenter pour expliquer ce qui leur est arrivé, pour que le monde sache ce qui leur est arrivé, mais aussi les agresseurs venaient chercher une paix spirituelle. Lorsque la folie s'est arrivée et que l'apartheid a pris fin, il fallait panser les plaies de part et d'autre.

    Eh bien, je vous le dis, madame la présidente, la même dynamique existe ici aujourd'hui, en ce sens que nous devons faire un travail similaire avant de pouvoir être de nouveau entiers, avant que la relation entre le gouvernement du Canada et les Premières nations puisse effectivement devenir comme le fameux Wampum à deux rangées, représentant deux canots pagayant dans la même direction en parallèle, côte à côte. Avant que cela puisse advenir, il faut prendre un peu de recul et regarder ce dragon en face. C'est peut-être pourquoi la chose la plus poignante est...

    Je veux rendre hommage ici à Phil Fontaine, le chef national de l'Assemblée des Premières nations et à la direction de cette dernière. Ce qu'ils ont suggéré ici n'est pas axé sur la vengeance, n'est même pas axé sur l'idée qu'il faut faire payer les responsables de ce que l'on nous a fait, mais vise la guérison de part et d'autre. Je ne parle qu'en mon nom ici, mais je pense que si l'on demandait aux auteurs de ce document quel en est l'élément le plus important, sans leur placer de mots dans la bouche, je vous parie tout ce que vous voudrez qu'ils répondraient : « Les excuses du premier ministre et le mécanisme de vérité et de réconciliation sont les éléments essentiels et primordiaux ». Ce sont là les volets indispensables du document produit par l'Assemblée des Premières nations et que vous voyez reproduit dans la motion que je soumets au comité aujourd'hui.

    C'est grand. C'est le genre de choses qui forge le caractère, le genre de choses qui exige un grand courage. Lorsque je songe à la réparation, je sais que l'indemnité financière ne va pas réellement reconstruire de vie. Pas une seule personne ne va être sauvée par les 10 000 $ ou 15 000 $ ou 20 000 $ d'indemnité qui pourraient être versés. Ce qui va entamer le processus de reconstruction, c'est ce modèle de vérité réconciliation qu'ils envisagent, conçu comme une version simplifiée de ce qui a été fait en Afrique du Sud. Mais imaginez donc, les principales églises, l'Église anglicane, l'Église catholique, l'Église unie, appuient pleinement cette idée, je le signale, madame la présidente—si je ne l'ai pas déjà signalé. La mise au rebut du modèle d'indemnisation actuel, et la réintroduction d'un autre mécanisme sans jugement, avec une indemnité forfaitaire et généralisée et sans la procédure judiciaire contradictoire que doit suivre chaque réclamation individuelle, est promue et saluée par les principales églises. Elles aussi aimeraient être les bénéficiaires de ce comité de vérité et de réconciliation.

  +-(1230)  

    Je connais beaucoup de bonnes personnes et elles ont du mal à croire que tout cela s'est passé sous leur nez, sous leurs auspices, sous leur gouverne, et que souvent des gens mauvais se sont frayés un chemin dans leur organisation et s'en sont pris aux jeunes de manière systématique et systémique. Quelqu'un aurait dû s'en apercevoir, quelqu'un aurait dû y mettre un terme. Comme je l'ai dit, des bonnes personnes, des non-Autochtones, bénéficieraient de la possibilité d'apparaître et de parler de cela, toujours dans un cadre dénué de jugement et serein.

    Le gouvernement du Canada est embarrassé à juste titre, et nous, les Canadiens, baissons la tête de honte devant ce qui s'est passé au cours de cet épisode tragique des pensionnats. Si nous voulons guérir, si nous voulons surmonter cela, c'est une démarche nécessaire. Nous pouvons aller chercher des modèles de commission vérité et réconciliation, mais ils sont décrits assez clairement dans les recommandations de l'Assemblée des Premières nations et dans la motion que vous avez sous les yeux.

    Sans faire la lecture article par article—car je sais que cela déplaît à mon collègue—je renvoie les membres à l'article 24. Ce serait peut-être une façon de structurer ce que nous cherchons à réaliser : « Nous recommandons de renommer la quittance ‘Accord en vue d'une réconciliation’ ».

    Je parle là de la décharge qu'il faut signer pour être indemnisé :

Aux fins de la réconciliation et de la reconnaissance des préjudices que subissent les pensionnaires et leurs familles, nous recommandons de prévoir à l'Accord en vue d'une réconciliation un engagement de la part du gouvernement du Canada à reconnaître et à examiner les besoins continus des anciens élèves et de leurs collectivités, par suite des préjudices que leur ont causé les pensionnats indiens.

