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AANO Rapport du Comité

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4. DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL

Offrir des programmes pour stimuler la croissance dans une région mal préparée est un exercice absolument futile, et ultimement, voué à l’échec. Il faut mettre l’accent sur le développement des capacités au niveau local[22].

Mark Morrissey, Nunavut Economic Forum

Dans son discours du Trône du 27 octobre, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de mettre en œuvre une stratégie pour le Nord du Canada, visant à « aider le Nord à exploiter son plein potentiel à titre de région saine et prospère d’un pays fort et souverain[23] ». Dans le cadre de cette stratégie, le budget de 2009 prévoyait 50 millions de dollars sur cinq ans pour l’établissement d’une nouvelle agence de développement économique régional pour le Nord. Inaugurée le 18 août 2009, l’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor) fournit un soutien aux collectivités et aux entreprises du Nord grâce à un ensemble de programmes de développement économique, dont certains existaient déjà et ont été transférés du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) comme le Programme de développement économique des communautés et le Programme de développement des entreprises autochtones[24] :

  • Programme de développement économique des communautés : offrir un soutien financier aux collectivités des Premières Nations et inuites pour des initiatives de développement économique, dont la planification et le de renforcement des capacités, l’élaboration de propositions, l’obtention de ressources financières et la réalisation d’activités de développement économique.
  • Programme de services de soutien aux collectivités : financer la mise en œuvre de plans nationaux et régionaux pour offrir des services de soutien aux organisations de développement économique communautaire des Premières nations et des Inuits. Les services de soutien visent à augmenter la capacité économique des organismes communautaires à réaliser des projets ponctuels et des activités permanentes de développement économique.
  • Programme de création de possibilités économiques pour les collectivités : offrir un soutien axé sur les propositions/projets aux collectivités des Premières nations et des Inuits ayant recensé des possibilités de développement économique. Les activités de planification, les initiatives de recherche et de promotion, ainsi que les projets d’infrastructure économique devraient procurer d’importants d’avantages économiques aux collectivités.
  • Programme de développement des entreprises autochtones : favoriser la création et la croissance d’entreprises autochtones ou à participation majoritaire autochtone; collaborer avec les clients autochtones dans tout le Canada au moyen de contributions financières pour diverses activités, notamment la planification des affaires, l’aide aux entreprises, le démarrage, l’acquisition et le développement des entreprises, et le marketing.

CanNor est également responsable des Investissements stratégiques dans le développement économique du Nord, un programme d’une durée de cinq ans qui a été transféré d’AINC et qui est axé sur des projets de développement économique, de même que de divers programmes d’infrastructure et de développement des compétences nouveaux ou déjà existants[25]. CanNor abrite également le nouveau Bureau de gestion des projets nordiques, créé en mai 2010. Ce bureau est chargé de coordonner le travail des organismes de réglementation fédéraux, d’effectuer le suivi des projets, de fournir une orientation et de tenir un dossier des consultations sur les projets d’exploitation des ressources du Nord.

Des témoins ont dit au Comité que la création de CanNor est un pas positif vers l’amélioration des initiatives de développement économique dans le Nord. On espère beaucoup que cet organisme facilitera le développement économique du Nord en tenant compte des besoins des habitants et des circonstances qui leur sont propres. Les habitants du Nord ont signalé que le gouvernement fédéral ne doit pas hésiter à les consulter et à collaborer avec eux. Voici un aperçu de certaines des questions les plus importantes qu’ont exposées les témoins relativement aux programmes de développement économique susmentionnés.

Cogestion

Des témoins ont indiqué au Comité qu’on a peu consulté les habitants du Nord au sujet de la Stratégie pour le Nord et de la création de CanNor de sorte que leurs mandats respectifs semblent refléter les vues et les aspirations du Sud plutôt que les besoins des habitants du Nord. Par exemple, Steve Nitah, chef de la Première nation des Dénés Lutsel K’e, Akaitcho Treaty 8 Dene, a indiqué :

[L]es chefs dénés auraient dû être invités à participer dès le début à l’élaboration de la structure, de la politique et des priorités de cette nouvelle agence[26].

De même, Richard Runyon, de la Chambre de commerce de Whitehorse, a indiqué :

[...] les programmes fédéraux sont conçus à Ottawa par des gens qui, bien souvent, ne connaissent que très peu de choses à propos des communautés rurales du Yukon, ou alors des gens qui s’y sont rendus à titre de visiteurs. Le résultat, c’est qu’il existe souvent un décalage entre la manière dont le financement versé par le programme peut être utilisé et la possibilité d’utiliser les sommes de la manière prévue dans un environnement où les ressources humaines sont limitées[27].

