Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

INTRODUCTION

Au début de l’actuelle session parlementaire, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes a décidé que l’étude de la législation sur la citoyenneté serait sa priorité. En novembre 2004, en réponse à la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de l’époque, Judy Sgro, le Comité a déposé un rapport intitulé Actualiser la Loi sur la citoyenneté du Canada : Questions à traiter, dans lequel il a cerné les questions qu’il jugeait les plus pressantes et résumé les témoignages présentés lors de précédentes études de projets de loi sur la citoyenneté effectuées au cours de la 36e et de la 37e législatures.

Dans une lettre en date de février 2005, le nouveau ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Joseph Volpe, a demandé au Comité de répondre à six questions précises :

1.     La nouvelle législation sur la citoyenneté doit-elle comporter un préambule énonçant clairement les droits et les responsabilités rattachés à la citoyenneté? La législation sur la citoyenneté est peut-être l’instrument le plus concret pour donner expression à notre compréhension collective de la citoyenneté, pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Est-ce qu’un préambule est le meilleur moyen d’exprimer cette réalité?

2.     La législation doit-elle limiter les façons d’acquérir la citoyenneté à la naissance? En vertu de la législation sur la citoyenneté, il existe deux façons d’acquérir la citoyenneté à la naissance : naissance en sol canadien (droit du sol) ou filiation (droit du sang). Le Canada doit-il examiner et éventuellement réévaluer la façon dont il attribue la citoyenneté à la naissance en tenant compte des valeurs canadiennes et du contexte mondial actuel?

3.     Quels sont les critères qui doivent être pris en compte pour attribuer la citoyenneté aux nouveaux arrivants au Canada? Les exigences relatives à la naturalisation sont en voie de devenir la norme que les nouveaux arrivants doivent respecter pour devenir des membres à part entière de la société canadienne. Ces exigences doivent donc refléter avec justesse les valeurs que les Canadiens et les Canadiennes associent à leur citoyenneté. Que devons-nous exiger de la part des personnes qui souhaitent acquérir la citoyenneté canadienne?

4.     Quelles sont les raisons appropriées qui peuvent être invoquées pour retirer la citoyenneté et quel est le processus le plus approprié à suivre? Présentement, au Canada, la seule raison qui peut être invoquée pour retirer la citoyenneté d’une personne est si cette dernière a fait une fausse déclaration sur des faits importants pour l’obtenir. Le comportement d’une personne après qu’elle est devenue citoyenne n’a aucune conséquence sur sa citoyenneté même si son comportement est hautement répréhensible (p. ex. meurtre ou terrorisme). Le Canada doit-il envisager d’introduire d’autres motifs de révocation? Aux termes de la législation actuelle, il n’existe qu’un seul moyen pour retirer la citoyenneté des personnes qui ont fait de fausses déclarations dans le but d’acquérir la citoyenneté canadienne, soit la révocation. Le fait d’avoir une méthode pour retirer la citoyenneté est une façon claire de traiter les cas de fraude en matière d’obtention de la citoyenneté et de s’assurer que toutes les personnes susceptibles de perdre leur citoyenneté sont soumises au même processus. Par contre, le manque de souplesse peut également limiter la capacité du gouvernement de traiter les cas de fraude comportant des activités plus graves ou des faits plus évidents. Compte tenu des diverses circonstances, quels sont les meilleurs processus pour retirer la citoyenneté? Est-ce que la citoyenneté doit être retirée par l’entremise du seul processus de révocation ou est-ce qu’un processus plus simple, comme l’annulation, doit être envisagé pour les erreurs factuelles objectives?

5.     Quel est le texte le plus approprié pour un nouveau serment de citoyenneté? Dans la Loi actuelle, les nouveaux citoyens prêtent serment ou affirment leur allégeance à Sa Majesté la Reine, ses héritiers et successeurs et promettent qu’ils observeront les lois du Canada et rempliront leurs obligations de citoyen canadien. Cette promesse de loyauté envers ces idéaux et ces institutions est-elle satisfaisante pour un nouveau serment de citoyenneté ou devrait-on inclure des principes différents?

6.     De quel genre de stratégie d’engagement des citoyens le Canada a-t-il besoin pour s’assurer que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes aient envie de reconnaître et de célébrer cette valeur qu’est la citoyenneté? Une nouvelle loi sur la citoyenneté nous offre la possibilité de créer des liens entre tous les Canadiens et toutes les Canadiennes et de les renforcer, ainsi que d’élever et de célébrer nos principes clés. Quelles seraient des stratégies raisonnables et économiques pour sensibiliser davantage les Canadiens et les Canadiennes à l’égard des droits et des responsabilités rattachés à la citoyenneté?

Au mois de juin, nous avons répondu à la quatrième question dans un rapport intitulé Révocation de la citoyenneté : Une question d’application régulière de la Loi et de respect de la Charte des droits. Dans ce rapport, le Comité a indiqué qu’une réponse détaillée aux autres questions du ministre serait présentée à l’automne 2005. Nous avons toutefois trouvé suffisamment de temps pour mener ce projet sensiblement à terme avant le congé d’été. Même si nous n’avons pu déposer ce rapport avant l’ajournement des travaux de la Chambre des communes, le Comité a convenu d’en remettre immédiatement une copie au ministre, et c’est ce qu’il a fait en juillet de cette année. C’est donc avec plaisir que nous déposons maintenant ce rapport à la Chambre des communes et présentons ci-après nos observations et recommandations à cet égard.

