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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 032 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1550)  

[Traduction]

    C'est la 32 e séance du Comité permanent des anciens combattants. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudierons le stress lié au combat et ses conséquences sur la santé mentale des anciens combattants et de leurs familles.
    Avant de présenter nos témoins, j'aimerais savoir si nous pourrions dégager un consensus en raison du retard. Il y aura une sonnerie de 30 minutes qui retentira à 17 h 30. Pourrions-nous convenir de poursuivre la séance jusqu'à 17 h 45? C'est regrettable. Ce n'est pas la faute de nos témoins.
    Êtes-vous d'accord pour procéder ainsi?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Merci. La première partie de la réunion se poursuivra jusqu'à 16 h 50.
    Nous accueillons Pierre Daigle, ombudsman, et Mary McFadyen, avocate générale, pendant la première heure. Bienvenue à vous.
    Veuillez faire votre déclaration, s'il vous plaît.
    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Je souhaite d'abord remercier le comité de m'avoir invité cet après-midi à témoigner sur l'état de santé mentale dans les Forces canadiennes, plus particulièrement sur les traumatismes liés au stress opérationnel.
    Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport spécial de décembre 2008, les traumatismes liés au stress opérationnel demeureront un défi important pour les Forces canadiennes et une pénible réalité pour les soldats, les marins et les aviateurs canadiens et leurs familles, pendant les années à venir.

[Français]

    En juin 2009, le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes prévoyait que des 27 000 membres des Forces canadiennes qui avaient été envoyés en mission en Afghanistan, entre 2002 et 2008, environ 1 120 pourraient présenter des symptômes du syndrome de stress post-traumatique et 3 640 pourraient être aux prises avec certains troubles mentaux.
    Ces statistiques ne tiennent pas compte des membres des Forces canadiennes qui ont servi en Afghanistan après 2008 ni de ceux qui ont participé à des opérations militaires dangereuses et exigeantes avant la mission en Afghanistan, notamment les missions dans les Balkans, au Rwanda et ailleurs.
    À bien des égards, les traumatismes liés au stress opérationnel seront, selon moi, un défi générationnel pour le ministère de la Défense nationale, Anciens Combattants Canada et les Forces canadiennes et le gouvernement du Canada dans son ensemble.
    Je suis donc très heureux que le comité examine cet enjeu. Vos travaux seront extrêmement importants pour les militaires actifs, les anciens combattants et leur famille, qui ont donné tellement d'eux-mêmes au service du Canada.

[Traduction]

    Monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui de Mary McFadyen, notre avocate générale, qui travaille sur cet enjeu depuis déjà de nombreuses années. Mme McFadyen a été l'ombudsman par intérim pendant les 14 mois précédant mon entrée en fonction.
    Nous avons fourni aux membres du comité un document sommaire qui résume les travaux entrepris par notre bureau dans le domaine des traumatismes liés au stress opérationnel. Pendant les prochaines minutes, j'aimerais vous faire part de certains progrès qui ont été réalisés par le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes, et de plusieurs domaines qui requièrent leur attention de façon plus urgente. Je vais aussi communiquer les intentions de notre bureau au cours des mois à venir pour ce qui est des traumatismes liés au stress opérationnel.
    Avant de débuter, je veux vous faire remarquer que les données de recherche factuelles relatives aux traumatismes liés au stress opérationnel datent de 2008. J'ai assumé mes fonctions en 2009. Notre recherche date de 2008. Nous avons suivi de près la question, mais nous n'avons pas encore entrepris un troisième examen de suivi approfondi. J'estime toutefois que plusieurs des préoccupations soulevées par notre bureau en 2008 sont toujours d'actualité.
    Monsieur le président, depuis 2002, notre bureau s'occupe des enjeux importants en matière de santé mentale. Nous avons publié quatre rapports et formulé plus de 40 recommandations en vue d'améliorer les soins et les traitements reçus par les membres des Forces canadiennes qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique ou d'autres traumatismes liés au stress opérationnel.
    Dans notre rapport de décembre 2008, nous avons conclu que la Défense nationale et les Forces canadiennes ont réalisé des progrès dans le dépistage, la prévention et le traitement du syndrome de stress post-traumatique et d'autres traumatismes liés au stress opérationnel. Toutefois, nous avons aussi constaté plusieurs cas où leurs familles n'ont pas eu accès aux soins dont ils avaient vraiment besoin. De plus, les conséquences pour les personnes qui passent entre les mailles du système sont souvent désastreuses et persistantes.

[Français]

    Une de nos préoccupations les plus pressantes était la stigmatisation des militaires atteints du syndrome de stress post-traumatique ou d'autres traumatismes liés au stress opérationnel. Elle constitue toujours un vrai problème dans plusieurs établissements d'un bout à l'autre du pays. En effet, les fournisseurs de soins en santé mentale de toutes les régions du Canada estiment qu'il s'agit là d'un des plus grands défis actuels des Forces canadiennes.
    J'ai donc accueilli favorablement le lancement de la Campagne de sensibilisation à la santé mentale à l'été de 2009. Cette campagne vise justement à régler le problème de stigmatisation auquel font face les militaires atteints de traumatismes liés au stress opérationnel.
    C'est avec plaisir que j'ai constaté certaines des autres initiatives prises par la Défense nationale depuis que nous avons publié notre dernier rapport spécial en décembre 2008, notamment la création de l'Unité interarmées de soutien au personnel. Celle-ci assure une approche mieux coordonnée et intégrée en vue de traiter les traumatismes liés au stress opérationnel.

[Traduction]

    En même temps, nous savons qu'il y a des domaines qui demandent encore plus d'attention. Par exemple, la première recommandation de notre bureau dans notre rapport spécial de 2002 était que les Forces canadiennes mettent sur pied une base de données qui reflète exactement le nombre de membres des Forces canadiennes qui souffrent de maux causés par le stress.
    Sans données fiables, il est difficile de comprendre la portée et la gravité du problème et de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes nationaux efficaces pour aider ceux qui souffrent d'un traumatisme lié au stress opérationnel. Ces données pourraient aussi être utilisées pour cibler les initiatives d'éducation et de formation vers les besoins les plus marqués. J'ajouterais que ces données pourraient aider à mieux déterminer les besoins en matière de fournisseurs de soins et d'infrastructure additionnels. Il est regrettable que la Défense nationale ait été si lente à donner suite à cette recommandation.
    Les soins et les traitements offerts aux familles des militaires qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel est un autre enjeu que nous continuons de surveiller. En décembre 2008, notre bureau n'a pas été capable de trouver de preuves de l'existence d'une approche coordonnée, à l'échelle nationale, pour garantir un accès rapide à des soins et à des traitements médicaux aux familles des militaires qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique ou d'autres traumatismes liés au stress opérationnel. En effet, la disponibilité, la qualité et la rapidité des soins variaient énormément d'un établissement militaire à l'autre.
    Quand un membre des Forces canadiennes souffre d'un traumatisme lié au stress opérationnel, c'est toute la famille qui s'en trouve grandement éprouvée.

  (1555)  

[Français]

    Nous sommes toujours préoccupés par les problèmes de stress et d'épuisement professionnel dans la communauté des fournisseurs de soins militaires, notamment les aumôniers, les travailleurs sociaux, les médecins, les psychologues, les psychiatres ainsi que les infirmiers et infirmières en santé mentale.
    Monsieur le président, ces enjeux seront une priorité de notre bureau lors du lancement de notre troisième enquête de suivi sur les traumatismes liés au stress opérationnel dans les Forces canadiennes.
    Nous reconnaissons et applaudissons les progrès réalisés par les Forces canadiennes dans le dépistage, la prévention et le traitement des problèmes de santé mentale. Mais en même temps, étant donné le grand nombre de militaires qui en souffrent actuellement, et même du plus grand nombre prévu de militaires qui en souffriront, nous avons conclu que cet enjeu doit être examiné de nouveau par notre bureau.
    J'espère lancer cette enquête de suivi au cours des prochains mois.

[Traduction]

    Monsieur le président, comme je l'ai déjà mentionné, nous jugeons que les traumatismes liés au stress opérationnel seront un défi générationnel pour notre pays. Je suis donc heureux que votre comité se penche sur une solution pour relever ce défi.
    De plus, nous sommes prêts à fournir à votre comité toute l'aide que nous pouvons apporter.
    Merci.
    Très bien.
    Nous allons commencer les questions. Je vais limiter votre temps à sept ou cinq minutes, ce qui comprend les questions et les réponses. Si je dois vous interrompre, je le ferai. Je vais respecter rigoureusement l'attribution du temps.
    Allez-y, madame Duncan, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    À nos témoins, merci infiniment d'être venus.
    J'aimerais parler de la base de données. Une base de données nationale est essentielle pour comprendre l'ampleur du problème. Elle nous permet d'évaluer les différentes interventions cliniques et peut servir à cibler les initiatives en matière d'éducation et de formation. Nous apprenons maintenant que cette base de données ne sera pas prête avant mars 2012. Pouvez-vous nous suggérer quelque chose pour suivre les données entre-temps?
    Je vais également vous interroger au sujet d'une stratégie nationale. Si vous pouviez dresser une liste de desiderata, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelles seraient la stratégie nationale et vos principales recommandations à cet égard?
    Merci.
    Monsieur le président, en ce qui concerne la base de données, comme je le disais, nous nous sommes déjà penchés sur cette question. Nous avons déposé notre rapport en 2008. Au cours des dernières années, il n'y a pas eu grand-chose à rapporter à cet égard. Cependant, je dois dire que depuis mon entrée en fonction en 2009, j'ai effectué des visites dans les bases, entre autres démarches.
    Il y a eu des progrès, comme la création d'unités interarmées de soutien au personnel dans diverses organisations afin de coordonner les soins et les services fournis aux membres et à leurs familles. Néanmoins, il semble plus facile pour le MDN et les FC de mettre sur pied une base de données sur les blessures physiques que sur les blessures psychologiques. Je n'ai pas les moyens de formuler des recommandations intelligentes à cet égard, mais il me semble qu'une base de données sur les personnes souffrant de traumatismes liés au stress opérationnel est essentielle.
    Comme bon nombre d'entre vous l'ont constaté, ce n'est pas un problème qui va disparaître de sitôt; il va augmenter avec le temps et imposera d'énormes pressions sur nos soins de santé et sur d'autres secteurs. Cette base de données serait très utile pour déterminer combien de personnes sont atteintes, non seulement pour pouvoir leur fournir les soins dont elles ont besoin, mais aussi pour déterminer les besoins additionnels en matière d'infrastructure et de fournisseurs de soins.
    Je pense donc que c'est important, et nous le demandons au ministère depuis huit ans afin qu'il ait cette base de données pour pouvoir traiter les traumatismes psychologiques le plus tôt possible afin d'empêcher le plus de suicides possible. Il n'y a pas nécessairement un lien entre les deux, mais il est certainement mieux de traiter le problème à l'origine plutôt que d'attendre à la fin.
    Qu'est-ce que vous aimeriez voir dans une stratégie nationale pour traiter les traumatismes liés au stress opérationnel? Si vous pouviez nous fournir une liste de desiderata, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelles seraient vos cinq principales recommandations?

