Passer au contenu
Début du contenu

STER Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE QUATRE :
LISTES D’ENTITÉS TERRORISTES

CONTEXTE

L’article 4 de la Loi antiterroriste a ajouté au Code criminel les articles 83.05 à 83.07 traitant de l’établissement d’une liste des «entités terroristes ». L’article 83.05 définit le processus en vertu duquel le Cabinet, sur la recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, peut inscrire sur une liste les entités qui participent à des activités terroristes ou qui les facilitent. Pour inscrire une telle entité par réglementation, le Cabinet doit être convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que, sciemment, l’entité s’est livrée ou a tenté de se livrer à une infraction de terrorisme, y a participé ou l’a facilitée, ou encore que, sciemment, elle agit au nom d’une entité décrite plus haut dans cette disposition, sous sa direction ou en collaboration avec elle. Le ministre ne fait la recommandation d’inscription sur la liste que s’il a des motifs raisonnables de croire que l’entité répond aux critères établis.

Une entité inscrite peut demander au ministre d’être radiée de la liste. Le ministre décide alors s’il y a des motifs raisonnables de recommander la radiation au Cabinet. S’il ne rend pas sa décision dans les 60 jours, le ministre est réputé avoir décidé de ne pas recommander la radiation. Le ministre donne sans délai un avis de la décision qu’il a rendue ou qu’il est réputé avoir rendue. Dans les 60 jours suivant la décision, le demandeur peut présenter une demande de révision de la décision au juge en chef de la Cour fédérale ou à un juge de cette cour désigné par le juge en chef. Les paragraphes 83.05(6) et (6.1) et l’article 83.06 du Code contiennent des dispositions particulières relatives à la preuve pour traiter les renseignements sensibles et confidentiels présentés au juge. Une fois la décision ordonnant la radiation passée en force de chose jugée, le ministre en fait publier avis sans délai dans la Gazette du Canada.

Le ministre examine la liste deux ans après son élaboration, et tous les deux ans par la suite, afin de déterminer s’il y a des motifs raisonnables de recommander au Cabinet qu’une entité y demeure inscrite. Une fois l’examen terminé, le ministre fait publier dans la Gazette du Canada un avis à cet effet.

L’article 83.07 du Code autorise l’entité, qui prétend ne pas être une entité inscrite, à demander au ministre de lui délivrer un certificat à cet effet. S’il est convaincu que le demandeur n’est pas une entité inscrite, le ministre doit délivrer le certificat dans les 15 jours suivant la réception de la demande.

Outre celui prévu dans le Code criminel, il existe deux autres régimes d’inscription d’entités terroristes. Le premier est constitué sous l’égide du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme (RARNULT), et l’autre en vertu du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban (RARNUAT). Le RARNULT et le RARNUAT mettent en œuvre respectivement les résolutions 1373 et 1267 du Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est au ministre des Affaires étrangères qu’il incombe de concrétiser ces deux régimes.

En juin 2006, des modifications au RARNULT ont permis d’harmoniser les deux règlements ainsi que le régime d’inscription prévu dans le Code criminel, dans le but d’éviter la multiplication des listes et les dédoublements. Les particuliers et les organisations ne peuvent être inscrits que sur une liste. La liste du Code comprend à l’heure actuelle 40 organisations, tandis que la liste du RARNULT contient 36 noms, tant de particuliers que d’organisations.

Les listes diffèrent quant aux critères à appliquer pour y ajouter des noms et quant aux conséquences juridiques de l’inscription d’un nom. En ce qui a trait à la liste du Code, l’article 83.05 exige qu’on ait des motifs raisonnables de croire que l’entité s’est sciemment livrée à une activité terroriste ou a sciemment collaboré avec un groupe terroriste. Les critères d’inscription sur la liste du RARNULT n’englobent pas la nécessité que l’entité ait agi en connaissance de cause; on doit toutefois avoir des motifs raisonnables de croire qu’elle ait participé à une activité terroriste. Le RARNUAT, qui interdit de traiter avec Oussama ben Laden, Al-Qaïda et le Taliban, concorde avec la liste établie par le comité du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Une entité inscrite sur la liste du Code est d’emblée automatiquement définie comme un groupe terroriste — ce qui n’est pas le cas des entités inscrites sur les deux autres listes. Si on porte des accusations criminelles contre une entité inscrite en vertu du Code, il n’est pas nécessaire de prouver qu’elle est un groupe terroriste. Pour des accusations semblables contre des entités inscrites sur les deux autres listes, il faut prouver que l’entité en question est un groupe terroriste.

