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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 022 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 avril 2008

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

    C'est la 22e séance du Comité permanent du commerce international. Nous poursuivrons notre étude sur l'accord de libre-échange entre le Canada et les États de l'Association européenne de libre-échange (l'Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse).
    Nous allons entendre aujourd'hui des témoins qui représentent l'Association de la construction navale du Canada, le Canadian Auto Workers Shipbuilding, Waterways and Marine Workers Council et le Syndicat national des cultivateurs.
    Je vais commencer par vous présenter nos témoins. Nous allons entendre brièvement chacun d'entre eux, après quoi nous leur poserons des questions.
    Nous commençons toujours un peu en retard le mercredi parce que la Chambre a tendance à s'éterniser après la période de questions, donc je vais aller droit au but. Je vous remercie de votre patience. Commençons.
    [Note de la rédaction: Inaudible]...voter aujourd'hui.
    Oui, c'est un autre excellent point. Merci, monsieur Dhaliwal.
    Nous allons devoir clore la séance à 17 h 15 parce que nous devons participer à des votes ce soir dans l'autre édifice. Il nous reste aussi quelques questions en suspens à régler de la dernière séance sur nos travaux futurs, donc je propose que nous terminions la discussion à 17 heures, que nous laissions nos témoins nous quitter, puis que nous prenions 15 minutes à huis clos pour étudier nos travaux futurs.
    Je suis prêt à commencer, si j'ai le consentement du comité.
    J'aimerais vous présenter un consultant indépendant et membre du conseil d'administration de l'Association de la construction navale du Canada, Andrew McArthur.
    Du Canadian Auto Workers' Shipbuilding, Waterways and Marine Workers Council, nous recevons Karl Risser Jr., président de la Section locale 1 d'Halifax, ainsi que l'agent d'affaires Jamie Vaslet, qui est également ici avec nous aujourd'hui.
    Par vidéoconférence, nous recevons le secrétaire exécutif du Syndicat national des cultivateurs, Terry Pugh.
    M'entendez-vous?
    Oui, je vous entends bien. Merci beaucoup.
    Ma foi, nous vous entendons très bien. Votre image est impeccable à l'écran dans notre salle de réunion.
    Je vais demander à chacun d'entre vous de faire une brève déclaration d'ouverture de cinq à dix minutes. Je vais d'abord donner la parole à M. McArthur de l'Association de la construction navale du Canada.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'accueille avec joie cette occasion de comparaître devant votre comité.
    Je m'excuse de ne pas avoir apporté de mémoire écrit. Il y a un message qui est tombé dans les limbes, et nous n'avons appris que lundi matin que vous nous demandiez un exposé. J'étais assis tranquillement au bord de la piscine en Floride quand on m'a demandé de présenter un exposé.
    Je vais m'exprimer au nom de l'Association de la construction navale du Canada, dont je suis ancien président et membre du conseil d'administration. Je représente également Les Chantiers Maritimes Irving Inc. J'ai pris ma retraite de vice-président des Chantiers il y a quelques années et je travaille toujours pour l'entreprise à titre de consultant. Je vais également vous parler brièvement au nom d'Atlantic Towing Limited, une autre société Irving.
    Pour économiser un peu de mots, quand je vais parler des Chantiers maritimes Irving Inc., je vais les appeler ISI et quand je vais parler de l'Association de la construction navale, je vais dire l'Association.
    Cinq ou six ans doivent déjà s'être écoulés depuis que nous avons commencé à parler de l'accord avec l'AELE. Cela fait longtemps, et je participe aux discussions depuis le premier jour.
    Les positions de l'Association et d'Irving sont pratiquement les mêmes. Depuis le premier jour, nous affirmons que le gouvernement norvégien a aidé massivement son industrie à se doter d'une infrastructure gigantesque. C'est une bonne industrie qui reçoit beaucoup d'aide de son gouvernement et aujourd'hui, ses membres se demandent ce qu'ils peuvent faire d'autre.
    Nous sommes donc d'avis, depuis le premier jour, que la construction navale devrait être exclue de l'accord de libre-échange. Nous nous heurtons à un mur de briques depuis quelques années, et l'on nous dit que ce n'est pas possible. Si les Américains, par la Loi Jones, peuvent soustraire la construction navale de l'ALENA et d'autres accords de libre-échange, comme ils le font aujourd'hui avec la Corée, pourquoi le Canada ne peut-il pas faire de même?
    Pour l'ALENA, nous avons le sentiment d'avoir été trahis. Nous ne pouvons pas construire de bateaux pour les armateurs américains alors que les constructeurs américains peuvent en construire pour les armateurs canadiens et exporter des navires au Canada sans payer de taxes. On n'a jamais vu pareille entente à sens unique, à ma connaissance. Il est totalement ridicule qu'ils puissent construire des navires pour les armateurs canadiens, venir nous les vendre hors taxe, mais que nous ne puissions pas en construire pour les armateurs américains. Pour la réparation, c'est encore pire. Avant, nous pouvions faire certaines réparations pour les navires américains visés par la Loi Jones. De nos jours, c'est très, très difficile. Il y a beaucoup de restrictions et cela ne se fait pratiquement plus.
    Vous pouvez donc sans doute comprendre pourquoi nous sommes tous pour l'exclusion de notre industrie de cet accord.
    C'est à reculons que l'Association de la construction navale a pris cette position. Après nous être constamment heurtés à des murs, nous nous sommes dit : « Très bien, vous dites catégoriquement qu'il n'y aura pas d'exemption? » Les bureaucrates avec qui nous étions en contact à l'époque nous ont dit que c'était inébranlable. Les membres de notre association se sont donc dit qu'un tien vaut mieux que deux tu l'auras, donc nous avons demandé d'emblée, dans ce contexte, une longue phase de transition. Nous avons réclamé 15 ans et à ma connaissance, on nous les a accordés. Nous ne sommes pas contents, mais si c'est le mieux que nous puissions obtenir, nous devons nous organiser pour les avoir.
    L'association a été très ferme sur ce point, c'est-à-dire que l'accord sur la période de transition est conditionnel à l'adoption d'une nouvelle politique sur la construction navale. La nouvelle politique que nous avons réclamée, c'est que le gouvernement du Canada maintienne la Campagne des achats au Canada pour les navires gouvernementaux canadiens, et il semble que ce soit le cas. Cette politique est toujours en vigueur. C'est excellent, puisqu'il y a beaucoup de programmes qui s'en viennent.
    Nous sommes toutefois allés plus loin. Nous avons le financement structuré, grâce auquel les acquéreurs potentiels peuvent se prévaloir d'une réduction d'intérêt. Les armateurs canadiens sont également admissibles à la déduction pour amortissement accéléré, grâce à laquelle ils peuvent essentiellement amortir le coût de leur navire sur trois ans. Ils doivent cependant choisir entre les deux, ce qui est totalement injuste envers les armateurs canadiens. Si nous construisons un navire pour un armateur étranger, il est admissible au financement structuré et peut obtenir une réduction d'intérêt. Il peut retourner dans son propre pays et obtenir un amortissement accéléré, tout comme au Canada. Il peut donc amortir très rapidement les coûts d'un nouveau navire de façon avantageuse, et les tarifs des services externes sont répartis dans le monde quand il commence à utiliser son navire.

  (1550)  

