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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'environnement et du développement durable


NUMÉRO 034 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 15 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à notre 34e réunion.
    Comme nous le savons tous, la séance d'aujourd'hui est télévisée, et nous poursuivons notre examen du projet de loi C-469, Loi portant création de la Charte canadienne des droits environnementaux.
    Nous accueillons aujourd'hui nombre de témoins: Michael Broad, président de la Fédération maritime du Canada; Tom Huffaker, vice-président des politiques et de l'environnement de l'Association canadienne des producteurs pétroliers; ainsi que Warren Everson, vice-président principal de la politique, et Johan van't Hof, chef de la direction de Tonbridge Power inc., tous deux de la Chambre de commerce du Canada.
    Je souhaite la bienvenue à tous. Comme je vous l'ai déjà expliqué, vous avez un maximum de 10 minutes pour faire votre déclaration.
    Sur ce, je demanderais à M. Broad de présenter sa déclaration, s'il vous plaît.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi C-469. Vous avez reçu la version anglaise et la version française de notre court mémoire il y a déjà plusieurs semaines. Mon intention aujourd'hui n'est pas de relire à voix haute un document que vous avez probablement déjà parcouru.
    La Fédération maritime du Canada représente une industrie réglementée au niveau fédéral, à savoir le transport maritime international à destination ou en provenance des ports canadiens. Nos membres, dont la liste figure à la fin de notre mémoire, exploitent les navires qui transportent le commerce international du Canada. Notre industrie est régie par une myriade de règlements qui couvrent l'ensemble de nos opérations, qu'il s'agisse du navire, de son équipement, de la cargaison, de l'équipage, du matériel de confinement, des processus ou de la gestion. Ces règlements sont basés dans une très large mesure sur les conventions internationales auxquelles adhère le Canada.
    La position dont nous vous faisons part aujourd'hui est celle d'opérateurs qui se demandent en quoi la nouvelle loi est susceptible d'avoir un impact sur la stabilité du cadre réglementaire qui régit leurs activités et si la nouvelle action civile peut s'appliquer à l'encontre d'opérations menées en toute conformité sur le plan réglementaire.
    Notre problème est qu'à l'heure actuelle, nous ne savons toujours pas comment vont s'appliquer les deux nouveaux remèdes introduits par la loi, à savoir la révision judiciaire et l'action civile, et quelles vont en être les implications pour les industries réglementées au niveau fédéral.

[Traduction]

    Nous avons lu avec intérêt les discours prononcés par les divers partis politiques lorsque le projet de loi a été présenté et lorsqu'il a fait l'objet d'une discussion à l'étape de la deuxième lecture, mais ces propos ne nous ont pas aidés à comprendre comment la nouvelle loi, en particulier les nouveaux recours, fonctionneront; en outre, la Bibliothèque du Parlement n'a toujours pas publié de rapport de recherche qui contribuerait à élucider le projet de loi. Nous avons également lu la transcription de la séance que votre comité a tenue le 1er novembre, mais la discussion portait davantage sur l'inaction du gouvernement que sur la réglementation produite. Par conséquent, nous nous inquiétons toujours autant maintenant que lors de notre première lecture du projet de loi en ce qui concerne les répercussions que les nouveaux recours auront sur les industries sous réglementation fédérale, telles que la nôtre. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui dans le but de clarifier l'intention du législateur par rapport au projet de loi et, nous l'espérons, de trouver des réponses à nos questions et à nos préoccupations.
    Notre question fondamentale en ce qui touche le projet de loi C-469 est la suivante: un opérateur sous réglementation fédérale se trouvera-t-il en terrain sûr s'il respecte toute la réglementation fédérale applicable ou pourra-t-il être poursuivi en vertu du recours en action civile prévu par le projet de loi? En effet, selon l'article 23 du projet de loi proposé, tout résident du Canada peut exercer un recours devant la cour supérieure contre une personne qui a contrevenu, ou est susceptible de contrevenir, à une loi fédérale ou à un règlement et qui a causé, ou est susceptible de causer, un préjudice environnemental grave.
    La Charte canadienne des droits environnementaux est une loi fédérale, et son article 9 garantit le droit à un environnement sain. Par conséquent, le projet de loi C-469 permet à quiconque d'entamer des poursuites devant les tribunaux contre une entreprise sous réglementation fédérale, en déclarant qu'elle empiète sur son droit à un environnement sain. Le paragraphe 23(3) nous inquiète tout particulièrement puisqu'il suggère, si nous l'avons bien compris, que la conformité réglementaire ne constitue pas une défense. Ce point est de la plus haute importance pour nous, puisque la conformité réglementaire représente le terrain sûr nécessaire pour faire des affaires. En effet, sans garantie qu'une entreprise sera protégée si elle respecte la réglementation, il devient trop risqué de mener des activités.
    D'ailleurs, notre autre question est liée à cette préoccupation: dans quelle mesure les règlements adoptés selon le processus réglementaire actuel seront-ils fiables? Est-ce que n'importe qui pourra en contester la validité n'importe quand en vertu du nouveau recours en révision judiciaire, en s'appuyant sur le fait qu'on aurait dû adopter une autre norme? Si c'est le cas, tous les opérateurs qui dépendent de la norme en question ne seront confrontés qu'à de la confusion et à de l'incertitude. De fait, la formulation de l'article 16, qui porte sur le processus de révision judiciaire, est si large qu'on peut facilement prévoir qu'il sera utilisé pour contester toute norme réglementaire relative à l'environnement contre le gouvernement. Une telle mesure va complètement à l'encontre de la prévisibilité des normes réglementaires essentielle au fonctionnement de notre industrie.
    La conformité réglementaire est-elle toujours pertinente et utile? Et le processus de réglementation, lui? Voilà les questions auxquelles nous ne trouvons pas de réponse en lisant le projet de loi.
    Compte tenu de ce que je viens de dire, nous suggérons respectueusement que si votre intention n'est pas que les recours prévus par le projet de loi C-469 soient applicables aux normes et à la conformité réglementaires — les articles 16 et 23 respectivement —, il faudrait le dire explicitement. Nous avons suggéré un libellé en ce sens dans notre mémoire.
    Bien que notre mémoire porte principalement sur les normes réglementaires, puisqu'il s'agit d'une préoccupation clé pour les opérateurs sous réglementation fédérale, le projet de loi nous amène aussi à nous poser d'autres questions, y compris en ce qui concerne sa concordance avec les conventions internationales sur la responsabilité en matière maritime. L'Association canadienne de droit maritime a soulevé ce point le 1er novembre, pendant sa déclaration; il va sans dire que nous l'appuyons.
    En outre, nous espérons que votre comité aura l'occasion de recueillir aussi les témoignages d'autres témoins, y compris des représentants des ministères fédéraux qui créent et appliquent les règlements environnementaux, ainsi que des spécialistes du droit public et administratif.
    Comme le dit le proverbe, l'enfer est pavé de bonnes intentions; nous sommes inquiets que le législateur, encouragé par l'enthousiasme soulevé par le projet de loi, ne considérera peut-être pas bien comment les mécanismes prévus par le projet de loi fonctionneront dans le cadre législatif actuel. Bien que notre témoignage vise à souligner les préoccupations de notre industrie en ce qui concerne la relation entre les recours proposés dans le projet de loi et les normes réglementaires qui nous régissent, nous soupçonnons que d'autres points devraient être précisés avant, plutôt qu'après, que le projet de loi reçoive la sanction royale.

  (1540)  

    Merci de votre attention. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Broad.
    Allez-y, monsieur Huffaker.
    Merci, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les membres du comité.
    Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de commenter le projet de loi C-469.
    Je m’appelle Tom Huffaker, vice-président des politiques et de l'environnement de l’Association canadienne des producteurs pétroliers.
    Puisque bon nombre de nos inquiétudes liées à ce projet de loi sont d’ordre légal, nous avons fourni un avis juridique séparé. Je suis heureux d'être accompagné de l’auteur de cette analyse juridique, Shawn Denstedt, partenaire chez Osler, Hoskin et Harcourt. Il pourra m’aider aujourd'hui à répondre à vos questions.
    Je ferai quelques commentaires d’ordre général sur nos principales inquiétudes quant au projet de loi plutôt que d’énumérer les nombreuses objections auxquelles donnerait lieu l’étude minutieuse de chacune de ses lignes. Nous vous avons fourni une copie de notre déclaration complète la semaine dernière; ce que je présenterai aujourd'hui sera un peu plus bref.
    L'ACPP représente les petites et grandes entreprises qui explorent et développent les ressources naturelles gazières et pétrolières du Canada. Nous faisons partie d’une grande industrie qui est en plein essor, qui est dotée de technologies de pointe et qui contribue beaucoup à la richesse du pays; en effet, elle fournit, directement ou indirectement, du travail à plus de 500 000 Canadiens, elle investit 110 milliards de dollars chaque année et elle paie au gouvernement plus de 15 milliards de dollars annuellement.
    Les Canadiens s’attendent à ce que le développement et la livraison de l'énergie soient faits de façon sûre, fiable et responsable. Les normes environnementales élevées font partie de leurs attentes, qui sont aussi les nôtres. De fait, le Canada impose certaines des normes environnementales les plus élevées au monde. Le développement est sujet à de nombreux processus d’autorisation et d’approbation. Aussi, les facteurs environnementaux sont pris en compte dans toutes les décisions d’approbation de développements pouvant avoir des conséquences sur l'environnement. De plus, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale offre un processus rigoureux permettant d’évaluer les effets sur l'environnement.
    En outre, les provinces où nous opérons ont elles-mêmes des normes environnementales élevées et des régimes de réglementation rigoureux. Ces normes environnementales sont appliquées dans un cadre bien équilibré entre les lois fédérales et provinciales. Aucun tracé lumineux ne délimite les territoires de compétence fédérale et ceux de compétence provinciale. Bien sûr, le respect des droits et des devoirs des différentes compétences est fondamental au Canada. Il nous faut donc des décideurs et des politiciens sages et chevronnés pour garantir l’équilibre et le respect des compétences provinciales.
    Par ailleurs, l’industrie gazière et pétrolière, comme nombre d'autres industries ici présentes, est réglementée de bout en bout. Le cadre réglementaire est ouvert et transparent. Les Canadiens touchés par les projets énergétiques ont amplement d’occasions de participer aux processus réglementaires. L’Office national de l’énergie agit en toute transparence; n’importe quelle personne ou entité qui a un intérêt raisonnable peut soumettre des opinions ou des faits pertinents.
    Le présent projet de loi fait appel à la sensibilité environnementale croissante des Canadiens. Nous sommes tous très conscients de l’importance de la performance environnementale et du besoin d’adopter des normes élevées par rapport à l’industrie. Toutefois, franchement, nous ne pouvons pas comprendre quel problème au juste le projet de loi se propose de résoudre. Au Canada, le processus de prise de décision en matière d’environnement est déjà ouvert et transparent. Le projet de loi ne représentera qu'un boulet pour le développement responsable et offrira de nouveaux moyens pour décourager le développement, la croissance et la création d’emplois.
    En effet, le projet de loi permettrait à n’importe quel résident du Canada d’intenter une poursuite, en prétextant que le gouvernement du Canada n’a pas fait son devoir de fiduciaire de l’environnement; aussi, les tribunaux pourraient accorder des recours de tous genres. Ainsi, l’art délicat de la politique dont dépend aujourd’hui le respect des compétences fédérales et provinciales sera soumis aux décisions des tribunaux fédéraux prises pour le compte d’activistes environnementaux.
    Selon nous, le projet de loi C-469 impose au gouvernement une obligation quasi constitutionnelle de protéger l’environnement avant toute chose. Nous sommes d’accord que la protection de l’environnement doit primer, mais ce n'est pas la seule priorité: il y a aussi l’économie et la sécurité énergétique. D'un point de vue pratique, les Canadiens veulent des normes environnementales élevées, mais ils souhaitent aussi que le gouvernement et les organismes de réglementation prennent en compte la sécurité des travailleurs et du public, les emplois, ainsi que les besoins en énergie pour les maisons et les voitures.
    Nos sondages confirment que la grande majorité des Canadiens croient qu’il est non seulement important d’équilibrer protection environnementale, sécurité énergétique et priorités économiques, mais aussi qu’il est possible de le faire. Le projet de loi menace l'équilibre que le public exige et auquel il croit, et qui est déjà codifié dans la Loi fédérale sur le développement durable.
    Le système judiciaire canadien est un chef de file mondial en matière de protection des droits individuels. Il est juste que la loi me permette de protéger mes possessions en poursuivant quiconque viole mes droits. Or, il s’agit d’une toute autre chose quand n’importe quel résident du Canada peut traîner des questions environnementales devant les tribunaux. Ces questions sont du ressort de la politique publique et c’est aux gouvernements qu’il revient de les trancher par des processus démocratiques légitimes. Tout citoyen adulte canadien a le droit de vote. Est-ce que tout adulte canadien a les moyens d’intenter des poursuites?
    Quand les activistes intenteront des poursuites en vertu du projet de loi, est-ce que tous les Canadiens pourront se présenter au tribunal et se faire entendre pour demander, par exemple, qu’on protège l’avenir économique de leurs enfants? Bien sûr que non.

