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PACP Rapport du Comité

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PARTIE I — INTRODUCTION

Le 10 février 2004, le Président de la Chambre des communes a déposé le rapport 2003 de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes1. Conformément à l’article 108(3)(g) du Règlement, le rapport a été renvoyé au Comité permanent des comptes publics.

Les chapitres 3, 4 et 5 du rapport informaient le Parlement des résultats d’une série de vérifications à l’échelle gouvernementale des activités de commandite, de publicité et de recherche sur l’opinion publique, respectivement. En passant en revue cette série de vérifications, la vérificatrice générale du Canada a résumé ses constatations comme suit :

Nous avons constaté que le gouvernement fédéral a mené le Programme de commandites en faisant peu de cas du Parlement, de la Loi sur la gestion des finances publiques, des règles et des règlements sur la passation des marchés, de la transparence et de l’optimisation des ressources. Ces arrangements — qui supposaient de multiples opérations avec de multiples entreprises, de fausses factures et de faux contrats, voire aucun contrat écrit — semblent avoir été conçus de manière à verser des commissions à des agences de communications, tout en cachant la source des fonds et la vraie nature des opérations.

Nous avons constaté un non-respect généralisé des règles de passation des contrats dans la gestion du Programme de commandites du gouvernement fédéral, et ce, à toutes les étapes du processus. On a ignoré ou violé les règles établies pour la sélection des agences de communications, la gestion des contrats, la mesure et la communication de l’information sur les résultats. En raison de l’effondrement quasi total des mécanismes de surveillance et des contrôles essentiels, ces violations n’ont pas été décelées, ni prévenues ni signalées, et ce, pendant plus de quatre ans. Au cours de cette période, le Programme a coûté aux contribuables 250 millions de dollars, dont plus de 100 millions de dollars en honoraires et commissions versés à des agences de communications.

Les fonctionnaires ont aussi violé les règles établies pour la sélection des agences de communications aux fins des activités de publicité du gouvernement. La manière dont la plupart des agences ont été choisies ne respectait pas les exigences de la politique du gouvernement sur les marchés. Dans certains cas, nous n’avons trouvé aucune preuve qu’il y ait même eu un processus de sélection2.

La vérificatrice générale a établi que «  Dans l’ensemble, les activités de recherche sur l’opinion publique ont été gérées avec transparence  », mais elle a constaté dans certains cas que le gouvernement n’avait pas suivi ses propres lignes directrices et que les ministères n’avaient pas indiqué clairement pourquoi il était nécessaire d’entreprendre des activités de recherche sur l’opinion publique3.

Les activités visées par les vérifications ont entraîné des dépenses importantes. Entre l’exercice financier 1996-1997 et le 31 mars 2003, le gouvernement du Canada a dépensé quelque 250 millions de dollars pour commanditer 1 987 événements. De cette somme, plus de 100 millions de dollars ont été versés à des agences de communications en honoraires et commissions.

De 1998-1999 à 2002-2003, le gouvernement fédéral a passé des contrats d’environ 793 millions de dollars, pour plus de 2 200 activités de publicité (Rapport, paragr. 4.9). En 2001-2002, le gouvernement a coordonné 686 projets de recherche sur l’opinion publique qui ont coûté 26,2 millions de dollars. En 2002-2003, le gouvernement a dépensé au total 23,7 millions de dollars pour 576 projets.

À cause de l’ampleur des dépenses de ces activités collectives et de la gravité des constatations de la vérificatrice générale, le Comité a décidé de procéder à un examen approfondi des résultats des vérifications.

A.        Les objectifs du Comité

Le Comité estime qu’une de ses fonctions les plus importantes est de maintenir et de renforcer les cadres de responsabilisation entre le gouvernement, le Parlement et les Canadiens.