TÉMOIGNAGES

Le 28 octobre 2004, le Comité a adopté une motion, à savoir : «  Que les témoignages et les documents présentés au Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration durant [la 36e législature et] la deuxième session de la 37e législature au sujet de son étude concernant la citoyenneté canadienne soient réputés reçus par le Comité dans la session courante  ». Nous avons examiné ces documents et nous en sommes inspirés pour produire notre rapport de novembre 2004. Depuis ce temps, nous avons aussi entendu à Ottawa les exposés de témoins, dont des représentants de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et, en avril 2005, le Comité a parcouru le pays, visitant toutes les capitales provinciales ainsi que les villes de Calgary, Montréal, Vancouver et Waterloo. Même si la citoyenneté n’était qu’une des trois questions à l’étude au cours de notre consultation pancanadienne, beaucoup de Canadiens nous ont fait part de leurs vues sur une nouvelle loi sur la citoyenneté. Nous avons entendu au total 131 témoins sur la question de la citoyenneté durant la présente législature.

CONTEXTE

Notre rapport de novembre 2004 donne un aperçu du processus long et difficile de renouvellement de la Loi sur la citoyenneté du Canada. Il vaut la peine de répéter cet aperçu dans le présent contexte.

La citoyenneté est la reconnaissance par l’État de l’appartenance à la communauté canadienne. Elle représente une participation à la souveraineté et un contrat social entre l’individu et la société dans son ensemble. La qualité de citoyen comporte des avantages concrets, comme le droit de vote, le droit d’entrer au Canada ou d’y rester et le droit de voyager à l’étranger avec un passeport canadien, mais elle revêt aussi une valeur très symbolique. Elle est l’expression de l’attachement au pays et un engagement envers des idéaux collectifs tels que le respect de la diversité, les droits des minorités, notre Charte des droits et libertés et la primauté du droit.

Avant l’adoption de la première Loi sur la citoyenneté en 1947, la citoyenneté canadienne n’existait pas aux yeux de la loi. Les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés étaient considérés comme des sujets britanniques. Le Canada a été le premier pays du Commonwealth à établir une citoyenneté qui n’était pas celle de la «  mère patrie  ». La Loi de 1947 a de toute évidence joué un rôle important dans l’affirmation de notre identité nationale.

L’actuelle Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur 30 ans plus tard. Conçue pour moderniser le régime de citoyenneté, cette loi abolissait le traitement spécial réservé aux ressortissants britanniques, faisait de la citoyenneté un droit plutôt qu’un privilège pour les demandeurs admissibles et facilitait la naturalisation en supprimant ou en réduisant les obstacles à la citoyenneté.

Le Canada a changé depuis 1977; on reconnaît généralement que le temps est venu de réviser à nouveau le cadre législatif actuel. Des tentatives ont déjà été faites pour actualiser et consolider la Loi sur la citoyenneté. Dix ans seulement après l’entrée en vigueur de la Loi, le gouvernement de l’époque a fait part de son intention de la modifier et a publié un document de travail intitulé Notre fierté nationale. Il a consulté la population, mais aucun changement législatif n’en a résulté. Le nouveau gouvernement élu en 1993 a annoncé son intention de moderniser la législation canadienne sur la citoyenneté et a demandé l’avis du Comité. En juin 1994, celui-ci a déposé à la Chambre des communes le rapport La citoyenneté canadienne : Un sentiment d’appartenance.

Il s’en est suivi une série de projets de loi, dont aucun n’a été adopté. Le projet de loi C-63, présenté au cours de la première session de la 36e législature, est mort au Feuilleton. Son successeur, le projet de loi C-16, a été déposé pendant la deuxième session de la même législature et a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes en mai 2000. Il est toutefois mort au Feuilleton du Sénat lorsqu’une élection a été déclenchée. Le projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne, a été présenté au cours de la deuxième session de la 37e législature. Le Comité a tenu des audiences dans les différentes régions du pays et il a reçu une foule de commentaires éclairés de la part de nombreux groupes et particuliers. Il a entamé l’étude article par article du projet de loi, mais n’a pu la terminer en raison de la prorogation du Parlement à la fin de 2003.

Au début de la présente législature en octobre 2004, le gouvernement a signalé dans le discours du Trône son intention de présenter une nouvelle loi sur la citoyenneté :

Notre engagement profond à l’égard des droits de la personne et du respect mutuel cimente nos collectivités. Le gouvernement est déterminé à défendre ces valeurs. Il modernisera la Loi sur la citoyenneté du Canada pour réaffirmer les droits et les devoirs relatifs à la citoyenneté canadienne ainsi que les valeurs que constituent le multiculturalisme, l’égalité entre les sexes et la dualité linguistique.

En novembre 2004, la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de l’époque a signalé au Comité que le nouveau projet de loi sur la citoyenneté serait déposé prochainement. À la suite de cette promesse, nous avons prévu nous déplacer pour tenir des audiences d’un bout à l’autre du pays au printemps 2005. Aucun projet de loi n’a toutefois été déposé.

Le Comité est préoccupé par le fait que rien n’a encore été fait pour donner suite à l’engagement pris dans le discours du Trône. Nous espérons que nos réponses aux six questions du nouveau ministre permettront le dépôt d’une nouvelle loi sur la citoyenneté dans les plus brefs délais.

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande que le gouvernement remplisse l’engagement qu’il a pris d’actualiser la législation sur la citoyenneté du Canada en déposant une nouvelle loi sur la citoyenneté à la Chambre des communes dans les deux semaines suivant la reprise des travaux à l’automne 2005.

RÉPONSES AUX QUESTIONS DU MINISTRE

1.         La nouvelle législation sur la citoyenneté doit-elle comporter un préambule énonçant clairement les droits et les responsabilités rattachés à la citoyenneté?

Dans son rapport de novembre 2004, le Comité a clairement mentionné qu’il conviendrait d’inclure un préambule dans la nouvelle loi. Même si seulement quelques témoins étaient disposés à traiter de l’inclusion d’un préambule sans prendre d’abord connaissance du libellé de celui-ci, ceux qui en ont discuté y étaient favorables. Compte tenu de la nature très symbolique de la citoyenneté, le Comité estime que des principes directeurs particuliers devraient se retrouver dans un préambule.

