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SSLR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 13 avril 2005




» 1745
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         Surintendant principal Kevin Vickers (directeur général, Sous-direction de la police contractuelle nationale, Services de police communautaires, contractuels et autochtones, Gendarmerie royale du Canada)

» 1750
V         Le président
V         M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC)

» 1755
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         M. Art Hanger
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1800
V         M. Art Hanger
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ)
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1805
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle

¼ 1810
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1815
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1820
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies

¼ 1825
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1830

¼ 1835
V         M. Alan Tonks
V         Le président
V         M. Alan Tonks
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         M. Art Hanger

¼ 1840
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         M. Art Hanger
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Paule Brunelle
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1845
V         Mme Paule Brunelle
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Mme Libby Davies
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         M. Alan Tonks
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1850
V         M. Alan Tonks
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         M. Alan Tonks
V         Le président
V         M. Alan Tonks
V         Sdt pal Kevin Vickers

¼ 1855
V         M. Alan Tonks
V         Le président
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         Sdt pal Kevin Vickers

½ 1900
V         Le président
V         Sdt pal Kevin Vickers

½ 1905
V         Le président
V         Sdt pal Kevin Vickers

½ 1910
V         Le président
V         Mme Laura Barnett (attaché de recherche auprès du comité)
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président
V         Sdt pal Kevin Vickers
V         Le président










CANADA

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 13 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

»  +(1745)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): La séance du Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile est ouverte.

    Nous accueillons ce soir le surintendant principal Kevin Vickers. Vous êtes le bienvenu.

    D'habitude, nous demandons aux témoins de faire un exposé d'un maximum de dix minutes, après quoi les députés posent des questions, chacun ayant environ sept minutes au premier tour et trois minutes aux tours suivants. Nous continuons ainsi jusqu'à la fin de la période prévue.

    Monsieur le surintendant principal Vickers, vous avez la parole.

[Français]

+-

    Surintendant principal Kevin Vickers (directeur général, Sous-direction de la police contractuelle nationale, Services de police communautaires, contractuels et autochtones, Gendarmerie royale du Canada): Merci de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. Je vais faire ma présentation en anglais, mais il me fera plaisir de vous répondre en français si vous souhaitez me poser des questions en français.

[Traduction]

    Merci de me permettre de prendre la parole aujourd'hui. On m'a demandé de donner le point de vue de la police sur l'utilisation des lois sur le racolage dans les villes et localités canadiennes.

    La question concerne un grand nombre de nos membres qui assurent les services de police provinciaux et municipaux dans huit provinces sur dix et dans les trois territoires. Je vais surtout parler du travail de milliers d'agents de première ligne, mais il ne faut pas oublier que la GRC n'est qu'une des nombreuses forces de police au Canada, et que je ne peux présumer parler en leur nom.

    La tenue de maisons de débauche, la prostitution et la sollicitation sont des activités qui ont cours dans beaucoup de villes et localités où nous assurons les services de police. Là où nous avons compétence, nous avons pour mandat de faire respecter les articles 210 à 213 du Code criminel du Canada. Ce sont des faits connus. Ce qui se remarque moins, ce sont les crimes, activités et drames nombreux qui sont à la périphérie, qui ne sont pas reflétés dans ce passage du Code, mais découlent des activités qui y sont énumérées. Nos agents sont témoins de ces retombées, même dans les petites localités, où les travailleuses du sexe ne se tiennent pas au coin des rues et où les clients ne passent pas discrètement dans certains quartiers.

    Récemment, l'une des grandes difficultés, sur le plan des ressources de la GRC, a été l'enquête sur la ferme Pickton, en Colombie-Britannique, où on a déterré et identifié les restes d'un grand nombre de prostituées. Depuis 38 mois, des agents travaillent à temps plein pour terminer l'enquête et préparer le procès du prévenu, Robert William Pickton. Si on tient compte du personnel de soutien supplémentaire, 130 personnes participent actuellement à cette enquête.

    Le grand nombre d'éléments à soumettre à l'analyse médico-légale a entraîné l'élaboration d'une nouvelle technique de robotisation pour les analyses génétiques, ce qui a beaucoup accéléré le travail des laboratoires médico-légaux de la GRC. Il a fallu consacrer beaucoup de temps aux familles des victimes et leur témoigner beaucoup de sollicitude. Le personnel de la GRC a aidé ces familles à affronter des nouvelles bouleversantes sur le sort d'êtres chers et est resté en contact avec elles pour aider à atténuer l'impact chaque fois que des conférences de presse sont prévues pour communiquer de nouvelles informations sur cette affaire.

    Quel est le lien avec cette audience? Aucun lien direct, mais il y a un lien indéniable avec le racolage et la prostitution et un effet indéniable sur le travail de nos membres. La Division « E » de la GRC en Colombie-Britannique a un groupe de travail provincial sur la prostitution qui intègre les activités d'autres services de police à celles de la GRC.

    En Alberta, beaucoup de nos agents ont participé au projet KARE, aidant à chercher des femmes autochtones portées disparues et dont bon nombre étaient des prostituées. Le travail de ce groupe a été tellement fructueux qu'il est arrivé que des prostituées appellent la police pour dire qu'elles seraient à l'extérieur quelques jours pour que les agents ne s'inquiètent pas de leur disparition temporaire. Cela témoigne clairement des principes de police communautaire que nous inculquons à nos membres et des relations qu'ils ont pu établir.

    Certaines s'engagent dans le commerce du sexe en pleine connaissance de cause, mais pas toutes. Elles sont contraintes par les circonstances, des exploiteurs qui les dominent, le désespoir ou la toxicomanie de s'engager dans une activité qu'elles connaissent peu et à laquelle elles sont peu préparées. Ce sont celles dont nos agents entendent parler lorsqu'ils font enquête sur des cas de trafic d'êtres humains, de crime organisé, de trafic de drogue et d'agressions violentes.

    Ces personnes sont la monnaie produite et échangée entre gangs et organisations criminelles. Ce sont de vraies victimes, séduites à l'étranger par de vaines promesses d'argent et d'une vie meilleure. Elles sont amenées clandestinement dans les grandes villes canadiennes et doivent payer des dettes de milliers de dollars, ou elles sont attirées, alors qu'elles sont encore à l'école secondaire du quartier, par des gangs de motards hors-la-loi ou d'autres prédateurs pour des fins semblables. Dans ces cas qui échappent à notre attention, il ne peut être question de légalisation, peu importe la loi qu'on pourra mettre en vigueur, car cela fait partie d'un réseau criminel bien plus vaste qui méprise la loi.

    L'approche communautaire des services de police préconisée par la GRC amène la population à participer activement à la sécurité des foyers et des quartiers, ce qui est notre objectif. La prévention représente une grande partie des fonctions de la police et nombre de ces programmes visent les comportements ou problèmes des jeunes qui peuvent les pousser vers le commerce du sexe pour gagner de l'argent ou se procurer des drogues. En renforçant l'estime de soi et en proposant des activités, les agents de liaison dans les écoles s'attaquent au crime par des programmes de développement social qui disent quelque chose aux jeunes.

    Dans les grands centres urbains, les programmes peuvent viser à éviter que les condoms utilisés et les seringues ne s'accumulent sur les trottoirs ou sur les parterres et que les citoyens respectueux des lois ne soient importunés par le racolage dans leurs activités quotidiennes dans certains quartiers. D'autres projets de police communautaire visent les prostituées mêmes et les incitent à renoncer à ce métier en leur faisant connaître des programmes de services sociaux qui leur offrent de nouvelles perspectives et des encouragements.

»  +-(1750)  

    Nos agents patrouillent également les lieux où les prostituées se tiennent pour établir un contact avec elles afin qu'elles se sentent plus à l'aise pour dénoncer les crimes violents dont elles sont souvent les victimes. Beaucoup de ces crimes ne sont jamais dénoncés, de sorte que leurs auteurs poursuivent ces agressions et que leurs victimes sont exposées à des dangers de plus en plus graves.