Tout au long de son étude des résultats des vérifications, le Comité a gardé deux grands objectifs à l’esprit. Le premier étant d’établir et de clarifier les faits. Le deuxième, un objectif à plus long terme, était d’examiner la nature de la relation entre les aspects politiques et administratifs du gouvernement telle qu’elle se manifeste par l’interaction entre l’exécutif (le cabinet et, plus précisément, les ministres qui le composent) et les hauts fonctionnaires de la bureaucratie. Bref, le Comité s’intéresse particulièrement à la relation entre ministres et sous-ministres. Cet objectif à plus long terme a exigé un examen approfondi du rapport de responsabilisation plus global qui existe au sein de la fonction publique du Canada, et de la théorie et de la pratique en matière de responsabilité des ministres et sous-ministres. Le Comité a donc poursuivi son étude au cours de la 1re session de la 38e législature avec l’intention de déposer un deuxième rapport portant exclusivement sur la responsabilité des ministres et des sous-ministres.

Puisque le Comité s’employait à établir et à clarifier les faits relatifs au Programme de commandites, il a travaillé en composant avec plusieurs obligations. La première est son obligation à l’égard de la population du Canada qui a le droit de savoir ce qui ne va pas et comment nous pouvons réduire, sinon éliminer totalement, les risques qu’une telle chose se reproduise. Une deuxième obligation, liée de près à la première, est de s’assurer de la santé des institutions d’un gouvernement représentatif et des organismes publics qui les soutiennent; le Comité a l’intention de remplir cette obligation en présentant des conclusions et des recommandations au sujet de la responsabilité des ministres et des sous-ministres.

La vérificatrice générale a dit au Parlement et aux Canadiens ce qui s’est produit. Le rôle du Comité est différent. Composé de représentants élus de la population du Canada, le Comité des comptes publics s’est laissé guider par un sentiment profond, celui de son obligation envers les Canadiens d’établir, tout d’abord et au meilleur de ses capacités, comment les abus signalés par la vérificatrice générale se sont produits et pourquoi ils se sont produits, et d’identifier les responsables et de mettre en place les mesures nécessaires pour éviter que cela ne se reproduise.

Le processus de dévoilement et d’éclaircissement des faits, par contre, est éclipsé par une obligation supérieure. Des mesures — urgentes — doivent être prises pour s’assurer que les institutions publiques continuent de mériter le respect, le soutien et surtout la confiance des Canadiens. Les abus révélés par la vérificatrice générale, même s’ils concernent un seul ministère et un petit nombre de ses fonctionnaires, portent ombrage au gouvernement dans son ensemble et menacent de saper l’appui des Canadiens sans lequel aucun gouvernement démocratique ne saurait fonctionner.

La troisième obligation avec laquelle le Comité a dû composer concerne donc les femmes et les hommes qui travaillent au sein des institutions publiques et sans les compétences et le dévouement desquels le gouvernement ne saurait faire ce qu’il doit faire : servir la population canadienne.

C’est sans aucun doute chez la vaste majorité des fonctionnaires — détenteurs d’office — dont la plus noble ambition est de servir le Canada et sa population et qui l’ont fait de façon si honorable, si loyale et si conforme à leurs règles de conduite que le dossier des commandites suscite la colère la plus grande. Ces hommes et ces femmes se sentent profondément trahis par une poignée d’entre eux qui, au dire même de la vérificatrice générale, ont contourné à peu près toutes les règles4. Le Comité se sent une obligation spéciale envers ces fonctionnaires à qui il convient d’offrir une certaine garantie que leur réputation sera protégée contre des préjudices futurs. Le Comité est aussi conscient que, si ce n’est le cas, il pourrait être à jamais difficile d’attirer à l’avenir dans le secteur public les hommes et les femmes les mieux qualifiés et les plus talentueux.

Pour s’acquitter vraiment de ses obligations, le Comité doit trouver des moyens constructifs pour s’assurer que les problèmes révélés par la vérification ne se reproduisent pas et en faire part à la Chambre des communes et au gouvernement du Canada sous la forme de recommandations concrètes.

La vérificatrice générale a déjà fait des recommandations d’ordre administratif que le Comité appuie sans réserve; le gouvernement du Canada a accepté ces recommandations et pris d’autres mesures de sa propre initiative (voir la partie sur les mesures correctives énumérées aux annexes C et H).

B.        Les témoins que nous avons entendus

Pour mener à bien son étude, le Comité a jusqu’à maintenant tenu 47 réunions au cours desquelles il a entendu 44 témoins.

La liste complète des témoins figure à l’annexe A du présent rapport. Toutefois, le Comité est tout spécialement redevable envers les fonctionnaires qui ont bien voulu l’aider dans son travail. Sans leur aide, il aurait été impossible de connaître le fonctionnement interne des ministères concernés et, en particulier, le processus d’approvisionnement et ce en quoi il faudrait l’améliorer — et ce en quoi il a mal fonctionné dans le cas qui nous intéresse.

L’honorable Reg Alcock, président du Conseil du Trésor, a facilité leur comparution devant le Comité en leur promettant qu’aucune mesure administrative ne serait prise à leur encontre. À cela s’ajoutent les recommandations du Comité dans ses premier et deuxième rapports à la Chambre des communes (37e législature, 3e session), à savoir que les mesures de protection prévues par le projet de loi sur la dénonciation s’appliquent rétroactivement à ces hommes et femmes5. Néanmoins, le Comité salue la force morale de ces fonctionnaires qui, par leur dévouement face à leurs obligations, ont surmonté toute réticence qu’ils ont pu ressentir et ont consenti à témoigner pour faire connaître toute la vérité dans ce dossier.

Enfin, le Comité désire remercier M. Allan Cutler, un fonctionnaire de carrière à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, que les problèmes de gestion des contrats de publicité ont commencé à préoccuper en 1995 et qu’il a commencé à signaler en 1996. Les préoccupations exprimées par M. Cutler ont mené à la première d’une série d’examens et de vérifications internes, lesquels ont abouti aux vérifications de 2001 et de 2003 de la vérificatrice générale. Après avoir insisté pour que les règles d’attribution des contrats soient respectées et fait part de ses préoccupations à la Direction générale de la vérification et de l’examen du ministère, M. Cutler s’est d’abord fait dire par son directeur général, M. Guité, qu’il serait déclaré excédentaire — autrement dit, mis en disponibilité.

Après une intervention de la part de son syndicat, M. Cutler a été transféré à l’extérieur de la Direction de la publicité et de la recherche sur l’opinion publique ((DPROP), devenue plus tard la Direction générale des services de coordination des communications). Entre-temps, M. Cutler a continué de travailler sous la direction de M. Guité. Durant toute cette période, jusqu’à ce que le grief officiel qu’il avait déposé ait été réglé, M. Cutler a eu l’impression que sa sécurité d’emploi était incertaine et que toutes ses possibilités d’avancement avaient disparu6.

Le Comité est sincèrement désolé du traitement que M. Cutler a dû subir pour avoir posé le bon geste. Il déplore également que, malgré les efforts de M. Cutler pour faire part de ses préoccupations, rien n’ait été fait pour mettre fin aux abus qu’il avait observés, et qu’aucun changement n’ait été apporté dans la gestion de la DPROP. Si cela avait été le cas, le Programme de commandites aurait pu être géré et administré dans les règles, et les fonds publics, dépensés avec transparence et aux seules fins pour lesquelles ils étaient destinés.

ENQUÊTE PRÉCÉDENTE

A.        Rapport de vérification spéciale de la vérificatrice générale du Canada de mai 2002 (Rapport au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux sur trois contrats attribués à Groupaction)

Le 8 mai 2002, le Bureau du vérificateur général a publié les résultats d’une vérification demandée par le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, l’honorable Donald Boudria, concernant trois contrats attribués à Groupaction7. La vérificatrice générale a constaté que :

… les hauts fonctionnaires chargés de la gestion des contrats ont manifesté un mépris flagrant à l’égard de la Loi sur la gestion des finances publiques, du Règlement sur les marchés de l’État, de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, et des règles visant à garantir que les contrats gouvernementaux sont octroyés et administrés avec prudence et probité.

