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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 013 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 avril 2010

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    Bonjour et bienvenue à cette 13e réunion du Comité permanent des langues officielles.

[Français]

    Monsieur le président, je voudrais d'abord faire un rappel au Règlement.
    Monsieur Weston, vous voulez faire un rappel au Règlement.
    En raison d'une certaine victoire d'une certaine équipe de hockey, hier soir, je pense que

[Traduction]

    Nous aurions tort de ne pas le souligner.

[Français]

    Alors, je vais utiliser mon privilège de président pour dire que j'accepte votre rappel au Règlement et que je l'appuie.

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous procédons à une étude de l'immigration comme outil de développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

    Ce matin, nous en sommes à notre deuxième rencontre sur le sujet de cette étude sur...
    Monsieur le président, excusez-moi, mais on n'a pas d'audio de ce côté-ci.
    Pourriez-vous faire des tests?

[Traduction]

    Madame O'Neill, est-ce que ça va?
    Très bien.

[Français]

    Je disais donc que, dans le cadre de notre deuxième rencontre sur l'immigration comme outil de développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, nous avons ce matin trois spécialistes de la question. Le premier est avec nous. On va donc pouvoir casser la glace sans plus tarder. Il est professeur auxiliaire au Département de mathématiques et de la statistique de l'Université d'Ottawa. Nous avons le plaisir de recevoir M. Charles Castonguay.
    Bonjour, monsieur Castonguay. Bienvenue. Je vous invite à y aller de votre déclaration d'ouverture.
    Si ma mémoire est bonne, c'est l'ex-commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, parmi les premiers, qui a eu l'idée de...
    Je vais lire un texte en langue anglaise parce que je sais que, si j'improvise, je vais dépasser les 10 minutes qui me sont allouées.

[Traduction]

    Elle a eu l'idée d'attirer des immigrants francophones pour protéger les minorités francophones à l'extérieur du Québec. Si l'on examine les études sur lesquelles repose la politique de Mme Adam, on constate qu'elles soulèvent des doutes quant au bien-fondé de cette politique.

[Français]

    Le texte que je suis en train de résumer pour vous est paru dans la revue INROADS en 2008. J'ai des copies si cela vous intéresse. Une version plus hâtive est parue dans la revue Francophonies d'Amérique, en 2008 également, en langue française. Je vais m'exécuter en anglais, mais, bien sûr, à la période de questions anything goes.

[Traduction]

    L'une des études qui suscitent l'enthousiasme de Mme Adam a été préparée par Jack Jedwab, que nous entendrons un peu plus tard, je crois. Elle révèle que le pourcentage d'immigrants francophones qui adoptent l'anglais comme langue d'usage à la maison atteint 50 p. 100; donc, après seulement 10 ans dans une autre province que le Québec, les immigrants en provenance de l'étranger dont la langue maternelle est le français...

  (0905)  