    Quand un armateur canadien s'adresse à nous, nous lui disons qu'il peut se prévaloir du financement structuré, mais que s'il le prend, il ne pourra pas profiter de la DAA et que du coup, l'amortissement ne se fera pas sur trois ans, mais vingt ans.
    Par cette mesure, vous pénalisez donc les armateurs canadiens. Un armateur canadien peut peut-être s'en tirer à meilleur compte à l'étranger, où il peut obtenir un financement raisonnable. Toutefois, quand il ramène son navire au Canada, où il paie des droits, il n'est pas avantagé. Vous pénalisez donc l'industrie de la construction navale, ainsi que les armateurs canadiens.
    La phase de transition qu'a acceptée l'Association était conditionnelle au maintien de la Campagne des achats au Canada, ainsi qu'au cumul du financement structuré et de la déduction pour amortissement accéléré. Comme nous n'avons pas obtenu ce que nous demandions, l'Association de la construction navale revient à sa politique d'exemption. Nous répétons la même chose depuis le premier jour, mais l'on nous dit que ce n'est pas dans l'accord. Vous avez accepté une phase de transition de 15 ans.
    Il y a quelque temps, on nous a dit que le seul frein à l'accord venait de l'industrie de la construction navale. Tout le reste a été accepté. La construction navale retient tout le processus. Il faut se demander pourquoi notre industrie le bloque. Qui veut de la construction navale? Quels sont les pays de l'AELE qui veulent que l'accord s'applique à la construction navale? Je suis à peu près certain que le Groenland, le Liechtenstein et la Suisse n'y tiennent pas particulièrement, ce qui laisse seulement la Norvège.
    Demandons-nous pourquoi la Norvège tient tant à ce que la construction navale fasse partie de cet accord. Il y a qu'une réponse: elle veut pénétrer notre marché, elle veut vendre des navires au Canada et elle veut nous prendre les navires que nous construisons. De plus, la Norvège possède l'une des plus grandes flottes de navires annexes au monde. Elle cherche dans le monde des marchés où offrir ses navires. Ceux-ci ont pour la plupart été construits à l'époque où la Norvège donnait des subventions. Leurs coûts ont déjà été amortis. La Norvège peut donc les mettre en service au Canada à des tarifs d'affrètement que les entreprises canadiennes ne peuvent pas égaler.
    Cela ne se répercutera pas directement sur les constructeurs, mais sur des sociétés comme Atlantic Towing Limited. Depuis 1995, Atlantic Towing, une société Irving, a investi 371 millions de dollars dans une flotte de navires annexes. Elle n'a pas été subventionnée et n'a obtenu de financement structuré pour aucun bateau. Elle a elle-même financé sa flotte. Elle doit maintenant se mesurer à la concurrence, qui va la battre à plate couture si les tarifs d'affrètement sont ceux prescrits par cet accord. Ces navires ont été construits à l'aide de subventions, et leurs coûts sont déjà amortis.
    Nous faisons beaucoup d'affaires avec la Norvège. Ironiquement, nous avons utilisé des plans norvégiens pour construire ces navires annexes. Nous avons acheté de l'équipement en Norvège. Nous nous disons que nous avons d'excellentes relations avec les Norvégiens. Nous aurions pu concevoir notre propre navire annexe, mais ils construisent l'UT722. Ceux qui sont dans le monde du pétrole et qui affrètent des navires annexes savent bien ce qu'est un UT722. Tout le monde les connaît dans le monde des affaires. Nous y avons réfléchi et nous nous sommes dit que nous allions concevoir un Halifax 123, mais nous savions que quiconque voudrait en affréter un se demanderait ce que peut bien être un Halifax 123. Personne ne connaîtrait ce navire, tandis que les gens aiment les UT722. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers la Norvège, avons acheté leurs plans et construit ces bateaux.
    Comme je l'ai dit, nous sommes très amis avec les Norvégiens et il nous est égal d'utiliser leurs plans, mais nous avons l'impression qu'ils nous serrent la vis. Non seulement ils veulent que nous achetions leur matériel, mais ils veulent construire les navires en Norvège, y installer leur propre équipement, puis les envoyer au Canada. Je pense que le gouvernement doit y réfléchir à deux fois avant d'accepter une telle chose.
    On a aussi beaucoup discuté du contenu norvégien. Les négociateurs ont négocié qu'un navire construit en Norvège, de contenu norvégien à 35 p. 100, serait considéré comme construit au Canada. Nous n'avons jamais rien entendu de plus ridicule. Les chiffres ont été inversés. D'après ce que je comprends, on parle dorénavant de contenu norvégien à 65 p. 100, mais même à 65 p. 100, la Norvège peut construire des coques à moindre coût dans d'autres pays européens, les importer en Norvège, mettre ses propres pièces à l'intérieur, les équiper, les envoyer au Canada à un armateur canadien et être admissibles au tarif réduit. Ces navires seraient considérés comme des navires construits en Norvège.

  (1555)  

    Un navire construit en Norvège devrait être construit à 100 p. 100 en Norvège. Un contenu à 65 p. 100 est de loin préférable à un contenu à 35 p. 100, mais cela reste discutable. Le risque demeure que les Norvégiens aillent construire leurs coques à moindre coût en Pologne ou ailleurs.
    Pour nous, il est hors de question d'aller en Pologne. D'abord, nous n'employons pas de Polonais. Ensuite, le remorquage d'une coque vide d'un bout à l'autre de l'Atlantique est hors de question. Ce n'est pas faisable ni rentable.
    Qu'arrivera-t-il si cet accord est signé?
    La construction navale au Canada est en situation précaire. Au début des années 1980, nous avions une grande industrie viable. Vers 1986, nous avons lancé un programme de rationalisation de la construction navale. Il y a eu Burrard sur la côte Ouest. Yarrows a fermé. Collingwood a fermé. MIL et Sorel ont fermé. Vickers à Montréal a fermé. Une grande partie de nos installations ont fermé.
    Aujourd'hui, il nous reste Washington Marine sur la côte Ouest et quelques plus petits constructeurs. Il y a Port Weller au milieu, qui appartient à Upper Lakes Shipping, dont l'avenir est un peu compromis. Il s'est récemment placé sous la protection de la Loi sur la faillite. Jack Leitch d'Upper Lakes a racheté l'entreprise et espérons qu'il arrive à survivre. Il y a les chantiers Davie à Québec, qui ont fait faillite à quatre reprises depuis 30 ans, si ma mémoire est bonne. Il y a maintenant un nouveau propriétaire et curieusement, c'est un Norvégien. Je pense que c'est une pure coïncidence, soit dit en passant. L'avenir de Davie reste incertain. Ces chantiers ont beaucoup de contrats actuellement et j'espère qu'ils vont faire un retour en puissance, qu'ils vont rester actifs. Il y a ensuite le groupe Irving sur la côte Est, avec les chantiers maritimes d'Halifax et d'East Isle, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a aussi Marystown à Terre-Neuve. Cela fait à peu près le tour de l'industrie.
    Par exemple — et je m'excuse de ne pas avoir de document à vous remettre, les chantiers maritimes d'Halifax et d'East Isle comptent actuellement à eux deux environ 600 ou 700 employés. Ils versent en moyenne 30 millions de dollars en salaires. Nous payons chaque année 11 millions de dollars en RPC, AE et autres frais. Les Chantiers maritimes Halifax achètent localement des biens et services d'une valeur de 35 millions de dollars, surtout en Nouvelle-Écosse, mais aussi ailleurs. East Isle fait des achats de 3 millions de dollars à l'Île-du-Prince-Édouard. À Toronto, des achats de 3 millions de dollars ne mériteraient pas beaucoup d'attention, mais à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est très précieux. Chez Atlantic Towing, on emploie 300 personnes. La feuille de paie annuelle est de 17 millions de dollars, l'entreprise verse 6 millions de dollars en RPC et autres frais et achète des biens et services pour 10 millions de dollars. Comme je l'ai dit, elle a dépensé 317 millions de dollars depuis 1995.
    Il y a aussi un groupe au Québec. Nous tenons l'information de Gordon Bain, son président. Ce groupe serait touché, tout comme East Isle et Atlantic Towing ainsi que Secunda. Il emploie 350 personnes. Sa feuille de paie annuelle est de 18,7 millions de dollars. Il paie 4,6 millions de dollars en taxes et dépense 20 millions de dollars par année en biens et services locaux. Gordon a investi 50,6 millions de dollars dans l'entreprise depuis 1995.
    Nous investissons beaucoup dans nos entreprises. Si elles disparaissent, nous allons en souffrir grandement.
    Il y a un autre grand élément à prendre en considération, et je pense que le ministère de la Défense nationale commence enfin à comprendre le concept. Tout a commencé il y a trois ans, si je ne me trompe pas, lors d'une conférence de sensibilisation à Vancouver où j'ai prononcé une allocution. Faute de nouvelle construction, l'industrie de la réparation de navires ne pourra pas survivre au Canada. La construction navale attire des ingénieurs, des architectes navals et des techniciens. La réparation de navires est complexe. Les Japonais font allusion au KKK. C'est sale, dangereux et difficile. Il faut de la construction navale pour faire avancer la technologie et attirer les investissements et le personnel nécessaires, soit des ingénieurs et des techniciens.
    Faute de nouvelle construction au Canada, il est très probable que l'industrie de la réparation disparaisse. Faute de nouvelle construction, les Chantiers maritimes Halifax risquent de disparaître. Tous les employés seront touchés, mais pire encore, nous avons pour voisin un établissement d'entretien de navires. Nous avons beaucoup en commun.

  (1600)  

