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FEWO Rapport du Comité

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Le Comité appuie le troisième « P », mais reconnaît que les poursuites dépendent de la protection des victimes et du respect de leurs droits humains.

RESSOURCES DESTINÉES AUX FORCES POLICIÈRES

Des responsables de l'application de la loi ont dit au Comité qu'il fallait accroître les ressources humaines (tant pour les territoires relevant de la GRC que pour les autres) et les ressources financières destinées aux services de police afin de faciliter une intervention proactive en matière d'enquête sur la traite des personnes. En ce qui concerne les ressources humaines, la sergent-détective Lowe de la GRC a souligné le besoin d’agents supplémentaires pour mener les enquêtes, rechercher activement les victimes et offrir une protection aux victimes découvertes1.

Les responsables de l'application de la loi qui ont comparu devant le Comité ont fait valoir que, étant donné la complexité des affaires de traite de personnes, d'importantes ressources sont nécessaires pour mener des enquêtes approfondies. Le manque de financement pourrait empêcher les services de police de mener des enquêtes efficaces2. Certaines enquêtes peuvent exiger qu'on se rende dans le pays d'origine de la victime, comme cela s'est produit dans une affaire instruite par le Service de police de Vancouver, afin de vérifier la véracité des dires d'une présumée victime3. Dans ce cas particulier, l'enquête a révélé que la présumée victime était en fait partie à l'infraction, mais seule une visite dans son pays d'origine a permis de le confirmer.

La première affaire qui a abouti au dépôt d’accusations en vertu des articles qui interdisent la traite des personnes dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés illustre concrètement ce qu’il en coûte en ressources humaines et financières pour mener des enquêtes sur la traite des personnes. Le sergent Matt Kelly, du Service de police de Vancouver, a signalé au Comité que, dans la poursuite contre Michael Ng, l'escouade des mœurs s'était consacrée exclusivement à ce dossier pendant six mois :

C’est un sergent et huit gendarmes-détectives pour deux victimes de traite des personnes, un quart de million de dollars et tout notre temps, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, pour deux personnes — voilà ce qu'il faut investir dans ce genre de dossier4.

L'effet des décisions prises par les services de police en matière d'affectation des ressources a été mis en évidence par le sergent-détective Monchamp, de la Police de Montréal, qui a indiqué au Comité qu'il y avait déjà eu en Ontario une unité affectée à l'exploitation des enfants, mais qu'on l'avait restructurée afin qu'elle se consacre exclusivement à la pornographie juvénile, et que les équipes qui s'occupaient de la prostitution des enfants au sein de cette unité avait été démantelées. À cause de ce genre de décision, les équipes qui s'occupent de prostitution enfantine doivent continuellement justifier leurs activités et expliquer pourquoi leurs enquêtes sont tellement exigeantes.

À titre de comparaison, le sergent-détective Monchamp a signalé qu'il n'y avait que huit enquêteurs au Service d’enquête sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales pour l’île de Montréal, tandis que 60 agents étaient affectés aux enquêtes sur le commerce des stupéfiants. Il s'ensuit qu'une importante expertise a pu être accumulée au fil des ans en ce qui concerne les enquêtes relatives aux infractions en matière de drogue. Malheureusement, les policiers spécialisés en exploitation sexuelle des enfants sont si peu nombreux qu'ils ne peuvent prendre le temps de former des collègues, donc de partager leur expertise.

L’accessibilité des ressources au niveau provincial est cruciale, car bien des aspects des enquêtes et du soutien aux victimes relèvent des provinces. Le caractère provincial de cette responsabilité donne aussi à penser qu'il sera prioritaire pour tous les ordres de gouvernement de coordonner étroitement leur travail « qui devront savoir exactement ce qu'il faut faire pour s'attaquer à ce genre de travail5 ». Il est essentiel aussi que les provinces et territoires collaborent entre eux, étant donné que la traite des personnes suppose souvent des déplacements d'un endroit à l'autre. À la lumière de ces informations :

RECOMMANDATION 32

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral augmente les ressources destinées aux unités spéciales intergouvernementales chargées de faire enquête sur des infractions présumées de traite.