RECOMMANDATION 2

Une nouvelle loi sur la citoyenneté devrait être précédée d’un préambule où seraient énoncés les principes importants pour le Canada. Voici quelques suggestions à cet égard :

 Les Canadiens de naissance et les citoyens naturalisés doivent être traités de la même façon.  
 Il ne devrait pas y avoir de statut probatoire en ce qui concerne la citoyenneté.  
 La loi devrait présenter le français et l’anglais comme les langues officielles du Canada.  
 La loi devrait reconnaître les contributions des peuples autochtones du Canada et la nécessité de préserver et de mettre en valeur leurs cultures. 
 La citoyenneté devrait être considérée comme un droit pour les personnes admissibles et non comme un privilège.  
 Les citoyens doivent comprendre les lois canadiennes et s’y conformer, en particulier la Charte canadienne des droits et libertés. 
 Les citoyens doivent participer au régime politique démocratique. 
 Les citoyens doivent être respectueux de notre patrimoine et protéger l’environnement. 
 Toutes les décisions rendues en vertu de la loi devraient être prises par un décideur indépendant dans le cadre d’un processus judiciaire exempt de toute influence politique.  
 La citoyenneté comporte des droits, mais aussi des responsabilités. 

2.         La Loi devrait-elle restreindre les façons par lesquelles la citoyenneté peut s’acquérir à la naissance?

Aux termes de l’actuelle Loi sur la citoyenneté, toute personne née au Canada après l’entrée en vigueur de la Loi possède la citoyenneté canadienne, hormis quelques exceptions. Les enfants nés au Canada n’ont pas droit à la citoyenneté si leur père ou leur mère est agent diplomatique1 et que ni l’un ni l’autre n’ont le statut de citoyen canadien ou de résident permanent. Un enfant né au Canada d’un père ou d’une mère ayant tout autre statut (p. ex. visiteur, demandeur du statut de réfugié ou travailleur temporaire) ou n’ayant aucun statut juridique au Canada, est un citoyen canadien.

Le Comité a longuement débattu cette question. Certains membres sont favorables à l’idée de conserver la disposition actuelle prévoyant que quiconque (à l’exception de l’enfant d’un diplomate) naît au Canada doit automatiquement avoir droit à la citoyenneté. Certains estiment qu’il serait indiqué d’exiger un attachement au Canada. D’autres membres trouvent difficile de se prononcer dans un sens ou dans l’autre en raison du peu de données statistiques concernant les personnes nées au Canada pour des raisons dites «  pratiques  ». Des témoins nous ont relaté des cas de visiteuses venues accoucher au Canada pour que leur enfant puisse obtenir la citoyenneté. On a également fait valoir que les personnes visées par une mesure d’expulsion peuvent avoir des enfants dans le seul but de donner plus de poids à leur demande visant à obtenir l’autorisation de rester au pays pour des raisons d’ordre humanitaire. Plusieurs cas d’expulsion du Canada ont été âprement contestés parce qu’ils concernaient une mère qui avait donné naissance au Canada et dont l’enfant avait de ce fait la citoyenneté canadienne. Dans ce genre de situation, le gouvernement doit séparer la mère et l’enfant au moment de l’expulsion ou, dans les faits, expulser un citoyen canadien. Nous n’avons malheureusement pas pu déterminer toute l’ampleur du présumé problème.

Les rares témoins qui ont abordé cette question étaient généralement contre l’idée de restreindre le droit du sol; l’un d’eux faisant valoir qu’il serait incorrect de se servir de la législation sur la citoyenneté pour s’attaquer au problème des mouvements de réfugiés. Nous avons également pris note du fait que dans les précédentes tentatives du gouvernement pour adopter une nouvelle loi sur la citoyenneté, aucun changement au statu quo n’avait été proposé.

Le Comité est conscient que certains pays ont restreint le droit du sol en exigeant qu’au moins un des parents de l’enfant soit un ressortissant ou un résident permanent en règle du pays en question au moment de la naissance de l’enfant. L’imposition de cette exigence vise principalement à limiter ou à empêcher des gens de se rendre dans un pays expressément pour y obtenir la citoyenneté pour un enfant.

L’Irlande, par exemple, a tenu un référendum sur la citoyenneté en juin 2004 afin de régler la question. Un document du gouvernement sur la proposition visant à restreindre le droit du sol mentionnait ce qui suit :

 Les maternités, et plus particulièrement celles de Dublin, connaissent un taux élevé d’arrivées imprévues dans leurs installations de femmes étrangères en fin de grossesse ou aux premiers stades du travail, ce qui soulève des préoccupations au sujet des risques pour la vie des mères et des enfants qui découlent de cette situation. Le phénomène est directement lié au fait que la loi irlandaise actuelle donne aux enfants le droit d’avoir la citoyenneté irlandaise et, par le fait même, celle de l’Union européenne.  [Traduction]

Les Irlandais ont voté en faveur d’une modification de la loi sur la citoyenneté irlandaise; 79,17 % d’entre eux ont autorisé l’Oireachtas (Parlement national) à imposer des restrictions. En septembre 2004, le gouvernement irlandais a publié le projet de loi sur la citoyenneté et la nouvelle Irish Nationality and Citizenship Act est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. En vertu de cette nouvelle loi, les enfants nés en Irlande le 1er janvier 2005 ou après cette date de parents non ressortissants n’ont pas automatiquement droit à la citoyenneté irlandaise. Leurs parents doivent désormais prouver qu’ils ont un véritable lien avec ce pays. Ils peuvent le faire en démontrant qu’ils ont vécu légalement en Irlande pendant trois des quatre années précédant la naissance de l’enfant. Le temps passé en Irlande en tant qu’étudiant ou demandeur d’asile ne peut être inclus dans le calcul de la période de résidence en Irlande des parents non ressortissants.