SUJETS DE PRÉOCCUPATION

Listes multiples

Dans son mémoire, le B’nai Brith Canada traite de l’existence de trois listes d’entités terroristes, même si les listes auxquelles il fait référence soient celles établies en vertu du Code, du RARNULT et de la Loi sur l’enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité). L’organisme dit s’inquiéter du fait qu’il existe trois listes séparées et qu’elles soient administrées par différents ministères.

Les organisations auxquelles on a refusé ou dont on a révoqué le statut d’organisme de bienfaisance en vertu de la Loi sur l’enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité), incluse comme partie de la Loi antiterroriste, ne sont pas en soi des entités terroristes. Ce sont plutôt des organisations dont on a découvert l’appuie à une entité terroriste. En outre, d’après ce que le Sous-comité a appris, il semble que les dispositions de la Loi sur l’enregistrement des organismes de bienfaisance (renseignements de sécurité) n’aient pas été invoquées. Cela signifie qu’il n’existe pas encore de liste d’organismes de bienfaisance radiés. Le Sous-comité traitera de la radiation des organismes de bienfaisance dans le prochain chapitre du rapport.

Néanmoins, la recommandation du B’nai Brith Canada visant le fusionnement des listes évoque une préoccupation partagée par le Sous-comité. Bien qu’on ait pris des mesures en vue d’éliminer les listes multiples, d’autres problèmes demeurent. Les trois listes d’entités terroristes, en vertu du Code, du RARNULT et du RARNUAT, sont administrées par deux ministères qui relèvent de différents ministres – le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile1. Par ailleurs, les critères à appliquer pour les ajouts aux listes et les conséquences juridiques de ces ajouts diffèrent d’une liste à l’autre. Le Sous-comité croit qu’on devrait chercher à intégrer davantage les trois listes des points de vue de l’administration ministérielle, des critères à appliquer pour l’inscription d’une entité ainsi que des conséquences juridiques de l’inscription.

RECOMMANDATION 23

Le Sous-comité recommande qu’on envisage d’intégrer davantage, des points de vue de l’administration ministérielle, des critères à appliquer pour l’inscription d’entités et des conséquences juridiques de l’inscription, les régimes de listes d’entités terroristes établis en vertu du Code criminel, du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme et du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban.

Le paragraphe 83.05(5) du Code autorise un contrôle par la Cour fédérale d’une décision du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de ne pas radier une entité de la liste. Le paragraphe (6) permet à la Cour fédérale d’examiner à huis clos les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité, d’entendre une partie ou l’ensemble de la preuve présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans une audience ex parte, à huis clos, et de fournir au demandeur du contrôle judiciaire un résumé des éléments de preuve de nature délicate présentés en son absence. Il existe un processus similaire dans le contexte de la radiation des organismes de bienfaisance, des instances en vertu de la Loi sur la preuve au Canada, ainsi que des certificats de sécurité en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Il est question séparément de chacun de ces processus ailleurs dans le présent rapport.

Dans plusieurs mémoires que le Sous-comité a examinés, on propose la nomination d’un défenseur spécial, ou amicus curiae, pour chaque processus. Plutôt que de se pencher sur la question dans chacun de ces contextes, le Sous-comité aborde le sujet en bloc dans un chapitre distinct, plus loin dans le rapport.

AUTRES MODIFICATIONS RECOMMANDÉES

Examen ministériel d’une décision d’inscrire une entité

En vertu du paragraphe 83.05(2) du Code criminel, une entité inscrite par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile doit d’abord présenter une demande écrite au ministre, si elle estime ne pas devoir figurer sur la liste. Ce n’est qu’après que le ministre a rendu une décision, ou qu’il est réputé l’avoir fait, que l’entité peut réclamer un contrôle judiciaire. Le Sous-comité croit qu’il est injuste de demander à une entité inscrite, qui estime ne pas devoir l’être, de présenter d’abord sa requête à la personne qui vient de recommander l’inscription. Tout au plus devrait-il être optionnel de présenter une demande au ministre. Si elle le souhaite, une entité inscrite devrait pouvoir présenter directement à un juge, en vertu du paragraphe 83.05(5), une demande de révision de la décision initiale visant son inscription sur la liste.

RECOMMANDATION 24

Le Sous-comité recommande que l’article 83.05 du Code criminel soit modifié de manière que, lorsqu’une entité inscrite désire faire réviser une décision initiale visant son inscription, elle ne soit pas obligée de présenter une demande au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vertu du paragraphe (2), mais qu’elle puisse s’adresser directement à un juge en vertu du paragraphe (5).

Le Sous-comité croit qu’une entité inscrite devrait pouvoir s’adresser directement à un tribunal afin de faire réviser une décision initiale visant son inscription. Par contre, il ne s’inquiète pas du fait que, en raison du temps écoulé et, possiblement, de la présentation de nouveaux renseignements, on doive d’abord s’adresser au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans le contexte d’une demande présentée ultérieurement en vertu du paragraphe 83.05(8), par suite d’une évolution importante de la situation ou de l’examen effectué deux ans après l’inscription initiale, conformément au paragraphe 83.05(9).

