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FEWO Rapport du Comité

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CHAPITRE VII. QUESTIONS CLÉS POUR L’INTÉGRATION DE la BUDGÉTiSation SENSIBLE À LA SEXOSPÉCIFICITÉ : LEADERSHIP ET SURVEILLANCE

Le gouvernement du Canada devrait faire preuve de volonté politique et de leadership pour honorer ses engagements internationaux et nationaux en matière d'égalité entre les sexes, y compris ses engagements envers l'intégration des considérations liées à l'égalité entre les sexes et la mise en œuvre de l'analyse comparative entre les sexes. Il importe de se concentrer davantage sur l'analyse des répercussions des politiques, des programmes, des actions et de la prestation des services dans la promotion de l'égalité de substance pour les femmes. Il est capital d'agir de la sorte depuis la conception d'une idée jusqu'à sa mise en œuvre permanente. Il est tout aussi vital de ne pas oublier que l'analyse comparative entre les sexes est un outil et que l'ultime facteur déterminant d'un programme ou d'une politique doit être sa contribution à l'atteinte de l'égalité de substance pour les femmes au Canada[236].

Deux thèmes ont rapidement dominé l’étude que le Comité a menée sur l’établissement de budgets sensibles à la sexospécificité, à savoir le leadership et la surveillance. Le Comité reconnaît qu’il faut un cadre propice à l’établissement de budgets véritablement sensibles à la sexospécificité. Comme l’a noté Mme Steinsky‑Schwartz dans son témoignage, « le budget de genre fait vraiment partie d'un système général, donc il ne faut pas examiner le budget de genre de façon isolée[237]».

Le présent chapitre porte sur la surveillance que peut exercer le Parlement afin de garantir l’élaboration de budgets sensibles à la sexospécificité, et sur la conception des mécanismes de responsabilisation nécessaires à ce rôle, comme la mise sur pied d’un cadre législatif, la création d’un nouveau haut fonctionnaire du Parlement et l’appui du Bureau du vérificateur général. Le Comité fait plusieurs recommandations en vue de l’établissement de ces mécanismes. Il reconnaît cependant qu’aucun de ceux-ci ne peut donner de résultats sans une bonne compréhension de ce que la budgétisation sensible à la sexospécificité est censée accomplir et sans le leadership politique qui fera en sorte que la question occupe une place de choix dans le programme du gouvernement.

A. Résultats attendus de la budgétisation sensible à la sexospécificité

Dans son étude, le Comité a entrepris d’analyser le but des budgets sensibles à la sexospécificité et les résultats que l’on peut en obtenir. Même si ces sujets ont été abordés dans les chapitres précédents, il est bon de les reprendre sous l’angle de leur importance cruciale pour la réalisation de budgets véritablement sensibles à la sexospécificité. Pour savoir ce que l’on peut attendre d’une analyse comparative entre les sexes et d’un budget sensible à la sexospécificité, il faut remonter à leur origine, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing. Comme l’a rappelé Mme Peckford, l’objectif a toujours été l’égalité pour les femmes :

L’analyse comparative entre les sexes […] a vu le jour dans le cadre du Plan d’action de Beijing. Il s’agissait de l’outil de mobilisation des engagements en matière d’égalité du gouvernement canadien. Elle trouvait ses fondements dans la reconnaissance du fait que l’égalité entre les sexes n’était réalité que pour une partie des Canadiennes, que la discrimination existait encore — ne serait-ce que de façon implicite — et qu’il était important de cerner non seulement les objectifs des politiques, mais aussi leurs répercussions[238].

Les témoins ont fait savoir au Comité que la budgétisation sexospécifique est malheureusement trop souvent perçue comme une fin en soi, sans que l’on comprenne clairement ce qu’elle est censée accomplir. Après avoir examiné les ACS préparées par Finances Canada pour les trois derniers budgets qui ont été fournies au Comité, Mme Peckford a critiqué le ministère, notant « l’incohérence fondamentale entre l’utilisation faite de l’ACS et son origine ».

Après avoir écouté le témoignage du sous-ministre et celui de la championne de l’analyse comparative entre les sexes il y a quelques semaines […] [i]l semble que le ministère comprenne mal le contexte dans lequel il devrait procéder à une ACS[239].

Comme Mme Yalnizyan l’a signalé au Comité, les budgets sensibles à la sexospécificité doivent contribuer à faire avancer l’égalité des femmes.

La toute première chose que tous les parlementaires devraient se demander lorsqu'ils préparent des budgets, c'est en quoi les budgets peuvent-ils contribuer à faire avancer l'égalité des femmes? C'est une question simple : que pouvons-nous faire pour faire avancer l'égalité des femmes par le biais du budget, et est-ce que le budget en question contribue à cet objectif[240]?

Dans son Rapport final, le Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes a recommandé que le résultat global souhaité en fin de compte soit une égalité de substance, définie comme le fait que les femmes « jouissent des conditions propices au plein exercice de leurs droits fondamentaux et de leur potentiel et qu’elles peuvent contribuer à l’évolution politique, économique, sociale et culturelle du pays, et profiter des résultats[241] ». Louise Langevin, professeure à l’Université Laval, et membre du Groupe d’expertes, a expliqué la distinction entre l’égalité formelle et l’égalité de substance de la manière suivante :

L'égalité formelle, c'est lorsque des personnes dans des situations identiques sont traitées de la même façon. Cette approche de l'égalité formelle a été rejetée par la Cour suprême du Canada depuis 1989. L'égalité, ce n'est pas lorsque tout le monde est traité de la même façon. L'égalité, c'est l'égalité de substance. L'égalité réelle, l'égalité dans les faits, c'est traiter différemment les personnes pour leur permettre d'atteindre l'égalité réelle.

Je vais utiliser l'exemple d'une course. On a souvent l'impression que la vie quotidienne est une course. L'égalité des chances, c'est lorsque tous les coureurs, les citoyens et les citoyennes, sont sur la ligne de départ. Dans la course de la vie, certaines personnes courent plus fort et plus vite parce qu'elles sont plus musclées. D'autres personnes courent moins fort parce qu'elles sont handicapées et n'ont qu'une jambe. D'autres encore ont des poids sur les épaules: elles s'occupent d'enfants, de personnes âgées, de malades. Donc, des personnes très en forme et très jeunes vont gagner la course, alors que d'autres ne vont jamais franchir le fil d'arrivée.

L'égalité de substance permet aux personnes qui courent moins fort ou moins vite, pour toutes sortes de raisons, de franchir la ligne d'arrivée. La vraie définition de l'égalité, c'est l'égalité de substance. C'est celle qui tient compte de la discrimination systémique, qu'on ne voit même plus[242].

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Le Comité prend acte du fait que l’égalité de substance pour les femmes est le résultat souhaité de l’analyse comparative entre les sexes et de la budgétisation sensible à la sexospécificité. Par conséquent,

RECOMMANDATION 21

Le Comité recommande que, dans le cadre de la mise en œuvre de la budgétisation sensible à la sexospécificité, le gouvernement du Canada respecte les engagements internationaux que le Canada a contractés aux termes de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et d’autres conventions internationales, et qu’il s’engage à appuyer l’égalité de substance des femmes, qui est définie comme le fait, pour les femmes, de jouir des conditions propices au plein exercice de leurs droits fondamentaux et de leur potentiel et de pouvoir contribuer à l’évolution politique, économique, sociale et culturelle du pays et profiter des résultats.

B. Rôle des comités parlementaires

La discussion sur la surveillance parlementaire dans le cadre de cette étude était axée sur le rôle des comités parlementaires dans le processus budgétaire. Il a été recommandé que le Comité permanent des finances et le Comité permanent de la condition féminine mènent ensemble des consultations prébudgétaires et qu’ils étudient le budget dans l’optique de l’égalité des sexes. Un des témoins a fait valoir que l’analyse comparative entre les sexes du budget devrait faire partie intégrante des tâches habituelles du Comité permanent de la condition féminine[243]. Pour sa part, Mme Sharp a fait remarquer qu’il fallait mettre en place les structures parlementaires nécessaires pour assurer la durabilité d’un budget sensible à la sexospécificité.

Entre autres choses, le Comité permanent pourrait trouver des moyens qui permettraient au Parlement de surveiller le processus. […] Il faut assurer la formation des politiques à cet égard et s'assurer que des questions sont posées à ce sujet au Parlement. De cette façon, lorsqu'arrive l'étape du budget, les parlementaires sont prêts à mettre l'égalité des sexes sur la table. […]

Vous pourrez surmonter les principaux obstacles en trouvant une façon d'utiliser les structures à votre disposition pour accorder le plus d'importance possible à ce dossier, le surveiller et lui donner un coup de pouce pour s'assurer que le travail continue. Si personne ne pose de questions à ce sujet au Parlement ce sera peine perdue[244].

Pour ce qui est du rôle du Comité des finances dans ce processus, M. Good a indiqué que les membres du Comité des finances doivent aussi examiner les questions financières et budgétaires en tenant compte des « différences entre les sexes » et « évoquer ces questions lors des consultations prébudgétaires, et […] les soulever avec vigueur auprès du ministre des Finances et autres personnes dans ce processus[245] ».

Le Comité a reçu deux séances de formation sur l’analyse comparative entre les sexes, dont l’une a été donnée par Condition féminine Canada et l’autre par une consultante de l’extérieur. Il estime que ces séances lui ont permis d’acquérir une connaissance pratique de l’application de l’analyse comparative entre les sexes à son travail. Il croit que tous les comités parlementaires devraient contribuer davantage à intégrer la sexospécificité dans leurs travaux et qu’ils bénéficieraient donc tous d’une formation sur l’ACS. Par conséquent,

RECOMMANDATION 22

Le Comité recommande que, dans le but de sensibiliser le Parlement à l’importance d’une application uniforme de l’analyse comparative entre les sexes, depuis le moment de l’élaboration d’une politique jusqu’à sa mise en œuvre, tous les membres de tous les comités permanents de la Chambre des communes reçoivent une formation sur l’analyse comparative entre les sexes au début de chaque session parlementaire.

C. Rapport au Parlement

Des témoins ont expliqué au Comité que l’une des principales approches en matière de surveillance parlementaire consisterait à obliger les ministères fédéraux à faire rapport au Parlement de leurs activités liées à l’ACS. Certains ont laissé entendre que les Rapports sur les plans et les priorités (RPP) et les Rapports ministériels sur le rendement (RMR) seraient un mécanisme approprié.

L'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes est toujours plus facile lorsque les pays utilisent une certaine forme de budgétisation fondée sur le rendement ou les résultats. C'est plus facile ainsi qu'avec la budgétisation par objet de dépenses, car la budgétisation fondée sur le rendement ou les résultats examine les résultats et les conclusions physiques au lieu de traiter la budgétisation comme un exercice de comptabilité, ce qui était jadis le cas. Cette leçon indique que le Canada est très bien placé pour établir des budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes, car vous avez votre Politique sur la structure de gestion des ressources et des résultats, vos rapports sur les plans et les priorités et vos rapports sur le rendement ministériel, qui vous permettent de vous demander où va l'argent alloué et de mesurer physiquement les résultats que cet argent a permis d'atteindre, ce qui pour moi est un élément important de l'établissement de budgets tenant compte des besoins des hommes et des femmes[246].

Dans l’état actuel des choses, les ministères n’ont pas à faire rapport de leurs activités liées à l’ACS, ni dans leurs RPP/RMR, ni dans un document distinct. Toutefois, selon Mme Dwyer-Renaud, Condition féminine Canada collabore actuellement avec les ministères à l’intégration de l’ACS dans le cycle de planification et de rapport[247]. D’autres témoins ont fait remarquer que, si le gouvernement adoptait une directive ou une politique générale qui exigerait des ministères qu’ils présentent des rapports sur leurs activités liées à l’ACS, cela pourrait faciliter une plus grande responsabilisation à l’égard de l’intégration de l’ACS[248].

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L’exception à la règle à cet égard est Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). CIC se démarque par rapport aux autres ministères fédéraux du fait que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[249] (LIPR) oblige le ministère à déposer chaque année un rapport au Parlement sur l’incidence de la Loi sous l’angle de l’analyse comparative entre les sexes. Selon M. Oberle, l’obligation de présenter un rapport au Parlement sur le sujet a été très bénéfique pour le ministère :

L'obligation de faire rapport au Parlement, qui est prévue par la loi, rend le dossier encore plus pertinent et renforce l'engagement à cet égard. Elle nous aide à faire comprendre l'importance et la priorité de ce dossier à nos collègues. Elle nous met au défi de bien réfléchir à ce qu'il faut faire pour obtenir des résultats positifs. En bref, les incidences ont été importantes et positives[250].

Le Comité convient que la responsabilisation serait accrue si les ministères étaient tenus de faire rapport au Parlement de leurs activités liées à l’ACS. Par conséquent,

RECOMMANDATION 23

Le Comité recommande que le Secrétariat du Conseil du Trésor élabore une politique exigeant des ministères qu’ils rendent compte de leurs progrès en matière d’analyse comparative entre les sexes dans leurs rapports sur les plans et les priorités et leurs rapports ministériels sur le rendement, et que cette politique soit mise en place d’ici janvier 2009.

D. Vérification de l’intégration de l’ACS

Déterminé à accroître la responsabilisation en matière d’intégration de l’ACS et à encourager le développement de budgets sensibles à la sexospécificité, le Comité a invité Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, à discuter du rôle que son Bureau pourrait jouer dans l’atteinte de cet objectif. En tant que haut fonctionnaire du Parlement, la vérificatrice générale du Canada, dont les pouvoirs et les responsabilités sont énoncés dans la Loi sur le vérificateur général[251], effectue des vérifications des ministères et organismes du gouvernement fédéral, de la plupart des sociétés d’État et d’autres organismes fédéraux. Elle présente à la Chambre des communes des rapports publics et fournit ainsi, de manière indépendante, de l’information, des avis et une assurance concernant l’administration des fonds publics par le gouvernement fédéral, tout en prônant une saine gestion[252].

Le Bureau du vérificateur général (BVG) a le pouvoir de déterminer les secteurs du gouvernement qui feront l’objet d’une vérification de rendement, ce qui constitue un pouvoir discrétionnaire important. La vérificatrice générale peut donc choisir, seule ou à la demande du Comité, d’effectuer une vérification de l’intégration de l’ACS au gouvernement fédéral. La seule exigence est qu’il faut une directive claire exigeant des ministères qu’ils conduisent une ACS. Comme l’explique Mme Fraser :

S'il est mentionné dans une politique gouvernementale quelconque — et il n'est pas nécessaire que ce soit dans une mesure législative — qu'il faut faire une ACS, ou pour tout dire, si le gouvernement prend un engagement en ce sens, nous pouvons agir. D'ailleurs, à la lecture de certains témoignages présentés devant votre comité, il semblerait que, d'après les fonctionnaires, le gouvernement a pris un engagement à cet égard[253].

Au sujet de la contribution que le BVG pouvait apporter en matière d’analyse comparative entre les sexes, Mme Fraser a répondu au Comité qu’il pouvait effectuer une vérification de rendement pour déterminer si les ministères effectuent des ACS et de quelles façons ils procèdent, sans commenter sur la politique même. Elle a précisé :

Nous pourrions déterminer si le gouvernement se livre effectivement à une ACS, et je suppose que nous pourrions en évaluer quelque peu la qualité. Si le gouvernement adoptait une orientation stratégique sans tenir compte de l'ACS, nous ne pourrions évidemment pas faire de commentaire sur cette politique proprement dite. Cela dit, nous pourrions examiner l'activité des ministères pour déterminer s'ils intègrent véritablement l'ACS dans l'élaboration de leurs politiques et programmes[254].

[…]

Nous ne pouvons pas effectuer ces analyses. Ce n'est vraiment pas notre rôle. Par contre, nous pouvons vérifier si elles ont été faites. Je crois que Condition féminine Canada a fait parvenir aux ministères un code de bonnes pratiques ou des procédés permettant de déterminer s'ils utilisent ces outils et en tiennent compte lorsqu'ils élaborent des politiques ou des programmes. Nous pourrions vérifier cet aspect, mais il nous serait impossible de faire nous-mêmes les analyses[255].

La vérificatrice générale a averti le Comité qu’une telle vérification pouvait prendre de 12 à 18 mois et qu’elle devrait réfléchir davantage à la façon dont son Bureau pourrait effectuer une telle vérification, mais elle a toutefois indiqué qu’elle était tout à fait disposée à aider le Comité à mieux comprendre l’état de l’analyse comparative entre les sexes au gouvernement fédéral[256]. Le 14 mai 2008, Mme Fraser a envoyé une lettre à la présidente du Comité l’informant de la décision de son Bureau de procéder à une vérification de la mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes dans le gouvernement fédéral, qu’elle espère avoir terminée au printemps 2009[257].

Le Comité estime qu’une vérification concernant les pratiques suivies au gouvernement fédéral en matière d’ACS accroîtrait la transparence du processus et permettrait au gouvernement de disposer de renseignements fort nécessaires sur l’établissement de budgets sensibles à la sexospécificité. Par conséquent,

RECOMMANDATION 24

Le Comité recommande que la vérificatrice générale du Canada effectue régulièrement des vérifications de la mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes au gouvernement fédéral, et que ces vérifications tiennent compte de tous les éléments du cadre canadien en matière d’égalité entre les sexes, notamment la Déclaration et le Programme d’action de Beijing et autres conventions internationales dont le Canada est signataire.

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E. Commissaire à l’égalité entre les sexes

Plusieurs témoins ont expliqué au Comité que, pour que la budgétisation sensible à la sexospécificité produise le résultat souhaité, il faut institutionnaliser des mécanismes de responsabilisation. Même s’il existe déjà un ministère responsable des questions d’égalité entre les sexes, Condition féminine Canada, pour certains l’influence de ce ministère au sein du gouvernement fédéral serait assez limitée. C’est cette préoccupation qu’a exprimée Mme Peckford :

D'après ce que j'ai observé en ce qui concerne Condition féminine Canada, ce ministère ne fait pas du tout partie de la Realpolitik du gouvernement fédéral; ce ministère n'est pas considéré comme un acteur important, contrairement à ce qui devrait être le cas. En l'absence d'autres impératifs et d'autres mécanismes de contrôle, on se contente bien souvent de vœux pieux en ce qui concerne le travail effectué par Condition féminine Canada. On en tient compte de temps à autre mais, en fin de compte, il reste à savoir, pour vous et pour nous, si son travail peut réellement déboucher sur des politiques valables[258].

Compte tenu de l’influence limitée de Condition féminine Canada, des témoins ont recommandé la création d’une entité distincte chargée de surveiller les activités liées à l’ACS au gouvernement fédéral, notamment la budgétisation sensible à la sexospécificité et la promotion de l’égalité entre les sexes. Des témoins ont proposé deux modèles :

  1. un commissaire à l’égalité entre les sexes au sein du Bureau du vérificateur général (BVG), sur le modèle du commissaire à l’environnement et au développement durable[259];
  1. un haut fonctionnaire du Parlement sur le modèle du commissaire aux langues officielles[260].

1. Premier modèle : Commissaire à l’environnement et au développement durable

Au cours de son étude, le Comité a appris que la Loi sur le vérificateur général a été modifiée en 1995 dans le but de consolider le rôle du gouvernement fédéral dans la protection de l’environnement et la promotion d’un développement durable et de créer le poste de commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD). La vérificatrice générale est un haut fonctionnaire du Parlement, comme nous l’avons déjà mentionné, tandis que le CEDD est nommé par la vérificatrice générale conformément aux pouvoirs que la Loi lui confère. D’autres modifications ont été apportées à la Loi, pour obliger un certain nombre de ministères et d’organismes fédéraux à présenter des stratégies de développement durable à la Chambre des communes et à répondre aux pétitions en matière d’environnement qui leur sont présentées par des résidants canadiens[261]. Lors de son témoignage devant le Comité, la vérificatrice générale a décrit brièvement le rôle du CEDD :

Le commissaire relève de la vérificatrice générale et dirige un groupe d'une quarantaine de vérificateurs […] Au nom de la vérificatrice générale, le commissaire fait rapport à la Chambre des communes sur toute question liée à l'environnement et au développement durable qu'il juge devoir porter à son attention. Le commissaire utilise le même processus de vérification que celui qui est utilisé pour toutes les vérifications de gestion. Encore une fois, l'accent est mis sur la bonne gestion d'un programme en matière d'environnement et non sur le bien-fondé de la politique même.

[…]

Le commissaire est également chargé de surveiller et de vérifier le processus de pétitions en matière d'environnement et les stratégies de développement durable des ministères, et d'en rendre compte publiquement. Le processus de pétitions est unique: il permet aux Canadiens d'obtenir rapidement des réponses des ministres fédéraux sur des questions précises liées à l'environnement et au développement durable qui relèvent du gouvernement fédéral[262].

2. Deuxième modèle : Commissaire aux langues officielles

En 1969, le Parlement a adopté une loi sur les langues officielles et, l’année suivante, il nommait le premier commissaire aux langues officielles. La Loi proclame que le français et l’anglais jouissent de statuts, de droits et de privilèges égaux quant à leur emploi dans toutes les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. Le commissaire aux langues officielles est nommé, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes, pour un mandat de sept ans renouvelable. Il relève directement du Parlement[263]. Le commissaire a pour mandat de promouvoir la Loi sur les langues officielles[264] et de veiller à sa mise en œuvre intégrale, de protéger les droits linguistiques des Canadiennes et des Canadiens, et de promouvoir la dualité linguistique et le bilinguisme au Canada[265].

Lorsqu’il a comparu devant le Comité, Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, a déclaré que sa mission consistait à « prendre toutes les mesures nécessaires en vue de la réalisation des objectifs de la loi », et que ses efforts étaient axés sur trois domaines particuliers : la protection, la promotion et la prévention.

Ainsi, sous le volet protection, j'effectue des vérifications, je surveille l'avancement du français et de l'anglais, je reçois des plaintes et, au besoin, je mène des enquêtes et j'interviens devant les tribunaux..

Sous le volet promotion, j'informe le public canadien de ses droits linguistiques, j'effectue des recherches et je publie des études. Je sensibilise la population aux avantages de la dualité linguistique, j'agis auprès des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et j'entretiens des liens avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire et je veille à ce que le gouvernement prenne des mesures pour soutenir leur développement..

Dans un esprit de prévention, je développe des approches stratégiques pour arriver à des solutions durables[266].

3. Modèle à privilégier pour le commissaire à l’égalité entre les sexes

Pour établir s’il serait préférable que le commissaire à l’égalité entre les sexes relève du BVG ou soit un haut fonctionnaire du Parlement, le Comité a demandé à la vérificatrice générale des éclaircissements sur la distinction entre le CEDD et le commissaire aux langues officielles. Celle-ci a bien fait valoir que son Bureau, dont fait partie le CEDD, ne peut promouvoir un programme en particulier ou une politique précise ni commenter des lois. Le commissaire aux langues officielles a donc un rôle plus large que le CEDD. À la question de savoir quelle serait la meilleure façon de concevoir la charge de commissaire à l’égalité entre les sexes, la vérificatrice générale a répondu :

Tout dépend de ce qu'on veut. Il faut savoir si l'on veut quelqu'un qui intervienne au début du processus, qui sera là surtout pour fournir des conseils et qui soupèsera la politique envisagée, ou quelqu'un qui évaluera de quelle façon la politique est mise en œuvre et quel est le bilan du gouvernement. Cela ne signifie pas qu'il faut nécessairement que ce soit l'un ou l'autre. Le bureau de vérification peut quand même se pencher sur la mise en œuvre, et vous pouvez toujours avoir un porte-parole, mais il va de soi que toute personne qui se fait le champion d'une politique perd son indépendance et son objectivité dans ce dossier. Vous devez donc être très prudent dans votre façon de structurer le rôle de ce commissaire[267].

Si l'objectif visé est d'avoir un porte-parole qui s'occupe de la promotion et de l'instauration de pratiques optimales, il ne pourra pas faire cela dans le cadre d'un bureau de vérification[268].

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Lorsqu’un membre du Comité lui a demandé ce qu’il pensait du modèle à privilégier pour un commissaire à l’égalité entre les sexes, le commissaire aux langues officielles a recommandé au Comité de se pencher sur le pouvoir et l’indépendance qu’il souhaite pour ce commissaire ainsi que sur les responsabilités qui en découleront.

[L’éventail des possibilités] va du pouvoir à l'autonomie. Le rôle du commissaire aux langues officielles n'est pas d'exercer un pouvoir. Je n'ai pas le pouvoir de financer des organisations. Mon travail consiste à exercer une influence[269].

Je suis d'avis que l'indépendance entraîne des responsabilités et que plus nous serons indépendants des institutions financières du gouvernement, institutions dont nous surveillons par ailleurs les activités, plus nous devrons être transparents et responsables dans notre gestion de l'argent des contribuables[270].

M. Fraser a aussi parlé de l’importance de ses rapports « non seulement [avec le] Parlement comme notion abstraite […] mais également [avec ses comités et] tous les parlementaires[271] ».

Sur la question de l’indépendance, il faut faire une distinction importante entre le commissaire aux langues officielles, qui est un haut fonctionnaire du Parlement, et le CEDD, qui est nommé par la vérificatrice générale, conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique[272]. Les hauts fonctionnaires du Parlement assument les responsabilités que leur confère la loi et font rapport au Sénat ou à la Chambre des communes ou encore aux deux chambres; ils s’acquittent de leurs fonctions pour le Parlement et rendent des comptes au Parlement. Fait plus important, ils sont indépendants du gouvernement en place[273]. Comme l’a affirmé M. Fraser dans sa déclaration préliminaire au Comité,

Le Parlement a donc désigné des hauts fonctionnaires du Parlement qui exercent des fonctions cruciales, afin d'assurer l'intégrité de notre système démocratique. Ces organismes parlementaires canadiens sont [les] gardiens des valeurs fondamentales dans notre société[274].

Le commissaire aux langues officielles a aussi mentionné au Comité qu’à titre de haut fonctionnaire du Parlement, il ne peut être relevé de ses fonctions que par un vote de la Chambre des communes et du Sénat[275]. Il a également signalé au Comité les quatre éléments indispensables pour créer un poste de commissaire véritablement indépendant : 1) la capacité de remplir son mandat sans ingérence de la part du gouvernement; 2) les ressources financières nécessaires pour l’exécution de son mandat, 3) la capacité de rendre compte directement au Parlement; 4) l’accès direct aux tribunaux[276].

Enfin, le Comité souligne que le Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes a aussi recommandé dans son Rapport final la nomination d’un agent du Parlement indépendant qui aurait des pouvoirs comparables à ceux du commissaire aux langues officielles[277].

Le Comité est convaincu que la nomination d’un porte-parole qui défendrait énergiquement la cause des femmes est nécessaire pour assurer l’égalité de toutes les femmes. Par conséquent,

RECOMMANDATION 25

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada institue le Commissariat à l’égalité entre les sexes et nomme un commissaire à l’égalité entre les sexes d’ici décembre 2009, que ce commissaire soit nommé à titre de haut fonctionnaire du Parlement, sur le modèle du commissaire aux langues officielles, et que le commissaire dispose de toutes les ressources nécessaires pour exercer son mandat[278].

F. Cadre législatif

Le Comité a appris que certains pays ont prévu dans leur législation l’obligation de prendre des mesures pour atteindre l’égalité entre les sexes. La Suède, par exemple, s’est dotée d’une loi sur l’égalité qui exige l’intégration des considérations liées à l’égalité entre les sexes[279]. Le Royaume-Uni a adopté une loi en 2007 qui impose un devoir de chercher à atteindre l’égalité entre les sexes (le gender equality duty). Tous les organismes publics britanniques doivent désormais promouvoir activement l’égalité entre les sexes, ce qui signifie qu’ils doivent publier périodiquement des plans en matière d’égalité entre les sexes établissant les objectifs prioritaires en la matière, et réaliser des évaluations de l’impact sexospécifique de toutes les politiques[280]. Janet Veitch du UK Women’s Budget Group, a décrit l’incidence éventuelle de la loi dans les termes suivants :

Nous y voyons un levier déterminant pour [mieux intégrer les considérations sexospécifiques au processus budgétaire et à l’ensemble des décisions en général]. C'est d'ailleurs sur ce facteur fondamental que se fondera la commission d'égalité et des droits de la personne pour déterminer si le gouvernement respecte ou non ses objectifs qualitatifs[281].

1. La législation dans le contexte canadien

Le Comité permanent a traité de la question de la législation dans son rapport intitulé L’analyse comparative entre les sexes : les fondements de la réussite. Il a notamment recommandé au gouvernement d’entamer des consultations dans le but de rédiger des mesures législatives qui garantiraient l’application systématique de l’analyse comparative entre les sexes à toutes les activités liées aux politiques et aux programmes fédéraux. Après la publication de ce rapport en 2005, la ministre de la Condition féminine a mis sur pied le Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes afin qu’il fournisse des conseils sur la consolidation de l’égalité entre les sexes au Canada. En décembre 2005, le Groupe d’expertes a publié son Rapport final, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, dans lequel il recommandait des mesures administratives et stratégiques à court terme et l’introduction d’une nouvelle loi. Mme Steinsky-Schwartz, ancienne présidente du Groupe d’expertes, a également souligné lors de son témoignage que c’est la ministre du Patrimoine canadien qui devrait présenter cette loi, en sa qualité de ministre responsable de Condition féminine Canada[282].

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Il convient également de répéter que pour le moment un seul ministère est tenu par la loi de faire rapport au Parlement de ses activités en matière d’ACS. Fait intéressant, le Comité a appris que cette disposition a été intégrée à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés suite à une motion du Comité de la citoyenneté et de l’immigration qui étudiait le projet de loi[283]. M. Oberle a fait valoir que l’adoption de cette disposition relative à l’intégration de l’analyse comparative entre les sexes à Citoyenneté et Immigration Canada a beaucoup contribué aux progrès réalisés en la matière au ministère.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les progrès réalisés par CIC dans le renforcement de ses capacités et de ses résultats en matière d'analyse comparative entre les sexes sont, dans une large mesure, attribuables aux dispositions législatives de 2002, énoncées dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ce sont ces dispositions qui ont donné lieu à la création de notre unité de l'analyse comparative entre les sexes et à l'élaboration de notre cadre stratégique quinquennal. Elles inscrivent notre travail dans la durée en raison de l'obligation annuelle continue de faire rapport[284].

Avec l'entrée en vigueur de la loi, on a porté plus d'attention aux analyses comparatives entre les sexes à CIC. Cela nous a amenés à élaborer un cadre pour le ministère, le type de cadre qui nous pousse à renforcer les capacités pour procéder à des analyses comparatives entre les sexes partout dans le ministère. Nous allons donc élargir nos connaissances et renforcer la formation. Le cadre stipule aussi que cette capacité doit se traduire par des gestes concrets, nous allons donc élaborer des plans pour les directions générales ainsi qu'un modèle et un processus de gestion et finaliser ces plans et les faire approuver par les directeurs généraux. La loi a donc apporté cette structure à CIC. Je crois que c'était là l'impact fondamental[285].

À propos de l’intégration par CIC des mesures de responsabilisation liées à l’ACS dans la loi et de l’approche exhaustive, mais non législative, en matière d’ACS adoptée par l’Agence canadienne de développement international, les membres du Groupe d’expertes ont souligné ce qui suit dans leur Rapport final :

Le Groupe constate qu’ironiquement, les politiques d’immigration et d’aide internationale du Canada sont renforcées par l’analyse comparative entre les sexes, mais qu’il n’y a aucune mesure comparable dans les politiques intérieures du gouvernement du Canada[286].

2. Justification de la création d’un cadre législatif

Le Rapport final du Groupe d’expertes concluait qu’il faut mettre sur pied un cadre législatif pour assurer la durabilité des engagements en matière d’égalité entre les sexes, plutôt que de recourir exclusivement à des mécanismes administratifs comme c’est actuellement le cas.

On ne peut s’en remettre exclusivement à des actions administratives et aux décisions stratégiques courantes sans se heurter à des limites pragmatiques. Les décisions administratives sont sujettes à changement. Les politiques vont et viennent au rythme des gouvernements ou de la nomination des nouveaux ministres. Les priorités des programmes d’aujourd’hui cèdent le pas aux besoins pressants ou aux impératifs législatifs de demain.

Qui plus est, comme il en est question tout au long de ce document, bien que la situation de nombreuses Canadiennes se soit améliorée depuis la publication, en 1970, du Rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada et, en 1995, du Programme d’action de Beijing, il reste beaucoup à faire dans un domaine d’une importance économique, politique, culturelle et sociale aussi exceptionnelle que l’égalité pour les femmes. L’adoption d’une loi mettrait l’accent sur l’importance d’atteindre l’égalité pour les femmes et assurerait le maintien des efforts dans ce sens[287].

Mme Langevin s’est employée, dans son témoignage, à montrer que le Canada devait se doter d’un cadre législatif en raison de ses engagements juridiques actuels aux termes non seulement de la Charte canadienne des droits et libertés mais aussi des conventions internationales dont il est signataire.

Le Canada est signataire de la CEDEF, [la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes], depuis 1982. Il a signé d'autres documents en matière de protection des droits fondamentaux. Je rappelle également que le Canada a adopté une Charte des droits dans sa Constitution. Parmi les droits fondamentaux qui sont protégés, on retrouve le droit à l'égalité, dont le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est certainement une valeur fondamentale de la société canadienne. Le gouvernement canadien a donc pris des engagements juridiques envers les Canadiens et les Canadiennes en matière d'égalité.

En refusant de faire de façon systématique et sérieuse l'analyse comparative entre les sexes et en refusant de faire des budgets sexospécifiques, le gouvernement canadien viole donc ses propres engagements[288].

Dans son témoignage, Mme Steinsky-Schwartz a également évoqué la nécessité de faire passer « la surveillance de l’organe exécutif, qui a ses propres intérêts, au Parlement ». De plus, l’avantage d’une loi est qu’elle « survit à tous les changements de gouvernement[289] ».

3. Contenu des mesures législatives à venir

Dans son Rapport final, le Groupe d’expertes a établi des recommandations détaillées sur ce qu’une telle loi devrait inclure, et analysé les lois en vigueur qui visent à encourager le changement social, notamment la Loi sur les langues officielles comme on l’a vu plus haut, la Loi sur le multiculturalisme[290], la Loi sur l’équité en matière d’emploi[291], et la Loi canadienne sur les droits de la personne[292]. Mme Langevin a résumé à l’intention du Comité les principaux points qui, d’après le rapport du Groupe d’expertes, devraient
être intégrés à une loi, notamment l’établissement de mécanismes de contrôle et de plans d’action assortis de rapports d’étape, ainsi que la création d’un mécanisme de plainte et d’un poste de commissaire ou d’ombudsman pour surveiller le processus.

D'abord, une loi qui n'a pas de mécanisme de surveillance ne peut pas fonctionner. Cette loi va prévoir des obligations pour les ministères. Il va y avoir un plan d'action pour tous les ministères et organismes, qui devront définir leurs propres mesures et résultats en vue d'atteindre l'égalité pour les femmes.

En vertu de ce plan d'action, chaque année, le ministère aura l'obligation de faire un rapport sur les progrès réalisés. C'est le ministre qui présentera ce rapport à la Chambre des communes. Cette loi impose à tous les ministères d'adopter un plan d'action, pour ensuite pouvoir l'atteindre.

Notre rapport dit également qu'il devrait y avoir un mécanisme de plainte, car il y aurait des sanctions. Un commissaire ou un ombudsman pourrait voir à l'application de cette loi, appuyé des rapports annuels, évidemment, un peu comme on le fait dans le cas des autres lois. […]

La loi dont on parle ferait la même chose, c'est-à-dire qu'elle imposerait à tous les ministères et [organismes] l'obligation de faire une analyse sexospécifique [de] tous [leurs] programmes, de se fixer des objectifs annuels et, ensuite, de voir quels sont les résultats. Cette analyse nécessiterait l'engagement de ressources[293].

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Le Comité a également appris que la présentation d’une loi constituerait une bonne occasion de définir clairement le rôle de Condition féminine Canada, qui n’a pas pour le moment de mandat prévu par la loi. Comme l’a souligné Mme Rowan-Campbell :

Pour l'heure, le rôle de Condition féminine est un peu embrouillé. On ne peut pas être l'avocat, le juge, le jury et le bourreau et à bien des égards, nous demandons à Condition féminine de jouer tous ces rôles. Je le répète, un cadre législatif aiderait grandement à préciser nombre de ces rôles, responsabilités et obligations de rendre compte[294].

Pour sa part, Mme Veitch a fait valoir au Comité, en s’appuyant sur l’expérience du Royaume-Uni, qu’au moment de créer une telle loi, il importe de ne pas s’attacher de manière excessive au processus mais plutôt d’insister sur les buts ou les résultats recherchés.

Dans le cas de la fonction d'égalité de genre qui nous intéresse, nous avons cherché à nous concentrer sur les résultats plutôt que sur les intrants et les processus. Selon moi, c'est la leçon clé qu'il faut retenir, c'est-à-dire que vous devez chercher à apprendre de ces erreurs. Il faut éviter de laisser les gens cocher des cases. Il faut surtout penser aux résultats et à [combler] les écarts[entre les sexes]. C'est là l'élément clé qui fait que notre loi est utile[295].

Le Groupe d’expertes a également reconnu l’importance de résultats clairement définis pour la réussite d’une telle initiative et insisté sur la nécessité de mécanismes de responsabilisation afin de pouvoir mesurer ces derniers :

Il a paru évident aux membres du Groupe d’expertes que plus les résultats escomptés sont définis précisément dans la loi, plus les chances d’obtenir de bons résultats sont grandes. Il était également clair que des méthodes adéquates de vérification et d’évaluation doivent être prescrites par la loi. Un suivi efficace ainsi qu’un examen des effets concrets de la loi sont également nécessaires, que ce soit par le biais d’une procédure relative aux plaintes ou par de la recherche par une tierce personne[296].

Conscient de la nécessité d’accroître la responsabilisation relative à la promotion de l’égalité entre les sexes et des obligations internationales du Canada à cet égard, le Comité convient qu’une mesure législative s’impose pour faire progresser l’égalité entre les sexes au Canada. Par conséquent,

RECOMMANDATION 26

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, s’appuyant sur le travail du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, présente d’ici avril 2009 une loi visant à promouvoir l’égalité entre les sexes, que cette loi énonce les obligations des ministères et organismes fédéraux en matière d’ACS et de budgétisation sexospécifique, qu’elle crée le Commissariat à l’égalité entre les sexes sur le modèle du Commissariat aux langues officielles, qu’elle énonce aussi clairement les pouvoirs et les responsabilités du Commissariat à l’égalité entre les sexes, et qu’elle définisse les rôles et responsabilités de Condition féminine Canada[297].

G. Volonté politique et leadership

Dans la section sur les conclusions et les recommandations de son Rapport final, le Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes a indiqué que :

Le Groupe désire souligner fortement le rôle joué par la première ministre ou le premier ministre, le Cabinet et le Bureau du Conseil privé pour orienter les efforts visant l’atteinte de l’égalité pour les femmes. On n’accomplira de grands progrès que grâce à un leadership dynamique au sommet[298].

Le message clé des organismes centraux qui ont témoigné devant le Comité, tel que mentionné plus haut, était que la fonction publique avait pour responsabilité de donner les meilleurs conseils possibles aux ministres, mais qu’en définitive il revient au Cabinet de décider quelles politiques seront prioritaires et quelle importance sera accordée aux résultats de l’ACS. M. Good a décrit la situation comme étant une question d’offre et de demande — la fonction publique et son expertise en matière d’ACS étant du côté de l’offre, et les chefs politiques qui établissent les programmes et décident des politiques à poursuivre, du côté de la demande.

Quand vous soumettez une politique au conseil des ministres, au Conseil du Trésor ou au ministère des Finances, si quelqu'un haut placé dit : « Quel est l'impact de cette politique selon le sexe? Quelles en sont les conséquences? », il agit sur la demande.

À mesure que ces questions sont de plus en plus posées, je crois que l'offre va s'y adapter. Il devient donc important de bien faire. Voilà qui exige que le gouvernement s'intéresse à la politique gouvernementale, qu'il s'intéresse à son fond et qu'il soit capable de poser les questions fondamentales et de le faire à tous les niveaux au sein même du gouvernement, tant du côté politique que du côté bureaucratique[299].

Plusieurs témoins ont fait valoir que, même s’il y a à la fonction publique une bonne analyse dans l’optique de l’égalité des sexes, il ne peut y avoir de progrès véritable sans volonté politique ni leadership. Comme l’a exposé clairement M. Good, « le leadership est absolument crucial si l’on veut intégrer ce genre d’analyse, de travail et de nuances dans les processus d’élaboration des politiques et de prise des décisions au gouvernement[300] ».

Des experts étrangers ont expliqué au Comité l’importance qu’ont revêtu la volonté politique et le leadership dans les progrès réalisés dans leurs pays. Pour M. Bartle, le véritable test de la viabilité d’un budget sexospécifique est sa capacité de survivre aux changements de gouvernement et, en définitive, « plus que toute autre chose, c’est une question d’engagement[301] ». Pour sa part, Mme Rubin a estimé que tous les progrès réalisés en matière de budgets sexospécifiques à San Francisco étaient attribuables au leadership politique, notamment à l’engagement du maire[302]. Mme Sharp a très bien résumé cet enjeu pour le Comité :

Je ne vous apprends probablement rien quand je vous dis qu'au cœur du processus budgétaire, il y a un processus politique qui exige la contestation. Il faut aussi un engagement au plus haut niveau si nous voulons faire changer les choses dans le domaine de l'égalité entre les sexes[303].

haut

Le Comité prend également acte du fait qu’il est généralement admis qu’une plus grande participation des femmes à la vie politique favorise la promotion de l’égalité entre les sexes. Mme Veitch a expliqué que, pour le Royaume-Uni, la budgétisation sexospécifique a gagné en importance dans l’agenda politique avec l’augmentation du nombre de ministres de sexe féminin[304].

Toutes les anciennes membres du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes ont insisté sur l’importance du leadership et de la volonté politique. Il a d’ailleurs été suggéré que le gouvernement énonce dans son discours du Trône sa vision en matière de promotion de l’égalité entre les sexes. Mme Rowan‑Campbell a résumé clairement la situation et les carences sur le plan du leadership qui empêchent de progresser sur la voie de l’égalité entre les sexes.

Bien que les organismes centraux — le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Conseil privé — aient commencé à adhérer à certaines de nos préoccupations et recommandations, un facteur demeure très important, et c'est encore un élément fondamental à l'échelle mondiale, et c'est la volonté politique. Il doit y avoir au cabinet du premier ministre un mécanisme de reddition de comptes, quelque chose qui enverrait le message suivant: « Voici ce qui est important et nous tenons à ce que vous reconnaissiez tous que c'est important. » Nous n'avons rien vu dans le discours du Trône qui souligne l'importance de l'égalité des sexes.

L'appui de la classe politique, appui qui existe systématiquement dans l'administration publique, doit également s'exprimer aux plus hauts niveaux, ce qui ne s'est pas encore fait. C'est une des questions dont on discute dans le monde entier. Comment susciter la volonté politique? Nous pouvons bien instaurer des systèmes qui favoriseront le changement, mais nous devons compter sur l'appui des détenteurs du pouvoir[305].

Le Comité reconnaît qu’un fort leadership politique est nécessaire pour atteindre l’égalité pour toutes les femmes et que le gouvernement doit s’engager sans équivoque dans la voie de la réalisation de cet objectif. Par conséquent,

RECOMMANDATION 27

Le Comité encourage le premier ministre du Canada à démontrer son leadership en assurant la formation de tous les membres du Cabinet en matière d’analyse comparative entre les sexes et en énonçant clairement l’engagement du gouvernement du Canada en matière d’égalité entre les sexes dans le prochain discours du Trône.


[236]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 28.

[237]         Georgina Steinsky-Schwartz, présidente et chef de la direction, Imagine Canada, ancienne présidente du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (1000).

[238]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, FEWO Témoignages, 17 avril 2008 (0940).

[239]         Ibid.

[240]         Armine Yalnizyan, économiste principale, Centre canadien de politiques alternatives, FEWO Témoignages, 1er avril 2008 (0905).

[241]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 14.

[242]         Louise Langevin, professeure de droit, Université Laval, ancienne membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, Témoignages, 8 avril 2008 (0940).