    De fait, madame la présidente, vous remarquerez que cet article parle des effets intergénérationnels des pensionnats et moins des aspects techniques du mécanisme de partage de la vérité envisagé par cet amendement. Il faut lire plus loin, les articles 30, 31 et 32, qui préconisent le maintien de la Fondation autochtone de guérison, avec un mandat renouvelé et un encadrement plus serré, qui abriterait le programme vérité et réconciliation.

    Ce dont j'aimerais parler, au sujet de l'article 24, c'est l'effet intergénérationnel. Je représente le centre-ville de Winnipeg, madame la présidente, comme vous le savez bien. Six mille des habitants de ce quartier s'auto-identifient comme Autochtones. C'est une population aussi grosse que dix réserves quelconques du Manitoba.

    Chaque jour je constate l'effet intergénérationnel de l'interruption des aptitudes parentales naturelles de communication sur les familles. Et encore une fois, collègues, ne voyez dans ce propos aucune critique culturelle ni même d'emprunt culturel. Je sais que je ne suis pas autochtone, et je dis cela avec déférence pour toutes les personnes touchées. Il est généralement admis que les enfants arrachés à leur foyer pendant la période formative de leur vie peuvent ne jamais apprendre à être des parents, car eux-mêmes n'en ont jamais eu. Le processus a été interrompu, entravé.

    La transmission naturelle des compétences parentales a été refusée à ces personnes car, bien souvent, elles ont été élevées par des gens inadaptés qui ne géraient pas une famille, ils géraient un établissement. La chaleur, la compréhension, le soin, la présence parentale, leur ont été refusés. Encore une fois, à mon avis, rien que cela mérite indemnisation.

  +-(1235)  

    Il en existe une illustration graphique, et j'invite n'importe lequel d'entre vous à m'accompagner n'importe quel jour dans certains des quartiers pauvres de ma circonscription de Winnipeg centre. Le visage de la pauvreté dans Winnipeg centre est indien. L'une des raisons admises en est que les gens ont eu du mal à reprendre pied et à fonder des familles solides parce que les parents de ces familles sont cassés. Ce sont des personnes psychiquement cassées, qui portent les cicatrices de leur vécu dans les pensionnats. Nous voyons les manifestations de toute la maladie et de tous les maux qui leur ont été imposés dans leurs années précoces. Cela se traduit par des familles brisées dans maintes poches de pauvreté, que ce soit chez la population des réserves ou d'en dehors des réserves.

    Cela, en soi, a un effet profond, un effet socio-économique. Si quiconque se demande pourquoi nous avons au Canada cette sous-classe permanente d'Autochtones, ne cherchez pas plus loin. Ce n'est pas bien sorcier. N'importe quel étudiant en sociologie de première année pourrait vous expliquer le lien inexorable. Il faut reconnaître le lien entre l'absence d'une éducation normale, que l'on appartienne à une culture autochtone traditionnelle ou à un foyer judéo-chrétien comme celui où l'ai grandi... Si l'on vous arrache de là pour vous fourrer dans un pensionnat pendant 10 de vos 16 années formatives, vous en sortirez sans les attributs essentiels que vous auraient transmis vos parents.

    Donc, lorsque je demande à mes collègues d'aujourd'hui d'accepter ces principes et ces motions, il s'agit de bien assurer que ce que nous avons entendu dans le contexte de...

+-

    La présidente: Monsieur Harrison.

+-

    M. Jeremy Harrison (Desnethé—Missinippi—Rivière Churchill, PCC): Je fais un rappel au Règlement. Nous avons déjà parlé de laisser partir les témoins. Je sais qu'ils ont écouté très attentivement, mais peut-être vaudrait-il mieux leur demander de partir ou leur demander s'ils veulent partir si nous les libérons.

+-

    La présidente: La suggestion avait été faite, mais hormis le fait qu'ils sont à l'ordre du jour, dans l'intérêt du temps... Je ne pense pas qu'il nous reste suffisamment de temps à leur accorder, et donc si tous les membres sont d'accord, je propose que...

+-

    M. Jim Prentice: Si vous le permettez, j'interviendrai sur ce rappel au Règlement, madame la présidente.

    Je ne pense pas que nous puissions régler cela officiellement. Je ne sais pas s'il est approprié que vous parliez officieusement avec les témoins, mais si vous pensez que...

    Je sais que nous ne pouvons officiellement régler cela car M. Martin a la parole, bien entendu. Je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour savoir s'il est possible ou non de faire ce genre de choses. Si l'on est au milieu de quelque chose lorsqu'un parlementaire a la parole, est-il possible que la présidence donne une instruction officieuse à quelqu'un d'extérieur à la structure du comité? Je ne sais pas.

+-

    La présidente: On m'informe que je pourrais prendre la décision officieuse de laisser partir les témoins.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Puis-je demander quand les témoins reviendront?