    Jedwab a également révélé que la proportion des immigrants francophones qui résident au Québec demeure inférieure au poids des francophones québécois dans la population francophone totale du Canada. Or, si les immigrants francophones vivant à l'extérieur du Québec s'anglicisent rapidement et qu'en même temps, la population francophone du Québec ne reçoit pas sa juste part d'immigrants francophones qui s'établissent au Canada, il ne semble pas très approprié d'adopter une politique qui encourage encore plus de francophones à s'établir à l'extérieur du Québec.
    Au cours de ma recherche, j'ai remarqué que Jedwab a utilisé les données du recensement de 1996. J'ai eu accès aux données de 2001 pour mon texte en français, et aux données de 2006 pour mon texte le plus récent en anglais. Tout d'abord, j'ai constaté que des 48 000 francophones qui ont immigré au Canada entre 2001 et 2006, 80 p. 100 ont été recensés au Québec en 2006, et 20 p. 100 dans le reste du Canada.
    Étant donné que les francophones du Québec représentent actuellement 86 p. 100 de la population francophone totale du Canada, si l'on regarde la proportion de francophones qui ont récemment immigré au Canada et qui se sont établis au Québec, il est vrai que le Québec semble perdant. Autrement dit, le reste du Canada fait déjà mieux que le Québec sur le plan de l'immigration francophone. Cela corrobore ce que Jedwab a observé en s'appuyant sur les données de 1996.
    J'ai aussi constaté que dans une province donnée à l'extérieur du Québec, le pouvoir d'assimilation de l'anglais est approximativement le même pour les francophones de l'étranger que pour ceux qui sont nés au Canada. Excepté au Nouveau-Brunswick, les taux d'anglicisation des immigrants francophones sont, en général, supérieurs à 50 p. 100. Cela signifie que dès la première génération, les francophones issus de l'immigration viennent grossir davantage les rangs de la population anglophone du reste du Canada que de la population francophone. Cela confirme l'autre conclusion de Jedwab.
    J'ai examiné ce deuxième point plus en détail en me penchant sur la situation qui existe dans plusieurs grandes régions métropolitaines de recensement. J'ai découvert qu'à l'âge de 45 ans, les francophones issus de l'immigration adoptent davantage la langue anglaise que la langue française dans toutes les régions métropolitaines de recensement à l'extérieur de la « bilingual belt », c'est-à-dire la zone de bilinguisme entourant le Québec. Cette zone s'étend essentiellement de Moncton à Sault Ste. Marie et comprend la partie acadienne du Nouveau-Brunswick ainsi que l'est et le nord de l'Ontario. C'est un concept dont nous avons pris connaissance à l'époque de la commission Laurendeau-Dunton. Il s'agit des régions voisines du Québec, dans lesquelles il y a un pourcentage élevé de francophones.
    Dans toutes les RMR situées à l'extérieur de la zone de bilinguisme, je le répète, à l'âge de 45 ans, plus de la moitié des francophones adoptent l'anglais. À cet égard, les trois RMR qui font exception à cette règle sont situées à l'intérieur de la zone de bilinguisme; il s'agit de Moncton, Ottawa et Sudbury, qui sont les seuls grands centres urbains à l'extérieur du Québec où les nouveaux arrivants francophones s'établissent à long terme.
    Si l'apport de l'immigration aux populations francophones à l'extérieur du Québec doit être optimisé, la zone de bilinguisme constitue de toute évidence la destination à favoriser.

  (0910)  