    Les agents recueillent aussi, pour celles qui le veulent, des échantillons pour analyse génétique, les empreintes digitales et l'information sur leurs proches, au cas où elles disparaîtraient ou connaîtraient une mort suspecte.

    Des programmes visent les clients, dont certains sont aiguillés vers un programme de déjudiciarisation qui, à Surrey, en Colombie-Britannique, a eu un excellent taux de réussite pour décourager la récidive.

    Une autre approche est également utilisée : l'officier responsable du détachement écrit aux clients qui ont été surpris avec des prostituées pour leur donner de l'information sur le commerce du sexe dans l'espoir de décourager la récidive.

    Même dans des petites villes, des familles peuvent être déchirées lorsqu'une fille s'enfuit pour se prostituer dans un grande ville ou que des groupes du crime organisé recrutent de nouveaux membres chez les jeunes qui sont désoeuvrés. Ils les amènent à devenir toxicomanes, après quoi il leur faut de l'argent pour acheter de la drogue. Souvent, les jeunes qu'on amène ainsi à se prostituer sont entraînées hors de leur ville ou de leur province, ce qui affaiblit encore les liens avec la famille.

    Les problèmes que je viens d'esquisser sont nombreux et de portée considérable, mais cela n'est qu'une infime partie du travail de police que la GRC accomplit pour réprimer le commerce du sexe. Selon nous, la meilleure façon de garantir la sûreté et la sécurité des prostituées est de les arracher au commerce du sexe. Les risques et les dangers inhérents à cette profession ne disparaîtront probablement pas. Des milliers d'années d'histoire en témoignent.

    Merci de m'avoir permis de donner mon point de vue dans cet important débat. Voilà ma déclaration d'ouverture.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur le surintendant principal Vickers.

    Monsieur Hanger.

+-

    M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le surintendant principal, de votre exposé et de votre présence parmi nous.

    J'ai une préférence personnelle pour la répression, même en matière de prostitution. Je sais que la prostitution est légale, mais des lois donnent un certain contrôle sur cette activité—les dispositions sur les maisons de débauche, le fait de vivre des produits de la prostitution et le racolage. Selon vous, qu'arriverait-il si ces trois dispositions n'existaient pas?

»  +-(1755)  

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Ces dispositions font partie d'une approche complexe du problème. L'un des pires fléaux dont vous avez parlé, monsieur Hanger, est celui de vivre des produits de la prostitution. Sur ce point, nous pourrions être plus rigoureux. Les individus en cause exploitent littéralement les jeunes, les entraînent dans la prostitution et contrôlent leur vie. Tout ce que nous pourrions faire pour resserrer ces dispositions où les développer pour lutter contre les proxénètes qui exploitent les jeunes et les entraînent dans la prostitution serait utile. Sans ces dispositions interdisant de vivre des produits de la prostitution, la situation serait bien pire.

    De la même façon, sans les articles du Code criminel sur le proxénétisme, il nous manquerait des outils pour assurer la sécurité de nos quartiers et localités. Ces dispositions sont nécessaires. Nous en avons besoin pour garantir la sécurité des foyers et des quartiers.

+-

    M. Art Hanger: Au sujet de l'exploitation, le comité s'est fait dire souvent, tant par celles qui se livrent à la prostitution que par les personnes qui restent à la périphérie du métier, que beaucoup des filles qui sont entrées dans ce milieu ou y ont été contraintes ont commencé cette activité comme adolescentes, à l'âge de 14, 15 et 16 ans.

    Je crois que le comité est d'avis que, lorsqu'il s'agit de jeunes, des dispositions comme celles-là sont indispensables, mais j'ignore comment vous ferez la distinction dans l'application de dispositions qui s'appliquent aux filles de 19 ans et plus, car il y a toujours le danger inhérent que les activités légalisées mettent également en cause des filles plus jeunes. D'après ce qu'on nous a dit, même dans le trafic de femmes venant de l'extérieur des pays qui ont légalisé la pratique, le nombre a augmenté de façon vertigineuse lorsque tout a été légalisé pour les adultes.

    J'ignore pour ma part comment la situation se présenterait. Je vais vous demander votre point de vue. Comment pouvez-vous faire la distinction et appliquer les dispositions pénales qui s'appliquent à ceux qui exploitent nos jeunes tout en laissant les adultes libres d'agir à leur gré selon les mêmes paramètres?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Votre question touche un certain nombre de sujets.

    À propos de légalisation, je ne crois pas qu'il y aura jamais une société dont les lois autoriseront des jeunes filles de 12, 13 ou 14 ans, par exemple, à participer à un commerce du sexe légalisé.

    Vous parlez de la légalisation de l'exploitation également. Je peux m'appuyer sur mon expérience personnelle, comme j'en discutais avec vous avant le début de la séance. J'ai été appelé à faire enquête sur une douzaine de décès de jeunes filles dans la région de Calgary. À propos d'exploitation, je dois dire que, dans un certain nombre de cas, les victimes avaient été entraînées dans la prostitution parce qu'on les avait rendues dépendantes de la cocaïne.

    D'après mon expérience personnelle, la légalisation ne permettra jamais de régulariser la situation. Les proxénètes pourront toujours attirer des personnes dépendantes des drogues qui doivent recourir à la prostitution.

    Il faut aussi envisager l'exploitation dans une perspective mondiale. J'ai lu des documents sur l'Europe de l'Est. Depuis la chute du communisme, dans certains de ces pays où il y a eu des guerres civiles et beaucoup de troubles civils, des jeunes filles de moins de 12 ou 14 ans sont vendues pour un montant qui peut aller jusqu'à 25 000 $ US sur le marché mondial pour le développement de la pornographie, notamment la pornographie sur Internet, et pour l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet.

    Pour conclure, il faudra intensifier les efforts et il faudra que les lois tiennent compte de tous les problèmes et tendances qui émergent dans le monde entier.

¼  +-(1800)  

+-

    M. Art Hanger: Merci.

    Je voudrais savoir quelle est votre expérience ou quelles sont vos connaissances en ce qui concerne les salons de massage, les services d'escorte, les boîtes ou agences de strip-tease, etc. D'abord, est-ce que la violence est absente?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Non. J'ai fait enquête sur la mort de jeunes prostituées qui travaillaient pour des agences d'escorte. À Calgary, en particulier, je me souviens de deux femmes qui travaillaient justement pour un service d'escorte à Calgary même. Il y a de la violence.

    D'après mes entrevues avec des femmes qui travaillent pour des agences d'escorte, il arrive souvent, comme cela arriverait s'il y avait légalisation, qu'un certain pourcentage d'entre elles sont intimidées et exploitées après qu'elles ont fait leurs huit, neuf ou dix heures de travail pour l'agence et forcées par un proxénète à travailler dans la rue ou avec la clientèle qui s'est développée.

    Quant aux salons de massage, aux maisons de débauche et autres établissements semblables, nous constatons souvent que les propriétaires prétendent souvent qu'ils ne sont pas responsables ni au courant de ce qui se passe dans les salles de massage. En Colombie-Britannique, il arrive même qu'on trouve des panneaux qui disent que la direction n'est pas responsable des activités illégales des employées du salon de massage. Pourtant, nos services de renseignement et nos enquêtes nous disent que la direction récupère un pourcentage élevé de l'argent reçu pour les pratiques sexuelles qui ont cours dans ces lieux.

+-

    Le président: Merci, monsieur Hanger.

[Français]

    Madame Brunelle.

+-

    Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, monsieur. Vous aurez l'occasion de parler en français. C'est bien aimable de votre part d'y consentir.

    Après avoir parlé à bon nombre de prostituées, on a l'impression que la prostituée de rue est une victime: victime d'un proxénète, de la violence, de son accoutumance à la drogue, etc. Comment la GRC intervient-elle? On a l'impression que vous intervenez beaucoup dans la prostitution de rue et que les autres activités peuvent se dérouler en toute impunité, que ce soit dans les salons de massage ou dans les agences d'escortes. Ai-je tort de penser cela? Comment agissez-vous?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: De façon générale, nous sommes impliqués dans toutes les situations illégales de ce domaine, surtout dans les secteurs où nous avons l'autorité pour appliquer la loi.