+-

    La présidente: Tout ce que je puis dire, à ce stade, c'est qu'il faudra reporter leur comparution à la prochaine séance.

  +-(1240)  

+-

    L'hon. Sue Barnes: Nous commencerons donc notre étude à la prochaine séance?

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, je pense que nous sortons là du cadre d'un rappel au Règlement, mon discours a été interrompu par un rappel au Règlement, mais ceci se transforme en réunion du comité de planification.

+-

    L'hon. Sue Barnes: Vous avez eu votre comité de planification. Il avait planifié de traiter aujourd'hui des biens immobiliers matrimoniaux.

+-

    La présidente: Monsieur Martin, comme je l'ai dit, j'espère beaucoup que le bon sens prévaudra dans nos réunions de comité. Nous sommes tous autour de la table des gens intelligents. Vous savez que tout le monde comprendra votre motion dans un délai raisonnable, et je demande donc aux autres membres et aux témoins de faire preuve de bon sens et de courtoisie.

    Il nous reste 18 minutes sur l'horaire prévu, et je vous invite donc à transmettre votre message afin que nous puissions donner la parole aux autres membres qui ont demandé à intervenir sur la motion. C'est tout ce que je puis faire, vous inviter à faire preuve de courtoisie envers les autres membres pendant que vous débattez de votre motion.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Pat Martin: Merci, madame la présidente. Je comprends.

    Je sais également que les règles que nous avons adoptées au moment de la création de ce comité ne fixaient aucune limite de temps aux interventions. Il n'y a pas de clôture dans ce comité.

    J'essaie de présenter et d'expliquer une motion étoffée comportant 32 recommandations. Jusqu'à présent, j'ai esquissé la structure que je suis dans cette présentation, car je pensais que ce serait utile pour les membres du comité, puis j'ai essayé de classer les thèmes que j'aborderai en trois catégories. Chacune de ces catégories comporte un nombre donné de recommandations, tout cela dans le corps du texte de la motion, et il m'est difficile d'expédier tout cela à la hâte tout en rendant justice à une question d'importance nationale comme celle-ci, une question d'envergure nationale.

    Madame la présidente, le monde nous regarde. Nous parlons là de l'épisode le plus honteux de l'histoire du Canada, et c'est mal servir cette cause en ne lui consacrant que deux ou trois jours avant notre congé. Ce serait rendre un mauvais service que de ne pas examiner soigneusement tout ce que nous avons entendu pour rédiger un rapport exhaustif à déposer à la Chambre des communes. Je veux que ce rapport dise, avant tout, et d'une manière ne laissant place à aucune équivoque, que nous ne voulons plus qu'un seul sou soit dépensé pour traiter les victimes de menteurs, que nous voulons que les fonds d'indemnisation mis de côté aillent dans la poche des victimes afin qu'elles puissent commencer à reconstruire leur vie, et que nous voulons une indemnisation forfaitaire et généralisée des victimes. Je vous demande de m'autoriser à m'exprimer sur l'idée d'une indemnité forfaitaire pour chaque victime.

    L'admissibilité serait fondée sur la preuve de la fréquentation d'un pensionnat. C'est tout ce que l'on a besoin de savoir. C'est toute la vérification dont le ministre a besoin. Le ministre a passé la plus grande partie de son temps ici à dire qu'il faut vérifier les faits, qu'il faut pouvoir vérifier la réalité des sévices. Mais ne regardez pas les sévices. Considérez plutôt les séquelles des sévices. Ne demandez pas combien de fois une personne a été battue ni quelle était la taille du bâton. Peu importe l'épaisseur de la canne avec laquelle on vous a frappé; ce qui nous importe, ce sont les ecchymoses. Ce qui nous importe, ce sont les séquelles psychiques. C'est ainsi que l'on mesure l'indemnité.

    Je répéterais simplement que ce que je vous présente aujourd'hui est complexe. C'est douloureux. Cela mérite une analyse serrée. Cela ne peut être expédié à la hâte, car si tout va bien, si tout se déroule selon mon plan, nous allons présenter cette suggestion à la Chambre des communes et tenir un vote sur la mise au rebut du mécanisme actuel d'indemnisation des victimes des pensionnats et la mise en place d'un système juste, humain, rapide, dont nous puissions être fiers au lieu d'en avoir honte. Ce n'est pas là le genre de choses que l'on peut expédier en une seule séance.

    J'ai fini de présenter ma motion, mais je n'ai pas encore commencé à la défendre. Je n'ai pas encore commencé à passer en revue les divers éléments des arguments de l'Assemblée des Premières nations. Je n'ai pas commencé à vous expliquer les complexités du rapport de l'Association du barreau canadien, l'étape logique suivante que les avocats de tout le pays... Même les avocats qui gagnent une fortune avec ce mécanisme le dénoncent. Ils disent que cela suffit. C'est à son crédit, l'Association du barreau canadien dit « Arrêtez de payer les avocats. Arrêtez de remplir les poches des avocats. Donnez plutôt l'argent aux victimes ».