  (1545)  

    Le présent projet de loi minerait le rôle des représentants élus. À notre avis, nous devons prendre du recul et bien réfléchir avant de choisir de réduire la possibilité, pour nos représentants élus de manière démocratique, comme ceux ici présents, de résoudre des problèmes complexes.
    En vertu du projet de loi, pas une seule industrie, quelle que soit sa taille, ne se sentira en sécurité même si elle respecte les lois générales et les permis et licences qui lui ont été accordés, peu importe que ces permis et licences aient été délivrés en vertu de lois fédérales, provinciales ou territoriales.
    Selon notre interprétation du projet de loi, pour intenter une action civile en vertu de l’article 23, une entité ou un résident canadien n’a qu’à déclarer qu’il y a eu contravention d’une loi fédérale pour préjudice environnemental grave, que l'affaire l’intéresse directement ou non. Parmi les entités pouvant intenter pareilles actions se trouvent les organismes environnementaux spécialisés en poursuites judiciaires. Ils n’ont qu’à ouvrir un bureau au Canada. L’argent nécessaire peut provenir de n'importe où.
    Or, pour que de petites et de grandes entreprises investissent et créent les emplois dont les Canadiens ont besoin, il leur faut de la prévisibilité. C’est au gouvernement qu’il incombe de la leur fournir, non seulement par les lois et règlements promulgués, mais aussi par les politiques de mise en oeuvre de ces lois et règlements, ainsi que par la sagesse des décisions relatives à leur application.
    Selon nous, il n’y aura aucune prévisibilité si le projet de loi C-469 est adopté. Les politiques savamment équilibrées du gouvernement et le sage conseil des fonctionnaires seront pris en otage par les poursuites en justice des groupes à intérêt unique. Aussi, à notre avis, le projet de loi augmentera de façon significative les risques et les coûts pour les entreprises qui font des affaires au Canada. Le Canada deviendra donc moins concurrentiel; il y aura également réduction des investissements, ainsi que perte de possibilités économiques et d’emplois.
    Les capitaux sont mouvants et, bien qu’ils se dirigent vers les pays aux systèmes environnementaux, réglementaires et judiciaires évolués, comme le Canada, il faut que ces systèmes soient prévisibles et fiables pour que les pays qui en sont dotés attirent les investisseurs. Nous appuyons une politique qui oblige l’industrie à respecter des normes environnementales élevées.
    À notre sens, le projet de loi C-469 n’est pas une bonne politique pour le Canada. Nous croyons qu’il compte des lacunes fondamentales et nous affirmons respectueusement qu’on ne peut pas l'amender pour en faire une bonne politique.
    Merci beaucoup. Je serai ravi de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Huffaker.
    Monsieur Everson, la déclaration de la Chambre de commerce, s'il vous plaît.

  (1550)  

    Je m'appelle Warren Everson. Je suis vice-président principal de la Chambre de commerce.

[Français]

    Comme vous le savez, la Chambre de commerce du Canada est l'organisme de gens d'affaires le plus représentatif du Canada. Grâce à notre réseau de plus de 400 chambres de commerce locales, nous parlons au nom de 192 000 entreprises de toutes tailles actives partout au pays.

[Traduction]

    Le projet de loi C-469 créerait une charte canadienne des droits environnementaux. Il a pour objet de sauvegarder le droit des Canadiens des générations présentes et futures à un environnement sain et écologiquement équilibré. C'est un objectif louable, mais ce n'est pas la bonne stratégie à adoptée. À notre avis, le projet de loi aurait pour conséquence de changer radicalement la nature des activités de protection de l'environnement au Canada, d'accroître l'incertitude, de favoriser les litiges et de créer un nouvel obstacle à l'investissement.
    Nous nous opposons donc au projet de loi  C-469 pour des raisons de principes et nous avons de sérieuses réserves à son endroit. En particulier, le projet de loi C-469 rejette le travail effectué par les parlementaires pendant des décennies pour établir des organismes nationaux destinés à protéger l'environnement. Il propose de remplacer un processus prévisible, dans lequel les provinces et le gouvernement fédéral sont chargés de la réglementation de l'environnement, par un processus interminable de poursuites intentées par des parties privées. En fait, le projet de loi transformerait la Cour fédérale en un organisme de protection de l'environnement.
    Rien n'oblige que les nouveaux droits prévus par le projet de loi soient exercés à des fins de protection environnementales. Ils pourraient être utilisés à des fins commerciales. Ils pourraient servir à imposer un programme privé à un programme public général.
    À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral a un large pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de trouver le juste milieu entre les besoins de protection de l'environnement et d'autres préoccupations sociales. Le projet de loi enlèverait cette discrétion et permettrait aux tribunaux de contester sans cesse les décisions prises par le gouvernement ou même le Parlement. Très peu de gens voudraient investir dans un tel contexte puisque n'importe quel résident ou n'importe quelle entité pourrait les traîner devant les tribunaux, et ce, même s'ils respectent toutes les règles.
    Monsieur le président, comme je vous l'ai dit, j'ai avec moi un mémoire qui porte sur toute une série de problèmes particuliers que soulève le projet de loi, mais étant donné que j'ai réussi à persuader un des membres directement concernés de la Chambre de commerce de comparaître, j'aimerais conclure très brièvement et remettre le mémoire au comité, puis céder la parole à mon collègue.
    Le comité ne sera pas surpris d'apprendre que je conclus que le projet de loi C-469 devrait être mis de côté. Les gens peuvent certes contester des lois environnementales et se plaindre que nous n'en avons pas assez ou que nous ne les appliquons pas adéquatement, mais le cas échéant, les citoyens devraient recourir au Parlement, au lieu de contourner le processus législatif et de s'adresser aux tribunaux.
    Le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui constitue, nous semble-t-il, une déclaration de frustration à l'égard du processus actuel. Or, ce n'est pas une mesure législative efficace. La Cour fédérale se voit remettre un chèque en blanc. Pourtant, les tribunaux ont sans cesse répété dans le passé qu'il n'incombe pas à la cour d'élaborer des politiques, et vos politiciens ont affirmé à de nombreuses reprises que ce n'est pas aux juges de légiférer à la place du Parlement.
    Merci beaucoup.
    Monsieur van't Hof.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie infiniment de prendre le temps de m'écouter.
    Je m'appelle Johan van't Hof et je suis chef de la direction d'une entreprise appelée Tonbridge Power Inc., dont les actions sont cotées à la Bourse de Toronto. Mon rôle ici, à titre de chef de la direction, est de vous parler brièvement de mon expérience en ce qui concerne l'obtention d'un permis pour créer une ligne de transmission de 214 miles reliant Lethbridge aux États-Unis. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que la province de l'Alberta n'est pas du tout reliée aux États-Unis du point de vue de l'électricité, ce qui est un peu paradoxal, étant donné que c'est la province la plus riche en énergie au pays.
    Je vous parle également en tant que personne ayant travaillé dans le domaine du financement des infrastructures pendant 10 ans dans environ 23 pays, dont un bon nombre d'États en déroute. En préparant ma comparution, j'ai longuement réfléchi à la question de savoir pourquoi il en était ainsi, parce que c'est très pertinent à notre entretien d'aujourd'hui.
    Voici ce que j'ai observé: les pays qui accélèrent la prospérité et créent de la richesse dans l'intérêt de leurs citoyens sont caractérisés par une monnaie stable, un système judiciaire indépendant, une infrastructure appropriée qui est efficace et fiable, un système d'éducation et un manque de corruption. Mais surtout, ils ont la primauté du droit: on connaît la loi et on peut être sûr qu'elle sera appliquée, de sorte qu'on peut prendre des décisions selon un profil de risque connu. Dans plusieurs des pays où j'ai travaillé, ces facteurs n'existaient plus. C'est le cas de notre pays, et c'est d'ailleurs l'une des réserves que j'éprouve à l'égard du projet de loi, parce qu'il rendrait très opaques les critères que des gens comme moi doivent remplir.
    Voici en quoi consiste notre projet: il s'agit d'une ligne de transmission qui s'étend sur 214 miles et qui représente une capacité de 600 mégawatts en énergie éolienne pour relier les réseaux électriques aux États-Unis et en Alberta. Financé dans le cadre du projet de loi sur la relance économique du président Obama — qui représente 161 millions de dollars —, notre projet permet de créer 400 emplois des deux côtés de la frontière. Nous en sommes maintenant à la phase de la construction, mais avant d'y arriver, nous avons dû remplir les critères de six organismes de délivrance de permis, notamment l'Office national de l'énergie, l'Alberta Energy and Utilities Board et le Western Electricity Coordinating Council. Nous avons dû obtenir un permis présidentiel auprès du Département de l'énergie. Nous avons dû nous plier aux normes de l'Agence nationale de protection de l'environnement et de l'Agence des États-Unis pour la protection de l'environnement. Nous avons rencontré les représentants du Département de la qualité environnementale de l'État de Montana et du State Historic Preservation Office, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous avons dû tenir des réunions avec plus de 16 organismes.
    Dans l'énoncé des incidences environnementales que nous avons dû préparer — et qui porte sur une région de notre pays et des États-Unis —, il est indiqué que pas un seul arbre ne sera coupé. Il s'agit des plaines. Les travées de nos poteaux mesurent 1 200 pieds de longueur, et les poteaux ont un diamètre de quatre pieds; alors, l'impact est presque minimal. L'énoncé des incidences environnementales comptait 1 100 pages. Nous avons tenu plusieurs dizaines de journées portes ouvertes et nous avons réussi à obtenir tous nos permis en 2008. Nous n'avions aucune certitude à cet égard jusqu'à ce que l'affaire soit réglée par la Cour suprême du Canada, parce que nos opposants nous ont traînés en justice pour littéralement essayer de nous réduire à néant. C'est là essentiellement ma bête noire.
    Ce n'est pas que nous n'avons pas besoin de lois en matière d'environnement; au contraire, nous en avons besoin. Je suis fier d'être un Canadien, et je veux avoir une société et un pays que je suis fier de représenter quand je voyage dans le monde. Le hic, c'est que du point de vue de la croissance économique, cela signifie les répercussions. Plus de croissance équivaut à plus d'électricité; plus nous avons besoin d'électricité, plus des gens comme moi doivent installer des lignes électriques. Nous ne les installons pas parce que nous en avons envie, mais parce qu'on nous en fait la demande et parce que les gens achètent plus de télévisions.
    Mais j'en reviens à mon argument, mesdames et messieurs les députés. Si on n'est pas au courant de la primauté du droit, à moins que les gens comme moi connaissent les critères — je suis heureux de les remplir et je ne manque pas d'investir le capital nécessaire pour les remplir et les dépasser —, c'est-à-dire si on ne connaît pas les balises et qu'il n'y a aucune certitude que la loi sera appliquée, alors on ne s'embarquera pas là-dedans.
    Alors, pour conclure, ce qui m'inquiète dans le projet de loi, c'est qu'il risque de faciliter des procès de 20 ans. La simple menace de procès signifie que rien ne sera fait ou proposé à cause justement du manque de clarté juridique qui découragerait toute intention d'investissement.
    La primauté du droit est une condition préalable fondamentale au développement commercial, à la création de richesse et à la croissance économique puisqu'elle permet aux participants de savoir ce qu'ils doivent respecter pour être jugés acceptables. C'est ce que nous demandons. Nous voulons tout simplement savoir avec certitude quels critères nous devons remplir. À mon sens, le projet de loi échoue complètement sur ce plan.
    Merci.

  (1555)  

    Merci.
    Je tiens à remercier tous les témoins de ne pas avoir dépassé le temps alloué.
    Nous passons à notre première série de questions de sept minutes. Monsieur Scarpaleggia, veuillez commencer.
    Vous avez raison, monsieur le président. Nous avons eu droit à des témoignages fort éloquents.
    Monsieur Broad, j'ai lu votre mémoire la semaine dernière. Je m'intéresse à l'interaction entre les règlements nationaux et les normes contenues dans les conventions internationales, et la façon dont le projet de loi changerait cette interaction ou nuirait à son bon fonctionnement. Vous en avez parlé dans votre mémoire.
    Toutefois, il y a un point que je n'ai pas compris: vous dites, relativement aux conventions internationales, que les normes internes du Canada sont en général plus élevées que les normes internationales prévues dans les conventions. Si nos normes sont déjà supérieures aux normes internationales, comment le projet de loi placerait-il le Canada dans une situation compromettante? C'est la première question.
    La deuxième porte sur la situation actuelle dans l'État de New York en ce qui concerne l'eau de ballast. Je me demande si vous avez des observations à faire à ce sujet et si vous pouvez nous donner une idée de ce qui pourrait arriver si le projet de loi était adopté. Comme vous le savez, les règlements concernant l'accostage dans l'État de New York sont très rigoureux pour ce qui est du traitement des eaux de ballast des navires; on nous a dit que si ces règlements ne sont pas modifiés, il n'y aura aucun trafic vers l'État de New York.
    J'apprécierais énormément si vous pouviez commencer par répondre à ces deux questions.
    Merci.
    En ce qui concerne la première question, soit le transport maritime international, comme on l'a expliqué, les navires sillonnent le globe et permettent des échanges commerciaux dans le monde entier; voilà pourquoi on doit leur donner l'assurance que les lois sont assez uniformes partout dans le monde. L'Organisation maritime internationale, qui fait partie de l'ONU, élabore des lois sur l'exploitation des navires et tout le reste; le gouvernement canadien observe les lois internationales et instaure ses propres lois en complément.
    Ce que nous voulons dire, c'est qu'advenant la signature d'un traité international, le projet de loi, s'il est adopté, risque de ne pas y être conforme. Le seul problème, c'est qu'on pourrait se retrouver dans une situation où la loi internationale oblige l'adoption d'un certain processus ou l'installation d'une certaine machinerie à bord de notre navire puis, un mois plus tard, un autre processus ou un autre équipement un peu plus efficace voit le jour. On vient de dépenser des millions de dollars pour reconfigurer notre navire et le doter de nouveaux outils, et voilà qu'un autre équipement est mis à notre disposition. Un citoyen pourrait-il alors nous reprocher de ne pas avoir utilisé la meilleure technologie disponible?
    Bref, on a beau respecter la loi internationale ainsi que les lois et les règlements canadiens, mais si quelque chose change sur le marché — par exemple, si on se retrouve, un mois plus tard, avec un processus légèrement amélioré — on n'aura pas les moyens de l'adopter du jour au lendemain. C'est le point que nous essayons de faire valoir.

