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FEWO Rapport du Comité

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5. CE QUE LE COMITÉ A
ENTENDU AU SUJET DES PROGRAMMES ET MESURES FISCALES GOUVERNEMENTALES

Est-il possible d’élaborer une stratégie qui aiderait les femmes d’aujourd’hui et de demain à mener une vie active sur le plan professionnel et personnel qui leur convienne et qui soit le moins possible teintée d’insécurité économique?

INTRODUCTION

Plusieurs témoins ont encouragé le Comité à adopter un cadre holistique pour traiter de la question de la sécurité économique des femmes, et à reconnaître que les grandes tendances démographiques et économiques contribuent à la sécurité économique des femmes. Ceci a été souligné par un témoin du ministère des Ressources humaines et du Développement social qui a rappelé au Comité qu’une économie forte est une source de sécurité économique pour l’ensemble de la société, y compris les femmes. Des changements majeurs se sont opérés dans la société depuis la création de programmes tel que le Régime de pensions du Canada :

Le RPC [Régime de pensions du Canada] est discriminatoire envers les femmes âgées d’aujourd’hui, car la plupart d’entre elles étaient dans le système avant l’instauration du RPC (…) ces aînées reçoivent les prestations minimales du RPC ou n’y ont pas droit du tout[118].

Le Comité a noté que :

Assurer la sécurité économique peut signifier acquérir des connaissances financières ou de nouvelles compétences professionnelles, bénéficier d’une assurance dans l’éventualité d’une perte ou dans l’adversité et être en mesure d’économiser de diverses façons pour assurer sa retraite ou l’éducation d’un enfant. Lorsque des personnes ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins économiques de base, les programmes sociaux et de soutien du revenu du gouvernement jouent un rôle important pour assurer la sécurité économique[119].

Dans le cadre des consultations du Comité, les témoins ont expliqué l’incidence de certaines mesures et de programmes gouvernementaux sur la sécurité économique des femmes. On a également dit au comité que divers éléments de programmes s’influencent mutuellement :

Manifestement, les divers éléments du système de revenu de retraite s’influencent mutuellement, ce qui signifie que la modification d’un aspect du système pourrait toucher le fonctionnement d’un autre. Par exemple, la réduction des prestations versées en vertu d’un régime public basé sur le revenu (RPC et RRQ) pourrait entraîner une hausse du nombre de demandes présentées au titre du revenu de base garanti (SV et SRG).

De même, les politiques qui forcent plus de gens à épargner eux-mêmes pour leur retraite pourraient vraisemblablement provoquer une baisse du nombre de sollicitations adressées au premier niveau du système[120].

5.1 ASSURANCE-EMPLOI

5.1.1 Accès aux prestations d’assurance-emploi

Le Comité a appris que « [l]es femmes, dans l’ensemble, ont moins accès aux prestations d’assurance-emploi que les hommes, principalement à cause de la nature de l’emploi qu’elles occupent[121] ». Des témoins ont dit qu’à cause des critères d’admissibilité, il est difficile pour les femmes qui occupent un emploi atypique de recevoir des prestations et ont parlé de la difficulté d’avoir accès à de la formation dans le cadre du régime d’assurance-emploi.

Monica Townson a rappelé au Comité que la réforme de ce qui était l’assurance-chômage en 1996 a eu pour effet de réduire l’admissibilité des femmes[122] :

Lorsque les femmes perdent leur emploi, dans la plupart des cas, elles n’ont pas droit à ce qu’on appelait auparavant l’assurance-chômage. Dans les années 80, 70 p. 100 des femmes en chômage touchaient des prestations. En 1996 cependant, les règles ont été modifiées et le programme a reçu le nouveau nom d’assurance-emploi. À présent, seulement 32 p. 100 des femmes en chômage, par opposition à 40 p. 100 des hommes chômeurs, touchent des prestations d’assurance-emploi, lesquelles remplacent 55 p. 100 de leur salaire habituel. Dans certaines régions du pays, la protection est encore beaucoup plus faible que cela. En Ontario, par exemple, à peine 23 p. 100 des femmes en chômage reçoivent les prestations d’assurance-emploi.