Le Comité a jugé qu’il ne disposait pas pour l’instant de preuves suffisantes pour bien évaluer la situation et voir si les problèmes rencontrés dans d’autres pays, comme l’Irlande, se posent également ici. Nous réservons donc notre jugement en attendant d’entreprendre nos audiences sur le projet de loi sur la citoyenneté que le gouvernement est censé déposer cet automne.

Le Comité ne croit pas qu’il soit nécessaire de modifier les règles actuelles concernant les enfants nés à l’étranger d’un parent canadien. Actuellement, toute personne née à l’étranger d’un parent canadien après le 14 février 1977 a la citoyenneté canadienne2.

RECOMMANDATION 3

L’enfant né à l’étranger d’un parent canadien devrait acquérir automatiquement la citoyenneté canadienne.

Divers témoins ont également mentionné comme un sujet de préoccupation la question plus ou moins connexe des Canadiens qui adoptent des enfants à l’étranger. Ces derniers peuvent avoir à se plier à de longues procédures administratives avant de pouvoir ramener leurs enfants au Canada. Par contre, les enfants nés à l’étranger de parents canadiens obtiennent automatiquement la citoyenneté. Actuellement, un enfant né à l’étranger et adopté par un Canadien doit d’abord obtenir le statut de résident permanent. Une fois qu’ils ont satisfait aux conditions de résidence et aux autres exigences énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, ils peuvent présenter une demande de naturalisation. Le processus d’immigration peut être long, obliger l’enfant à subir des examens médicaux et comporter des frais de traitement considérables.

Le projet de loi C-18 aurait permis à un enfant étranger adopté par un citoyen canadien d’obtenir la citoyenneté sans devoir préalablement obtenir son statut de résident permanent. Pour être conforme à la Convention de La Haye sur l’adoption internationale, le projet de loi aurait dû imposer certains critères particuliers à l’adoption internationale. Même si nous avons certaines réserves concernant l’interprétation subjective des éléments d’une adoption authentique et exhortons ceux qui traitent ces demandes à être conscients des normes particulières aux autres cultures, le Comité est favorable à ce que les enfants adoptés par des citoyens canadiens puissent acquérir la citoyenneté sans devoir d’abord obtenir leur statut de résident permanent.

L’une des préoccupations exprimées par certains témoins portait sur le fait que le rejet d’une demande de citoyenneté pour un enfant adopté pourrait seulement faire l’objet d’un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, alors que le rejet d’une demande de parrainage aux fins de la résidence permanente peut souvent être porté en appel pour des motifs d’ordre humanitaire auprès de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Des témoins ont indiqué que, dans le cas des enfants adoptés, il serait illogique d’avoir un processus de révision moins poussé pour les demandes de citoyenneté que pour les demandes d’immigration. Le Comité a conclu qu’il devrait être possible de faire appel en bonne et due forme auprès de la Cour fédérale lorsqu’une demande de citoyenneté pour un enfant adopté est rejetée. Plutôt que de faire l’objet d’une révision judiciaire sommaire, la décision portée en appel devrait être dûment réévaluée selon son bien-fondé.

La plupart des témoins étaient toutefois d’avis que la mesure proposée constituait un pas dans la bonne direction et qu’elle serait avantageuse pour les enfants adoptés et leur famille.

RECOMMANDATION 4

Les enfants adoptés par des citoyens canadiens devraient acquérir la citoyenneté canadienne sans obtenir préalablement le statut de résident permanent ou remplir des conditions relatives à la résidence, dans la mesure où leur adoption est authentique et respecte les exigences de la Convention de La Haye sur l’adoption internationale.

RECOMMANDATION 5

Lorsqu’une demande de citoyenneté pour un enfant adopté est rejetée, il devrait être possible de faire appel en bonne et due forme auprès de la Cour fédérale.

3.         Quels sont les critères qui doivent être pris en compte pour attribuer la citoyenneté aux nouveaux arrivants au Canada?

L’examen de cette question par le Comité a englobé divers points. Les témoins ont discuté des questions suivantes : Quelle devrait être la période de résidence raisonnable préalable à la présentation d’une demande de citoyenneté? Quelles connaissances seraient exigées du demandeur? Les juges de la citoyenneté devraient-ils continuer à exercer un pouvoir discrétionnaire en matière d’octroi de la citoyenneté? Le Cabinet devrait-il avoir le pouvoir de refuser la citoyenneté à une personne autrement admissible s’il existe des motifs raisonnables de croire que cette personne a fait preuve «  d’un grave mépris à l’égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique  » comme le prévoyait le projet de loi C-18? Quelles interdictions devraient empêcher l’octroi de la citoyenneté et quelles mesures de protections devraient exister à cet égard?

a.         Obligation de résidence

L’actuelle Loi sur la citoyenneté exige trois années de résidence au Canada avant que la citoyenneté puisse être accordée, mais elle ne définit pas le terme «  résidence  ». Son application a donc été compliquée par des décisions judiciaires contenant des interprétations divergentes. La Cour fédérale a statué, à l’époque de l’entrée en vigueur de la Loi, que la présence effective au Canada n’était pas nécessaire pour satisfaire à l’obligation de résidence3. Selon le juge, il suffisait que le demandeur fasse état de liens manifestes avec le Canada pour toute la période, même s’il n’y avait pas été effectivement présent. Pour établir la réalité de ces liens, il pouvait s’appuyer sur des indicateurs comme des biens immobiliers servant de résidence, des comptes dans des banques canadiennes, des placements, l’appartenance à des clubs, la possession d’un permis de conduire délivré par une province, etc. Certains demandeurs ont par conséquent obtenu la citoyenneté canadienne en ayant passé au Canada quelques mois seulement, voire moins. En revanche, d’autres décisions de la Cour fédérale ont été fondées sur des critères différents.