Compte tenu de ces préoccupations, les habitants du Nord préconisent une formule de cogestion des programmes fédéraux pour l’élaboration d’un plan de développement économique commun qui leur donnerait une plus grande autonomie. C’est également le point de vue du Comité national de développement économique de l’Inuit Nunangat (NEDCIN), comité mixte fédéral-inuit établi pour gérer l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes de développement économique. On souhaite ardemment que CanNor siège à ce comité et l’on a recommandé ce qui suit :

Le Comité national de développement économique de l’Inuit Nunangat et CanNor devraient conclure officiellement une entente pour établir les modalités de gouvernance nécessaires à la gestion des programmes fédéraux de développement économique[28].

Bon nombre de témoins considèrent que la participation active des habitants du Nord à l’élaboration des programmes et des politiques qui les touchent est un facteur important du développement économique durable dans le Nord. Par des mesures de cogestion, les habitants du Nord peuvent devenir des actionnaires dans leurs collectivités, et le développement peut s’orienter non plus vers les emplois et le revenu mais vers la création d’une nation. Comme l’a expliqué Keith Martell, de la Banque des Premières Nations du Canada :

[...] les gouvernements devraient surtout s’employer à créer un environnement où le développement économique a les meilleures chances possibles de se réaliser. Pour ce faire, il faut d’abord et avant tout modifier la démarche gouvernementale à l’égard du développement économique. J’ai pu constater le succès des Premières nations qui ont modifié leur approche du développement économique pour en devenir les facilitateurs plutôt que les exécutants, grâce à la création d’un milieu propice[29].

Modalités de financement des programmes de développement économique des communautés

Dans une vérification effectuée au printemps de 2010, la vérificatrice générale du Canada constate un manque d’orientation dans les programmes et politiques de développement économique de longue date, transférés par AINC au moment de la création de CanNor en août 2009. La vérificatrice générale a formulé la recommandation suivante :

L’Agence canadienne de développement économique du Nord devrait clarifier les objectifs de ses programmes de développement économique [...] et se doter d’une stratégie pour la mise en œuvre des programmes fédéraux, prévoyant qu’il faudra notamment déterminer les besoins et les lacunes, formuler des objectifs clairs et cohérents, mesurer les résultats de manière concrète et présenter des rapports clairs à cet égard[30].

Des organismes inuits ont tiré des conclusions semblables, comme l’a fait observer Gordon Miles, coordonnateur de NEDCIN, dans son témoignage devant le Comité. Des organismes inuits ont pris connaissance des préoccupations des habitants du Nord en ce qui concerne le piètre suivi des programmes fédéraux, maintenant effectué par CanNor. NEDCIN indique en particulier que les programmes fédéraux de développement économique des communautés « ne sont pas du tout adaptés au contexte des revendications territoriales globales et ne permettent pas de suivre d’importants indicateurs de résultats[31] ».

En ce qui concerne l’absence de suivi du rendement des programmes de développement économique des communautés d’AINC dans le Nord, de récentes évaluations de ces programmes font ressortir le manque d’attention porté à l’augmentation des coûts pour les entreprises œuvrant dans le Nord. Par exemple, dans une évaluation de ces programmes réalisée par AINC en janvier 2010, il est indiqué en conclusion, sauf exceptions, que :

La méthode de financement issue d’une formule basée sur la population utilisée pour le Programme de développement économique des communautés désavantage les petites collectivités […], lesquelles reçoivent souvent une quantité insuffisante de fonds, ce qui les empêche d’embaucher un agent de développement économique qualifié à temps plein[32].

Les organismes de développement économique communautaire du Nunavut acceptent cette conclusion. Dans leur mémoire au Comité, ils ont indiqué :

Bien que le gouvernement fédéral reconnaisse la nécessité de faire des réserves réalistes pour la prestation de ses propres services, afin de tenir compte des coûts plus élevés pour les entreprises au Nunavut [par l’application de la Directive sur les postes isolés et les logements d’État[33]], il ne reconnaît pas cette réalité dans les ententes avec les organisations inuites chargées d’administrer des programmes et d’offrir des services en son nom[34].

De plus, des témoins ont expliqué comment l’absence d’ententes de financement pluriannuelles pour les programmes de développement économique des communautés entrave le développement des collectivités du Nord. Par exemple, dans un mémoire présenté par les membres inuits de NEDCIN, il est indiqué :

Les renouvellements à court terme amenuisent la capacité des organismes, les exposent à un niveau inacceptable de risque financier et ont des effets négatifs directs et mesurables sur les résultats des programmes[35].

Des témoins se sont également dits préoccupés par le moment où le gouvernement fédéral accorde une aide financière dans le cadre des programmes de développement économique des communautés. Bon nombre d’entre eux ont signalé que les paiements ne sont pas synchronisés avec les ravitaillements annuels par mer et que cela peut occasionner des délais et des coûts plus élevés pour les collectivités. Comme l’a mentionné Mark Morrissey, du Nunavut Economic Forum :

[L]e financement pour un nouvel exercice est souvent retenu, en attendant que soient présentés des rapports d’activités et, dans bien des cas, des états financiers vérifiés. En réalité, à tout le moins ici au Nunavut, bien des organisations ne sont pas en mesure de fournir des états vérifiés avant le mois de septembre. Dans ces conditions, les organisations qui souhaitent se servir du financement qu’elles obtiennent pour acheter de l’équipement et des fournitures ont déjà dépassé les dates limites pour le ravitaillement par mer, et se voient contraintes de faire expédier les marchandises dont elles auront besoin par voie aérienne, à un coût beaucoup plus élevé[36].