Lucya Spencer, de l’Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, s’est faite l’écho de plusieurs témoins lorsqu’elle a recommandé au gouvernement de « modifier la législation du travail, notamment la Loi sur l’assurance-emploi, pour permettre l’admissibilité d’un plus grand nombre de travailleurs et corriger les inégalités systémiques subies par les femmes[123] ». D’autres ont signalé qu’une admissibilité accrue à l’assurance-emploi rendrait plus accessibles les prestations de maternité et parentales et qu’« un meilleur accès aux prestations d’assurance-emploi pour les congés de maternité, d’adoption et parentaux aura des répercussions importantes sur la sécurité économique des femmes en âge d’avoir des enfants[124] ».

Le Comité a aussi appris que certains groupes, comme les travailleurs indépendants, n’ont pas accès aux prestations ou à la formation du régime d’assurance-emploi. Il s’agit d’une situation qui pose problème, car « de nombreuses femmes ont des modalités de travail hors normes, ce qui incite les employeurs à les considérer comme des entrepreneurs indépendants et à ne pas cotiser au RPC et aux autres régimes[125] ». Ces femmes, qui ne correspondent pas au modèle traditionnel de l’entrepreneur indépendant, n’ont pas accès aux activités de formation prévues par l’assurance-emploi si leur employeur n’a pas cotisé en leur nom au régime. La situation préoccupe aussi les femmes du secteur agricole, qui ont dit au Comité que « les programmes de formation et d’enseignement sont étroitement liés à l’assurance-emploi, à laquelle de nombreuses agricultrices ne pourront jamais prétendre parce qu’elles ne travaillent pas hors ferme[126] ».

Recommandation 13 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral modifie les critères d’admissibilité relevant de la Loi sur l’assurance-emploi pour rendre les prestations plus accessibles aux personnes qui travaillent à temps partiel ou une partie de l’année.

Recommandation 14 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral élargisse les critères d’admissibilité aux prestations de maternité et parentales de façon à tenir compte des périodes de travail effectuées par les parents dans les trois à cinq années précédant la naissance de l’enfant.

5.1.2 Accès aux prestations spéciales de l’assurance-emploi (prestations de maternité, parentales, de maladie et de compassion)

Ruth Rose, de l’Université du Québec à Montréal, a dit qu’elle considérait les prestations de maternité et parentales comme les mesures les plus importantes à adopter. Elle a proposé d’en faire des prestations universelles et d’accroître le taux de remplacement du revenu[127].

Quand on examine ce qui se fait dans les divers pays du monde qui ont de faibles taux de pauvreté, notamment chez les femmes chefs de famille monoparentale, on constate qu’ils ont des taux élevés de participation à la vie active. C’est pour cette raison que, même si nous voulons que les femmes et les hommes puissent s’occuper de leurs enfants, j’estime que la plus importante mesure de lutte contre la pauvreté, c’est de permettre aux femmes de continuer à participer à la vie active quand elles ont des enfants en bas âge. C’est pourquoi les services de garderie et les prestations de maternité sont si importants. Quand on est en congé de maternité, on maintient le rapport avec son employeur et on maintient son revenu[128].

Le Conseil national du bien-être social a affirmé ceci : « Les prestations d’AE [assurance-emploi], de maternité et parentales sont difficilement accessibles aux mères qui en ont le plus besoin, même si les évaluations de l’AE indiquent que les travailleuses et les enfants qui y ont droit peuvent bénéficier de prestations très intéressantes[129]. »

À l’heure actuelle, les travailleurs indépendants ne peuvent ni cotiser à l’assurance-emploi, ni toucher des prestations. L’Association des comptables généraux accrédités du Canada a mis en lumière les difficultés auxquelles doivent faire face les travailleuses indépendantes qui ne sont pas admissibles aux prestations spéciales de l’assurance-emploi :

Comme vous le savez, elles cotisent au régime d'assurance-emploi en leur qualité d'employeurs, mais elles n'ont pas droit à des prestations à titre individuel. Les femmes entrepreneures sont de plus en plus défavorisées à mesure qu'est élargi le régime par l'instauration de prestations de compassion qui viennent s'ajouter aux prestations de maternité. Les femmes restent les principales soignantes. Les chiffres sont éloquents. À notre avis, l'élargissement du régime d'assurance-emploi est une réorientation utile et nécessaire de la politique[130].