Le projet de loi C-18 clarifiait l’obligation de résidence en définissant la résidence comme une présence effective au Canada. Il exigeait aussi que le demandeur réside au Canada pendant au moins trois ans (1 095 jours) au cours des six ans précédant sa demande.

Des témoins ont fait valoir qu’il était pratiquement impossible pour beaucoup de personnes ayant des obligations professionnelles et familiales à l’étranger d’être effectivement présentes au Canada pendant la période requise et qu’une plus grande souplesse s’imposait. Certains ont suggéré de s’inspirer de l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), selon lequel le résident permanent se conforme à l’obligation de résidence dès lors que, selon le cas, il :

 est effectivement présent au Canada; 
 accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents; 
 travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale; 
 accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale; 
 se conforme au mode d’exécution prévu par règlement. 

La Loi actuelle prévoit une exception à la règle de la présence effective pour les époux étrangers de citoyens canadiens qui travaillent à l’étranger dans les forces armées canadiennes, l’administration publique fédérale ou l’administration publique d’une province. Le projet de loi C-18 aurait étendu cette exception aux conjoints de fait (y compris aux conjoints de même sexe).

Le Comité a conclu qu’il serait bon que la Loi canadienne sur la citoyenneté s’inspire des exceptions prévues dans la LIPR en ce qui concerne l’obligation de résidence applicable aux résidents permanents. Quant à la durée de la présence effective exigée avant de pouvoir acquérir la citoyenneté, nous croyons qu’une période de résidence de trois ans est suffisante pour démontrer son attachement au Canada. Nous avons toutefois convenu qu’il n’était pas nécessaire de fixer arbitrairement un délai pour accumuler le nombre de jours de résidence exigé. Nous ne pouvons affirmer de façon irréfutable que quelqu’un qui, dans les six dernières années, a passé trois ans ici démontre un plus grand attachement au Canada que quelqu’un qui, dans les sept dernières années, en a passé trois au Canada.

Le Comité a aussi pris note des observations des témoins au sujet des réfugiés qui ont reçu la résidence permanente au Canada au terme d’un processus qui est souvent très long à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Des témoins ont suggéré de faire compter la période que les demandeurs de la citoyenneté ont passée au Canada avant qu’une suite soit donnée à leur demande du statut de réfugié (c.-à-d. la période nécessaire pour faire reconnaître leur statut de réfugié et pour présenter ensuite une demande afin d’obtenir leur résidence permanente). Selon eux, cette période n’est pas différente sur le plan qualitatif du temps passé au Canada après l’octroi de la résidence permanente. À l’heure actuelle, la Loi sur la citoyenneté accorde aux demandeurs l’équivalent d’un demi-jour de résidence au Canada pour chaque jour passé ici avant l’obtention de leur résidence permanente. Au plus, une seule des trois années de résidence exigées par la Loi peut être accumulée de cette façon.

Le Comité est d’avis que chaque jour que les réfugiés et les personnes protégées passent au pays à compter du moment où ils présentent leur demande devrait leur être intégralement crédité. Les demandeurs déboutés qui obtiennent par la suite l’autorisation de rester au pays pour des raisons d’ordre humanitaire ou par suite d’un examen des risques avant renvoi (ERAR), devraient se voir créditer le temps passé au Canada à compter de la date où ils présentent leur demande d’examen pour des raisons d’ordre humanitaire ou d’ERAR. Nous voulons également qu’il soit bien clair que nous nous inquiétons des délais de traitement des revendications du statut de réfugié présentées de l’intérieur. En recommandant de créditer aux demandeurs dont la demande est accueillie favorablement tout le temps qu’ils ont passé au pays avant d’obtenir le droit de s’établir, nous ne voulons pas donner l’impression que nous approuvons simplement les longs délais actuellement associés au traitement des revendications du statut de réfugié.

RECOMMANDATION 6

Avant d’être admissibles à la citoyenneté, les demandeurs devraient avoir accumulé trois années de résidence au Canada. La résidence devrait être définie comme une présence effective au pays, sous réserve de certaines exceptions applicables à quiconque :

 accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents;  
 travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale; 
 ou  
 accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale 

RECOMMANDATION 7

Le temps nécessaire pour accumuler les trois années de résidence exigées ne devrait pas être limité.

RECOMMANDATION 8

Chaque jour que les réfugiés et les personnes protégées passent au pays à compter du moment où ils présentent leur demande devrait leur être intégralement crédité. Les demandeurs déboutés qui obtiennent par la suite l’autorisation de rester au pays pour des raisons d’ordre humanitaire ou par suite d’un examen des risques avant renvoi (ERAR), devraient se voir créditer le temps passé au Canada à compter de la date où ils présentent leur demande d’examen pour des raisons d’ordre humanitaire ou d’ERAR.

b.         Connaissances exigées

La Loi sur la citoyenneté exige que les demandeurs fassent preuve d’une «  connaissance suffisante de l’une des langues officielles au Canada » et d’une «  connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages attachés à la citoyenneté  ». Ils doivent à cette fin subir un examen, mais le ministre a le pouvoir de les soustraire à cette obligation pour des motifs d’ordre humanitaire, ce qu’il a fait pour différents groupes, tels que les gens de plus de 54 ans et les mineurs.

Au cours de nos audiences pancanadiennes, la grande majorité des témoins qui ont abordé cette question ont convenu de la nécessité d’exiger des demandeurs qu’ils possèdent au préalable certaines connaissances avant de leur accorder la citoyenneté. Dans la mesure où un certain discernement continue d’être exercé, le Comité est d’accord pour prévoir des exemptions dans les cas des personnes âgées, des réfugiées souffrant de stress post-traumatique, des personnes ayant des troubles d’apprentissage et des autres personnes qui risquent de devoir surmonter des difficultés semblables au moment de subir un test de connaissances.