SENSIBILISATION ET FORMATION DES PROCUREURS ET DES JUGES

Si certains témoins ont insisté sur la nécessité de renforcer et de modifier les mesures législatives actuellement en vigueur au Canada, d’autres par contre estiment que les obstacles à la lutte contre la traite des personnes au Canada découlent de l’incapacité à faire appliquer les lois déjà en place. Par exemple, Jamie McIntosh, de l’International Justice Mission Canada, nous a dit ce qui suit :

Le plus grand écart entre les efforts du Canada et les efforts faits à l'étranger dans le cadre de la lutte contre la traite se situe au niveau de l'application des lois existantes. Il est essentiel que nos lois visant la lutte contre la traite des personnes soient vigoureusement renforcées pour assurer une protection efficace aux victimes. […] S’ils ne sentent pas le poids de la loi et s'ils ne sont pas arrêtés, poursuivis, reconnus coupables et condamnés, rien ne dissuade les trafiquants6.

Nous l’avons vu, il est très difficile d’appliquer les dispositions du Code criminel relatives à la traite des personnes, si les forces policières ne savent pas comment s’en servir. Ce manque d’information ne concerne pas seulement les corps policiers. Si des témoins nous ont affirmé que les policiers avaient besoin de plus d’information et de formation sur la traite des personnes, en général, et aussi d’une formation spéciale sur les dispositions du Code criminel relatives à la traite des personnes, d’autres ont souligné par ailleurs qu’un travail semblable de sensibilisation devait aussi être fait au niveau des procureurs et des juges7. Le sergent Matt Kelly a mentionné que les membres de son service travaillaient actuellement sur un dossier de traite, mais qu’ils avaient du mal à faire avancer l’affaire parce le procureur leur faisait des difficultés. Gunilla Ekberg, de l’Alliance canadienne féministe pour l’action internationale, a insisté sur l’importance non seulement de bien informer les policiers, les juges et les procureurs des mesures législatives en vigueur, mais aussi de bien les renseigner pour qu’ils comprennent qui sont les victimes et ce qu’elles ont vécu8.

Des difficultés peuvent également survenir si un dossier se retrouve devant un tribunal présidé par un juge qui ne comprend pas bien les dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) relatives à la traite des personnes ou celles du Code criminel, ou qui est peu sensibilisé au problème de la traite des personnes en général. Comme il n’y a pas encore eu de décision dans l’affaire Michael Ng à Vancouver, qui est le premier dossier à avoir donné lieu au dépôt d’accusations en vertu des dispositions de la LIRP concernant la traite des personnes, nous avons peu de moyens de savoir si les juges au Canada sont bien au fait du problème de la traite des personnes.

RECOMMANDATION 33

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral consulte les associations du barreau nationale et provinciales et l’Institut national de la magistrature afin d’établir une stratégie visant à sensibiliser davantage la communauté juridique à la situation des victimes de la traite et à améliorer et à favoriser la formation juridique permanente en matière de traite des personnes.



[1]         Témoignages, 3 octobre 2006.

[2]         Sergent Matt Kelly, Escouade de la moralité, Service de police de Vancouver, Témoignages, 31 octobre 2006.

[3]         Michelle Holm, agente-détective, Escouade de la moralité, Service de police de Vancouver, Témoignages, 31 octobre 2006.

[4]         Sergent Matt Kelly, Témoignages, 31 octobre 2006.

[5]         Yvon Dandurand, premier agrégé, Centre international pour la réforme du droit pénal et la politique de justice criminelle, Témoignages, 3 octobre 2006.

[6]         Directeur, Témoignages, 5 décembre 2006.

[7]         Témoignages, 31 octobre 2006.

[8]         Chercheure en matière de traite des personnes, Témoignages, 5 décembre 2006.