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SECU Rapport du Comité

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Partie 2 : CE QUE LE COMITÉ A APPRIS SUR LA MISE EN ŒUVRE DES RECOMMANDATIONS FAITES PAR LE JUGE O'CONNOR

A. Suivi des 23 recommandations découlant de l’enquête sur les faits

D’après les témoignages recueillis, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ont mis en œuvre l’ensemble des recommandations qui les concernent dans le rapport découlant de l’enquête sur les faits (ce qui représente au total dix et six recommandations respectivement)[8].

Des représentants du SCRS et de la GRC ont aussi informé le Comité que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) distribue désormais ses rapports annuels évaluant la situation des droits de la personne dans divers pays à la GRC, au SCRS et aux autres ministères et organismes qui peuvent interagir avec ces pays dans le cadre d’enquêtes, conformément à la recommandation 13 du juge O’Connor.

On a aussi dit au Comité, sans toutefois fournir des informations précises, que les six recommandations découlant de l’enquête sur les faits qui s’adressent directement au gouvernement ont été mises en œuvre. Le Comité n’a toutefois reçu aucune information relative à l’application de la recommandation 18. Cette recommandation prévoit que :

Les responsables consulaires devraient clairement indiquer aux personnes détenues à l’étranger les circonstances dans lesquelles l’information obtenue auprès des détenus peut être communiquée à d’autres personnes à l’extérieur de la Direction générale des affaires consulaires, avant de recueillir l’information.

Pendant l’examen du Comité, seule la GRC a déposé un document expliquant en détail les changements qu’elle a apportés en réponse à chacune des recommandations qui la concernent[9]. D’après les informations obtenues de la GRC, l’organisation a mis en application toutes les recommandations qui la touchent (soit 15 des 23 recommandations découlant de l’enquête sur les faits).

Si le Comité accueille favorablement les améliorations que la GRC a apportées à ses politiques et ententes à la lumière des constats du juge O’Connor[10], il s’inquiète néanmoins du fait que les nouvelles politiques et ententes n’ont pas fait l’objet d’un examen par un organisme indépendant, conformément à la recommandation 10 du juge O’Connor[11].

Dans son document, la GRC a indiqué que les pratiques et ententes de la GRC « sont sujettes à examen par la Commission des plaintes du public contre la GRC et par le vérificateur général du Canada ». S’il est vrai que le vérificateur général a les pouvoirs requis pour procéder à un tel examen, il faut reconnaître qu’il peut s’écouler un certain temps avant que ce dernier n’entreprenne un tel examen. Quant à la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP), le juge O’Connor confirme dans son rapport que l’organisme n’a pas les pouvoirs requis pour examiner efficacement la façon dont la GRC s’acquitte de son mandat. Le juge O’Connor reconnaît, tout comme plusieurs intervenants qui se sont prononcés sur le degré de surveillance inadéquat dont fait l’objet la GRC[12], que le pouvoir de recevoir des plaintes et d’enquêter sur ces dernières, bien qu’important, ne constitue qu’un des aspects d’un mandat de surveillance civile complet et efficace.

Compte tenu des pouvoirs limités de la CPP, le Comité aurait préféré que la GRC prenne l’initiative de soumettre ses nouvelles politiques et ententes à la CPP pour examen. Cet examen aurait permis d’attester que les changements apportés par la GRC se conforment aux objectifs visés par les recommandations. Le Comité déplore, en effet, que le président de la CPP, M. Paul Kennedy, ait dû noter dans son discours liminaire qu’il est dans l’incapacité d’informer le comité sur la mise en œuvre des recommandations, étant donné que son organisme ne possède pas le pouvoir général d’examiner ni de vérifier les politiques de la GRC. Voici ce qu’il a noté :

[l]a commission ne possède pas le pouvoir général d’examiner ni de vérifier des programmes, des politiques ou des activités de la GRC. Ces examens doivent faire partie d’un processus de plaintes […] En conséquence, je ne peux vous donner l'assurance aujourd'hui que la GRC a mis en œuvre les recommandations de M. le juge O'Connor ou que ses recommandations, pour peu qu'elles aient été mises en œuvre, sont respectées ou permettent effectivement la réalisation de leur objectif. [13]