Dans le contexte de cette discussion, beaucoup de témoins ont aussi fait état du manque d’éducation civique des Canadiens de naissance. Certains ont laissé entendre que les Canadiens naturalisés qui ont réussi l’examen de citoyenneté en savent parfois plus sur l’histoire, la politique et la géographie canadiennes que les citoyens nés ici qui n’ont jamais eu à démontrer qu’ils avaient une connaissance suffisante des droits et responsabilités des citoyens. Le Comité croit qu’il faudrait faire davantage pour inciter l’ensemble des Canadiens — tant les Canadiens naturalisés que ceux qui ont acquis leur citoyenneté de naissance — à reconnaître et à comprendre la signification du concept de citoyenneté.

En ce qui concerne les exigences linguistiques applicables à l’obtention de la citoyenneté, le Comité ne voit pas la nécessité de modifier de fond en comble le système actuel. Nous prenons note du fait que le ministre dispose de la marge de manœuvre voulue pour soustraire une personne à l’obligation de posséder des rudiments d’anglais ou de français pour des motifs d’ordre humanitaire. Cette disposition devrait être conservée dans la nouvelle loi.

RECOMMENDATION 9

Les personnes qui demandent la citoyenneté devraient être tenues de subir un examen pour démontrer leur connaissance du Canada. Il devrait être possible aux personnes âgées, aux réfugiés souffrant de stress post-traumatique, aux personnes ayant des difficultés d’apprentissage et aux autres personnes qui risquent de devoir surmonter des difficultés semblables d’obtenir une exemption pour se soustraire à cette obligation.

RECOMMANDATION 10

Les personnes qui demandent la citoyenneté devraient être tenues de démontrer qu’elles possèdent une connaissance suffisante de l’une des langues officielles au Canada. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration devrait conserver le pouvoir de soustraire certains demandeurs à cette obligation pour des motifs d’ordre humanitaire.

c.         L’exercice du pouvoir discrétionnaire — juges de la citoyenneté

Dans la Loi actuelle, les juges de la citoyenneté ont la responsabilité de trancher les demandes de citoyenneté, de présider les cérémonies de citoyenneté et de faire prêter serment aux nouveaux citoyens. Ils sont nommés par le gouverneur en conseil et sont considérés comme sans lien avec le Ministère.

Le projet de loi C-18 aurait éliminé les postes de juge de la citoyenneté. Leurs fonctions fondamentales auraient été assumées par des fonctionnaires sous l’autorité déléguée du ministre. Les fonctions cérémoniales auraient été confiées à des commissaires à la citoyenneté à temps plein ou à temps partiel, nommés par le gouverneur en conseil. Essentiellement, on a proposé que les pouvoirs de décision concernant l’attribution de la citoyenneté revêtent un caractère administratif et soient confiés aux employés du Ministère. Les responsables de Citoyenneté et Immigration ont fait valoir que le système n’en serait que plus efficace, surtout si on parvenait à dissiper en grande partie la nature discrétionnaire de ces décisions en précisant les conditions d’obtention de la citoyenneté, comme celles ayant trait à la résidence et aux connaissances.

Le Comité espère que la future loi tiendra compte de l’importance souligné par les témoins que ce soit une personne indépendante du Ministère qui exerce le pouvoir discrétionnaire associé à l’attribution de la citoyenneté pour les obligations de résidence et de connaissance suffisante. Nous sommes également d’accord avec la majorité des témoins qui ont abordé cette question et qui sont d’avis qu’il faut maintenir les postes de juges de la citoyenneté et ne rien changer à leurs fonctions actuelles.

Comme nous l’avons mentionné dans notre quatrième rapport rendu public en février 2005, le Comité s’inquiète de la procédure régissant les nominations par décret. Un examen parlementaire plus serré s’impose.

RECOMMANDATION 11

Les postes de juges de la citoyenneté devraient être maintenus et c’est à eux qu’il devrait incomber de présider les cérémonies de citoyenneté et d’exercer le pouvoir discrétionnaire associé à l’attribution de la citoyenneté pour ce qui est de l’application des critères de résidence et de connaissance suffisante.

RECOMMANDATION 12

Le gouvernement du Canada devrait adopter des critères de qualification et de compétence pour toutes les nominations gouvernementales, notamment celles de juges de la citoyenneté, et ces critères devraient expressément contribuer à maintenir le caractère objectif de ces nominations. Les critères applicables aux juges de la citoyenneté devraient être soumis à l’examen et à l’approbation du Comité et faire l’objet de modifications au besoin. Les noms et les antécédents de chaque candidat devraient ensuite être renvoyés au Comité avant l’officialisation de leur nomination, accompagnés d’une note pour expliquer en quoi chaque candidat satisfait aux critères établis.

d.         Refus d’accorder la citoyenneté

L’article 21 du projet de loi C-18 renfermait une disposition litigieuse qui aurait autorisé le Cabinet à refuser la citoyenneté à un demandeur chaque fois qu’il a «  des motifs raisonnables de croire qu’une personne a fait preuve d’un grave mépris à l’égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique  ». Le but déclaré de cette disposition était de refuser d’accorder la citoyenneté aux personnes qui incitent publiquement à la haine ou qu’on sait avoir commis à l’étranger des crimes horribles pour lesquels elles n’ont jamais été condamnées.

Dans son rapport de novembre 2004, le Comité indiquait qu’il n’était pas convaincu que le pouvoir du Cabinet d’invoquer des motifs vaguement formulés pour refuser la citoyenneté à des demandeurs répondant par ailleurs aux autres conditions, soit nécessaire ni même indiqué. La majorité des membres du Comité sont toujours de cet avis.