    Malheureusement, dans un grand nombre de cas, nous sommes appelés à intervenir dans des cas de meurtres. Comme je vous l'ai expliqué plus tôt, j'ai personnellement mené des enquêtes sur le meurtre d'une dizaine de jeunes prostituées.

    Nous intervenons beaucoup plus dans la prostitution de rue parce que ces femmes ont un style de vie dangereux. En Colombie-Britannique, avec le cas de M. Pickton, ainsi qu'en Alberta, à Edmonton, à Project KARE, une autre vingtaine de personnes avaient été portées disparues. Nous avons trouvé leurs corps après qu'elles aient été tuées.

    C'est la raison pour laquelle nous nous impliquons davantage dans la prostitution de rue.

¼  +-(1805)  

+-

    Mme Paule Brunelle: La loi n'est-elle pas plus facile à appliquer dans la rue que dans le cas d'une activité secrète qui demande une enquête plus poussée? Il faudrait alors prouver qu'il y a un échange d'argent contre des services. Vous ne pouvez quand même pas entrer dans les chambres à coucher des gens.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Ce qui se passe dans la rue est toujours évident, parce que cela se passe devant nous, littéralement. C'est peut-être d'ailleurs une autre raison pour laquelle nous nous occupons plus de ce phénomène.

    En ce qui a trait à ce dont vous avez parlé, les salons de massage et les endroits de ce genre en Colombie-Britannique, nous avons, bien sûr, utilisé des agents d'infiltration pour obtenir les preuves nécessaires pour porter des accusations contre ces gens ou des dirigeants du crime organisé.

    Nous avons la responsabilité de nous occuper de ce qui se passe dans la rue. Par contre, comme je l'ai mentionné dans mon introduction, nous avons aussi d'autres programmes communautaires qui s'adressent à la jeunesse pour essayer, par exemple, de prévenir les situations où les jeunes pourraient être attirés par des proxénètes et d'autres groupes qui voudraient les amener à se prostituer.

+-

    Mme Paule Brunelle: Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit un peu plus tôt, vous croyez que la loi devrait être plus sévère à l'égard des proxénètes.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Je n'ai pas bien compris ce que vous avez dit.

+-

    Mme Paule Brunelle: La loi devrait-elle être plus sévère à l'égard des proxénètes?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Selon nous, cela est de la plus haute importance. D'autre part, nous voulons — c'est la raison pour laquelle ce comité a été créé — trouver une façon d'améliorer la situation des gens, des femmes qui sont impliquées dans la prostitution.

    Il existe aux États-Unis une loi qui permet de porter des accusations criminelles contre ceux qui font passer des prostituées ou des jeunes d'un État à l'autre. Par contre, une telle loi n'existe pas au Canada.

    Selon moi, nous pouvons essayer de régler ou d'améliorer un peu la situation en adoptant une loi qui nous permette de porter des accusations contre les gens qui font partie du crime organisé et qui font passer, par exemple, des femmes du Québec à la Colombie-Britannique. Ce serait une autre façon d'essayer de leur faire échec.

+-

    Mme Paule Brunelle: D'accord.

    Ai-je encore du temps à ma disposition, monsieur le président?

+-

    Le président: Oui.

+-

    Mme Paule Brunelle: Vous nous amenez à parler du trafic des femmes. Depuis que ce comité a été formé, j'essaie de savoir quelle est l'ampleur de ce trafic. On a appris que des femmes se déplaçaient à l'intérieur du Canada, mais y a-t-il beaucoup de femmes qui viennent des pays de l'Est ou d'ailleurs au Canada? Le trafic des femmes est-il important ici?

¼  +-(1810)  

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Oui, il est clair que cela existe. Comme je m'occupe de politique internationale au sein de la GRC, je suis au courant.

    L'autre jour, j'ai reçu une note de service en provenance de la Colombie-Britannique qui m'avisait que deux femmes chinoises avaient été enlevées ou kidnappées en Chine. Elles ont été amenées au Canada pour se prostituer. Un groupe du crime organisé était responsable de cela. Nous avons porté des accusations contre le groupe responsable de ces enlèvements. Cela n'est qu'un exemple.

+-

    Mme Paule Brunelle: Comment peuvent-elles entrer au Canada? Viennent-elles en déclarant qu'elles font du travail domestique? Savez-vous comment cela fonctionne?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Elles ont rempli de fausses déclarations et on a arrangé des mariages afin qu'elles puissent entrer au Canada.

    Toutefois, après leur arrivée, les deux femmes ont dû travailler dans la rue pour payer les personnes responsables de leur enlèvement.

+-

    Mme Paule Brunelle: Elles ont donc une dette.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: En effet. Il est important aussi de constater que l'exploitation sexuelle a lieu sur Internet. Nous avons eu un cas à Saint-Boniface, au Manitoba. Un homme avait envoyé une photo de lui-même par voie électronique à une jeune fille de 13 ans. Elle a ouvert le fichier contenant sa photo, mais un logiciel était caché derrière la photo. De cette manière, l'homme pouvait contrôler l'ordinateur de la jeune fille de Saint-Boniface, au Manitoba.

    Il lui a dit qu'il contrôlait maintenant son ordinateur. La jeune fille lui a répondu que c'était impossible. Il lui a dit de vérifier, ce qu'elle a fait. Il a ajouté qu'il allait détruire son ordinateur, à moins qu'elle ne lui envoie une photo de ses seins. La jeune fille a eu peur. Elle a pris une photo de ses seins avec son appareil photo numérique, parce qu'elle avait peur de la réaction de ses parents. Elle a envoyé la photo à l'homme par voie électronique.

    Tout de suite, elle a constaté à l'écran que l'homme avait le contrôle de sa souris. Il a cliqué sur son carnet d'adresses et a copié toutes les adresses de ses amis. Il a menacé ensuite d'envoyer la photo de ses seins à tous ses amis si elle ne lui envoyait pas une photo d'elle entièrement nue. Elle a paniqué. Elle a débranché tous les fils de l'ordinateur. Elle est allée voir ses parents en pleurant et elle a raconté tout ce qui s'était passé.

    Je vais abréger cette histoire. Le lendemain, la GRC arrêtait l'homme responsable de cet acte, avec l'aide de la police des Midlands en Angleterre. Il est incroyable de voir comment les gens peuvent maintenant, partout dans le monde, exploiter nos enfants. Ce n'est qu'un petit exemple.

¼  +-(1815)  

+-

    Mme Paule Brunelle: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Davies, je vous en prie.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup de votre présence.

    Vous venez de nous raconter une histoire horrifiante. Heureusement, elle a eu une fin heureuse parce que la jeune fille a fini par faire ce qu'il fallait, mais je suis sûre que, dans bien des cas, ce n'est pas ce qui se passe.

    Je vais y revenir, mais vous avez expliqué au cours de votre exposé de ce soir, monsieur, que la vie dans les rues était très dangereuse. Nous sommes certainement d'accord avec vous, et beaucoup de témoignages que nous avons entendus le confirment. Comme M. Hanger l'a fait remarquer, il y a aussi de la violence ailleurs, mais je crois que ce que nous avons entendu et ce que vous avez dit, c'est que les plus grands dangers sont dans la rue. Vous avez parlé de la ferme Pickton et du sort que ces femmes ont connu.

    Nous avons essayé d'élucider les effets de la loi actuelle. Je crois qu'il se dégage un accord solide sur la nécessité d'empêcher les jeunes de s'orienter vers le commerce du sexe, d'empêcher l'exploitation sexuelle des jeunes et de leur offrir les services nécessaires pour qu'ils en sortent. Comme il y a un solide consensus là-dessus, je laisse la question de côté, mais en ce qui concerne le sort de ceux qui sont dans le commerce du sexe et les grands dangers et risques auxquels ils sont exposés, il y a dans ma ville bien des choses qui donnent à penser—les femmes elles-mêmes le disent—que les dispositions sur le racolage aggravent le danger. On dit que cette façon de vivre dans la rue est dangereuse, mais je me demande si vous pourriez donner plus d'explications.