    Comme les allophones, les francophones qui immigrent à l'extérieur de la zone sont évidemment plus enclins à améliorer leur sort en s'anglicisant qu'à consolider la situation démographique vulnérable des minorités francophones anémiques.
    Peu après le recensement de 2006, Statistique Canada a effectué un sondage sur la vitalité linguistique de la communauté francophone à l'extérieur du Québec. On a constaté qu'une identité francophone distincte demeure bien ancrée uniquement dans les régions du reste du Canada qui font partie de la zone de bilinguisme. Leurs populations francophones sont les seules à offrir des ressources suffisamment solides auxquelles l'immigration francophone peut se greffer de façon durable.
    En fait, la situation était claire dès le départ. À l'époque de la commission Laurendeau-Dunton, lorsque la réalité de la zone de bilinguisme a été reconnue pour la première fois, il est simplement devenu clair, avec le temps et les informations accumulées à l'extérieur du Québec, que ce n'est qu'à l'intérieur de cette zone — dans les régions du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario — que le niveau de maintien du français comme principale langue d'usage à la maison demeure raisonnablement élevé, que les francophones conservent une identité suffisamment distincte, et que parler français au travail présente encore suffisamment d'avantages.
    L'impératif d'unité nationale a certainement obscurci la perception de cette réalité. Le fait de chercher à sauver la face devant l'opinion publique au Québec a mené notamment au concept étourdissant de l'assimilation durable. Il s'agit du concept élaboré à Patrimoine canadien. Il semble que même un taux d'assimilation de 90 p. 100 puisse être maintenu si un flot suffisamment important de francophones ou d'immigrants francophones alimente de façon continue le melting-pot linguistique. Ce qu'il y a de problématique dans cette situation, c'est que cela n'améliore en rien la viabilité à long terme du français dans l'ensemble du Canada. L'apport de l'immigration aux populations francophones à l'extérieur de la zone de bilinguisme est éphémère.
    Les besoins du Québec ne devraient pas non plus être ignorés. Comme nous l'avons vu, le Québec ne reçoit pas sa juste part d'immigrants francophones, et les francophones du Québec viennent d'être ébranlés par une baisse marquée de leur proportion au sein de la population montréalaise et de toute la province de Québec. En fait, l'immigration anglophone au Québec a fait en sorte que la proportion d'anglophones dans la population du Québec est demeurée stable entre 2001 et 2006. Malgré les efforts constants du Québec pour attirer davantage d'immigrants francophones, l'apport récent de l'immigration internationale à la minorité anglophone de la province représentait, toutes proportions gardées, plus du double de son apport à la majorité francophone.
    De plus, la francisation des immigrants anglophones au Québec est inexistante, de sorte qu'ils viennent automatiquement intégrer la population anglophone de la province. En fait, le taux de croissance de la population anglophone du Québec entre 2001 et 2006 était supérieur à Montréal et dans toute la province à celui de la population francophone. Cette nouvelle situation est une première dans l'histoire du recensement au Canada; nous n'avons jamais vu cela auparavant. Le poids relatif de la population de langue maternelle anglaise — ce sont les statistiques pour lesquelles nous avons les plus anciennes données historiques — n'a cessé de diminuer depuis la Confédération. Étant donné cette nouvelle situation, on peut penser que l'on pourrait en faire davantage afin de favoriser l'unité canadienne et de dissiper les craintes des francophones de devenir minoritaires dans la seule province où ils sont majoritaires. Davantage pourrait être fait pour favoriser l'unité canadienne en encourageant l'immigration francophone au Québec plutôt que dans les régions principalement anglophones à l'extérieur de la zone de bilinguisme.
    L'objectif primordial de toute politique sur l'immigration francophone devrait être d'assurer la viabilité de la population francophone dans l'ensemble du Canada. Puisque les immigrants francophones sont assez peu nombreux, ils devraient être dirigés vers les populations francophones qui ont la plus grande vitalité linguistique, c'est-à-dire vers le Québec et les régions qui font partie de la zone de bilinguisme au Nouveau-Brunswick et en Ontario.

  (0915)  

    L'utilisation superficielle de l'immigration francophone pour maintenir l'illusion de minorités francophones viables, d'un océan à l'autre, revient à gaspiller une ressource précieuse. Il est grand temps que la politique linguistique canadienne soit confrontée à la réalité.

[Français]

    Monsieur Castonguay, vous avez mis la table pour une bonne discussion au comité. Comme nos deux autres témoins n'ont pas encore commencé, on va tout de suite vous — j'oserais presque utiliser cette expression — « cuisiner », en commençant par M. Bélanger.
    Merci, monsieur le président. Savez-vous ce qui se passe avec nos deux autres témoins?
    Monsieur Bélanger, notre greffière va vous répondre à ce propos.
    Les deux autres témoins m'ont avertie qu'ils seraient en retard ce matin, soit parce qu'ils prenaient le train ou qu'ils arrivaient en voiture.
    Y a-t-il une tempête de neige ou quoi? Ah, ah!
    Monsieur Castonguay, vous êtes fidèle à vous-même...
    Je vous demande pardon, monsieur Bélanger, on m'informe qu'un autre témoin vient tout juste d'arriver. On va lui laisser le temps de s'installer.
    Je veux bien. C'est comme vous voulez. Vous voulez qu'on arrête, n'est-ce pas?
    Non, non, allez-y.
    Madame Lamarre, installez-vous. On va commencer par vous.
    Je pense qu'il aurait été utile que Mme Lamarre et M. Jedwab entendent M. Castonguay. Car cela aurait peut-être suscité un débat parmi nos témoins, mais ce ne sera pas le cas.
    Que voulez-vous qu'on fasse?
    Je pense qu'on va y aller avec nos témoins. Ils auront la chance d'entendre votre question, par exemple.
    On va continuer avec les allocutions d'ouverture, monsieur Bélanger.
    C'est bien.
    On va souhaiter la bienvenue à nos deux nouveaux témoins qui arrivent à brûle-pourpoint. On a commencé notre réunion. M. Castonguay a fait son allocution d'ouverture, et si l'un d'entre vous est prêt à commencer, je vous inviterais à le faire.
    Je vois que Mme Lamarre...
    Oui, l'apport de M. Castonguay.
    L'a b c du fonctionnement.
    Oui. En fait, chaque témoin fait une allocution d'ouverture de 10 minutes et, ensuite, il y a une période de questions.
    On a déjà eu l'allocution de M. Castonguay qui nous a présenté son point de vue. Il nous resterait à entendre vos deux points de vue. Après, on va commencer les discussions.