  (1600)  

    Vous voulez dire des recommandations pour traiter le problème des traumatismes liés au stress opérationnel?
    Je veux dire des recommandations pour une stratégie nationale de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel.
    Comme nous le recommandions dans notre rapport, je dirais que les quatre éléments les plus importants pour suivre les données comprennent, premièrement, la base de données. Nous devons savoir combien de personnes souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel.
    Nous devons nous occuper de leurs familles, puisque la famille est considérée comme une entité nationale. Les familles jouent un rôle dans l'efficacité opérationnelle des membres des Forces canadiennes, et elles doivent donc être traitées comme un tout.
    Nous devons nous occuper des fournisseurs de soins de santé mentale, c'est-à-dire savoir combien il y en a au Canada et aussi savoir quels sont leurs besoins.
    Bien sûr, comme nous l'avons déjà mentionné dans le passé, nous devons également nous assurer que tous les éléments des Forces canadiennes, membres réguliers ou réservistes, sont traités de manière égale, car il y a des réservistes qui souffrent et qui passent entre les mailles du filet.
    Merci.
    Cela m'amène à la question du traitement. Nous constatons des écarts d'une région à l'autre. Il y a énormément de différences dans les délais d'attente à Halifax, à Valcartier et à Ottawa. Comme vous le disiez, il est important d'intervenir rapidement. Que pouvons-nous faire à cet égard?
    Par exemple, nous disons que le rapport entre les cliniciens et les 65 000 membres est de 1 pour 186, mais en réalité, il y a 32 psychiatres et 61 psychologues cliniciens. Comment pouvons-nous corriger les écarts entre les régions? Avons-nous besoin d'un plus grand nombre de professionnels de la santé mentale?
    Ce que j'ai appris à la suite de mes visites dans les bases — et j'ai visité des bases appartenant aux trois services —, c'est que nous ne pouvons pas nous imaginer qu'il y a une solution unique. Chaque région est différente. Lorsqu'il y a une réduction budgétaire, je pense qu'il ne faudrait pas qu'elle s'applique uniformément partout.
    D'après ce que j'ai pu constater jusqu'à présent, je dirais qu'il y a des centres où la demande en matière de formation de combat est plus élevée. Je songe notamment à Edmonton, à Valcartier et à Petawawa. Il y a d'immenses brigades déployées sur ces bases. Je ne dis pas que les autres ne paient pas le prix, mais que nous devons évaluer les besoins de chacune de ces organisations.
    Nous devons également nous assurer d'aider le fournisseur de soins. J'ai découvert que bon nombre de fournisseurs de soins font de moins en moins de travail clinique pour lequel ils ont été embauchés et de plus en plus de travail de bureau. Des médecins, des physiothérapeutes et des techniciens radiologistes répondent au téléphone et remplissent des formulaires. Ils accomplissent beaucoup de tâches qui les détournent des services cliniques de première ligne.
    Nous devons nous assurer, lorsque nous parlons de soutien médical, d'affecter des ressources suffisantes au bon endroit, de nous assurer que... Tout le monde dit que la demande sera très forte à l'avenir, et il serait donc insensé de réduire les budgets des services de santé mentale ou psychologique alors qu'on s'attend à une poussée de la demande.
    Merci.
    J'aimerais poser une dernière question sur la stigmatisation. En parlant avec...
    Madame Duncan, votre temps est écoulé.
    C'est le tour de M. André, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour, monsieur Daigle. Je suis heureux de vous entendre parler français et anglais. C'est intéressant, parce que ça nous permet de mieux comprendre quelquefois.
    J'aimerais poser quelques questions au sujet de certains témoignages que le comité a entendus.
    Prenons l'exemple de Frédéric Couture. Ce jeune homme est revenu d'Afghanistan amputé d'un de ses membres, malheureusement. Il a fait une tentative de suicide sur le théâtre des opérations, où il se trouvait avec quelques collègues. Par la suite, il a été hospitalisé.
    On a su, la semaine dernière, qu'il était revenue au Québec sans avoir reçu de soins d'ordre psychologique sur le théâtre des opérations. Vous connaissez l'histoire, j'imagine. Sa mère, qui le gardait, n'a jamais vraiment su ce qui s'était produit sur le théâtre des opérations. Finalement, il s'est enlevé la vie.
    J'imagine qu'en tant qu'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes vous avez entendu ce type de témoignages à de nombreuses reprises.
    Souvent, chez ceux qui en souffrent, le syndrome de stress post-traumatique ne sort pas comme un bouton sur le bout du nez un bon matin. C'est un processus qui inclut toute la question de la consultation et du dépistage chez la personne qui est au prise avec ce problème. En règle générale, ce sont les hommes qui sont aux prises avec ce problème, et on sait qu'ils consultent moins que les femmes.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, bien qu'on ait entendu des commentaires à ce sujet à plusieurs reprises. Lorsque quelqu'un fait partie de l'armée, on s'en occupe. Pourtant, lorsque quelqu'un quitte l'armée, on dirait qu'il n'existe plus, qu'il n'a plus accès aux services, qu'on ne tient pas compte de lui et de ses différents besoins, surtout ses besoins psychologiques.
    Avez-vous eu plusieurs plaintes à ce sujet?

  (1605)  

    Monsieur le président, je vais répondre aux questions qui sont beaucoup plus ponctuelles, parce que je les vis maintenant, alors que le rapport qu'on a publié date de 2008.
    Pour répondre à votre question, je dirai qu'on a actuellement des plaintes qui sont à l'étude chez nous. Ce que vous mentionnez, je l'ai senti lorsque j'ai visité certaines bases militaires.
    Premièrement, bien que le ministère ait lancé une campagne de sensibilisation en 2009, la stigmatisation existe toujours.
    Je rencontre des jeunes mères de famille qui me confient que jamais leurs maris ne voudront qu'elles disent qu'ils sont malades, parce qu'ils ne voudront pas s'avancer pour présenter cela. Lorsque ces personnes sont malades, leur premier répondant, leur premier fournisseur de services, c'est la famille. La femme et les enfants s'occupent du conjoint — ou le mari qui s'occupe de la conjointe. Ça en impose beaucoup aux les familles proprement dites.
    Il existe en ce moment des cas où des familles n'ont pas encore fait leur deuil

[Traduction]

    ... ils n'ont pas encore fait leur deuil...

[Français]

de leur époux ou de leur fils. Certains d'entre eux se sont suicidés, comme vous l'avez mentionné.
    On demande aux gens de venir à notre bureau pour ces choses. Alors, si vous en connaissez... On continue de suivre étroitement certaines de ces familles. Je corresponds avec le ministre à propos de ces dossiers.
    C'est une chose qui existe. Malgré la stigmatisation, les jeunes, vous avez raison, ne vont pas s'avouer qu'ils ont une faiblesse, car ils ont l'esprit guerrier.
    Les familles en souffrent beaucoup. Après un déploiement opérationnel, si les familles en ont besoin, que ce soit le plus proche parent, la mère, le père, l'épouse ou l'époux, on les réunit pour les débreffer. On présente alors à la famille les indicateurs à observer chez le membre de leur famille qui a été blessé.
    Monsieur Daigle, ce travail ne semble pas se faire dans plusieurs cas. Il ne semble pas y avoir de suivi dans un théâtre d'opérations, dans les cas qu'il m'a été donné de voir. Lorsqu'une personne fait une tentative de suicide, dans un premier temps, on doit intervenir et hospitaliser cette personne. On doit donner les soins psychologiques appropriés. C'est sûr qu'il y a une blessure physique, mais il y a aussi un problème psychologique, il y a un traumatisme. Cela ne semble pas se faire.
     Parallèlement à cela, lorsqu'un militaire revient ici après avoir quitté la base et l'armée, on ne semble pas non plus assurer un suivi auprès de ces personnes. La famille —  je suis d'accord avec vous —, c'est le premier répondant. Cependant, il me semble que la Défense nationale devrait avoir pour rôle de suivre ces personnes qui ont vécu des choses particulières sur le théâtre des opérations. Elle devrait appeler ces gens, les rencontrer à cinq ou dix reprises.
    Les cas dont on parle sont ceux de personnes qui n'ont reçu aucun coup de téléphone de la Défense nationale alors qu'elles ont vécu des situations de détresse et un traumatisme important — aucun coup de téléphone, aucun signe... Il me semble qu'il devrait y avoir des appels, des suivis automatiques. Si la personne refuse, c'est une chose, mais au moins on va forcer le...

  (1610)  

    Vous avez entièrement raison. C'est pourquoi il est tellement important d'essayer de faire tous les efforts possibles pour développer cette base de données. Elle permettrait de déceler le plus tôt possible ceux qui seraient sujets à des problèmes ou qui auraient besoin d'aide et ainsi de suite.
    Vous avez raison, le syndrome de stress post-traumatique ou le stress opérationnel peut apparaître plusieurs années après le retour de la personne. Il faut que les recours demeurent permanents. Ce n'est pas ponctuel, cela n'arrête pas quand la personne revient. Il faut faire tous les efforts pour déterminer quels sont ceux qui sont susceptibles d'en souffrir ou ceux qui en souffrent, de façon à leur donner de l'aide.
    D'ailleurs, l'aide doit continuer aussi. Beaucoup quittent les forces, deviennent des anciens combattants et seront malades plusieurs années après cela.
    Quant à la famille, bien entendu, il faut, selon moi, qu'elle soit...

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Stoffer. Vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux, Pierre et Mary, d'être venus aujourd'hui.
    Vous avez cité des chiffres. Vous avez dit qu'il y a 1 120 personnes qui présentent des symptômes de trouble de stress post-traumatique, TSPT, et 3 640 qui souffrent d'un trouble de santé mentale. D'où viennent ces chiffres?
    Mary pourrait peut-être vous en dire plus long à ce sujet, mais lorsque nous avons préparé notre rapport spécial en 2008, nous avons également témoigné devant le comité de la Chambre des communes. Ce comité a déposé un rapport en juin 2009, et c'est dans ce rapport que j'ai trouvé ces chiffres. Je ne sais pas si certains d'entre eux avaient été fournis par notre bureau, mais nous avons tiré les chiffres de ce rapport. Il y a de nombreuses personnes, en plus des représentants de notre bureau, qui ont témoigné devant ce comité.
    Merci.
     Je ne sais pas si vous avez eu la chance de le voir, mais dimanche dernier dans The Chronicle Herald, un journal de la Nouvelle-Écosse, il y avait un article très intéressant sur le personnel militaire qui a été plus ou moins forcé de quitter les Forces canadiennes.
    D'après moi, l'un des plus grands problèmes des militaires, c'est que lorsqu'ils ne sont plus aptes à être déployés, ils ne sont plus employables dans les Forces canadiennes. Comme ils le disent eux-mêmes, ils sont « chassés » des forces. Certains anciens combattants disent même que le MDN a refilé le problème au ministère des Anciens Combattants.
    Dans le secteur privé, où je travaillais auparavant, il y avait dans les lignes aériennes, ce qu'on appelait « l'obligation d'adaptation ». Lorsqu'une personne était blessée, la société était tenue d'essayer, du mieux qu'elle le pouvait, de prendre des mesures d'adaptation pour permettre à cette personne de continuer à travailler. Je ne sais pas si cette obligation s'applique aux Forces canadiennes, car le MDN a demandé à de nombreux employés qui croyaient être encore aptes à travailler de quitter les forces. Ils ont été libérés pour motifs médicaux en vertu de l'alinéa 3(b)d). Cela ajoute énormément de stress pour ces employés et leurs familles.
    Comme vous le savez, monsieur, le MDN, c'est une culture. C'est un mode de vie. C'est dans leur gène. C'est leur identité, et tout à coup, on leur enlève cela, pour une raison ou une autre, sans que ce soit de leur faute, à cause d'un traumatisme. Ils sont forcés de vivre dans un monde entièrement différent auquel ils ne sont plus adaptés depuis assez longtemps.
    J'aimerais que vous me disiez quelque chose. Si vous n'avez pas la réponse maintenant, pourriez-vous me la fournir plus tard?
    Premièrement, combien d'employés du MDN toujours en fonction reçoivent une pension du ministère des Anciens Combattants? Puis, au sujet de l'obligation d'adaptation, est-ce que le MDN fait suffisamment d'efforts pour garder les soldats blessés dans ses rangs, ou avez-vous constaté qu'on les pousse vers la sortie — une fois blessés, vous n'êtes plus bons pour le MDN?
    Toutes ces questions sont tellement importantes. Nous en prenons bonne note, car, comme je vous le disais, nous allons effectuer un troisième suivi de notre rapport.
    On me parle de l'obligation d'adaptation lorsque je visite les bases, et je vais approfondir cette question. Cela me semble lié à l'universalité du service. Le ministère doit prendre des mesures d'adaptation, mais si un employé ne peut plus remplir sa fonction opérationnelle, il est libéré.
    Je sais qu'on avait parlé d'ajouter le nom de ces employés aux listes prioritaires pour une mutation à la fonction publique et d'autres mesures de ce genre, mais cela en inquiète certains. Vous savez, même à la fonction publique, il y a des gens qui ne sont pas trop contents de voir ces anciens militaires prendre ce qu'ils considèrent être leurs emplois. Mais dans mes discussions avec ces personnes, je leur dis que les membres des forces armées ne demanderaient pas mieux que de rester en uniforme. C'est ce qu'ils veulent. Ce n'est pas eux qui demandent à être mutés ailleurs.
    Cela fait partie des conséquences de ces blessures physiques et psychologiques, et je me pencherai sur ces questions dans mon troisième examen de suivi.