  (1600)  

    Si on utilise une nouvelle technologie qui voit le jour après l'entrée en vigueur des normes ou des règlements internationaux, est-il possible qu'on soit en conflit avec les normes internationales?
    Absolument.
    D'accord.
    Avez-vous des observations à faire au sujet de la situation dans l'État de New York?
    Oui. Eh bien, voici la situation: le gouvernement fédéral des États-Unis dispose de certains règlements conformes au droit international, mais malheureusement l'État de New York a décidé d'adopter un règlement sur l'eau de ballast qui est différent des normes fédérales et internationales.
    L'État de New York demande que d'ici 2012, tout navire qui traverse ses eaux soit équipé d'un équipement 100 fois plus efficace que ce que prévoient les normes actuelles. Malheureusement, il n'y a pas d'équipement 100 fois meilleur que la norme en place: on doit se débrouiller avec ce qu'on a. Même si cet équipement était disponible, on ne pourrait pas en mesurer l'efficacité. Il faut tout simplement beaucoup trop d'eau.
    Bref, un gouvernement d'État a adopté une loi qui va à l'encontre de la loi fédérale et de la loi internationale, ce qui finira essentiellement par bloquer le commerce maritime dans les Grands Lacs. Au fond, cette loi empêche le commerce non seulement dans les ports de l'Ontario, mais aussi dans tous les ports canadiens en amont des lacs. Elle empêche les navires de se rendre là-bas et de faire du commerce. Si cette loi n'est pas modifiée, elle sera lourde de conséquences pour les voies commerciales du Canada.
    Merci.
    Monsieur Huffaker, je suppose que vous relevez de la Charte des droits environnementaux de l'Ontario. Votre industrie serait assujettie à cette charte des droits, alors je me demande si, d'après vous, cette charte a eu des effets négatifs sur l'industrie pétrolière au Canada.
    Le point à retenir, c'est que, selon nous, il ne s'agit pas du même type de structure, de loi ou de disposition. Je n'ai pas d'exemple précis qui montre qu'il y a eu des problèmes en Ontario, mais je peux dire que la charte ontarienne est, de toute évidence, beaucoup plus étroite puisqu'elle ne s'applique qu'à la province, et non pas à l'ensemble du pays.
    Mais donne-t-elle aux citoyens ou aux résidents de l'Ontario le droit de remettre en question un règlement, comme le fait le projet de loi? A-t-elle autant de mordant que le projet de loi?
    Si vous le permettez, j'aimerais demander à M. Denstedt s'il peut fournir plus de détails à ce sujet.
    Je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter. Je suis désolé.
    Je comprends votre argument concernant, entre autres, les processus démocratiques et le risque que des fonds étrangers puissent servir à financer des poursuites judiciaires contre les intérêts économiques canadiens. Dans ce cas, accepteriez-vous qu'on applique les principes du financement des élections, si on veut, au financement des poursuites en matière d'environnement? Autrement dit, on interdirait à toute personne qui n'est pas citoyen canadien de financer une poursuite intentée par une ONG au Canada contre les intérêts économiques canadiens.

  (1605)  

    Je ne prétends pas être un expert pour ce qui est de décider exactement comment on devrait structurer le financement, mais c'est une des nombreuses raisons pour lesquelles nous estimons que le projet de loi comporte des lacunes fondamentales.
    Merci; votre temps est écoulé.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie également nos témoins.
    J'ai bien aimé ce qu'a dit M. Huffaker en réponse à une question de M. Scarpaleggia. Il a souligné qu'il pouvait y avoir des différences en matière de droit de l'environnement et de droit à un environnement sain, selon qu'on soit en Ontario ou en vertu de ce projet de loi. Dans ce dernier, on crée ce droit à un environnement sain, ce qui n'est pas mal. Je ne vois pas là de problème de principe. Le problème se situe peut-être au niveau des actions civiles.
    Il faudrait peut-être documenter la question, mais d'après ce que j'ai compris, lorsque ces droits existent dans les provinces, ils sont plus balisés que les dispositions du projet de loi qui nous est présenté. Il serait peut-être intéressant de faire une analyse comparative du projet de loi qui est devant nous et de ce qui se fait dans les provinces, dont le Québec. Ce dernier a adopté un modèle comparable.
    Cela étant dit, il y a deux groupes de témoins devant nous, et je crois comprendre que, selon l'un des deux, nous devrions jeter le projet de loi par-dessus bord. Par contre, un témoin a dit qu'il y avait peut-être moyen de travailler autour du projet de loi, entre autres en clarifiant le paragraphe 23(3).
    Dans le mémoire de la Fédération maritime du Canada, on dit que le seul fait d'invoquer un préjudice est suffisant pour déclencher des procédures, et que c'est là le problème. Je pense que c'est un élément assez important.
     Si on balisait le tout, notamment les motifs pour lesquels des poursuites en justice seraient intentées, croyez-vous qu'il serait possible d'améliorer le projet de loi? Ma question s'adresse à tout le monde.

[Traduction]

    Après avoir écouté Johan, je ne le pense pas. Mais si je comprends bien la question, je crois que nous nous sommes attardés sur les éléments du projet de loi qui nous posaient le plus de problèmes. Nous ne disons pas que nous sommes pour ou contre le projet de loi; nous disons seulement que le projet de loi nous causera des problèmes, compte tenu des conditions actuelles et de la position de nos exploitants.
    De l'avis général, le fait d'accorder à tout le monde le droit d'intenter des poursuites pour presque n'importe quoi, n'importe où, pose un problème fondamental sur le plan de la certitude dans le climat d'investissement et des relations fédérales-provinciales; comme je l'ai dit, c'est faire fi de l'équilibre des droits et des responsabilités que nous jugeons tous importants. Voilà pourquoi nous considérons que le projet de loi comporte des lacunes fondamentales.
    Je ne suis pas en mesure de commenter la façon dont les poursuites au civil fonctionnent dans les provinces, mais je sais qu'il y en a dans plusieurs provinces. Force est donc de se demander si on aurait besoin ou non d'une loi fédérale en plus pour permettre la participation des citoyens à d'autres niveaux.
    Je dois dire qu'à mon avis, le travail qu'il faut faire pour rendre le projet de loi applicable est disproportionné par rapport à la valeur du projet de loi. Par exemple, il n'y a rien dans le projet de loi qui prévoit le recours aux tribunaux. Il est peut-être difficile de justifier le fait d'être trop compatissant envers la magistrature, mais un juge quelque part sera saisi d'une affaire et cherchera une clause frivole pouvant être invoquée, ou une clause de répétition.
    Quand la Loi sur l'accès à l'information a été adoptée à la Chambre des communes fédérale — je travaillais sur la Colline à l'époque —, pendant plusieurs années, un certain nombre de pétitionnaires ont intenté une suite interminable d'actions contre les mêmes défendeurs, ou ceux qui sont bel et bien devenus des défendeurs. Personne au Parlement n'avait prévu que les choses allaient se dérouler ainsi, mais le libellé du projet de loi le permettait.
    Il serait donc utile de doter les tribunaux de certains outils pour rejeter les demandes sans fondement, par exemple. Mais je pense que le projet de loi nécessite tellement de travail que ce n'est tout simplement pas avantageux.

  (1610)  

[Français]

    Que répondez-vous aux affirmations de ceux et celles selon qui le même genre de modèle, mis en oeuvre dans certaines provinces et ailleurs dans le monde, n'a pas engendré une augmentation du nombre de poursuites? C'est le cas du Québec. La situation voulant que ces fameux activistes surgissent et engagent des poursuites pour des raisons plus ou moins fondées ne se concrétise pas. Si ça n'a pas été le cas, c'est qu'il y avait des balises. Vous dites craindre ce projet de loi parce qu'il ne comporte pas de balises. Or les modèles qui ont été mis en vigueur n'ont pas engendré une quantité astronomique de poursuites. Ce n'est pas ce qu'on voit.

[Traduction]

    Je pense que c'est un excellent argument, et j'entends Johan qui veut participer à cette conversation.
    Je ne suis pas avocat, et je ne peux pas me prononcer sur la différence entre une poursuite au civil à la Chambre fédérale et la common law. Le comité se heurterait certainement à un problème de compétences dans le cas d'un déversement, mais dire qu'une loi existe au provincial et qu'on n'en a pas abusé n'est pas en soi une raison qui justifie de la présenter à la Chambre fédérale.
    Monsieur le président et mesdames et messieurs les députés, je vous parle en tant que personne qui oeuvre dans le domaine des finances. Je suis responsable du financement des projets et je m'assure que les projets sont menés à bien: je leur trouve du financement et je veille à leur exécution. Je peux vous dire que vous ne réussirez pas à trouver du financement pour les projets à moins qu'il n'y ait plus de risque d'appel. Les banquiers ne prendront pas ce risque. Par conséquent, la menace même de pouvoir constamment dépasser un niveau donné... Nous avons un groupe en Alberta qui s'occupe de notre cause, qui en est maintenant à sa huitième tentative à la Cour d'appel fédérale. C'est une cause res judicata, pour ceux d'entre vous qui sont avocats, si bien que nous avons eu gain de cause chaque fois.
    Mais le simple fait est que s'il y a une menace de litige, ces projets ne sont pas financés et, par conséquent, rien n'est accompli. Nous devons absolument connaître quel est le critère, pour savoir clairement ce qu'il en est. Si nous n'y répondons pas, il va de soi que nous devrions y être forcés. Mais je peux vous dire que la menace d'appel suffit pour mettre le holà à un projet.

[Français]

    Merci beaucoup. Votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Madame Duncan, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Et j'aimerais remercier les représentants d'avoir fait une déclaration sur mon projet de loi.
    Monsieur Broad, votre association, la Fédération maritime du Canada, ainsi que la Guilde de la marine marchande du Canada, l'International Ship-owners Alliance of Canada et la Fédération internationale des ouvriers du transport se sont tous prononcées contre le projet de loi d'exécution améliorée, le projet de loi C-16, n'est-ce pas?
    Oui.
    Merci.
    C'était pour une raison: que le projet de loi offre la possibilité de criminaliser les marins.
    Merci.
    Monsieur Huffaker, c'est un plaisir de vous rencontrer.
    J'ai pendant longtemps collaboré avec le prédécesseur de votre organisme, l'Association pétrolière du Canada, et j'ai travaillé avec la CAPP quand je siégeais au conseil de la Clean Air Strategic Alliance. J'ai beaucoup aimé travailler avec les membres de l'association.
    Si vous le permettez, j'aimerais vous demander si la CAPP appuie la position qu'a adoptée l'Association pétrolière du Canada dans les années 1980 et au début des années 1990 selon laquelle une fois que les lois sont adoptées, que ce soit au fédéral ou au provincial, elles devraient être appliquées.
    De toute évidence, il y a la question des règles et des règlements et la façon dont ils sont promulgués, mais oui, nous appuyons l'application de la loi.
    Et appuyez-vous la position...? J'ai toujours cru que la position au provincial, c'est que toutes les personnes qui sont concernées ou touchées par une loi, une politique ou un règlement en matière d'environnement devraient avoir la possibilité d'avoir également leur mot à dire dans la conception de la loi.
    Je pense qu'en règle générale, la loi prévoit que les personnes qui sont touchées... Nous croyons que selon les procédures actuelles, au fédéral et au provincial, les Canadiens ont grandement la possibilité de participer, s'ils sont touchés par un projet.
    Je dois admettre, monsieur Huffaker, que je suis choquée par un énoncé dans votre mémoire où vous semblez laisser entendre que le public ne devrait pas se mêler de ces questions, que nous devrions laisser au gouvernement le soin de s'occuper de la conception de la loi, de la surveillance, de l'application et des litiges. Et pourtant, quand on regarde la liste des personnes et des organismes qui ont rencontré le ministre de l'Environnement, 99 p. 100 d'entre eux sont des membres de l'industrie, et beaucoup oeuvrent dans le secteur pétrolier et gazier.
    Donc êtes-vous en train de dire que les industries devraient pouvoir influencer l'élaboration des politiques et les lois en matière d'environnement, et non pas le public?