[243]         Armine Yalnizyan, économiste principale, Centre canadien de politiques alternatives, FEWO Témoignages, 13 mars 2008 (0925).

[244]         Rhonda Sharp, professeure d’économie, Hawke Research Institute for Sustainable Societies, Université de l’Australie du Sud, FEWO Témoignages, 5 décembre 2007 (1650).

[245]         David Good, professeur, École d’administration publique, Université de Victoria, FEWO Témoignages, 28 février 2008 (1000).

[246]         Debbie Budlender, chercheure spécialisée, Agence communautaire pour enquête sociale, Afrique du Sud, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1535).

[247]         Hélène Dwyer-Renaud, conseillère principale, CFC, FEWO Témoignages, 10 décembre 2007 (1655).

[248]         Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, BVG, FEWO Témoignages, 10 avril 2008 (0920); Peter Oberle, directeur général, Affaires corporatives, CIC, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (1015).

[249]         L.C. 2001, c. 27.

[250]         Peter Oberle, directeur général, Affaires corporatives, CIC, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (1015).

[251]         L.R.C. 1985, c. A‑17.

[252]         Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, BVG, FEWO Témoignages, 10 avril 2008 (0905).

[253]         Ibid. (0910).

[254]         Ibid. (0915).

[255]         Ibid. (0920).

[256]         Ibid. (0925).

[257]         Sheila Fraser, Lettre à la présidente du Comité permanent de la condition féminine au sujet du neuvième rapport au Parlement du Comité, 14 mai 2008.

[258]         Nancy Peckford, directrice de programmes, Alliance canadienne féministe pour l'action internationale, FEWO Témoignages, 13 mars 2008 (1040).

[259]         Ibid.

[260]         Dorienne Rowan-Campbell, conseillère indépendante en matière de développement et dans le domaine de l’égalité entre les sexes, ancienne membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0940).

[261]         Bureau du vérificateur général du Canada, « Stratégies de développement durable », http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/oag-bvg_f_920.html.

[262]         Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, BVG, FEWO Témoignages, 10 avril 2008 (0905) (0910).

[263]         Commissariat aux langues officielles, « Historique du Commissariat » :http://www.ocol-clo.gc.ca/html/history_historique_f.php.

[264]         L.R.C. 1985, c. 31 (4e suppl.).

[265]         Commissariat aux langues officielles, « Rôles » : http://www.ocol-clo.gc.ca/html/roles_f.php.

[266]         Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, COLO, FEWO Témoignages, 1er mai 2008 (0905).

[267]         Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada, BVG, FEWO Témoignages, 10 avril 2008 (0945).

[268]         Ibid.

[269]         Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, COLO, FEWO Témoignages, 1er mai 2008 (0915).

[270]         Ibid. (0950).

[271]         Ibid. (0940).

[272]         L.R.C. 2003, c. 22, art. 12, 13.

[273]         Parlement du Canada, Hauts fonctionnaires et officiels du Parlement :
http://www2.parl.gc.ca/Parlinfo/compilations/OfficersAndOfficials/OfficersOfParliament.aspx?Language=F.

[274]         Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, COLO, FEWO Témoignages, 1er mai 2008 (0900).

[275]         Ibid. (0930).

[276]         Ibid.

[277]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 38.

[278]         En prenant en considération la mise en œuvre possible de cette recommandation, les députés conservateurs du Comité recommandent que le gouvernement tienne compte des résultats et des recommandations de toute vérification effectuée par le Bureau du vérificateur général du Canada comme le voudrait la recommandation 24, ainsi que des répercussions plus vastes et des conséquences non intentionnelles de la création de ce nouveau poste de haut fonctionnaire du Parlement.

[279]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 56.

[280]         Janet Veitch, coprésidente, UK Women's Budget Group, FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (0955).

[281]         Ibid.

[282]         Georgina Steinsky-Schwartz, présidente et chef de la direction, Imagine Canada, ancienne présidente du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0935).

[283]         Allison Little Fortin, directrice, Planification et rapports ministériels, CIC, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (1025).

[284]         Peter Oberle, directeur général, Affaires corporatives, CIC, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (1015).

[285]         Ibid. (1020).

[286]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 23.

[287]         Ibid., p. 33.

[288]         Louise Langevin, professeure de droit, Université Laval, ancienne membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0915).

[289]         Georgina Steinsky-Schwartz, présidente et chef de la direction, Imagine Canada, ancienne présidente du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0920).

[290]         L.R.C. 1985, c. 24 (4e suppl.).

[291]         L.C. 1995, c. 44.

[292]         L.R.C. 1985, c. H‑6.

[293]         Louise Langevin, professeure de droit, Université Laval, ancienne membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0935).

[294]         Dorienne Rowan-Campbell, conseillère indépendante en matière de développement et conseillère dans le domaine de l'égalité entre les sexes, ancienne membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0925).

[295]         Janet Veitch, coprésidente, UK Women's Budget Group, FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (1045).

[296]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 24.

[297]         En prenant en considération la mise en œuvre possible de cette recommandation, les députés conservateurs du Comité recommandent que le gouvernement tienne compte de ce qui suit : le futur Plan d’action visant à faire progresser l’égalité des femmes annoncé dans le budget de 2008, s’il est disponible; les résultats de toute vérification effectuée par le Bureau du vérificateur général du Canada comme le voudrait la recommandation 24; et les répercussions plus vastes et les conséquences non intentionnelles de la création de ce nouveau poste de haut fonctionnaire du Parlement.

[298]         Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, L’égalité pour les femmes : au‑delà de l’illusion, Rapport final, décembre 2005, p. 28.

[299]         David Good, professeur, École d'administration publique, Université de Victoria, FEWO Témoignages, 28 février 2008 (1030).

[300]         Ibid. (0910).

[301]         John R. Bartle, directeur et professeur, École d’administration publique, Université du Nebraska à Omaha, FEWO Témoignages, 3 décembre 2007 (1540).

[302]         Marilyn Rubin, professeure d’administration publique et d’économie, John Jay College of Criminal Justice, City University of New York, FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (1025).

[303]         Rhonda Sharp, professeure d'économie, Hawke Research Institute for Sustainable Societies, Université South Australia, FEWO Témoignages, 5 décembre 2007 (1550).

[304]         Janet Veitch, co-présidente, UK Women's Budget Group, FEWO Témoignages, 3 avril 2008 (1000).

[305]         Dorienne Rowan-Campbell, conseillère indépendante en matière de développement et conseillère dans le domaine de l'égalité entre les sexes, ancienne membre du Groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, FEWO Témoignages, 8 avril 2008 (0910).

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