  (1615)  

    Merci.
    Merci.
    C'est maintenant le tour de M. Kerr, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    J'aimerais revenir sur ce qu'a dit Peter Stoffer, car notre comité a beaucoup appris au sujet... Bien des progrès ont été accomplis et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, mais il reste beaucoup à faire.
    L'un des problèmes qui restent à régler est celui de l'aptitude à l'emploi; on a parlé de la Charte ou des responsabilités du ministère des Anciens Combattants, par exemple. Bref, il s'agit de maintenir en poste les militaires ou de leur trouver un nouvel emploi après leur retour d'une mission de combat.
    Vous avez dit que vous vous penchez sur la question. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long et résumer les prochaines étapes qui pourraient être évoquées dans le rapport dont vous parlez?
    Excusez-moi, mais il y a peut-être un malentendu. Nous n'avons pas encore commencé notre rapport de suivi. Ce ne sera que dans quelques mois.
    Je suis désolé. J'avais cru vous entendre dire que...
    Toutes ces questions se sont posées au cours des dernières années, et notre dernier rapport remonte à 2008. Il faudra l'actualiser et aborder beaucoup d'autres sujets. Voilà pourquoi j'ai décidé d'effectuer un suivi du suivi, ce que nous ne faisons normalement pas. C'est à cause de tous ces enjeux qui touchent la vie des gens.
    Très bien. Nous l'attendrons avec impatience, mais ce ne sera probablement pas avant un an.
    M. Pierre Daigle: En effet.
    M. Greg Kerr: Merci.
    Il y a quelque temps, notre comité a entendu l'ancien général Dallaire, maintenant sénateur. Il nous a décrit plusieurs cas très difficiles mais, comme vous l'avez dit, beaucoup d'améliorations ont déjà été apportées. Beaucoup de problèmes sont en voie d'être réglés, et vous nous avez rappelé que les progrès sont assez lents.
    Dans quels dossiers a-t-on fait de réels progrès, même s'il faut poursuivre le travail? Je vous pose une question très générale, mais j'aimerais situer le problème dans un contexte général.
    Je vous avoue que depuis la parution de ces trois rapports, c'est-à-dire celui de 2002, le rapport de suivi de décembre 2002 et celui de décembre 2008... Et il y en aura un autre, parce que le problème est très important et ne va pas disparaître.
    Je vous avoue qu'on écrit beaucoup de choses, mais qu'on fait très peu. Nous écrivons beaucoup de messages généraux des Forces canadiennes énonçant, « Nous ferons cela. Nous tracerons une politique pour remédier à ceci. » Toutefois, dans la réalité et sur le terrain, rien n'a encore été fait.
    Je suis désolé de le dire, mais dans certains cas, j'estime qu'une réponse démocratique ne suffit pas. Il faudrait accorder une plus grande priorité à certains problèmes.
    Il faudrait s'occuper beaucoup plus des familles. Elles n'obtiennent pas les soins et les services que nous leur promettons. Elles ne font pas partie des forces armées, mais elles sont touchées de très près par ce que vit le membre de leur famille faisant partie des forces armées.
    Cela me ramène encore à l'importance de la base de données. Nous prévoyons ce qui va arriver, mais à mon avis, nous ne faisons pas assez pour nous y préparer. En 2002, voilà huit ans, nous demandions déjà une base de données pour pouvoir évaluer l'ampleur du problème.
    Malgré toutes les réductions budgétaires, nous devons injecter de l'argent et des ressources pour augmenter le nombre de soignants, car il en faudra plus dans un avenir prochain. Le personnel soignant est très important. Nous déplorons tous les lacunes actuelles, mais sans un nombre suffisant de professionnels de la santé, rien ne va changer. La situation risque au contraire d'empirer, parce que les gens ne demanderont plus d'aide et on les perdra.
    D'où l'importance de cette base de données. Il faudra aussi répondre aux besoins du personnel soignant en lui retirant les tâches administratives pour qu'il puisse se consacrer aux fonctions cliniques pour lesquelles il a été recruté. Et bien entendu, il y a la famille dont il faut s'occuper. On ne peut plus dissocier ces enjeux de la famille, qui est un acteur essentiel de la situation et du défi.
    D'accord. Merci de votre franchise.
    Je vais céder la parole à M. Lobb.
    Vous avez trois minutes, monsieur Lobb.
    Merci, monsieur le président.
    À notre réunion du 23 novembre, nous avons reçu les lieutenants-colonels Stéphane Grenier et Rakesh Jetly. Ils travaillent pour le ministère de la Défense nationale, et j'imagine que vous les connaissez puisqu'ils s'occupent surtout du stress opérationnel et du stress post-traumatique.
    Leur témoignage était passionnant. Ils ont décrit les améliorations apportées jusqu'à maintenant et leurs objectifs pour l'avenir.
    Approuvez-vous l'orientation adoptée par ces deux personnes et le groupe pour lequel elles travaillent en matière de troubles liés au stress opérationnel?
    Excusez-moi, mais je ne suis pas très au courant de ce qu'ils ont dit devant votre comité.
    Comme je l'ai dit, depuis la parution de notre rapport assorti de 31 recommandations en 2002, certaines améliorations se sont produites au cours de ces huit années. On a mis sur pied le Projet de soutien social aux victimes de stress opérationnel, le SSVSO, fruit d'un partenariat entre le ministère des Anciens Combattants et les Forces canadiennes. En 2007 ou 2008, on a créé l'Unité interarmées de soutien du personnel afin de coordonner tous les services offerts aux membres, ce qui était une amélioration.
    Même si je n'ai pas lu le témoignage de ces deux personnes, je sais qu'il y a eu des progrès, et c'est ce que je dis. Il reste toutefois qu'il y a trois aspects essentiels qui n'ont pas beaucoup progressé et qui devraient être prioritaires, comme nous ne cessons de le dire.
    C'est pourquoi j'estime qu'il faut faire un suivi pour garder le cap, parce que l'avenir ne sera pas plus rose que ce qu'il en est à l'heure actuelle.

  (1620)  

    J'ai une question sur la formation, ce qui m'amène à un passage de votre rapport intitulé « Un long chemin vers la guérison ». On y parle de la formation et de l'éducation de tous les militaires. Cela englobe sans doute les soldats et les civils.
    Croyez-vous qu'à l'intérieur du système collégial et universitaire, il devrait y avoir des programmes spécialement conçus pour les psychologues, les psychiatres, les infirmières en santé mentale et les autres professionnels de la santé mentale pour qu'ils soient plus à même de répondre aux besoins de nos membres? D'après ce qu'on nous a dit jusqu'à maintenant, le gros de leur formation se fait sur le tas, et c'est très bien, mais pensez-vous qu'il faudrait resserrer les liens avec les établissements d'enseignement?
    Pour le personnel soignant?
    Oui.
    Une réponse très brève, s'il vous plaît.
    Je pense que nous devrions libérer les fournisseurs de soins de toutes les tâches administratives pour lesquelles ils n'ont pas été formés afin de leur permettre de se consacrer aux services cliniques. Il faut leur donner le temps de se perfectionner. À l'heure actuelle, il leur est difficile de prendre congé pour perfectionner leurs compétences grâce aux ateliers offerts par leur association professionnelle, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux pour s'absenter de leur poste. Nous devons les dispenser des tâches qui les détournent de leur fonction première et mettre l'accent sur leur fonction principale. Il faut aussi leur permettre de parfaire leurs connaissances afin de pouvoir bien soigner nos militaires.
    Merci.
    Madame Zarac, à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bonjour, monsieur Daigle. J'ai eu l'impression, en vous écoutant, que vous aviez bien saisi la réalité. Ces chiffres sont élevés, mais on sait pertinemment que ce n'est vraiment pas représentatif. On n'a pas tenu compte des réservistes, de ceux qui sont partis. Ce problème est alarmant.
    Vous mentionnez aussi que beaucoup trop de temps est alloué à l'administration. Ça signifie qu'il n'y a pas assez de ressources et qu'une augmentation des ressources nécessite un plus gros budget. Je comprends aussi le fait que vous ayez besoin d'une base de données. C'est ce qui va vous permettre d'augmenter le budget. On sait que des données sont perdues, entre autres parce que les vétérans ne parlent pas aux gens des Forces canadiennes. Créer une vraie base de données pouvant vous fournir de l'information pertinente et exacte va être très compliqué et coûteux. Or les budgets vont être restreints. Quand vous parlez de famille, ça résonne en moi. Les familles peuvent en effet aider les vétérans.
     J'aimerais que vous me disiez, sachant qu'il va y avoir des contraintes financières, quelles sont vos priorités.
    C'est un peu ça, le défi. Les soins apportés aux gens malades sont la priorité. On évalue les enveloppes budgétaires, on sait qu'il y a des gens malades, mais on ne sait pas combien il y en a. Il peut y en avoir plus qu'on pense et dans un, deux, trois ou quatre ans, il y en aura encore plus. Alors, si on commence à hypothéquer l'avenir en coupant les budgets maintenant, ça ne va pas régler le problème, ça va l'aggraver à plus long terme. Selon moi, la priorité est d'essayer d'identifier l'ampleur du problème et de faire une analyse un peu plus pointue pour savoir où sont les ressources, même si on se trouve dans une période de restriction financière. Il y a des secteurs qui méritent d'avoir plus d'argent que d'autres. Comme je vous le disais tout à l'heure, on adopte des approches one size fits all où tout le monde est traité de la même façon. Cependant, ça ne fonctionne pas comme ça. Il y a des secteurs qui sont sollicités beaucoup plus que d'autres, mais ils ont les mêmes ressources que les secteurs qui le sont moins. Donc, s'il y a un problème, il ne va pas disparaître; il va s'aggraver. Alors, si on est sérieux, il faut mettre les ressources au bon endroit. Je comprends qu'il y a des coupes, mais il ne faudrait pas qu'elles soient effectuées au détriment de ceux qui sont malades.

  (1625)  

    Où l'argent devrait-il être placé, selon vous?
    D'abord, il faudrait faire du dépistage, connaître les gens et, si des gens sont déclarés malades, il faut leur offrir plus de soutien et de services. Donc, il faut investir des ressources chez les fournisseurs de services de santé et ne pas oublier les familles, non plus.
    Vous aviez fait une recommandation en 2002 afin qu'il y ait une base de données. Vous dites que la Défense nationale est lente à réagir. Pour quelle raison la Défense nationale prend-elle autant de temps?
    Je ne le sais pas, madame. Il faudrait peut-être le lui demander.
     Il n'a jamais été question de ce retard avec les responsables à la Défense nationale?
    En 2008, on a demandé la même chose parce que c'était notre grande priorité, et on a souligné qu'il n'y avait pas eu d'amélioration à cet égard.
    Il y a peut-être de l'information à ce sujet dans le rapport que ma collègue a rédigé en 2008, mais on n'a pas fait de suivi depuis ce temps. Selon nos constatations, on sait que c'est bien difficile. On nous dit qu'il est difficile d'avoir une base de données en ce qui a trait aux maladies psychologiques. Il est possible d'en avoir une pour les maladies physiques, mais c'est difficile en ce qui concerne les maladies psychologiques. Je n'ai pas exploré le sujet davantage parce qu'on va faire un suivi.
    Donc, une base de données pour les maladies psychologiques est plus difficile à établir que pour les problèmes physiques. Pourriez-vous m'expliquer cela?
    Dans le cas de maladies physiques, le problème est évident si la personne a un bras ou une jambe fracturé. Tandis que dans le cas de maladies psychologiques, ce n'est pas évident. Je pense qu'il faut déterminer d'abord ceux qui sont à risque, ceux qui ont participé à des opérations de combat.
    Je n'ai pas plus d'information. Alors, c'est pour cela qu'on va faire un suivi. C'était notre priorité majeure en 2002, mais, huit ans plus tard, ce n'est pas encore mis en oeuvre. Alors, on va faire un autre suivi et, cette fois-ci, c'est important parce que de là découlent beaucoup de choses et de là vont résulter les priorités...
    Cette base de données va-t-elle vous permettre de faire le lien avec les réservistes et ceux qui ont quitté l'armée?
    On a fait un rapport séparé pour les réservistes. Je ne me souviens pas du titre en français mais, en anglais, c'était: Reserved Care: An Investigation into the Treatment of Injured Reservists. On a publié un premier rapport à peu près en même temps, je pense, dont on va faire le suivi.
    Ce sont des situations différentes parce qu'il y a des éléments qui ne sont pas nécessairement communs. On va faire le suivi du rapport au sujet des blessures des réservistes.

[Traduction]

    Merci.
    La parole est à M. McColeman, pour cinq minutes.
    Merci d'être venu aujourd'hui pour nous aider à mettre sur pied des programmes et des services à l'intention de nos anciens combattants dans les collectivités.
    Vous êtes manifestement très dévoué à votre travail. Au début de votre déclaration liminaire, vous avez abordé la stigmatisation, et tout comme l'ont fait d'autres témoins devant notre comité, vous avez signalé qu'il s'agit d'un des plus grands problèmes associés aux traumatismes liés au stress opérationnel. Vous avez également mentionné une initiative lancée pendant l'été de 2009, la campagne de sensibilisation à la santé mentale. Pourriez-vous nous décrire les grandes lignes de ce programme?
    J'aimerais aussi savoir ce que nous pourrions faire de plus, à votre avis, en pensant à l'avenir. Nous voulons veiller à ce que nos anciens combattants reçoivent les services dont ils ont besoin. Bien sûr, les militaires d'aujourd'hui sont les anciens combattants de demain. Comment notre comité pourrait-il intervenir de façon proactive pour les aider?
    Le Chef d'état-major de la Défense a lancé la campagne de sensibilisation à la santé mentale en juin 2009. Il l'a fait avec les Forces canadiennes pour sensibiliser les militaires, les membres de son unité et ses supérieurs. La stigmatisation n'est plus acceptable. Les gens ne doivent pas craindre d'être perçus comme faibles par les autres militaires s'ils demandent de l'aide.
    En dépit de cette campagne de sensibilisation, la stigmatisation existe toujours et l'état-major doit s'y attaquer parce que c'est en bonne partie de lui dont dépend la solution. J'en ai parlé avec des commandants, dont un m'a récemment dit: « Tout va bien maintenant, parce que plus personne n'est stigmatisé ». Je lui ai répliqué que je venais d'assister à une rencontre avec un grand nombre de ses militaires, et que la stigmatisation existait encore. Les hauts gradés doivent s'en rendre compte. Il ne suffit pas de sensibiliser les gens pendant une semaine à l'aide du slogan « Soyez la différence » et de s'arrêter là.
    On fait beaucoup de choses pour sensibiliser les gens, mais je me demande si l'ouverture d'esprit demeure par la suite. Nous n'avons pas encore atteint notre but et l'état-major doit s'occuper sérieusement et constamment de la question. Il faut sans cesse rappeler aux gens qu'il est tout à fait légitime de demander de l'aide et qu'il y a des services à leur disposition pour les aider. Il faut trouver des moyens de les aider pour leur travail dans l'avenir et ainsi de suite.