Les dossiers du gouvernement sur les trois contrats sont si mal documentés que de nombreuses questions clés entourant la sélection de l’entrepreneur et la méthode utilisée pour établir le prix et l’étendue des travaux stipulés dans les contrats demeurent sans réponse. À notre avis, le gouvernement n’a pas reçu tout ce qui était stipulé dans les contrats et ce pourquoi il a versé de l’argent.

Plus particulièrement, la vérificatrice générale a constaté ce qui suit :

Le gouvernement n’a pas reçu tous les produits qu’il avait prévus aux contrats et qu’il a payés. Des éléments clés des exigences des contrats n’ont jamais été livrés, et personne n’a pu trouver le rapport prévu aux termes du deuxième contrat, pour lequel le gouvernement a versé 549 990 $.
Les fonctionnaires ont approuvé des paiements pour des travaux qui différaient considérablement de ce qui était stipulé dans les contrats. Dans quelques cas, ils ont approuvé des paiements tout en sachant bien que les exigences des contrats n’avaient pas été entièrement respectées.
On nous a dit [la vérificatrice générale] que des paiements ont été faits pour des conseils donnés verbalement, mais ces conseils n’étaient pas prévus aux contrats; il n’existe aucune preuve dans les dossiers que des conseils ont été reçus.
Nous avons constaté que le premier contrat a été modifié de façon à en doubler la valeur, mais nous n’avons trouvé aucun document justifiant la nécessité de cette modification.
Aucun des documents que nous avons examinés ne contient d’explications sur la façon dont le gouvernement a déterminé les services requis et sur les raisons pour lesquelles il a décidé que la passation d’un contrat serait la meilleure façon d’obtenir ces services.
Nous n’avons trouvé aucune preuve d’un processus de sélection approprié pour l’attribution du premier contrat.
Nous n’avons trouvé que très peu d’éléments de preuve étayant la décision d’attribuer les deuxième et troisième contrats.
Les fonctionnaires n’ont pas respecté les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques et des règlements sur les marchés publics, ni vérifié si le nombre d’heures facturées par l’entrepreneur reflétait raisonnablement bien les travaux effectués.

B.        Dixième rapport du Comité des comptes publics

Après avoir tenu une série d’audiences sur le Rapport de vérification spéciale, le Comité a déposé son dixième rapport (37e législature, 2e session) le 20 mars 2003. Le Comité a fait 12 recommandations invitant le gouvernement du Canada à examiner de plus près et à appliquer plus rigoureusement les règlements relatifs aux marchés publics en s’inspirant de recommandations antérieures8, à offrir de meilleures conditions et une meilleure protection aux fonctionnaires désireux de signaler des actes fautifs au travail, et à restructurer et à mieux financer la fonction de vérification interne au sein de son administration.

Dans son rapport, le Comité a noté que la vérificatrice générale a entrepris une vérification à l’échelle gouvernementale des programmes de publicité et de commandites et prévoyait rendre compte des résultats à la fin de 2003. Le Comité s’est dit :

… convaincu que la situation justifie un examen complet devant mener à une analyse des problèmes et des remèdes à y apporter. Le Comité félicite donc la vérificatrice générale de sa décision de mener une vérification sur large échelle des programmes de publicité et de commandites et se réjouit d’en connaître les résultats9.******



1Le dépôt a été retardé parce que le Chambre des communes ne siégeait pas.
2Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes, novembre 2003, chapitres 3, 4, 5, Points saillants globaux, p. 1. (http://www.oag-bvg.gc.ca)
3Ibid., p. 1.
4Bureau du vérificateur général du Canada, Communiqué, 8 mai 2002.
5Déposés le 2 février et le 12 mars 2004 respectivement.
6M. Allan Cutler, Sommaire de témoignage, p. 4, document présenté au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
7Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada sur trois contrats attribués à Groupaction, 8 mai 2002
(http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/reports.nsf/html/02sprepf.html).
8Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 28e rapport, 36e législature, 1re session, déposé le 5 mai 1999; Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 12e rapport, 36e législature, 2e session, déposé le 8 juin 2000.
9Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 10e rapport, 37e législature, 2e session, déposé le 20 mars 2003.