Le Comité a été informé que « [l]e Québec a amélioré récemment son programme d’assurance-emploi de façon à verser des prestations de maternité à une échelle plus grande que ne le fait le gouvernement fédéral, et le programme bénéficie d’un soutien très important[131] ». Certains témoins ont suggéré que l’élargissement des critères soit aussi envisagé au niveau fédéral.

Dans son étude sur les prestations de maternité et parentales de l’assurance-emploi, Women’s Network PEI a conclu : « Bref, le congé de maternité ou le congé parental actuel, au Canada, est un cadeau offert à certaines familles, et une occasion ratée pour nombre d’autres[132]. »

Recommandation 15 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral modifie la Loi sur l’assurance-emploi pour autoriser les travailleurs indépendants à s’inscrire aux programmes de prestations spéciales du régime d’assurance-emploi, comme les prestations de maternité, parentales et de compassion.

5.2 SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE ET SUPPLÉMENT DE REVENU GARANTI

La Sécurité de la vieillesse (SV) est un programme de pension fondé sur l’âge et le nombre d’années de résidence au Canada. Ce programme reconnaît la contribution des personnes âgées à la société, que cette contribution ait été faite dans le cadre d’un travail rémunéré ou non. Il existe des prestations supplémentaires qui sont destinées plus particulièrement aux personnes âgées à faible revenu, comme le supplément de revenu garanti, versé aux pensionnés à faible revenu touchant la SV, et l’allocation offerte aux conjoints à faible revenu, aux conjoints de fait ou aux survivants de 60 à 65 ans[133].

Comme le nombre de femmes seules ayant un faible revenu demeure élevé, une proportion plus grande de femmes reçoivent le supplément de revenu garanti (SRG) avec la sécurité de la vieillesse. « En 2003, la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti ou l’allocation au conjoint formaient 32 p. 100 du revenu annuel des femmes âgées contre environ une proportion de 17 p. 100 dans le cas des hommes âgés[134]. »

Des témoins ont mentionné que la SV et le SRG ne sont pas suffisants pour permettre aux personnes âgées, en particulier celles qui sont seules, de vivre au-dessus du seuil de faible revenu. En 2003, une personne seule qui recevait uniquement la SV et le SRG avait un revenu annuel moyen de 12 031 $, montant bien inférieur au seuil de faible revenu dans les régions urbaines, où le coût de la vie est élevé[135].

Recommandation 16 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral augmente le Supplément de revenu garanti de sorte que le total combiné de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément procure un revenu après impôt qui dépasse le seuil de pauvreté.

5.3 RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

Le Régime de pensions du Canada (RPC) est un régime conjoint fédéral-provincial qui fournit aux cotisants et à leur famille des prestations de retraite, d’invalidité et de décès et des prestations au survivant et aux orphelins. Il est financé au moyen de cotisations obligatoires versées par tous les travailleurs canadiens âgés de 18 à 70 ans qui ne touchent pas de prestations de retraite ou d’invalidité du Régime[136].

Le Comité a appris que le RPC comporte plusieurs éléments qui visent les femmes de façon générale ou spécifique : il s’applique à tous les travailleurs, notamment ceux des secteurs où il y a peu de régimes de pensions d’employeurs; il vise les travailleurs à temps partiel et autonomes; il est transférable d’un emploi à l’autre; il contient une disposition d’exclusion pour élever des enfants qui augmente dans les faits la valeur des prestations de retraite; il autorise le partage des droits à pension entre anciens conjoints après un divorce ou la fin d’une relation de fait de sorte que les droits acquis au titre du RPC pendant les années de vie commune sont partagés à parts égales; il prévoit également le partage des pensions entre conjoints, ce qui peut être avantageux sur le plan fiscal, et comprend une pension de survivant permettant de verser au partenaire survivant un revenu supplémentaire.