  (1615)  

    Bien sûr que non. Nous disons que les gens qui sont directement touchés devraient évidemment pouvoir intervenir ou participer dans des projets où ils sont touchés, comme ils ont très libéralement pu le faire dans le cadre des consultations de l'ONE et d'autres sortes d'audiences. Nous disons qu'on va trop loin en donnant à tous ceux qui se considèrent comme concernés le droit d'intervenir et d'intenter des actions contre toute décision du gouvernement liée à la politique environnementale.
    Donc vous dites simplement que nous devrions restreindre les droits du public en ce qui concerne les litiges parce que vous affirmez dans votre exposé que nous devrions laisser au gouvernement le soin de prendre ces décisions, ce qui comprend la conception des lois. Pourriez-vous clarifier ce point?
    Je pense que nous faisons référence dans notre témoignage au fait que le public et les parties intéressées, ceux qui sont touchés, ont désormais largement le droit d'intervenir dans ces dossiers dans le cadre de divers processus provinciaux et fédéraux canadiens.
    Je ne suis pas étonnée par ce qu'ont dit les intervenants au sujet du chevauchement, car c'est ainsi que procède l'industrie: soutenir que nous devrions exclure le gouvernement fédéral de la réglementation environnementale parce que nous avons les provinces.
    L'un de vous avait soumis un avis juridique rédigé par la firme Osler et Company, je pense. Il était intéressant et renfermait une citation sélective tirée d'une cause très historique, soit l'affaire Friends of the Oldman. N'est-il pas vrai que la raison pour laquelle Friends of the Oldman est une cause importante, c'est que la Cour suprême a déclaré que le gouvernement fédéral a compétence en matière d'environnement?
    Je vais demander à M. Denstedt s'il veut répondre à la question puisqu'elle porte sur son avis juridique.
    Monsieur Denstedt, s'il vous plaît.
    Madame Duncan, je ne souscris pas à votre interprétation étroite de cette cause. On a notamment proposé qu'il y ait un partage des compétences, et parce que l'environnement est, en soi, un domaine indissociable, la province et le gouvernement fédéral prendront part aux décisions qui ont une incidence sur l'environnement, et ils devraient coopérer.
    C'est exact. Et cette action n'a-t-elle pas été intentée parce que le gouvernement fédéral avait omis d'effectuer une évaluation environnementale fédérale et que la cour a jugé qu'il aurait dû?
    C'est exact.
    Merci.
    J'ai une autre question rapide pour M. van't Hof.
    Monsieur van't Hof, vous soulevez des préoccupations concernant la ligne MATL pour laquelle on vous traîne devant les tribunaux. N'est-il pas vrai que la raison pour laquelle on vous traduit en justice, c'est qu'un grand nombre des agriculteurs avaient, selon eux, été exclus des processus d'examen et qu'ils jugeaient malheureusement nécessaire de recourir aux tribunaux pour obtenir le droit de prendre part à ces examens?
    Monsieur le président, madame Duncan, c'est tout à fait inexact. L'Alberta Utilities Commission et l'ONE ont dit clairement, et la cour d'appel aussi, que le niveau de consultation était acceptable.
    Je ne conteste pas la décision. Je sais ce que la cour a statué. Mais n'est-ce pas la raison pour laquelle l'agriculteur a eu recours aux tribunaux, parce qu'il avait été exclu des délibérations?
    Non. Il est allé en cour parce qu'il voulait mettre fin au projet.
    Dans un grand nombre des mémoires, on a soulevé le fait qu'on n'a pas vraiment besoin de cette loi fédérale, car les gens peuvent agir au provincial. Mais n'est-il pas vrai que nous avons également beaucoup de lois fédérales et qu'elles ont préséance?
    Et en vertu de la loi fédérale, les gens ont la possibilité de présenter différentes opinions également.

  (1620)  

    Tout à fait. Et le but du projet de loi n'est-il pas de veiller à ce que l'on puisse se prévaloir de ses droits en vertu de toutes les lois, certainement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement? C'est une loi très moderne, et c'est aux quelques gouvernements antérieurs que revient le mérite. Ils ont remué ciel et terre pour mettre à jour et moderniser cette loi.
    Mais contrairement au projet de loi C-16, pour lequel le gouvernement a fait un projet de loi omnibus et a modifié de nombreuses lois, il n'a pas pris des mesures semblables pour mettre à jour l'égalité des droits, par exemple, en vertu de la Loi sur la protection des eaux arctiques, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ou la Loi sur les pêches. N'est-il pas vrai que les droits et les occasions ne sont pas les mêmes en vertu de toutes les lois environnementales fédérales?
    Je croyais que c'était tout le contraire, que tout le monde avait l'occasion d'exprimer son point de vue sur n'importe quelle mesure législative qui a vu le jour en vertu de la loi fédérale.
    Merci beaucoup, madame Duncan. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Warawa, pouvez-vous clore la période d'interventions de sept minutes?
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous.
    Ce que nous avons entendu aujourd'hui est très révélateur et choquant. C'est la troisième séance où des témoins comparaissent. Au cours des deux autres, on nous a surtout dit que le projet de loi C-469 serait utilisé comme un gros bâton, une menace pour éviter les litiges. Les témoins ont cru que le nombre d'affaires judiciaires n'augmenterait peut-être pas, mais la menace des litiges encouragerait le gouvernement, les entreprises, ou peu importe, à agir.
    J'entends dire que le projet de loi C-469 créerait beaucoup d'incertitude et que le financement des projets serait interrompu non seulement en raison de la menace que des mesures seraient prises, mais aussi de la menace que le processus d'appel ne finirait jamais. J'entends dire que c'est peu probable, car qu'elle que soit la décision, si un résident du Canada ne l'a pas approuvée, il pourrait intenter une action en justice et prendre possession de ce gros bâton. Alors est-ce que quelque chose arrivera, ou est-ce que les choses seront interrompues? Votre témoignage aujourd'hui est donc très important.
    À la première réunion, certains ont dit être d'avis qu'il devrait y avoir une taxe sur le carbone au Canada. Les Canadiens l'ont rejetée, mais nous avons ensuite entendu dire que ce pourrait être le cheval de Troie qui pourrait faire en sorte que ce soit possible. Le chèque en blanc que l'un de vous a mentionné pourrait être utilisé par les tribunaux comme un moyen d'imposer une taxe sur le carbone à tous les Canadiens, à toute l'industrie.
    J'ai une autre inquiétude concernant Hydro-Québec. Je ne vais pas entrer dans les détails, car je suis certain que M. Blaney du Québec voudra poser des questions à ce sujet. Mais je suis de la Colombie-Britannique, et l'hydroélectricité est très importante dans ces deux provinces. Si un résident du Canada — et je ne suis pas certain de la définition de « résident » — vivait au Canada en toute légalité, il pourrait intenter une action en justice et il aurait alors le gros bâton pour transgresser ou peut-être contourner les permis d'exploitation des compagnies hydroélectriques s'il n'aimait pas ce qui se passait et s'il jugeait que le projet pourrait causer des dommages à l'environnement.
    J'ai surtout entendu parler que de grands efforts ont été déployés, que des consultations ont été menées pendant des années pour tenter de trouver un équilibre au chapitre de la durabilité où tous les facteurs seraient pris en considération — l'environnement, l'économie, les écosystèmes — et pour établir un équilibre après les consultations. Après que cet équilibre est atteint et que les permis sont émis, il y a encore une possibilité d'interjeter appel et le projet de loi C-469 pourrait tout faire arrêter.
    Est-ce une analyse juste?
    Oui, c'est précisément cela.
    L'Alberta Energy and Utilities Board est un organisme de réglementation très expérimenté. Nous avons tenu des audiences pendant trois ou quatre semaines, nous avons entendu des dizaines de témoins, nous avons reçu des centaines de pages d'analyse et de témoignages d'experts et les critères auxquels nous devons répondre sont connus. Les critères de l'ONE étaient connus et on nous a tout de même traîné devant la Cour suprême.
    Je suis d'avis qu'avec cette mesure législative, même si on répond à ces critères — et il en coûte plusieurs millions de dollars pour satisfaire à ces critères —, si quelqu'un ne l'a pas aimé, il pourrait dire, « Je pense qu'il y a une autre incidence à laquelle vous n'avez pas pensé. »
    Alors les années et les décennies de certitude réglementaire qui avait été instaurée... Je vais vous donner un exemple. Nous devons déplacer notre ligne de centre de 20 pieds parce que nous sommes sur une réserve routière. Nous devons nous adresser à l'Alberta Utilities Commission pour la déplacer de 20 pied et nous devons solliciter les commentaires des gens qui vivent dans un périmètre de 800 mètres de la ligne — et nous le faisons car c'est le critère à respecter de nos jours, 800 mètres.
    C'est très improbable, mais il est possible que même si le ministère des Transports de l'Alberta me dit, « Déplacez-la, car vous êtes sur une réserve routière », et ce n'est que 20 pieds, notre permis pourrait être suspendu pendant l'appel en vertu de cette mesure législative.

  (1625)  

    Il est rare qu'une décision soit acceptée par tout le monde au Canada. Donc, c'est par le biais de la consultation que l'on arrive à des décisions qui servent l'intérêt de la majorité des Canadiens et qui se fondent sur les principes de durabilité. Il faut à la fois protéger l'environnement et créer des emplois.
    Si vous faites cela, c'est ce que je retire de vos propos, le principe de durabilité risque de disparaître et cela représente essentiellement un risque de litige — une mesure législative avec un risque de litige. Cela est-il juste?
    Je vais vous donner une réponse qui résume bien évidemment notre point de vue.
    Il y a longtemps, j'assistais à une séance d'un comité parlementaire et un député a soulevé précisément cette question du soutien unanime à une mesure législative. Il l'a appelée — avec exagération pour mieux illustrer son argument — la disposition Clifford Olson. Que se passerait-il, a-t-il dit, si dans tout le pays une seule personne refusait de faire quelque chose et que cette personne était Clifford Olson? Il réside toujours au pays. D'ailleurs, on pourrait y ajouter Mom Boucher ou quelqu'un d'autre. Le point qu'il a soulevé, et qui devrait toujours être soulevé, c'est que l'on demande aux parlementaires de prendre ces décisions.
    J'aimerais ajouter que j'encourage le comité à entendre, lors de ces délibérations, ce que l'Association du Barreau canadien ou une autre organisation a à dire sur la situation dans laquelle se trouverait un juge quand il est saisi d'une affaire. Il est tout à fait raisonnable de penser qu'il serait extrêmement difficile à un juge, compte tenu des ressources à sa disposition à la Cour fédérale, de s'occuper d'un très grand dossier environnemental, d'analyser toutes les motions, les études et les examens pour arriver à une conclusion — et même arriver au point, mentionné dans mon mémoire, où les juges ne veulent pas faire les lois et vous aussi ne voulez pas qu'ils fassent les lois.
    Monsieur Huffaker, vous avez dit que le projet de loi comporte des lacunes fondamentales et qu'il ne peut pas être modifié pour devenir une bonne loi. Partagez-vous tous cet avis?
    Des voix: Oui.
    M. Johan van't Hof: Oui.
    M. Mark Warawa: Merci.
    Merci, monsieur Warawa.
    Nous passons à notre série de questions de cinq minutes et je continuerai à veiller à ce que le temps soit respecté.
    Monsieur Dosanjh, vous pouvez commencer.
    Je vais être très bref et je partagerai mon temps de parole avec mon collègue, M. Tonks. Je suis membre du comité à titre provisoire pour aujourd'hui.
    Vous avez soulevé des points intéressants, surtout vous, monsieur Broad. Je vous pose une question concernant votre deuxième recommandation. Je comprends votre première recommandation. Elle est valable, mais je pense que la question de la participation du citoyen s'oppose à celle de la certitude. Mais je vais me pencher plutôt sur la deuxième recommandation.
    Un bref coup d'oeil à cet article me dit qu'il inverse tout simplement le fardeau et il vous revient de prouver que ce qui s'est passé n'était pas au-delà de conséquences raisonnablement prévisibles de l'exercice de vos droits en vertu de la loi. Ainsi, le fardeau de la preuve est inversé en ce qui vous concerne.
    Je ne dis pas que je suis d'accord ou non avec cela. Ma question est la suivante: existe-t-il une situation dans laquelle vous, en tant que secteur, pouvez être au courant de certaines conséquences découlant de vos actions, dans le cadre de la loi, et qui pourraient dépasser les conséquences raisonnablement prévisibles de ce projet de loi et de ce qu'il prévoit? Pouvez-vous envisager une telle situation?
    Puis, dans ces circonstances, considérez-vous que le secteur, sachant ce qu'il sait, serait obligé de cesser ses activités à ce moment?

  (1630)  

    Vous savez, nous raisonnons très simplement ici.
    Moi aussi, me semble-t-il.
    Tout ce que nous disons, c'est que si quelqu'un devait nous poursuivre en justice parce que nous respections la loi, nous pourrons alors dire que nous respections la loi, que nous respections la réglementation.
    Mais cet article inverse le fardeau et c'est à vous de prouver que vous respectiez la loi et que vous n'aviez pas dépassé les conséquences raisonnablement prévisibles de l'action. Ce n'est pas un concept difficile. Je me demande simplement si vous pouvez prévoir ce genre de situations dans lesquelles vous pourriez être obligé, sachant ce que vous savez, de cesser vos activités et de vous rendre compte que vous êtes allés au-delà de ce qui était prévu.
    Anne, vous pourriez peut-être...
    Mme Anne Legars est un témoin. Mme Legars est la directrice, Politiques et affaires gouvernementales de la Fédération maritime du Canada.
    Souhaitez-vous répondre à la question de M. Dosanjh?
    Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris la question, mais si vous demandez si nous pouvons prouver que nous avons respecté la loi, cela ne nous pose pas problème. Si c'est un moyen de défense, il n'y a pas de problème. Si ce n'est pas un moyen de défense, alors cela nous pose problème. C'est essentiellement le contenu de notre mémoire.
    Le paragraphe en question dit que ce « n'est pas un moyen de défense » que « l'activité était autorisée par une loi ou par un règlement ou autre texte réglementaire, il faut que le défendeur prouve — il faut que vous prouvez — que le préjudice environnemental grave était le résultat inévitable de l'exercice de cette activité autorisée par la loi. »
    N'est-ce pas un moyen de défense? Vous dites que vous n'avez pas un moyen de défense, que le moyen de défense est supprimé. Je vous dis qu'il ne l'est pas; en fait, le fardeau de la preuve est inversé et c'est à vous de prouver que vous étiez dans vos droits.
    Si l'intention de la loi est telle que vous l'avez décrite, cela veut dire que c'est un moyen de défense et nous nous en réjouissons. Notre lecture nous laissait à penser que ce n'était pas un moyen de défense, ce qui explique pourquoi nous avons un problème.
    Non, il est dit que ce n'est pas un moyen de défense dans une action civile et qu'il faut que vous prouviez que l'exercice de cette activité est autorisée par la loi. C'est ce qui est dit.
    Pour être positif, c'est un moyen de défense tant que vous pouvez prouver que vous étiez dans vos droits. Il n'est pas juste de dire que le moyen de défense est supprimé. Mais je suis d'accord et je reconnais que le moyen de défense est rendu plus difficile.
    Voulez-vous donner une réponse du point de vue juridique?
    Je ne suis pas avocat, je peux donc parler sans crainte de montrer mon ignorance. Je me présenterai au tribunal pour dire que mon activité est autorisée par la loi et que tout le monde connaissait — ceux qui m'ont donné l'autorisation connaissaient — l'étendue de mes activités et savaient qu'il y aurait une détérioration de l'environnement. Les représentants, de l'organisme qui était sur la sellette à l'époque, diraient qu'ils ignoraient qu'il y aurait une dégradation et qu'on ne leur avait jamais dit qu'il y en aurait une. C'est ce qu'ils diraient sûrement. Par conséquent, servirait-il de moyen de défense? Peut-être, mais ce ne serait certainement pas un bon moyen de défense et nous nous retrouverions dans une situation très tortueuse.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur Calkins, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais situer cela dans un contexte. Évidemment, toutes nos discussions sur l'environnement me tiennent à coeur car j'ai été durant la plupart de mes années passées, garde d'un parc national et agent de conservation. J'ai un diplôme en zoologie avec spécialisation en sciences aquatiques et halieutiques. Avant de devenir député, une grande partie de ma vie professionnelle précédente était consacrée à l'application de la loi et la protection de l'environnement.
    Toutefois, quand j'ai vu le projet de loi... Dès la lecture d'un projet tel que celui-ci, on se dit — je crois que l'un d'entre vous l'a dit — que le chemin vers l'enfer est pavé de bonnes intentions. Ma collègue, Mme Duncan a présenté ce projet de loi et je crois qu'elle l'a fait de bonne foi. Mais, au fond de moi, je crois fermement que le projet de loi menace à tel point l'équilibre qui existe aujourd'hui dans la société qu'il en devient dangereux.
    Monsieur van't Hof, si vous me le permettez, vous avez dit que le projet de loi freinera les investissements. Je vous dirais même qu'il anéantira notre économie actuelle. Aucun article du projet de loi les empêchera de revenir en arrière et d'annuler n'importe quel permis déjà délivré, que ce soit pour une exploitation des sables bitumineux, une ligne de transmission ou un réacteur alimenté au charbon. Il n'y a rien... J'espère que le projet de loi ne sera jamais adopté sous son libellé actuel, mais si cela devait arriver, non seulement il y aurait un gel des investissements, mais quiconque, qui en aurait l'intention, pourrait annuler tout permis délivré et tout règlement ou processus réglementaire mis en place. Nous parlons d'une accumulation de ce genre de choses pendant des années.
    Je ne sais pas, monsieur Huffaker, si vous pouvez parler de ce qu'il faut seulement pour faire... Je sais que l'Association canadienne des producteurs pétroliers a un large champ d'activités, d'applications et qu'elle compte beaucoup de membres. Mais, dans le secteur des sables bitumineux, il faut mettre les points sur les i et les barres sur les t pendant des années avant d'obtenir un permis de construction d'un bassin de décantation et de stockage des stériles et boues ou d'un bac de décantation des résidus.
    Pouvez-vous, monsieur van't Hof et monsieur Huffaker, nous dire combien de bureaucratie, de formalités administratives et de revérifications existent déjà dans les démarches visant l'obtention de permis liés à l'environnement?

  (1635)  

    Monsieur Huffaker, vous pouvez répondre en premier, M. van't Hof suivra.
    Ceux qui ont de grands projets au Canada, en Alberta et dans d'autres provinces font certainement des démarches qui durent des années et des années. Tout un éventail d'organismes provinciaux de réglementation et parfois d'organismes réglementaires et administratifs du gouvernement fédéral les surveillent de très près.
    C'est le genre de situation que l'on rencontre quand on dit que nous avons d'excellentes lois sur l'environnement et que les Canadiens peuvent intervenir dans ces processus lorsqu'ils sont touchés directement. Je ne pense pas que nous ayons sérieusement réfléchi à ce qu'il adviendrait des projets qui ont déjà des permis car nous nous préoccupons tellement des conséquences négatives que pourrait avoir le projet de loi pour les situations à venir et pour l'équilibre que nous avons essayé d'établir dans ces projets ainsi que pour l'investissement et le sentiment de certitude des exploitants.
    Vous avez peut-être raison de dire qu'il pourrait avoir un impact sur les projets qui depuis de nombreuses années se conforment aux exigences des processus réglementaires et de la loi. Dans certains cas, des projets de milliards de dollars dépendent de cette conformité et du statut juridique; certains de ces projets ont aussi créé des milliers et des milliers d'emplois et des milliards de dollars en avantages économiques.
    Monsieur van't Hof.
    Monsieur le président, honorables députés, je suis entièrement d'accord. Il anéantira la capacité de financer ces projets. Les banques ne s'exposeront pas au risque de poursuite ou d'appel en justice car elles n'auraient alors rien du tout.
    Dans notre situation, nous avons littéralement des décennies de règles et de règlements détaillés, de normes, de témoins experts, d'ingénieurs, d'écologistes, de techniciens des ressources culturelles, de personnes qui font la distinction entre le cercle d'un tipi et un amas de pierres. L'évaluation de ce qui est acceptable ou non au plan des répercussions exige des capacités et une base de connaissances bien ancrées. Et en fin de compte, c'est bien de cela dont il s'agit. Des taux de croissance économique de 1 ou de 2 p. 100 ont des répercussions et il faut choisir des répercussions acceptables dans notre société. Ce que j'ai vu, c'est tout un ensemble, tout un défilé d'excellents experts capables de faire cela, et en particulier des organismes de réglementation très expérimentés qui peuvent séparer le bon grain de l'ivraie, si je puis dire, et trouver une réponse équilibrée.
    Donc, si vous supprimez cela, je crois que ça s'arrêtera, les projets s'arrêteront.
    Je veux juste parler d'autre chose.
    Je n'arrive pas à lire votre nom ici, monsieur. Monsieur Denstedt, pourriez-vous répondre à cette question? On a parlé plus tôt de l'affaire du barrage de la rivière Oldman dont il a été question il y a plusieurs années dans ma province de résidence, l'Alberta. N'est-il pas vrai qu'une affaire a été présentée dans une action civile et que cela prouve déjà qu'il n'est pas nécessaire d'alourdir le système? Quand le gouvernement fédéral manque à ses devoirs de façon aussi flagrante dans n'importe quelle affaire, il existe déjà au Canada une application large de poursuite civile, n'est-ce pas? Pourquoi avons-nous besoin de quelque chose de plus?
    Monsieur Denstedt, je vous demande de répondre très brièvement.
    Ma réponse sera très brève. D'abord, l'affaire du barrage de la rivière Oldman entrait dans le cadre du PEEE qui existait avant l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. C'est ce qui est essentiellement à l'origine de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale en vertu de laquelle les grands projets font l'objet d'une évaluation environnementale. Dans les projets dans lesquels j'étais impliqué, par exemple, dans les projets des sables bitumineux, les projets en mer ou à Terre-Neuve-et-Labrador, parfois des centaines d'intervenants participaient au processus, des preuves ont été déposées. Il y a 20 milles et quelques pages de preuves pour le Mackenzie, un processus de neuf années et ça continue.
    Donc, oui, il y a non seulement un très grand nombre d'excellentes possibilités pour participer, mais elles sont réelles et existent aujourd'hui.

  (1640)  

    Merci beaucoup.
    Vous avez la parole, monsieur Ouellet.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais commencer sur une note un peu légère.
    En écoutant vos présentations, surtout celle de M. Huffaker, j'ai été surpris que vous nous ayez donné la quantité d'argent que rapporte le pétrole au Canada, le nombre d'emplois, le développement incroyable, etc., mais que vous ne nous ayez pas parlé, étant donné qu'on est au Comité permanent de l'environnement et du développement durable, de la quantité de gaz à effet de serre que vous produisez, et que vous ne nous ayez pas parlé non plus de votre contribution aux changements climatiques ni des quantités d'eau que vous protégez totalement et ainsi de suite.
    Monsieur Everson, j'ai eu l'impression que vous parliez surtout au nom des grandes chambres de commerce. Dans mon comté, il y a des chambres de commerce et elles n'ont pas du tout l'attitude dont vous avez parlé. Elles tiennent beaucoup — et je pense que c'est même l'une de leurs priorités — à ce qu'il y ait une loi très dure pour protéger l'environnement. Vous voyez, c'est très différent. Et vous faites quand même partie de la...
    Je voudrais poser la même question à chacun d'entre vous. Si on met de côté ce qu'a évoqué M. Calkins tout à l'heure, il m'a semblé, en vous entendant parler, que le principe de cette loi ne vous rebute pas. Ce n'est pas le principe, si j'ai bien compris, mais ce sont les procédures de contrainte que la loi mettrait en place qui vous font peur. Je ne dis pas que c'est sans raison, je ne le sais pas.
     Ma question s'adresse à chacun d'entre vous. Étant donné que, probablement, le principe de la loi est valable et que vous y êtes favorable, y aurait-il une façon de modifier cette loi de manière à ce qu'elle soit acceptable sur le plan de la contrainte?
    Je commencerais par vous, monsieur Broad, mais j'aimerais que chacun se prononce.

[Traduction]

    C'est ce qu'il y a dans notre mémoire. Nous proposons deux amendements.
    Vous n'avez pas parlé assez fort. Je dois mettre mon...

[Français]

    Moi aussi.
    Les deux suggestions proposées pour changement sont dans notre mémoire.
    À ce moment-là, vous pensez que la loi pourrait être valable. Pourriez-vous nous rappeler...

[Traduction]

    Je me demande quelle est la raison d'être du projet de loi. Je crois comprendre qu'avant la promulgation de toute loi par le gouvernement fédéral, des gens se présentent pour en parler et présenter leurs points de vue différents, puis le projet de loi passe en première lecture, ensuite en deuxième lecture, etc., et devient une loi.
    Cette loi semble être une cible mouvante. Vous promulguez des lois que nous respectons et voilà que soudainement quelqu'un annonce qu'il ne les aime pas et qu'il va donc vous poursuivre en justice. Comment fonctionner dans un pays qui édicte une loi sans savoir si elle sera efficace ou si elle durera? Combien de temps sera-t-elle en vigueur? Un mois, deux mois, deux ans ou je ne sais quoi?
    Il n'y a pas de raison que cette loi existe. Nous avons déjà un système qui permet les discussions, etc.
    En fin de compte, il faut espérer que le gouvernement fasse des lois qui servent le public. En ce qui concerne l'environnement, je pense que personne ici ne s'opposerait à...

[Français]

    J'aimerais justement entendre M. Huffaker à ce sujet. M. Broad a probablement une raison très importante: il veut joindre ça au code international.
    Vous, qui n'avez pas cette préoccupation, comment croyez-vous que cette loi puisse être modifiée ou retravaillée de façon à ce qu'elle vous soit acceptable?

[Traduction]

    D'emblée, je dirais que je pense qu'on s'entend sur un principe. Je crois que le point que vous avez soulevé, c'était que nous convenons tous que la protection de l'environnement et les normes environnementales sont importantes. Nous sommes tous d'accord là-dessus, à mon avis.
    Nous revenons à la raison d'être de cette disposition. Nous adoptons le point de vue selon lequel le Canada est un pays qui a des normes très élevées en matière de lois environnementales et où les parties touchées ont beaucoup d'occasions d'intervenir. Pour nous, la loi ne se rapporte pas tant à l'environnement comme tel, mais vise plutôt à créer une catégorie très étendue de particuliers et d'organismes auxquels on conférerait le droit d'intenter des poursuites. Et de notre point de vue, il s'agit d'un changement très négatif parce qu'il mine l'équilibre entre le développement durable, l'énergie, l'environnement et les facteurs sociaux. Considérer les facteurs environnementaux comme un tout crée énormément d'incertitude et un incroyable déséquilibre, à notre avis.
    Comme je l'ai dit, nous pensons que d'une certaine façon, la loi ne règle pas le vrai problème. Elle ne porte pas sur les normes environnementales, mais elle confère plutôt à tout le monde le droit de s'adresser aux tribunaux. Dans ce contexte, nous ne l'appuyons pas.

  (1645)  

[Français]

    Le temps dont vous disposiez est écoulé.
    Monsieur Blaney, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous lis d'abord la phrase suivante:

[...] nous sommes inquiets que le projet de loi C-469 permette à n'importe qui de contester n'importe quand la validité de n'importe quelle norme réglementaire, court-circuitant ainsi le processus réglementaire existant et provoquant l'incertitude en matière réglementaire.
    C'est à la page 3 du document de M. Broad.
    Bonjour, et merci à nos témoins d'être présents.
    Je voudrais relancer mon collègue Blaine. Moi aussi, Blaine, dans le passé, j'ai touché à l'environnement: j'ai pratiqué l'ingénierie appliquée durant 20 ans. Malheureusement, je ne suis pas avocat. Je dois dire que mon autre collègue M. Warawa fait vibrer ma fibre québécoise chaque fois qu'il me parle d'Hydro-Québec et qu'il me dit qu'un projet de loi fédéral pourrait empiéter sur les champs de compétence provinciale et compromettre le développement hydroélectrique. Ça me touche particulièrement parce que j'ai été ingénieur civil. Ça vient vraiment me chercher. J'espère que mes collègues du Bloc seront sensibles à cet enjeu, c'est-à-dire l'empiètement sur les champs de compétence qui semble lié à ce projet de loi.
     Je pense, par exemple, à l'inondation des terres lorsqu'on construit un barrage. C'est clair que ça a des répercussions environnementales importantes. À la lecture de mes informations, il m'apparaît que n'importe quel citoyen pourrait compromettre la mise en oeuvre d'un projet, même si ce dernier a franchi les étapes réglementaires. Il est clair que vos témoignages sont presque choquants. Pour ma part, ils m'ébranlent, puisque le principe substantiel du projet de loi est que tout résidant canadien a droit à un environnement sain écologiquement équilibré. Je pense qu'il y a consensus ici, sur ce projet de loi.
    On parle d'empiètement sur les champs de compétence, on parle de...

[Traduction]

    Nous avons un rappel au Règlement.

[Français]

    Monsieur le président, le sujet a déjà été soulevé. Vous auriez pu dire que oui, c'est vrai, cette question de la compétence provinciale a été soulevée lors de la première séance au sujet de ce projet de loi. Il me semble que c'est à vous de répondre à M. Blaney dans un tel cas.

[Traduction]

    Mais il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, et M. Blaney a parfaitement le droit d'utiliser son temps comme il l'entend, pourvu que ce soit pertinent.
    Et vos propos étaient pertinents, monsieur Blaney.

[Français]

    Si vous considérez qu'il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, je poserais alors la vraie question: qui va défendre le Québec et les intérêts des Québécois ici, alors qu'on a un projet de loi qui empiète sur les champs de compétence provinciale? C'est clair, et plusieurs témoins le disent.
    Monsieur le président, je vais donc continuer et poser une question à M. Huffaker.
    On parle beaucoup de développement durable. Dans votre témoignage, vous mentionnez que ce projet de loi créerait un déséquilibre entre l'environnement et l'économie. On sait que le développement durable est l'équilibre entre le développement et l'économie, et vous dites que ça crée un déséquilibre. J'aimerais entendre vos commentaires à cet égard.
    Vous parlez également du principe d'équité intergénérationnel, qui m'apparaît être un principe louable. Vous estimez cependant qu'il constitue une menace.
    Monsieur le président, je vais laisser le temps qu'il me reste à mes témoins. Si mes collègues veulent intervenir moyennant des rappels au Règlement, j'espère que cela n'empiétera pas sur le temps accordé à mes témoins. Merci.

[Traduction]

    Nous avons parlé et nous continuerons de parler de la question de l'équilibre. Je pense que le développement durable est une question d'économie, de facteurs sociaux et d'environnement. À n'en pas douter, c'est de ce genre de choses — les trois — dont parlait la commission Brundtland, par exemple, et elle a souligné qu'il était important d'établir un équilibre entre ces facteurs et d'en faire la promotion. Nous avons le sentiment qu'en accordant la priorité à un élément sur un plan quasi constitutionnel, le projet de loi menace l'équilibre qui, à notre avis, est très important pour le pays et que les Canadiens considèrent non seulement comme important, mais aussi possible.
    Ma question sur l'équité intergénérationnelle n'était qu'un bref exemple pour faire valoir qu'une personne pourrait être tentée d'intervenir contre un groupe environnemental sans avoir les ressources nécessaires pour le faire. On pourrait voir une personne ou une famille de ce genre être incapable d'intervenir de l'autre côté d'une de ces poursuites en justice, mais avoir tout de même l'impression que le projet X, Y ou Z devrait aller de l'avant parce qu'il va dans le sens des intérêts à long terme de la famille ou des enfants.

  (1650)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Everson, vous avez mentionné que ce projet de loi pourrait judiciariser davantage le droit environnemental, donc amener beaucoup plus de poursuites. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Est-ce que vous estimez que c'est un projet de loi, comme le disait M. Warawa, qui va dissuader les entreprises d'enfreindre les règlements, mener à des règlements hors cour, ou va-t-il plutôt faire en sorte d'augmenter le nombre de poursuites en matière environnementale?

[Traduction]

    Je pense que le projet de loi est conçu précisément pour permettre qu'en plus des processus réglementaires actuellement en place, il soit possible d'intenter des poursuites. En l'occurrence, bien entendu, nous nous attendons à en voir beaucoup. Quant à savoir si cette mesure ne s'appliquerait qu'aux nouveaux projets ou s'il serait possible de contester les projets déjà en cours ou autorisés, c'est une question intéressante. Je crois vraiment qu'il serait facile de faire un usage abusif de la loi.
    M. Bigras a posé une question clé: pouvez-vous améliorer la loi et la rendre utile? Une des principales préoccupations serait la possibilité d'usage abusif, que ce soit par quelqu'un de l'Alberta ou de l'Ontario qui veut contester un projet au Québec de façon à lui nuire le plus longtemps possible, ou même une entreprise qui a déjà mis en oeuvre un projet autorisé et qui voit un nouveau concurrent entrer et dire qu'il va simplement l'arrêter le plus longtemps possible avec le plus d'actions en justice, parce qu'il n'existe aucune défense futile dans de tels cas.

[Français]

    Merci beaucoup. Le temps qui vous était accordé est écoulé.

[Traduction]

    Monsieur Tonks, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
    Pendant que j'écoutais vos déclarations, j'essayais de me mettre à la place des Canadiens qui écouteraient les arguments qui ont été présentés. Je me suis dit — et je comprends l'idée de la primauté du droit et de la prévisibilité en vertu de la justice naturelle — qu'en premier lieu, pour ce qui est d'un débat complet, tous ont le droit de comparaître devant un tribunal — ou peu importe l’organisme avec lequel on aurait affaire — une évaluation environnementale par catégorie ou distincte, à l'échelle provinciale ou fédérale.
    Je me suis rendu compte que vous avez qualifié ce projet de loi sur les droits environnementaux de draconien. Il est possible que la Charte des droits et libertés ait été perçue de la même façon il y a de nombreuses années. La charte a été invoquée pour clore le débat au sujet de la justice naturelle, pour signifier que la question était réglée. À l'époque, cela aurait été probablement une question de droits de la personne ou de droit social.
    Êtes-vous toujours d'avis que si le projet de loi pouvait être modifié d'une façon quelconque de façon à constituer un dernier contrôle, pour ainsi dire, qu'il s'apparenterait à une charte? J'ai assisté à des audiences où la dernière question qui est posée est celle de savoir si c'est conforme à la charte. Donc, le projet de loi pourrait-il être amélioré ou modifié de sorte qu'il devienne la dernière étape plutôt que de recourir à un processus judiciaire de fond? Pourrait-on le faire?
    Merci, monsieur. C'est une excellente question.
    Quand nous avons étudié cette question dans le cadre de notre examen de l'ACPP, une de nos préoccupations était certainement que le projet de loi avait des caractéristiques semblables à celles d'une charte et que le préambule indiquait qu'il pourrait atteindre ce statut. C'est pourquoi nous nous sommes demandé si c'était une tentative pour transformer le projet de loi en charte. Très bien. Si le Parlement décide que c'est important, il devrait agir en conséquence et le faire par l'intermédiaire d'amendements.
    Par contre, là où cela nous pose problème, c'est qu'en matière d'évaluation environnementale, le Canada a mis en place des processus réglementaires complets qui examinent des données techniques très détaillées; ils arrivent à des conclusions qui tiennent compte des groupes défavorisés, des occasions d'emploi créées, du développement des infrastructures dans le Nord — le Mackenzie, par exemple —, ce qui contribue à rendre une décision qui repose sur la probabilité qu'un projet entraîne des effets importants.
    D'un point de vue juridique, à notre avis, le problème du projet de loi, c'est que les définitions qui y figurent ne sont pas conformes aux critères prévus dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale; il y a donc une norme différente.

  (1655)  

    D'accord.
    J'ai une dernière question, monsieur le président.
    Je pense que M. Huffaker a parlé de la Loi fédérale sur le développement durable. Dans la mesure où on en est à l'examen de la loi, serait-il possible, si le projet de loi était rejeté en raison de ses principes... J'ai trouvé cela intéressant d'entendre dire que quelqu'un s'était interrogé sur l'intention du projet de loi. Nous pouvons en déduire qu'il y a une intention sous-jacente au projet de loi et qu'il est une sorte de protection pour tous les citoyens d'une société complexe. Dans le cadre de son examen, serait-il préférable d'examiner la Loi fédérale sur le développement durable et de s'occuper de certaines des questions qui ont été soulevées par rapport au projet de loi?
    Je serai heureux de répondre brièvement à cette question. Je ne connais pas très bien cette loi en particulier et je n'ai pas participé à la discussion au sujet de son examen.
    Comme la Chambre le sait, il y a un certain nombre de lois environnementales, bien sûr, qui font l'objet d'un examen actuellement: la Loi sur les espèces en péril, l'ACEE, etc. Nous y participons et, évidemment, d'une certaine façon il s'agit d'un exemple de l'accès à ces processus dont profite un grand nombre de Canadiens. Ce genre d'associations participent et témoignent à ces examens, tout comme un certain nombre de groupes environnementaux et d'autres groupes.
    Je suis heureux de vous dire que dans certains cas, pour ce qui est de la Loi sur les espèces en péril, un large éventail de gens de l'industrie de l'énergie et d'autres industries ont présenté des mémoires conjoints en collaboration avec un ensemble de groupes environnementaux. Je pense que cela démontre que le processus est très accessible et que notre société démocratique offre beaucoup d'occasions aux gens de faire valoir leur point de vue dans le cadre du processus législatif, où nous avons tendance à penser que ce genre de règles — la loi — devraient être établies.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Tonks. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Armstrong, la parole est à vous.
    Merci à vous tous d'être ici. J'ai bien aimé vos témoignages.
    Je pense que l'intention du projet de loi est louable, sans aucun doute. Je crois que nous avons entendu plusieurs personnes se dire en accord avec ceci: tous les Canadiens méritent d'avoir un environnement sain et propre. Cependant, il me semble qu'il y a eu beaucoup de discussions au sujet de l'article 23, les recours juridiques. À mon avis, c'est ce qui préoccupe le plus nos témoins d'aujourd'hui. Je veux donc vous donner un exemple, puis recueillir vos commentaires à ce sujet.
    Hier, à Parrsboro, en Nouvelle-Écosse — qui se trouve dans ma circonscription —, le ministre de la Défense nationale et moi avons annoncé un projet de câble sous-marin qui reliera des centrales marémotrices au réseau électrique de la Nouvelle-Écosse. C'était l'annonce d'un projet de 20 millions de dollars. Parmi tous les projets du pays, il s'agissait de la nouvelle la plus importante liée au fonds vert.
    Quant à la capacité du câble — monsieur van't Hof, vous en comprendrez les détails beaucoup mieux que moi —, elle est de 64 mégawatts. Il pourra éventuellement produire assez d'électricité pour alimenter au moins 20 000 maisons. C'est suffisant pour fournir de l'électricité à presque tous les ménages de ma circonscription.
    Pensez-vous que le projet de loi C-469 pourrait avoir un effet négatif sur la mise en oeuvre de ce projet?
    Tout à fait. Cela dépend s'il s'agit du courant continu ou du courant alternatif, CC ou CA. Si c'est le CA, il y aura des CEM. S'il y a des CEM, cela aura un effet sur les espèces de poissons.
    Vous aurez des problèmes avec l'excavation de tranchées. Vous aurez des problèmes avec les icebergs qui pourraient passer par là et tout arracher; vous devrez donc creuser plus profondément — une centaine de pieds plus bas — pour vous rendre sous le niveau où les icebergs se renversent et affouillent le fond.
    Donc, à un certain point, il y a des répercussions connexes. Vous nuirez peut-être — s'il y en a — aux pétoncles ou à d'autres espèces, et il y aura peut-être des problèmes d'entretien. Si c'est une ligne de courant alternatif, il y aura un système de refroidissement à l'huile, et il y a un risque de fuite d'huile. Ce que je veux dire, c'est que cela ne finit jamais.
    Pour être juste, cependant, les organismes de réglementation savent exactement quels sont les problèmes et il y a une multitude d'experts tout à fait compétents qui connaissent très bien les critères et les normes de sécurités appropriés. Voilà où je veux en venir: je ne vois pas en quoi le projet de loi règle un problème que je connais bien. Pour ce qui est de ce projet en particulier, je saurais exactement comment l'évaluer et à titre d'exploitant, je saurais précisément quoi proposer parce que je connais les critères.

  (1700)  

    D'accord. Donc, ce que vous dites, c'est qu'en matière de réglementation, ce projet a déjà beaucoup d'étapes à franchir avant qu'il ne soit mis en oeuvre...
    Oh, oui.
    ... et ce que le projet de loi ferait, ce serait de soumettre ce projet propre d'énergie verte — qui produira jusqu'à 3 000 mégawatts d'énergie propre, verte et renouvelable — à une étape de plus qui pourrait être mise en travers de sa route par n'importe quel résident du Canada et peut-être même par quelqu'un qui n'est pas citoyen canadien. Cela aurait des effets négatifs sur l'environnement parce que cela ralentirait la production de cette énergie verte, ce que nous essayons de produire au pays afin de nous défaire de notre dépendance aux combustibles fossiles.
    Donc, en fin de compte, le projet de loi pourrait avoir une incidence négative sur l'avenir environnemental du Canada en ralentissant de nombreux projets. Êtes-vous du même avis?
    Oui. Je pense que c'est tout à fait exact. Aucun projet ne satisfait au critère de l'unanimité. Et ce qui m'inquiète c'est qu'essentiellement, en ma qualité de promoteur, je dois risquer l'argent des investisseurs pour essayer d'obtenir l'unanimité.
    Pour tout projet, on nous dit qui pourrait avoir le droit d'intenter des poursuites. Et je peux vous dire que nous avons fait preuve de minutie pour nous assurer d'envoyer à toutes les parties concernées une lettre recommandée, un EIE enregistré. Une évaluation environnementale enregistrée a été envoyée au domicile de ces personnes afin de pouvoir satisfaire aux exigences liées au critère de la qualité pour agir. Le problème, c'est que je ne peux pas l'envoyer à 33 millions de personnes.
    Merci.
    Monsieur Everson, vous avez dit que ce projet de loi permet aux concurrents d'utiliser la loi de façon abusive. Des projets sont sur la table dans ma circonscription. Il est aussi possible d'y exploiter l'énergie éolienne, les réserves de gaz de schiste et l'énergie géothermique. Le nord de la Nouvelle-Écosse pourrait en fait être un producteur d'énergie verte.
    Si votre entreprise soumissionnait à l'un de ces projets, ces contrats provinciaux ou fédéraux, et que vous ne l'emportiez pas, pourriez-vous alors essayer de ralentir ce projet? Si tout citoyen peut le faire, le projet de loi permet-il une utilisation abusive de la loi par des gens en colère de ne pas avoir obtenu le contrat? Permet-il une utilisation abusive de la part d'un concurrent dont la soumission n'a pas été retenue ou d'un autre concurrent qui se rend compte que ce projet créera beaucoup de concurrence dans son secteur d'activités? Permet-il une utilisation abusive de la part des concurrents déchus et des autres concurrents?
    Dans son état actuel, le projet de loi n'a pas de dispositions l'empêchant. Donc, oui, bien entendu.
    Vous avez dit que tous les témoins approuvent l'objectif du projet de loi. Toutefois, je ne suis pas vraiment d'accord. Le projet de loi propose de permettre d'engager des actions devant les tribunaux qui viennent se superposer aux processus réglementaires mis au point par les gouvernements provinciaux et fédéral. Je ne crois tout simplement pas que les tribunaux sont les organes les mieux équipés pour convenir des effets sur l'environnement. Je ne crois pas que les juges sont formés et ont les ressources pour accomplir le travail nécessaire actuellement.
    Merci, monsieur Armstrong. Votre temps est écoulé.
    Les cinq dernières minutes de la deuxième période de questions iront à M. Carrie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis, moi aussi, ici en tant qu'invité, mais je suis surpris de ce que j'entends. Je suis d'Oshawa, et notre secteur de l'automobile affronte la concurrence internationale. Je m'inquiète du fait que le projet de loi nous désavantage beaucoup et pourrait miner notre habileté à concurrencer sur la scène internationale.
    À l'étranger, nos pays concurrents ont-ils adopté une loi similaire?
    Nous avons parlé de la concurrence des entreprises canadiennes. Cependant, si des entreprises concurrentes étrangères avaient des succursales au Canada et voulaient porter des actions futiles devant les tribunaux pour des raisons anticoncurrentielles, serait-ce possible?
    J'aurais peut-être une autre question, monsieur Everson. Pourriez-vous chiffrer le coût de ce projet de loi sur notre économie, surtout en période de ralentissement économique?
    Bien entendu, je ne peux pas le chiffrer, mais j'aimerais soulever un point. Dans la présente LCPE, le principe de la prudence évoque le rapport coût-efficacité, même dans une loi qui s'est avérée un exploit très important pour les environnementalistes. La disposition de la LCPE dit: « en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ». C'est très inhabituel pour le Parlement d'inclure une telle mesure dans une loi. Donc, nul besoin d'avoir des preuves concrètes avant de pouvoir intervenir afin de diminuer les dommages.
    La Chambre de commerce du Canada appuie assez fortement cette disposition, mais elle ne se trouve pas dans cette loi. Le rapport coût-efficacité est évidemment une mesure logique à inclure dans toute loi, surtout si vous voulez guider les juges qui devront délivrer les ordonnances.

  (1705)  

    Tout à fait.
    Quelqu'un d'autre pourrait-il donner son opinion? Est-ce que d'autres pays ont adopté une loi similaire?
    Que se passerait-il dans le cas de concurrents étrangers qui ont des succursales au Canada? Ces entreprises pourraient-elles engager des actions futiles dans un but anticoncurrentiel?
    Un témoin connaît-il la réponse?
    Je pourrais vous aider un peu. Évidemment, un certain nombre de pays ont adopté une charte des droits environnementaux. Toutefois, je ne peux pas vous aider en ce qui concerne les divers paramètres et garanties inclus dans ces mesures législatives ou les processus réglementaires que ces pays utilisent. Si le processus réglementaire dure entre 12 et 18 mois, comme dans bien des cas et des pays, ce qui est deux fois plus rapide qu'au Canada, cela permettrait d'engager des poursuites plus tard. Cependant, encore une fois, je ne suis pas certain des paramètres.
    Je sais, en revanche, que la déclaration de principes de l'ONU traite beaucoup plus d'un équilibre entre les aspects économiques et un environnement sain. Ce document combine vraiment ces deux objectifs, et c'est ce qui semble faire défaut ici.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Avant de poursuivre avec la troisième période de questions, j'aimerais obtenir une précision de M. Broad.
    Au cours de votre réponse à l'une des questions de M. Ouellet, vous parliez des amendements proposés dans votre mémoire, mais vous sembliez dire qu'il serait mieux de laisser tomber le projet de loi sous sa forme actuelle. J'aimerais simplement avoir une précision, à savoir si vous préférez que le projet de loi soit abandonné ou que vos amendements soient adoptés.
    Je préférerais que le projet de loi soit abandonné, mais s'il doit être adopté, je propose ces amendements.
    D'accord. Merci de cette précision.
    Nous allons poursuivre avec la troisième période de questions. Chaque parti aura cinq minutes.
    Monsieur Scarpaleggia, vous êtes le premier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord parler d'un point qui a été soulevé par M. Blaney. Il s'agit de l'assujettissement d'Hydro-Québec à une loi fédérale. À l'heure actuelle, aussi bien Hydro-Québec que BC Hydro et Ontario Power Generation sont assujetties à la Loi sur les pêches du fédéral. C'est donc dire que des lois fédérales s'appliquent déjà, dans toutes les provinces, au secteur des ressources naturelles.
     J'aimerais parler plutôt de cette crainte que nous avons tous de voir ce projet de loi, s'il est adopté, donner lieu à des poursuites frivoles. Étant donné que nous commençons à penser aux amendements, j'aimerais savoir s'il serait possible d'amender ce projet de loi de façon à éviter ces poursuites frivoles. N'étant pas avocat, je ne sais pas comment on pourrait le faire. Je pose la question.
    Par ailleurs, vous dites que l'industrie n'aime pas être exposée à la possibilité de poursuites répétées et qu'au chapitre des affaires, ça augmente le risque. Vous connaissez votre marché et vous savez de quoi vous parlez. Je respecte votre opinion. Dans le cas des sables bitumineux, des oiseaux migrateurs se retrouvent fréquemment dans des bassins de décantation. Cette situation pourrait donner lieu à des poursuites incessantes. Ce n'est pas ce qui va empêcher l'industrie pétrolière de construire des bassins de décantation. Il y a donc toujours le risque de faire l'objet de poursuites. Certains problèmes environnementaux sont récurrents et exposent l'industrie du pétrole ou d'autres industries à d'éventuelles et incessantes poursuites. Il faut prendre ça en compte. Je ne sais pas si vous aimeriez commenter ce que je viens de soulever.

  (1710)  

[Traduction]

    Je me jette à l'eau.
    Dans toutes les séances des comités parlementaires, on dirait qu'il y a toujours quelqu'un, quelque part, qui dit: « Si cela fonctionne, ne le changeons pas.  » C'est à moi que revient cet honneur aujourd'hui.
    Ce n'est pas clair à nos yeux. Votre collègue a comparé ce projet de loi à la charte. La charte a eu pour effet d'accorder un droit individuel supérieur au pouvoir collectif de l'État. Nous ne croyons pas que c'est une approche utile dans le cas de ce projet de loi.
    Vous avez demandé si le projet de loi pourrait être modifié pour éliminer le risque de poursuites répétées. Je suis presque tenté de poser la question à Mme Duncan. Le projet de loi est conçu pour permettre aux intérêts privés d'engager des actions devant les tribunaux, même si les agences gouvernementales ont donné leur aval à un projet ou une situation. Étant donné cela, nous considérons comme élevé le risque que cette loi soit utilisée de façon inappropriée ou frivole. Cela ne se limite pas aux entreprises; une personne pourrait utiliser une loi fédérale pour invalider une décision foncière d'un gouvernement provincial. On pourrait utiliser la loi fédérale pour renverser une mesure législative portant sur la planification foncière.
    Je ne crois pas qu'il existe une raison assez pressante pour justifier ce genre de processus législatif.

[Français]

    Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre. Comment se peut-il qu'un projet de loi fédéral — on ne parle pas de la Constitution canadienne, de la Charte des droits ou de la Loi sur les pêches — puisse donner lieu à des ingérences dans des champs de compétence clairement provinciale? J'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi cet aspect du projet de loi ne serait pas amendé par la cour ou quoi que ce soit. Je ne sais pas si vous pouvez m'éclairer là-dessus.
    Vous êtes certes au courant que, même s'il y a un processus démocratique entourant l'adoption de projets de loi ou de règlements, beaucoup de citoyens sont frustrés par le fait que, même s'il y a des règlements, il y a des exceptions qui se produisent. Par exemple, ce matin, on a appris qu'un bassin de décantation en Alberta, bien qu'on ait eu l'approbation de l'office de l'énergie en Alberta, fait l'objet d'une fuite par où du liquide s'écoule vers un ruisseau et un marais. C'est un peu de cette frustration qu'est né le projet de loi, en ce qui me concerne.
    Comme il ne reste plus de temps, on va céder la parole à quelqu'un d'autre.
    Votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Quelqu'un veut-il répondre? Vous n'aurez que 15 secondes.
    Monsieur van't Hof.
    Aux États-Unis, bien souvent, si une personne souhaite engager une action devant les tribunaux, on exige le dépôt d'une garantie pour couvrir les coûts occasionnés et on parle ici, à juste titre, de millions de dollars. Autrement, le litige n'a que pour seul objectif d'empêcher les activités d'une entreprise, et bien souvent la garantie est... Seuls les vrais litiges sont portés devant les tribunaux.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Si le projet de loi est rendu ici, en comité, c'est parce qu'il y a une majorité de parlementaires qui ont appuyé le principe. Ce n'est pas juste de ce côté-ci de la table, mais aussi de l'autre côté. Ça veut dire qu'en principe, unanimement, les parlementaires souhaitent qu'il y ait une reconnaissance d'un droit à un environnement sain. C'est la réalité. Je pense que la majorité des députés veulent travailler dans le cadre du projet de loi qui est devant nous. Je suis d'accord avec M. Scarpaleggia: on veut en effet éviter des poursuites frivoles.
    Il y a deux éléments problématiques dans le projet de loi. Premièrement, il y a toute la question de la simple éventualité d'un préjudice environnemental. Deuxièmement, il y a la possibilité de contrevenir à une loi. Je pense que c'est à ça qu'il faut s'attaquer dans le projet de loi.
    Je reviens encore aux balises. Je pense que l'avis juridique que nous a présenté l'Association canadienne des producteurs pétroliers est assez intéressant. Par exemple, en page 6, elle nous dit que « contrairement aux dispositions semblables à la LCPE et la Charte des droits environnementaux de 1993 de l'Ontario, il n'est pas nécessaire de demander enquête avant d'intenter une action en protection de l'environnement ou une action civile en vertu du projet de loi C-469 ».
    Je reviens donc sur mes questions initiales. N'y a-t-il pas moyen de baliser ce projet de loi pour faire en sorte d'éviter des poursuites qui seraient dommageables sur le plan économique, et tout aussi inacceptables sur le plan social? Par exemple, n'y a-t-il pas un processus d'enquête qu'on pourrait prévoir avant qu'on ne puisse engager des actions civiles?
    On peut très bien dire qu'on jette le projet de loi aux poubelles, mais le fait est que les parlementaires veulent travailler dans le cadre du projet de loi. Peut-on apporter des amendements constructifs pour baliser cet accès aux actions civiles afin de nous assurer que ce que souhaitent une majorité de parlementaires se retrouve dans une prochaine législation fédérale?

  (1715)  

[Traduction]

    Monsieur Huffaker.
    Cela me fait plaisir de répondre en premier.
    Évidemment, les institutions politiques canadiennes, représentées en partie ici par votre comité, décideront si le projet de loi en entier ou en partie deviendra loi. Nous ne sommes pas ici pour nuire à votre tâche, mais pour exprimer nos opinions au sujet des conséquences. À mon avis, notre groupe a dit assez clairement — la plupart d'entre nous — que nous ne croyons pas qu'il est possible d'amender cette version du projet de loi pour créer un document qui, selon nous, serait sain pour l'économie et utile pour l'environnement du Canada. Nous avons tous dit que nous sommes favorables à la protection de l'environnement, que le Canada a des normes extrêmement élevées, mais une loi qui étend les droits environnementaux principalement en augmentant le nombre de personnes qui ont le droit d'engager des actions devant les tribunaux n'est peut-être pas le meilleur moyen de répondre aux besoins environnementaux du Canada. Nous ne voyons toujours pas de quelle manière ce projet de loi peut être amendé pour qu'il soit, selon nous, une mesure législative appropriée.
    Monsieur van't Hof.
    Je peux vous donner les exemples que nous avions. Le même groupe nous a poursuivis huit fois — trois fois après que la Cour suprême a refusé de l'entendre. La cour nous a accordé un remboursement, qui représente approximativement 1 p. 100 de nos coûts. Nous avons payé des millions de dollars. On nous a accordé un remboursement d'environ 40 000 $. Ils n'ont pas reçu l'ordre de les payer. Il y a trois de ces affaires judiciaires maintenant, après le rejet de la Cour suprême, et les refus des tribunaux se poursuivent selon le principe de chose jugée.
    Le fait est que les tribunaux sont débordés de plaintes de gens qui veulent empêcher la poursuite de projets en intentant des poursuites pour les réduire à néant. C'est la préoccupation principale que je continue d'avoir à ce sujet. Je ne vois rien qui empêche les gens qui ont qualité pour agir d'intenter des poursuites. S'ils ont qualité pour agir, les règles actuelles leur permettent de le faire, ce qui oblige les personnes comme moi à les aviser par écrit, par courrier recommandé, donc ils ont la possibilité de le faire. Cela donne aux gens qui vivent à plus de 4 000 kilomètres la capacité de dire « je n'approuve pas la décision prise à Terre-Neuve ». Je pense seulement que c'est une erreur fondamentale.

[Français]

    Merci, votre temps est écoulé.

[Traduction]

    Madame Duncan.
    Merci monsieur le président.
    Nous avons entendu beaucoup de témoins dire aujourd'hui qu'il faut trouver un équilibre et que les représentants de l'industrie au Canada croient fermement qu'il doit y avoir un équilibre. Je tiens à souligner que c'est exactement ce que ce projet de loi vise à faire: rétablir le déséquilibre existant. Par exemple, nous avons conclu l'ALENA. Nous avons conclu un accord commercial avec la Colombie. Nous avons conclu un accord commercial avec le Panama. Nous avons conclu un accord commercial avec le Chili. Le gouvernement est en train de négocier un accord commercial avec l'Union européenne. Depuis les négociations qui ont mené à la signature de l'ALENA, les accords parallèles sur l'environnement ont été sérieusement affaiblis, dans la mesure où il n'y a pratiquement pas de droits environnementaux. Dans ces accords commerciaux, l'industrie a beaucoup de droits exécutoires, de droits de poursuites: elle n'a qu'à réclamer une compensation si le gouvernement prend une décision selon laquelle, pour des raisons environnementales, on ne peut pas mener un projet dans aucun des trois pays. Dans l'accord parallèle sur l'environnement toutefois, ces droits ne sont pas exécutoires.
    On a beaucoup évoqué le besoin de rétablir le déséquilibre. Le gouvernement a maintenant le Bureau de gestion des grands projets, le BGGP, car l'industrie croit que l'ACEE ne tient pas suffisamment compte de ses besoins de rationaliser. Nous avons la nouvelle Loi d'exécution du budget dans le cadre de laquelle le gouvernement tente de rationaliser tous les processus de réglementation pour favoriser l'exploitation du Nord canadien.
    J'aimerais vous dire quelque chose. Si vous êtes vraiment en faveur de l'équilibre, pourquoi vous opposez-vous à un projet de loi qui, en gros, n'a rien à voir avec les poursuites, mais qui, en grande partie, accorderait des droits et donnerait des possibilités au public, qui croit très fermement qu'il n'a pas de voix égale à l'industrie dans la prise de décisions, qu'on ne lui donne pas de place dans bon nombre d'examens fédéraux.
    Oui, bien entendu, il y a beaucoup de possibilités à l'échelle provinciale. Je viens d'une province qui je crois a l'une des meilleures commissions sur l'énergie et l'un des meilleurs processus d'examen. Comme malheureusement, en ce qui concerne les lignes de transport d'énergie, le gouvernement, dans sa sagesse, a décidé de ne pas tenir des audiences publiques pour bon nombre de ces audiences, nous régressons. Auparavant, nous avions un très bon processus d'examen.
    La question que je vous pose est la suivante: pourquoi vous opposez-vous tant à ce qu'on commence à accorder certains de ces droits, alors qu'en fait, dans la Loi sur le ministère de l'Environnement, qui donne le mandat au ministre, on ne mentionne pas du tout le devoir d'assurer un équilibre? N'est-il pas vrai que cet équilibre devrait exister au gouvernement, et non dans les ministères de l'Environnement ou les entités qui sont censées faire appliquer les lois environnementales?

  (1720)  

    Je suis heureux de répondre à la question.
    Je crois que nous revenons au fait que nous ne souscrivons pas à l'idée selon laquelle on ne tient pas déjà compte de l'équilibre environnemental au Canada. Notre pays a un vaste ensemble de lois environnementales fédérales et provinciales et d'organismes de réglementation fédéraux et provinciaux, qui ont la responsabilité de répondre aux exigences.
    Je peux certainement vous assurer que lorsque nos membres font approuver des projets à un palier ou à un autre, les exigences auxquelles ils sont assujetties sont vraiment très axées sur la protection environnementale. Nous pensons que c'est important et qu'on y accorde déjà une place. Nous n'avons pas à ajouter pour tous les résidents canadiens un droit d'intervenir dans ce processus, ou au-delà de ce processus, pour garantir des normes environnementales élevées dans le cadre juridique canadien. Nous pensons que cela existe déjà.
    J'aimerais vous poser une dernière question, si quelqu'un d'entre vous veut y répondre.
    On nous a dit que plus de 150 nations ont prévu des droits environnementaux, et que bon nombre d'entre elles les ont inscrits dans leur constitution, au niveau national. On nous a également dit que des déclarations des droits environnementaux similaires ont été mises en place dans beaucoup de provinces et de territoires au Canada. La question que je vous pose est la suivante: pourquoi êtes-vous d'avis qu'on ne devrait pas accorder les mêmes droits et les mêmes possibilités dans le cadre d'une loi fédérale?
    Je vais tenter de répondre.
    Tout d'abord, je crois que le projet de loi ne respecte pas les rapports de compétence entre les différents gouvernements au Canada. Il est démesuré qu'une loi permette à tous les Canadiens et à tous les résidents du Canada de réclamer une révision de toute politique ou tout règlement.
    À mon avis, le projet de loi n'est pas bien rédigé; il ne fonctionne pas. Vous allez trop loin lorsque vous dites qu'il n'entraîne pas des poursuites. C'est une mesure législative qui favorise clairement les poursuites. C'est pourquoi il existe.
    Votre temps est écoulé, et nous allons poser nos dernières questions.
    Monsieur Calkins, allez-y s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de poser ma question, je vais attirer votre attention sur certaines choses que la plupart des membres du comité connaissent déjà, à mon avis.
    De mémoire, je peux songer à ce que nous avons déjà. Nous avons la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, et la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, sans compter tout ce que j'ai pu oublier de mentionner. Ce sont les lois du Parlement qui protègent l'environnement. Elles sont toutes très longues et lourdes.
    Nous discutons amplement de ces choses en comité lorsque nous révisons les lois. Toutes ces lois sont accompagnées de règlements. Vous connaissez bien ces règlements. Ils décrivent les étapes que les entreprises, les organismes et les entreprises de services publics doivent suivre pour obtenir les permis qui leur permettent de mener des activités au Canada.
    Je vais vous parler précisément de l'article 19 du projet de loi, et je vais simplement en lire des extraits.
    D'après l'alinéa 19(1)b), une cour peut accorder une injonction en cessation de n'importe quelle contravention. Selon l'alinéa 19(1)e), une cour peut « ordonner au défendeur de restaurer ou de rétablir l'environnement, en tout ou en partie ».
    D'après l'alinéa 19(2)a), la cour peut « suspendre ou annuler tout permis ou autorisation délivré au défendeur ou le droit de celui-ci d'obtenir ou de détenir un permis ou une autorisation », ce qui signifie qu'elle peut suspendre des permis qui existent déjà. Selon l'alinéa 19(2)b), la cour peut « ordonner au défendeur de fournir une garantie financière de l'exécution d'une mesure déterminée ».
    Vous remarquerez qu'on peut appliquer l'alinéa a) et l'alinéa b); on ne dit pas qu'il faut appliquer l'un ou l'autre. Un juge peut vous faire remettre de l'ordre dans tout ce que vous avez fait et vous ordonner de payer et de dédommager en même temps, ce qui équivaut à payer deux fois pour la même chose.
    Ce genre d'alinéas me préoccupe. Le problème, c'est qu'ils résultent de l'article 16, selon lequel tout résident du Canada peut exercer un recours. Si vous y jetez un coup d'oeil, les actions intentées, en vertu du paragraphe 16(3), sont assujetties à la norme civile de preuve et sont jugées selon la prépondérance des probabilités plutôt que selon la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable. La prépondérance des probabilités consiste à appliquer un critère au civil à ce qui pourrait être considéré, dans une affaire criminelle, comme une preuve hors de tout doute raisonnable.
    Je vais vous demander tout simplement... Il y a deux ans, au Comité permanent des pêches et des océans, M. Lévesque et M. Blais du Bloc québécois — et mon collègue Steven Blaney fait du bon travail en défendant les intérêts du Québec à ce sujet, également — ont invité les membres de la Nation des Cris de Chisasibi, qui est située sur la côte Est de la Baie James, à comparaître devant le comité pour témoigner au sujet de la disparition de la zostère, des énormes problèmes environnementaux et de la dégradation causée par le projet hydroélectrique de la Baie James.
    Si ce projet de loi devait être adopté, les membres de la Nation des Cris de Chisasibi ne seraient-ils pas capables d'utiliser les dispositions législatives, s'ils trouvent un juge sympathique à leur cause qui ordonnerait à Hydro-Québec de détruire tout ce qu'elle a construit dans le projet hydroélectrique de la Baie James et lui demanderait une contrepartie financière?

  (1725)  

    Est-ce que quelqu'un veut répondre?
    Monsieur Denstedt.
    Cela équivaut à offrir des conseils juridiques gratuitement, je crois, mais c'est l'un des problèmes. Vous avez soulevé l'un des problèmes que pose le projet de loi. Il n'est pas clair qu'une personne puisse compter sur des droits acquis pour protéger ses intérêts. Ainsi, dans l'exemple que vous avez donné, car on définit un préjudice environnemental grave comme quelque chose d'irréversible, si l'effet est irréversible, il pourrait y avoir une réclamation en vertu de l'article 16, qui donnerait lieu à des recours en vertu de l'article 19. Tout dépend vraiment des faits, mais est-ce possible? Oui. Un avocat ingénieux pourrait-il faire valoir cet argument? Tout à fait.
    Merci.
    Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais vous interrompre, monsieur Calkins.
    Tout d'abord, je veux remercier tous nos témoins d'avoir comparu aujourd'hui et d'avoir donné leur point de vue dans le cadre de notre étude sur le projet de loi C-469, Loi portant création de la Charte canadienne des droits environnementaux: monsieur Broad et madame Legars, de la Fédération maritime du Canada, monsieur Huffaker et monsieur Denstedt, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, et monsieur Everson et monsieur van't Hof, de la Chambre de commerce du Canada. Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance rapidement. Il y a un député qui souhaite poser une question d'ordre technique, ce qu'il fera à huis clos. Je demanderais à tous les gens qui ne sont pas avec un membre du comité de quitter la salle pour que nous puissions terminer notre séance.
    Merci beaucoup.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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