    Quand je parle aux amiraux, je leur dis: « Vous rendez-vous compte que si nous disparaissons, nous allons disparaître pour de bon? Qu'allez-vous faire de vos frégates? » Ils me répondent: « Oui, mais... »
    Vous n'irez pas en Espagne; vous n'irez pas au Portugal; vous n'irez pas au Royaume-Uni; le choix logique est d'aller aux États-Unis. Nous avons 12 frégates; les États-Unis ont 57 FFG7. Si vous avez de la difficulté à faire réparer vos frégates, vous saurez qui est en tête de ligne. Ce ne sera pas nous.
    Les hauts gradés du MDN se rendent de plus en plus compte qu'il faut pouvoir réparer les navires. C'est une ressource stratégique. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et l'Australie reconnaissent tous que c'est une ressource stratégique.
    Il faut faire quelque chose pour que la construction navale se poursuive. La solution la plus simple consiste à l'exclure de l'accord avec l'AELE. Si vous voulez faire quelque chose, convainquez vos collègues du gouvernement d'élargir l'accès au financement structuré, pour que les armateurs canadiens y aient accès en plus de la déduction pour amortissement accéléré, et l'industrie retrouvera tout son dynamisme.
    Il n'y a personne ici de la Great Lakes Fleet, mais l'entreprise est en situation très périlleuse. En moyenne, ses navires ont plus de 30 ans, et il faudra bientôt en reconstruire de nouveaux.
    Je recommande d'exclure l'industrie de l'accord avec l'AELE, ainsi que de conjuguer le financement structuré élargi à la DAA.
    Merci beaucoup, messieurs.
    Merci, monsieur McArthur.
    Nous allons maintenant entendre Karl Risser Jr. Je vais réussir à le dire comme il faut avant la fin de la journée, Karl.
    M. Risser vient du Canadian Auto Workers' Shipbuilding, Waterways and Marine Workers Council de Halifax.
    Pouvez-vous vous en tenir à 10 minutes ou moins? Le dernier exposé a duré presque 20 minutes.
    Andrew a très bien décrit la situation de l'industrie, et je vais essayer d'éviter de répéter ce qu'il a dit.
    Encore une fois, merci de nous accueillir. Comme nous avons été avisés à la dernière minute, notre syndicat n'a rien préparé, mais il aimerait avoir la chance de préparer un mémoire officiel pour le comité. J'espère que le comité pourra prendre le temps de l'examiner.
    Je suis ici au nom des travailleurs du secteur maritime de notre syndicat, pour exprimer notre opposition à cet accord. Les constructeurs navals du Canada sont loin de partir du même pied que leurs concurrents pour décrocher des contrats sur les marchés nationaux et internationaux. D'autres gouvernements, dont la Norvège, contrairement au Canada, appuient leur industrie de la construction navale depuis des années et lui ont taillé une place de choix. Nous avons pris très peu de mesures de protection, et ce qu'il nous reste à cet égard, c'est un tarif de 25 p. 100 sur les navires importés au Canada, des tarifs que le gouvernement élimine de jour en jour au moyen d'accords comme celui-ci et d'exemptions négociées avec les entreprises.
    Le gouvernement — dans ce cas-ci, le ministre O'Connor — a déclaré que la construction navale était d'une importance stratégique pour la souveraineté de notre pays. Le 7 juin dernier, Peter MacKay a affirmé dans un communiqué de presse que le gouvernement reconnaissait les défis auxquels est confrontée l'industrie de la construction navale et qu'il prenait des mesures concrètes pour l'aider à court et à long terme. Il a dit aussi qu'en tant que nation maritime, le Canada avait besoin d'une industrie de la construction navale viable pour assurer sa souveraineté. Maxime Bernier a répété la même chose dans ses déclarations sur une nouvelle stratégie pour préserver nos chantiers de construction et de réparation navale, des chantiers nécessaires pour notre souveraineté nationale.
    Toutes ces déclarations nous porteraient à croire que le gouvernement passe à l'action afin de mettre en place des stratégies nationales visant à assurer la viabilité de la construction navale, mais nous n'en avons aucune manifestation concrète. Nous avons plutôt sous les yeux l'accord avec l'AELE, qui risque fort de détruire davantage l'industrie de la construction navale, à notre avis.
    Je vous somme donc de saisir l'occasion qui se présente à nous de faire des acquisitions pour revitaliser l'industrie. Cette industrie offre des emplois de haut niveau, souvent dans des régions où l'économie est en crise. La construction navale soutient des secteurs comme le transport, les pêches, le tourisme, ainsi que l'exploitation pétrolière et gazière. Je devrais sans doute surtout dire, comme Andrew l'a souligné, qu'elle est primordiale pour assurer la défense du Canada.
    Les raisons d'appuyer l'industrie de la construction navale sont claires. Je crois seulement que ce comité et le gouvernement doivent trouver des moyens de le faire. Pour l'instant nous attendons toujours des mesures qui fonctionnent pour nous.
    Cet accord prévoit une longue période de transition, et nous en reconnaissons tous les bénéfices, mais elle ne sera avantageuse que si nous avons la possibilité de nous adapter. Il est injuste de demander aux travailleurs de s'adapter au marché international, parce qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous n'exerçons aucune influence. Dans certains pays avec qui nous serons en concurrence sur la scène internationale, les travailleurs eux-mêmes sont une subvention. Il n'y a pas de droits de la personne dans certains pays, et la santé et la sécurité comptent très peu. Les règles du jeu sont totalement différentes dans certains pays.
    Pour revenir à cet accord, les Norvégiens se sont dotés d'une industrie très puissante.
    Cet accord avec l'AELE est donc une mauvaise affaire pour le Canada. Je serais ravi que quelqu'un me dise ce que le Canada va retirer de cet accord. Je sais que nous allons détruire notre industrie de la construction navale, une industrie qui vaut des milliards de dollars au Canada. Elle est maintenant sur le bord de la faillite et a besoin d'une grande tape dans le dos. Nous en avons l'occasion, mais reste à savoir si nous allons la saisir.
    Encore une fois, je me pose une question: quel avantage le Canada a-t-il à tirer de cet accord? Enfin, j'ai une dernière question: est-ce que cet accord va être soumis au Parlement, comme le ministre Emerson l'a affirmé, pour un débat en profondeur et le vote?
    Je vais terminer sur cette note. Merci.

  (1605)  

    Merci, monsieur Risser.
    Sans plus tarder, nous allons maintenant nous mettre à l'écoute de Saskatoon et de Terry Pugh du Syndicat national des cultivateurs. Pourrais-je vous demander à vous aussi de ne faire qu'une brève déclaration d'ouverture, après quoi nous passerons aux questions, et les membres du comité pourront interroger ceux de qui ils souhaitent une réponse?
    Écoutons Terry Pugh, secrétaire exécutif du Syndicat national des cultivateurs de Saskatoon.
    Je vous remercie beaucoup de nous permettre de nous exprimer devant le comité par vidéoconférence. C'est très apprécié.
    Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour examiner cet accord commercial, mais il est clair qu'il fait partie d'une série d'accords bilatéraux que le Canada souhaite conclure. Ils s'inscrivent tous dans le contexte du grand accord commercial de l'OMC, donc il est important de l'examiner dans le contexte de l'OMC.
    Le critère ultime pour mesurer le succès ou l'échec d'un accord commercial du point de vue des agriculteurs consiste à déterminer s'il fait augmenter le revenu net des agriculteurs. Un accord commercial qui fait bondir les exportations mais réduire le revenu net à la ferme ne constitue pas une bonne affaire pour les cultivateurs canadiens.
    Cela dit, je vois un aspect positif dans cet accord, et c'est pour le blé dur. C'est peut-être le seul aspect positif que je vois dans cet accord commercial. Comme les exportations de blé dur se font par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé, les cultivateurs de l'Ouest du Canada bénéficient directement des ventes, et le rendement à la ferme augmente. Si ces ventes passaient par des sociétés céréalières privées, le revenu à la ferme serait bien moindre. Bref, une augmentation des ventes grâce à un abaissement des tarifs dans certains pays va se traduire par une augmentation du revenu direct des agriculteurs.
    Bien sûr, la Commission du blé fait de l'excellent travail pour mettre le blé dur en marché en Europe. Vous savez sans doute que l'UE est déjà notre principal client pour le blé dur. Un peu plus de 12 p. 100 de la production de blé dur dans le monde se fait au Canada, mais nous envoyons en fait 51,8 p. 100 de notre blé à l'étranger.
    En ce moment, la Suisse n'est pas un grand marché pour nous. D'après nos meilleurs estimations, nous n'y envoyons que 1 500 tonnes environ, et le tarif est déjà très bas. Le marché de la Norvège est un peu plus grand, mais pour l'instant, nous n'exportons pas de blé dur en Norvège. Donc, si nous augmentions nos exportations, nous serions probablement gagnants.
    Il ne faut toutefois pas oublier que les exportations canadiennes de blé et de blé dur connaissent beaucoup de succès à l'étranger grâce à la qualité et la fiabilité constante de nos grains. C'est attribuable au règlement sur les ventes de la Commission canadienne du blé, à la Commission canadienne des grains et à notre système de distinction visuelle des grains.
    Ces deux organismes connaissent beaucoup de pression en ce moment. La Commission canadienne des grains, en raison du projet de loi C-39, appréhende la diminution des inspections d'arrivage. Comme vous le savez, le système de DVG, le grand pilier de notre système de qualité des grains, va disparaître graduellement à partir du 1er août 2008. Si cela se concrétise, il y a tout lieu de nous demander si nous allons être en mesure de garder ces marchés. Donc, même si nous tirons avantage des réductions tarifaires, nous risquons de perdre beaucoup de millions de plus si nous perdons le guichet unique de la Commission canadienne des grains et de la Commission canadienne du blé.
    J'ai été un peu surpris, à la lecture des transcriptions, de voir qu'on n'avait réalisé aucune analyse économique des incidences de cet accord commercial. Je pense que c'est très évocateur. Aucune analyse économique n'a été réalisée non plus sur le projet de loi C-46, qui va modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé ainsi que la Commission des grains. Le gouvernement ne nous a communiqué aucune analyse économique sur ce qu'il adviendra du revenu à la ferme si ces deux commissions sont affaiblies d'une manière ou d'une autre.