Le Sous-comité trouve cependant que l’article 83.05, dans sa version actuelle, n’indique pas clairement qu’il incombe au gouverneur en conseil (c’est-à-dire au Cabinet) de décider ultimement du sort de l’entité, à savoir si elle devrait ou non rester sur la liste. Si, d’après le paragraphe (1), l’inscription initiale est faite par le gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, il n’est nulle part précisé dans les paragraphes faisant état des recommandations du ministre que le gouverneur en conseil étudie la recommandation et choisit ensuite de l’accepter ou de la rejeter. En fait, le paragraphe (4) semble laisser entendre que la recommandation du ministre devient la décision finale communiquée au demandeur, lequel a 60 jours pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

Pour plus de précision et d’uniformité, le Sous-comité pense qu’on devrait apporter des modifications afin de préciser qu’il appartient toujours au gouverneur en conseil de décider ultimement de conserver ou non une entité sur la liste après avoir reçu du ministre une recommandation à ce sujet, conformément aux paragraphes 83.05(2), (3) ou (9). De plus, nous croyons que le gouverneur en conseil devrait rendre sa décision dans un délai de 120 jours, à compter de la date à laquelle le ministre a reçu la demande, à défaut de quoi l’entité serait réputée avoir été rayée de la liste.

Dans l’intérêt de l’application régulière de la loi, le paragraphe 83.05(3) devrait être modifié de telle sorte que, si le ministre omet de faire une recommandation au gouverneur en conseil dans les 60 jours suivant la réception de la demande de radiation, il soit réputé avoir décidé de recommander la radiation du demandeur. Les délais de 60 jours et de 120 jours visent à garantir un examen plus juste et plus rapide des demandes. Il est injuste d’exiger qu’une entité présente d’abord au gouvernement une demande de radiation, que celle-ci ne soit pas examinée dans un délai opportun, puis que le ministre soit réputé avoir décidé de ne pas recommander la radiation, ce qui oblige l’entité à réclamer un contrôle judiciaire si elle veut toujours être rayée.

Pour des raisons analogues à celles qui viennent d’être énoncées, le Sous-comité croit que chaque examen de la liste des entités inscrites effectué après deux ans, et exigé en vertu du paragraphe 83.05(9) du Code, devrait aussi donner lieu à une décision finale du gouverneur en conseil dans un délai de 120 jours suivant le début de l’examen, à défaut de quoi l’entité serait réputée avoir été rayée de la liste. Compte tenu des conséquences de l’inscription d’une entité sur la liste, le gouvernement devrait être obligé de rendre une décision dans un délai raisonnable.

Si, après une demande présentée en vertu des paragraphes 83.05(2) ou (8), le gouverneur en conseil décidait de ne pas rayer une entité de la liste, celle-ci aurait 60 jours, à partir du moment où elle reçoit avis de la décision, pour demander un contrôle judiciaire, comme il est déjà prévu au paragraphe (5). Comme il est aussi prévu actuellement, l’entité ne pourrait pas réclamer tout de suite un contrôle judiciaire si le gouverneur en conseil décidait de la garder inscrite sur la liste par suite de l’examen effectué deux ans après l’inscription initiale, conformément au paragraphe (9), puisque, en accord avec le paragraphe (8), l’entité doit au préalable demander d’être rayée de la liste.

RECOMMANDATION 25

Le Sous-comité recommande que l’article 83.05 du Code criminel soit modifié de manière que, lorsqu’une entité inscrite demande à être radiée de liste conformément aux paragraphes 83.05(2) ou (8), le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile fasse une recommandation dans un délai de 60 jours, à défaut de quoi il sera réputé avoir décidé de recommander que l’entité soit rayée de la liste. En outre, toute recommandation réelle ou présumée de la part du ministre devra être communiquée au gouverneur en conseil, lequel rendra une décision finale dans un délai de 120 jours suivant la demande de l’entité, à défaut de quoi l’entité sera réputée avoir été rayée de la liste.

RECOMMANDATION 26

Le Sous-comité recommande que l’article 83.05 du Code criminel soit modifié de manière à préciser que, après chaque examen effectué tous les deux ans en vertu du paragraphe (9), il appartient au gouverneur en conseil de décider en bout de ligne si l’entité devrait rester ou non sur la liste des entités inscrites. En outre, la décision sera rendue dans un délai de 120 jours suivant le début de l’examen, à défaut de quoi l’entité sera réputée avoir été rayée de la liste.


1       Le ministre actuel est appelé « ministre de la Sécurité publique », mais le Code criminel continue d’utiliser l’appellation « ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ».