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AANO Rapport du Comité

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2. HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES DU NORD[14]

Comme nous le montrerons dans les prochaines parties du présent rapport, diverses circonstances économiques, politiques et sociales ont marqué le développement économique des territoires du Nord. Pour mieux en comprendre l’origine, il est utile d’examiner le développement économique des territoires du Nord.

Peu après la création de la Confédération, en 1870, le gouvernement du Canada, nouvellement établi, acquiert du gouvernement britannique le Territoire du Nord-Ouest et achète les avoirs fonciers de la Compagnie de la Baie d’Hudson; ces territoires sont dès lors appelés les Territoires du Nord-Ouest. En 1880, le gouvernement britannique effectue un autre transfert : les îles de l’Arctique viennent s’ajouter à ces territoires. À diverses époques, les Territoires ont regroupé l’Alberta, la Saskatchewan, le Yukon et la majeure partie du Manitoba, de l’Ontario et du Québec.

Aux termes de la l’article 4 de la Loi constitutionnelle de 1871, le gouvernement fédéral « peut prendre des mesures relatives à l’administration des territoires non compris dans les provinces existantes, à la paix et à l’ordre dans leurs limites ainsi qu’à leur bon gouvernement[15] ». Contrairement aux provinces, les territoires sont donc assujettis à la gouvernance et à l’autorité législative du gouvernement du Canada.

La vision initiale du développement économique du Canada est exposée dans ce qui est devenu la politique nationale de 1879, qui visait à soutenir le développement d’une base industrielle dans le centre du Canada, de l’arrière-pays agricole dans l’Ouest et d’un système de commerce intérieur dans l’ensemble du pays. La construction d’un chemin de fer transcontinental a permis la colonisation des plaines de l’Ouest et l’instauration d’une force de l’ordre. La politique fédérale appliquée aux régions nordiques de l’Ouest reposait sur des principes de développement minier semblables à ceux qui s’appliquaient à l’agriculture : la Couronne accordait des droits de développement privé sous réserve de la mise en valeur des terres.

La politique nationale constituait la première stratégie élaborée par le gouvernement fédéral pour favoriser le développement économique du Canada; elle portait sur la colonisation de l’Ouest en général, mais elle visait plus précisément à déterminer le potentiel de développement économique du Nord canadien. En 1888, le Comité sénatorial des ressources du bassin de Mackenzie a réalisé une étude sur le potentiel économique des Territoires du Nord-Ouest et publié par la suite un « rapport des plus enthousiastes sur le potentiel des secteurs de l’agriculture, des pêches, des forêts, des mines et du pétrole[16] ». Bien que le développement des territoires du Nord ait suscité l’intérêt général à l’époque, aucune politique concertée n’a vu le jour.

D’importantes activités de développement économique ont commencé en 1896 avec la découverte d’or près de ce qu’on appelle aujourd’hui la ville de Dawson au Yukon. L’activité économique liée à la ruée vers l’or du Klondike était tellement intense qu’en 1898, la ville de Dawson comptait 40 000 habitants. C’est ce qui a amené le gouvernement du Canada à établir officiellement le territoire du Yukon en 1898 et à signer le Traité no 8 avec les Dénés la même année. La Police à cheval du Nord-Ouest y a été envoyée pour affermir l’autorité du gouvernement du Canada, et la Loi sur le Yukon prévoyait la nomination d’un commissaire en conseil chargé de l’administration du territoire. Par suite de modifications apportées à cette loi en 1908, le conseil est devenu une assemblée élue. En plus des nombreux habitants du Sud qui venaient s’établir temporairement au Yukon pour travailler dans l’industrie minière, des Autochtones étaient également embauchés pour effectuer des travaux de soutien et pour servir de guides durant les expéditions minières.

Le développement économique des territoires du Nord s’est quelque peu ralenti au tournant du siècle, après la ruée vers l’or du Klondike. Puis, comme c’est encore le cas de nos jours, le secteur de la production minière au Yukon a progressé avec le cours des minéraux sur le marché mondial. Entre-temps, l’activité économique dans les Territoires du Nord-Ouest s’est poursuivie de manière traditionnelle avec la Compagnie de la Baie d’Hudson et le commerce des fourrures. En 1921, au moment de la découverte de pétrole à Norman Wells dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fédéral a négocié le Traité no 11 avec les Dénés de la basse vallée du Mackenzie et du centre de la vallée. Des installations de production de pétrole ont été érigées à Norman Wells, et l’on a continué à extraire de l’or autour de Yellowknife dans les années 1930.

Avec la Deuxième Guerre mondiale, on s’est davantage intéressé au développement économique du Nord pour des raisons de souveraineté et de sécurité. Craignant la menace d’invasion par le Pacifique, les gouvernementaux américain et canadien ont créé la ligne d’étapes du Nord-Ouest, un réseau de terrains d’aviation s’étendant du sud vers les territoires du Nord et se terminant à Fairbanks, en Alaska. On a aussi construit la route de l’Alaska pour créer un axe de ravitaillement intérieur aux fins des opérations militaires. L’oléoduc Canol a été construit pour acheminer le pétrole de Norman Wells jusqu’au front pacifique de l’Alaska en passant par Whitehorse; un ensemble de routes praticables en tout temps et de routes d’hiver ont alors été construites le long de la vallée du Mackenzie, ce qui a créé de l’emploi pour les Autochtones. Après la Deuxième Guerre mondiale, pendant la guerre froide, la présence militaire dans le Nord a été maintenue; des programmes de recherche ont été menés dans le domaine de la défense, le Réseau d’alerte avancé a été créé et d’autres terrains d’aviation et sites de communication ont été aménagés.

Dans la foulée des activités de développement, des Autochtones ont été embauchés, mais des problèmes de santé et sociaux ont tôt fait de les éprouver parce qu’ils avaient davantage de contacts avec les habitants du Sud et qu’ils avaient délaissé leur mode de vie traditionnel. Dans le Sud, on a pris peu à peu conscience de la détérioration des conditions de santé et sociales des Autochtones du Nord, et le gouvernement fédéral a mis en œuvre des stratégies d’établissement et de rétablissement pour fournir des logements, des services de santé et des programmes sociaux; malheureusement, il a souvent aussi placé des enfants dans des pensionnats, ce qui a eu de graves conséquences négatives à long terme.

En 1957, le premier ministre John Diefenbaker a présenté un concept de développement du Nord appelé Vision nordique, dans lequel une « nouvelle politique nationale[17] » devait ouvrir le Nord. Comme ce fut le cas pour le blé de l’Ouest à l’ère de la Politique nationale initiale, les minéraux du Nord devaient constituer le moteur de l’économie nationale : crédits à l’exportation, emplois et possibilités d’investissement seraient offerts. Le gouvernement fédéral aurait pour rôle de faciliter l’exploitation des ressources. Un programme de routes territoriales et une politique de routes d’accès aux ressources (Roads to Resources) ont été annoncés; un chemin de fer menant à la mine Pine Point dans les Territoires du Nord-Ouest a été construit; et de nouvelles mesures réglementaires concernant le gaz et le pétrole ainsi que des incitatifs fiscaux ont été établis pour promouvoir l’exploration[18].

En 1965, après avoir mené des consultations dans l’ensemble des territoires, la Commission fédérale Carrothers a recommandé l’accroissement progressif de la responsabilité des territoires par l’entremise d’un gouvernement territorial. En 1967, on a déclaré Yellowknife capitale des Territoires du Nord-Ouest et nommé le premier commissaire à y occuper un poste permanent. Après la publication du rapport, bon nombre des responsabilités du gouvernement fédéral ont été transférées aux territoires dans les domaines de la santé, de l’éducation, des petites entreprises, des travaux publics, des services sociaux, de l’administration locale, de l’administration des aéroports et de la gestion des forêts.

À mesure que les gouvernements des territoires exerçaient un plus grand contrôle politique et que progressait le développement économique, les Autochtones du Nord ont commencé à constituer des organisations politiques pour affirmer leur citoyenneté et leurs droits territoriaux. L’exemple le plus frappant est l’opposition qu’ont manifestée les Autochtones, au cours des années 1970, au projet du gouvernement fédéral d’élargir l’accès aux ressources en gaz naturel du Nord par la vallée du Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest. L’opposition soutenue des Autochtones au développement du Nord a débouché plus tard sur l’établissement de traités modernes, sur l’inscription de leurs droits dans la Constitution et sur le remaniement des frontières et des institutions politiques du Nord.

De nouveaux systèmes de gouvernance étant instaurés, les efforts actuels de développement économique du Nord, guidés par la Stratégie pour le Nord qu’a élaborée le gouvernement fédéral en 2007, dépendent largement de la collaboration entre les gouvernements fédéral, territoriaux et autochtones, de même qu’avec les promoteurs du secteur privé.