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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 002 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 mars 2008

[Enregistrement électronique]

  (0920)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte cette seconde séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Ce matin, nous avons l'insigne honneur d'accueillir parmi nous Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix. Shirin Ebadi n'a pas besoin de présentation. Bien sûr, chaque fois qu'on dit cela, on se lance ensuite dans une longue description des réalisations de la personne invitée. Je vais résister à cette tentation, car premièrement, une excellente biographie vous a été distribuée à la dernière séance, et deuxièmement, notre temps est très limité. Vous connaissez déjà les remarquables accomplissements de Shirin Ebadi.
    Avant que nous ne commencions, je vais seulement vous informer de quelques détails d'ordre administratif. Premièrement, Mme Ebadi ne pourra être des nôtres que jusqu'à 10 h 15. Est-ce exact, monsieur le ministre?
    Mme Ebadi doit être au MAECI au plus tard à 10 h 30. Compte tenu des conditions climatiques et routières, c'est un délai très serré, alors elle devra absolument partir d'ici à 10 h 15. Je pense que nous devrons être très respectueux de cette contrainte.
    Normalement, selon les règles que nous venons d'adopter à la dernière séance, nous accordons 10 minutes à nos témoins pour faire une présentation, suivie d'une ronde de questions de sept minutes. Mais j'estime que dans les circonstances — et j'ai fait un sondage informel à ce sujet avant le début de la séance — il pourrait être approprié d'accorder à notre témoin tout le temps qu'il lui faut pour exprimer ses points de vue. Je crois que nous sommes davantage ici pour écouter ce qu'elle a à dire que pour l'interroger.
    Oui, monsieur Kenney.
    J'aimerais rappeler au comité que Mme Ebadi sera accompagnée aujourd'hui, non pas à titre de témoin, mais d'escorte, du professeur Payam Akhavan, professeur de droit à l'Université McGill, qui est également un collègue d'université du professeur Cotler et président du Iranian Human Rights Documentation Centre. Il a déjà comparu à ce comité.
    Merci, monsieur Kenney.
    Bienvenue à nos invités; nous serons heureux de vous entendre.
    Tout d'abord, j'aimerais vous dire bonjour, et je suis très heureuse qu'on m'ait offert cette occasion de vous parler. Je tiens également à remercier le gouvernement du Canada de s'intéresser à ce point à la question des droits de la personne en Iran.
    Ces dernières années, l'attention a bien plus été portée sur l'énergie nucléaire que sur les droits humains, qui ont été ignorés. Le Canada est le seul pays à avoir accordé davantage d'attention aux droits de la personne et à prendre certaines mesures à cet égard.
    Le gouvernement iranien a ratifié la Déclaration universelle des droits de l'homme. Malheureusement, il n'a pas agi comme il était censé le faire en ce qui a trait au droit international.
    Je vais vous parler d'un des problèmes, soit le manque d'attention accordée aux droits humains internationaux. La loi établit une discrimination et une violation du principe d'égalité des sexes. Je vais seulement exposer deux aspects à cet égard.
    La vie d'une femme vaut la moitié moins que celle d'un homme. Ainsi, en cas d'accident dans la rue, un homme recevra deux fois plus d'indemnités qu'une femme à cause de cette discrimination. Devant les tribunaux, deux témoins de sexe féminin équivalent à un seul homme témoin. Par ailleurs, un homme peut avoir quatre femmes et, sans raison valable, peut tout simplement divorcer d'une femme. Pourquoi est-ce exactement le contraire pour les femmes? Car il est fondamentalement difficile d'obtenir le divorce. Et toutes les Iraniennes, bien sûr, sont mécontentes de cette situation et montrent leur rejet de ce genre de lois.
    Il y a environ un an, plus d'un million de personnes ont manifesté leur opposition à ce type de discrimination en Iran en utilisant la façon la plus pacifique qui soit pour dénoncer des opinions inacceptables. Mais jusqu'à maintenant, on compte plus d'une cinquantaine de poursuites contre des gens qui ont pris part à cette contestation.
    En Iran, on exerce également le même type de discrimination envers d'autres religions. Seulement quatre d'entre elles ont été acceptées en tant que religions officielles — le christianisme, le judaïsme, l'islam et le mazdéisme —, tandis que de nombreux Iraniens sont baha'is et que d'autres estiment ne pas être tenus de pratiquer une religion établie. En vertu de la loi, ils n'ont pas de droits. Même certains groupes religieux parmi ceux acceptés font l'objet de discriminations.
    Il y a très peu de liberté d'expression. Même dans les lois sur les publications et les médias, on impose des limites à la liberté d'expression pour ce qui est de dire quoi que ce soit contre la loi constitutionnelle. On a fait fermer de nombreux journaux. La censure a atteint un niveau tel que même l'usage d'Internet n'est pas libre.
    Les élections ne sont pas libres non plus. Les gens ne peuvent voter pour les candidats de leur choix. Quant aux gardiens, ils ont le droit d'approuver les candidats qui, à leur avis, devraient être élus.
    Je serai heureuse de répondre à vos questions.