    Au fond, les femmes sont obligées d'aller dans des lieux de plus en plus dangereux à cause des plaintes. La police ne peut pas gagner : un grand nombre de ces femmes vont dans des quartiers plutôt industriels où l'éclairage est moins bon, elles montent dans des voitures. Il leur faut souvent prendre une décision en quelques secondes. Il y a d'autres facteurs, dont certainement la consommation de drogues, j'en conviens, mais il me semble que la loi est aussi un facteur. Il est impossible d'aller à l'intérieur parce que la maison de débauche est illégale.

    Je sais que vous n'y êtes pour rien. Vous appliquez les lois, vous ne les faites pas. La police a réclamé les dispositions sur le racolage pendant 20 ans, mais j'estime que cela a été un terrible échec et qu'elle accroît les dangers de ce mode de vie. Pourriez-vous préciser votre pensée à ce sujet et dire si, à votre avis, c'est un facteur qui joue?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Dans toute recherche de solution, toute approche policière, tout enjeu social, il y a bien des façons d'aborder un problème donné : prévention, sensibilisation, compassion, empathie, facilitation. Ce sont autant d'outils. La répression est un autre moyen qu'il faut essayer pour régler le problème.

    Si on se contente d'utiliser un seul de ces moyens, il est probable que la réussite ne sera pas éclatante. Il nous faut une approche horizontale qui fait appel aux éducateurs, aux services de santé, aux services sociaux, aux services de police. La meilleure solution est probablement d'agir collectivement, avec cohésion, dans une optique pluridisciplinaire. Si nous pensons que la répression sera la solution magique, je ne crois pas, pour ma part, que nous allons remporter un grand succès.

    Pour en revenir à la comparaison entre la rue et les services d'escorte, les maisons de débauche et les salons de massage, dans les 12 cas d'homicides dont je me suis occupé où sont disparues des jeunes prostituées, des jeunes femmes, je crois que, dans au moins deux ou trois cas, elles travaillaient comme escortes, elles sont sorties, elles ont rencontré quelqu'un, et c'est la dernière fois qu'on les a vues avant de retrouver leur cadavre. Il y a des cas dont je suis au courant où les filles faisaient le trottoir au centre-ville de Calgary, et leur corps a été ensuite retrouvé quelque part. Dans d'autres cas, il y avait un proxénète et la fille travaillait dans un hôtel du nord-est de Calgary, par exemple. C'est à partir de là que les activités avaient lieu. On l'a retrouvée morte.

    Je ne pense pas qu'il y ait un endroit que nous puissions considérer comme plus sûr qu'un autre. D'après mon expérience dans les enquêtes sur ces types d'homicide, j'ai vu des femmes se faire tuer dans chacune de ces situations.

    Je vous parle seulement de mon expérience personnelle.

¼  +-(1820)  

+-

    Mme Libby Davies: J'apprécie vraiment la sollicitude de vos propos.

    Nous avons entendu des escortes nous parler de la violence à laquelle elles sont exposées. Pas toujours, mais cela arrive. Et nous avons entendu dire à maintes reprises qu'un des problèmes, c'est que, lorsqu'elles sont aux prises avec un problème de violence, elles hésitent beaucoup à le signaler.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Là encore, à propos de l'exploitation et de l'intimidation, les propriétaires de ces services d'escorte ne veulent pas que leur service ait une mauvaise réputation ou fasse l'objet de poursuites.

+-

    Mme Libby Davies: Non, mais les femmes, individuellement, si elles ont été violées ou violentées, répugnaient à le dire... On nous l'a dit à maintes reprises partout. Les derniers à qui elles s'adresseraient, ce sont les policiers, puisqu'elles pratiquent une activité illégale. Sur un plan plus fondamental, pas vraiment philosophique, à la base de toutes ces questions, même dans le cas de la jeune fille à l'ordinateur dont vous avez parlé... Il s'agit d'un segment de la population qui devient tellement marginalisé que l'acceptation de la violence devient un meilleur choix que l'aveu d'une certaine activité, parce que la stigmatisation est si grande, parce qu'on s'est tellement éloigné des normes de la société. Même dans le cas de la jeune fille dont vous avez parlé, elle a peur de parler à ses parents à cause de la façon dont nous considérons ces choses et réagissons.

    J'ai vraiment l'impression que cela est sous-jacent à une partie du débat, et c'est pourquoi il est très facile au commerce du sexe de se faire invisible. S'il est invisible, nous avons tendance à le tolérer, à ne pas faire attention. C'est seulement lorsqu'il devient visible que nous réprimons davantage au lieu d'employer les autres moyens dont vous avez parlé.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Je viens de voir ce qui se passe au niveau national. J'y ai pensé avant de venir aujourd'hui. Il s'agit seulement de la GRC et non des autres services policiers au Canada. Nous avons eu en tout 4 025 enquêtes d'un type ou l'autre. Il y a eu 16 cas de maison de débauche, 182 de proxénétisme, et les autres activités de prostitution — ces deux catégories peuvent se regrouper — ont représenté 3 813 pour un total de 4 011. À Richmond, en Colombie-Britannique, où il y a un projet pilote portant sur un système différent, et il y a eu 14 enquêtes sur un total de ——4 025 auxquelles la GRC a participé.

+-

    Mme Libby Davies: Ces statistiques sont bonnes ou mauvaises? Je ne pourrais pas le dire. Quelle évaluation faites-vous?

¼  +-(1825)  

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: J'ai été étonné. Je ne me rendais pas compte de l'ampleur...

+-

    Mme Libby Davies: Il vous a semblé que c'était très élevé?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Oui. Je m'attendais à peut-être 2 000 cas dans tout le pays.

+-

    Mme Libby Davies: Il faut donc se demander, s'il y a tant d'interventions des forces de l'ordre, quels résultats nous obtenons vraiment? Il me semble que la situation est plus dangereuse aujourd'hui qu'il y a 20 ans. C'est certainement vrai chez moi, à Vancouver-Est. On a l'impression générale que le problème est bien pire qu'il y a 20 ans, surtout depuis que les dispositions sur le racolage ont été adoptées. Ces statistiques sont là, elles sont bien réelles, mais il faut se demander comment on peut faire une évaluation. Avez-vous l'impression de dominer la situation ou le problème est-il pire?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Je ne pourrais pas dire dans quelle mesure il s'aggrave, mais j'en reviens à ce que j'ai dit : pour s'attaquer au problème, la répression a un rôle très important à jouer.

    Par exemple, pour les jeunes filles qui sont mêlées à ce commerce, lorsqu'il y a une ordonnance judiciaire leur interdisant d'aller rue East Hastings, à Vancouver, le seul fait qu'il existe une ordonnance et qu'une jeune fille ne puisse plus y aller sans se faire épingler par la police—c'est peut-être une question de bon sens de ma part—permet d'assurer sa sécurité. Elle n'ira pas là où ces femmes disparaissent et se font embarquer.

+-

    Mme Libby Davies: Et si elle habite là?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: D'autres conditions peuvent s'appliquer comme des dates et des heures, etc., mais il y a au moins quelque chose pour les aider. Je ne songe pas à une condition qui se présente comme une limitation de la liberté, mais, à mon avis, cela pourrait fort bien servir à protéger l'enfant contre l'exposition à des risques...

+-

    Mme Libby Davies: Vous parlez des enfants ou des adultes?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Des jeunes femmes.

+-

    Mme Libby Davies: Je parlais des adultes, mais si vous parlez de...

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Dans les cas d'homicides sur lesquels j'ai fait enquête, il y a trois victimes auxquelles je pense, à Calgary. Jennifer Reagan, Jennifer Janz et Jennifer Joyse sont trois jeunes filles sur lesquelles j'ai moi-même fait enquête. Elles avaient toutes moins de 16 ans. S'il y a un moyen d'éviter qu'elles ne soient exposées à certains dangers, cela peut être utile.