Des témoins ont soulevé un certain nombre de préoccupations à propos du RPC, en laissant entendre ce qui suit :

1.      Les pouvoirs publics devraient veiller à ce qu’il y ait automatiquement et obligatoirement partage des droits de pension en vertu du RPC après un divorce ou une séparation légale;

2.      Les dispositions d’exclusion du RPC devraient être élargies pour que l’on tienne compte du temps consacré aux enfants ou à d’autres formes de soins, c’est‑à‑dire le temps passé hors de la population active ou très faiblement rémunéré;

3.      Les Canadiens devraient être autorisés à cotiser au maximum au RPC s’ils le désirent, qu’ils fassent ou non partie de la population active rémunérée;

4.      Les prestations accordées au survivant d’un bénéficiaire du RPC sont trop basses;

5.      Les immigrants de pays avec lesquels le Canada n’a pas signé d’accord de sécurité sociale doivent attendre 10 ans avant d’être admissibles au RPC et à la sécurité de la vieillesse.

5.3.1 Partage obligatoire des droits à pension au titre du RPC en cas de divorce ou de séparation

Le Régime de pensions du Canada contient des dispositions qui rendent possible le partage des droits à pension entre les conjoints par suite d’une séparation. Des témoins comme le représentant du Conseil consultatif national sur le troisième âge ont mentionné que « [l]es femmes divorcées ou séparées disposent d’un revenu de retraite bien inférieur à celui des célibataires et des veuves, étant donné que la plupart des femmes divorcées ne réclament pas une partie de la pension de retraite de leur ancien conjoint, même si elles ont le droit de le faire[137] ». Avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-36 en mai 2007, il était nécessaire de présenter une demande visant le partage des droits à pension au titre du RPC dans les quatre ans suivant la séparation. Ce délai a été supprimé et il est désormais possible de présenter une demande à cet égard après la période de quatre ans à condition que les anciens conjoints de fait y consentent par écrit.

5.3.2 Dispositions d’exclusion du RPC pour élever des enfants

Conformément à la disposition d’exclusion du RPC pour élever des enfants, il n’est pas tenu compte des années passées à élever des enfants dans le calcul des prestations du RPC. « Quand ces années ne sont pas intégrées au calcul, la femme voit habituellement ses prestations du RPC augmenter[138]. » Plusieurs témoins ont fait remarquer que le Régime de pensions du Canada devrait aussi reconnaître d’autres formes d’aide, notamment les soins dispensés à une personne handicapée ou à une personne âgée amie ou membre de la famille. Comme l’a déclaré un témoin représentant la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, « [s]’il est légitime de se prévaloir de ces dispositions pour élever des jeunes enfants, il devrait être tout aussi légitime de s’en prévaloir pour prendre soin d’une personne âgée[139]. »

Recommandation 17 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral intègre dans le Régime de pensions du Canada une disposition d’exclusion pour les gens qui s’occupent de personnes handicapées ou âgées, sur le modèle de la disposition d’exclusion applicable à l’éducation des enfants.

5.3.3. Cotisations volontaires au RPC

Certains témoins ont affirmé que les Canadiens devraient pouvoir, s’ils le désirent, augmenter leurs cotisations en vue d’obtenir le montant maximal du RPC, qu’ils fassent ou non partie de la population active. Le représentant du Conseil national du bien-être social a déclaré ce qui suit au Comité :

À l’heure actuelle, le travailleur qui gagne un petit salaire, et c’est bien souvent le cas des femmes, ne peut verser qu’une cotisation d’un certain montant. Cela a des conséquences par la suite sur le montant de la pension de retraite. S’il était possible de verser la cotisation maximale et d’obliger peut-être l’employeur à augmenter également sa contribution, ou encore de verser soi-même la part de l’employé et la part de l’employeur, ce serait beaucoup plus utile que de verser le même montant dans un REER. Il serait de loin préférable de s’assurer de recevoir le plein montant du RPC à la retraite. Cela autoriserait tous les Canadiens, s’ils le souhaitent, à augmenter leurs cotisations pour obtenir ce montant maximal[140].

Recommandation 18 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral, après consultation des Canadiens, élabore des options visant à modifier le Régime de pensions du Canada de manière à permettre aux Canadiens qui le souhaitent d’accroître leurs cotisations pour obtenir le montant maximal ou de cotiser au Régime même s’ils ne font pas alors partie de la population active.