RECOMMANDATION 13

La loi ne devrait pas comporter de disposition concernant l’«  intérêt public  » que le Cabinet pourrait invoquer pour refuser la citoyenneté à des demandeurs qui satisfont par ailleurs aux autres conditions.

e.         Interdictions

En ce moment, les interdictions pouvant justifier un refus de citoyenneté concernent principalement les activités criminelles au Canada  ou les affaires d’immigration non réglées. Le projet de loi C-18 aurait allongé quelque peu cette liste. Les actes criminels commis à l’étranger auraient été pris en considération et traités de la même manière que ceux commis au Canada. L’interdiction liée aux infractions commises à l’étranger se serait appliquée à tout le processus pénal : mise en accusation, procès, demandes d’appel et d’examen à l’égard de l’infraction. Une nouvelle interdiction prévue dans le projet de loi C-18 aurait eu pour effet de retarder d’un an l’attribution de la citoyenneté à une personne reconnue coupable de deux ou plusieurs infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Le projet de loi aurait également empêcher d’accorder la citoyenneté à quiconque est sous le coup d’une mesure de renvoi ou fait l’objet, aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, d’une enquête qui risque d’entraîner son renvoi ou la perte de son statut de résident permanent.

La question des inculpations et des déclarations de culpabilité à l’étranger est celle qui préoccupe le plus les témoins. Beaucoup de systèmes judiciaires étrangers n’ont rien de comparable à celui du Canada et les témoins ont exhorté les membres du Comité à tenir compte du fait que dans certains pays, les activités politiques sont criminalisées. On a également jugé déraisonnable que le projet de loi C-18 fasse d’une accusation en instance à l’étranger un motif suffisant pour refuser à tout jamais la citoyenneté.

Comme nous le mentionnions dans notre rapport de novembre 2004, le Comité partage les préoccupations des témoins concernant les déclarations de culpabilité et les accusations en instance à l’étranger qui rendent des demandeurs inadmissibles à la citoyenneté. Nos audiences de 2005 ont renforcé ces inquiétudes.

RECOMMANDATION 14

L’article de la nouvelle loi sur la citoyenneté portant sur les interdictions devrait prévoir un mécanisme qui permette de rapidement s’assurer que les déclarations de culpabilité et les accusations en instance à l’étranger ne sont pas le fruit d’un abus de pouvoir ou d’un processus judiciaire injuste.

4.         Quelles sont les raisons appropriées qui peuvent être invoquées pour retirer la citoyenneté et quel est le processus le plus approprié?

a.         Révocation de la citoyenneté

Dans son rapport La révocation de la citoyenneté : Une question d’application régulière de la loi et de respect de la Charte des droits, déposé à la Chambre des communes le 7 juin 2005, le Comité recommande d’apporter d’importants changements à l’actuel processus de révocation. Voici nommément les principes qui y sont énoncés :

Le processus de révocation de la citoyenneté devrait être un processus exclusivement judiciaire.

Pour révoquer la citoyenneté, il faudrait prouver au-delà de tout doute raisonnable devant un tribunal pénal qu’il y a eu fausse déclaration, fraude ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

Les protections légales conférées par la Charte canadienne des droits et libertés — en particulier les articles 7 à 14 — doivent s’appliquer au mécanisme de révocation de la citoyenneté.

Aucun motif spécial ne devrait pouvoir limiter le droit d’en appeler.

C’est au juge de première instance qu’il devrait appartenir de révoquer la citoyenneté ou d’imposer une autre peine, à sa discrétion.

Lorsqu’un juge ordonne la révocation de la citoyenneté d’une personne, il devrait aussi pouvoir ordonner son renvoi si la fausse déclaration, la fraude ou la dissimulation intentionnelle de faits essentiels se rapporte à la demande de statut de résident permanent au Canada de cette personne.

Avant de renvoyer une personne, il faut évaluer le risque de torture qui pèse sur elle. Lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il y aura torture, le renvoi ne devrait être permis en aucune circonstance.

Pour de plus amples détails au sujet de ces recommandations, veuillez vous reporter au rapport susmentionné.

b.         Perte de la citoyenneté acquise par filiation

L’autre aspect du retrait de la citoyenneté qui n’a pas été abordé dans notre récent rapport sur la révocation concerne la perte de la citoyenneté acquise par filiation pour les personnes qui sont nées à l’étranger après 1977 et qui possèdent la citoyenneté parce que l’un de leurs parents était devenu citoyen canadien par filiation (c.-à-d. né à l’étranger, lui aussi, d’un citoyen canadien). Un Canadien «  de deuxième génération né à l’étranger  » perd sa citoyenneté à l’âge de 28 ans, sauf s’il demande à la conserver, se fait immatriculer comme citoyen et soit réside au Canada depuis au moins un an à la date de la demande, soit démontre qu’il a conservé avec le Canada des liens manifestes.

Cette question doit maintenant être examinée de toute urgence, puisque les premières personnes à être visées par cette disposition de la Loi de 1977 atteindront l’âge de 28 ans en 2005. Elles risquent de perdre leur citoyenneté canadienne si elles ne se conforment pas à l’obligation qui leur est faite, en vertu de la Loi, de présenter une demande pour conserver leur citoyenneté. Le Comité craint que les personnes dans cette situation puissent ignorer l’existence de cette obligation; en fait, nous serions surpris qu’elles soient nombreuses à être au courant. Lorsque ces Canadiens «  de deuxième génération nés à l’étranger  » atteindront l’âge de 28 ans, leur citoyenneté cessera d’être valide, même si certains auront peut-être passé 27 ans de leur vie au Canada. Le fait de ne pas être au courant de cette exigence législative plutôt obscure pourrait avoir de très graves conséquences.