  (1610)  

    Mais l'aspect le plus grave et le plus négatif de cet accord, de notre point de vue, c'est son incidence sur la gestion des approvisionnements dans l'industrie laitière, par exemple. Il est vrai que nos obligations en matière d'accès demeurent en place pour les importations de certains produits, comme le prescrit l'accord de l'OMC, mais les tarifs sur certaines de ces importations ont baissé radicalement, certains ont même été totalement éliminés.
    C'est avantageux quand les tarifs sur nos exportations diminuent. C'est une autre question quand les tarifs applicables aux importations de produits laitiers, par exemple, qui entrent au Canada sont réduits... Je pense que le représentant d'Agriculture Canada, au début mars, a indiqué que pour le beurre, par exemple, un tarif de 7 p. 100 s'appliquait aux 4 000 tonnes de beurre qui entrent au Canada, selon le quota prévu actuellement à l'OMC. Selon cet accord, ces 7 p. 100 vont fondre jusqu'à 0 p. 100. C'est sans aucun doute une réduction tarifaire de 7 à 0 p. 100. La quantité qui va entrer reste la même, mais le tarif diminue.
    C'est fondamental, parce que l'effet concret de cette mesure, c'est de faciliter l'accès au marché canadien aux importations de produits laitiers. Il ne faut pas oublier que plus nous ouvrons nos marchés à l'importation, plus nous poussons les producteurs canadiens à s'éloigner de leur marché national. Comme je l'ai souligné, cette baisse de 7 à 0 p. 100 pour certains produits laitiers importés ici constitue clairement une réduction tarifaire.
    Il y a un peu plus de deux mois, le ministre de l'Agriculture Gerry Ritz a déclaré en réponse à une ébauche révisée sur les modalités à l'OMC que: « Le Canada continue de s'opposer fermement à des réductions tarifaires ou à une augmentation des contingents tarifaires dans le cas des produits sensibles. Il s'agit-là d'un élément fondamental de la position de négociation du Canada. »
    Je vais terminer en disant que Gerry Ritz a fait cette déclaration deux semaines après la signature de cet accord, alors qu'il devait clairement savoir qu'il y avait des réductions tarifaires. Donc, quand il a dit qu'il n'y aurait pas de réduction des tarifs à l'OMC, nous nous sommes demandé si le gouvernement n'était pas en train d'afficher publiquement qu'il résiste aux pressions exercées à l'OMC en faveur d'une réduction des tarifs alors qu'il est prêt à les réduire dans le cadre de petits accords commerciaux bilatéraux. Mais comment peut-il refuser d'en faire de même dans le cadre du grand accord avec l'OMC?
    Cet accord semble avoir établi un précédent qui pourrait très bien favoriser une vague de mesures commerciales susceptibles d'affaiblir la gestion des approvisionnements et les systèmes d'écoulement ordonné au Canada.
    C'est ma conclusion.

  (1615)  

    Merci beaucoup, monsieur Pugh.
    Nous allons commencer notre tour de table. Je crains que nous n'ayons le temps que d'en faire un seul.
    Je vois que M. Bains mâchouille bruyamment, donc nous allons commencer par le Parti libéral et M. Bains.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais vous poser une série de questions et j'espère que pendant le temps qu'il restera, mes collègues pourront eux aussi poser leurs questions, si nous n'avons qu'un tour.
    Pour commencer, j'aimerais obtenir une précision de M. McArthur. Vous avez parlé très clairement de vos préoccupations à l'égard du marché de la construction navale norvégien et de la façon dont la Norvège a lourdement subventionné son marché. D'après votre expérience actuelle, avez-vous des exemples à nous donner de façons dont la Norvège subventionne actuellement son industrie de la construction navale?
    Non. À ma connaissance, la Norvège a éliminé graduellement sa politique de subvention de la construction navale, et elle n'est plus en vigueur aujourd'hui.
    C'est ce que nous ont dit les représentants du ministère, de même que de la Norvège.
    Si je peux ajouter une chose, toutefois, nous croyons qu'un grand nombre de contrats ont été signés avant qu'elle ne soit éliminée et que ces navires ne sont pas encore construits.
    Très bien. Il est bon de le mentionner. Vous soulevez un excellent point.
    Ensuite, monsieur McArthur, vous avez parlé abondamment de la stratégie de la construction navale et de ses aspects positifs. Vous avez l'impression que la Campagne des achats au Canada, si elle reste intacte, est avantageuse pour nous et qu'elle aide le secteur de la construction navale à l'échelle locale, mais vous semblez vous inquiéter de son financement structuré. Que désirez-vous ou que manque-t-il, selon votre analyse?
    Je suis d'accord avec vous. Nous pensons que cette politique est excellente et qu'il y a beaucoup de programmes qui s'en viennent qui sont attendus depuis longtemps. C'est le problème.
    Il y a le financement structuré, grâce auquel on peut obtenir une réduction d'impôt de presque 15 p. 100 du coût du navire, mais si un armateur canadien utilise ce mécanisme, il perd la déduction pour amortissement accéléré grâce à laquelle il peut amortir le sixième du coût de son navire la première année, puis un tiers, un tiers et un sixième. Dans les faits, il l'amortira en trois ans. Les deux mesures s'équivalent à peu près.
    En général, quand les entreprises sont rentables, elles optent pour la DAA et laissent tomber le financement structuré. Pour tous les navires que nous avons construits depuis quelques années, tous, nous avons choisi de ne pas nous prévaloir du financement structuré.
    Quand une entreprise est rentable, elle tire avantage de la DAA. Si l'on combinait ces deux formules, beaucoup d'autres armateurs se tourneraient vers le Canada. Great Lakes Fleet connaîtrait un nouveau souffle, par exemple.
    Cette question s'adresse à M. Risser, qui nous a parlé d'emplois et de l'effet considérable de cet accord sur les emplois.
    Vous avez dit dans votre exposé que la réduction tarifaire sur 15 ans ne laissait pas assez de temps à l'industrie locale et aux employés locaux pour s'adapter. Pouvez-vous nous expliquer un peu votre pensée parce que pour une personne moyenne, il semblerait raisonnable d'être avisé 15 ans à l'avance d'une réduction future des tarifs pour procéder aux modifications nécessaires. Pouvez-vous préciser votre pensée, parce que je n'ai pas nécessairement compris pourquoi vous n'en aviez pas assez de 15 ans.
    Je dis surtout que pendant ces 15 ans, les travailleurs et l'entreprise n'auront pas d'incidence sur les choses qui doivent changer. Les outils nécessaires pour aider l'industrie doivent surtout être mis en place par le gouvernement. Une période de 15 ans peut sembler longue aux personnes ici présentes, mais votre première question portait sur les entreprises norvégiennes, qui ne seraient plus subventionnées alors qu'elles le sont. Elles l'ont été pendant longtemps et en ont profité pour construire cette machine à tuer, ce monstre, qui ne nous a rien laissé, que les miettes que nous avons réussi à garder. C'est comme s'ils nous envoyaient un boxeur de 300 livres pour se battre contre notre boxeur de 165 livres.

  (1620)  

    Avez-vous analysé les pertes d'emplois potentielles, les incidences sur l'industrie et le nombre d'emplois qui disparaîtront à court et à long terme? Il a été mentionné qu'il était très regrettable qu'aucune analyse économique n'ait été faite, même après la signature de l'accord, pour montrer aux principaux joueurs les incidences potentielles de cet accord dans différentes circonstances. J'aimerais donc savoir si la section de la construction navale des Canadian Auto Workers a fait des analyses. Avez-vous des prévisions ou des chiffres dont vous pouvez nous faire part?
    Non. Du moins, pas encore et c'est la raison pour laquelle, quand j'ai commencé, j'ai dit que notre syndicat pourrait vous soumettre des chiffres à un moment donné. Je pense qu'il a bien hâte d'avoir l'occasion de vous soumettre un rapport plus détaillé et de passer les chiffres en revue avec vous. Mais compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je ne sais pas si... Pour aujourd'hui, nous n'avons pas de chiffres.
    D'accord.
    Monsieur Pugh, vous avez parlé abondamment de la gestion des approvisionnements, un sujet évidemment très délicat. Les fonctionnaires du ministère et le gouvernement nous ont garanti que la gestion des approvisionnements était protégée et bien protégée dans cet accord, qu'elle n'était pas compromise, mais vous avez donné l'exemple du beurre. Bref, croyez-vous que cet accord de libre-échange compromet la gestion des approvisionnements?
    Elle est compromise en ce sens que la fondation qui la garde en place s'effrite. Dans une certaine mesure, on assiste à de petites manigances, parce que si on laisse les contingents tarifaires tels quels mais qu'on réduit les tarifs, on libéralise le commerce. Il devient plus facile pour les importations d'entrer au pays. Il devient plus rentable pour une entreprise d'exporter des produits d'un autre pays vers le Canada. L'occasion devient plus alléchante pour elles. Donc, si l'on ne fait que gratter un peu ici et là, on peut dire que les choses restent les mêmes parce que les contingents tarifaires restent les mêmes, mais les tarifs ont chuté. Un moment donné, dans le cadre de l'accord de l'OMC par exemple, ces tarifs pourraient grimper. Ensuite, les tarifs dans cette limite pourraient descendre eux aussi.
    C'est donc une mort à petit feu. On voit graduellement le système s'affaiblir.
    Vous avez aussi soulevé un bon point quand vous avez parlé de cet accord de libre-échange comme d'un exemple pour d'autres accords de libre-échange potentiels. Si, comme vous le mentionnez, nous compromettons la gestion des approvisionnements dans une certaine mesure en périphérie de cet accord de libre-échange-ci, alors nous ne pourrons pas espérer grand-chose des futurs accords de libre-échange.
    Est-ce juste?
    Je pense que la question se pose. Si le gouvernement répète à qui mieux mieux aux cultivateurs que sa position est très ferme, et je cite: « Le Canada continue de s'opposer fermement à des réductions tarifaires », puis que nous constatons des réductions tarifaires dans un accord commercial signé par ce gouvernement même, que devons-nous en déduire?
    Le gouvernement vous a-t-il consulté à l'avance ou vous a-t-il informé de ces réductions tarifaires potentielles?
    Non, pas du tout. Je ne serais pas surpris que des organisations qui défendent des produits particuliers comme les Producteurs laitiers du Canada n'aient pas été consultées non plus. Si elles l'ont été, à quel point ces consultations étaient-elles officielles? S'agissait-il seulement de discussions par téléphone? Y a-t-il des comptes rendus quelque part?
    À leur dernière comparution, les représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et les négociateurs commerciaux n'ont pu produire aucun compte rendu écrit des réunions où ils ont discuté avec les producteurs laitiers. Ils ont simplement dit, en gros, qu'ils n'avaient fait que quelques observations verbales. Je ne sais donc pas si l'on peut considérer de telles consultations comme des discussions sérieuses.
    Avez-vous soumis des mémoires ou des présentations officielles au gouvernement sur cet accord de libre-échange avec l'AELE?

