Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

PARTIE II : TRAVAILLEURS SANS STATUT LÉGAL

INTRODUCTION

Personne ne sait vraiment combien il y a de migrants qui vivent actuellement au Canada de façon illégale. Comme ils n’ont pas de statut légal dans ce pays, il est impossible de les dénombrer. Selon les estimations, entre 80 000 et 500 000 personnes vivent au Canada sans statut légal[124].

Des gens se retrouvent au Canada sans statut légal pour différentes raisons. On croit cependant que la plupart entrent légalement au pays et se retrouvent sans statut alors qu’ils y sont encore. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où de nombreux migrants traversent la frontière illégalement et ne sont jamais connus des autorités. C’est pourquoi on les appelle souvent les « sans-papiers ». Puisque la plupart des immigrants qui vivent illégalement au Canada sont connus un jour ou l’autre des autorités et qu’ils sont donc « munis de papiers », les expressions « sans statut légal » et « sans statut » sont employées dans le présent rapport pour les désigner.

Nombreuses sont les situations qui font que des migrants se retrouvent sans statut légal au Canada. Voici quelques-uns des scénarios les plus courants :

  • un étranger entre au Canada pour y travailler ou étudier légalement de façon temporaire, et y demeure après l’expiration de son statut temporaire;
  • une personne âgée rend visite à un enfant adulte au Canada et ne retourne pas dans son pays;
  • un demandeur du statut de réfugié ne quitte pas le pays après avoir été débouté et avoir épuisé tous ses moyens d’appel;
  • la conjointe de fait ou de droit, d’origine étrangère, d’un citoyen canadien ou d’un résident permanent du Canada vient en « visite » et demeure au pays même si elle n’a pas présenté une demande d’immigration ou si sa demande n’a pas encore été traitée.

Chaque situation est unique. Il n’est pas rare que les gens se retrouvent dans plusieurs catégories à la fois (p. ex. un travailleur étranger temporaire demeure au pays plus longtemps que ne le permet son visa, puis demande le statut de réfugié et se voit débouté).

Les gens sans statut légal réagissent différemment. Certains cherchent à tirer avantage du système d’accueil des réfugiés et du régime social en présentant de fausses demandes du statut de réfugié ou en cherchant à obtenir frauduleusement des prestations sociales. On entend régulièrement parler dans les médias de gens qui se trouvent illégalement au pays et qui commettent crime après crime sans pour autant être expulsés. On entend aussi parler, quoique moins souvent, des milliers et des milliers de gens qui travaillent durement au noir pendant des années, qui occupent souvent des emplois que refusent les Canadiens, tout en élevant leurs enfants et en s’intégrant à la société canadienne.

Des témoins ont expliqué au Comité comment ces travailleurs et leurs familles sont encore plus vulnérables que les travailleurs étrangers temporaires aux abus et aux mauvais traitements en milieu de travail, ainsi qu’à la marginalisation dans la société canadienne. La crainte d’être dénoncés aux autorités pousse des travailleurs sans statut légal à tolérer des conditions de travail inférieures aux normes[125]. Le problème est aggravé par le fait qu’ils ne sont pas disposés à signaler les abus ou à se prévaloir des mesures de protection, de même que par leur inadmissibilité aux prestations sociales et aux mesures de soutien[126]. Même les enfants nés au Canada de travailleurs sans statut peuvent avoir du mal à se prévaloir des services et des mesures de soutien qui leur sont offerts si leurs parents sont trop effrayés[127].

Nous sommes bloqués partout. Je n'ai aucun plan d'avenir et je ne peux pas me permettre d'avoir des projets, car je ne sais pas si je serai encore ici demain[128].

En dépit des conditions déplorables dans lesquelles vivent de nombreux travailleurs sans statut et leurs familles, l’établissement d’un programme d’amnistie permettant de régulariser leur situation ne fait pas consensus. Les personnes sans statut n’ont pas respecté les règles d’immigration du Canada, et bien des gens pensent que le Canada ne devrait pas les récompenser en leur accordant la résidence permanente, d’autant plus que des centaines de milliers de gens attendent patiemment des années pour que le Canada devienne leur domicile légal. De plus, selon sa structure, un programme d’amnistie pourrait fort bien exacerber le problème des migrants sans papiers s’il ne fait qu’attirer davantage de migrants clandestins au Canada.

Le seul point qui puisse faire l’unanimité en ce qui concerne le problème des migrants sans statut est peut-être la complexité et la diversité du problème pour lequel il n’y a pas de solution claire et unique. L’exécution pure et dure des mesures peut être brutale; la régularisation générale peut ouvrir les vannes et à peu près n’importe quelle approche visant à régler le problème semble injuste à quelqu’un.

Par conséquent, le Comité ne propose pas de régler le problème des migrants sans statut au Canada. Il reconnaît que ces travailleurs contribuent à la société en répondant à un besoin de main-d’œuvre qui ne peut être comblé à l’interne[129]. Il croit savoir que dans bien des cas, ces gens ont été déboutés par notre système d’immigration, qui ne leur a pas offert de possibilité réaliste d’immigrer légalement au Canada[130]. Il sait que ces gens et leurs familles risquent d’être marginalisés et de subir des mauvais traitements, et que bon nombre d’entre eux souffrent d’anxiété chronique. Il formule les observations et recommandations suivantes pour empêcher que le problème ne s’aggrave.


[124]         Les Linklater, Directeur général, Direction générale de l’immigration, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, Témoignages, réunion no 13, 25 février 2008, 1550.

[125]         Par exemple : British Columbia and Yukon Territory Building and Construction Trades Council, mémoire, 31 mars 2008, p. 6; Travailleurs canadiens de l’automobile, mémoire, 8 avril 2008, p. 4; Parkdale Community Legal Services, mémoire, 8 avril 2008, p. 2; Community Social Planning Council of Toronto, mémoire, 8 avril 2008, p. 2.

[126]         STATUS Campaign, mémoire, juin 2006, p. 1. Mennonite New Life Centre of Toronto, mémoire, 28 mars 2008, p. 2; Travailleurs canadiens de l’automobile, mémoire, 8 avril 2008, p. 4.

[127]         Parkdale Community Legal Services, mémoire, 8 avril 2008, p. 2; Félicien Ngankoy Isomi, mémoire, 10 avril 2008, p. 3.

[128]         Félicien Ngankoy Isomi, mémoire, 10 avril 2008, p. 3.

[129]         Abtron of Canada Inc., mémoire, 7 avril 2008, p. 1.

[130]         M. Ken Sy, spécialiste en immigration pour la communauté chinoise, Abtron of Canada Inc., Témoignages, réunion 24, 7 avril 2008, 1515; Congrès Hispanic Canadien, mémoire, 8 avril 2008, p. 2.