  (0930)  

    Merci beaucoup à vous deux pour ce témoignage.
    Nous utilisons normalement un certain ordre pour faire le tour du comité; nous commencerons donc par un député libéral, M. Cotler.
    Merci, madame Ebadi, de comparaître devant nous aujourd'hui, et surtout de nous parler de la situation des droits de la personne en Iran.
    Je suis d'accord avec vous quant au fait qu'on accorde davantage d'attention à la question nucléaire qu'à celle des droits humains.
    Pourriez-vous nous dire où en est la cause de Mme Kazemi, que vous défendez en tant qu'avocate?
    Je suis l'avocate de la mère de Mme Kazemi. Nous avons intenté plusieurs poursuites.
    À la suite de la décision de la cour, l'affaire a été renvoyée au tribunal pénal. En réalité, nous en sommes revenus à la case départ dans ce dossier. Nous avons dit dès le départ qu'il s'agissait d'un homicide, et que l'affaire devait être traitée au tribunal criminel. Or, la cour ne l'a pas admis; elle a déclaré que le meurtre de Mme Kazemi n'était pas prémédité, et qu'on ne pouvait en connaître l'auteur.
    J'avais d'autres motifs à présenter, mais on n'a pas tenu compte des arguments que j'ai invoqués. Maintenant, on accordera de l'attention à ce que j'ai dit il y a quatre ans. Bien sûr, cela pourrait être considéré comme une amélioration. Mais je dois également exprimer mes regrets quant au fait qu'il aura fallu quatre ans pour qu'on nous écoute, et nous ne savons même pas quels seront les résultats.

  (0935)  

    Puisque le temps nous est compté, je vais laisser d'autres intervenants poser des questions.
    En fait, je n'ai pas vu de mains levées; j'effectue simplement un tour de table. Mais il nous reste du temps.
    Aimeriez-vous poser une question, monsieur Silva, dans ce délai de sept minutes?
    Oui, merci.
    Peut-être pourriez-vous faire une remarque là-dessus. Je me suis rendu compte que la population iranienne était très jeune. Une bonne partie de ces jeunes utilisent beaucoup les blogues, Internet et tout le reste, ce qui est fantastique. Je pense que nous espérons tous que dans l'avenir, il y aura chez cette jeune génération une prise de conscience à l'égard du respect de la liberté et de la démocratie, de façon à mettre, souhaitons-le, un terme à ce régime brutal.
    Je tiens également à vous informer qu'à Toronto, je travaille avec des jeunes qui s'efforcent d'amener des jeunes gais et lesbiennes iraniens, qui sont fortement persécutés... J'aimerais avoir vos commentaires sur la situation des gais et lesbiennes là-bas.
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    C'est un acte criminel, aux termes de notre loi, que d'être gai ou lesbienne. Si une personne se contente de déclarer qu'elle est homosexuelle, elle n'enfreint pas la loi. On doit considérer qu'elle agit comme un gai ou une lesbienne pour que ses actes soient jugés criminels. Les peines sont très lourdes, surtout pour les hommes homosexuels, à qui on applique la peine de mort. Pour les femmes, la peine est moins sévère; elles ont droit à 100 coups de fouet.
    Nous avons tous été très choqués et horrifiés par la pendaison de ces deux jeunes hommes en Iran. Cette mesure a-t-elle soulevé l'indignation publique en Iran également? Les gens ont-ils été préoccupés par ce qui est arrivé?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Je peux vous dire qu'en principe, la population iranienne n'est pas en faveur de ce type de réaction du gouvernement. L'une des choses qui font réagir les gens en matière de droits humains, c'est la façon dont on applique la loi, le genre de châtiments qu'on trouve dans notre code pénal, qui prévoit la mutilation des voleurs, le tranchage de mains et de jambes, la lapidation, la flagellation. Les gens sont contre ces types de punitions, et nous protestons depuis bien des années.