  (1625)  

    Non, pas sur celui-là. Nous avons fait plusieurs présentations sur d'autres accords commerciaux, particulièrement sur l'ALENA, bien sûr, ainsi que sur l'accord de l'OMC. Je pense que c'est surtout l'accord de l'OMC qui va voir des incidences sur tous les accords bilatéraux. Nous avons donc clairement exprimé nos points de vue sur l'accord de l'OMC au gouvernement.
    Cette question s'applique aussi aux autres témoins ici présents, de l'Association de la construction navale du Canada et du Canadian Auto Workers' Shipbuilding, Waterways and Marine Workers Council. Avez-vous participé à des consultations? Dans l'affirmative, avez-vous présenté des mémoires officiels?
    Je vais m'exprimer au nom de l'association.
    Je suis tout le temps en train d'en parler. Je pense que j'en parle depuis six ans, nous avons présenté différents mémoires, beaucoup. J'ai participé à toutes les séances de consultation, j'en oublie le nombre. J'ai participé à au moins une douzaine de consultations, je dirais.
    Vous avez présenté des exposés au gouvernement.
    Je les ai présentés aux bureaucrates responsables.
    Vous savez, c'est assez décourageant. Tous les deux ou trois ans, nos interlocuteurs changent. On se trouve constamment à parler à de nouvelles personnes et il faut les rééduquer.
    Et vous, monsieur Risser?
    Oui, je crois que Andrew l'a dit. C'est une vieille bataille pour le syndicat. Nous avons préconisé des politiques en matière de construction navale et ce, depuis l'époque de M. Tobin. Plus récemment, un de nos frères de la côte Ouest, George MacPherson, a présenté au comité du commerce international un rapport dans lequel il exposait ses opinions sur les futurs accords conclus dans le cadre de l'OMC.
    Merci.
    Merci, monsieur Bains.
    Je crois que nous allons donner la parole au Bloc. Nous allons entendre M. André. 

[Français]

    Je vais partager mon temps avec M. Cardin. Nous disposons de 10 minutes, monsieur le président?

[Traduction]

    Vous avez 10 minutes.

[Français]

    Je suis heureux que vous soyez parmi nous aujourd'hui. Vous clarifiez certains points relativement à la construction navale. Nous avons entendu précédemment le témoignage de M. Plunkett, qui est directeur général et travaille présentement à la politique étrangère en matière de commerce international. Il nous a dit que des consultations avaient lieu parmi les constructeurs navals depuis plusieurs années, depuis aussi longtemps que le début de 1990, en fait. On peut trouver cette information dans les témoignages. Il a dit qu'il semblait ne pas y avoir trop de désaccord au sujet de cette entente, qu'elle ne causait pas de problème majeur et n'avait pas nécessairement un impact négatif.
    L'accord de libre-échange avec l'Europe permet une période d'ajustement de 15 ans. Il s'agit d'une dizaine d'années, dans le cas de certains produits sensibles. Ça donne la possibilité à l 'industrie de s'adapter et de devenir plus concurrentielle sur le plan mondial. On a demandé à ces gens si une analyse économique avait été réalisée. Ils ont répondu que ça n'avait pas été fait comme tel, que plusieurs rencontres à des fins de consultation avaient eu lieu, mais qu'il n'y avait rien d'officiel à ce sujet.
     Si cet accord était signé, le gouvernement devrait vous appuyer pendant ces 15 années, de façon à ce que vous vous adaptiez et deveniez plus concurrentiels. Pour ce faire, quel type de programmes et d'interventions ce gouvernement pourrait-il mettre en oeuvre?

[Traduction]

    Ce que vous dites est tout à fait exact. En réponse à la question précédente, j'ai dit qu'il y avait eu de longues discussions entre l'équipe de négociation du gouvernement et l'Association de la construction navale, et j'ai assisté à chacune d'entre elles. Nous avons insisté pour dire qu'il devrait y avoir une exclusion, et comme je l'ai dit tout à l'heure, le gouvernement s'est contenté de répéter « Nous n'allons jamais accepter une exclusion ». Nous n'avons jamais compris pourquoi. C'est ce que font les Américains.
    Nous avons accepté à contrecoeur qu'il n'y ait pas d'exclusion et nous avons cherché à conclure la meilleure entente possible; c'est alors que nous avons fait des pressions pour obtenir une phase de transition de 15 ans et une entente différente pour les navires hauturiers de ravitaillement, les petits transbordeurs et les remorqueurs. Nous avons précisé toutefois que l'association acceptait cela à condition de recevoir de l'aide, et une période de 15 ans nous convenait, mais si aucune aide supplémentaire n'est offerte, l'industrie va quand même composer avec la situation.
    Alors nous avons dit, nous avons le mécanisme de financement structuré, nous avons la déduction pour amortissement accéléré; c'est l'un ou l'autre. Combinez les deux, et vous allez faire beaucoup pour soutenir le secteur de la construction navale. Si vous faites une chose, combinez les deux et vous ferez beaucoup pour soutenir l'industrie de la construction navale.
    Cela ne coûtera rien de plus au gouvernement. La déduction pour amortissement accéléré est la valeur temps de l'argent. Vous obtenez la même somme au bout du compte. C'est la valeur temps de l'argent. Le mécanisme de financement structuré est un coût, cela ne fait aucun doute, mais combinez les deux, et la flotte des Grands Lacs et les autres seraient en essor. Vous auriez une industrie florissante. Ce n'est pas difficile à faire.
    Mais vous avez raison, nous avons eu de longues discussions avec le gouvernement.
    J'espère d'avoir répondu à votre question.

  (1630)  

[Français]

    C'est à mon tour de prendre la parole, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue, messieurs.
    Vous avez dit plus tôt avoir participé à presque toutes les discussions depuis le début. Les absents ont toujours tort, et si je pose une question qui a déjà été posée, je m'en excuse à l'avance. J'aimerais savoir, avant de poursuivre, si l'Association de la construction navale du Canada représente l'ensemble des constructeurs de toutes les régions du Canada.

[Traduction]

    Non, quelques-uns ne sont pas membres. Les grands chantiers navals le sont. Port Weller n'était pas membre pendant qu'il était sous la protection de la loi sur la faillite, de même que Davie. Port Weller a réintégré les rangs et Davie nous a dit qu'il allait revenir.
    Les chantiers navals sont différents des constructeurs de petits bateaux. Parmi les membres importants de l'association, les deux plus gros sont de loin Irving et Washington Marine Group sur la côte Ouest, Allied à Port Weller, et il y a un certain nombre de fournisseurs qui font partie de l'association. Toutefois, le chantier naval de Terre-Neuve, par exemple, n'est pas membre — Peter Kiewit. Il nous dit qu'il ne croit pas aux avantages de se joindre à des associations.
    Alors quelques constructeurs ne sont pas membres, mais les grands chantiers navals du pays le sont.

[Français]

    D'après ce vous avez dit plus tôt, il est évident que la Norvège, après avoir subventionné pendant longtemps son industrie navale, a réussi à structurer celle-ci et en faire une industrie solide. Aujourd'hui, on nous jure pratiquement que l'industrie maritime en Norvège ne reçoit plus de subventions. Cependant, comme vous le disiez, elle a pu se structurer et devenir une industrie assez solide. Elle est maintenant en mesure de répondre à d'importants besoins, probablement à l'échelle planétaire.
    Comme partie prenante à ce projet d'accord de libre-échange, ne croyez-vous pas que dans une optique de justice, l'industrie canadienne devrait obtenir certaines formes de subventions ou d'appuis, par exemple des crédits d'impôt pour la recherche et développement, la modernisation ou la haute technologie, de façon à ce que pendant cette période de transition, elle puisse faire concurrence aux autres industries, que ce soit celle de la Norvège ou d'autres pays?