+-

    Le président: Monsieur Tonks, vous avez sept minutes.

+-

    M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci d'être ici ce soir, monsieur le surintendant.

    Comme je ne siège pas au sous-comité, vous excuserez mon manque de préparation, mais j'ai observé au niveau municipal les problèmes qui ont fait l'objet de questions et j'ai donc une ou deux questions à poser.

    L'une de ces questions porte sur Internet et sur le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants qui a été mis sur pied. Pourriez-vous me dire quand il a été créé et ce qu'a donné l'expérience en ce qui concerne les recommandations sur les modifications législatives, la modification des ressources, l'ajout de nouvelles ressources ou autre chose?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Au Canada, je dirais que vers 1997 ou 1998, sans doute, les milieux policiers savaient qu'il leur manquait des compétences, à la fois des ressources et des connaissances, en ce qui concerne les enquêtes sur les enfants exploités au moyen d'Internet.

    Le FBI a communiqué à la Police provinciale de l'Ontario puis à la GRC les noms d'environ 2 800 Canadiens de tout le pays, d'est en ouest et du nord au sud, qui avaient utilisé leur carte de crédit pour avoir accès à des sites Web illégaux pour télécharger des images d'enfants exploités sexuellement. Lorsque ces enquêtes ou dossiers sont arrivés au Canada, un grand nombre sont restés sur les tablettes du détachement à la GRC ou dans les services de police municipaux parce que nous ne savions pas comment faire enquête. Nous n'avions pas les compétences. Comment récupérer les images sur les disques durs? Comment obtenir des preuves pour entrer dans une résidence avec un mandat de perquisition et saisir le disque dur contenant l'image? Comment récupérer cette image et se présenter au juge pour prouver que telle personne est coupable?

    À bien y réfléchir, il fallait un mandat pour vérifier le compte en banque et montrer qu'il avait utilisé sa carte de crédit pour accéder au site, un autre pour le fournisseur de service Internet, afin de montrer que l'image avait été téléchargée chez lui. Il fallait prouver que la personne avait l'ordinateur chez elle et, s'il y avait une famille de six garçons, par exemple, savoir qui était celui qui avait téléchargé l'image.

    Nous avons buté sur le problème. Tous les milieux policiers canadiens. Nous ne savions pas comment nous y prendre. En mars 2003, nous nous sommes réunis. Tous les chefs de police du Canada se sont réunis à Ottawa. Nous avons décidé qu'il nous fallait une stratégie nationale complète pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Un élément de la stratégie était de donner à la police les compétences pour faire enquête sur ces infractions et d'obtenir les ressources à consacrer à ces enquêtes.

    Le gouvernement fédéral, le gouvernement d'Ottawa a accepté que nous présentions un mémoire au Cabinet, au gouvernement. Ce mémoire a reçu une réponse favorable et nous, c'est-à-dire les milieux policiers canadiens, avons reçu environ 50 millions de dollars sur cinq ans pour acquérir des moyens d'action et atteindre les objectifs de la stratégie nationale.

    La stratégie nationale établit des normes nationales d'enquête. Elle assure la coopération nationale entre les services policiers canadiens pour que nous puissions échanger de l'information, car il était arrivé qu'une force policière de la côte Est et une autre de la côte Ouest ou encore la GRC fassent enquête sur le même groupe, et nous n'avions pas la moindre idée que nous étions en train de travailler sur les mêmes cas. Ce genre de problème existait. Nous avons dû aussi relever le niveau de compétence des policiers pour qu'ils sachent comment enquêter sur ces types de crimes, et enfin, il a fallu fournir les ressources.

    Sur ce plan, nous avons fait des progrès. Sur le plan législatif, le Code criminel prévoit une infraction qui relève de la compétence des provinces. Évidemment, si l'échelon fédéral veut jouer un rôle, il doit le faire comme faciliteur auprès des provinces. Aujourd'hui, il se fait des efforts un peu partout au niveau provincial et nous constituons des ressources. Par exemple, j'espère que le gouvernement de l'Alberta annoncera sous peu l'ajout de 20 policiers dans cette province, avec la participation des services policiers d'Edmonton et de Calgary et de la GRC, pour s'attaquer à ces problèmes. La Colombie-Britannique annoncera aussi quelque chose. Là encore, pour les provinces pauvres, c'est une tâche très difficile, une fois les dépenses faites en santé et en éducation, de trouver l'argent pour affecter des agents à cette tâche.

¼  +-(1830)  

    Nous avons eu aussi de la chance et nous avons eu l'aide, récemment, d'un policier de Toronto. Paul Gillespie a écrit à Bill Gates, de Microsoft. Microsoft Canada nous a aidés à bâtir un système national de dépistage pour retracer les pédophiles.

    Ces gens-là ont des moyens très perfectionnés. Ils peuvent utiliser Internet avec des dispositifs de cryptage. Ils ont une technologie que nous n'avons pas, et ils trouvent des endroits sûrs. Il y a des conditions horribles pour entrer dans ce club : pour pouvoir faire partie du club et échanger de la pornographie juvénile, il faut produire une image du viol d'un bébé de six mois.

    Pour la production de pornographie, il est arrivé que des Américains viennent dans des petites localités des réserves du nord du Canada et paient des enfants pour faire des actes pornographiques. À une échelle plus vaste, comme je l'ai déjà dit, en Europe et en Asie, il est arrivé que de jeunes enfants, des vierges de moins de 12 ans, soient vendues à 25 000 $ pour...

    Tout cela se rapporte également à la question que vous étudiez aujourd'hui. Au fond, si on considère le monde entier—et j'ai parlé tout à l'heure du cas de deux filles amenées de Chine au Canada expressément pour ces fins-là—, il s'agit d'un grave problème auquel notre société essaie de s'attaquer.

¼  +-(1835)  

+-

    M. Alan Tonks: Puis-je poser une...

+-

    Le président: Seulement une question rapide, monsieur Tonks.

+-

    M. Alan Tonks: Y a-t-il un rapport qui rend compte des résultats du travail du centre et qu'on pourrait communiquer au comité?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: J'invite aussi le comité à venir à la GRC et à visiter le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants. Vous pourrez discuter avec nos enquêteurs, établir ces liens et observer les types d'intervention. Tous les membres du comité seraient plus que bienvenus s'ils voulaient passer un après-midi avec nos gens. L'inspecteur Jennifer Strachan est responsable du Centre. Nous nous ferons un plaisir de vous communiquer tout document susceptible de vous intéresser.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Hanger, nous aurons maintenant un autre tour de questions, cette fois de trois minutes. Je vous en prie.

+-

    M. Art Hanger: Monsieur le président, je connais fort bien le travail que Gillespie a accompli dans l'agglomération torontoise. C'est toute une réalisation d'avoir fait participer Microsoft à un niveau pareil à l'élaboration du logiciel. C'est très important.

    Je crois aussi que c'est une première dans les services de police, en tout cas en Amérique du Nord, n'est-ce pas?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: C'est une première, et ce sera très avantageux pour la police canadienne. Bien entendu, des policiers viennent du monde entier pour essayer de se raccorder. Nous faisons également des progrès sur d'autres plans, dont celui des images. L'image où on voit un enfant ou une jeune fille victimes de pornographes ou d'exploitation sexuelle contient de l'information. Avec l'aide d'experts, nous avons de belles réussites au moyen de l'examen de l'architecture et du mobilier en arrière-plan. Dans un certain nombre de cas, pas au Canada, mais en Angleterre et ailleurs en Europe, on a pu retrouver l'endroit exact grâce à cet arrière-plan. Ces techniques d'enquête nous ont aidés.

+-

    M. Art Hanger: C'est merveilleux.

    Je reviens à la question la répression et de la dissuasion, disons, à l'égard des clients, des proxénètes et des vendeurs de drogue, en ce qui concerne leur participation du côté de la prostitution.

    D'abord, je ne crois pas qu'il y ait des peines minimums pour aucune des infractions qu'on peut reprocher à ce groupe. Il y a des maximums, mais ils ne veulent rien dire si les tribunaux ne veulent pas donner des peines sévères. Avez-vous une idée des peines prononcées dans les cas d'accusés qui vivent des produits de la prostitution ou tiennent des maisons de débauche? Comment peut-on les situer du point de vue de la dissuasion ou de la répression?

¼  +-(1840)  

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Monsieur Hanger, je suis désolé, mais je n'ai pas ces renseignements. Quant aux indications sur les peines à imposer, les tribunaux se reportent probablement, en Alberta par exemple, à la jurisprudence de la Cour d'appel de l'Alberta. Plus important peut-être—et je vois pourquoi on m'a invité à donner des idées pour essayer d'améliorer notre façon d'assurer la sécurité, et je crois que cela se rapporte à votre question, monsieur Hanger—, il faut faire attention à notre façon de procéder devant les tribunaux pour obtenir la condamnation de ceux qui sont les instigateurs derrière tout le problème de l'exploitation des femmes, jeunes ou moins jeunes... Il y a des questions sur lesquelles le comité voudra peut-être se pencher.

    Au Canada, par exemple, dans un cas de violence conjugale, lorsqu'une femme ne souhaite pas témoigner contre son mari qui continue de la battre, elle est contrainte de témoigner. Le ministère public invoque les dispositions à l'égard des témoins peu coopératifs ou hostiles pour faire en sorte qu'il y ait témoignage contre le prévenu et qu'on le punisse et le dissuade de recommencer.

    Bien des jeunes de moins de 18 ans ont très peur de comparaître devant les tribunaux en public et de témoigner. On pourrait songer à demander à ces jeunes de témoigner devant une audience non publique ou par télévision en circuit fermé pour qu'ils ne soient pas intimidés par l'appareil judiciaire. Ces méthodes pour obtenir des témoignages offrent peut-être des possibilités à envisager pour améliorer la situation, notamment pour les enfants qui ont peur de témoigner.

+-

    Le président: Monsieur Hanger, ce sera votre dernière question, si vous voulez bien.

+-

    M. Art Hanger: Une précision seulement. Vous parler de contraindre des femmes à témoigner contre un compagnon ou un mari qui les maltraite. Voulez-vous dire qu'on pourrait employer les mêmes méthodes pour obliger une prostitué à témoigner contre un proxénète, un vendeur de drogues et même un client?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Exactement.

[Français]

+-

    Le président: Madame Brunelle.

+-

    Mme Paule Brunelle: J'ai trouvé très intéressant que vous nous disiez qu'on parle de prévention, de compassion et de répression, et qu'il faut avoir une vision horizontale dont la répression n'est qu'un élément.

    Il est certain que la prévention constitue un élément important pour tenter de contrer le problème des jeunes qui commencent très tôt à se prostituer. Plus ce comité avance, plus on s'aperçoit qu'il s'agit d'un problème social complexe.

    Cela étant dit, et peut-être parce qu'on le sait davantage, on constate que de plus en plus de jeunes commencent tôt à se prostituer. À votre avis, est-ce parce que nos lois ne sont pas suffisantes pour les en empêcher, ou est-ce parce qu'on ne fait pas suffisamment de prévention?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: J'ai une autre suggestion à faire, tandis que j'y pense. Nous avons une stratégie nationale pour combattre l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Mais avons-nous une stratégie nationale pour combattre la prostitution? Je ne le crois pas.

+-

    Mme Paule Brunelle: On pourrait adopter une stratégie nationale d'éducation, un peu comme dans le cas du tabac et de l'alcool.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Pour nous, il est nécessaire que les buts et objectifs d'une telle stratégie soient dirigés vers la prévention, la facilitation, la coordination ainsi que vers des normes nationales permettant d'appliquer la loi et de mener des enquêtes.

    Nous pourrions peut-être discuter de cette suggestion qui consiste à adopter une stratégie à l'échelle du Canada pour faire échec à cette situation qui implique des prostitués, aussi bien adultes qu'enfants. Peut-être est-ce là un autre moyen par lequel nous pouvons tenter de régler le problème. Cette stratégie pourrait mettre à contribution tous les domaines, que ce soit la police, le milieu de l'éducation, les services sociaux ou d'autres intervenants.

¼  +-(1845)  

+-

    Mme Paule Brunelle: C'est une bonne idée.

+-

    Le président: C'est tout?

[Traduction]

    Madame Davies, je vous en prie.

+-

    Mme Libby Davies: Une brève question. Je veux m'assurer d'avoir bien compris la réponse que vous avez faite à M. Hanger à propos des femmes contraintes à témoigner dans des affaires de violence conjugale. Je croyais que c'était plutôt la police qu'il fallait contraindre à porter des accusations. Je ne sais pas si on oblige la victime à témoigner.

    Dans le commerce du sexe, voulez-vous dire que cela s'applique aux jeunes exploités sexuellement ou à tous les travailleurs du sexe et qu'ils seraient contraints de témoigner? Ce que vous avez dit n'était pas très clair.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: C'est une autre chose à laquelle il faudrait songer. Je ne le recommande pas, mais le comité pourrait étudier la question. Cela serait-il avantageux par exemple, dans une relation dans laquelle le proxénète est exceptionnellement brutal contre une travailleuse adulte et celle-ci craint pour sa vie ou sa sécurité et répugne à témoigner? Dans ces autres types de relation, serait-il utile d'avoir la possibilité que le procureur du ministère public l'oblige à témoigner?

+-

    Mme Libby Davies: Y a-t-il des endroits où cela se fait?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Oh, oui. La Loi sur la preuve au Canada comprend déjà des dispositions selon lesquelles, si une personne modifie son témoignage ou répugne à témoigner, et si elle a fait une déclaration antérieurement, le ministère public peut utiliser cette déclaration comme témoignage.

    Il y a eu des décisions judiciaires à ce sujet, dont l'une de la Cour d'appel de l'Alberta. C'est la cause KGB. Il ne s'agit pas de la police russe, mais du nom d'une personne. Elle avait fait une déclaration à la police puis, pour quelque raison, disons que c'était la crainte pour sa propre sécurité... Le tribunal peut utiliser cette déclaration et la considérer comme un témoignage contre le prévenu. Il considère le poids à accorder à ce témoignage. Il peut ne pas s'y fier entièrement, mais il peut la retenir contre le prévenu.

    Il y a aussi d'autres dispositions dans la Loi sur la preuve au Canada. Je ne suis ni un expert, ni un juriste, mais il y a des moyens de contraindre des témoins qu'on désigne généralement comme hostiles.

+-

    Le président: Terminé?

    Monsieur Tonks, s'il vous plaît. Trois minutes.

+-

    M. Alan Tonks: Monsieur le surintendant, mes questions ne doivent pas donner à penser que je suis d'accord, mais il est arrivé à l'occasion que des ordonnances locales soient réduites ou modifiées au sujet du vagabondage et que des quartiers soient visés par des dispositions spéciales autorisant la prostitution. C'est un cas particulier dans un régime qui est différent de ce qu'on trouve au niveau national ou provincial.

    Quels résultats a donnés cette approche du problème de la prostitution? Y a-t-il une incidence sur des activités associées à la prostitution, comme le trafic de drogue, les activités des gangs, le crime organisé, etc.?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Je ne peux penser qu'à Surrey, en Colombie-Britannique, où nous avons compétence. Il existe à Whalley un établissement carcéral fédéral, et ce genre d'activité tend à y être plus fréquent.

    Je vais être très honnête. Je ne suis pas sûr qu'il y ait de dispositions spéciales dans la région de Surrey pour la prostitution très visible, si ce n'est qu'elle se concentre dans un secteur sur lequel la GRC fait porter le gros de ses efforts. Nous mettons l'accent sur un certain nombre d'activités pour essayer de contrôler la situation.

