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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 025 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 11 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (0935)  

[Traduction]

    Bonjour à vous toutes et à vous tous. Je déclare la séance ouverte.
    Merci beaucoup de votre présence ce matin. Je ne sais pas si vous êtes au courant de la nature de l'étude menée par le comité mais, conformément à ce que nous appelons le paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons la violence faite aux femmes autochtones.
    Nous examinons le problème de la violence faite aux femmes autochtones sous tous les angles. Par exemple, nous cherchons à élucider les causes profondes de cette violence et les raisons pour lesquelles ce problème existe depuis si longtemps. Nous voulons également connaître l'ampleur de ce phénomène et les types de violence dont on parle — s'agit-il d'un seul type de violence, par exemple? Nous ne voulons pas parler uniquement de violence conjugale; nous voulons parler de toutes les formes de violence — psychologique, physique et sexuelle — et la discrimination également, le cas échéant, car il s'agit, là aussi, d'une forme de violence. Nous souhaitons donc discuter de tous les aspects de cette problématique, telle que vous la concevez.
    Deuxièmement, nous voulons examiner les différentes solutions possibles. Par contre, sachant que le gouvernement ne peut pas vraiment solutionner les problèmes des peuples autochtones — il existe de longs antécédents à cet égard — nous voulons voir quels moyens nous pourrions prendre éventuellement pour aider les femmes autochtones, surtout, de même que les hommes et les familles, à connaître une vie exempte de ce niveau anormal de violence. Nous croyons savoir que les femmes autochtones font l'objet de trois fois plus de violence que les femmes non autochtones au Canada, même si les Autochtones ne représentent que 3 p. 100 de la population.
    Nous accueillons ce matin quatre groupes différents. Normalement, chaque groupe dispose d'environ 10 minutes, selon ce qui vous convient le mieux, pour présenter sa réflexion par rapport à ses différentes rubriques. Ensuite, nous ouvrirons la période des questions et il y aura un échange de vues. Si vous entendez une question, et vous pensez vouloir intervenir, n'hésitez pas à le faire.
    Même s'il s'agit aujourd'hui d'une réunion formelle, nous souhaitons être aussi informels que possible pour que tout le monde se sente à l'aise et soit disposé à parler ouvertement des éléments qui leur semblent importants.
    Donc, de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, nous accueillons le grand chef Anne Archambault.
    Je vous cède donc la parole. Vous êtes accompagnée aussi de M. Savard, qui est votre conseiller en prévention. Vous deux pouvez décider comment vous voulez procéder pour l'exposé liminaire. Je vous donnerai un avertissement deux minutes avant de vous couper la parole, si vous parlez très longtemps.
    Bonjour à tous et à toutes.

[Français]

    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Au nom de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, je désire avant tout remercier le Comité permanent de la condition féminine de son invitation à faire une présentation dans le cadre des comparutions sur la violence faite aux femmes autochtones.
    Nous espérons que votre gouvernement tiendra compte des réalités des Premières nations et que les éléments dont je vais vous parler serviront de base à l'établissement d'un partenariat véritable, c'est-à-dire celui où les représentants du gouvernement canadien traitent à égalité avec les représentants politiques des Premières nations, et ce, dans le but de développer des politiques et de mettre en place des mesures appropriées.
    Je vais faire rapidement un profil démographique des Premières nations du Québec et du Labrador. Même si la population du Québec est vieillissante, la réalité des Premières nations est tout autre, puisque que celles-ci connaissent une forte croissance démographique et que la population est plus jeune qu'au sein de la population en général, l'âge moyen de la population autochtone étant de 24,7 ans comparativement à 37,7 ans pour la population québécoise. Les Premières nations représentent environ 1 p. 100 de la population du Québec, elles comptent 70 946 membres demeurant dans plus de 40 communautés et répartis en 10 nations distinctes. La population et sa localisation géographique varient considérablement d'une nation à l'autre et d'une collectivité à l'autre. Elles sont dispersées dans les régions à accès limité, des régions isolées, rurales et urbaines.
    Je vous présente maintenant un bref état de la situation. La situation socioéconomique des peuples autochtones, mais plus particulièrement celle des femmes autochtones, est une des conséquences de la colonisation. Avant l'arrivée des Européens, les nations autochtones étaient indépendantes et souveraines. À cette époque, elles avaient déjà leurs coutumes, leurs langues, leurs régimes de droit et de gouvernement ainsi que leur culture. Les femmes étaient tenues en haute estime parce qu'elles donnaient la vie et transmettaient les traditions. À la suite du contact avec les Européens et du processus de colonisation, les systèmes traditionnels de la société autochtone ont été compromis. Les mesures législatives, notamment la Loi sur les Indiens, leur ont fait perdre leur indépendance puisque cette loi fixait désormais les règles touchant pratiquement tous les aspects de leur vie. La loi a entraîné de graves conséquences pour les femmes autochtones, affaiblissant grandement leur rôle traditionnel au sein de la société, de leur propre société.
    Afin de mieux juger de la situation des femmes autochtones quant à la violence, il faut aussi évaluer le contexte socioéconomique dans lequel elles évoluent, et qui a des conséquences directes sur cet état de fait. Je vous fais grâce des statistiques.
    M. Rodolfo Stavenhagen, rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, mentionne dans son rapport, à la suite de sa visite au Canada, que les conditions sociales des Autochtones du Canada les classeraient au 63e rang des nations du monde. Les conditions socioéconomiques, les modifications majeures du mode de vie traditionnel, les effets des pensionnats indiens et la consommation de produits alcoolisés et de substances nocives sont les principaux facteurs pouvant expliquer la violence vécue par les femmes autochtones.
    Parlons de la violence. Les femmes autochtones victimes de violence vivent souvent dans un état de pauvreté, elles sont aussi plus jeunes et ont un niveau de scolarité plus faible. Plusieurs statistiques démontrent que les femmes autochtones sont davantage touchées par la violence que les femmes allochtones.
    Les conditions économiques font partie des signes précurseurs de la violence. Dans le cas où la violence sévit, on constate que l'isolement est fréquent. Je vous lis une citation: « Les séquelles psychologiques liées à la violence sont multiples: perturbation, frustration, confusion, colère, peine, sentiment d'impuissance et atteinte à l'estime de soi. » Elle est tirée d'un sommaire, de Karen Myers, publié en 1995.

  (0940)  

    Selon Santé Canada, les femmes autochtones sont cinq fois plus susceptibles de nécessiter des soins médicaux à la suite d'actes de violence. L'insuffisance de ressources disponibles pour les victimes fait souvent en sorte que ces dernières doivent quitter la communauté pour s'établir en milieu urbain afin d'obtenir les soins et l'accompagnement nécessaires à leur guérison. En contrepartie, les femmes autochtones victimes de violence sont aussi confrontées à d'autres obstacles, comme le racisme, la discrimination, l'isolement, les barrières linguistiques, culturelles et géographiques.
    Je vais vous parler ici des causes et des conséquences désastreuses en lien avec la violence et les abus sexuels dans les communautés. L'environnement immédiat est un énorme facteur de risque que nous ne pouvons pas négliger. Prenons le surpeuplement dans nos communautés auquel nous ajoutons la pauvreté et la sous-scolarisation, combinez cette situation au phénomène de la consommation et vous avez là un mélange explosif pouvant entraîner la violence de tous types auprès des femmes dans nos communautés. Par « tous types de violence », je fais référence à la violence psychologique, la violence verbale, la violence physique et la violence sexuelle.
    Il n'y a pas de services dispensés dans les communautés, aucune ressource n'est spécifiquement attitrée au dossier de la violence et des abus sexuels. À cela s'ajoutent l'éloignement des communautés et les difficultés de transport. Comme les communautés ne sont pas outillées sur le plan local, cela a des conséquences sur les dénonciations. Toute la méconnaissance touchant les services locaux en lien avec le phénomène de la violence et des abus sexuels contribue à freiner la dénonciation des femmes victimes de violence et d'abus sexuels.
    La complexité du système judiciaire et les difficultés de la langue, conjuguées à la notion de confidentialité dans les communautés, engendrent également des répercussions désastreuses. L'absence de protocoles d'intervention et de programmes de formation adéquats sur la violence et les abus sexuels peuvent également contribuer à empêcher les femmes de recourir aux services de la communauté.
    Il faut aussi prendre en compte qu'une personne ayant grandi dans un environnement violent et qui a été témoin de cette violence pourra la considérer comme étant normale et inévitable, et elle aura une forte tendance à reproduire ces comportements tout au long de sa vie, d'où l'importance d'accorder une attention toute particulière à nos enfants et d'assurer leur protection.
    Pour conclure, comme vous pouvez le constater, le phénomène de la violence faite aux femmes autochtones ne doit pas être pris à la légère. L'absence ou le peu de ressources humaines dans les communautés, combiné à une banalisation, fait en sorte que les femmes se retrouvent souvent seules face à la violence et aux abus sexuels.
    L'accent doit être mis sur un ensemble de mesures et de programmes coordonnés visant la continuité des services afin de réussir à contrer et à diminuer la situation de la violence et des abus sexuels faits aux femmes dans les communautés. Le programme sur la violence n'a jamais répondu aux attentes des communautés. Les sommes investies dans la prévention restent insuffisantes, quand on considère les immenses besoins des communautés. Un programme de prévention de la violence, seul, ne peut répondre à la demande d'aide des communautés.
    Finalement, l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador recommande: de développer des ressources spécialisées pour faire face à la violence sexuelle; d'investir dans un programme de formation spécifique à la violence afin d'outiller les communautés de ressources spécialisées; d'investir de l'argent additionnel afin de ne pas viser seulement la prévention, mais aussi le développement d'un continuum de services destinés à la violence faite aux femmes; de favoriser les partenariats avec les ressources de la province, que ce soit sur le plan de la justice, des ressources adaptées aux communautés et de protocoles d'ententes; et, enfin, de développer un programme visant à prévenir la violence auprès des jeunes enfants.
    Je vous remercie de votre écoute.

  (0945)  

[Traduction]

    Merci, madame.
    La parole est maintenant à Mme Renée Brassard, professeure de service social à l'Université Laval.

[Français]

    Bonjour, je m'appelle Renée Brassard, je suis professeure à l'École de service social, mais je suis criminologue de formation.
    Aujourd'hui, mon allocution sera assez brève, parce que des choses recoupent celles exposées par l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. J'ai écrit un petit truc auquel je vais me tenir. J'ai déposé devant le comité un résumé des recommandations, et vous verrez dans quel but je le fais.
    Il est bien reconnu que la violence envers les femmes autochtones du Canada comme du Québec est une des conséquences directes du colonialisme et d'une histoire ponctuée de politiques gouvernementales ayant entraîné une érosion culturelle, des ruptures relationnelles et familiales incessantes et un état de pauvreté et de sous-développement qui se perpétue encore de nos jours.
    J'aimerais porter à l'attention des membres du comité qu'au cours des deux dernières décennies, plusieurs commissions d'enquête canadiennes, rapports de spécialistes et études ont tous réitéré le fait que les femmes autochtones constituaient la population la plus touchée par la violence au Canada. Il est aussi reconnu que la violence à l'égard des femmes autochtones constitue un problème endémique. Ce n'est donc pas quelque chose qui s'atténue. Au contraire, c'est quelque chose de persistant qui va en s'accroissant.
     La violence se manifeste sous différentes formes, comme vous l'avez bien dit, madame la présidente. Les formes de violence auxquelles font face les femmes autochtones sont autant physiques, sexuelles, psychologiques, systémiques, institutionnelles, législatives — on le voit présentement avec les discussions autour du projet de loi C-3 — et communales, mais aussi spirituelles. J'entends par violence communale celle qui réfère à l'abus de pouvoir envers les femmes autochtones au sein des communautés partout au Canada, tandis que la violence spirituelle est celle liée à la perte des valeurs traditionnelles et à l'anéantissement des croyances culturelles ou religieuses des individus.
    L'état des savoirs sur la question de la violence envers les femmes autochtones du Canada permet également de constater que différents facteurs toujours à l'oeuvre contribuent à maintenir les femmes autochtones du Canada dans cette triste situation et permet aux violences qui les affligent de se perpétuer. Alors, ce à quoi je voudrais référer, c'est quels sont les principaux facteurs de maintien qui encouragent ou permettent de produire ou de reproduire les situations de violence auxquelles font face les femmes autochtones du Canada. Parmi ces facteurs, vous me permettrez de nommer notamment: l'absence de volonté politique fédérale, provinciale et locale; le manque d'autonomie des communautés autochtones dans leur propre développement; un système de dépendance économique et législative qui maintient les communautés autochtones dans un état de sous-développement et qui provoque des inégalités sociales et des formes de discrimination multiples; l'accès limité au pouvoir par les femmes autochtones; la présence — bien entendu — du cercle vicieux de la violence en raison de la proximité relationnelle au sein des communautés, du mutisme, de la résignation à la violence; et, enfin, des réponses sociales inadéquates, qui ont été sempiternellement reconnues par différents rapports comme étant inefficaces et inadaptées culturellement.
    Quand je pense aux réponses sociales à la violence des femmes autochtones, bien entendu, je fais référence au morcellement de l'intervention, à l'absence de ressources pour les hommes autochtones — nous préférons l'incarcération des hommes autochtones plutôt que leur guérison et leur réhabilitation —, et à la criminalisation et la surreprésentation, madame la présidente, des Autochtones au sein de nos institutions d'enfermement carcéral. Vous savez aussi que le Canada compte parmi les pays qui enferment le plus les Autochtones dans tout le monde, comparativement à des sociétés comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.
    Si nous voulons freiner la violence envers les femmes autochtones du Canada, il apparaît tout indiqué de prendre acte des précieuses pistes d'interventions et recommandations que l'on retrouve parmi les différents travaux d'envergure déjà réalisés au Canada au cours des deux dernières décennies, mais qui demeurent toutefois sous-exploités. Il faut revisiter la Commission royale sur les peuples autochtones du Canada, qui nous offre des pistes d'intervention.