[Traduction]

    Absolument. C'est ce que nous avons toujours dit. Même si nous obtenons la phase de transition de 15 ans, si rien d'autre ne se produit, ce sera... Je crois que votre collègue a parlé de mort à petit feu. Ce sera la même chose. L'industrie va continuer. Vous n'aurez pas la capacité d'investir, parce que si vous ne faites pas d'argent, vous ne pouvez pas investir. Et vous devez investir dans les gens et l'infrastructure.
    La Norvège a fait un travail fantastique. J'ai beaucoup d'admiration pour les Norvégiens. J'ai beaucoup d'amis là-bas. Ils subventionnent leur ingénierie, leur capacité technique et c'est pourquoi j'ai dit que nous achetons leurs plans, qui sont de première classe.
    Mais une phase de transition ne servira à rien si on ne fait rien d'autre. Nous allons mourir peu à peu. Nous n'allons pas mourir tout de suite. Il existe un certain nombre de programmes gouvernementaux, alors nous allons exister pendant un certain temps — et je dis bien « exister » — puis nous allons mourir peu à peu.
    La Norvège a connu cela. L'Allemagne aussi. B.C. Ferries est en train de construire deux navires en Allemagne. Ce chantier avait fait faillite. C'est terrible. Ce chantier a été construit et subventionné avec l'argent du gouvernement. C'était une ruine. Les gouvernements allemands, au niveau local et fédéral, y ont injecté de l'argent de toute sorte. Il lui a fallu 10 ans pour se relever et devenir ce qu'il est aujourd'hui, un chantier naval de première classe. C'est un bon chantier, construit avec l'argent du gouvernement.
    Nous vous demandons de nous donner les programmes dont nous avons besoin pour donner une chance à l'industrie.

  (1635)  

[Français]

    À l'époque, la Norvège subventionnait largement cette industrie. L'OMC a-t-elle fait une analyse pour déterminer si ces subventions étaient conformes à ses règles ou si elles y contrevenaient?

[Traduction]

    Oui, c'est exact, et je crois que nous faisons l'objet d'un même examen de la part de l'OMC. Mais nous sommes toujours les boy scouts du monde. Il semble que nous prenions tout à coeur et que nous respections toutes les règles. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais lorsque d'autres pays contournent les règles, peut-être devrions-nous faire de même.

[Français]

    On sait pertinemment qu'il serait possible de mettre en oeuvre des programmes qui, sans contrevenir nécessairement aux règles de l'OMC, aideraient grandement l'industrie.
    TECO, une compagnie norvégienne, a fait l'acquisition de la compagnie Davie, au Québec. Vous vous en souvenez? Bien sûr, pour ce qui est des emplois maintenus ou créés au Québec, nous en sommes très heureux. J'aimerais savoir si vous éprouvez néanmoins certaines craintes du fait que la Norvège puisse venir nous faire concurrence de l'intérieur, en quelque sorte, au Québec et au Canada?
    Croyez-vous que des échanges importants pourraient se faire sur le plan de la technologie, et que ça pourrait être profitable pour l'industrie navale du Canada ou craignez-vous l'investissement étranger au sein même de l'industrie?

[Traduction]

    Nous accueillons avec plaisir le nouvel acquéreur de Davie. C'est un grand chantier naval. S'il survit, ce sera le plus grand du pays. Nous avons fermé la Saint John Shipbuilding par manque de travail à la suite du programme des frégates. Il n'y avait pas de suite. Il fallait injecter environ 300 millions de dollars par année dans ces installations. C'était un chantier de classe internationale, mais il n'y avait pas de suite au programme des frégates, alors le chantier a fermé.
    Davie était en faillite. Ce propriétaire norvégien l'a acheté, et nous en sommes heureux. J'espère qu'il survivra.
    Ce qui me préoccupe le plus, c'est que j'ignore combien d'argent il a pris de sa propre poche. Ce n'est pas beaucoup, d'après ce qu'on m'a dit. Et vous savez que Davie a connu des hauts et des bas avec divers propriétaires au fil des années. J'espère que cet homme va réussir. L'industrie canadienne souhaite que Davie survive. On annonce beaucoup de programmes. Nous avons besoin de Davie. Alors j'espère qu'il va réussir.
    Nous n'avons pas peur des Norvégiens qui viennent ici et qui construisent au Canada. C'est fantastique. Ce sont des emplois qui sont créés au Canada, c'est de la construction qui se fait ici. Ce que nous ne voulons pas, c'est construire en Norvège et envoyer les emplois là-bas. Alors nous sommes ravis que ce Norvégien ait acheté le chantier naval.
    Merci, monsieur McArthur, et merci monsieur Cardin.
    Monsieur Julian.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les quatre d'être venus témoigner ici aujourd'hui. Vos exposés sont de loin les plus éloquents que nous avons entendus sur l'accord de l'AELE. Cet accord est évidemment préoccupant, puisqu'il y a un an et demi, le comité entendait des témoignages au sujet des pertes d'emploi qu'occasionnerait l'accord proposé sur le bois d'oeuvre, et le gouvernement a fait la sourde oreille. Par la suite, nous avons assisté à une saignée d'emplois dans le secteur du bois d'oeuvre.
    L'industrie de la construction navale au Canada suscite bien des préoccupations. J'aimerais donc commencer en posant la question suivante aux représentants de l'industrie, des travailleurs des chantiers navals et des armateurs: croyez-vous que le gouvernement a brisé sa promesse dans ce dossier? Dans un sens, il vous a incités à renoncer à une exclusion et à accepter une phase de transition et, en contrepartie, il devait mettre en place certains programme légitimes. Croyez-vous que c'est une promesse non tenue?

  (1640)  

    Absolument, oui.
    D'accord. C'est extrêmement important.
    Puis-je ajouter une chose?
    En toute justice pour les bureaucrates, ils ne peuvent pas promettre que le gouvernement du Canada va mettre ce programme en place. Ils ont dit qu'ils nous avaient entendus, mais ils ne nous ont rien garanti. Nous croyons que c'est une promesse non tenue, mais nous devons être justes envers les gens à qui nous avons parlé.
    Mais le gouvernement a dit qu'il allait s'assurer que tous les intérêts et toutes les préoccupations étaient bien compris et pris en considération durant les négociations, après que le secteur de la construction navale et le secteur maritime ont été consultés. Il est clair que cela n'a pas été le cas. C'est une promesse non tenue.
     Le Parlement peut procéder de trois façons. Premièrement, nous pouvons adopter la loi de mise en oeuvre dans sa forme actuelle et presser le gouvernement de mettre en place la politique d'achat au Canada, le MFS et la DAA et de faire en sorte que les chantiers navals y ont accès. C'est la première option.
    Deuxième option: la Chambre des communes rejette ce traité et exige que le gouvernement négocie une exclusion pour le secteur de la construction navale. Le Canada a le plus long littoral du monde. C'est absurde de tuer lentement cette industrie.
    Troisième option: la Chambre des communes rejette la loi de mise en oeuvre.
    Selon vous, laquelle de ces trois options serait la meilleure, non seulement pour maintenir l'industrie de la construction navale, mais aussi pour la renforcer, pour qu'elle soit pleinement soutenue et qu'elle assure des emplois partout au pays, comme elle devrait normalement le faire dans le pays qui présente le plus long littoral du monde?
    C'est bien difficile pour un membre de l'association de dire que vous ne devez pas signer l'entente. Si c'est bon pour le Canada, c'est parfait. Mais comme mon ami l'a dit ici, nous avons demandé à maintes reprises quels étaient les avantages pour le Canada.
    Je me rappelle que nous avions posé la question lors d'une réunion à Halifax, et elle a provoqué tout un tollé. Elle a dit que nous allions vendre plus de viande de cheval à la Norvège. Vous pouvez imaginer la réaction de l'assemblée, et c'était là la réponse officielle: nous allons vendre plus de viande de cheval.
    On ne nous a jamais dit quels étaient les avantages pour le Canada.
    Nous avons entendu le gouvernement faire valoir — et ce n'est pas clair — que les avantages semblent être symboliques. Très concrètement, vous nous dites aujourd'hui que cette entente présente un désavantage majeur.
    Permettez-moi de répondre aux autres parties de votre question. Que préférerions-nous?
    Si l'entente est avantageuse pour le Canada, elle devrait probablement être conclue. Aimerions-nous qu'elle le soit dans sa forme actuelle? Absolument pas. Nous aimerions que la construction navale soit exclue et qu'on ajoute à cela un MFS combiné à une DAA, ce qui vous donne une politique sur la construction navale. Vous avez alors quelque chose avec laquelle nous pouvons travailler.
    Ceci ne me touchera pas du tout. J'ai eu 73 ans mercredi dernier. Ça ne changera pas mon avenir. Je ne suis plus là. Ça ne me fait rien, mais on ne peut pas en dire autant de ces gens-là, qui prennent la chose très à coeur.
    Je suis d'accord avec Andrew. Je crois que cette entente devrait être rejetée d'emblée et que nous devrions nous asseoir et élaborer une politique.
    Vous avez vu juste: le Canada est un pays maritime. Nos voies navigables sont plus grandes que l'océan Atlantique, la gestion de ces voies dépasse la construction navale, qui n'est qu'une partie de cela. Pour un pays maritime, la gestion des voies navigables et le contrôle de la flotte canadienne et du transport maritime ici laissent vraiment à désirer, selon moi. Bien sûr, la bonne approche serait de mettre en place des politiques, avant de négocier une entente commerciale comme celle-là, pour nous permettre de prospérer et voir notre industrie prendre un peu d'expansion avant de tout arrêter.
    À l'heure actuelle, nous avons un tarif de 25 p. 100 en place et nous ne prenons pas d'expansion, nous ne sommes pas compétitifs. Alors c'est faire preuve de laxisme que de dire « ajustez-vous » et d'éliminer ce tarif; tous ceux qui se penchent vraiment sur la question doivent comprendre qu'avant de faire cela, nous devons nous diriger dans la bonne voie. Ce n'est pas ce que nous faisons présentement. Nous ne prenons pas du tout la bonne voie.
    C'est la même chose avec la Norvège. Son industrie navale a été massivement subventionnée pendant des années, et aujourd'hui la Norvège peut négocier des accords de libre-échange et dire qu'elle ne va plus subventionner son industrie, parce qu'elle est autosuffisante. L'industrie assurera son propre soutien grâce aux subventions qu'elle a reçues au cours des 20 dernières années.
    C'est en 1995, je crois, que nous avons rédigé le rapport sur la construction navale et avons demandé au Canada de mettre en place les mesures que M. McArthur a mentionnées et de nous donner une véritable politique sur la construction navale que nous pourrions nous mettre sous la dent, pour que, au moment de conclure des accords de libre-échange comme l'entente de l'AELE avec la Norvège dont nous parlons aujourd'hui, nous soyons au moins sur un pied d'égalité.
    Nous ne sommes pas contre le commerce équitable; nous sommes contre le libre-échange, parce que nous sacrifions le Canada. À titre de syndicat, nous ne nous opposons pas au commerce équitable. Nous croyons qu'à cause des subventions dont la Norvège a profité — et je vais le répéter — au cours des 15 à 20 dernières années, il nous est impossible, même avec la phase de transition de 15 à 20 ans, de rattraper les Norvégiens sur le plan de la technologie, de l'infrastructure, et ainsi de suite, parce que nous n'y injectons rien. C'est comme si on versait de l'eau dans une tasse sans fond; elle s'écoule directement par l'autre extrémité.
    L'autre chose qu'il faut retenir au sujet de l'Organisation mondiale du commerce et des accords de libre-échange avec des pays comme la Corée, même s'ils disent qu'ils ne subventionnent pas leurs industries, leurs travailleurs sont en fait des subventions directes, puisqu'il n'existe pas de normes en matière de sécurité et que les salaires sont très bas. Un travailleur du chantier naval d'Halifax gagne 24 $ l'heure et il a une assurance médicale, l'entreprise contribue au régime d'indemnisation et nous payons un impôt sur le revenu au gouvernement. En Corée, le même travailleur porte des sandales, pas des bottes de travail à embout d'acier, puisqu'il n'y a pas de loi en matière de sécurité, et il gagne 10 $ par mois, alors que nous faisons 25 $ l'heure. Les travailleurs constituent une subvention directe à l'industrie de la construction navale, sans même que le gouvernement ne s'en occupe.

  (1645)  

    Merci.
    J'aimerais revenir à M. McArthur. Vous dites que les subventions pour l'industrie norvégienne sont des contrats à long terme. Ces subventions continuent, puisqu'il s'agit de contrats qui ont été signés pour des navires qui seront construits dans le futur. Alors les subventions continuent.
    L'autre question que j'aimerais poser portent sur le contenu norvégien de 65 p. 100. Essentiellement, si nous songeons à la réduction de tarif, les navires dont le tiers est construit en Pologne feront partie de ceux qui pourraient bénéficier de cette réduction. 
    Peut-être bien. Il est difficile de dire exactement combien il reste de navires à construire; il y en a peu. La Norvège a fini de donner ses subventions.
    On me dit qu'il reste peu de contrats prévoyant la construction future de navires. Est-ce une somme importante? Bien sûr que non. Alors ils ont, en fait, fini de donner leurs subventions.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à vous, monsieur Pugh.
    Tous les pays de l'AELE ont pris un soin particulier de préserver la ferme familiale. On le voit très clairement dans les accords agricoles conclus dans le cadre de l'AELE. Vous avez parlé de la gestion des approvisionnements, des fermes familiales qu'on gruge petit à petit. Alors voici ma question: Croyez-vous que l'impact de cet accord sera à long terme, et pourquoi les pays européens protègent-ils beaucoup mieux leur secteur agricole et leurs fermes familiales?
    Je pense que cela remonte à la Seconde Guerre mondiale. Ils savent ce que représente une diminution de la production alimentaire, et ne sont pas prêts à y faire face de nouveau.
    D'un autre côté, ici au Canada, nous semblons vouloir importer des aliments chaque fois que c'est possible. Par exemple, l'usine de transformation de fruits et légumes CanGro, implantée dans la péninsule du Niagara, en Ontario, soit la seule usine de transformation à l'est des Rocheuses pour les fruits et légumes Del Monte, est sur le point de fermer ses portes. Si je ne m'abuse, l'entreprise a interrompu ses activités le 31 mars, et nous ignorons combien de temps cela va durer. Il n'est tout simplement pas logique d'encourager l'importation au détriment de la production nationale.
    Si nous sacrifions des institutions qui font en sorte que les agriculteurs ont un pouvoir de marché, comme la Commission canadienne du blé, les systèmes de gestion de l'offre et la Commission canadienne des grains, nous allons forcément abaisser le revenu agricole au Canada et laisser le contrôle de la production alimentaire aux mains des entreprises étrangères.

  (1650)  

    Merci, monsieur Pugh. Merci, monsieur Julian.
    Monsieur Miller.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Cannan.
    Je tiens à remercier nos invités d'être ici aujourd'hui.
    Joyeux anniversaire en retard, monsieur McArthur. Vous ne faites pas votre âge.
    Monsieur Risser, vous avez parlé plus tôt des droits de la personne partout dans le monde. Nous savons tous qu'il y a des pays où... Avez-vous déjà pris connaissance de violations des droits de la personne en Suisse, en Norvège ou en Islande?
    Non, pas en Norvège. Ce serait plus en Corée du Sud.
    Donc, aucun des États de l'AELE.
    Exactement.
    Merci.
    Monsieur McArthur, vous avez indiqué — et je vais essayer de citer vos propos exacts — que si l'entente est avantageuse pour le Canada, elle devrait probablement être conclue. De nombreux témoins qui ont comparu devant le comité ont affirmé qu'il s'agissait d'un bon accord pour le Canada; je suis donc content de savoir que vous y êtes favorable.
    Avez-vous entendu parler de violations des droits de la personne dans l'un des pays de l'AELE?
    Absolument pas. Ce sont tous des pays de première classe.
    Merci.
    Monsieur Pugh, vous représentez le Syndicat national des agriculteurs, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Siégez-vous également au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé, ou êtes-vous un de leurs représentants?
    Non, je ne siège pas au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé.
    Vous paie-t-on pour agir à titre de représentant?
    Je suis un employé du Syndicat national des agriculteurs.
    Merci.
    Maintenant, l'accord de libre-échange Canada-AELE profitera beaucoup aux industries visées. L'une des ces industries, bien entendu, c'est l'agriculture. C'est ce qu'on nous a dit.
    L'un des produits qui seront touchés, et vous en avez parlé dans votre déclaration liminaire, c'est le blé dur. Votre organisation a-t-elle calculé, en termes de tonnage ou de dollars, ce que cela rapportera aux cultivateurs de blé dur? Je sais qu'une grande partie est cultivée dans l'Ouest du Canada.
    Vous voulez connaître les avantages que nous retirerons de cette entente?
    Oui. Avez-vous fait un petit calcul des retombées potentielles?
    Si nous augmentons notre production et que nous sommes capables d'exporter, disons, 10 000 tonnes vers la Norvège, par exemple, cela constituerait probablement un bon montant d'argent — 3,5 millions de dollars environ, qui profitera directement aux agriculteurs, après l'entreposage à Thunder Bay.
    Donc, oui, je ne nie pas que cela représente des gains importants. Comme toutes les exportations de blé dur se font en vertu de la Commission canadienne du blé, l'argent retournera dans les poches des agriculteurs.
    Il est évident que cela revient aux agriculteurs. Ce n'est certainement pas Wal-Mart qui cultive le blé dur.
    J'ai une dernière remarque à faire avant de céder la parole à M. Cannan. En ce qui concerne la gestion de l'offre, sujet que vous avez abordé à plus d'une reprise, vous êtes complètement à côté de la plaque. Ce que vous dites est faux.
    Je sais que mon collègue vous le confirmera; c'est pourquoi je lui laisse la parole.
    Merci, monsieur Miller, monsieur le président ainsi que nos invités. Monsieur McArthur, je suis désolé de vous avoir dérangé pendant vos vacances au soleil. Je vous suis reconnaissant de mettre votre expérience et votre sagesse à contribution.
    Si je ne me trompe pas, nous en sommes à notre cinquième séance sur ce sujet. Différents témoins nous ont présenté leurs points de vue. Par conséquent, pour ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'entendre les autres témoignages, sachez que nous avons accueilli M. Plunkett, négociateur en chef de l'entente conclue avec l'AELE. Il travaille pour le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
    Pour revenir sur le commentaire de M. Pugh au sujet de la gestion de l'offre, celle-ci n'est pas compromise. Elle n'est même pas touchée. M. Plunkett a indiqué que les programmes canadiens de gestion de l'offre sont exemptés en vertu du CAELE et resteront donc inchangés. Il y a peut-être eu des malentendus en cours de route, mais ce sont les propos exacts du négociateur en chef. S'il y a d'autres renseignements que nous devrions savoir, n'hésitez pas à nous en faire part, mais c'est ce qu'on nous a dit à la table.
    De plus, un négociateur dans le secteur de l'agroalimentaire, au sein de la Division de la politique commerciale stratégique, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Frédéric Seppey, a affirmé:
Cela signifie qu'un élément essentiel d'un système de gestion de l'offre est la prévisibilité des importations. Cette dernière est assurée en ayant de faibles droits de douane sur le volume d'importation correspondant à l'engagement d'accès — c'est-à-dire le contingent tarifaire que nous avons en place — et en imposant des droits très élevés sur tout volume dépassant ce contingent tarifaire. Ces accords ne touchent pas aux tarifs applicables au volume excédentaire. Nous conservons nos tarifs sur les volumes excédentaires d'importation des denrées sous gestion de l'offre. Par conséquent, nous préservons l'efficacité de notre contrôle des importations de biens dont l'offre est gérée.
    Notre gouvernement est très préoccupé. Je sais que ces négociateurs ont consacré... Cet accord est l'aboutissement de 10 années de négociation. Il s'agit du premier accord de libre-échange du Canada depuis plus de six ans, alors ce n'est pas comme si cela s'était fait du jour au lendemain. Cet accord a fait l'objet de nombreuses consultations et tractations avant que l'on en arrive à une version finale qui soit juste et équitable pour toutes les parties.
    Je sais toutefois que quelques difficultés se posent pour certains secteurs.
    Je dois maintenant clarifier la question de M. Risser à propos du nouveau processus qu'a introduit le gouvernement. Il s'agit du processus d'examen des traités par le Parlement. La façon dont cela fonctionne, c'est qu'au cours d'une période de 21 jours de séance, les partis de l'opposition peuvent prendre une de leurs journées pour débattre, en l'occurence, de l'accord Canada-AELE.
    Vingt et un jour de séance se sont presque écoulés, et le NPD ne s'est pas prévalu de son droit. Pourtant, ils ont affirmé que cette question les préoccupait beaucoup. Les néo-démocrates voulaient se prononcer et en savoir davantage sur cet accord, mais ils n'ont pas choisi cette option.
    On aura l'occasion d'en débattre au sein de ce comité, comme à la Chambre, une fois que ce projet de loi sera déposé par le gouvernement. Nous pourrons en discuter entièrement et ouvertement, en comité et à la Chambre; il y aura donc une plus grande participation de la part des parlementaires. Je voulais simplement m'assurer que c'était clair.
    J'aimerais poser une question à M. McArthur. Vous êtes dans l'industrie depuis longtemps. Avez-vous participé aux discussions qui ont mené à la signature de cet accord de libre-échange?