    Dans cette région, je sais que la GRC réussit bien, à Surrey, avec les programmes d'intervention auprès des clients. Elle a mis en place des programmes auxquels ces hommes ont été tenus de participer, et il y a eu un assez bon succès.

    Je n'ai pas vraiment compétence pour répondre à votre question, et je vous présente des excuses pour cela.

¼  +-(1850)  

+-

    M. Alan Tonks: Pas du tout. C'est très bien. Je me souvenais que, à Detroit, par exemple, on avait essayé une formule semblable, mais qu'on l'avait abandonnée parce que le quartier était devenu ce qu'on appelait familièrement une zone de combat. Les forces locales ont été complètement débordées par la prolifération des autres activités, par rapport au problème qu'elles tentaient de gérer.

    Vous avez parlé du code législatif qui existe au sujet de la décriminalisation et du changement des relations entre la police et les travailleuses du sexe pour qu'elles aient plus confiance et fassent appel à la police si elles ont besoin de protection, par exemple. Dans quelle mesure la décriminalisation facilite-t-elle ce type de relation qui permet à la police et aux forces de l'ordre de vraiment protéger celles qui sont exploitées? Avez-vous des exemples?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Dans ma présentation, j'ai parlé du travail de nos membres dans le projet KARE, à Edmonton. Comme vous l'aurez lu dans la presse, il y a plusieurs années, il y a eu de très graves inquiétudes dans la région d'Edmonton au sujet des disparitions incessantes de travailleuses du sexe qui avaient été tuées et dont le corps avait été jeté à l'extérieur de la ville.

    La police communautaire consiste essentiellement à travailler au niveau local et à connaître ceux avec qui on travaille. Nous parlons de clients. Ce sont tous ceux à qui nous avons affaire, tous les intéressés. Dans ce cas, tout comme nous voulons établir des relations avec ceux qui peuvent être mêlés à d'autres types de crime pour faire de la prévention, nos membres qui ont participé au projet KARE se sont vraiment identifiés et ils se sont efforcés d'établir ces relations. J'ajouterai que ce projet a été un magnifique exemple d'intégration. Il a réuni les services policiers d'Edmonton et de Calgary et la GRC. Il y a même des policiers des Premières nations qui ont collaboré à ce projet.

    Une certaine confiance s'est établie. Dans certains cas, les femmes ont volontairement donné des échantillons pour établir leurs empreintes génétiques, au cas où elles seraient victimes d'homicide. Elles ont donné les nom et adresse de parents à contacter si elles disparaissaient. Comme je l'ai déjà dit, il est arrivé que certaines téléphonent pour dire qu'elles seraient en dehors de la ville pendant une semaine, pour que la police sache qu'il ne leur était rien arrivé.

    Je crois qu'il faut établir ce type de relation et cette confiance pour réussir à savoir quels sont ceux qui, dans l'ombre, exploitent ces femmes.

+-

    M. Alan Tonks: Ai-je encore le temps d'une question rapide?

+-

    Le président: Bien sûr.

+-

    M. Alan Tonks: Dans le cas des personnes exploitées par des trafiquants, nous avons des programmes de protection des témoins, par exemple. Existe-t-il pour les femmes qui collaborent, dans l'exemple que vous avez donné?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: C'est très difficile. Si un cas est assez grave, la police peut recourir à la Loi sur la protection des témoins, si une personne collabore. Mais il s'agirait de cas vraiment exceptionnels. Mme Davies a parlé tout à l'heure de stratégies que différents organismes appliquent pour aider les personnes qui veulent s'arracher à ce milieu.

    Là encore, je ne me fie qu'à mon expérience. Je ne sais pas trop à quoi m'en tenir sur le phénomène ou le contrôle que ces individus, ces proxénètes, possèdent sur ces jeunes filles, mais c'est incroyable. J'ai discuté de la question avec beaucoup de ces jeunes femmes et j'ai constaté que ces individus qui contrôlent leur vie sont tout pour elles.

    Une autre chose m'a renversé au cours de mes enquêtes, et c'est l'origine de ces femmes. Nous avons tendance à penser que leur père était alcoolique, que leur mère étaient indigentes, mais ce n'est pas le cas. Je sais que la fille d'un agent de la GRC est tombée sous le contrôle d'un proxénète. Elles viennent de tous les segments de la société. Lorsqu'elle tombent dans ce type de vie, elles ont beaucoup de mal à en sortir. C'est à un vrai drame que la société a affaire.

¼  +-(1855)  

+-

    M. Alan Tonks: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Je n'ai qu'une ou deux questions.

    Monsieur le surintendant principal Vickers, les travailleuses du sexe et ceux qui travaillent avec elles nous disent que les lois sur le racolage contribuent aux risques de violence et au problème des comportements violents. Elles n'ont que cinq ou dix secondes pour décider de monter à bord d'une voiture avec un client. Les groupes de quartier disent que, si ces lois tombent, ce sera la foire. La circulation va devenir intenable, il y aura de la sollicitation d'un bout à l'autre de la rue, des femmes honorables se feront aborder, il y aura des problèmes avec les enfants et une foule de problèmes de sécurité dans le quartier.

    La police dit que, si on abolit les lois sur le racolage, elle n'aura aucun outil pour sévir dans un quartier et peut-être faire déménager ces gens. Surtout dans le cas des enfants, elle n'aura aucun moyen de les interpeller et de les amener dans des refuges, même s'ils y entrent pour en sortir aussitôt. Les enfants sont admis, mais les refuges ne peuvent pas vraiment les retenir. Les jeunes sortent par derrière.

    Comment concilier les deux problèmes? En fait, la plupart des gens conviennent que l'échange de cinq à dix secondes... Il faut faire vite pour éviter la police et les accusations de racolage. Nous devons protéger les quartiers et certainement aussi les mineures qui font ce métier. Comment concilier les deux obligations?

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Selon moi, la solution consiste probablement à rechercher un certain équilibre.

+-

    Le président: Où se trouve-t-il? C'est précisément ce que nous cherchons.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Ce qu'il faut, pour aborder ces problèmes, c'est une approche complexe et pluridisciplinaire. Ce serait imprudent de dire que la répression n'a aucun rôle à jouer, mais je ne crois pas que la répression seule puisse donner le moindre résultat.

    Les localités qui ont des quartiers difficiles doivent travailler avec la police pour aborder le problème de façon globale. Les Canadiens ont un rôle à jouer à cet égard. Il ne suffit pas qu'un Canadien appelle la police pour lui demander de venir régler un problème dans son quartier. Le problème n'est pas que celui de la police, ni celui des prostituées. C'est le problème de tout le monde. C'est notre pays qui doit s'attaquer à ces problèmes. Tous ont un rôle à jouer.

    Grâce à nos programmes scolaires, des agents interviennent à un niveau fondamental auprès des jeunes. Nous voulons établir la confiance très tôt pour que les jeunes ne soient pas attirés par la toxicomanie et d'autres dangers qui peuvent les mener à la prostitution.

    Il y a un rôle pour la répression. Elle est importante non seulement pour appréhender ceux qui se cachent derrière les travailleuses du sexe, mais aussi pour protéger ces femmes. Malgré tout, la police doit prendre conscience que la répression seule n'est pas la solution. Pour nous attaquer à ces problèmes, il nous faut une approche complexe, pluridisciplinaire et collective.

½  +-(1900)  

+-

    Le président: Un autre thème qui est revenu sans cesse au cours de nos déplacements au Canada, c'est que les relations entre les travailleuses du sexe et la police sont très mauvaises, sauf là où les agents de l'escouade de la moralité travaillent étroitement, parfois de personne à personne, avec ces prostituées. On nous a raconté des incidents plutôt tristes illustrant la dureté et l'insensibilité des patrouilleurs en voiture qui ne travaillent pas dans le quartier régulièrement.

    La GRC offre-t-elle une formation de sensibilisation à ses agents? Nous avons entendu parler d'un cas où une prostituée avait été sauvagement battue. Elle a signalé l'agression à l'agent de service, qui a répondu : « Tu n'es qu'une prostituée. » Puis, il lui a tourné le dos et, en partant, il lui a dit : « La prochaine fois, évite donc que ça soit pendant mes heures de service. Je ne veux pas avoir à remplir les papiers si tu te fais tuer. » Ce n'est qu'un exemple, mais ce n'était pas un agent de la GRC. Ce genre de problème semble systémique, sauf chez les agents de la moralité, qui jouent parfois un rôle plus protecteur.

+-

    Sdt pal Kevin Vickers: Le coeur, le fondement ou l'essence du rôle de policier est le respect de la dignité humaine. Pour tous les agents au Canada, qu'ils portent la bande jaune de la GRC, la bande rouge de la police municipale ou la bande bleue de la Police provinciale de l'Ontario, la nature même de la profession, son principe de base et la clé du succès, c'est le respect de la dignité de tous, et cela vaut même pour les meurtriers, les responsables de l'exploitation des enfants, et les victimes. Il faut que notre société respecte la dignité humaine.

    Depuis que je suis à la GRC, m'est-il arrivé de voir des agents qui avaient un comportement ou des paroles déplacés? Oui, mais il incombe aux agents, s'ils sont témoins de ce type de comportement, de le contester, d'intervenir et de dire que c'est inacceptable.

    Si les incidents dont vous avez parlé sont véridiques, ils sont totalement inacceptables. S'ils sont vrais, au nom de la profession, et non seulement au nom de la GRC, je me confondrais en excuses pour un comportement aussi dur chez un professionnel de la police.

    D'après mon expérience en général, après avoir travaillé sur des crimes majeurs et des problèmes de cette nature, après avoir traité avec des centaines de femmes, littéralement, surtout au cours des dix ans que j'ai passés au service des crimes majeurs, à Calgary, je peux dire que la vaste majorité des agents avec qui j'ai travaillé, que ce soit dans le service de police de Calgary ou la GRC, peu importe, savaient respecter la dignité des gens. J'ai été témoin d'actes de grande générosité de la part de nos agents. J'en ai vu prendre de l'argent dans leur portefeuille pour aider des gens à s'habiller et à se loger.

    En général, d'après mon expérience personnelle avec le service de police de Calgary et nos partenaires, les relations que j'ai observées étaient saines; les agents avaient des contacts ouverts. Aussi d'après mon expérience, ces femmes sont très proches les unes des autres; elles sont très liées.

    Je me rappelle être allé un certain soir dans une résidence où se trouvaient quelques-unes d'entre elles, et elles voulaient savoir si le corps qui avait été retrouvé était celui de leur amie. Nous avions une photo. Je suis allé dans cette résidence pour tenter d'identifier le corps. Il devait y avoir une douzaine de prostituées, et elles étaient en larmes à cause de la mort de leur amie. Lorsque j'y repense, je me dis que c'était tout à fait particulier, d'avoir ces dames qui, sincèrement, étaient psychologiquement très éprouvées par la perte de leur amie. Il y avait un grand rapprochement entre la police et elles lorsque nous avons essayé de les calmer, de leur expliquer comment l'enquête se déroulerait et quelles seraient les étapes suivantes. Je ne peux me souvenir que de bonnes expériences que mes collègues et moi avons eues avec elles.

    Je termine là-dessus : arrive-t-il au Canada que des agents de police se comportent mal? Je présume que cela arrive, mais chez la vaste majorité des agents avec qui j'ai eu des contacts ou avec qui j'ai travaillé, je n'ai jamais vu le genre de chose dont vous parlez.

½  +-(1905)  

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    Le président: Je comprends vos principes et votre approche, mais avez-vous une formation interne qui renforce ces principes de temps à autre? Je sais que vous êtes sur le terrain et que ce que vous voyez, ou en tout cas ce que nous avons vu, peut vous rendre assez cyniques, mais y a-t-il un effort constant pour renforcer ces principes dans toute la force?

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    Sdt pal Kevin Vickers: Je peux parler pour la GRC. Le comportement dont vous avez parlé est absolument intolérable. C'est tout bonnement inacceptable. Dès notre formation de base à Regina, à la Division Dépôt, on insiste sans cesse sur l'importance du respect de la dignité humaine.

    Je crois que la plupart des services de police au Canada ont un énoncé de mission et, plus important, qu'elles ont, comme la GRC un ensemble de valeurs fondamentales. Celles de la GRC correspondent à l'essentiel de ce que nous sommes. Le professionnalisme, l'empathie, la compassion, l'intégrité, l'honnêteté et la loyauté sont les valeurs essentielles de notre organisation. Je suis sûr que toutes les forces policières au Canada les partagent.

    Ces valeurs essentielles ne sont pas seulement une chose dont nous parlons. Elles correspondent à ce que nous sommes. Si nous les perdons de vue, nous sommes en grave difficulté. Nos clients, les citoyens canadiens, perdront foi et confiance dans la police.

    À propos de formation, il s'agit là d'une formation tout à fait fondamentale dans tous les services de police. Nous parlons sans cesse de professionnalisme, d'intégrité et de compassion. Dans tous les cours, dans toute la formation, on répète sans cesse le message de l'intégrité et du professionnalisme.

½  -(1910)  

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    Le président: Merci.

    Je crois que nos attachés de recherche ont une question ou deux à poser.

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    Mme Laura Barnett (attaché de recherche auprès du comité): Nous avons entendu dire qu'il y avait beaucoup de plaintes au sujet de la prostitution dans les quartiers. Le Code criminel prévoit de nombreux moyens de répondre à ces plaintes, par exemple les dispositions sur diverses infractions : perturbation de l'ordre public, perturbation de la paix publique, nuisance publique, vagabondage ou outrage à la pudeur. Lorsque nous parlons à la police, nous nous faisons toujours dire que le seul moyen de réagir aux plaintes au sujet de la prostitution dans les quartiers est l'article 213. Qu'en pensez-vous? Pourquoi ne pas utiliser nécessairement les dispositions que je viens d'énumérer? Est-ce qu'elles tombent en désuétude?

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    Sdt pal Kevin Vickers: Les autres articles du code pourraient certainement s'appliquer dans certaines circonstances pour réprimer cette activité. Je ne vois vraiment pas pourquoi ils ne pourraient pas s'appliquer dans certaines circonstances. Est-ce qu'on répugne à les appliquer ou est-ce qu'on est plus porté à recourir à l'article 213? C'est peut-être une question qu'il faudrait voir.

    Par exemple, la GRC voudrait peut-être se pencher sur sa politique opérationnelle. Quelle est la politique à cet égard? Bien des fois, nous nous en remettons à l'échelon local. Pour bien des petites localités où nous assurons les services de police, ce n'est pas un gros problème. Par contre, à Surrey, en Colombie-Britannique, c'est un très gros problème. Dans la province, la GRC doit élaborer une politique locale pour s'attaquer au problème dans son secteur d'activité.

    Je ne suis au courant d'aucune politique particulière qui dit à l'agent de recourir à d'autres articles du Code criminel qui peuvent s'appliquer lorsqu'il fait enquête sur l'une de ces infractions. De toute évidence, comme vous l'avez dit, s'il se présente une situation où il y a perturbation de l'ordre public et où il est justifié de faire respecter cette disposition, le policier a toute liberté d'invoquer ces dispositions.

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    Le président: Voilà qui met fin à nos audiences.

    Monsieur le surintendant principal Vickers, nous vous sommes très reconnaissants de votre comparution de ce soir. Nous vous remercions de vos observations clairvoyantes et bien réfléchies. Pour ma part, je suis très heureux qu'un homme de votre qualité porte l'uniforme de notre police nationale, la GRC.

    Merci.

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    Sdt pal Kevin Vickers: Merci beaucoup, monsieur.

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    Le président: Nous allons maintenant siéger à huis clos pour tenir nos discussions générales.

    [La séance se poursuit à huis clos.]