Plusieurs témoins ont noté que la surveillance exercée sur la GRC est bien moins rigoureuse que celle dont fait l’objet le SCRS. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), dont la mission est de surveiller les activités du SCRS, est un organisme d’examen qui est considéré efficace. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité confie au CSARS de vastes pouvoirs d’examen et prévoit expressément la soumission des accords conclus entre le SCRS et des gouvernements étrangers ou des organisations internationales à cet organisme pour examen.

Le Comité comprend que la mise en œuvre des recommandations découlant de l’enquête sur la politique rendrait obsolète la recommandation 10 du juge O’Connor, puisque l’organisme de surveillance qu’il recommande posséderait de larges pouvoirs d’examen, similaires à ceux du CSARS. Cette question est discutée dans la prochaine section du rapport.

En somme, les informations recueillies pendant l’examen ne permettent pas au Comité de déterminer avec certitude si les modifications apportées par les organismes de sécurité et de renseignement rencontrés respectent ou non les objectifs visés par les recommandations de l’enquête sur les faits ou encore si elles sont suffisantes. La seule certitude qu’a le Comité, c’est que le gouvernement n’a mis en œuvre aucune des recommandations qui découlent de l’enquête sur la politique.

B. Suivi des 13 recommandations découlant de l’enquête sur la politique

Dans son deuxième rapport, le juge O’Connor présente 13 recommandations qui visent à combler les graves lacunes décelées en ce qui a trait au degré de surveillance dont font l’objet les organismes canadiens de sécurité et de renseignement. Il observe par exemple que certains ministères et organismes gouvernementaux ne font pas actuellement l’objet d’une surveillance indépendante de leurs activités de sécurité nationale; c’est le cas notamment de l’ASFC. Il conclut également que le degré de surveillance exercée sur la GRC est inadéquat, étant donné ses pouvoirs d’intrusion.

La voix du juge O’Connor vient s’ajouter à celle d’un grand nombre d’intervenants, dont celle du Comité[14], qui ont à plusieurs occasions exhorté le gouvernement à renforcer la surveillance civile des activités de la GRC[15]. Tout comme le juge O’Connor, le Comité estime que l’organisme de surveillance des activités de la GRC doit au moins détenir des pouvoirs comparables à ceux dont dispose le CSARS.

L’organisme que recommande de créer le juge O’Connor, appelé la Commission indépendante d’examen des plaintes contre la GRC et des activités en matière de sécurité nationale (CIE), aurait le pouvoir d’examiner toutes les opérations de la GRC et de s’assurer que l’organisation respecte la loi, y compris un accès étendu aux renseignements, le pouvoir de mener de sa propre initiative des enquêtes et de contraindre les entités ou personnes à produire des documents ou à témoigner.

La mise en œuvre des recommandations découlant de l’enquête sur la politique garantirait, par ailleurs, des examens indépendants et des enquêtes sur les plaintes pour l’ASFC, le MAECI, Citoyenneté et Immigration Canada, Transports Canada et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières. Pour garantir l’examen indépendant de ces ministères et organismes fédéraux qui échappent actuellement à l’examen de leurs activités relatives à la sécurité nationale, le juge O’Connor recommande à la CIE d’étendre son examen aux activités de l’ASFC, et au CSARS de prendre en charge l’examen des activités des quatre autres organismes mentionnés.

Le cadre de surveillance que recommande le juge O’Connor reconnaît l’intégration de plus en plus fréquente des enquêtes dans le domaine de la sécurité nationale. La création de passerelles législatives entre la CIE, le CSARS et le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (CST)[16] qu’il préconise permettrait « le partage d’information entre ces organismes d’examen, le transfert d’enquêtes, la conduite d’enquêtes conjointes, la coordination et la préparation de rapports »[17]. L’intégration de l’examen des questions de sécurité nationale serait aussi assurée par la création d’un Comité de coordination pour l’examen intégré des activités de sécurité nationale (CCEISN), composé des présidents de la CIE et du CSARS, du commissaire du CST et d’une personne indépendante qui agirait à titre de président du comité.