  (1655)  

    J'ai assisté à toutes les réunions de l'association.
    Donc, il y a eu...
    Il y a eu beaucoup de réunions.
    L'industrie et vous-mêmes êtes d'avis que la réduction tarifaire sur 15 ans n'est pas satisfaisante, n'est-ce pas?
    Nous l'avons acceptée à contre-coeur.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais raconter une petite anecdote, qui nous en dit long sur ce que pensent les Norvégiens.
    Nous avons décroché un important contrat auprès d'une compagnie norvégienne, comme par hasard, et M. Bjarne Skeie, le propriétaire, est venu avec moi rencontrer le premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Je pense que c'était John Hamm ou John Savage à l'époque; j'oublie.
    M. Skeie a dit au premier ministre: « Je ne vous comprends pas vous, les Canadiens. Vous ne prenez pas une position ferme à l'égard des compagnies pétrolières. » Et il nous a raconté cette anecdote.
    Le vice-président d'Exxon s'est rendu en Norvège pour discuter du passage par la mer du Nord. Il a rencontré le premier ministre de la Norvège et lui a dit: « Nous voulons entrer dans la mer du Nord. Nous possédons toute cette superficie, et nous allons construire tout l'équipement à Houston, au Texas. On sait comment s'y prendre là-bas. » Et le premier ministre a répondu: « Non, vous allez plutôt construire cela ici. » Le vice-président a tout de suite refusé en lui disant qu'ils n'avaient aucune installation ni aucune connaissance en la matière. Le premier ministre a insisté pour mettre en place les installations nécessaires. Cela n'intéressait guère le vice-président. Enfin, le premier ministre a terminé en lui demandant d'y réfléchir puisque le pétrole se trouvait là et que l'entreposage était gratuit. Six mois plus tard, le vice-président d'Exxon est retourné en Norvège pour annoncer qu'il acceptait son offre. C'est ainsi que tout a commencé.
    Pour ce qui est de l'accord dont il est question, Mme Cherniak, une avocate reconnue qui a comparu devant le comité, a examiné plus d'une centaine de différents accords de libre-échange concernant la construction navale, et elle a indiqué qu'une phase d'élimination graduelle de 15 ans des droits sur les navires était la durée transitoire la plus longue jamais négociée lors d'un accord de libre-échange. Elle a ajouté que pour les trois prochaines années, c'est comme si nous retournions dans le passé. C'est un avantage, en ce sens que nous disposons de trois ans pour nous adapter au programme. C'est inhabituel dans un accord de libre-échange. Normalement, les réductions s'appliquent immédiatement. Certaines choses ne changent pas, puis après trois ans, l'élimination graduelle commence. Il est difficile pour une industrie de tirer le meilleur parti possible d'une situation, mais je suis d'accord, dans ce cas, les négociateurs ont fait des bons coups.
    Enfin, j'aimerais revenir sur une observation qu'a faite M. Pugh concernant le beurre et l'importation des produits agricoles. Dans le cadre de l'OMC, nous nous sommes engagés à réduire nos droits sur le beurre importé au titre du contingent tarifaire, soit environ 4 000 tonnes. Par conséquent, nous devons autoriser l'importation de 4 000 tonnes de beurre au Canada à faible tarif douanier. Cependant, le volume hors contingent reste assujetti au tarif de 299 p. 100. Donc, cet élément de la gestion de l'offre n'est pas touché. C'est une question qu'a à coeur le gouvernement, et celui-ci n'hésite pas à défendre les intérêts des agriculteurs et s'assure qu'ils sont protégés.
    Merci, monsieur le président.

  (1700)  

    Puis-je intervenir?
    Oui, mais je vous prierais d'être bref. Allez-y, monsieur Pugh.
    Bien sûr. Je ne parlais pas de la quantité de beurre importé, mais plutôt du tarif. Voici ce que M. Seppey a dit, au cours de la même discussion:
La concession que nous avons échangée avec la Suisse, relativement au beurre importé de ce pays, est qu'au lieu d'appliquer un tarif de 7 p. 100, celui imposé à tous les membres de l'OMC jusqu'à 4 000 tonnes, nous lui permettons de nous exporter son beurre sans tarif douanier.
    Cela ressemble drôlement à une baisse du tarif.
    Mais vous devriez continuer:
Cependant, le volume hors contingent — c'est-à-dire tout ce qui dépasse 4 000 tonnes — reste assujetti au tarif de 299 p. 100, et nous n'allons donc pas, sous le régime de cet accord, autoriser l'entrée de plus de 4 000 tonnes à faible tarif douanier.
    Je ne parlais pas du tarif du volume hors contingent, mais plutôt de la réduction du tarif sous contingent, qui passe de 7 p. 100 à zéro.
    M. Seppey a terminé en disant ceci:
Donc, le taux de 300 p. 100 qui, concrètement nous permet de gérer l'offre de beurre, n'est pas touché par cet accord.
    Non, il s'agit du même taux.
    C'est ce qu'il a dit. Vous devez le citer au complet.
    Merci, monsieur Cannan.
    Je veux simplement m'assurer que tout est mis en contexte...
    Je pense que nous avons compris.
    ... et qu'il ne cite pas les propos de M. Seppey hors contexte.
    Merci.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Nous n'avons plus de temps. Comme il est 17 heures, je dois remercier tous nos témoins et intervenants.
    Veuillez continuer.
    Monsieur le président, le premier témoin qui a comparu devant le comité a affirmé que le gouvernement allait présenter une loi de mise en oeuvre une fois les 21 jours de séance écoulés. J'aimerais renchérir sur les propos de M. Cannan en disant que c'est le gouvernement lui-même qui l'a annoncé.
    Encore une fois, j'aimerais remercier nos témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions, surtout avec un court préavis. Merci encore.
    Nous allons faire une courte pause, d'environ une minute, puis nous reprendrons nos travaux à huis clos.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]