5.3.4 Prestations de survivant du RPC

Plusieurs témoins ont mentionné que les prestations de survivant du RPC qui sont versées au conjoint légal ou au conjoint de fait sont trop basses. Actuellement, pour les personnes ayant 65 ans et plus, les prestations maximales de survivant du RPC sont établies à 60 p. 100 de la pension de retraite du cotisant. Un document produit par Women Elders in Action fait état d’une préoccupation commune relative à ce niveau de prestations :

Cela signifie que les prestations de survivant correspondent à une réduction de 40 p. 100 des prestations du régime de retraite professionnel ou du RPC/RRQ du conjoint décédé. C’est certainement une amélioration si l’on considère qu’il y a quelques décennies, la femme perdait la moitié voire la totalité de la pension de son mari à la mort de celui-ci. Toutefois, les femmes qui ne reçoivent que 60 p. 100 de la pension de leur conjoint ne peuvent peut-être pas conserver leur niveau de vie étant donné que le taux nécessaire pour payer les dépenses quotidiennes d’une personne se situe entre 66,66 et 70 p. 100 des dépenses quotidiennes d’un couple. Cette insuffisance institutionnalisée peut à la longue causer l’appauvrissement de nombreuses veuves[141].

Le revenu de pension du partenaire survivant est actuellement pris en compte dans le calcul des prestations de survivant du RPC. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants a recommandé que « les prestations de survivant versées au conjoint ne soient pas réduites par le versement d’autres prestations dans le cadre du RPC-RRQ[142] ».

Recommandation 19 :

Le Comité recommande que le maximum des prestations de survivant du Régime de pensions du Canada passe de 60 p. 100 de la pension de retraite d’un cotisant à 70 p. 100, pour les personnes ayant 65 ans et plus.

5.3.5 Accès des nouveaux immigrants au RPC

Le Comité a appris que les exigences du RPC et de la SV en matière de résidence et de cotisations augmentent les risques de faible revenu des personnes âgées immigrantes. En fait, beaucoup de nouveaux arrivants pourraient ne pas être admissibles à ces programmes de revenu. Dans son mémoire, l’Ontario Council of Agencies Serving Immigrants a fait remarquer ce qui suit :

Cette période est moins longue pour les immigrants venus de pays ayant signé un accord de sécurité sociale avec le Canada. Or, les pays riches de l’hémisphère Nord sont beaucoup plus nombreux que les autres sur cette liste. Les pays comme la Chine, l’Inde et le Pakistan, d’où proviennent un très grand nombre d’immigrants depuis 10 ans, n’en font pas partie [143].

Les immigrants qui ont vécu et travaillé dans un pays ayant conclu un accord avec le Canada et qui ont cotisé au régime de sécurité sociale de ce pays peuvent donc recevoir des prestations au Canada, contrairement aux autres nouveaux immigrants.

Monica Townson a cerné divers obstacles que doivent surmonter les aînés immigrants pour avoir accès au RPC et à la SV :

[L]es gens touchent des prestations au prorata dans le cadre du Programme de la sécurité de la vieillesse. Cela dépend du nombre d’années que vous avez vécu dans le pays. Le Régime de pensions du Canada est basé sur les cotisations que vous y versez. Le RPC pose également problème pour les immigrants, car les prestations sont calculées à partir d’une période de cotisation qui débute à l’âge de 18 ans. Bien que vous ne vous trouviez peut-être pas au Canada à cet âge-là, la période de cotisation remonte néanmoins à cette date[144].

Recommandation 20 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral conclue des accords de sécurité sociale avec un plus grand nombre de pays de façon à ce qu’une proportion accrue des nouveaux immigrants au Canada puissent recevoir une pension.

5.4 MESURES FISCALES

5.4.1 Mesures fiscales d’encouragement à l’épargne

Récemment les politiques en matière de revenu de retraite ont incité les Canadiennes et les Canadiens à épargner. Une aide fiscale généreuse est accordée à l’épargne-retraite par l’entremise des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER). Un témoin[145] a mis un bémol sur l’optimisme de certains quand à la capacité réelle des femmes de bénéficier de mesures fiscales appuyant l’épargne — retraite, notamment les REER. Comme la plupart des femmes adultes font actuellement partie de la main-d’œuvre rémunérée, il se peut que l’on suppose implicitement qu’elles sont capables d’épargner pour leur retraite et donc d’éviter de devenir pauvres à mesure qu’elles vieillissent. Par contre, bien entendu, la mesure dans laquelle une femme peut profiter de ces modalités dépend de son revenu, de la stabilité de son revenu.

Dans son rapport de 2004 intitulé, Réforme des politiques de pensions au Canada : Place aux femmes, We*ACT recommande notamment de convertir les déductions des régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et des régimes de pensions agréés (RPA) en crédits aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu.

5.4.2 Fractionnement du revenu

Le fractionnement du revenu est l’expression utilisée pour décrire les stratégies d’économie d’impôt que peut réaliser un membre de la famille dont le revenu se situe dans une tranche d’imposition plus élevée en transférant une partie de son revenu à un deuxième membre de la famille dont le revenu se situe dans une tranche d’imposition moins élevée, de façon que le revenu transféré soit imposé à un taux inférieur, ou qu’il ne le soit pas du tout, si le revenu du deuxième membre de la famille est suffisamment bas.

La question du fractionnement du revenu soulève des débats. D’un côté, les partisans de cette approche font valoir que le fait d’autoriser le fractionnement du revenu augmente l’équité entre les familles composées de deux parents dont le revenu de chacun diffère et les familles de deux parents dont le revenu est équivalent (dans le cas par exemple de familles dont le revenu total est comparable et situé entre 60 000 dollars et 90 000 dollars). Une application avantageuse identifiée dans ce contexte prévaudrait pour les familles dont l’un des conjoints demeure à la maison pour s’occuper des enfants. Les arguments favorables au fractionnement du revenu font donc valoir des possibilités d’allégement d’impôt pour les familles avec enfants à revenu unique ainsi que des possibilités d’incidence positive sur l’évolution démographique associée à l’allégement du fardeau fiscal dans les situations familiales où l’un des conjoints peut s’occuper des enfants à la maison.

En revanche, au nombre des arguments contre le fractionnement du revenu, notons le risque de perte de contrôle du revenu ou le risque de perte d’autonomie financière associée au fait d’accepter de partager un revenu à un moment donné de sa vie, ainsi que le risque d’introduire une contre-incitation au travail. Finalement, notons que la difficulté de quantifier la valeur du travail non rémunéré et la valeur de la production des ménages est également au nombre des éléments qui alimentent les débats relatifs à cette question.

Les règles fiscales canadiennes prévoient de nombreuses mesures empêchant le fractionnement du revenu des membres d’une même famille, sauf dans certains cas précis.

Le Budget fédéral 2007[146] réitère l’intention du gouvernement fédéral de mettre en œuvre son Plan d’équité fiscale annoncé le 31 octobre 2006 afin d’accorder un allégement fiscal aux aînés canadiens et de les aider à conserver une plus grande partie de leur épargne-retraite. Ces mesures comprennent l’autorisation du fractionnement du revenu de pension pour les pensionnés admissibles.

La réaction des témoins au fractionnement du revenu de pension a été mixte. Le Regroupement des Canadiens pour le partage des pensions a signalé au Comité qu’il appuie fermement les mesures de fractionnement du revenu de pension annoncées dans le budget 2007, et que :

Selon les sondages, 70 p. 100 des Canadiens appuient le partage des pensions. Cela dépasse nettement la proportion des personnes admissibles[147].

Ceux qui appuient cette mesure maintiennent que ceci mènerait à une plus grande équité entre les ménages :

Au fond, le RCPP a abordé cette discussion en considérant le partage des pensions comme une question d’équité, car des contribuables qui avaient un même revenu étaient assujettis à des taux d’impôt différents simplement à cause du partage des revenus entre les deux conjoints. Il nous semblait qu’il fallait corriger cette injustice. Cela règle-t-il tous les problèmes que vous avez soulevés? Je ne crois pas pouvoir en parler de façon précise, mais je puis dire que, si on ne peut s’attaquer à des problèmes d’équité aussi simples et évidents, il peut être difficile d’en aborder d’autres. À mon point de vue, cette mesure fait en sorte que des contribuables qui ont les mêmes revenus sur le même plan, face à l’impôt, et c’est la question d’équité qui nous préoccupait[148].

Cependant, on a fait valoir au Comité que le fractionnement du revenu n’aiderait pas certains groupes vulnérables de la société.

Ni le fractionnement du revenu ni celui des pensions n’a grand sens pour les familles de nouveaux arrivants[149].

Le fractionnement du revenu ne résoudra pas le problème pour les familles d’agriculteurs, parce que celles-ci ne gagnent même pas assez d’argent pour qu’un tel fractionnement soit une option viable[150].


[118]         Ken Wilson, Regroupement des Canadiens pour le partage des pensions, 27 mars 2007.

[119]         Ministres responsables de la condition féminine. L’autonomie et la sécurité économique des femmes, un cadre stratégique fédéral, provincial, territorial. document d’orientation, mars 2001, p. vi.

[120]         Monica Townson, Centre canadien de politiques alternatives, Témoignages, 15 février 2007.

[121]         Barbara Glover, ministère des Ressources humaines et du Développement social, mémoire, et Monica Townson, Centre canadien de politiques alternatives, Témoignages, 15 février 2007.

[122]         Monica Townson, Centre canadien de politiques alternatives, Témoignages, 15 février 2007.

[123]         Lucya Spencer, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, Présentation au Comité permanent de la condition féminine sur la sécurité économique des immigrantes et réfugiées âgées au Canada, mémoire, 29 mars 2007.

[124]         John Staples, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Témoignages, 8 mai 2007.

[125]         Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, Présentation au Comité permanent de la condition féminine, mémoire, 29 mars 2007, p. 5.

[126]         Karen Fyfe, Syndicat national des cultivateurs, Témoignages, 29 mars 2007.

[127]         Ruth Rose, Université du Québec à Montréal, Témoignages, 20 mars 2007.

[128]         Ibid.

[129]         Sheila Regehr, Conseil national du bien-être social, Témoignages, 13 juin 2006.

[130]         Carole Presseault, Association des comptables généraux accrédités du Canada, Témoignages, 17 mai 2007.

[131]         Beverley Smith, mémoire présenté au Comité permanent de la condition féminine, Témoignages, 24 avril 2007.

[132]         Women’s Network PEI, Améliorer les prestations de maternité et de congé parental des Canadiens.

[133]         Susan Scotti, ministère du Développement social, Témoignages, 8 juin 2006.

[134]         Ibid.

[135]         Robert Dobie, Conseil consultatif national sur le troisième âge, Témoignages, 13 juin 2006.

[136]         Bibliothèque du Parlement, « Projet de loi C-36 : Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse », Résumé législatif, http://lpintrabp.parl.gc.ca/lopimages2/prbpubs/ls3911000/391c36_1-f.asp.

[137]         Robert Dobie, Conseil consultatif national sur le troisième âge, Témoignages, 13 juin 2006.

[138]         BPW, Le revenu des femmes âgées au Canada — Déclaration de principes, mémoire, p. 3.

[139]         John Staple, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Témoignages, 8 mai 2007.

[140]         John Anderson, Conseil national du bien-être social, Témoignages, 13 juin 2006.

[141]         Women Elders in Action (WE*ACT), Réforme des politiques de pensions au Canada : Place aux femmes, Vancouver, 2004.

[142]         John Staple, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, Témoignages, 8 mai 2007.

[143]         Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, Présentation au Comité permanent de la condition féminine, mémoire, 29 mars 2007, p. 6.

[144]         Monica Townson, Centre canadien de politiques alternatives, Témoignages, 15 février 2007.

[145]         Monica Townson, Centre canadien de politiques alternatives, Témoignages, 15 février 2007.

[146]         Ministère des Finances, Le budget de 2007 : Un Canada plus fort, plus sécuritaire et meilleur, 2007-022, Ottawa, 19 mars 2007, http://www.fin.gc.ca/news07/07-022f.html.

[147]         Daniel Braniff, Association canadienne des plus de 50 ans, 27 mars 2007.

[148]         Ken Wilson, Regroupement des Canadiens pour le partage des pensions, 27 mars 2007.

[149]         Anuradha Bose, Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible au Canada, 29 mars 2007.

[150]         Karen Fyfe, Syndicat national des cultivateurs, 29 mars 2007.