[Traduction]

    Est-ce que vous le faites, Jack? Voulez-vous commencer?

[Français]

    Je ne savais pas que je devais faire une allocution de 10 minutes, mais ça ne fait rien. Je peux m'exécuter et faire comme si j'avais une conversation...
    Juste un instant, s'il vous plaît.
    M. Weston désire faire un rappel au Règlement.
    En raison de leur arrivée malheureusement un peu tardive, je crois qu'il vaudrait la peine de poser des questions. Ainsi, Mme Lamarre et M. Jedwab pourront peut-être mieux comprendre ce que vient de dire M. Castonguay.
    Non, ça ne fonctionne pas ainsi.
    Ça va?
    On va continuer dans l'ordre normal des choses, monsieur Weston. Maintenant que nos témoins sont présents, on va les entendre.
     Y a-t-il d'autres rappels au Règlement?
    Oui, monsieur le président.
    Pourrait-on inviter M. Castonguay à reprendre sommairement son témoignage à l'intention de nos deux nouveaux invités?
    Merci, j'apprécierais cela.

  (0920)  

    Oui, je suis favorable à cette idée, si M. Castonguay veut bien le faire.
    Monsieur Julian, votre intervention se voulait dans le même sens?
    Oui, je voulais faire exactement la même suggestion.
    Parfait!
    Monsieur Castonguay, pouvez-vous nous faire un sommaire de votre présentation? Même pour nous, ce sera intéressant.
    D'accord. J'ai confirmé et précisé les observations présentées par M. Jedwab à partir des données du recensement de 1996, au sujet de la politique d'encouragement de l'immigration francophone vers des destinations à l'extérieur du Québec, non seulement Ottawa mais aussi Toronto, Sudbury, Calgary, Vancouver, Edmonton, Halifax. L'étude de M. Jedwab n'appuyait pas nécessairement cette politique. Si ma mémoire est bonne, elle a fait ressortir qu'après 10 ans de séjour au Canada, plus de la moitié des immigrants francophones internationaux de langue maternelle française avaient déjà adopté l'anglais comme langue d'usage à la maison. Par conséquent, cette politique appuyait plutôt la démographie défaillante — elle n'est pas défaillante du tout — de la majorité canadienne anglaise à l'extérieur du Québec.
    M. Jedwab a aussi présenté des statistiques qui nous permettaient de voir que, dans le fond, le Canada, à l'extérieur du Québec, accueillait déjà en surnombre les immigrants francophones par rapport au Québec. J'ai confirmé cela grâce aux données des recensements de 2001 et de 2006 dans deux textes dont j'ai des copies pour tout le monde. Le plus récent est en anglais, il utilise les données de 2006 et confirme, avec une nuance... À l'extérieur du Québec, il y a différentes réalités linguistiques. Il y a celle de ce qu'on appelle la bilingual belt, donc la partie acadienne du Nouveau-Brunswick, la partie franco-ontarienne de l'Ontario, soit l'Est et le Nord-Est de l'Ontario, et des régions métropolitaines clés comme Moncton, au Nouveau-Brunswick et, en Ontario, Ottawa et Sudbury. Les immigrants internationaux, en passant, élisent domicile d'habitude dans les grands centres urbains. C'est là où il y a de l'emploi, etc. C'est pour cela que j'ai porté une attention particulière aux régions métropolitaines. J'ai constaté que dans ces trois centres urbains, les francophones ne perdaient pas leur langue maternelle, la conservaient comme langue d'usage à la maison en majorité, alors qu'à l'extérieur — j'appuie ici les conclusions de M. Jedwab —, dès la première génération, à l'âge de 45 ans, plus de la moitié des francophones qui élisaient domicile à Halifax, à Vancouver, à Calgary ou à Toronto adoptaient l'anglais comme langue d'usage à la maison...
    Parfait. Merci...
    Je pense que ça peut aller.
    Je mettais en question la sagesse même d'une politique qui se servirait d'une ressource rare.

[Traduction]

    L'immigration francophone est une ressource précieuse; il n'y a pas beaucoup d'immigrants francophones dans le monde pour venir améliorer la situation démographique fragile des minorités francophones, qui sont beaucoup trop éloignées de ce que l'on pourrait appeler le Canada français, soit le Québec, la partie acadienne du Nouveau-Brunswick et la partie franco-ontarienne de l'Ontario. Elles sont trop éloignées pour que cela ait un effet à long terme sur les nouveaux immigrants francophones. C'est éphémère.
    Je remets simplement en question l'ensemble de la politique, en m'appuyant sur les faits.

[Français]

    Monsieur Jedwab, je crois que vous êtes prêt à apporter votre contribution.
     Désirez-vous que j'utilise les 10 minutes qui me sont allouées?
    Absolument.
    Je m'attendais à parler un peu plus globalement de l'immigration à l'extérieur du Québec issue de la francophonie, ainsi que de celle à l'intérieur du Québec issue de la communauté anglophone. C'est à cela que je m'attendais lorsque vous m'avez invité.
    Permettez-moi de faire une parenthèse. J'ai écrit une étude pour le Commissariat aux langues officielles, qui portait sur les anglophones... Est-ce que vous m'entendez bien? Ai-je besoin d'un micro? Normalement, je parle assez fort.

  (0925)  

    Pour les besoins de la traduction, quand même, il serait bon que vous vous serviez du micro.
    Vous m'entendez mieux, maintenant? Parfait.
    J'ai eu l'occasion aussi, à l'invitation de Dyane Adam, qui était commissaire aux langues officielles à l'époque, d'écrire cette étude sur l'immigration et la vitalité des minorités linguistiques, à laquelle M. Castonguay a fait référence. J'aimerais mentionner que, dans le cadre de cette étude qu'on m'a demandé de faire, j'ai aussi eu l'occasion de rencontrer de nombreux leaders des communautés francophones hors Québec, ainsi que le leadership des communautés anglophones du Québec.
    Il faut aussi reconnaître qu'à l'époque, il y avait une démarche asymétrique, parmi les preneurs de décisions à Citoyenneté et Immigration Canada vis-à-vis de la situation au Québec et à l'extérieur du Québec. Je vous explique ce que j'entends par « asymétrique ». Dans le cas du Québec, on m'a dit assez clairement durant les discussions qu'il y avait un accord McDougall-Gagnon-Tremblay, un accord sur les ressources pour l'intégration des immigrants, et une autre entente signée en 1978 touchant au processus de sélection de l'immigration, qui a été transféré au Québec, sauf dans le cas des immigrants humanitaires, c'est-à-dire des réfugiés.
    Alors, on m'a demandé de rester fidèle et respectueux face à cet accord. C'est un conseil que j'aimerais réaffirmer aujourd'hui, qui m'a semblé très sage, de respecter la compétence du Québec en ce qui touche à l'immigration, tout en tenant compte du fait qu'à l'extérieur de Montréal, il y avait des communautés dans des situations démographiques moins intéressantes, fragiles ou vulnérables, dans certains cas. Il fallait aussi évaluer la manière de coopérer avec le gouvernement du Québec pour voir si des ressources pouvaient être accordées aux personnes de langue anglaise issues de l'immigration qui désiraient se déplacer dans les régions à l'extérieur de Montréal.
    Alors, le mandat qu'on m'a proposé d'étudier la situation au Québec de cette manière était un peu limité.

[Traduction]

    Je voulais simplement faire une récapitulation de l'approche du Québec à l'égard de cette question. Comme je l'ai dit auparavant, en ce qui concerne la situation des anglophones qui vivent au Québec, il est très important de respecter les deux ententes qui ont été conclues avec cette province sur le plan de la sélection des immigrants et les ressources affectées aux immigrants qui choisissent de s'établir au Québec et dont la langue maternelle est l'anglais.
    Cela dit, je crois qu'il y a des possibilités ou d'autres moyens de respecter l'engagement du gouvernement fédéral quant à la vitalité des minorités linguistiques, engagement qui inclut évidemment le Québec, pour la vitalité de la communauté anglophone. Certains d'entre vous savent peut-être que la définition que donne le gouvernement fédéral d'un anglophone au Québec est fondée sur une variable du recensement dérivée, soit la première langue officielle parlée. Selon cette variable, ou cet indicateur, si vous préférez, le nombre d'anglophones au Québec se situe entre 900 000 et 1 million de personnes.
    L'indicateur qu'utilise le gouvernement du Québec est la langue maternelle. En fonction de ce facteur, on parle d'une population d'environ 600 000 anglophones. Il y a donc un écart important entre la définition du gouvernement fédéral et celle du Québec; si vous faites le calcul, c'est un écart d'environ 300 000. Et parmi ces 300 000 personnes, il y en a un grand nombre qui ne sont pas nées au Canada.
    Donc, en fonction de la définition du gouvernement fédéral, la communauté anglophone semble montrer beaucoup plus de signes de vitalité, si l'on se fie aux chiffres, que selon la définition du Québec, qui tiendra beaucoup moins compte des immigrants dans l'évaluation de la population anglophone.
    Sachez qu'à mon avis, vu le temps limité dont je dispose et dans la mesure où je traite de cette question, il y a des zones de vulnérabilité au sein du groupe de personnes que le gouvernement fédéral désigne comme des anglophones et que le gouvernement provincial peut ne pas désigner comme des anglophones.
    Il y a beaucoup de statistiques qui montrent, par exemple, que les immigrants provenant de l'Asie du Sud, qui parlent principalement anglais — même si leur langue maternelle est le punjabi ou une autre langue —, se trouvent souvent dans des situations de vulnérabilité économique. C'est beaucoup plus fréquent. Puisque c'est le Québec qui s'occupe de l'intégration — sauf pour les cas humanitaires, comme je l'ai mentionné tout à l'heure — et qu'il a conclu un accord sur la main-d'oeuvre avec le gouvernement fédéral, dans la mesure où il y a des possibilités de soutenir ces groupes qui tentent de s'ajuster à la réalité du Québec, ce serait un rôle utile à jouer pour le gouvernement fédéral. Il devrait le faire en collaboration avec le gouvernement du Québec, puisque cela relève de sa compétence.
    Je crois que c'est aussi vrai dans la mesure où à l'extérieur de Montréal, là où, je le répète, la situation de l'immigration est différente, le gouvernement fédéral peut soutenir ces communautés, comme dans le passé, et se pencher sur le type de soutien qu'il fournit afin que les gens qui choisissent de se joindre à la communauté anglophone des Cantons de l'Est ou de la ville de Québec puissent avoir accès à ces ressources et que cela leur permette de vivre dans cette communauté.
    Pendant ce temps, je crois qu'il revient à la communauté anglophone du Québec de reconnaître la nécessité de faire l'apprentissage du français,

  (0930)  