Cette situation pose également problème lorsque des contrats sont mis en suspens ou sont perdus à cause des longs délais. Comme l’a expliqué Rick Karp, de la Chambre de commerce de Whitehorse :

La frustration se manifeste localement lorsqu’on a affaire à Ottawa dans le sens où les demandes à ce niveau doivent faire l’objet de certaines approbations et que cela prend du temps. Nous voici en novembre, il y a trois programmes auxquels nous travaillons, et nous attendons toujours de recevoir le financement[37].

Accès au financement

Pour obtenir du financement, nombre d’entreprises et d’organismes communautaires autochtones du Nord recourent au programme de développement des entreprises autochtones, mais se tournent aussi vers le secteur privé. Les témoins reconnaissent l’importance du soutien accordé dans le cadre du Programme, mais ils estiment qu’il gagnerait à être amélioré de manière à rendre le financement traditionnel plus accessible et mieux adapté aux besoins des collectivités. Selon Peter Johnston, chef du conseil Teslin Tlingit :

Les prêteurs traditionnels, par exemple les banques, exigent que les premières nations garantissent la plupart des prêts qui leur sont consentis. Les gouvernements et les entreprises des premières nations n’ont pas suffisamment accès aux programmes gouvernementaux dont nous avons besoin pour créer des capacités au sein de nos communautés et offrir à celles-ci l’important capital dont elles ont besoin[38].

L’impossibilité d’obtenir des fonds auprès des banques traditionnelles dans le Nord est principalement due au fait que ces institutions croient que les entreprises autochtones du Nord présentent un risque élevé parce qu’elles n’ont généralement pas assez de capitaux propres ou de liquidités selon la procédure d’octroi de crédit établie.

Stephen Mills, de la Vuntut Development Corporation, a proposé une solution pour élargir l’accès au financement. Selon lui, il est nécessaire d’accroître le soutien fédéral accordé pour des agents de développement économique communautaire, compte tenu des réductions de financement touchant les programmes de développement économique communautaire. Il a indiqué à cet effet que « [c]es agents fournissaient une aide précieuse à l’échelle communautaire » : ils aident les entrepreneurs à obtenir du financement[39].

Todd Noseworthy, de la Northwest Territories Community Futures Association, abonde dans ce sens et ajoute qu’il conviendrait d’élargir les fonctions des agents de développement économique communautaire dans le Nord pour qu’ils offrent aux entrepreneurs une formation concernant la gestion d’entreprises. M. Noseworthy a d’ailleurs précisé :

De nombreuses entreprises de petite taille et de taille moyenne ont une pénurie de main-d’oeuvre compétente et n’ont pas la capacité de tirer avantage ne serait-ce que des petites occasions, et souvent, elles ont besoin d’une aide intensive et individualisée[40].

Résumé du développement économique général et recommandation clé

Le Comité convient avec les témoins que la création de CanNor est un pas important dans la voie de la prospérité économique du Nord. Cette agence de développement régional autonome est bien placée pour coordonner et offrir les programmes et les services de développement économique existants. Nous convenons aussi avec les témoins que CanNor étant maintenant bien établie, elle doit consulter les gouvernements des territoires, les dirigeants autochtones et d’autres intervenants pour adapter les activités et les programmes aux besoins particuliers du Nord et aux circonstances propres à chaque territoire. Il faut tenir compte des besoins, des points de vue et des aspirations des habitants du Nord dans l’élaboration des politiques et des programmes de développement économique du Nord.

Compte tenu des témoignages, le Comité est d’avis qu’il faut chercher à mieux exploiter le potentiel de développement économique du Nord. Tout au long de l’étude du Comité, des témoins ont dit que le principe de cogestion est un important facteur de réussite des initiatives de développement économique. Ce n’est qu’en faisant appel aux habitants du Nord que les parties auront l’assurance qu’on tient compte de leurs points de vue dans les programmes et les politiques de développement économique du Nord. Ainsi, les politiques et les programmes de développement économique ont plus de chances de donner les résultats et les avantages escomptés, qui tiennent ocmpte des besoins particuliers des habitants du Nord. Pour qu’il soit possible de trouver des solutions plus complètes qui rallient l’ensemble des parties, le Comité recommande :

Recommandation 1

Que CanNor collabore encore avec les gouvernements des territoires, les dirigeants autochtones et d’autres intervenants dans le Nord pour élaborer, d’ici la fin de l’exercice 2011-2012, un mécanisme officiel de collaboration entre gouvernements fédéral, territoriaux et autochtones, afin que les activités et les programmes tiennent compte des besoins particuliers du Nord.