  (0940)  

    Merci.
    Merci.
    Madame St-Hilaire.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Entendez-vous l'interprétation?

[Traduction]

    M. Akhavan parle français. Il pourrait traduire directement cette partie, au lieu qu'on passe par deux traducteurs.
    Monsieur Akhavan, seriez-vous à l'aise de traduire cette partie?
    Dans ce cas,

[Français]

madame St-Hilaire, vous avez la parole.
    Madame Ebadi, c'est un plaisir de vous recevoir. Bien qu'on ait lu sur vous et entendu parler de vous, c'est avec beaucoup d'émotion que nous vous écoutons ce matin. Non seulement en tant que parlementaire, mais en tant que femme, je suis très heureuse de vous avoir entendue. C'était un commentaire, mais j'ai aussi des questions à poser.
    Je vous ai écoutée parler de la situation des femmes en Iran. À la veille de la Journée internationale de la femme, que pourrait faire le Canada pour accompagner l'Iran dans le but d'améliorer au moins le sort des femmes?

[Traduction]

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Lorsque nos femmes activistes sont arrêtées en Iran, je vous en prie, protestez. Aidez-nous.
    J'ai parlé de récents événements. L'une de nos plus célèbres femmes activistes en Iran est Parvin Ardalan. On lui a décerné le prix Olof Palme à Stockholm. Pour se rendre là-bas, elle a franchi la douane, puis s'est assise dans l'avion, qui appartenait à Air France — je le mentionne, car l'appareil était français, alors il partait de l'Iran —, mais la police l'a arrêtée dans l'avion et l'a contrainte à revenir en Iran. On ne l'a pas laissée aller à Stockholm pour recevoir son prix. Cela a donné lieu à un autre combat devant les tribunaux.
    S'il vous plaît, protestez. Veuillez demander au gouvernement iranien pourquoi il agit ainsi.

[Français]

    Vous avez justement parlé du fait que les élections n'étaient pas libres. Y a-t-il une volonté populaire de changer les choses? Serait-il envisageable — peut-être que ce serait un premier pas — que les élections soient libres, chez vous?

[Traduction]

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Selon la loi qui a récemment été ratifiée au Parlement, et qui va à l'encontre du droit constitutionnel, la qualification et l'approbation des aspirants députés doivent être entérinées par le Conseil des gardiens.
    Lorsque M. Khatami était président, il a présenté un projet de loi au Parlement pour changer cette situation. À l'époque, le groupe de réformistes, qui détenait la majorité parlementaire, avait adopté et ratifié cette proposition. Malgré cette approbation, comme le Conseil des gardiens a opposé son veto, ces efforts ont été vains.
    M. Khatami, l'ancien président, a essayé une fois, sans résultats.