  (0950)  

    D'ailleurs, je tiens à porter à votre attention le fait que ces travaux, souvent réalisés sous l'égide de plusieurs organisations autochtones du Canada, ont le mérite d'avoir donné une voix à plusieurs femmes autochtones ainsi qu'à plusieurs groupes autochtones du Canada en ce qui a trait à la violence exercée à l'encontre des femmes, des enfants, des hommes et de peuples entiers. Dans l'objectif d'orienter les travaux du présent comité, j'ai réuni ici diverses recommandations qui méritent votre attention.
    En terminant, à la lumière de tels constats, nous exhortons le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes à recourir à toute la marge de manoeuvre dont il dispose pour que de telles recommandations puissent être concrètement mises en oeuvre afin de favoriser le mieux-être des femmes, des hommes et de toutes les collectivités autochtones du Canada.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame.
    Des Femmes autochtones du Québec Inc., nous accueillons Mélanie Denis-Damée. Je vous invite à commencer. On indique aussi que vous représentez le Conseil des jeunes femmes, et je suis ravie de voir la présence d'une jeune femme parmi nous.

[Français]

     Je m'appelle Mélanie Denis-Damée et je suis la représentante substitut de la représentante provinciale. J'ai pris des notes sur ce que les témoins précédents ont dit. Dans ma communauté, je constate que la violence faite aux jeunes mères et le suicide relié à des violences subies sont très présents.
     Je suis un peu nerveuse.
    Même si ces choses ont déjà été dites, c'est bon de nous les faire entendre de nouveau.
    J'ai noté la violence contre les jeunes mères, le suicide très présent dans les communautés et la violence conjugale. En ce qui concerne les femmes qui ont vécu de la violence conjugale, elles craignent souvent de dénoncer leur agresseur. Elles n'ont pas d'autre choix que de retourner à la maison familiale parce qu'il y a un manque de logement dans la communauté. C'est le cas également en milieu urbain. Devant la justice, la femme se sent impuissante. Il s'agit pour elle de dénoncer la personne qui lui fait subir de la violence, mais elle a peur de témoigner contre cet agresseur. Le manque de confiance et la faible estime de soi sont en cause. En ce qui concerne les enfants, ils subissent de la violence à la suite d'un épisode de violence conjugale.
    Je suis du même avis que les deux personnes précédentes. C'est très bien que les femmes dénoncent la violence quand elles comparaissent devant une cour de justice pour témoigner. Souvent, il s'agit de personnes analphabètes qui ne parlent pas aussi bien le français que leur propre langue. Je connais des personnes qui ne comprennent pas bien le français. Les femmes pourraient avoir recours à un traducteur qui les aiderait à comprendre ce qui se dit et ferait un suivi auprès d'elles au cours de toutes leurs démarches de dénonciation devant la cour.
    Enfin, il y aurait lieu de maintenir la sensibilisation sur le suicide et de soutenir les enfants à la suite d'un épisode de violence conjugale. Je sais que ce n'est pas facile. Je le sais parce que je l'ai vécu. Je vais donc parler pour moi-même. Mes enfants ont été témoins de cela, et c'était traumatisant pour eux. Ça le reste, même encore aujourd'hui.
    Je vous remercie.

  (0955)  

[Traduction]

    Merci, Mélanie.
    Nous accueillons maintenant du Conseil de la Nation huronne-wendat, Mme Ann Desnoyers et M. Guy Duchesneau, qui sont tous les deux travailleurs sociaux.
    C'est à vous de décider comment vous voulez répartir votre temps de parole, mais je vous ferai signe deux minutes avant que votre temps ne soit écoulé.

[Français]

    Merci, madame la présidente. Je vous remercie de nous permettre de nous exprimer au nom du Conseil de la nation huronne-wendat. Je vous mettrai en contexte. La communauté est située à environ 15 km de la ville de Québec. La population de la nation huronne est d'environ 3 000 personnes. De ce nombre, 1 300 personnes habitent la réserve et 1 700 habitent à l'extérieur.
    La Direction de la santé et des services sociaux gère un centre de santé qui offre des services comparables à ceux des CLSC ou des CSSS sur le territoire. Notre établissement est situé sur un territoire de l'Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, et plus spécifiquement du CSSS de Québec-Nord.
    Depuis sa naissance, en 1989, le centre de santé entretient des liens étroits avec tous les organismes du territoire et participe à différentes tables concernant la violence envers les femmes et les abus commis envers les personnes aînées.
    Je vais demander à Mme Desnoyers de continuer la présentation et de parler de l'aspect « travail sur le terrain ». On en fait beaucoup. Sans contredire tout ce qui a été dit auparavant, je pense que la réalité est présente au coeur de toutes les communautés, et même chez nous. On fait beaucoup de travail sur le terrain.
    Tout à l'heure, on a dit, au sujet des budgets que l'on nous accorde en lien avec le ministère des Affaires indiennes, qu'ils sont relativement petits et non ajustés au fil des ans. Je crois que depuis 10 ans, le même budget est attribué pour contrer la violence familiale, ce qui fait qu'on ne peut pas augmenter nos ressources. On a une personne-ressource deux jours par semaine, au maximum, pour offrir des services. C'est sans tenir compte de toute la prévention que l'on doit faire et de l'intervention au coeur de notre communauté, en lien avec la violence faite aux femmes ou la violence en général.
    Je demanderai à ma collègue Mme Desnoyers de présenter la partie qui a davantage trait au travail sur le terrain.

  (1000)  

     Bonjour, tout le monde. Comme l'a mentionné M. Duchesneau, je ferai une allocution de nature plus pratique puisque nous, les intervenants psychosociaux, travaillons plus sur le terrain.
    Pour ce qui est des statistiques concernant notre communauté, j'ai joint le directeur intérimaire du service de police qui me confirmait qu'il y avait actuellement 20 dossiers d'intervention policière concernant des plaintes pour violence, voies de faits, violence conjugale, effectuées en 2009. De ce nombre, 15 dossiers ont été déposés auprès du procureur de la Couronne. À la connaissance du directeur intérimaire, étant donné que les statistiques ne sont pas encore comptabilisées, il y a au moins trois cas où la personne a été reconnue coupable. Nous avons aussi actuellement deux dossiers d'agression sexuelle qui sont en voie de judiciarisation, parmi l'ensemble de nos dossiers sur le plan de la violence.
    Évidemment, on est conscients qu'un grand nombre de victimes n'oseront pas porter plainte en raison de la rigidité du système pénal et parce qu'elles ont peur des représailles des membres de la communauté. Le sujet est encore tabou dans notre communauté comme dans plusieurs communautés autochtones du Québec.
    Actuellement, la violence chez nous, à Wendake, se manifeste sous les différentes formes qu'on connaît. Toutefois, au fil des années, les intervenants psychosociaux se sont attardés davantage à la violence psychologique qui est, selon nous, beaucoup plus subtile, mais qui a les mêmes impacts que la violence physique.
    On a misé, auprès de la population et en milieu de travail, sur la négligence, la manipulation et le dénigrement. Ce sont des aspects de cette forme de violence. Ce qu'on peut observer au sein de notre pratique, c'est que la violence se manifeste souvent au sein de relations affectives et significatives. C'est le cas d'une relation de couple, d'une relation amoureuse chez nos jeunes ou d'une relation parents-enfants mais également au sein des relations où une dépendance affective est présente ou encore, lorsqu'un des deux conjoints présente certains traits de personnalité. On parle notamment de « narcissique pervers » lorsqu'il y a un besoin de contrôle et de domination de l'autre. C'est ce qu'on observe le plus dans notre pratique, au sein des services sociaux.
    Pour pallier tout cela, on a élaboré nos propres stratégies d'intervention. C'est toujours agréable de faire le tour de ce qui fonctionne au sein de notre communauté. À la suite de ce constat, on a remis à jour, en 2009, un protocole d'intervention en matière de violence conjugale. C'est un partenariat entre les services policiers de Wendake et nous, les intervenants psychosociaux. J'ai joint le protocole à vos documents. Lorsqu'il y a des plaintes policières, les policiers se rendent sur les lieux. Après leur intervention, ils demanderont à la victime de signer un consentement pour qu'ils puissent nous transmettre l'information afin qu'on leur offre un suivi et un accompagnement. Ce sont des services qu'on offre actuellement au centre de santé. On parle de toutes les victimes, tant les hommes que les femmes. On ne négligera pas les hommes dans ce processus.
    Malheureusement, il est clair que toutes les victimes ne signeront pas ce consentement d'information. On a donc conçu une trousse d'information pour les victimes que les policiers ont en leur possession. C'est une trousse qui contient des carnets d'adresse avec les ressources spécifiques au réseau québécois avec qui on fait affaire, dont les maisons communautaires d'hébergement. On a également différents dépliants et tout le matériel nécessaire pour ne pas laisser la victime sans ressources.
    Nous avons offert et offrons toujours de la formation aux policiers, notamment sur les besoins des victimes. L'attitude à adopter n'est pas toujours adéquate de la part de nos policiers. On a donc offert de la formation, notamment sur l'intervention en contexte culturel. On présente l'approche appropriée pour l'intervention en violence conjugale, le processus judiciaire et surtout l'aspect de la confidentialité. Pour maintenir nos liens avec nos victimes et notre population, on doit miser beaucoup sur l'aspect de la confidentialité.
    L'objectif de cela était évidemment une meilleure compréhension des policiers sur les besoins des victimes et surtout sur l'attitude à adopter. On visait également la présentation de tout ce qui est la trajectoire policière lors des plaintes de violence conjugale pour avoir des interventions unifiées entre nous et les services policiers.
    Fait positif, depuis l'instauration de ce nouveau protocole, en novembre 2009, se sont adressées à nous deux victimes qu'on a pu accompagner et à qui on a pu offrir du soutien psychosocial. C'est bénéfique pour nous et on est fiers de pouvoir compter sur ce nouveau protocole.

  (1005)  

    Chaque année, nous soulignons également la Semaine sans violence. Nous développons des outils d'année en année. Comme je vous l'ai dit plus tôt, nous misons bien davantage sur la violence plus subtile, soit la violence psychologique. Cette année, nous avons produit une affiche que j'ai en ma possession et que je pourrai vous remettre plus tard. Le thème était « Soulignons que la violence, même sans marques, laisse des traces ». Nous avons aussi fait faire des crayons, que nous avons distribués dans les domiciles de notre communauté, pour sensibiliser nos gens.
    Les intervenants psychosociaux participent à diverses tables de concertation, notamment à celle intitulée « Abus, négligence, violence chez les personnes âgées ». Il s'agit de personnes vivant sur le territoire desservi par le CLSC de la Jacques-Cartier. Il y a 10 partenaires, entre autres des policiers et divers intervenants. Ils travaillent conjointement à l'organisation d'activités préventives, notamment auprès des personnes âgées, ainsi qu'à des activités de formation.
    Comme je l'ai dit déjà, nous avons conclu plusieurs ententes de collaboration, notamment avec les maisons d'hébergement. Sur le territoire de la Jacques-Cartier, à Québec-Nord, il y a également des ressources spécifiquement pour les hommes, dont Autonhommie et G.A.P.I., qui offrent des sessions individuelles ou de groupe à des hommes ayant des comportements violents ou agressifs. On ne les laisse pas seuls dans leur coin. On leur offre un service.
    Pour ce qui est d'enrayer la violence, le rôle du gouvernement fédéral, selon nous, consiste à miser davantage sur les activités de prévention et à les soutenir. C'est le cheval de bataille de bien des organisations. On doit appuyer ces initiatives. Il faut également assurer un financement récurrent. On sait que dans le contexte de la violence conjugale, le lien est précieux. Si un roulement de personnel crée un déséquilibre constant, notre secteur, notre organisation, perd de la crédibilité. C'est pourquoi il est important d'assurer un financement récurrent.
     Il faut aussi se consacrer à des activités de promotion, dont la promotion d'une saine communication et de relations saines, de façon à enrayer la dépendance affective. Il y a aussi la gestion de certains traits de personnalité qui peuvent être liés à des comportements teintés de violence ou de manipulation.
    C'est ce qu'on avait à vous dire ce matin. Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, madame Desnoyers.
    Je vais maintenant demander aux membres du comité, en commençant par Mme Hughes, de se présenter et de vous dire d'où ils viennent et qui ils sont. Ensuite nous pourrons entamer la période des questions, ou plutôt ouvrir la discussion, qui ne consistera pas uniquement en des questions et réponses.
    Carol, s'il vous plaît.

[Français]

    Bonjour.
    Je suis députée du comté d'Algoma—Manitoulin—Kapuskasing, qui est situé dans le Nord de l'Ontario. Dans ma région, il y a environ 17 communautés autochtones. J'étais représentante du Congrès du travail du Canada, mais je suis en congé depuis que j'ai été élue. Quand j'étais à l'emploi de cet organisme, je travaillais beaucoup à certains enjeux. Avant cela, je travaillais pour les Services de probation et de libération conditionnelle. Pendant un certain temps, j'ai aussi travaillé auprès des jeunes contrevenants. J'ai occupé ces fonctions pendant environ 13 ans. Vos commentaires cadrent très bien avec les questions je vais poser.

[Traduction]

    Bonjour. Merci infiniment de votre présence.
    Je m'appelle Lois Brown. Je suis la députée conservatrice de Newmarket—Aurora, une circonscription électorale située à une trentaine de kilomètres au nord de Toronto.
    Je m'appelle Laura Munn-Rivard. Je suis attachée de recherche.
    Je m'appelle Julie Cool et je suis l'analyste rattachée au Comité permanent de la condition féminine.
    Je m'appelle Hedy Fry. Je suis la députée de Vancouver—Centre et j'étais secrétaire d'État responsable de la Condition féminine et du Multiculturalisme pendant environ six ans sous le gouvernement Chrétien; donc, je suis évidemment libérale.

[Français]

    Je m'appelle Isabelle Dumas et je suis greffière de comité.
    Je m'appelle Nicole Demers, je suis députée de la circonscription de Laval, et je veux apprendre.