Un groupe entendu par le Comité a souligné qu’avant l’entrée en vigueur de la Loi sur la citoyenneté de 1977, chaque certificat de citoyenneté délivré à un Canadien né à l’étranger, était assorti d’un préavis stipulant que conformément à la Loi sur la citoyenneté de 1947, le titulaire du certificat allait être dépouillé de sa citoyenneté à l’âge de 22 ans, à moins d’inscrire une «  déclaration de rétention  » auprès du gouvernement au cours de sa 21e année. Aucun préavis semblable n’a été donné aux personnes qui risquent de perdre leur citoyenneté par filiation aux termes de la Loi de 1977. Le Comité s’en inquiète vivement.

Même si le Comité n’est pas contre l’idée que l’on limite la citoyenneté par filiation de la façon décrite dans la Loi de 1977, l’utilité pratique d’un préavis doit être prise en considération.

RECOMMANDATION 15

Le gouvernement devrait inscrire sur les certificats de citoyenneté délivrés aux citoyens appartenant à la catégorie des Canadiens de deuxième génération nés à l’étranger une note pour les informer que leur statut cessera d’être valide lorsqu’ils atteindront l’âge de 28 ans, à moins qu’une demande de rétention de la citoyenneté ne soit approuvée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. La loi devrait aussi accorder une attention particulière aux personnes qui ont déjà reçu un certificat de citoyenneté non assorti d’un tel préavis et qui risquent de perdre leur citoyenneté, et voir si elles étaient ou non au courant de l’exigence relative à la demande de rétention de la citoyenneté, afin d’atténuer les préjudices qu’elles pourraient avoir à subir.

5.         Quel est le texte le plus approprié pour un nouveau serment de citoyenneté?

L’actuel serment de citoyenneté se lit comme suit :

Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Élizabeth II, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.

Le projet de loi C-18 avait proposé que le serment se lise plutôt comme suit :

Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté la Reine Élizabeth II, Reine du Canada. Je m’engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à préserver ses valeurs démocratiques, à observer fidèlement ses lois, et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).

Au cours de nos audiences de 2005, nous avons discuté de la possibilité de supprimer du serment toute mention de la Reine et de faire référence à la Charte. L’un des témoins a proposé d’adopter le serment suivant : «  Je promets fidélité au Canada et me range ainsi parmi les Canadiens, un peuple uni par la mission solennelle de faire respecter cinq grands principes : égalité des chances, liberté d’expression, démocratie, droits de la personne et primauté du droit  ».

Même si le Comité est favorable à l’idée de réviser le serment actuel, nous ne sommes pas prêts à proposer de libellé précis. Le dépôt d’un projet de loi sur la citoyenneté donnera lieu à un débat public élargi et nous espérons à ce moment recevoir d’autres propositions.

6.         De quel genre de stratégie d’engagement des citoyens le Canada a-t-il besoin pour s’assurer que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes aient envie de reconnaître et de célébrer cette valeur qu’est la citoyenneté?

À l’heure actuelle, la cérémonie de citoyenneté présidée par les juges de la citoyenneté est la principale occasion de témoigner publiquement de la valeur de la citoyenneté et des responsabilités qui s’y rattachent. Le Comité a entendu des témoins lui dire combien ils avaient été profondément touchés par leur cérémonie de citoyenneté. Il semble même que bon nombre d’autres pays, notamment le Royaume-Uni, s’inspirent de notre système comme stratégie modèle d’engagement des citoyens.

Nous avons aussi entendu le témoignage de représentants de collectivités des Premières nations de la côte Ouest qui sont d’avis que les cérémonies de citoyenneté devraient faire référence à nos peuples autochtones, et mettre en évidence le lien à la terre et le devoir de protection.

Comme il est mentionné précédemment, le Comité est d’avis qu’il faudrait laisser aux juges de la citoyenneté le soin de décider et d’agir comme maîtres de cérémonie. Nous croyons aussi que le fait d’inciter les gens à renouveler leurs voeux de citoyenneté en prenant part aux cérémonies de citoyenneté des néo-Canadiens serait une stratégie d’engagement positive.

7.         Frais d’ouverture de dossier

Bien qu’il n’en soit pas expressément question dans la lettre du ministre au Comité, certains ont fait valoir lors des audiences du Comité qu’en raison des frais élevés d’ouverture de dossier, les personnes à faible revenu n’ont parfois par les moyens de présenter une demande de citoyenneté et sont ainsi privées de la possibilité de pleinement participer à la société canadienne. Le Comité est d’avis que personne ne devrait se voir refuser la citoyenneté ou voir sa demande de citoyenneté rejetée simplement parce qu’il n’a pas les moyens d’acquitter les frais d’ouverture de dossier exigés. Les aînés qui vivent avec un revenu fixe, les handicapés qui touchent des prestations d’invalidité, les petits salariés et les assistés sociaux peuvent se retrouver dans cette situation. L’examen des ressources n’est pas une solution à ce dilemme et ne ferait que compliquer inutilement le processus de demande. Il faudrait plutôt éviter d’assujettir la présentation d’une demande de citoyenneté à quelques frais que ce soit.

RECOMMANDATION 16

La citoyenneté ne devrait pas être refusée aux demandeurs qui satisfont à toutes les autres exigences, mais n’ont pas les moyens d’acquitter les frais d’ouverture de dossier exigés pour traiter leur demande. La présentation d’une demande de citoyenneté ne devrait être assujettie à aucun frais.



1La Loi mentionne un agent diplomatique ou consulaire, un représentant à un autre titre ou au service, au Canada, d’un gouvernement étranger; une personne au service d’un tel agent; un fonctionnaire ou un employé au Canada d’une organisation spécialisée des Nations Unies ou de toute autre organisation internationale jouissant de privilèges et immunités diplomatiques.
2Plus loin dans le rapport, nous traitons de la question de la perte de la citoyenneté acquise par filiation pour les enfants de deuxième génération nés à l’étranger, c’est-à-dire les enfants nés à l’étranger d’un parent canadien également né à l’étranger. Voir la question 4, partie b.
3Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208.