  (1630)  

    Vous avez mentionné la création d'une Unité interarmées de soutien au personnel. En quoi consiste-t-elle en fait? Quand sera-t-elle mise en place? Qu'en est-il de son efficacité et de sa stratégie future? Croyez-vous qu'un tel projet pourrait aider les victimes de troubles liés au stress opérationnel?
    Oui, je le crois. J'ai rendu visite à deux de ces unités et elles font du bon travail. Elles ont été créées par suite de nos rapports mettant en relief l'importance d'intégrer tous les soins et les services. C'est une bonne mesure qui permet d'aplanir certains obstacles sur le plan militaire. Les membres sont retirés de leur unité et mutés ou transférés à ce genre d'unité qui portait auparavant le nom de « liste d'attente spéciale pour fins médicales ». Les militaires qui, à cause de problèmes de santé, ne pouvaient pas faire leur travail étaient transférés à une unité distincte pour obtenir les soins dont ils avaient besoin. C'est une bonne formule qui a permis de faire des progrès et donne de bons résultats.
    Cette unité a été créée pour aider la famille à obtenir des soins et des services, mais j'ai certaines réserves quant à son fonctionnement. On oriente sans doute la famille vers les services offerts à l'extérieur de l'armée, mais sans lui donner directement du soutien et des services. C'est une bonne initiative et il y en a partout au pays, mais il faudrait parfaire la formule étant donné ce qu'on prévoit pour l'avenir.
    Merci.
    Monsieur Vincent, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Daigle.
    M. Pierre Daigle: Bonjour, monsieur.
    M. Robert Vincent: On n'entend jamais parler de tout ce qui se passe en ce qui concerne le syndrome de stress post-traumatique et le suicide au sein des Forces canadiennes. Si une blessure est apparente, il n'y a pas de problème, on répond aux besoins. Cependant, pour ce qui est de tout le reste, on ne le voit pas, on ne le sent pas. Personne ne veut nous en parler. Selon certains psychologues qui ont témoigné devant nous, il semble que la vie soit belle et que tout aille bien. Toutefois, dans la vie réelle, ce n'est pas ce qu'on entend.
    Ma question concerne directement les vétérans, surtout ceux qui sont encore membres des Forces canadiennes. On n'a pas touché beaucoup aux réservistes. Lorsqu'ils souffrent d'un trouble apparent ou de quelque chose de semblable, on les renvoie chez eux. Ces réservistes, qui ne font pas partie des Forces canadiennes, ne reçoivent aucun soin. Êtes-vous au courant de ce problème, à savoir que les membres de la réserve ne sont que des réservistes, qu'ils ne sont pas membres des Forces canadiennes et que, s'ils ne sont plus aptes à se rendre sur le théâtre des opérations, ils sont renvoyés chez eux et doivent s'organiser seuls? Est-ce ainsi que cela se passe?
    Parlez-vous de ceux qui sont malades ou des réservistes en général? Bien entendu, les coupes qui ont été annoncées en vue de diminuer le nombre de réservistes vont avoir des répercussions. Beaucoup de gens s'inquiètent, un peu partout sur les bases.
    Je parle de ceux qui ont participé à des opérations et qui souffrent vraiment de stress post-traumatique.
     L'une des difficultés est que la majorité des réservistes ne sont pas déployés dans des unités formées et intégrées, mais dans le cadre de troupes d'appoint. Quand ils reviennent d'un théâtre d'opérations, leur situation est très différente de celle des réguliers, qui demeurent encadrés par une unité. Les réservistes retournent dans leur unité d'appartenance. C'est dans la communauté. Le commandant de l'unité de réserve, qui sait que son personnel est revenu après avoir été déployé, a la responsabilité de s'assurer que ce personnel fait l'objet du même suivi que celui offert aux réguliers. Or il y a un manquement, à certains endroits.

  (1635)  

    Et voilà.
    Quand un réserviste est affecté aux opérations à titre permanent, il fait partie soit de la classe « B » soit de la classe « C ». Son statut est alors pratiquement le même que celui des réguliers. Lorsqu'il réintègre son unité, il se rend à son manège militaire une fois par semaine. Il réintègre la classe « A ». On dit à ceux qui commencent à souffrir de stress post-traumatique pendant cette période que, parce qu'ils font partie de la classe « A », ils doivent obtenir eux-mêmes des soins médicaux. Il s'agit alors d'une compétence provinciale.
     Dans le cadre du suivi des réservistes, on veut déterminer si ceux-ci vont être réintégrés dans la classe « B » ou « C », de façon à ce qu'ils aient un statut leur permettant d'être soignés, et ainsi de suite. Comme je le disais plus tôt concernant les SSPT et TSO, on fait un troisième suivi de ce dossier. On a fait un rapport sur les blessés et les blessures des réservistes, et on va faire un suivi de ce rapport.
    Monsieur Daigle, j'ai de la difficulté à comprendre comment des choses de ce genre peuvent se produire. Parce qu'on a besoin de militaires en Afghanistan, on fait appel à des réservistes, puis une fois qu'on les a envoyés là-bas, qu'on s'est servi d'eux et qu'ils sont revenus, on les traite comme de gros zéros. On les renvoie à leur unité et on leur dit qu'en matière de soins de santé, ils vont devoir avoir recours à ceux du Québec. Or on sait qu'au Québec ou ailleurs au Canada, il faut attendre des mois pour obtenir ces soins et que si on n'a pas de médecin attitré, la période d'attente peut être de six ou sept mois. Le fait est que ces personnes ont besoin d'un traitement immédiatement.
     D'après vous, y a-t-il des suicides dont l'armée n'est pas au courant? Est-il possible que plusieurs des personnes souffrant de ce problème n'obtiennent pas de soins et que l'armée les laisse de côté parce que ce ne sont que des réservistes?
    On n'a pas fait d'étude sur le suicide parce que les causes peuvent être multiples et qu'il est très difficile d'établir une relation de cause à effet pour de tels cas. C'est pourquoi on croit qu'en mettant fortement l'accent sur le diagnostic des blessures, on peut aider à éviter les suicides. Comme vous l'avez mentionné, même les statistiques que les Forces canadiennes nous ont remises concernent des gens qui se sont suicidés à l'intérieur des installations militaires. Dans le cas de ceux qui se sont suicidés après avoir quitté les Forces canadiennes, il ne nous est aucunement possible de savoir s'il y avait un lien.
    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes.

[Français]

    Je ne peux même pas comprendre comment les Forces canadiennes peuvent laisser tomber complètement des réservistes auxquels elles ont eu recours. Je trouve ça désastreux. Ces gens qui souffrent de stress post-traumatique ne sont pas encadrés, n'ont rien, sont laissés à eux-mêmes. Comment se fait-il que les Forces canadiennes n'aient pas pris ce problème en considération, d'après vous?
    Quand les réservistes reviennent d'un théâtre d'opérations, ils sont soumis aux mêmes procédures de post-déploiement, mais une fois qu'ils réintègrent leur unité, il y a beaucoup de manquements à cet égard.

[Traduction]

    M. Mayes est le suivant, pour la dernière question.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    Quand la Charte a été rédigée, elle avait notamment pour but de relier les Forces canadiennes au ministère des Anciens Combattants, afin que dès qu'un militaire canadien blessé est libéré, il y ait cette liaison avec les Anciens Combattants, les services et le soutien dont il pourrait avoir besoin.
    Avez-vous vu une amélioration dans les interactions entre le MDN et les Anciens Combattants?
    Je suis désolé, mais je ne crois pas pouvoir dire que j'ai vu une amélioration. Tout ce que je dis, c'est que des gens s'adressent toujours à nous. Certains retraités font appel à Anciens Combattants, et ils nous sont renvoyés parce que nous nous intéressons aux questions qui les préoccupent. Des gens s'adressent directement à nous. Les retraités des Forces canadiennes sont de mon ressort, mais ils sont des anciens combattants et s'adressent au ministère des Anciens Combattants, selon le problème.
    Nous avons encore ce genre de problème pour les libérations pour raisons de santé: il y a un délai d'attente entre le moment de la libération et la réception des prestations d'anciens combattants, par exemple.
    Je peux difficilement vous donner une évaluation juste, mais les gens continuent de soumettre certaines de ces préoccupations à notre bureau.

  (1640)  

    Est-ce qu'au départ de l'ancien combattant, on lui présente, à lui ainsi qu'à sa famille, les programmes et services de soutien existants? Ils peuvent ne pas s'en prévaloir immédiatement, mais sont-ils au courant des services offerts par Anciens Combattants, au cas où ils en auraient besoin?
    Je ne sais pas à quel point ils sont renseignés quand ils quittent les forces armées; il faudrait que je me renseigne sur le genre d'information qu'ils reçoivent sur une deuxième carrière, à leur départ.
    Je suis moi-même un retraité des Forces canadiennes, même si cela remonte à longtemps, et je sais certaines choses, mais je dirais que je n'ai pas reçu tant d'information.
    Je pense que c'est lorsqu'ils ont des problèmes que les retraités pensent à Anciens Combattants et qu'autrement, ils n'y pensent pas vraiment. Je crois donc que les explications ne sont pas suffisantes.
    Bien.
    A-t-on mené des recherches sur ce que font nos alliés? Y a-t-il dans d'autres pays des modèles à suivre, pour la transition et pour ce que nous faisons avec la Charte?
    Je dois vous dire que la Charte ne relève pas de ma responsabilité, alors je ne m'en occupe pas du tout. Pour ce qui est des préoccupations liées au TSPT et au TSO, la comparaison avec nombre de pays est avantageuse pour nous.
    J'ai participé à une conférence internationale annuelle des ombudsmen des forces armées, où sont représentés 20 pays, surtout européens. Nous nous penchons sur nos façons de fonctionner et de traiter les gens dont nous avons la responsabilité. Dans ce domaine, je dirais que par nos efforts, nous sommes une sorte de leader.
    Au sujet des anciens combattants, de la Charte et du reste, je suis désolé, mais ce n'est pas de mon ressort.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    J'ai une ou deux questions moi-même, comme président.
    Vous avez parlé d'une base de données. Comment la rendre compatible avec la Loi sur la protection des renseignements personnels? Pouvez-vous contraindre quelqu'un à s'inscrire dans la base de données? Je sais que dans le secteur privé, on ne peut vraiment forcer personne à faire quoi que ce soit. On pourrait inscrire quelqu'un à un programme, mais il pourrait immédiatement signer un document pour en être exclu.
    Comment pourriez-vous créer une base de données qui soit significative, qui respecte la Loi sur la protection des renseignements personnels tout en aidant les gens qui affirment ne pas avoir besoin d'aide?
    Monsieur le président, je vais vous répondre brièvement, mais avec votre permission, je voudrais que mon avocate générale ajoute quelque chose parce qu'elle est mieux au courant que moi.
    Vous avez tout à fait raison. Les gens qui s'adressent à notre bureau le font sous le sceau de la confidentialité, et si nous voulons utiliser leur nom ou révéler les renseignements qu'ils nous fournissent, nous devons obtenir un consentement écrit auprès d'eux. Quand des gens sont malades et qu'ils ne communiquent pas avec nous, nous ne pouvons pas intervenir auprès de leur famille en leur nom. Il faut que les gens communiquent avec nous. Les renseignements personnels sont très bien protégés.
    Vous avez raison. Si les gens ne communiquent pas avec nous, nous ne pouvons pas les forcer et leur dire: « Allez-vous nous dire quels sont les besoins de votre famille? », etc.
    Mary est la personne qui s'occupe de coordonner la protection des renseignements personnels et l'accès à ces renseignements. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, elle peut peut-être ajouter quelque chose.
    Entendu.
    Dans le premier rapport en 2002, et encore une fois en 2008, nous avons souligné la nécessité d'avoir des statistiques pour savoir combien de gens souffrent de troubles mentaux afin que les autorités sachent où affecter l'argent, la formation et les soins nécessaires.
    Si je ne m'abuse, les Forces canadiennes sont en train de mettre sur ordinateur des dossiers médicaux électroniques pour les avoir à leur disposition. Il leur faut plus de temps que prévu. On nous avait dit que ce serait prêt en 2009. Aux dernières nouvelles, ce sera prêt en mars 2012. Je pense que c'est ce qu'a confirmé un des sous-ministres, et ce sont les derniers renseignements qu'on nous a fournis.
    La collecte de renseignements privés est autorisée, mais il faut qu'elle soit utilisée de façon cohérente. Si les Forces canadiennes ont besoin de savoir combien de personnes souffrent de troubles physiques ou mentaux à une base militaire donnée, afin de savoir s'il leur faut embaucher plus de professionnels de la santé, je dirais que ce serait là un usage cohérent des renseignements. Les noms ne seraient pas divulgués, seulement les chiffres, à savoir combien de gens souffrent de tel ou tel trouble. Ce sont là des renseignements précieux.

  (1645)  

    Merci. Je vous remercie de vos réponses et de votre participation à cette séance fort intéressante aujourd'hui.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.

  (1645)  


  (1650)  

    Pouvons-nous reprendre nos places, s'il vous plaît?
    Madame la greffière, Brian était censé prendre la parole en premier. S'il n'arrive pas, Phil est prêt à intervenir. Nous ne savons pas où est Brian.
    D'accord.
    Nous accueillons M. Pascal Lacoste.
    La séance sera levée à 17 h 45. À 17 h 30, les lumières vont clignoter. Nous n'entendrons peut-être pas le timbre dans cette salle, mais les lumières vont clignoter pour nous avertir qu'un vote aura lieu. Il ne s'agira pas d'une alerte d'incendie. Nous laisserons les lumières clignoter pendant 15 minutes alors que la séance se poursuivra.
    Sur ce, monsieur, nous sommes prêts à vous écouter.

[Français]

    Merci beaucoup de me permettre de comparaître devant vous. Je l'apprécie énormément et je vous confirme que le simple fait d'avoir ouvert une commission d'enquête apporte beaucoup d'espoir dans le coeur des vétérans qui souffrent en silence chez eux.
    J'ai eu la chance de servir mon pays pendant 14 ans. Et si je n'avais pas été blessé en mission, je serais encore au service de notre beau pays. La dernière mission où j'ai eu l'honneur de servir était au Timor-Oriental; j'y étais en tant que fantassin airborne. J'ai été blessé, là-bas. Lorsque je suis revenu à l'aéroport de Québec, il n'y avait strictement personne pour m'attendre à l'aéroport. Pourtant, j'ai été rapatrié de l'Australie pour des raisons médicales. Je vous confirme que lorsque je suis arrivé à l'aéroport de Québec et que j'ai vu qu'il n'y avait personne, j'ai rapidement compris ce que c'est que de passer de héros à zéro.
    Cela m'a conduit à beaucoup de détresse, physique et psychologique. On sait que l'armée est un milieu où on se dit qu'on est le fort d'entre les forts, celui qu'on admire, redoute et respecte. Lorsqu'on devient un problème pour cause médicale, on n'a pas le goût d'en parler, parce qu'on aura à faire face, premièrement, au jugement des pairs et, deuxièmement, au jugement de la chaîne de commandement, qui se dira qu'on est un autre militaire qui n'a plus le goût de travailler. Malheureusement, je vous confirme qu'on a droit à cela.
    Malgré le fait que j'avais beaucoup de problèmes, autant physiques que psychologiques, je suis allé frapper à la porte de l'armée pour lui demander de l'aide. On m'a répondu que si j'en demandais trop, on allait me sortir parce que l'armée n'a pas besoin de cas problèmes dans ses rangs. Donc, tu marches ou tu pars. Ça ne donne pas le goût de vouloir de l'aide, donc, on avale ses problèmes et on essaie de continuer à marcher.
    Ensuite, quand on arrive devant le ministère des Anciens Combattants, on nous dit de prouver que notre état est dû au service, parce qu'il n'y a rien d'écrit dans notre dossier. Non, il n'y a rien d'écrit dans notre dossier, parce qu'on ne veut pas dire qu'on est malade, car à partir du moment où on est malade, on ne fait plus partie des héros, on fait partie des zéros.
    Je suis même allé frapper à la porte du ministère des Anciens Combattants pour dire que j'avais besoin d'aide psychologique, que j'avais peur de moi-même. Ce qu'un fonctionnaire m'a répondu en me regardant dans les yeux — excusez le terme —, c'était que j'étais un assisté social déguisé, en uniforme, qui voulait seulement un plus gros chèque. Il m'a dit de le laisser tranquille.
    Imaginez que vous êtes un soldat très opérationnel et que, en l'espace de neuf jours, vous tombez malade physiquement et mentalement. Vous n'êtes pas capable de vous comprendre vous-même et ça vous prend tout votre courage pour avouer que vous avez des problèmes médicaux. Le syndrome de stress post-traumatique n'est pas facile à avouer. J'avoue que j'ai une maladie psychologique. C'est excessivement difficile de se l'avouer à soi-même. Non seulement je me l'avoue, mais je vais chercher de l'aide, et l'armée me dit que mon stress est un stress lié à mon enfance.
    Ensuite, quand je vais au ministère de la Défense nationale, les fonctionnaires me traitent de personne qui veut un plus gros chèque d'assisté social parce que je suis déguisé, en uniforme. Ça ne donne pas le goût de retourner frapper à une porte pour demander de l'aide. Ça donne le goût de rester chez soi, de ne rien demander, parce qu'on se dit qu'on coûte cher et qu'on est gênant.
    On se demande pourquoi les militaires ne vont pas chercher d'aide. C'est parce qu'ils sont mal vus, ils ne sont considérés que comme une dépense. Quand on a signé, on n'a pas compté, on a tout donné ce qu'on pouvait donner. Ça m'a fait plaisir de le faire. Si c'était à refaire, j'y retournerais parce que j'aime mon pays. Lorsque le diagnostic de stress post-traumatique a fini par tomber, j'ai eu l'honneur, finalement, de recevoir des soins. C'était assez compliqué. Il a fallu plus de trois ans avant qu'on reconnaisse chez moi le syndrome de stress post-traumatique. Pendant ce temps, c'est ma conjointe qui me soutenait. Lorsqu'on dit que la famille est importante, c'est vrai.
    Lorsqu'on entre dans l'armée, tant qu'on est opérationnel, on nous dit qu'on est bon, qu'on est fort et de continuer, qu'on a confiance en nous, et on nous donne des défis. Ce que j'adore de l'armée, c'est qu'on nous en donne autant qu'on en demande, et autant qu'on en donne, autant on nous en demande. C'est excessivement motivant. Sauf que le jour où on tombe malade, on nous dit de ne pas déranger, qu'on ne veut plus entendre parler de nous. Donc, l'amour qu'on avait grâce à notre profession, notre métier, on ne l'a plus que grâce à notre réseau social.
    Mais il faut faire attention, le réseau social, la famille, tout ça a des limites. Ma conjointe a reçu un diagnostic de burn-out, parce que c'était la seule qui prenait soin de moi pendant que l'armée et le ministère des Anciens Combattants disaient que je n'avais pas de problème, que mon stress était lié à mon enfance. Je n'ai jamais utilisé de C7, pendant mon enfance, ni de sniper gun.

  (1655)  

    Finalement, on m'a hospitalisé à l'Hôpital Sainte-Anne, après que ma conjointe eut reçu le diagnostic de burn-out parce qu'elle avait pris soin de moi. C'était une femme saine d'esprit, une ambulancière de carrière. Elle avait donc déjà des connaissances médicales.
    J'ai été hospitalisé au seul hôpital pour vétérans du Canada, où il n'y a que quatre lits pour les gens de ma génération. Dans ces quatre lits, ils n'acceptent que ce qu'ils appellent des beaux cas. Si on a des problèmes de toxicomanie, de dépendance à la drogue, à l'alcool ou aux médicaments, ils ne veulent pas de nous. S'ils considèrent qu'on est agressif, ils ne veulent pas nous hospitaliser à Sainte-Anne-de-Bellevue. Donc, les seuls endroits où on peut aller, ce sont les hôpitaux civils. Lorsqu'on arrive, les employés des hôpitaux civils ont peur de nous parce qu'on a été étiquetés comme souffrant du syndrome de stress post-traumatique.
    Personnellement, je leur ai dit que j'étais une personne effrayée, que je n'avais pas envie de faire du mal à quiconque, que j'étais un homme fondamentalement doux, mais que j'avais peur. Je leur ai demandé de m'aider. Ils m'ont demandé quel était mon problème. Je leur ai répondu que je souffrais du syndrome de stress post-traumatique. Ils m'ont séquestré, couché dans un lit et ils m'ont injecté des calmants. Pourtant, je n'ai strictement rien fait, je n'ai absolument pas été violent. Je suis venu demander de l'aide volontairement. Quand on demande de l'aide et qu'on se fait séquestrer, ça ne donne pas le goût de demander de l'aide de nouveau. Tout ce qu'on a le goût de faire, c'est de se taire et ne plus dire un mot.
    Lorsque j'ai été hospitalisé à l'hôpital pour les vétérans pour des problèmes physiques, on m'a dit que je demandais trop de soins, qu'on ne pouvait pas m'aider à faire ma toilette, etc. J'ai répondu que l'hôpital accueillait des vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont tout mon respect, mais pourquoi eux avaient-ils droit à des soins, mais pas moi? On m'a répondu que ces vétérans étaient d'une autre génération, qu'ils avaient des droits, que les jeunes vétérans en avaient d'autres, mais pas les mêmes. Je suppose que les balles qui ont sifflé dans nos oreilles faisaient moins mal que celles qui ont sifflé dans les leurs. J'ai énormément de respect pour eux, mais je crois qu'on sert son pays selon sa génération, selon l'endroit où notre pays nous demande d'aller. Pourquoi serions-nous traités différemment d'eux quand nous avons besoin de soins? Pourquoi devons-nous aller mendier des soins?
    Malgré tout, j'ai transmis ma passion à ma conjointe, qui a intégré les Forces canadiennes à titre de réserviste. Elle a servi en Afghanistan. Elle est revenue au mois de novembre 2009. Je l'ai appuyée pendant 10 mois. Durant tout ce temps, lorsqu'on appelait les Forces canadiennes pour les informer que Sabrina ne se sentait pas bien, qu'elle faisait des crises d'angoisse, ces derniers me répondaient que je savais ce que c'était, que je devais la soutenir dans son épreuve, que j'étais fort et que je devais continuer. Après l'avoir soutenue durant 6 mois, malgré mon état de santé physique et mentale, ma conjointe et moi étions atteints tous deux du syndrome de stress post-traumatique. C'est déjà beaucoup de soutenir un conjoint. Dans ma situation, j'étais incapable de le faire, mais je l'ai fait par amour pour elle.
    Après 6 mois, Sabrina a tenté de se suicider. J'ai sacrifié ma santé physique et mentale pour mon pays, et j'ai failli lui sacrifier ma femme. C'est cher payé. Lorsque j'ai appelé les Forces canadiennes pour leur demander de m'aider et leur dire que j'étais le premier répondant et que j'étais en train de faire des manoeuvres de réanimation sur ma conjointe, on m'a répondu d'aller à un hôpital civil, qu'on ne pouvait rien faire pour moi. J'y suis allé.
    Rendu là, j'ai appelé le commandant de son régiment, car elle était une réserviste. L'ombudsman a dit tout à l'heure que cela faisait partie de la tâche du commandant. Elle s'est présentée à l'hôpital, mais tout ce qu'elle m'a dit, c'était qu'elle ne pouvait faire que des suggestions. C'est le ministère des Anciens Combattants qui décide qui doit être hospitalisé. Ma conjointe étant instable, elle n'avait pas le droit d'être hospitalisée dans le seul hôpital pour anciens combattants du Canada. Il fallait qu'elle soit hospitalisée dans un hôpital civil. Dans les hôpitaux civils, on nous a dit qu'elle souffrait du syndrome de stress post-traumatique, qu'on ne savait pas quoi faire d'elle et qu'il fallait qu'elle soit hospitalisée à l'hôpital pour anciens combattants. Où va-t-on? Personne ne veut s'occuper de nous. J'ai ramené ma conjointe chez moi et j'ai pris soin d'elle du mieux que j'ai pu, jusqu'à ce qu'on lui fasse le grand privilège de l'accepter à l'Hôpital Sainte-Anne, le seul hôpital pour anciens combattants au Canada. C'est trop tard, je ne suis plus capable de m'occuper d'elle. J'ai dû la quitter. On s'est dit qu'on s'aimait beaucoup, mais qu'on n'avait plus assez une bonne santé pour s'occuper l'un de l'autre.
    Sabrina est revenue de l'Afghanistan en novembre de l'an dernier. Aujourd'hui, le ministère des Anciens Combattants est toujours en train d'étudier la façon de nous aider. Désolé, c'est trop tard.

  (1700)  

    Sabrina est partie dans sa famille, en Beauce et, moi, je suis seul à la maison.
    Je ne suis pas le genre de personne qui va chialer pour le plaisir de le faire. Je vous confirme que j'ai eu énormément de temps pour réfléchir à des solutions réelles.
     Ça fait 11 ans que je me bats contre le ministère des Anciens Combattants du Canada pour avoir des soins — monsieur le député m'a énormément aidé dans mon dossier et je le remercie —, et c'est la première fois que l'on me demande, en tant que vétéran, ce que je pense qui serait bon pour moi. Je l'apprécie énormément car ça fait 11 ans que j'ai envie de le dire.
     Pourquoi le ministère ne nous pose-t-il pas simplement la question? C'est très simple: qu'il nous traite comme des humains.
     Certains disent qu'aller à la guerre, c'est le plus grand acte d'amour envers une personne: je suis prêt à mourir pour toi. Quand on revient au pays et qu'on demande de l'aide, après avoir été prêt à faire le plus grand sacrifice qu'il est possible de faire, on se fait répondre qu'on n'a pas d'argent pour les « BS » en uniformes qui veulent un plus gros chèque.
    J'ai même demandé aux fonctionnaires si je pouvais signer un formulaire disant que je n'ai pas droit aux pensions, mais que j'ai droit aux soins. Si le problème est un problème d'argent, que faut-il que je fasse pour qu'on me redonne ma dignité? J'attends toujours la réponse.
     Cela fait plus de 11 ans que je présente des demandes au ministère des Anciens Combattants et il est toujours en train d'étudier de quelle façon il pourrait nous aider.
    Dans ces conditions, croyez-vous que ça donne le goût aux militaires de dire qu'eux aussi sont malades? Non. La personne sera traînée dans la boue. C'est la loi du silence. Il ne faut pas dire qu'on est malade, parce qu'on va perdre notre job. Si quelqu'un vit un stress post-traumatique, plus personne ne voudra l'engager. Il ne faut pas faire cette erreur. Et on se passe le mot entre nous.
     Vous voulez connaître la vérité? Il faut nous laisser l'occasion de parler. Si un enfant parle et se fait punir chaque fois qu'il parle, il ne parlera plus.
     Voilà. Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci de votre témoignage.
    Mme Sgro sera la première à poser des questions.

  (1705)  

    Monsieur Lacoste, votre témoignage me fend le coeur. En tant que parlementaire, j'éprouve de l'embarras à entendre la façon dont on vous a traités, Sabrina et vous.
    Je souhaite dire à mon tour que je suis très reconnaissante au comité d'avoir entrepris cette étude car nous recueillons des témoignages que nous n'avons jamais entendus auparavant. Vous n'auriez jamais dû avoir à passer par là, encore moins votre chère épouse.
    À ce jour, quel genre de soins et quel genre d'appui vous donne-t-on? Nous sommes à la fin novembre. Monsieur Lacoste, quel appui vous offre-t-on aujourd'hui?

[Français]

    En ce qui mes problèmes physiques, je suis intoxiqué à l'uranium. La position du ministère est très claire: légalement, il n'y a aucun soldat canadien intoxiqué à l'uranium. Donc, les seuls soins que j'ai, pour mes problèmes physiques, sont des soins de confort, comme quelqu'un qu'on laisse mourir: tout ce que j'ai, c'est de la morphine.
    Pour les soins psychologiques, je vois une psychologue toutes les deux semaines. Tout ce qu'on m'apprend, c'est de mieux accepter ma situation.
     Lorsque j'ai été hospitalisé à l'hôpital des vétérans, j'aurais aimé avoir, comme tout le monde, les cours de gestion du sommeil, de gestion de la colère et toutes ces choses, sauf que, quand j'y ai été, j'ai eu un gros problème.
     Je suis malade physiquement aussi et, là-bas, les jeunes vétérans n'ont pas le droit d'être malade physiquement, parce qu'ils ne te prendront pas en main. Ils vont te dire d'aller te faire soigner dans le civil.
     Donc, je ne suis pas soigné. Je suis tassé.

[Traduction]

    En quelle année êtes-vous allé à l'étranger en mission? Vous dites que c'était il y a 14 ans, n'est-ce pas?

[Français]

    J'ai été 14 ans dans les Forces canadiennes. J'ai quitté les Forces canadiennes en 2005, et je suis allé en Bosnie en 1995 et 1996. Je suis allé au Timor-Oriental de 1999 à 2000.

[Traduction]

    Quel âge aviez-vous alors quand vous avez commencé vos missions dans un théâtre d'opérations?

[Français]

    J'étais âgé de 20 ou 21 ans.

[Traduction]

    Et vous étiez un jeune homme en santé alors?

[Français]

    Absolument. Je m'entraînais avec l'équipe de biathlon, pour les Jeux olympiques de 2002. J'ai couru les 10 km en 29 minutes et 38 secondes. J'étais le troisième coureur en importance au Canada pour ce qui est de la rapidité et je faisais partie des unités d'élite de l'armée canadienne. J'étais un soldat hors pair qui allait faire des compétitions un peu partout au Canada.

[Traduction]

    Et Sabrina, quel était son état de santé quand elle s'est enrôlée dans l'armée?

[Français]

    Elle avait 28 ans. Elle est restée dans l'armée pendant deux ans. Il y a maintenant une semaine qu'elle a obtenu son congé de l'Hôpital Sainte-Anne. Il y a exactement un an aujourd'hui qu'elle est revenue d'Afghanistan.

[Traduction]

    Nous entendons constamment parler de tous les services dont disposent tous nos anciens combattants qui rentrent au pays. Pourtant, vous invoquez des situations d'intimidation que vous avez vécues quand vous étiez jeune ainsi que votre femme. C'est totalement inacceptable dans un pays comme le Canada. Vous n'auriez pas dû avoir à subir ce genre d'intimidation et de traitement, mentalement et physiquement.
    Ce n'est qu'aujourd'hui que vous pouvez consulter un psychologue, toutes les deux semaines, n'est-ce pas? Est-ce encore tout ce que vous pouvez obtenir?

[Français]

    Absolument.

[Traduction]

    C'est tout simplement ridicule.
    Ai-je encore du temps?

  (1710)  

    Vous disposez de deux minutes.
    Ici, des témoins nous font part de toutes sortes d'expériences alors que les représentants du ministère se targuent des merveilleux services qui sont disponibles...
    Allez-y, posez vos questions, Kirsty.
    Monsieur Lacoste, merci d'être venu. Merci d'en avoir eu le courage. Merci des services que vous avez rendus à notre pays. Merci du courage dont vous faites preuve aujourd'hui.
    Je vais aborder la question de la stigmatisation dont vous avez parlé et que vous avez vécue quand vous étiez dans les forces armées. Quand je parle à des anciens combattants, ils nous disent qu'ils sont impatients de rentrer au Canada. Ils comptent profiter des petits plaisirs. Les premiers temps, il y a une phase de lune de miel quand on rentre au pays, et ensuite l'alcool et les drogues s'installent pour apaiser la douleur. Ensuite, on souhaite retourner en mission, car on ne se sent pas à sa place ici.
    Les anciens combattants disent que s'ils demandent de l'aide, cela peut être considéré comme une faiblesse aux yeux de la chaîne de commandement. Leur carrière peut en souffrir. On leur apprend à réprimer la colère. Montrer ses émotions est signe de faiblesse. Ensuite, quand on demande de l'aide, comme vous l'avez fait, à cause du trouble de stress post-traumatique que vous éprouviez, les choses sont difficiles. Il est difficile de parler. Quelqu'un qui a le courage de demander de l'aide n'en reçoit pas, et pourtant il est urgent d'en donner.
    Pouvez-vous nous dire quels sont les soins sur lesquels vous comptiez et qui auraient pu vous aider, votre famille et vous?
    Excusez-moi, il faudra y revenir à la deuxième série de questions. Les sept minutes sont écoulées.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lacoste, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Plus tôt, l'ombudsman disait qu'en 2009, « le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes prévoyait que, des 27 000 membres des Forces canadiennes qui ont été envoyés en mission en Afghanistan entre 2002 et 2008, environ 1 120 pourraient présenter des symptômes du syndrome de stress post-traumatique ».
    Ma question est fort simple. Si 1 200 soldats ont reçu un diagnostic de stress post-traumatique et qu'il y ait seulement quatre lits à l'Hôpital Sainte-Anne, est-ce qu'il y a un problème?
    On a un énorme problème, parce que les quatre lits à l'Hôpital Sainte-Anne sont seulement pour ce que les fonctionnaires appellent des « beaux cas », c'est-à-dire des cas qui n'ont pas de problèmes d'agressivité, de dépendances à la drogue, à l'alcool. Dans les hôpitaux civils, on ne veut pas entendre parler de nous.
    Plus tôt, Mme la députée a dit qu'en tombant dans l'alcool et ces choses-là, les militaires essaient de se soigner eux-mêmes pour endormir la douleur, pour éteindre la petite voix qui crie en eux. C'est vrai que beaucoup de personnes vont tenter de trouver des solutions par elles-mêmes.
    Ça s'explique par la manière dont est fait le système. Premièrement, il ne faut pas parler. Deuxièmement, si tu as besoin d'aide, ton dossier est à l'étude pour un temps indéterminé. Pendant ce temps-là, c'est ta famille qui te supporte.
    Une des choses que les gens doivent savoir, c'est qu'on est contagieux. En ce sens que lorsque quelqu'un habite chez toi et qu'il souffre du syndrome de stress post-traumatique, qu'il est hyper vigilant, qu'il fait de l'insomnie et qu'il a beaucoup de peine, qu'on le veuille ou non, les personnes autour de lui souffrent énormément d'un sentiment d'impuissance. Elles aimeraient tellement nous aider, mais elles ne sont pas capables de le faire, elles n'ont ni les outils ni les connaissances pour le faire.
    Plus on prend de temps avant de prendre soin des militaires, plus on contamine les gens autour d'eux, plus le problème grossit. Plus ça avance, moins les vétérans ont un soutien social, parce que les gens ne sont plus capables de nous supporter. De la même manière que j'ai dû dire à ma conjointe qu'elle devait partir, que je n'avais plus l'énergie de prendre soin d'elle, qu'on était en train de se détruire tous les deux. Ça, c'est pour ce qui est de la famille.
    Anciens Combattants Canada devrait créer de nouveaux lits et surtout ouvrir des centres de crise. Lorsqu'un militaire a, dès l'arrivée, la reviviscence du combat, c'est que ça ne va vraiment pas bien. Il a des flashs du combat, l'odeur revient. Il devient dangereux pour lui-même et pour les autres. Il n'a nulle part où aller.
    Je suis un des vétérans intervenant avec le groupe OSISS. J'ai été formé comme pair aidant bénévole. Tout ce qu'on peut faire avec la personne, c'est essayer de contenir le problème et la ramener ici, maintenant. On a juste des soins de fortune qu'on se fait entre nous.
    Une des preuves qu'il y a des lacunes et qu'il n'y a pas suffisamment de soins pour nous, c'est que nous, les vétérans, on doit fonder des regroupements comme Vétérans Canada pour s'entraider. Il n'y a pas d'outils adéquats pour nous.

  (1715)  

    Quand vous voyez que ça ne va pas bien, que vous vous apercevez que vous faites des choses que vous ne feriez pas normalement à la maison, qu'arrive-t-il dans ces cas-là?
    Quand vous allez voir votre chaîne de commandement à la base et que vous lui dites que vous n'êtes pas entré depuis deux jours, que vous êtes malade, que vous ne vous sentez pas bien, vous prennent-ils en main?
    Non. D'abord, la première chose qu'on se fait dire c'est d'arrêter de se plaindre parce que la porte est là, qu'on va mettre fin à notre contrat. On nous menace, on nous dit que, si on n'est plus capable de porter l'uniforme, on doit le rapporter.
    Ensuite, dans mon cas, bien que j'aie été voir moi-même un travailleur social, on m'a fermé la porte. Je suis allé voir le padre de l'armée pour lui dire que ça n'allait pas. Par suite des pressions du padre, j'ai fini par voir un psychologue militaire. Il a étudié mon cas et a fini par me dire que mon stress était lié à mon enfance et non au service. Une fois, j'y étais allé pour mes problèmes de dos. Le médecin de mon régiment m'a dit qu'il avait droit alors de traiter 10 cas liés à des problèmes de dos et, comme j'étais le onzième, il m'a demandé de revenir le mois prochain.
    Parlez-moi de votre problème d'uranium. Que se passe-t-il? Qu'en est-il de ce dossier lié à l'uranium?
    Lorsque j'ai fait une demande de pension pour intoxication aux métaux lourds, dont l'uranium appauvri, on m'a dit...
    Comment avez-vous eu ce diagnostic? Pour quelle raison ce diagnostic est-il tombé?
    C'est très simple. Lorsque je suis revenu de mission du Timor-Oriental, j'ai perdu 35 livres de masse musculaire en 9 jours. J'allais voir les médecins de l'armée qui me disaient que je n'avais rien, d'arrêter de les achaler parce que je n'avais rien.
    J'ai la chance d'avoir un ami dont le père est médecin. Ce dernier m'a dit qu'au contraire, j'avais quelque chose et qu'il allait vérifié.
    J'ai reçu des analyses de spécialistes civils — parce que l'armée ne trouvait strictement rien. J'ai passé des tests qui prouvent que je suis 61 fois plus radioactif que la limite acceptable. Lorsque je suis revenu avec les preuves médicales auprès des autorités militaires, on m'a dit deux choses. La première, c'est que je n'avais pas le droit d'aller me faire soigner au civil. La deuxième chose, c'est qu'en riant, on m'a dit d'oublier ça parce que, légalement, aucun soldat canadien n'est intoxiqué à l'uranium.
    D'où vous vient ce problème lié à l'uranium?
    Ça vient de la mission en Bosnie, en 1995-1996. Il y en avait aussi lors de la première guerre du Golfe. Actuellement, il y en a en Afghanistan.
    Les têtes des balles des mitrailleuses lourdes des chars d'assaut sont faites d'uranium appauvri. L'uranium appauvri est un métal ayant une densité beaucoup plus grande que l'acier, ce qui fait que ça perfore mieux le blindage du véhicule ennemi. L'uranium appauvri étant un déchet des centrales nucléaires, il ne coûte pas très cher.
    Il y a un inconvénient. Lors de l'impact de l'ogive sur le véhicule ennemi, l'ogive se fragmente en micropoussières. Ces micropoussières radioactives, lorsqu'on les respire, passent par nos poumons, puis notre système sanguin, et elles viennent se loger dans la moelle osseuse. Ça crée une maladie dégénérative qui ressemble énormément à la sclérose en plaques.
    Quelles mesures nous recommanderiez-vous en vue d'aider les gens qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique ou d'une maladie dégénérative?
    C'est extrêmement simple. Il y a un gros problème de communication entre le ministère des Anciens Combattants, les vétérans et les militaires actifs. Les militaires utilisent le jargon militaire et les administrateurs du ministère des Anciens Combattants utilisent le jargon administratif. Il faudrait un intermédiaire parce qu'un militaire et un administrateur ne parlent pas le même langage. On n'arrive pas à se comprendre. Il faudrait simplement qu'un travailleur social participe au processus.
     Le militaire irait parler au travailleur social qui, compte tenu de ses connaissances médicales, serait en mesure d'analyser adéquatement les besoins de ce vétéran. Le travailleur social se chargerait ensuite de discuter avec les administrateurs du ministère des Anciens Combattants. On demande à des vétérans qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique et qui ont de la difficulté à s'endurer eux-mêmes d'expliquer leurs besoins. Pour ma part, je ne les connais pas, mais je sais que je suis en détresse. Je n'ai pas les compétences nécessaires pour dire quels sont mes besoins. Par contre, je peux vous parler de mes problèmes. À partir de là, c'est très simple. Le militaire devrait n'avoir à parler qu'au travailleur social. Ce dernier ferait alors une analyse professionnelle, puis orienterait les soins et les services.
     De plus, si le vétéran parlait à un travailleur social plutôt qu'à un administrateur, le travailleur social pourrait assurer le suivi des dossiers des vétérans. À l'heure actuelle, le militaire doit toujours mendier et justifier chacune de ses requêtes. Comme je le disais plus tôt, les vétérans sont toujours vus comme des gens qui veulent un plus gros chèque. Or on veut des soins. On demande simplement d'être traités comme des êtres humains. Je crois que si on procédait comme...

  (1720)  

[Traduction]

    Il faut passer au suivant. Nous avons dépassé un peu le temps alloué.
    Monsieur Stoffer, pour cinq minutes.
    Monsieur le président, merci beaucoup.
    Pascal, merci beaucoup, monsieur, d'être venu aujourd'hui... et merci d'être accompagné de votre bon ami Daniel. Si vous êtes bons amis, ce n'est pas si mal. Il est extra.
    Je voudrais vous poser quelques questions. Vous avez parlé des difficultés psychologiques et physiques que vous éprouvez. Ceux qui sont censés vous aider ont eu à votre endroit des propos très désobligeants, à mon avis. Ils n'avaient pas beaucoup de respect pour les services que vous aviez rendus au pays.
    Pas maintenant, mais plus tard, pourriez-vous nous donner le nom des gens à qui vous avez parlé et nous faire part de ce qu'ils ont dit à votre propos? Je souhaite vivement avoir ces noms.
    M. Natynczyk, le chef d'état-major de la Défense, et le ministre MacKay nous ont dit que la campagne « Soyez la différence » avait été couronnée de succès. Il est manifeste que certains militaires n'ont pas entendu le message. Il faut mettre un terme à ce genre de situation, et la seule façon de le faire est de citer le nom de ces personnes pour s'entretenir brièvement avec elles et s'assurer que les autres anciens combattants ne seront pas traités de la même façon.
    Même l'ombudsman a affirmé que ceux et celles qui sont laissés pour compte en pâtissent énormément. C'est parfois dévastateur et interminable.
    Il semble évident, d'après votre témoignage, que votre femme et vous avez été laissés pour compte. Et il est évident que les difficultés que vous éprouvez sont tout a fait dévastatrices pour votre famille et vous. J'ai énormément de sympathie pour votre conjointe et vous.
    Je me demandais, monsieur, s'il était possible de nous dire quelle aide financière, pension et rémunération, le ministère vous verse actuellement.

[Français]

    Je vais répondre à votre première question. Vous voulez un nom? Le directeur du bureau d'Anciens Combattants Canada, district de Québec. Lorsque, au départ, j'ai demandé de l'aide psychologique, des fonctionnaires ont porté plainte contre moi auprès des policiers. Ils ont dit que je voulais les agresser et que je leur avais adressé des menaces. Ils ont dit que j'étais armé lorsque j'avais proféré ces menaces. Lorsque j'ai demandé de quelle arme il s'agissait, un fonctionnaire a répondu que c'était un couteau et un autre a dit que c'était un pistolet. Or je n'ai menacé personne; j'ai simplement dit que j'avais vraiment besoin d'aide. Le directeur du bureau d'Anciens Combattants Canada, district de Québec, qui était en poste de 2000 à 2003 est au courant de tout le dossier.
    Pour ce qui est de ma pension, ces gens ont associé tous mes problèmes de santé au stress post-traumatique. Mes problèmes de genoux, de côlon irritable, de fatigue chronique, de douleur chronique et de stress post-traumatique ont tous été regroupés sous la même enseigne. Or je ne connais personne chez qui le stress post-traumatique entraîne des problèmes de genoux. Se pourrait-il que mes problèmes de genoux soient reliés au fait que j'ai été dans l'infanterie pendant 14 ans et que j'ai été parachutiste?
    Je reçois une pension d'environ 2 600 $ par mois. Je ne suis pas certain du montant. Le problème n'est pas seulement la pension; c'est surtout les soins. L'allocation des soins est définie dans une charte prédéterminée extrêmement rigide. C'est le vétéran qui doit s'adapter à la charte et non l'inverse. Comprenez-vous ce que je veux dire? Pour ma part, je suis entre deux chartes. On a tout de suite couvert mon cas selon la charte inférieure. Par conséquent, je n'ai pas accès aux soins requis par ma condition.
    Pendant que ma conjointe était déployée en Afghanistan, je recevais des soins par l'entremise des services provinciaux. C'est eux qui prenaient soin de moi, qui fournissaient le montant que le ministère refusait de payer. Les allocations que je reçois pour couvrir mes soins sont inadéquates compte tenu de ma réalité mentale et physique. Malgré cela, les gens du ministère disent qu'ils sont en train de faire des études. Ça fait plus de 12 ans qu'ils étudient mon dossier. Entretemps, je ne reçois pas les soins et les services que demande ma condition. Ces gens disent qu'ils comprennent ma situation, mais que mon cas ne correspond pas aux critères des chartes.

  (1725)  

[Traduction]

    Vos inquiétudes concernant l'Hôpital Sainte-Anne sont bien fondées, car cet hôpital est en train d'être cédé à la province de Québec. En fait, les deux étages supérieurs de l'hôpital sont réservés aux civils, et non pas aux militaires. Vous avez donc raison de vous inquiéter, car l'avenir des soins à court terme et à long terme dispensés aux anciens combattants est plutôt précaire. Nous ne savons pas ce qu'il adviendra des anciens combattants de l'ère moderne quand ils auront besoin de soins à court terme et à long terme au Canada. Merci d'avoir soulevé la question.
    Merci.
    La parole est à M. Storseth.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lacoste, merci des services que vous avez rendus à notre pays et merci du dévouement que votre famille et vous avez manifesté. Je pense qu'on ne le dira jamais assez.
    J'ai plusieurs questions à vous poser et elles concernent tout ce que vous pourriez possiblement nous dire sur les modifications qui doivent être apportées. Mais tout d'abord, puisque j'ai deux bases militaires dans ma circonscription, je trouve toujours important de poser la question suivante: au sein de quelle unité avez-vous servi?

[Français]

    Je faisais partie de la compagnie de parachutistes du Royal 22e Régiment.

[Traduction]

    Merci.
    Une des choses qui m'a toujours énormément frustré — et cela revient sans cesse dans les propos des militaires de ma circonscription —, c'est ce que l'on dit à propos du manque de documents pertinents, à propos du cauchemar bureaucratique. Franchement, quand on est déployé, qu'on est à l'arrière d'un char ou en pleine action, on ne se soucie pas de remplir toutes sortes de formulaires quand on se fait une entorse au genou ou qu'on se fait mal au dos.
    Je trouve aberrant que vous fassiez un travail aussi intensif et rigoureux et que les bureaucrates imposent de telles exigences à nos soldats quand ils signalent des blessures et qu'il faut faire les évaluations qui s'imposent.
    Cela m'amène à une question que vous avez soulevée à quelques reprises aujourd'hui. Pensez-vous que les hommes et les femmes de nos Forces canadiennes seraient mieux servis si au moins certains des travailleurs de première ligne à Anciens Combattants Canada étaient d'anciens membres des forces, connaissaient mieux la mentalité, et avaient une expérience de la vie militaire?

[Français]

    C'est certain que cela aiderait énormément à la compréhension des besoins.
    Comme je l'ai dit plus tôt, le gros problème que je vois, personnellement, est un problème de communication, parce que le vétéran doit parler avec des administrateurs. Il n'y a pas le côté humain. Selon moi, il manque un élément essentiel qui est le travailleur social. Le vétéran devrait se faire évaluer adéquatement par un travailleur social. Ensuite, ce dernier travaillerait avec l'administration.
    Pour ce qui est de comprendre le syndrome de stress post-traumatique, on sait effectivement si on est fait pour être un militaire ou non dès que des balles sifflent à nos oreilles pour la première fois. À partir de ce moment-là, il se passe quelque chose de vraiment incroyable à l'intérieur de nous. L'instinct primitif est là et on sait si on est fait pour ça ou pas.
    On se reconnaît entre nous. On a un énorme respect les uns envers les autres et, effectivement, il y a un problème de confiance. Les vétérans ont peur du système. Donc, si ce sont d'autres militaires qui les abordent, à partir de là, le lien de confiance est beaucoup plus facile à établir. Les gens sont extrêmement méfiants.
    Oui, je suis un bénévole aidant, et il est vrai qu'en tant que personne aidante et qu'en tant que militaire souffrant de ce problème, c'est beaucoup plus facile d'en parler avec un frère ou une soeur d'armes, parce qu'il y a une nuance. On ne se sent pas jugés. On se sent soutenus et c'est ce dont on a besoin.

[Traduction]

    Merci.
    Vous avez dit — et je l'ai entendu par la voix de l'interprète — que vous étiez coincé et victime de la charte inférieure. Le système qui prévalait dans votre cas est très différent de celui qui a cours actuellement, de la nouvelle Charte des anciens combattants.
    Ni l'une ni l'autre ne sont parfaites, assurément, mais pouvez-vous nous dire quelle est la meilleure? Y a-t-il eu des améliorations?

  (1730)  

[Français]

    Personnellement, je n'aime pas la nouvelle charte, parce qu'on donne un gros montant d'argent à quelqu'un qui n'a pas sa santé mentale. Cet argent ne sera pas adéquatement utilisé.
     Personnellement, je suis couvert par l'ancienne charte, et je reçois un montant tous les mois. Ça enlève énormément de stress. On sait que les militaires qui souffrent du syndrome de stress post-traumatique ont énormément de difficulté à retrouver un emploi. Si quelqu'un touche un montant tous les mois, cela crée une certaine stabilité. Il sait que le loyer sera payé et qu'il y aura de la nourriture dans le réfrigérateur.
     Je suis complètement contre la charte actuelle, qui accorde un gros montant d'argent à une personne qui a de la difficulté à se gérer elle-même, en raison des situations. Les militaires vont souvent considérer cette disposition de la nouvelle charte comme signifiant qu'une fois le chèque remis, on ne veut plus être « achalé » et on ne veut plus rien savoir d'eux.

[Traduction]

    C'est certainement une inquiétude fondée que j'ai déjà entendue, monsieur Lacoste, même si bien d'autres éléments, comme les prestations, la possibilité de faire des études, etc., ont changé. Pensez-vous que la situation est meilleure ou pire avec la nouvelle charte? Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le paiement forfaitaire.

[Français]

    Pour ce qui est de la formation, encore là, aucun travailleur social ne va réellement évaluer nos besoins. C'est le fonctionnaire qui va décider si on est apte ou pas à suivre une formation. Le fonctionnaire a-t-il vraiment les qualifications pour analyser notre cas et en juger? J'en doute fortement.
    Personnellement, cela fait deux ans que j'attends. La charte me permettrait justement de retourner à l'école, mais ça fait deux ans que j'attends la décision du ministère, qui est en train d'évaluer s'il devrait ou ne devrait pas m'autoriser à le faire.
    Présentement, je suis à l'école à mes propres frais et je n'attends pas que le système se décide pour mener ma vie, parce que je vais être trop vieux lorsque la décision sera prise.

[Traduction]

    Merci, monsieur Storseth.
    La parole est à Mme Zarac.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Lacoste, d'être venu ici, aujourd'hui.
    Je suis certaine que cela vous a pris beaucoup de courage. Excusez ma réaction émotive, je ne m'attendais pas à entendre un témoignage comme celui-ci, aujourd'hui. Ça va vraiment à l'encontre de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Alors, merci beaucoup de nous éclairer sur ce que vous avez en effet subi et sur ce que certaines autres personnes ont probablement subi. Ce ne sont pas les soins qu'on nous dit être donnés aux vétérans. Ce ne sont sûrement pas les soins qui devraient être donnés à nos vétérans. Alors, merci beaucoup de votre témoignage.

[Traduction]

    Monsieur le président, je demanderais le consentement unanime pour transmettre au ministre Blackburn et au ministre MacKay le témoignage de M. Lacoste pour qu'ils prennent des mesures immédiates. Je trouve scandaleux ce qui est lui arrivé, et les ministres devraient être informés de la situation.
    Y a-t-il consentement unanime?
    Quelle est la motion?
    La motion reprend une requête qui a déjà été faite, à savoir que les enregistrements soient envoyés aux ministres — ou du moins à M. Blackburn, et nous pouvons ajouter le nom de M. MacKay.
    La requête a déjà...?
    Nous venons tous juste de demander que les enregistrements soient envoyés.
    Ah, d'accord. Vous l'avez demandé? Quand cela a-t-il été fait?
    Nous venons tout juste...
    D'accord. Mais je crois que la demande devrait être faite en bonne et due forme.
    Que les enregistrements soient envoyés.
    Je crois que le comité devrait adopter une motion en bonne et due forme, s'il vous plaît.
    D'accord.
    Y a-t-il consentement unanime?
    Pourriez-vous lire la motion?
    Une voix: Lisez-la.
     La motion dit que le témoignage de M. Lacoste devrait être envoyé immédiatement au ministre Blackburn et au ministre MacKay pour que des mesures immédiates soient prises.
    D'accord.
    Vous avez entendu le libellé de la motion.
    Ce que je voulais savoir, monsieur le président, c'est de quelles mesures immédiates il s'agit. Je suis d'accord pour que nous transmettions le témoignage, mais de quelles mesures immédiates s'agit-il? Je crois qu'il faut qu'il y ait une directive.
    [Note de la rédaction: inaudible]... dire plutôt « réponse », car ils répondront...
    D'accord. C'est ce que nous souhaitons, oui.
    Nous pourrions peut-être préciser le libellé.
    Si la « réponse » signifie une redite de ce que M. Lacoste a déjà entendu, du genre « Eh bien, nous avons tous ces tableaux et toutes ces choses », c'est ce que l'on nous dit — et je parle pour nous ici, je pense —, nous voudrions que des mesures concrètes soient prises.
    Je suis certaine que ces deux ministres sont compétents et prendront des mesures immédiates. Je ne veux pas qu'ils se contentent d'envoyer une lettre disant: « Nous sommes désolés d'apprendre que vous avez eu des difficultés. Nous apportons des changements et à l'avenir, tout sera merveilleux. »
    Je crois que si nous transmettons la requête et que nous demandons un suivi concret, les deux ministres feront ce qu'ils peuvent pour aider M. Lacoste à trouver des solutions à ces problèmes.
    M. Stoffer, suivi de M. André. 
    J'aimerais ajouter très rapidement que nous devons être justes avec les ministres des Anciens Combattants et de la Défense nationale, qui n'ont pas entendu ce témoignage. C'est simple justice que nous leur fassions parvenir les enregistrements et que nous leur donnions la possibilité de répondre. Si nous jugeons leur réponse inadéquate, alors soit, nous pouvons faire davantage. Nous devons en toute justice leur donner la possibilité de répondre.
    En outre, M. Lacoste doit aussi apprendre d'eux ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire.
    Nous devons à tout le moins leur donner la chance de répondre. Cela me semble être simple justice.

  (1735)  

    D'accord.
    Monsieur André.

[Français]

    Dans un premier temps — rapidement parce qu'il faut que le témoignage continue —, bien sûr, il faut qu'ils nous répondent, mais il faut aussi qu'il y ait un rapport d'évaluation au sujet des services qui n'ont pas été rendus à cette personne. Il faut vraiment qu'il y ait un examen de tout ce processus. Il faudrait aussi remettre le rapport du témoignage du soldat Couture, de la semaine dernière, qui était relativement similaire. Le soldat Couture a vécu à peu près les mêmes situations à certains égards.
    Donc, j'ajouterais, à la proposition de Mme Zarac, qu'on remette également ce rapport et qu'on envoie cela au ministre Blackburn et...

[Traduction]

    Tout ce que je peux dire pour l'instant, c'est que c'est le but de cette étude que nous avons entreprise, d'obtenir les réponses sur l'état des choses, n'est-ce pas? Si nous allons rédiger un rapport et que nous allons demander des rapports sur chaque particulier qui a comparu devant nous, nous recevrons beaucoup de rapports.
    Je propose que nous nous prononcions sur la motion dont le comité est saisi et que nous transmettions la requête aux ministres. Mais attendons d'avoir préparé notre rapport avant de... Nous pourrons faire des requêtes individuelles à ce moment-là.
    M. André, pour quelques minutes seulement, puis M. Kerr.

[Français]

    Mme Zarac a fait une proposition et j'appuie sa proposition. J'aimerais tout simplement qu'on ajoute le témoignage du soldat Couture.
    Vous avez une proposition, madame Zarac?
    Mme Lise Zarac: Oui.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur Kerr.
    Monsieur le président, je sais très bien ce que M. Stoffer veut dire. Il est là depuis assez longtemps pour savoir comment les choses se passent.
    Permettez-moi de faire quelques observations. D'abord, le comité n'a pas d'affaire à réclamer de l'information. Ce faisant, il porte atteinte à la vie privée, et nous ne voulons pas cela. Je comprends cela.
    Le fait est qu'il me paraît approprié que le comité signale que les membres ont entendu aujourd'hui un témoignage troublant et qu'ils veulent que le ministre en soit informé, qu'il prenne l'affaire en délibéré et qu'il y donne la suite voulue. C'est tout ce que nous pouvons faire.
    Nous ne sommes pas en mesure d'ordonner aux ministres de faire quoi que ce soit.
    Une voix: C'est exact.
    M. Greg Kerr: Nous n'avons pas l'autorité de faire cela.
    C'est déjà beaucoup que nous proposions la motion. Nous pouvons continuer de débattre du libellé de la motion à n'en plus finir ou nous pouvons tout simplement l'adopter.
    Monsieur Storseth.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec M. Kerr lorsqu'il dit... Après tout, M. Lacoste a des besoins particuliers pour lesquels il doit obtenir des services — je suis tout à fait d'accord —, mais nous ne pouvons tout simplement pas exiger du ministre qu'il agisse. C'est très large.
    Il faut que le comité finisse par s'entendre et formule des recommandations précises. Bien franchement, c'est le travail du comité. Si nous estimons que certaines choses ne sont pas faites et que nous n'obtenons pas la vérité des fonctionnaires, ou du moins toute la vérité, alors convoquons-les, interrogeons-les et obtenons tous les faits.
    C'est de cette façon que nous aiderons le mieux M. Lacoste, les autres anciens combattants et les membres des Forces canadiennes.
    D'accord.
    Mme Zarac d'abord, suivie de M. André.
    Vous invoquez le Règlement?

[Français]

    Monsieur le président, j'ai à faire un rappel au Règlement. Je remettrais cette discussion à la prochaine rencontre. On devrait terminer d'entendre notre témoin immédiatement. Il reste cinq minutes. Êtes-vous d'accord avec moi?

[Traduction]

    Madame Zarac.
    Je crois que nous devrions convenir de transmettre le témoignage, mais j'aimerais que nous prévoyions un délai de 30 jours pour l'obtention d'une réponse.
    Je crois que cela fera l'affaire de tous.
    Parlons-nous d'obtenir une réponse?
    Oui.
    Nous allons donc demander une réponse, et non pas l'adoption de mesures?
    Je dirais que nous réclamons une réponse appropriée. On ne peut pas fixer un délai ou dire aux ministres quoi faire.
    Vous ne voulez pas que cela prenne six mois.
    Non, non, surtout pas, mais nous devons être justes, comme l'a dit M. Stoffer. Le comité peut toujours décider que la réponse ne vient pas assez rapidement et que c'est inacceptable. D'accord? Mais je crois que le mieux, c'est de transmettre le message aux ministres en leur indiquant que c'est grave, que nous voulons qu'ils se saisissent du dossier et qu'ils envisagent de prendre les mesures qui s'imposent. Nous ne voulons surtout pas leur dire quoi faire.
    Je crois que notre temps est presque écoulé, alors nous devons décider.
    Monsieur André.

  (1740)  

[Français]

    Est-ce que l'on termine notre période de trois minutes avec notre témoin?

[Traduction]

    Nous sommes saisis d'une motion.
    Souhaitez-vous voter sur la motion dont le comité est saisi?
    Ou souhaitons-nous terminer l'audience?

[Français]

    Oui, je suis favorable à cela.

[Traduction]

    Savons-nous ce que dit la motion?
    La motion est la suivante: que le témoignage de M. Lacoste soit envoyé aux ministres Blackburn et MacKay et que les ministres fournissent une réponse à ce témoignage.
    Tous ceux qui appuient la motion?
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: D'accord. Nous transmettrons le témoignage.
    Il nous reste environ trois minutes maintenant.
    Monsieur McColeman.
    Merci.
    J'aimerais également vous remercier, monsieur Lacoste. Votre témoignage est très personnel et très touchant, et vous pouvez certainement constater que des deux côtés de cette table, nous aimerions voir si nous pouvons adopter des mesures immédiates.
    J'aimerais bien savoir, en guise de contexte, une fois que vous avez été blessé... Vos blessures ont-elles fait en sorte que vous avez dû mettre fin à votre carrière dans l'armée? En d'autres mots, lorsque vous êtes revenu, est-ce que c'est à cause de vos blessures que vous avez dû mettre fin à votre carrière dans l'armée étant donné que cela nuisait à votre possibilité d'être soldat?

[Français]

     Oui, j'ai dû quitter pour des raisons de santé. Si ce n'était que de moi, je porterais toujours l'uniforme.

[Traduction]

    Très bien.
    J'aimerais poursuivre dans la voie dans laquelle je pense se dirigeait M. Stoffer. Cela porte sur les choses que vous aimeriez réaliser, dans l'avenir, et vous avez parlé d'éducation.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous étudiez et les objectifs personnels que vous souhaitez réaliser au cours des prochaines années?

[Français]

    J'ai été enseignant en techniques policières pendant trois ans. Je suis spécialiste des soins d'urgence. J'étudie pour parfaire mes connaissances en soins d'urgence. Je ne suis pas capable d'enseigner à plein temps à cause de mon état physique. Cependant, il est très important pour moi d'être un citoyen actif. Vivre est un défi, selon moi, et je mords dans la vie à pleines dents.

[Traduction]

    Je pense que l'une des choses que j'ai pu comprendre, d'après les autres questions qui vous ont été posées et les réponses que vous avez données, c'est qu'il est très important — absolument essentiel en fait, d'après moi — que nous ayons des noms précis pour identifier les personnes qui ont exercé sur vous des pressions psychologiques horribles, étant donné certains sentiments que vous éprouviez à votre retour et étant donné la façon dont vous vous sentez.
    Je sais que vous avez mentionné une personne, mais il est clair, d'après votre récit, que vous avez dû subir toute une série d'événements qui vous ont occasionné beaucoup de stress, et qui ont fait en sorte que vous vous trouvez dans la situation actuelle. Est-il possible de nous divulguer des noms précis des personnes qui faisaient partie de ce système, ou seriez-vous prêt à le faire?

[Français]

    C'est très simple. Je ne suis qu'une personne parmi tant d'autres. Je suis célibataire, je n'ai pas d'enfant, je n'ai plus de santé mentale, plus de santé physique, on ne m'accorde pas une très longue espérance de vie. Je n'ai plus le luxe de faire plaisir. Je suis ici pour témoigner. Je suis un homme intègre. Même si je vous donnais des noms, cela ne réglerait pas le problème de tous les autres qui vivent la même situation. J'ai simplement le courage de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Je ne suis pas ici pour Pascal Lacoste, mais pour faire avancer la cause des anciens combattants canadiens.

[Traduction]

    Merci.
    Je suis désolé, mais nous devons mettre un terme à cette séance.
    Je vous remercie beaucoup de votre témoignage personnel d'aujourd'hui et de tout ce que vous avez fait pour notre pays.
    Des voix: Bravo!
    Le président: La séance est levée.
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