  (1010)  

    Je m'appelle Roger Pomerleau et je suis député du comté de Drummond. Il n'y a pas de communauté autochtone dans mon comté, sauf peut-être certains Abénakis qui ne sont pas loin, soit des groupes Odanak et Wôlinak. On les rencontre à l'occasion parce qu'on se côtoie lors d'un bon nombre d'activités.
     Par contre, j'ai été témoin de violence, du moins sous certaines formes. Je vais souvent à Montréal parce que ma mère y demeure. Or de plus en plus d'Inuits s'y retrouvent complètement isolés. J'en vois très souvent et je trouve ça dramatique. Ils parlent à peine le français ou l'anglais. Ils n'ont aucune ressource et en sont réduits à quêter. Ils ne peuvent pas s'exprimer ou exprimer ce qu'ils ressentent. C'est en quelque sorte ce qui me touche le plus, dans toute cette situation.

[Traduction]

    Qui voudrait donc poser la première question?
    Lois.
    Merci, madame la présidente.
    Avant de me lancer en politique, j'étais présidente d'une compagnie de gestion de l'invalidité que j'ai cofondée il y a quelques années. La plupart des personnes qui étaient nos clientes avaient été blessées au travail. Notre travail consistait à leur permettre de retourner au travail en toute sécurité. Par conséquent, nous travaillions avec la communauté médicale et les ergonomes afin de déterminer le genre de tâches qu'elles pourraient éventuellement accomplir en réintégrant leur lieu de travail.
    La meilleure stratégie pour gérer les blessures consiste à les éviter complètement. Chacune d'entre vous avez parlé ce matin de prévention sous une forme ou une autre, et je crois que c'est vous, madame Desnoyers, qui avez utilisé le terme « prévention ». Pour moi, c'est le meilleur moyen de s'attaquer au problème de la violence faite aux femmes autochtones. Je voudrais donc explorer un peu cette question avec vous et voir comment nous pourrions définir des mesures de prévention.
    Madame Archambault, vous avez parlé spécifiquement de compétences en leadership et de la nécessité de cultiver chez les femmes de telles compétences. Ma question concerne donc les compétences particulières qu'il faut aider les femmes autochtones à acquérir dans ce domaine. Quelles compétences cherchent-elles à acquérir? Dans quel contexte vont-elles s'en servir? Car, peu importe le segment de la société dont on émane, les gens sont défavorisés s'ils ne possèdent pas les qualités qui vont leur permettre de s'affirmer. Cela peut être dans un contexte professionnel, mais ce n'est pas obligatoire; il pourrait simplement s'agir des compétences qu'il leur faut pour se développer dans un domaine précis.
    Que visent les femmes autochtones au juste? Et comment pourrions-nous les aider à atteindre leurs objectifs, pour qu'elles acquièrent les compétences nécessaires et qu'elles aient une meilleure opinion d'elles-mêmes? Voilà une autre chose qui a été évoquée par plusieurs d'entre vous.
    Madame Denis-Damée, vous avez parlé de l'estime de soi. Peut-être pourrions-nous explorer cette notion-là.
    Madame Archambault, pourriez-vous commencer?
    Oui, avec plaisir.

[Français]

    Si vous le permettez, je vais m'exprimer en français.
    À mon avis, la question qui a été soulevée est intéressante. Quand on parle de prévention, il s'agit de faire en sorte que les Premières nations aient moins de blessures et aient moins souvent recours au système de santé. Il faut donc avoir des moyens. Ces moyens ont été mentionnés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Selon cette dernière, nous devrions établir nos propres institutions.
    En créant nos propres institutions, nous pouvons préparer nos gens, les éduquer et les former pour qu'ils soient prêts au moment où ils se retrouveront dans un cadre de travail. Pour ma part, je suis pour la CSSPNQL. Prenons l'exemple des soins dentaires. On avait dit qu'on ferait réparer les dents des Indiens, mais on ne le fait pas, et ça leur occasionne des problèmes. Ils ont une mauvaise digestion et finissent par recourir au système de santé. Ils font appel au système de santé québécois, quand ils peuvent y avoir accès, bien sûr. En fin de compte, il s'agirait d'établir nos propres institutions, de façon à protéger ces gens-là.
    Est-ce que ça répond à votre question?

  (1015)  

[Traduction]

    Oui, en partie, et j'ai posé la même question hier à certains de nos témoins. Je leur ai parlé d'éducation et de ce qu'il faut faire pour garder les jeunes à l'école afin qu'ils obtiennent l'éducation qu'il leur faut et que ce soit des Autochtones qui retournent dans leurs collectivités afin d'assurer des services d'hygiène dentaire ou des services dentaires en général.
    Quand je regarde le budget de 2010, je constate que le gouvernement a investi 285 millions de dollars dans les services sanitaires et 200 millions de dollars sur deux ans pour l'acquisition de compétences en leadership. Cherchons-nous à permettre aux jeunes Autochtones d'acquérir de telles compétences pour qu'ils deviennent les dirigeants de leurs propres collectivités grâce à ces qualités-là? Cela va-t-il permettre à long terme de réduire la violence faite aux femmes autochtones en particulier, étant donné qu'elles auront une meilleure opinion d'elles-mêmes et qu'elles assumeront des responsabilités dans de nouveaux secteurs professionnels, si bien qu'elles pourront apporter une nouvelle contribution à leurs collectivités?
    Y a-t-il d'autres réactions?
    Y en a-t-il qui voudrait réagir?
    Madame Brassard.

[Français]

    J'aimerais intervenir sur la question du développement des compétences. À mon avis, il s'agit d'un bel exemple devant lequel il faut être prudent. On est à l'ère du développement des compétences en matière de leadership. Le Canada, au cours de son histoire, a eu souvent tendance à adopter des politiques transversales sans tenir compte des réalités particulières des nations et des Autochtones du Canada.
    En ce qui concerne la question des compétences au leadership — bien entendu, il est question d'empowerment et de développer des programmes de formation adaptés à la violence conjugale, par exemple —, à mon avis, on ne peut pas appliquer cette même stratégie à l'ensemble des Autochtones, parce que les conditions socioéconomiques des peuples autochtones sont très diversifiées.
    Par exemple, vous avez fait référence à des montants d'argent déployés en matière de stratégie contre le décrochage scolaire. Fermons-nous les yeux et imaginons un enfant autochtone, une jeune au début de l'adolescence, dont les parents ont des problèmes de consommation de drogue, d'alcool, une famille où la violence conjugale sévit depuis qu'il est au landau. Juxtaposez à cela de multiples déplacements, changements de conjoint, victimes de violence de toutes sortes. Dans cet ordre de priorité, comment voulez-vous qu'un enfant puisse penser fréquenter l'école de manière régulière?
    Je sais que ce discours n'est pas populaire. S'attaquer à la pauvreté, c'est complexe. S'attaquer au sous-développement des structures des collectivités autochtones, c'est complexe. Toutefois, je crois que tant que l'on ne donnera pas un peu d'air sur le plan socioéconomique, on ne pourra pas adapter ces questions de développement de leadership et de compétences. Bien entendu, il y a des nations autochtones qui sont probablement, dans leur histoire, rendues à cette étape de produire des leaders. On en voit quelques-uns, et avec fierté. Il faut s'inspirer de ces leaders. Cependant, je pense qu'il faut être prudent dans l'application généralisée d'une telle stratégie.
    En 2008, il y a encore des gens... Je pense à un cinéaste québécois, Richard Desjardins, qui a produit un film au Québec en 2008 — pas en 1960, en 2008 — intitulé Le peuple invisible. Ce film avait pour but de faire comprendre aux Québécois qu'il y avait des Autochtones sur leur territoire et que certains d'entre eux n'avaient pas encore d'électricité ou d'eau potable. Nous sommes en 2010.

[Traduction]

    Monsieur Duchesneau.

[Français]

    Vous précisiez que les gouvernements avaient adopté des budgets de 285 millions de dollars et de 200 millions de dollars en ce qui concerne les compétences. Lorsque ces budgets arrivent dans les communautés, c'est minuscule comparativement à ce que l'on doit faire pour arriver à donner les services et pour faire de la prévention. Bien entendu, on doit composer avec ces budgets pour faire de la prévention. Encore heureux que les communautés ont beaucoup de résilience et de bon vouloir pour aider les leurs dans leur milieu, pour essayer de s'en sortir avec les budgets qui sont leur sont octroyés.
    On est dépendants des budgets accordés par les gouvernements, parce que c'est avec ces budgets que l'on peut exister et offrir des services. Comment peut-on faire de la rétention de personnel alors que l'environnement... Ailleurs, au Québec, les salaires des gens sont beaucoup plus élevés. Chez nous, on ne reconnaît pas l'expérience, on embauche des gens à moindre coût, parce que les budgets ne sont pas substantiels et ne permettent pas de payer un salaire égal à celui versé juste à côté de la communauté. Quand on a des gens qui sont formés, on est tous pareils. Selon moi, la priorité, c'est d'être capable de survivre, de subsister, de pouvoir gagner son pain et de bien vivre dans le monde dans lequel on est. On fait beaucoup l'éloge de la richesse, mais au coeur des communautés, il y a beaucoup de pauvreté, bien souvent en lien avec la rémunération qui est beaucoup moindre que celle de nos pairs du gouvernement du Québec et du Canada en général. La rémunération est inférieure.
    Plus tôt, on a dit que puisque nous ne payons pas d'impôt, on nous paie moins cher. En fait, c'est un droit acquis que l'on a. C'est une forme de reconnaissance qui nous est accordée parce que nos ancêtres occupaient le territoire. On se fait régulièrement dire cela. On nous dit qu'on nous paie moins cher parce que nous ne payons pas d'impôt sur nos revenus. Pourtant, la livre de beurre nous coûte le même prix.

  (1020)  

    Je vous remercie.
    Madame Demers.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence ici, ce matin, je l'apprécie vraiment.
    Madame Archambault, vous avez dit qu'il n'y avait pas de services dans les communautés, que les Autochtones du Canada étaient considérés par les Nations Unies au 63e rang des nations du monde. J'ai de la difficulté à comprendre que, dans un pays aussi riche que le Canada, la nation autochtone se place au 63e rang des nations du monde.
    Cependant, on n'en parle pas sur la place publique, à moins qu'il n'y ait un événement d'importance majeure, ou catastrophique comme les feux de forêt des dernières semaines. On ne parle pas des difficultés des communautés autochtones sur la place publique. Pourquoi ce grand silence, selon vous? Que peut-on faire pour briser le silence?
    Voulez-vous répondre d'abord? Je pourrai continuer par la suite.
    En effet, on a mentionné qu'il y avait peu ou pas de ressources dans les communautés. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le budget annuel par communauté est d'environ 18 000 $ pour la lutte contre la violence, spécifiquement la prévention de la violence. Cela fait nombre d'années que c'est ainsi. Une somme de 18 000 $, je crois que les gens de la communauté de Wendake ont dit que cela couvrait le travail d'une personne, deux jours par semaine. C'est la réalité des communautés.
    Encore faut-il que cet argent soit investi dans la prévention. C'est une autre question qu'il faut se poser. Dans l'élaboration des différents plans d'action, il faut voir si c'est une priorité pour la communauté, peut-être que ça ne l'est pas. Il faut comprendre qu'il n'y a jamais eu beaucoup d'argent investi dans la prévention.
    D'ailleurs, on parle de services de première ligne qui sont mis en place dans l'ensemble des communautés du Québec et qui sont des services préventifs offerts aux familles pour augmenter un peu le niveau de protection de la jeunesse. On n'a pas parlé de la protection de la jeunesse, qui est un phénomène inquiétant, même pire que ce qui a été vécu dans les pensionnats. Tout le lien culturel, le peu de ressources de type familial dans les communautés, les jeunes qui sont obligés d'aller à l'école à l'extérieur, etc., c'est une autre réalité.
    On parle de la violence et Mme Denis-Damé a mentionné aussi qu'il faut voir cela de manière globale, qu'il faut intervenir de manière globale parce que, qu'on le veuille ou pas, tout est interrelié. On a parlé de la toxicomanie, de la violence; on ne parle pas du suicide, qui est la conséquence de facteurs tels que la consommation, etc. Tout peut mener au suicide, on ne parle pas d'abus sexuels non plus, qui pourraient être d'autres conséquences menant au suicide.
    Je vous présente quelques chiffres que j'ai pu recueillir. Au cours de la dernière année, il y a eu 13 suicides dans les communautés du Québec, des personnes âgées de 13 à 22 ans, dont 8 jeunes filles. Il faut donc se poser des questions par rapport à cela.
    Vous parliez de prévention plus tôt, madame Brown.

  (1025)  

    Excusez-moi de vous interrompre. Je n'ai pas beaucoup de temps.
    J'ai une autre question importante pour Mme Brassard. Excusez-moi, monsieur Savard. Je veux poser une question à Mme Brassard parce qu'elle a parlé de ce sujet.
    Selon vous, en quoi la signature de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones changerait-elle la situation?
    À ce sujet, je serais tentée de laisser répondre ma collègue parce que c'est quelque chose qui sort peut-être de mon expertise. Je crois qu'elle l'a avec elle, alors elle sera plus convaincante que moi.
    Merci de la question, madame Demers.
    Vous parliez de silence au sujet de la violence faite aux femmes. En fait, l'Association des femmes autochtones a été créée il y a déjà plusieurs années. Mary Two-Axe Early, qui a travaillé en faveur du projet de loi C-31, a milité contre la violence faite aux femmes et la pauvreté, il y a plusieurs années. Naturellement, il y a beaucoup de médias québécois et canadiens qui s'emparent de cela. Il y a peu de journalistes autochtones. Depuis plusieurs années, on dénonce la violence et la pauvreté des femmes. Mary Two-Axe Early et Evelyn O'Bomsawin, qui est une des fondatrices de Femmes Autochtones du Québec, l'ont fait. D'ailleurs, elles m'ont prise par la main dans cette quête et m'ont montré à continuer ce combat.
    Sur la place publique, on entend que les Indiens boivent de l'alcool et prennent de la drogue. De notre côté, on essaie de maintes façons de dénoncer cela, mais on semble sourd à nos demandes.
    En ce qui concerne la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, je crois que ce document est écrit simplement et dit la vérité au sujet des peuples autochtones, particulièrement en ce qui concerne les articles sur les femmes et les enfants. Nous, depuis le début, sommes victimes de discrimination. Nous sommes des victimes de la pauvreté qu'on nous impose. Nous essayons de sortir de ce cadre de victimes, mais nous n'avons pas de moyens ni de budget. Avec le peu que nous avons, nous essayons d'arriver à nous faire entendre.
    Hier, nous avons rencontré des parlementaires, dont une sénatrice. Nous en sommes à prendre tous les moyens possibles. Cette quête, il y a longtemps que nous l'avons entreprise. C'est l'espace de vie de multiples femmes depuis de nombreuses années. Il y a eu le projet de loi C-31, le projet de loi C-3 qui contient des aspects discriminatoires, et plusieurs autres articles que l'on retrouve dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
    Pour faire suite à votre question, il s'agit d'une reconnaissance internationale. Justement, on parlait, il y a quelques minutes, d'une invisibilité. Pourquoi les Autochtones sont aussi invisibles? C'est parce qu'on a intérêt politiquement à ce qu'ils demeurent invisibles. Tant qu'ils ne dérangent pas, qu'ils boivent et qu'ils sont maintenus dans des systèmes de dépendance, ils ne sont pas la troisième force politique au Canada.
    En temps que Québécois, on fait du bruit au Canada pour négocier notre distinction, notre caractère distinctif, notre caractère culturel, le droit à notre auto-gouvernance en matière institutionnelle. N'oublions jamais que sur le plan politique, les Autochtones forment un troisième groupe fondateur. Donc, on a tout intérêt à ce que ce troisième groupe... En même temps, c'est paradoxal parce qu'on est à l'ère du développement des compétences alors qu'on n'est pas en mesure de reconnaître d'abord sur le plan plan international l'existence de ce peuple ayant des droits. Donc, c'est assez paradoxal.