  (0945)  

    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Marston, vous avez maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Comme mes collègues, je suis très honoré de vous compter parmi nous aujourd'hui. J'ai passé six mois en Arabie saoudite il y a 30 ans, et j'ai vu de mes propres yeux les châtiments auxquels vous avez fait allusion. Il est horrible de vivre quelque part où on fait face à ces châtiments, auxquels s'ajoute un gouvernement qui, disons, ne s'appuie pas sur des principes de droit. C'est tout bonnement de la tyrannie, faute d'un meilleur terme.
    D'après ce que j'ai compris des messages que j'ai entendus ces derniers mois et ces dernières années, les problèmes, en Iran, sont de nature systémique. On peut pointer du doigt celui qui dirige le pays aujourd'hui en disant qu'il est le responsable, mais je crois que le problème est plus profond que cela. Comme je le disais, il est systémique. Comment le Canada pourrait-il, à votre avis, contribuer à changer la situation des gens, tout en induisant des changements au système?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Vous avez déjà réalisé certaines de ces choses dont vous parlez. D'une part, vos relations avec l'Iran, qui étaient au niveau d'ambassade, sont maintenant réduites au niveau de chargé d'affaires. D'autre part, vous nous avez aussi beaucoup aidés grâce au respect que vous témoignez à l'égard de la résolution adoptée à l'Assemblée générale des Nations Unies. Ce sont là les meilleurs indications du fait que vous avez prêté attention à la situation en Iran.
    Tout d'abord, merci. Je ne prendrai pas beaucoup de temps, car j'aimerais m'assurer que tous les autres aient également la chance d'intervenir.
    Encore une fois, merci de comparaître devant notre comité. Nous savons que lorsqu'une personne effectue de tels choix, les conséquences, à son retour au pays, ne sont pas toujours des plus favorables. Donc, je vous félicite du courage dont vous faites preuve en étant ici, et je vous remercie.
    Merci, monsieur Marston, de votre extrême concision. Vous avez pris seulement deux minutes et 36 secondes.
    Je peux dire que vous veillez au grain.
    C'est exact.
    C'est maintenant le tour d'un député conservateur. Je n'ai personne sur ma liste, alors je vous laisse choisir entre vous qui interviendra.
    Monsieur Sweet.
    Encore une fois, madame Ebadi, merci beaucoup de votre présence.
    J'ai relu certains travaux effectués par des prédécesseurs parlementaires ici, au Canada. L'un des témoins qu'on avait reçus était un cinéaste iranien. Pardonnez ma prononciation, mais je crois que son nom était Makhmalbaf. Quoi qu'il en soit, il a affirmé qu'en Iran, il y avait une mentalité de dictature. J'aimerais savoir si, compte tenu de cette dynamique exceptionnelle qui est actuellement à l'oeuvre en Iran, avec 50 p. 100 de la population qui a moins de 20 ans, vous entrevoyez une diminution ou, au contraire, une augmentation de la capacité de stimuler le mouvement réformiste.

  (0950)  

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    À ce chapitre, des tendances positives se manifestent. Mentionnons la jeune génération. Comme vous l'avez indiqué, notre population est très jeune, et elle a besoin de liberté et d'emplois. Elle ne peut donc pas croire en notre gouvernement.
    Il y a aussi le mouvement féministe en Iran. Il est très fort et s'oppose au gouvernement en raison de ses lois discriminatoires.
    Enfin, il y a un mouvement syndical. Nos travailleurs vivent dans une grande pauvreté et n'ont pas de bonnes conditions. Un de leurs chefs, M. Osanloo, est détenu en prison au moment où l'on se parle, et de nombreux comités internationaux tentent de lui venir en aide.
    Voilà donc trois tendances positives en faveur du changement.
    Souhaitiez-vous poursuivre?
    Madame Ebadi, merci de votre comparution. Nous admirons votre courage. Au Canada, défendre les droits de la personne et les droits civils n'implique aucun risque, mais pour vous, témoigner au nom du peuple iranien est un acte de courage. Nous vous en félicitons.
    Je vais revenir à la question posée par mon collègue M. Marston. J'aimerais que vous nous dites en quoi le Canada peut contribuer à réaliser les aspirations du peuple iranien au respect des droits de la personne et des droits civils et à la démocratie.
    Comme vous l'avez indiqué, le Canada a été le principal parrain de la résolution à l'ONU sur les droits de la personne en Iran. Nous avons pris d'autres mesures importantes pour exprimer notre préoccupation à l'égard des violations des droits de la personne. Nous avons notamment réclamé la détention du procureur général Mortazavi en Europe en septembre 2006. Toutefois, d'après ce que j'observe, lorsque les pays occidentaux démocratiques comme le Canada entreprennent de telles démarches, le régime iranien réagit en restreignant nos relations ou en persécutant nos citoyens ayant la double nationalité, comme ce fut le cas avec votre cliente, la défunte Zahra Kazemi, et Ramin Jahanbegloo.
    Pouvez-vous nous dire comment nous pourrions exercer notre influence sur la scène internationale sans envenimer nos relations diplomatiques ni mettre en danger les Canadiens d'origine iranienne qui se trouvent en Iran?

  (0955)  

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Les gens qui forment le gouvernement iranien ne sont pas tous pareils. Il y a ceux qui sont en faveur de la réforme et ceux en faveur de l'intégrisme islamique. Il y a plein de choses qui se produisent en Iran sur lesquelles le peuple, de même que certains de ces réformistes, ne sont pas d'accord. C'est très facile à voir, même dans les journaux publiés en Iran.
    Dans le cas particulier de Mme Kazemi, le groupe réformiste nous a beaucoup aidés afin que justice soit rendue.
    Par conséquent, quand vous parlez des violations des droits de la personne en Iran, non seulement le peuple est heureux, mais aussi le groupe de réformistes, parce qu'ils critiquent également le régime. Ils dénoncent ces actes franchement et ouvertement dans les journaux d'Iran. Comme on n'a pas beaucoup de liberté de parole, on s'exprime autrement.
    Merci.
    C'est ce qui termine notre première ronde de questions.
    Je regarde ma montre. Il reste moins de 20 minutes avant le départ de nos invités. Cela donne le temps à chacun des partis de poser une question.
    Nous allons commencer par...
    Monsieur le président, je suis certain que le comité vous permettrait de poser une question, si vous en avez une, bien entendu.
    Je veux garder le meilleur pour la fin.
    Je vais donc céder la parole à M. Cotler ou à M. Silva, peu importe qui souhaite intervenir en premier.
    Merci, monsieur le président.
    Récemment, une militante iranienne des droits de la personne, Ladan Boroumand, a rédigé un article sur l'histoire, jamais divulguée, de la défense des droits de la personne en Iran, dans lequel elle décrit la naissance, comme elle l'appelle, d'un mouvement pour la défense des droits civils en Iran constitué d'étudiants, de travailleurs syndiqués, d'intellectuels, et en particulier, du mouvement de défense des droits des femmes.
    Quelle est la situation actuelle de ce mouvement et quel avenir lui réserve-t-on? Que pouvons-nous faire au chapitre de ce mouvement?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Le mouvement pour la défense des droits civils existe en Iran depuis plusieurs années. Heureusement, ce mouvement a été amorcé en grande partie par les gens qui vivent en Iran, car ce sont eux qui en feront partie et qui le maintiendront, même si les Iraniens qui se trouvent à l’étranger nous sont d’une grande aide.
    À mon avis, la meilleure chose que vous puissiez faire à cet égard, c'est de démontrer votre désaccord et de protester contre la violation des droits de la personne en Iran.
    Il ne faut pas oublier que la question des droits de la personne n'est pas une question intérieure, mais bien une question internationale. Par conséquent, l’Iran n'est pas seul dans cette situation. Cela concerne aussi les gens au Canada et partout ailleurs. L’Iran a le droit de protester contre la violation des droits de la personne au Kurdistan, tout comme vous pouvez le faire pour l'Iran.

  (1000)  

    Merci, madame.
    La République islamique d'Iran est une théocratie, et non pas une démocratie, comme vous l'avez dit. C'est rare, mais c'est réellement une théocratie dirigée par des chefs religieux.
    C'est une situation unique, car même avec les mouvements de résistance... J'ai posé une question la semaine dernière à propos de l'arrestation de deux dirigeants syndicaux en Iran. Il y a évidemment des groupes au sein du mouvement syndical, soit le mouvement de défense des droits des femmes et le mouvement des jeunes, qui aspirent au changement. Comment peuvent-ils s'opposer au système religieux en place? À certains égards, votre situation est tellement différente des autres pays, parce que vous vivez dans un pays théocratique dirigé par des membres du clergé qui ne sont pas prêts d'abandonner leur pouvoir sans qu'il n'y ait de violence. Comment peut-on négocier une transition pacifique vers la démocratie dans ce pays?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Tout comme vous, je considère que la gouvernance d'un pays et la religion devraient être deux choses distinctes. Mais qu'arrive-t-il lorsque, dans une société libre et démocratique, le peuple élit des groupes liés à la religion, comme on l'a vu récemment en Turquie? Avons-nous le droit de dire à une personne que son vote ne devrait pas être compté parce qu'elle a voté pour un groupe religieux? Avons-nous le droit de dire que le reste du peuple devrait penser comme nous? Bien sûr que non. Par conséquent, nous devons trouver une autre solution à ce problème.
    Ce que j'ai trouvé pour cela, c'est une différente définition de la démocratie. La démocratie signifie gouverner par la majorité. Il ne faut pas oublier que de nombreux dictateurs ont triomphé grâce à la démocratie. Par conséquent, celle-ci ne peut pas être sans limite ni contrôle. La démocratie doit demeurer à l'intérieur de son cadre, qui est le respect des droits de la personne. Ce n'est pas le vote des gens qui fait en sorte que les gouvernements sont légitimes. Le vote des gens, combiné au respect des droits de la personne, peut nous donner cette légitimité. Même les gouvernements religieux devraient respecter les droits de la personne.
    C'est là que nous, en tant que musulmans, pouvons jouer un rôle majeur. Nous pouvons prouver que l'islam ne va pas à l'encontre des droits de la personne et de la démocratie, et que ce sont les gouvernements iranien ou islamiques qui ne les respectent pas. Il faut dénoncer le gouvernement par les moyens que nous avons.
    L'islam a de nombreuses interprétations. Par exemple, en Arabie saoudite, la femme ne peut même pas conduire une voiture, mais de nombreuses années auparavant, elle pouvait être présidente ou premier ministre en Tunisie, au Bangladesh et au Pakistan. Par ailleurs, l'amputation des mains des voleurs est prévue dans notre code criminel, mais beaucoup de pays islamiques l'ont interdite, comme la Tunisie, l'Égypte et la Malaisie. Qui donc est en retard? En Occident, une église accepte les mariages gais et l'autre non. La plupart d'entre elles sont chrétiennes. Qui donc a raison?
    C'est la même chose pour l'islam. Il est de notre devoir, en tant que musulmans modernes, de montrer au gouvernement islamique que nous pouvons être à la fois musulmans et respecter la démocratie et les droits de la personne. Ainsi, nous commençons à dénoncer les gouvernements islamiques.

  (1005)  

    Merci.
    Il nous reste sept minutes.
    Monsieur Marston, la parole est à vous.
    Vous parlez de l'évolution potentielle de votre système de justice et de la réforme des lois que certaines personnes qualifieraient de barbares, étant donné qu'on ampute des mains et qu'on arrache des yeux, etc. Le Canada a aboli la peine de mort il y a 32 ans, comme quoi on assiste à des progrès même dans les nations soi-disant modernes. Nous espérons maintenir cette position.
    L'une des choses qui nous préoccupent, c'est que d'un côté, on nous dit que la production d'armes nucléaires est bien réelle, et d'un autre, que c'est la méthode utilisée par le gouvernement, ou plus particulièrement par les dirigeants du gouvernement, pour maintenir l'attention des gens sur Israël. Croyez-vous qu'un jour les Iraniens et les Israëliens pourront vivre ensemble?

  (1010)  

Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    D'après le rapport présenté par M. Elbaradei, l'Iran n'a rien fait qui enfreigne la loi et a toujours respecté la loi à cet égard.
    Toutefois, le dossier est entre les mains du Conseil de sécurité. Jusqu'à présent, on a adopté trois résolutions contre l'Iran. J'ai toujours dit que l'Iran devrait suspendre son programme d'enrichissement nucléaire tant et aussi longtemps que la communauté internationale ne croit pas en sa nature pacifique.
    C'est ce que M. Khatami a fait, et c'est ce qui s'est produit. Nous devrions être capables d'en faire autant, afin qu'il n'y ait pas d'autres résolutions, une quatrième et une cinquième, contre l'Iran.
    En ce qui a trait à la relation Iran-Israël, je devrais dire qu'une population juive habite l'Iran depuis de nombreux siècles, et que la relation a toujours été bonne. Ce que M. Ahmadinejad a dit le regarde. C'est entre lui et les autres, et non le peuple. Il y a des juifs qui vivent en Iran, et ils entretiennent des relations amicales avec le reste de la population.
    Merci.
    Il nous reste exactement deux minutes avant que nos invités partent. Nous avons donc le temps pour...
    Allez-y.

  (1015)  

    Merci.
    J'ai une question. Madame Ebadi, en réponse à une question posée par notre collègue, Mme St-Hilaire, vous nous avez prié de protester lorsque des femmes sont arrêtées. Je suppose que vous dites cela parce que vous croyez que les protestations dans la communauté internationale ont une certaine incidence en Iran. Des protestations contre d'autres types de violation des droits de la personne — par exemple, l'exécution d'homosexuels ou peut-être la persécution religieuse de la minorité bahá'íe — auraient-elles le même impact?
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Je vous demande de protester contre ces lois en Iran qui vont à l'encontre des droits de la personne. Il y a différents types de punitions que l'on inflige en Iran. Il ne s'agit pas uniquement des homosexuels.
    Il y a deux mois, dans l'une des villes à l'ouest de l'Iran, cinq personnes ont été punies. On leur a coupé la main droite et la jambe gauche parce qu'elles étaient en faveur de la séparation.
    À mon avis, même si je ne suis pas d'accord avec ceux qui veulent la séparation, il n'est pas justifiable de punir des gens de cette façon au XXIe siècle. Si quelqu'un est en faveur de la séparation, c'est son point de vue politique, et ce qu'il faut faire, c'est discuter, et non pas punir comme c'est le cas aujourd'hui. Vous pouvez donc constater qu'il y a des situations bien pires que celle des homosexuels.
    Merci beaucoup.
    Nous avons utilisé tout le temps dont nous disposions. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre générosité. Je pense ne pas me tromper en exprimant toute ma reconnaissance au nom du comité.
    Nous allons faire une brève pause pour permettre à nos invités de quitter la salle, puis nous poursuivrons à huis clos.
Mme Shirin Ebadi (Interprétation):
    Je vous ai dit que le peuple iranien critiquait le gouvernement, mais cela ne signifie pas qu'il accepterait une attaque militaire. Nous ne laisserions jamais entrer un soldat étranger. Nous aimons l'Iran. Nous voulons que ce pays soit libre et nous ne voulons pas en faire un autre Irak. Rappelez-vous-en. Même si je suis dans l'opposition, je peux vous garantir que le peuple iranien ne permettrait aucune attaque militaire.
    Merci.

  (1020)  

    Merci.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Nous allons interrompre la séance.
    [La séance se poursuit à huis clos.]