    Lorsque j'explique les thèmes que je vais traiter, ce n'est pas pour ennuyer mes collègues d'en face, c'est simplement pour souligner l'importance de la question et réaffirmer que la Chambre des communes devrait en être saisie. C'est une question qui mérite l'attention du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du grand nord de la Chambre des communes, par-dessus toutes les autres, à mon avis.

    Encore une fois, je rends hommage à mes collègues du Parti conservateur pour en avoir fait un sujet de débat dans ce comité, car autrement dix années de plus se seraient passées avant que l'on en parle. Les cris devant la porte, les battements de tambour et les slogans à l'extérieur de la Chambre des communes, toutes ces manifestations des Autochtones réclamant justice, ont été ignorées.

  +-(1245)  

    Je ne parle pas au sens figuré, mais au sens littéral, car ce rapport a été ignoré, avec un délai de trois mois qui avait été fixé de bonne foi et sans rancoeur, et une proposition de règlement, qui a été juste et rapide a été ignorée. Les trois mois sont passés, et c'est pourquoi le sujet est maintenant porté devant le comité.

    Donc, lorsque je vous demande une quantité de temps suffisante, je répète que j'ai la parole et que j'ai l'intention de la garder jusqu'à ce que j'aie présenté tous les arguments que je peux formuler. Et j'espère que je convainc petit à petit mes collègues d'adopter cette motion à l'unanimité afin que nous puissions tous présenter fièrement un rapport de ce comité qui contienne des recommandations précises. Mais surtout, ce serait un rapport—je vous le rappelle, madame la présidente—sur lequel nous pourrions demander l'approbation de la Chambre des communes, ce qui déclencherait un débat à la Chambre des communes, ce qui déclencherait un vote à la Chambre des communes sur cette question même. Cela obligerait les députés à se lever et à dire oui, qu'ils sont pour le système actuel qui distribue des centaines de millions de dollars aux avocats et aux bureaucrates, ou bien qu'ils sont en faveur d'un système d'indemnisation équitable et juste, où l'argent va effectivement dans la poche des victimes de sévices. Ce serait là le choix que pourraient faire les députés. Je serais très intéressé à voir et à compter les têtes de ceux qui se lèvent de part et d'autre dans ce débat et de l'expliquer au grand public.

    Je n'exagérais pas lorsque j'ai dit que cela devient un gaspillage d'argent de proportion épique. Nous parlons là du prochain registre des armes à feu tant l'on jette d'argent par les fenêtres sans remplir les objectifs assignés au programme.

    Je siège à deux comités, madame la présidente, le Comité des opérations gouvernementales et le Comité des affaires autochtones. Mon but, ou ma tâche, au Comité des opérations gouvernementales, est d'évaluer si les Canadiens obtiennent la juste contrepartie de l'argent dépensé pour les programmes gouvernementaux. Je peux vous dire...

+-

    M. Jim Prentice: Rappel au Règlement, madame la présidente, j'ai besoin de savoir comment les choses fonctionnent.

    M. Martin introduit sa motion à ce stade et intervient sur sa motion et il a la parole pour cela. Je suppose que les choses continuent ainsi tant qu'il a la parole. Est-ce exact?

+-

    La présidente: Oui, car nous n'avons pas fixé de limite de temps aux interventions, et nous avons encore quelques autres personnes sur la liste souhaitant intervenir.

+-

    M. Jim Prentice: Dois-je comprendre que nous allons ensuite avoir un débat sur la motion?

+-

    La présidente: Il a commencé le débat, et si d'autres veulent la parole, ils interviennent sur la motion, et nous aurons ensuite des observations de clôture sur la motion.

+-

    M. Jim Prentice: Je vois, mais il a toujours la parole au stade de l'introduction de la motion et il n'a même pas encore commencé le débat.

+-

    M. Jeremy Harrison: Rappel au Règlement, madame la présidente. Avez-vous déjà dressé une liste d'intervenants?

+-

    La présidente: Oui, j'en ai une.

+-

    M. Jeremy Harrison: Quel est l'ordre?

+-

    La présidente: J'ai M. Valley et M. Harrison qui ont levé la main pour intervenir sur la motion.

    Monsieur Martin.

  -(1250)  

+-

    M. Pat Martin: Madame la présidente, l'échange est-il terminé? Ai-je la parole?

+-

    La présidente: Vous avez la parole.

+-

    M. Pat Martin: Dans ce cas, je présente une motion d'ajournement.

+-

    La présidente: Le député propose l'ajournement de la réunion.

    (La motion est adoptée.)

-

    La présidente: La séance est levée.