  (1030)  

[Traduction]

    Merci.
    Madame Desnoyers.

[Français]

    La clinicienne en moi parle. Je voulais simplement revenir sur le sujet des compétences pour les femmes. Je pense qu'il est important de développer les compétences chez nos femmes. Par contre, on néglige trop souvent des ressources pour nos hommes. Nos hommes sont engagés dans la violence, que ce soit la violence conjugale ou peu importe, les hommes aussi en sont victimes. Donc, il faut cesser de toujours dire « les femmes, les femmes », et il faut miser sur nos hommes.
    Actuellement, voici ce qui se passe dans nos communautés: on retire de leur maison nos femmes pour les mettre dans des maisons d'hébergement, mais on y laisse nos hommes qui sont souffrants. Donc, les femmes vont revenir et les hommes seront encore présents avec cette souffrance qui sera toujours marquée. Ils n'auront jamais obtenu de services et le cycle va recommencer. Donc, il faut absolument miser sur des ressources pour nos hommes.

[Traduction]

    Madame Hughes.

[Français]

    Ce problème comporte plusieurs enjeux. Quand j'étais gestionnaire pour la province et que je travaillais aux Services de probation et de libération conditionnelle, même les employés là-bas parlaient de l'importance de la réhabilitation, des programmes devant être mis sur pied afin d'assurer qu'un contrevenant recevra l'aide nécessaire pour éviter qu'il ne récidive. C'est une des choses que j'entends ici. En ce moment, le gouvernement est prêt à investir des millions de dollars dans des prisons. On sait qui sont dans les prisons. On connaît le pourcentage d'Autochtones qui s'y trouvent.
    Devrait-on vraiment investir dans les prisons ou, comme je crois savoir qu'on l'a dit plus tôt, dans des programmes qui vont aider les contrevenants à se remettre sur pied?
    J'avais un cousin qui souffrait d'une dépendance à l'alcool. Il me disait avoir été incarcéré parce qu'il avait fait une erreur après avoir bu. Étant donné qu'il y a une longue liste d'attente pour les programmes en prison, on lui a dit que dans son cas, il ne pourrait en suivre un qu'à la fin de son séjour, une fois qu'il serait prêt à sortir de prison. Est-ce que ça a du sens? Mon cousin a fini par se suicider.
     L'éducation est très importante. Vous avez tout à fait raison quand vous dites ne pas recevoir autant de financement que le reste de la population. Ça cause beaucoup de difficultés. Êtes-vous vraiment des citoyens secondaires? Je crois vraiment que l'éducation devrait commencer quand nos enfants sont tout petits. On a vu la différence que ça faisait en ce qui concerne les abus sexuels contre les enfants. On a pu constater ce qui se passait dans leur famille quand on les éduquait dès le primaire. Maintenant, les enfants commencent à nous dire ce qui se passe chez eux. Il est donc important de commencer à les éduquer. Au primaire, on devrait enseigner ce qui est bien ou ce qui ne l'est pas concernant ce qui se passe à la maison. On leur donne des outils en espérant que plus tard, on va voir la différence.
    Vous avez de sérieuses difficultés sur le plan social. Vous avez beaucoup parlé de ce qui se passait dans vos communautés et du fait que ceux ne vivant pas dans une communauté avaient encore de la difficulté à trouver un logement abordable en ville. Où la personne va-t-elle retourner à sa sortie de prison? Elle n'aura pas le choix: elle va retourner à la maison.
    Ces enjeux sont ignorés d'un gouvernement à l'autre, tout comme le manque de financement des Premières nations. Les fonds sont nécessaires. J'aimerais entendre vos commentaires sur les prisons. J'aurai ensuite une autre question. Je veux donner la chance à d'autres de poser des questions.

  (1035)  

     En fin de compte, les Autochtones sont comme une patate chaude qu'on se passe d'un gouvernement à l'autre. Personne ne veut vraiment se mouiller.
    Quant aux prisons, on remarque que ce sont surtout nos hommes qui y sont incarcérés. Par conséquent, on sort encore nos hommes de nos communautés, on les oriente vers des programmes qui ne sont pas adaptés culturellement et qui ne servent à rien. Pourquoi ne se demande-t-on pas quels sont leurs besoins et ceux de nos communautés? Pourquoi les décisions se prennent-elles toujours du haut vers le bas? Pourquoi développe-t-on de beaux programmes qu'on balance dans les communautés et auxquels nous, en tant que petits milieux, petits peuples, n'avons pas le choix de nous adapter? Pourquoi n'est-ce pas le contraire? Les nations sont différentes les unes des autres, et au sein d'une même nation les communautés sont différentes. Pourquoi ne part-on pas de la base? On réglerait tant de problèmes! Nous sommes sur le terrain, dans nos communautés. Nous connaissons notre réalité. Partons de la base.
     C'est ce que j'avais à dire.
    Quand on est au stade de la prison, l'avenir est déjà hypothéqué. En effet, on a un dossier criminel et il est plus difficile de s'intégrer à la société. Malheureusement, ces personnes sont souvent perdues. On peut agir avant qu'elles aillent en prison grâce à des programmes de prévention.
    On prend les jeunes décrocheurs en difficulté, on met sur pied une institution ou un comité de travail qui peut donner à ces jeunes des moyens pour retourner à l'école. C'est le moment de les sortir. J'ai travaillé avec des jeunes décrocheurs en difficulté. Quand ils tombent dans le milieu de la drogue et de l'alcool, quand ils sont dans la rue, c'est le moment d'aller les chercher, de les faire travailler et de les rémunérer pour un travail gratifiant. Il faut éviter qu'ils prennent la voie de la prison, sinon cela va hypothéquer leur vie. On ne peut pas tout contrôler, mais il faut faire ce travail avec les jeunes, les hommes et les femmes, avant qu'ils n'aillent en prison. Ce travail se fait. On a vu des jeunes retourner au cégep. On a vu des jeunes hommes et des jeunes filles réussir à se sortir du cercle de la drogue. On en a vu.
    En ce qui a trait aux Premières nations, il serait intéressant qu'elles puissent mettre sur pied leurs propres institutions. Qui peut être plus préoccupé par une situation que la personne qui la vit? On a des cultures et une langue. Malheureusement, il n'y avait pas de loi pour protéger la nôtre, donc elle a été oubliée. Je parle de manière générale. Les Premières nations ont différentes cultures. Il y a des façons d'exprimer cette culture, par des cérémonies, par exemple. À mon avis, remplir les prisons n'est pas une solution, car cela revient à hypothéquer l'avenir des jeunes et des gens. Ce n'est vraiment pas intéressant. Cela se situe encore au niveau de l'éducation. L'éducation est la clé.
    Il faut remettre en place des programmes pour remettre ces décrocheurs sur le bon chemin. C'est là que ça se passe. Il faut aller les chercher dans la rue et les ramener à leurs racines. Comme on dit, c'est là que se fait le travail de rue. C'est important. Qui est mieux placé pour régler cela que les communautés qui en souffrent? C'est ainsi que je le vois. Je reviens toujours à nos propres institutions, parce que l'on est capable de définir les problèmes des Premières nations.

  (1040)  

    J'aimerais ajouter une chose. Non seulement on doit investir de grosses sommes d'argent pour bâtir d'autres prisons, mais on étudie probablement la privatisation de ces prisons. Vous savez que si on privatise les prisons, la compagnie propriétaire voudra recevoir des fonds. La seule manière de le faire est de garder les gens en prison. Je voulais ajouter cela.
    J'ai une question...

[Traduction]

    Je crois que Mme Brassard voudrait répondre.
    Madame Brassard.

[Français]

    Il s'agit là de mon créneau. En effet, j'ai fait ma thèse de doctorat sur l'enfermement carcéral des femmes autochtones au Québec. Je suis en train de terminer une étude sur les trajectoires carcérales des hommes autochtones. Parallèlement à cela, les responsables du Service correctionnel du Canada m'ont refusé l'accès aux pénitenciers parce que je voulais aller chercher de l'information sur les programmes de spiritualité autochtone au sein des pénitenciers du Québec. Mon étude était politiquement trop chatouilleuse. Je n'ai donc pas eu accès aux pénitenciers, mais j'ai quand même rencontré des gens à l'extérieur de l'enceinte du pénitencier.
    Je ne veux pas me faire du capital politique, mais en ce qui a trait à la question de la construction des prisons, je viens tout juste d'écrire un article qui s'appelle Painting the Prison ‘Red’: Constructing and Experiencing Aboriginal Identities in Prison. Même si nous construisons des prisons, je peux vous le prédire, nous allons toutes les remplir, surtout avec des Autochtones. Proportionnellement parlant, les femmes autochtones constituent le groupe social le plus représenté en prison.
    La Commission d'enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston a permis de créer huit pavillons de ressourcement. Il s'agit d'établissements correctionnels adaptés à la culture autochtone, avec des programmes de spiritualité axés sur les traditions et la guérison. Les premières évaluations de ces pavillons de ressourcement ont révélé le manque d'indépendance des Autochtones. Ces femmes sont encore sous le joug du Service correctionnel du Canada et des mêmes lois. C'est le problème de la gouvernance, on ne veut pas donner de pouvoirs. On les donne au compte-gouttes. On leur laisse gérer les chiens, les aboiements de chiens et les clôtures, parce que ce n'est pas trop dangereux, en matière de gouvernance.
    Le problème du Canada en matière de gouvernance a toujours été le même. Les autorités canadiennes demandent aux Autochtones de les convaincre qu'ils sont capables de se gouverner. Si c'est le cas, elles leur en donnera un petit peu. Toutefois, l'état socioéconomique actuel des Autochtones fait en sorte qu'ils ne sont pas capables de démontrer leur capacité de gouvernance. D'un côté, ils disent qu'ils connaissent des taux de suicides et des taux de violence très élevés, mais le gouvernement entend bien ce qu'il veut entendre.
    En ce qui a trait à la réhabilitation, vous savez que depuis 1996, au Canada, l'approche est transversale en ce qui a trait au domaine correctionnel. On parle de gestion de risque. Toutefois cette approche pose problème. Dès qu'un Autochtone entre dans un établissement de détention, on détermine son niveau de risque. Or, malheureusement, il est démontré dans plusieurs études au Canada que le risque de récidive des détenus autochtones, femmes et hommes, est tellement élevé qu'ils n'ont pas accès aux programmes de réhabilitation. En effet, pour les programmes de réhabilitation, il faut pouvoir avoir démontré constituer un risque faible ou moyen. C'est un beau paradoxe. Même s'ils avaient accès aux programmes de réhabilitation, le système correctionnel va transformer un individu, dans ses croyances, dans ses manières de conduire.
    Prenez cet individu transformé et remettez-le dans une communauté criminogène. Je suis en train d'écrire présentement un truc qui s'appelle:

[Traduction]

« When Two Worlds Collide. »

[Français]

    Cela traite de ce qui se passe quand deux mondes s'affrontent quand on transforme un individu. C'est ce que nous disent les prisonniers. Ils essaient de fuir la prison, avec des conditions extrêmement fragilisées. Quand ils sont en prison, ils ne veulent plus retourner dans la communauté parce qu'ils savent qu'ils vont se remettre à boire et que la violence est présente. Ils sont donc prisonniers de ces deux mondes.
    Monsieur Pomerleau, c'est à vous.
    Merci, madame Fry.
    Je vous remercie tous d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous avoir donné de très belles explications. J'ai une question qui s'adresse à qui veut y répondre.
    Certains parmi vous ont invoqué le manque de volonté de tous les ordres de gouvernement de véritablement régler le problème. De temps en temps, on voit cette volonté se concrétiser. On a vu, par exemple, Joé Juneau, qui fait un travail remarquable avec les Inuits dans le Grand Nord. Il a décidé de faire ça de lui-même. C'est tout à fait remarquable. Ce gars devrait recevoir des médailles tous les jours. On a aussi vu le gouvernement canadien faire, mais ce n'était pas pour les Autochtones, c'était pour le G8 ou le G20. Pour protéger quelques personnes pendant trois jours de la violence présumée, on a investi 1 milliard de dollars. C'est comme si on engageait 10 000 infirmières et qu'elles recevaient toutes 100 000 $. C'est ce qu'on a donné pour protéger ces gens, alors que monsieur a parlé de quelques milliers de dollars par année pour les nations autochtones.
    Dans ce contexte, on est quand même obligés de constater qu'au cours d'un certain nombre d'années, le gouvernement a débloqué certain fonds et certaines ressources. Pourtant les résultats ne sont pas là. Par conséquent, selon chacun de vous, quel est le problème principal? Est-ce qu'il n'y a pas assez d'argent, qu'il est mal attribué, que c'est mal défini, que cet argent n'est pas allé aux bonnes personnes, ou que les critères ne sont pas assez clairs? Quel est le problème fondamental, selon vous? Allez-y dans l'ordre, peut-être, en commençant par M. Savard.

  (1045)  

    Pouvez-vous répéter votre question? Elle comporte plusieurs volets.
    Selon vous, quelle serait la priorité?
    Je pense qu'il s'agit de la prévention. Vous avez nommé certains programmes et certaines choses qui ont été mises sur pied. Souvent, on accorde du financement dans les communautés. Des choses se font. Il n'y a pas que des choses négatives dans les différentes communautés.
    Prenons l'exemple de la guérison communautaire. La Fondation autochtone de guérison finançait un programme. Je tiens à en parler, puisqu'elle a financé certains projets, durant plus de trois ans, dans l'ensemble du Canada. Cela donnait de bons résultats. Vous venez de faire une comparaison avec le G20. Ce programme a été sabré le 31 mars de cette année.
    On a créé des attentes. On a mis en place des services au sein des communauté et, du jour au lendemain, on n'a plus de financement.
    Certains autres exemples peuvent être donnés, mais il y a toute la question de la priorité des communautés. On en a parlé. Les communautés sont toutes autonomes, d'un certaine manière, dans la définition des problématiques et ainsi de suite. Si ce n'est pas une priorité pour la communauté, il n'y aura pas d'investissements dans ces différents secteurs et ainsi de suite.
    Souvent, on parle de gros montants, mais lorsqu'on arrive en bas, les montants sont peut-être moindres. C'est vrai qu'il y a des montants de 285 millions de dollars ou de 200 millions de dollars, mais souvent, en bas, il reste peut-être un petit montant de 18 000 $ pour parler de la prévention.
    Toutefois, il y a tout ce qui concerne l'intervention et ainsi de suite. Il y a la question du développement. Je reviendrai sur ce qu'a dit Mme Archambault. L'investissement doit se faire de manière globale et on doit avoir nos propres institutions. On en a parlé, que ce soit en matière de problèmes de langue ou de la lourdeur du système judiciaire. En terminant, je voudrais dire que d'une certaine manière, nos communautés sont également des prisons.
    Je suis désolée, je dois retourner à Ottawa.
     Madame Demers, c'est à vous.
    On continue, on continue.
    Une voix: Oui, oui.
    La présidente suppléante (Mme Nicole Demers): Je vais prendre la place de la présidente.
    Une voix: Soyez prudente sur la route.
    Madame Archambault, parmi les choses qu'on a abordées, selon vous, quelle devrait être la priorité si on voulait commencer à régler le problème dès demain?
    Un aspect de votre commentaire m'a un peu irritée. En effet, vous avez parlé de manque de volonté, monsieur Pomerleau, mais les Premières nations ne manquent pas de volonté.

  (1050)  

    Non, je parlais du gouvernement.
    Je comprends.
     Le manque de volonté du gouvernement n'est pas difficile à comprendre. Nous possédons un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Je crois sincèrement qu'il ne veut pas que ce droit se concrétise. Toutefois, il faudra que les gouvernements tiennent compte du fait que la population des Premières nations est grandissante. À un moment donné, les budgets sont faits en fonction de la population des communautés.
    Un peu plus tôt, on a parlé de 285 millions de dollars. Toutefois, il ne faut pas oublier que c'est pour deux ans et que ces 285 millions de dollars touchent cinq points majeurs, dont le diabète et la prévention du suicide. Il y a un travail titanesque à faire dans ces domaines. Je vois donc les choses comme cela.
    On demande toujours aux Premières nations ce qu'elles veulent. Au fond, on le dit depuis des années. C'est d'ailleurs bien résumé dans le Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cela explique les choses. Les gens disent vouloir avoir leurs propres moyens de subsistance et de développement, et pouvoir se livrer librement à leurs activités économiques, traditionnelles et autres.
    Un exemple me vient en tête, celui des ressources naturelles prélevées dans les territoires. Je prendrai l'exemple de ma nation pour ne blesser personne. Elle n'a rien reçu, absolument rien. Comment puis-je vivre mon droit inhérent à l'autonomie gouvernementale si je n'ai pas droit aux retombées économiques des ressources? On ne parle pas seulement des ressources forestières; on parle aussi des ressources minières et naturelles. Ce sont beaucoup de ressources auxquelles je n'ai pas accès.
     On est tenu dans l'impossibilité de mettre en oeuvre notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Cela serait une façon de dire que les Premières nations doivent s'asseoir avec les multinationales qui prélèvent le bois sur les territoires et leur dire qu'ils doivent leur donner un pourcentage des retombées économiques. Ce serait une façon de pouvoir devenir autonomes.
     Par contre, présentement, on n'a rien. On n'a pas de moyens. On nous tient dans un état de dépression. On devient dépressif parce qu'on se demande comment on fera pour arriver à s'en sortir. Ce serait un moyen intelligent.
    Nous sommes des gouvernements: le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral et les gouvernements des Premières nations, mais on n'a pas...
    Vous n'avez pas les moyens qui vont avec ce statut.
    C'est exact.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre voulait-il répondre à M. Pomerleau?
    J'aimerais faire un commentaire.
    Comme je vous l'ai dit plus tôt, souvent, dans les communautés, on est dépendants des budgets liés aux différents programmes. On doit composer avec cela pour offrir une panoplie de services à notre communauté.
    En ce qui a trait au développement économique des communautés autochtones, plusieurs personnes qui y résident ont développé des promesses pour eux-mêmes, comme bien d'autres personnes. Toutefois, les conseils de bande, comme madame le disait, ont difficilement les moyens économiques de faire du développement qui nous permettrait d'avoir nos ressources naturelles et financières, afin de connaître une indépendance sur le plan socioéconomique. Là est la difficulté pour les différentes communautés.
    On a une certaine autonomie, une certaine latitude en lien avec la façon dont on donne les services et qu'on rejoint notre clientèle. Comment peut-on développer des ressources financières, pour faire en sorte qu'on puisse offrir d'autres services à notre communauté? On est limité par les budgets qu'on reçoit. On est prisonnier d'un budget qui nous est alloué. On fait ce qu'on peut avec cette tarte.
    Madame Brassard, c'est à vous.
    Ce sont des prisons territoriales. On est à la veille du développement du Nord, selon l'actuel gouvernement Charest. Comment se fera ce développement? Je pense qu'une des priorités, c'est le sous-développement des communautés sur le plan structurel.
    Va-t-on encore trouver des diamants, des trésors et du pétrole? Va-t-on déplacer les Autochtones sans qu'ils puissent récupérer... Il n'y aura pas de miracles. Je pense que ce serait de la malveillance intellectuelle ou de la malhonnêteté intellectuelle de nous convaincre ce matin qu'on va faire des miracles.
    Vous savez comme moi que le nerf de la guerre, c'est l'argent. La capacité financière de prendre son porte-feuille, de quitter la maison, de gagner de l'argent, de travailler à temps plein pour se forger une estime personnelle et envisager une capacité d'autonomie, c'est primordial dans la vie. En leur enlevant cette possibilité...
    Selon moi, la priorité, c'est le développement structurel des communautés. Vous et moi, nous serons témoins de l'histoire à venir, mais ça me surprendrait que le développement du Nord prenne en compte les réalités des peuples autochtones. On va scraper des rivières, on va détourner la nature, on va briser et réduire leur territoire, et ce, pour devenir un société québécoise riche et capable. Car Québec est aussi dans la course à l'autonomie, il ne faut jamais oublier ça.

  (1055)  

    La parole est à Mme Brown?

[Traduction]

    Merci, madame Demers.
    Je me demande si nous pouvions approfondir une question que nous avons abordée un peu plus tôt, mais d'abord, je tiens à remettre les pendules à l'heure: c'est une administration antérieure qui a accordée les crédits pour la création des centres d'accueil. Il y a toujours eu une disposition de temporarisation. C'est notre gouvernement qui a réaffecté les crédits année après année.
    Cet argent a maintenant été incorporé dans le budget de Santé Canada. Je sais qu'il faut faire adopter le budget pour que l'argent puisse être distribué. Ce travail est toujours en cours, mais l'argent est d'ores et déjà transféré à Santé Canada, et la disposition de temporarisation — qui a toujours existé — a été créée au moment de l'adoption de la loi. Donc, il convient de se le rappeler.
    Je voudrais explorer une autre question qui a été soulevée tout à l'heure quand nous parlions de compétences, et je crois que c'est vous, madame Desnoyers, qui avez dit que les hommes autochtones qui sont en prison ne bénéficient pas… corrigez-moi si j'emploie le mauvais terme. Disons que ce qu'on leur offre ne tient pas compte de leurs réalités culturelles, si bien que les programmes en question sont parfaitement inutiles. Je pense que c'est ce terme-là que vous avez employé.
    D'abord, est-ce que tout le monde est d'accord pour dire que les hommes autochtones veulent faire vivre leur famille? Est-ce exact?
    N'importe qui peut répondre à la question.

[Français]

    Je vais répondre à la première question, qui portait sur le programme correctionnel de sensibilisation culturelle aux détenus autochtones.
    La réalité au Canada est la suivante. Les prisons provinciales n'ont pas des budgets suffisants. Elles reçoivent moins d'argent que celles du Service correctionnel du Canada. Par conséquent, on retrouve ces programmes de sensibilisation culturelle dédiés aux détenus autochtones uniquement au sein des pénitenciers fédéraux au Canada, dans les cinq régions administratives.
    Encore faut-il, comme je le disais un peu plus tôt, que les détenus soient classés en fonction de leurs besoins et non du niveau de risque. En effet, c'est le changement qu'on a connu depuis 1996. On évaluait les besoins, mais on évalue maintenant le risque. Quand on se met à réfléchir à cela, on peut se demander: quels risques font courir aux autres les délinquants autochtones au Canada? Ce n'est pas grand-chose. Ils sont plus dangereux pour eux-mêmes que pour les autres.
    Votre deuxième question portait sur la volonté des hommes. Je veux revenir à un aspect très important, à mon avis. Il s'agit du cloisonnement de l'intervention en matière de violence à l'égard des femmes autochtones. Je devrais plutôt parler de violence des peuples autochtones. Notre système d'intervention est bâti sur une intervention pour les femmes. Dans une situation de violence, les policiers arrivent, mettent les menottes à l'homme et donnent à la femme une carte professionnelle des services aux victimes. Les gens sont cloisonnés dans des statuts. L'homme est nécessairement l'agresseur et la femme est nécessairement la victime.
    Depuis 10 ans, j'entends les femmes autochtones nous dire qu'elles veulent travailler avec leurs hommes. Les repaires féministes traditionnels ne correspondent pas aux demandes des femmes autochtones. Elles ne veulent pas quitter nécessairement leur famille, leur mari. Elles veulent travailler avec eux sur les problèmes de violence dans les cercles de guérison parce que cette problématique de violence concerne toute la famille. On ne mettra pas fin au problème en sortant la femme de sa communauté ou de sa famille et en l'envoyant dans une maison d'hébergement, qu'elle soit culturelle ou autre. Que la maison ou la prison ait des capteurs de rêve plutôt que des barreaux, c'est quand même une prison qui restreint la liberté humaine.
    Il faut tenir compte de cela. Il faut décloisonner, comme Anne le disait si bien. Il faut que les hommes autochtones puissent aussi entrer en dialogue avec les femmes autochtones, mieux comprendre. Cela fait en sorte que je suis à la veille de déposer une demande de financement au Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. En effet, je veux aller voir l'expérience et la manière dont les hommes autochtones construisent la violence dans laquelle ils sont impliqués.
    Je veux donner la parole à ces hommes, savoir comment ils voient cela.

  (1100)  

[Traduction]

    Si je peux me permettre de vous interrompre, quelles sont les compétences qu'acquièrent les hommes autochtones qui sont incarcérés? Voilà ma question, je suppose. Quelles sont les compétences qu'on leur permet d'acquérir à ce moment-là qui sont, d'après Mme Desnoyers, parfaitement inutiles? Voilà la question que je vous pose.
    Madame Desnoyers, pourriez-vous nous dire quelles sont ces compétences inutiles?

[Français]

    Je ne crois pas que ce soit en matière d'outils, mais plutôt en matière de besoins. Les besoins des hommes sont tous différents. Quels sont les besoins de ces hommes en incarcération? C'est la question qu'il faut se poser.

[Traduction]

    Mais quelles sont les compétences qu'on leur permet d'acquérir maintenant qui ne leur sont pas bénéfiques au moment de leur libération? Vous les avez qualifiées d'« inutiles », et donc, ces compétences qu'ils acquièrent sont inutiles…

[Français]

    Culturellement, ils ne sont pas adaptés. C'est ce que j'ai dit plus tôt.

[Traduction]

    Dans ce cas, quelles compétences leur seraient bénéfiques, de sorte qu'au moment de leur libération, ils possèdent les outils qui vont leur permettre de réintégrer la société? Quelles compétences leur faut-il?

[Français]

    Je pense que trop souvent on libère les hommes sans suivi. Il serait important d'assurer le suivi à l'intérieur de la communauté, qu'il y ait des intervenants qui soient formés pour ces hommes. Ce serait peut-être un besoin spécifique dans les communautés autochtones.

[Traduction]

    Bon. Je ne suis pas sûre qu'on aborde réellement l'élément que je voulais explorer avec vous.
    Madame Archambault, vous, aussi, avez parlé de cela. Vous avez parlé de travail enrichissant. En quoi consisterait un travail enrichissant dans une collectivité autochtone et dans le contexte autochtone, par rapport aux compétences qu'ils doivent acquérir?
    Quelles compétences doivent-ils acquérir pour pouvoir obtenir un travail enrichissant? Vous avez évoqué la nécessité de s'intégrer dans la société.
    Madame Brassard, vous avez parlé de l'intégration dans la société. Qu'est-ce que cela signifie dans le contexte autochtone?

[Français]

    J'espère que je vais répondre à votre question.
    J'ai pris en note que vous parliez d'habilité, de façon à pouvoir aider. Je crois que dans plusieurs domaines, si on faisait un diagnostic de la situation, à ce moment-là, on pourrait peut-être intégrer une formation adéquate aux besoins de la personne. Le diagnostic devrait être culturel, spirituel, éducationnel pour connaître le besoin de l'individu, pour pouvoir ensuite l'orienter vers le besoin qu'il a.

  (1105)  

[Traduction]

    Et qui ferait ce diagnostic? Qui le fournirait?
    La Première nation.

[Français]

    C'est pour ça que j'insiste sur le fait d'avoir des institutions, parce qu'on connaît nos besoins, on peut mettre en place... Ce sont les moyens qui manquent. On les connaît.

[Traduction]

    Je boucle la boucle avec cette question, dans ce cas-là. L'un des aspects du problème est le manque d'estime de soi. C'est ce que vous nous avez dit aujourd'hui, et nous avons entendu la même chose hier.
    Si le problème à l'origine de ce sentiment de ne pas être productif et de ne pas pouvoir nourrir sa famille est un manque d'estime de soi, et si cela contribue en partie à favoriser la violence, les toxicomanies et l'abus des substances, qui favorisent ensuite la violence contre les femmes, il me semble qu'il convient dans ce cas-là de revenir au point de départ. C'est-à-dire que nous devons nous demander ce qu'il faut leur fournir pour qu'ils aient une bonne opinion d'eux-mêmes et qu'ils se sentent suffisamment autonomes pour estimer qu'ils apportent une contribution utile.
    L'un des témoins que nous avons reçus hier nous a dit que l'un des problèmes que rencontrent les Autochtones concerne le fait que, dans la réserve, on leur donne des certificats qui leur permettent de travailler dans la réserve, alors que ces certificats ne sont pas considérés comme des accréditations professionnelles ou officielles en dehors de la réserve. Donc, quelqu'un peut être travailleur social dans la réserve, mais ne peut pas présenter cette même accréditation dans une zone urbaine pour être à même d'intervenir auprès d'une communauté autochtone urbaine.
    En dehors de la réserve, on leur dit: « Désolé, mais votre certificat ne vaut rien ici ». Il n'y a donc aucune continuité. Celui qui quitte la réserve n'est pas en mesure de bien gagner sa vie dans un centre urbain.
    M. Duchesneau disait tout à l'heure que, avec une population de 3 000 Autochtones dans votre collectivité, plus de la moitié d'entre eux vivent en milieu urbain. Donc, si on ne peut pas profiter du service et des diplômes de ces personnes, en leur garantissant qu'elles pourront s'installer en ville pour intervenir auprès des membres de leur collectivité, il est évident que les outils qu'on leur aura fournis ne sont pas bien utiles.
    Madame Desnoyers, comme vous l'avez dit tout à l'heure, ces outils sont inutiles étant donné qu'ils ne sont pas transférables.
    Comment peut-on donc aider les Autochtones à obtenir l'accréditation et la reconnaissance qu'il leur faut pour obtenir un emploi ou transformer ces connaissances en une ressource qui va leur permettre de nourrir leur famille? Ce faisant, nous pourrions atténuer le problème de la consommation abusive d'alcool et d'autres drogues et peut-être même réduire la violence familiale, un problème qu'il faut absolument enrayer.

[Français]

    Si vous le permettez, je vais demander à Mme Mélanie Denis-Damée d'intervenir la première parce qu'elle voulait déjà réagir à la première intervention de Mme Brown.
     Après, ce sera M. Savard et Mme Brassard.
    S'il vous plaît, madame Denis-Damée.
    Je parlerai plutôt de l'estime de soi. Vous avez parlé de l'estime de soi à deux reprises et ce n'est pas revenu dans la conversation.
    Lorsqu'on parle de violence, ce n'est pas facile de se rebâtir, que ce soit pour un homme ou pour une femme. Souvent, dans ces cas, il y a des craintes, des doutes. On doit faire confiance à la personne avec qui on est. Or ce n'est pas facile de faire confiance à nouveau à une autre personne, ni de se rebâtir, ni de se donner une nouvelle chance de repartir dans la vie.
    Si j'en viens à ma propre expérience, je peux dire que ça n'a pas été facile de me bâtir moi-même parce que j'ai eu de la difficulté à faire confiance à des personnes et pourtant j'avais des ressources. Ça fait longtemps que je vis en milieu urbain et ce n'est pas vraiment dans ma communauté que je suis allée chercher de l'aide pour me rebâtir.
    Il n'y a pas vraiment d'encouragement pour ceux qui vivent dans les communautés. La personne va se sentir seule, parce qu'elle a un gros manque d'estime de soi. Il n'y a pas d'encouragement, même pour les jeunes — je vais parler au nom des jeunes. Quand ils n'ont pas d'encouragement, ils ne vont pas au-delà des ressources.
    Souvent, dans les communautés, on dit aussi que ça prend toute une communauté pour élever un enfant. Je constate que, pour la plupart, les parents ne donnent pas d'encouragement parce qu'ils consomment de l'alcool ou souffrent de toxicomanie.
    Alors, l'enfant voit en grandissant que c'est normal pour lui de consommer. Il y a aussi la violence qui règne là; les enfants ne savent pas où aller, ils ne savent pas ce qu'est une vie normale. Aussi, il y a les enfants qui sont laissés à eux-mêmes. Ils deviennent adultes plus vite. Ils se prennent pour des adultes plus vite, comme ça a été mon cas. À 13 ans, j'étais adulte parce que souvent j'étais laissée à moi-même. Dans la maison, ça consommait et il y avait de la violence mêlée à ça. Les abus sexuels sont venus dans ce contexte. Souvent, on le voit encore dans la réalité aujourd'hui.
    Ce n'est pas facile de se rebâtir. Moi, c'est tous les jours que je travaille à ça. Je me dis aussi, aujourd'hui, que je ne suis assise ici pour rien. Si j'étais encore celle que j'étais dans le passé, je ne serais pas ici à parler aujourd'hui de ce qu'est la réalité autochtone.
    Je suis d'accord avec Anne lorsqu'elle dit que les hommes aussi doivent avoir plus de services. Je suis d'accord avec elle lorsqu'elle suggère de maintenir un soutien psychologique et mental pour les hommes, parce que ça vient de leur passé aussi. Souvent, ce n'est pas facile d'atteindre l'ego des hommes. Ils vont dire que tout va bien, qu'ils vont mieux aujourd'hui, mais on ne sait pas ce qu'il y a derrière tout ça. Moi, j'ai souvent vu cela dans certains cas. Je ne dirais pas qu'ils sont égoïstes, mais leur ego n'est pas facile à atteindre. Les faire parler de ce qu'ils ont vécu n'est pas non plus facile. Leur passé, qu'ils portent en eux, est lourd aussi. J'ai souvent vu, quand j'étais jeune, mes oncles battre leur père. Ils ont trempé là-dedans aussi. C'est devenu un cercle vicieux.
    Je suis d'accord avec Anne quand elle dit qu'il doit y avoir des ressources pour les hommes. En tout cas, ça fait partie de la réalité.

  (1110)  

    On parle des jeunes et des services de la protection de la jeunesse. C'est la même chose aujourd'hui. Que vont devenir ces jeunes si on les arrache tout le temps aux familles?
    Je suis en train d'entamer un cours en travail social. Être sous la garde des services de la protection de la jeunesse n'est pas une chose facile. Ça a été une bonne chose pour moi, mais ce n'est pas toujours facile. À un moment donné, les enfants qui sont placés en famille d'accueil non autochtone perdent leur culture. C'est ce qui s'est produit avec mes enfants. J'ai dû les y ramener.

  (1115)  

    Merci beaucoup, madame Denis-Damée.

[Traduction]

    M'accorderiez-vous quelques secondes, madame la présidente?
    Madame Denis-Damée, je voudrais vous remercier de nous avoir parlé si franchement de votre expérience. Je suis convaincue qu'il ne vous est pas facile d'être là et de vous ouvrir aux membres du comité. Donc, je tiens vraiment à vous remercier.
    Je vous félicite pour le travail que vous faites. Être en mesure de retourner dans votre collectivité munie d'un certificat qui est reconnu, et que vous pourrez utiliser n'importe où, sera très important pour votre capacité de faire le travail que vous faites à l'avenir, c'est-à-dire cerner les problèmes et contribuer à définir les solutions. Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Savard, vous avez la parole.
    Je vais tenter de répondre à l'ensemble de vos questions. J'ai pris des notes sur ce que vous avez dit. Il y a des réalités sur les communautés. Vous avez parlé d'éducation et de certification. Nous avons besoin de nos propres structures. Ça part de la base, ça part de notre propre développement économique. En effet, les communautés se vident. On perd des ressources et ainsi de suite. C'est comme ça parce que l'on parle d'un rêve. Nous avons tous des rêves. Notre rêve est de travailler dans notre communauté. C'était le rêve, et ce l'est encore: travailler pour les miens, travailler pour ma communauté, à l'intérieur de structures qui sont les nôtres. Sur le plan du développement économique, il faut participer à la vie active. C'est ce que veulent nos communautés et c'est ce que veulent les hommes.
    Souvent, on ne peut répondre aux besoins de base. Vous avez parlé d'estime de soi, qui est un besoin de base. Se loger, se nourrir, se vêtir et avoir un emploi sont des besoins de base. Par la suite, l'estime peut venir. Les logements sont surpeuplés, huit à dix personnes s'y entassent. Vous avez là un beau mélange de problèmes.
    Je vous ai parlé du rêve, et j'ai également parlé du mal de vivre. Je voudrais vous en parler. J'ai été intervenant dans ma communauté. Quel rêve, quelle chose peut-on donner à la personne qui vient nous voir? Il faut travailler sur la prise en main personnelle. Il faut travailler sur la personne, mais il faut aussi avoir des leviers pour que le rêve et les objectifs qu'une personne se fixe soient réalistes.
    Oui, l'éducation est importante, mais elle doit correspondre à nos propres structures et nos propres besoins, sur le plan du développement économique notamment. C'est pourquoi nous voulons avoir nos propres institutions et notre propre développement économique. Nous n'avons pas de leviers économiques. Malheureusement, la Loi sur les Indiens veut nous assimiler.
    Madame Brassard, vous pouvez réagir.
    Votre question est importante. Il faut avoir des éléments en plan quand il est question de tout le discours du développement des habiletés. Quand on parle du développement des habiletés, ce n'est pas compliqué: qu'est-ce qu'une habileté?
    C'est un défaut, c'est un manque chez une personne, comme le manque d'estime. Vous dites que tout part de l'estime de soi, mais je ne crois pas que ça parte de l'estime de soi. L'estime de soi est une conséquence, madame, des torts historiques subis par les peuples autochtones. Ce n'est qu'un résultat.
     Prenons le discours du développement des habiletés. Penchons-nous sur votre exemple, celui du certificat de travail. Vous nous dites qu'un des microproblèmes actuels est qu'un certificat de travail dans une communauté autochtone n'est pas transférable à l'extérieur. On ne peut donc pas aller travailler à l'extérieur de la communauté. Le problème est l'exemple lui-même. Tout d'abord, le développement des habiletés constitue une action individuelle. Depuis 1990, les commissions d'enquête nous disent que les actions individuelles ne donneront aucun résultat. Il faudra des actions collectives. Il faudra prendre le problème dans sa dimension globale, et non pas par petits morceaux. Je vais reprendre votre exemple en expliquant ce que cela risque de causer.
    Je suis Autochtone et j'ai un certificat de travail. Celui-ci est valide à l'intérieur des limites géographiques de ma communauté. Il faut aussi considérer ce qui va arriver si le certificat devient valide à l'extérieur de la communauté. À l'extérieur de la communauté, les Autochtones sont grandement victimes de racisme et de discrimination. Les Autochtones sont donc rarement intéressés à sortir de leur communauté. Allez voir dans des communautés du Nord, dans de grands centres urbains comme Val-d'Or. C'est la discrimination totale. Les Autochtones nous disent aussi qu'ils veulent travailler pour les leurs. D'ailleurs, le livre blanc de Trudeau a très bien démontré que les Autochtones ont toujours refusé, au cours de l'histoire, de vider les communautés.
    Qu'est-ce que permettre un certificat de travail — qui permettrait à un Autochtone de s'exiler de sa communauté — aura pour effet? Il en résultera un exil massif, une urbanisation massive et, au bout du compte, une assimilation des Autochtones en milieu urbain. Ce sera une perte culturelle. Dans un milieu urbain, ces gens ne seront pas en contact avec leur culture. C'est épouvantable, pour un homme autochtone, par exemple, de devoir quitter sa nation, toute sa famille élargie, quand on sait que leurs systèmes relationnels fonctionnent surtout en familles élargies. Permettre, par exemple, un certificat de travail à l'extérieur de l'enceinte de la communauté rompt aussi avec l'identité culturelle. Les Autochtones ne seront jamais intéressés par ce genre de mesure, jamais, et je les comprendrais.

  (1120)  

    Merci beaucoup, madame Brassard.
     Madame Hughes, vous avez la parole.
    J'aimerais parler du même sujet. Je suis d'accord avec vous, mais beaucoup d'Autochtones veulent avancer. Le fait est qu'ils n'ont pas les fonds pour cela. Le fait qu'ils vivent dans la pauvreté les empêche de faire des études postsecondaires. Le montant d'argent donné par le gouvernement n'est pas suffisant pour éduquer ces jeunes. Vous êtes notre avenir, vos enfants sont notre avenir.
    Le manque de financement pour les infrastructures joue un rôle important dans le fait que vos communautés vivent dans la pauvreté et que les Autochtones qui sont dans des milieux urbains vivent dans la pauvreté. Il y a un manque de financement de programmes. Par exemple, madame a parlé du financement des centres d'amitié. On a beau dire qu'on remet cet argent à Santé Canada, on ne donne pas plus d'argent. Ils vivent avec les mêmes fonds qu'il y a 10 ans. En milieu urbain, la population autochtone a augmenté. Ils ne peuvent pas éduquer et aider les gens comme il le faudrait. Par conséquent, ils sont très restrictifs.
    Concernant le manque de financement en éducation, vous avez parlé de la Fondation autochtone de guérison. Vous pourriez peut-être m'expliquer l'impact que cela a eu sur votre communauté en ce moment. Les programmes se donnent-il encore? Le gouvernement a dit que les fonds ont été versés au ministère de la Santé et que les programmes seraient distribués par celui-ci. Qu'est-ce que ça veut dire pour votre communauté?
    Je voudrais aussi dire un mot sur le Registre canadien des armes à feu, parce qu'on parle de la violence. Je fais partie des députés qui ont voté pour que le projet de loi avance en comité. Au sein de mon caucus, j'ai voté pour faire avancer le projet en comité. Je vais vous expliquer pourquoi. Dans mon comté, il y a 17 communautés autochtones. Comment le Registre canadien des armes à feu touche-t-il à vos communautés ou à vos droits en tant qu'Autochtones? Le Registre canadien des armes à feu a-t-il vraiment eu un impact positif sur vos communautés? Il ne faut pas oublier que quand le registre a été créé, il s'est passé plusieurs choses. Certains organismes qui travaillent avec les victimes m'ont dit que ce n'était pas vraiment le registre lui-même, mais plutôt le fait qu'il y a eu des changements sur la façon dont les fusils devaient être verrouillés et rangés, et le fait que les munitions soient séparées qui a vraiment fait évoluer la situation dans leur communauté. Pourriez-vous nous parler de l'impact de ces mesures et nous dire si vous êtes en faveur du registre?
    Madame la chef, vous avez mentionné le partage des ressources naturelles. Je peux vous dire qu'en Ontario, de même qu'avec M. Layton et le reste de notre caucus, on discute du fait que ces fonds devraient être partagés lorsqu'il s'agit de ressources naturelles. Vous n'auriez pas besoin de demander au gouvernement de vous donner les fonds nécessaires, parce que vous les auriez. Une communauté qui a des fonds nécessaires pourrait mettre sur pied ses propres programmes.
    Il ne faut pas oublier que, quand les Blancs sont venus ici, sur vos terres, vous avez dit que vous alliez partager. Au lieu de cela, on voit les gouvernements continuer à prendre et à prendre. Ils ont arrêté de donner ce qu'ils donnaient, alors qu'ils avaient dit que vous ne deviez pas vivre dans la pauvreté. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Je crois qu'il y a vraiment un impact sur la violence contre les femmes. On pourrait s'en débarrasser si on faisait des ajustements.

  (1125)  

     Il faut que je mentionne une histoire qu'a racontée Jack Layton hier. Il parlait d'une communauté à Attawapiskat, où 15 personnes demeurent dans la même maison. Quelqu'un a demandé à un membre de la famille où était son frère, car M. Layton voulait le rencontrer. La personne lui a répondu que son frère était allé se coucher parce que c'était son tour de le faire. Il y avait 15 personnes dans la maison qui devaient se coucher à tour de rôle afin d'avoir un lit. Je vous laisse sur ce.
    M. Savard a la parole et ce sera ensuite le tour de Mme Archambault.
    Je veux revenir sur ce que vous avez mentionné à propos du financement de la Fondation autochtone de guérison. Vous nous dites que le financement de certains services est remis à Santé Canada. Auparavant, le financement était accordé aux communautés. Le financement était là pour des projets structurants dans les communautés. Maintenant, c'est Santé Canada qui s'en occupe.
    Qu'est-ce qu'on a fait? On a donné de l'espoir aux communautés avec des projets prometteurs et, par la suite, on a transféré le financement à une gestion centrale parce qu'il y avait une perte de contrôle. On parle d'autonomie des communautés. Ça en faisait partie. Ça partait des besoins de base de la communauté sur le plan de la guérison. Revenons au sujet de la guérison, qui doit être communautaire.
    On a parlé du rôle des hommes. Leur rôle dans tout ça doit peut-être être remis dans le contexte de la famille. Quel est le rôle du père, de la mère et des enfants? On en a parlé tout à l'heure, et Mme Denis-Damée en a également parlé. On voit des enfants de sept ou huit ans qui sont devenus adultes. Ils le sont parce qu'on leur a appris que c'était comme ça qu'il fallait qu'ils soient. Toutefois, la vie n'est pas comme ça. Il faut parler du rôle du parent à la suite de l'expérience des pensionnats et ainsi de suite. Il faut remettre la famille au centre des communautés et il faut travailler sur le plan de la communication. Je crois que Mme Archambault en a parlé aussi. Il faut parler de la communication, du rôle de père et du rôle de mère.
    On constate dans plusieurs communautés que ce sont souvent les femmes qui travaillent. On a mentionné le rôle de pourvoyeur et on s'est demandé si les hommes voulaient être pourvoyeurs. Il faut peut-être songer aux différents autres rôles que l'homme peut tenir. La chasse, la pêche, l'accès au territoire sont moins présents qu'avant. Il faut donc trouver des solutions de rechange à tout ça. On revient beaucoup au même contexte. On peut peut-être redonner l'argent à Santé Canada, mais c'est comme le redonner à Dieu le Père. Santé Canada se présente dans nos communautés et nous dit ce qu'on doit faire avec des programmes fédéraux qui ne reflètent pas la réalité fondamentale de nos communautés.

  (1130)  

    Est-ce que les programmes ont disparu?
    En effet, certaines communautés qui touchaient du financement n'en reçoivent plus. Je vous donne l'exemple d'une communauté où il y avait quatre personnes-ressources grâce à ce financement. Ces ressources ont disparu le 1er avril 2010. Il s'agissait de ressources en santé mentale, en toxicomanie, en guérison traditionnelle et d'une infirmière. On a aboli ces postes.
    On a ouvert des plaies en parlant de guérison et de moyens de guérir les séquelles laissées par la vie dans les pensionnats. On ouvre des plaies, mais on ne les referme pas. Les conséquences sont graves. On parle d'espoir et de rêve. C'était un programme qui permettait d'améliorer cette situation, mais, du jour au lendemain, on a sabré ce programme qui n'en est plus un. Ce n'est plus rien.
    Pensez-vous que cela aura des répercussions sur la violence faite aux femmes?
    De manière générale, je crois que ce sera le cas puisqu'on a ouvert des plaies. Des gens sont passés devant des adjudicateurs pour se remémorer tout ce qu'ils avaient vécu sur le plan des abus sexuels et de la violence dans les pensionnats.
    Quel soutien offre-t-on à ces personnes dans les communautés? C'est une réalité. Parler de cela, c'est également en voir les conséquences.
    Je veux revenir sur ce dont on a parlé. Il a été question de transactions financières liées à l'occupation de territoires, de la construction d'une voie ferrée, des Blancs qui ont dédommagé les communautés. Il y a des cas où les gouvernements s'étaient engagés à verser un certain pourcentage pour l'utilisation de la réserve, alors qu'ils n'avaient pas eu l'autorisation d'y pratiquer des activités. Or le pourcentage versé à ce moment-là n'était pas celui promis. Donc, il y a eu beaucoup de malhonnêteté à certains moments, à certains niveaux, concernant l'utilisation des territoires.
    Je parle en connaissance de cause parce que je parle de la réserve de Whitworth. Un chemin de fer traverse cette réserve, de même qu'une piste cyclable. La route 185 traverse le territoire de la réserve de Whitworth. D'après la loi, ces infrastructures ne sont pas censées être sur ce territoire. En ce qui concerne la voie ferrée, à l'époque, de mémoire, je crois que 6 p. 100 devaient être versés à la communauté qui a reçu 4 p. 100. On a eu d'ailleurs une revendication particulière à ce sujet.
    Nous voilà à parler des revendications particulières, ça devient intéressant. Le problème, c'est que les gouvernements s'organisent pour qu'on se retrouve toujours devant la cour. Donc, ce sont les avocats qui empochent l'argent parce qu'on est toujours sur la défensive. On n'est pas capables « d'être sur l'offensive ». Donc, cela se retrouve toujours devant la cour. Si ça ne marche pas, on nous dit de nous adresser à la cour. On n'a pas toujours les moyens d'aller devant la cour, non plus. C'est important...
    Cet argent qui va dans les coffres des avocats, qui va dans des coffres autres que ceux des Premières nations, on est toujours obligés de s'en servir pour se défendre. D'ailleurs les causes devant la Cour suprême du Canada le prouvent. Ça demande de l'argent. Nous sommes obligés de nous défendre. Nous sommes poussés à investir de l'argent pour nous défendre.
    D'accord, le gouvernement investit 285 millions de dollars pour deux ans, mais cela fait longtemps qu'il aurait dû le faire. À présent, le mal est installé. On est aussi sur la défensive, en santé. C'est difficile.
    La Première nation Malécite de Viger et, en général, les Premières nations, se retrouvent présentement avec des séquelles. Il faut s'en sortir, sur tous les plans: social, de la santé, de l'éducation, des revendications. Nous sommes des peuples écrasés. Nous avons été victimes d'assimilation. Nous sommes revenus dans les réserves, 100 ans plus tard, et on nous a demandé ce qu'on venait faire là. Ce n'était pas notre place. D'après la loi, on n'avait pas le droit d'y être.
    Nous vivons beaucoup avec les séquelles. Perdre sa langue maternelle est une forme de violence aussi. Les femmes qui sont victimes de violence doivent se faire violence pour venir témoigner devant des bourreaux. La violence est présente partout au sein des Premières nations. C'est quelque chose! Nous vivons présentement avec les séquelles. L'argent investi dans les communautés des Premières nations ne suffit pas à répondre aux besoins, dans tous les dossiers.
    Il y a un grave problème de diabète dans les communautés. Des membres disent à leur chef qu'ils ne sont pas capables d'obtenir le transport par avion, qu'ils n'ont pas d'argent et qu'ils s'en viennent mourir chez eux. Il y a des communautés aussi, en 2010, qui n'ont pas d'eau et pas d'électricité.

  (1135)  

    Si on ne commence pas à investir sérieusement de l'argent pour les Premières nations, il va y avoir... Les séquelles sont déjà présentes. De là l'importance de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C'est quelque chose, c'est une clé. Ça fait longtemps et on va le faire encore.
    Votre intervention m'a permis de présenter la situation des Premières nations au Québec et au Labrador. Quand on participe à une rencontre de chefs, on voit les problèmes. On en est rendus à une question de vie ou de mort. Il y a des statistiques pour le prouver. Depuis des années, on recueille des statistiques et on essaie de dire au gouvernement que des membres de notre communauté meurent, que des gens ne sont pas bien, qu'on a besoin d'aide, qu'on nous donne la part des ressources naturelles qui nous revient.
    Nous sommes les gardiens de la terre. Notre mère-terre ne va pas bien, elle ne va pas bien du tout, parce que les ressources ont été prélevées en fou pour faire de l'argent. Les Premières nations sont les gardiennes de la terre. À un moment donné, il faut que nous soyons entendus en tant que gouvernements. Nous sommes des gouvernements. Nous étions des gouvernements quand vous êtes débarqués sur nos terres.
    Votre intervention m'a permis de passer mon message. Je vous en remercie.
    Merci beaucoup, madame Archambault.
    Madame Brassard.
    Je voudrais revenir sur un propos de Mme Brown à propos d'une des difficultés qui posent problème dans l'élaboration des programmes d'habileté. Je vais essayer de vous donner un exemple très concret.
    Il y a quelques années, on s'est alignés sur le développement. On a regardé les familles autochtones et on a dit que les parents autochtones avaient un déficit réel en matière d'habiletés parentales. On trouvait que c'était incroyable qu'on laisse des enfants sans surveillance, qu'ils soient tout sales, que 17 enfants habitent dans la même maison, que les filles soient enceintes à partir de 15 ans.
    Donc, le système de la protection de l'enfance s'est attaqué au développement des habiletés parentales chez les mères autochtones. Mais le problème lié à ces habiletés parentales, c'est qu'encore une fois le Blanc va définir quelles sont les bonnes habiletés et ce que c'est que d'être un bon parent.
    Je vous donne un exemple très concret. Récemment, lors d'un groupe de discussion avec une dizaine de femmes autochtones sur la question de la maternité, l'une de ces femmes m'a dit qu'elle avait toujours évolué dans sa communauté. Pour elle, aller chez le voisin pour demander du beurre, ce n'est pas un problème chez eux parce que tout le monde le fait: ils ne verrouillent pas leurs portes et se rendent service. C'est sous forme de solidarité communautaire.
    Elle disait que c'était la même chose avec le rapport à la terre. Elle disait que souvent, lorsqu'on va à des réunions chez les Autochtones, on peut voir que les enfants d'une telle sont dans le coin là-bas, les enfants de telle autre sont là-bas et que tous les enfants se promènent. Elle m'expliquait que le rapport au territoire était une valeur fondamentale chez les Autochtones. Les enfants sont très libres d'explorer.
    En contexte de protection de la jeunesse, laisser un enfant sans surveillance comme ça ou laisser son voisin prendre soin de son enfant, c'est de la négligence parentale. Ainsi, les autorités de protection de la jeunesse sont entrées dans sa vie. Elles ont dit à la femme autochtone que son système culturel était de la négligence parentale. Alors, elle est passée dans le système de protection de la jeunesse, et on lui a retiré ses enfants.
    Puis, la merveilleuse réaction sociale ou réponse sociale qu'on a trouvée au Québec, c'est notamment la modification de 2007 à la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle impose maintenant des délais. Car on s'est lancé dans la théorie de l'attachement aux enfants. Or, selon l'âge de votre enfant, vous avez un délai maximal pour justement travailler ou corriger vos mauvaises habiletés parentales. Si votre enfant a de 0 à 5 ans, vous avez seulement six mois. Si votre enfant a de 6 à 11 ans, vous avez 12 mois et si votre enfant a de 12 à 17 ans, vous avez 18 mois.
     Est-ce réaliste ces délais, quand on tient compte des sujets de conversation qu'on a ce matin ensemble? Est-ce réaliste d'exiger qu'une femme autochtone rétablisse ce que sont les bonnes compétences parentales en lui donnant 18, 12 ou 6 mois?
    Donc, si vous n'arrivez pas à redresser vos incapacités ou vos manques d'habiletés dans ces délais, votre enfant deviendra sujet à adoption jusqu'à l'âge de la majorité. Voilà ce qu'on a quand on travaille avec les compétences et à quel point c'est récupéré dans un système postcolonial et de domination étatique.
    À l'heure actuelle, on revit le 60's scoop — des années 1960. Plusieurs femmes autochtones se sont fait retirer leur enfant sous prétexte qu'elles étaient incapables de s'en occuper. Donc, on a une jeunesse autochtone surreprésentée au sein des institutions, des centres jeunesse, des centres d'accueil, des foyers de groupe. Les Autochtones sont surreprésentés dans les prisons et les pénitenciers. Les femmes sont en maison d'hébergement.

  (1140)  

    Monsieur Duchesneau.
    Je veux simplement apporter une précision.
    Madame Brown, vous avez parlé plus tôt des compétences des gens qui ont une certification. Les gens de notre communauté sont scolarisés et compétents dans l'exercice de leurs fonctions. Par contre, les salaires qu'on offre chez nous ne sont pas les mêmes qu'à l'extérieur. Malgré tout ça, les gens veulent travailler pour leur communauté, demeurer au sein des effectifs. Ce n'est pas nécessairement ce que vous avez compris quand vous disiez, concernant la certification, que les gens n'étaient pas reconnus à l'extérieur et voulaient sortir de leur communauté. Nous ne voulons pas en sortir. Nous voulons demeurer chez nous, mais être payés le même salaire que les gens de la communauté québécoise qui nous entourent.
    Par exemple, un intervenant social chez nous est payé 50 000 $ alors qu'il reçoit 69 000 $ dans le réseau. On fait le même travail, on a les mêmes compétences et la même certification. De plus, on a l'expérience de la communauté. Compte tenu des budgets qui sont octroyés aux communautés et répartis entre tous les services, les communautés ne peuvent pas offrir plus que ça si elles veulent être en mesure d'offrir l'ensemble des services à leur population et assurer la qualité de ceux-ci. C'est ce que je voulais clarifier. Ce n'est pas une question de certification. C'est peut-être le cas dans certaines communautés, mais pour nous, l'objectif n'est pas d'aller travailler ailleurs. Nous voulons gagner le même salaire qu'ailleurs et continuer à travailler dans notre communauté.

  (1145)  

    Madame Brown, je vais vous permettre de poser une très brève question. Nous allons devoir clore la discussion bientôt, et j'aimerais aussi poser une question.
    Madame la présidente, j'ai apprécié les interventions, mais je veux mentionner que bien des réponses s'adressent à Mme Brown.
    Il y a une question en particulier qui va intéresser les témoins, je crois. Elle suscite beaucoup de contreverse à la Chambre, présentement. Il s'agit du Registre canadien des armes à feu.
     Permettriez-vous aux témoins de répondre à la question que j'ai posée à ce sujet?
    J'aimerais savoir s'ils sont d'accord pour que le Registre canadien des armes à feu soit maintenu. J'aimerais aussi entendre leurs commentaires sur le registre.
    En ce qui concerne le registre, il serait un peu bête de dire que le fait de contrôler l'accès aux armes à feu et les munitions... Je pense que vous obtiendriez une meilleure réponse en vous adressant aux services de police. Ils ont des données brutes sur les cas de violence ou d'utilisation d'armes à feu.
    Toutefois, je peux vous dire une chose, madame. Même si on retirait toutes les armes à feu, ça ne mettrait pas fin à la violence. D'autres moyens seraient utilisés. Pour moi, c'est un faux problème. Il est vrai que des femmes sont assassinées par arme à feu et que les possibilités de l'être sont plus élevées chez les Autochtones, étant donné qu'ils utilisent constamment des armes pour la chasse.
     Par contre, pensez-vous que l'absence d'armes à feu mettrait fin à la violence envers les femmes autochtones? Malheureusement, je ne le crois pas.
    Monsieur Savard, vous avez la parole.
    En effet, si ce n'est pas une arme à feu, ce sera autre chose. Pour ce qui est des suicides dans les communautés, ils ne se commettent pas à l'aide d'armes à feu. Dans tous les cas, il s'agit de pendaison. Ce qui sert à la pendaison n'est pas une corde qui a été achetée: c'est tout ce qui peut servir à...
    Excusez-moi, madame Archambault. Je vais laisser la parole à Mme Brown.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Duchesneau, si vous permettez, je voudrais revenir sur votre propos de tout à l'heure.
    Ma question découlait de l'observation de Mme Desnoyers concernant les compétences qui sont acquises en milieu carcéral. Un homme autochtone incarcéré fait l'objet d'évaluations. Rappelez-vous que, avant de me lancer en politique, mon travail consistait à faire des évaluations de travailleurs blessés en vue de définir les tâches qui leur permettraient d'apporter la plus grande contribution à leur milieu de travail. Par conséquent, nous faisions des évaluations pour leur permettre d'obtenir un emploi qui leur fournirait un revenu raisonnable, leur permettant de nourrir leur famille, de même qu'un sentiment de satisfaction et la possibilité d'acquérir des compétences dans d'autres domaines également. Nous effectuions régulièrement de telles évaluations.
    J'espère simplement que les compétences qu'acquièrent ceux qui se trouvent en milieu carcéral vont les aider — pas uniquement les Autochtones, d'ailleurs — à trouver un emploi par la suite lorsqu'ils réintègrent leur collectivité, et que grâce à ces nouvelles capacités, ils pourront apporter une contribution à leur collectivité. Ce n'est pas tout le monde qui veut se spécialiser dans le travail social, si bien que d'autres compétences sont également acquises.
    Je suppose que je cherche à savoir quelles compétences sont les plus utiles. Il convient justement de s'assurer que les Autochtones puissent les acquérir, afin qu'ils puissent réussir leur vie en quittant le milieu carcéral. Ma question portait vraiment là-dessus.

  (1150)  

[Français]

    On parle de compétences, et je me dis que les gens ayant fréquenté le milieu carcéral sont étiquetés. Quand ils reviennent dans la communauté, les employeurs font des recherches pour évaluer leur crédibilité, vérifier s'ils ont commis des vols, par exemple. Des enquêtes sont menées de façon à ce que les employeurs connaissent les délits commis par un candidat. Un candidat qui a en effet commis des vols est alors persuadé que l'employeur ne l'engagera pas.
    C'est pourquoi les gens qui ont fait de la prison considèrent bien souvent que leur seul recours est de continuer à faire ce qu'ils faisaient avant plutôt que d'essayer de développer des compétences. Ils portent malgré tout une étiquette et la traînent bien souvent avec eux toute leur vie. On en rescape peut-être quelques-uns. Je ne parle pas seulement des communautés autochtones, mais de l'ensemble des gens qui vivent dans ce milieu. Certains s'en sortent, mais la plupart d'entre eux continuent à subir ces conséquences.
    Avant de placer ces gens dans de tels milieux, on devrait travailler avec eux, essayer de trouver les compétences qu'ils pourraient exercer et la façon dont ils pourraient retrouver leur dignité, voir comment il serait possible de respecter ce qu'ils sont pour les aider à mieux vivre dans la société d'aujourd'hui. Si on travaille sur le terrain, dans le milieu, avec les gens au coeur des communautés, autant au Québec qu'au Canada et ailleurs dans le monde, on va y arriver.
     Dans le cadre des services à l'enfance et à la famille, les enfants sont placés dans des familles d'accueil, mais on ne travaille ni avec les enfants ni avec la famille. Les enfants reviennent dans leur famille, mais aucun travail n'a été fait. Qu'arrive-t-il alors? Le cycle recommence. Présentement, on essaie de faire l'inverse. Les communautés autochtones ont demandé au gouvernement de tenir compte de leur vision, de façon à ce qu'il soit possible de travailler au coeur des communautés et des familles, de travailler directement avec les parents afin de les aider à assumer leurs responsabilités envers les enfants. L'objectif est d'éviter que les enfants soient placés et qu'en vertu de la nouvelle réglementation, ils soient encore une fois retirés de leur communauté et adoptés par d'autres sociétés.
    Il y a donc beaucoup de travail à faire concernant la responsabilité et la dignité des personnes. Bien souvent, on oublie cet aspect. Il est plus facile de déplacer les personnes, de les camper dans des lieux spécifiques, que de travailler avec eux. Il est plus facile de placer les gens dans des institutions que de travailler directement au coeur des communautés pour venir en aide à ces personnes.
    Madame Brassard.
    Je vais revenir sur le développement des compétences et les établissements carcéraux. Au Québec, à tout le moins, il n'y a pas de programme. On ne travaille pas au développement d'habiletés en prison. On n'a pas d'argent. Donc, les personnes incarcérées purgent leur peine, et il n'y a rien d'autre. C'est un parking pour êtres humains.
    Au fédéral, si vous êtes autochtone, on sait déjà très bien d'où vous venez, de quelle communauté. On ne vous offre pas de programme parce qu'on considère que le risque est trop élevé. La prison ou le pénitencier, qui devraient permettre le développement de certaines habilités, est discriminatoire à l'égard des Autochtones parce que ces derniers ont trop de besoins et qu'ils représentent un risque de récidive trop élevé. Il est bien évident qu'au Canada des programmes correctionnels sont offerts aux toxicomanes. Il s'agit ici du rapport à la substance. Il y a des programmes de gestion de la colère et de gestion des abus sexuels, qui visent à contrôler les déviances sexuelles chez les Autochtones.
    Toutefois, même si on travaille au développement de ces habiletés avec un individu, celui-ci retourne ensuite dans une communauté où le taux de chômage est de 90 p. 100 et de 80 p. 100 en ce qui concerne la violence sexuelle et autres abus de toutes sortes. Comment voulez-vous qu'un passage au sein de l'institution carcérale ait force de loi, dans un contexte de vie comme celui-là?

  (1155)  

    Malheureusement, madame Brassard, je vais maintenant poser la dernière question.
    Cependant, j'aimerais d'abord remercier les témoins.
     Madame Denis-Damée, vous vous inquiétiez de la contribution que vous pouviez apporter, mais vous nous avez offert le plus beau témoignage. C'était le témoignage d'une personne qui nous a fait voir la réalité de sa communauté. Je vous remercie énormément d'avoir eu le courage de le faire.
    Je remercie aussi grandement les autres témoins de nous avoir fait part de tout ce qui était nécessaire. Vous avez spécialement insisté sur la nécessité de travailler en collaboration et de mettre de côté l'approche paternaliste, que nous appliquons depuis trop longtemps.
    J'aimerais vous poser une question qui porte un peu sur mon dada. J'ai maintenant beaucoup de respect pour les communautés autochtones, mais je n'en avais pas beaucoup avant de les connaître. Je faisais partie de celles dont l'opinion était que ces communautés ne payaient pas de taxes, qu'elles ne faisaient que vendre des cigarettes. Avant de connaître Mme Gabriel, je ne savais pas grand-chose sur les communautés autochtones. Heureusement pour moi, j'ai appris à les connaître. Je me demandais si une éducation culturelle et historique destinée aux communautés allochtones serait souhaitable. Ça pourrait nous permettre de sortir de ce carcan qui existe depuis des centaines d'années.
    Madame Archambault, je voudrais savoir si vous connaissez la Première nation Akaitcho, dans le Grand Nord. Celle-ci a négocié avec le gouvernement du Canada une entente particulière portant sur les mines de diamant. Nous avons adopté une motion au Parlement à ce sujet il y a quelques années. Je me demandais si le résultat avait été positif.
    Nous, de la Première nation Malécite de Viger, tentons présentement d'en arriver à une entente sur un traité moderne. Nous nous sommes appuyés sur le traité de 1760 et l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans la cause de Donald Marshall, Jr. Je me dis qu'il faut laisser aux futures générations la chance de s'en sortir et de se créer un avenir. Pour notre part, nous sommes dedans jusqu'aux dents, comme on dit.
    Je tenais aussi à vous remercier d'avoir parlé avec franchise de l'opinion que vous aviez de nous auparavant. Pour nous, c'est une de plus de gagnée. Par contre, il faut dire que cette opinion prévaut encore aujourd'hui.
    À l'université, j'enseigne à 400 étudiants par année. Or le premier exercice que je leur fais faire consiste à nommer des nations autochtones du Québec. Malheureusement, seulement environ 10 p. 100 des étudiants arrivent à en nommer. J'invite donc des Autochtones. Nous partons de la base, de la sensibilisation.
     M. Pomerleau nous demandait plus tôt comment il se faisait que ces gens-là demeuraient invisibles. C'est parce qu'à l'égard de la réalité de ces peuples, un important travail reste à faire auprès des Québécois et des Canadiens sur le plan de l'éducation et de la conscientisation. Il n'est pas nécessaire d'aller visiter des favelas ou autres endroits du genre à l'étranger: nous avons nos propres favelas.
    Madame Denis-Damée, vous avez la parole.
    Je voulais seulement vous remercier de m'avoir écoutée. Pour moi, c'était un cadeau de pouvoir partager ce que j'avais à dire aujourd'hui.
    J'ajouterais que, de plus en plus, des organismes comme la Sûreté du Québec font appel à des anthropologues pour raconter l'histoire culturelle des Premières nations. M. Serge Bouchard, notamment, fait beaucoup de conférences pour des policiers, au sujet de ce qu'ont vécu les Premières nations et au sujet des mythes des Premières nations. C'est une belle ressource. On voit qu'il y a une amélioration en ce sens. Je sais que les Allochtones sont très heureux d'entendre cela, parce que leur attitude va changer. Il faut se défaire de ces préjugés.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Monsieur Duchesneau, vous avez la parole.
    Pour terminer, je vous remercie de nous avoir permis de nous exprimer sur le sujet. Bien souvent, les cigarettes et l'alcool sont des sujets qui servent à des Allochtones. Une infime partie des Autochtones sont présents, et leur présence cache un autre système qui se trouve en dessous. Il faut faire attention quand on accuse les Autochtones.

  (1200)  

    Je vous remercie beaucoup.
    J'ai besoin d'une proposition pour clore la session. Merci.
    La séance est levée.
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