Le Comité sait que le gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises depuis 2006 à mettre en place une structure de surveillance indépendante en matière de sécurité nationale qui remplira les objectifs de base énoncés par le juge O’Connor. Cela étant dit, le Comité est vivement préoccupé par le fait qu’aucune des recommandations émanant de l’enquête de la politique n’a jusqu’à présent été mise en œuvre. Il faut savoir que lors de sa récente comparution sur l’étude du Budget principal des dépenses en Comité, le ministre de la Sécurité publique n’a donné aucun détail sur le modèle de surveillance qu’il entend mettre en application. Il a plutôt informé le Comité de sa décision d’attendre les résultats de la Commission d'enquête relative aux mesures d'investigation prises à la suite de l'attentat à la bombe commis contre le vol 182 d'Air India avant de procéder à des changements à cet égard. Voici ce qu’il a soutenu :

Je vais être franc avec vous. Parmi les commissions d'enquête que vous avez citées figurait celle du juge John Major sur la tragédie d'Air India. Cette commission a terminé ses travaux, mais nous attendons son rapport. En tant que ministre de la Sécurité publique, j'ai préféré ne pas apporter de changements avant que nous ne puissions bénéficier de ses conseils au sujet des problèmes qui se sont posés et des solutions qu'il préconise, dans la mesure où il peut nous conseiller à ce sujet. Voilà pourquoi, même si nous avons fait énormément de travail sur ce plan-là et si nous sommes en mesure d'établir très prochainement un nouveau mécanisme de surveillance vraiment complet, je crois sage et prudent d'attendre les recommandations du juge Major. Voilà où nous en sommes pour le moment[18].


[8]              La liste complète des recommandations découlant de l’enquête O’Connor figure à l’annexe C.

[9]              La GRC a depuis publié son document sur son site Internet. Le document est disponible à l’adresse suivante : http://www.rcmp-grc.gc.ca/nsci-ecsn/oconnor-fra.htm.

[10]           Dans son rapport en mars 2009, la vérificatrice générale du Canada note les améliorations apportées par la GRC en ce qui a trait aux contrôles internes des enquêtes relatives à la sécurité nationale. Elle note que « la GRC gère mieux qu’avant ses opérations relatives à la sécurité nationale ». Chapitre 1, « La sécurité nationale : l’échange de renseignements et d’information », mars 2009.

[11]           La recommandation 10 stipule que « les pratiques et ententes de la GRC en matière de partage d’information devraient être sujettes à un examen par un organisme indépendant ».

[12]           Notamment David Brown, qui a été chargé de l’enquête sur les allégations concernant les régimes de retraite et d’assurances de la GRC (2007), la vérificatrice générale du Canada (2003 et 2009) de même que l’ancienne présidente de la CPP, Shirley Heafy, Témoignages, 24 mars 2009.

[13]           Paul Kennedy, Témoignages, 5 mars 2009.

[14]           Rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Étude sur l’arme à impulsions électriques TaserMD, 39e législature, 2e session, juin 2008.

[15]           La nécessité de mettre sur pied un organisme d’examen indépendant des activités de la GRC qui serait doté de vastes pouvoirs a été relevé non pas seulement par les juges O’Connor et Iacobucci, mais également par David Brown qui a présidé le groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC (Une question de Confiance — Rapport de l’enquêteur indépendant sur les allégations concernant les régimes de retraite et d’assurance de la GRC, 14 décembre 2007) de même que l’actuel et l’ancien président de la CPP, pour ne nommer que ceux là.

[16]           Le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications a pour mandat de surveiller les activités du Centre de la sécurité des communications.

[17]           Un nouveau mécanisme d’examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale, Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar, 2006.

[18]           L’hon. Peter Van Loan, Témoignages, 2 avril 2009.