[Français]

le besoin pour tous nos immigrants d'apprendre la langue française.
    Il me semble important aussi, pour le gouvernement du Québec, d'associer la communauté anglophone au message, au discours, livré aux immigrants au sujet de la nécessité de faire l'apprentissage du français. Je pense que les anglophones du Québec, notamment notre jeune génération, est très intéressée par l'apprentissage du français. Je désire que mes enfants et les enfants de mes collègues apprennent le français et qu'ils le parlent mieux que moi, naturellement.
    Il faut inclure les anglophones du Québec dans le processus de promotion du français au Québec et de la diversité, notamment au sein de la communauté montréalaise, et s'assurer que la contradiction entre les deux n'émerge pas. On voit trop souvent cette idée qu'il y a une contradiction entre faire partie d'une communauté quelconque d'origine ethnique et le désir d'apprendre le français ou l'anglais. On voit ce genre de débat au Québec ainsi qu'à l'extérieur du Québec. Je pense que, si on associe tous les groupes au processus et s'ils ont l'impression de faire partie du processus, cela va mieux servir les immigrants, le gouvernement du Québec et les objectifs du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la vitalité. Alors, c'est mon short speech sur le Québec.
    Pour ce qui est du reste du Canada... M. Castonguay m'a cité et il est d'accord avec moi, ce qui est très rare, alors je ne sais pas quoi dire. Même s'il convient des chiffres que j'ai publiés à l'époque, les conclusions qu'on en tire sont différentes.
    Je suis d'avis qu'il faut travailler plus fort pour créer les conditions nécessaires à l'extérieur du Québec pour soutenir les communautés francophones qui, à l'époque où j'ai fait l'étude, ont exprimé le désir d'accueillir des immigrants. Même s'il y a effectivement des problèmes, comme M Castonguay l'a bien constaté, sur le plan de la préservation de la langue française auprès de ces immigrants, il y a des problèmes qui, on sait, existent plus largement, au sein de ces mêmes communautés, en matière d'anglicisation. Il faut travailler plus fort pour soutenir ces communautés et leurs efforts, au lieu de les condamner à ne pas être capables de progresser ou de maintenir leur situation.
     Je pense qu'on a fait une erreur historique au cours des années 1960, dans le cas de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. On s'est ouverts un peu à la diversité, au sein de la dualité, mais on n'a pas vraiment évalué quelle direction auraient pris ces immigrants qui allaient s'installer à l'extérieur du Québec sans que les ressources nécessaires pour soutenir les communautés francophones soient en place. Si on avait étudié cette question d'un peu plus près, on aurait peut-être découvert la possibilité d'attirer plus de francophones à l'extérieur du Québec et de fournir les ressources à ces communautés. On a fait des erreurs historiques.
    Je ne veux pas qu'on aille dans le même sens qu'à cette époque. J'espère qu'on pourra mettre plus de ressources à la disposition de ces communautés, afin qu'elles soient capables d'accueillir, en français, les immigrants. Je sais qu'il y a des groupes communautaires au pays qui ont ce désir de le faire. Je sais, compte tenu de l'expérience de la société civile, des ONG et de l'expérience communautaire que je possède, qu'on ne peut pas mesurer, par les chiffres strictement, l'expérience de l'accueil pour la communauté d'accueil. Il faut tenir compte de cela.
    Malgré les politiques adoptées pour faire la promotion d'un accroissement de l'immigration à l'extérieur du Québec... Ce matin, à bord du train, j'ai étudié les chiffres de Citoyenneté et Immigration Canada sur le nombre de francophones, défini, dans ce cas, par ceux qui parlent français à leur arrivée et ceux qui parlent anglais et français à leur arrivée. Je ne pense pas qu'on a vu des augmentations extrêmement importantes. On a vu des augmentations des chiffres réels, mais ceux-ci font partie d'une augmentation des chiffres réels globaux sur l'immigration depuis quelques années. Toutefois, en matière de pourcentage, ce n'est pas vraiment important.
    Permettez-moi de terminer en vous parlant d'un autre aspect. J'ai parcouru les chiffres du recensement américain, l'« American Community Survey », hier soir. Je n'avais rien à faire. C'était durant le deuxième entracte du match de hockey. Je voulais me distraire un peu parce que j'étais un peu nerveux, comme vous l'avez constaté.

  (0935)  

    On constate que 154 000 immigrants nés en France sont aux États-Unis. Entre les années 2000 et 2008, il y a eu 42 000 immigrants de la France qui se sont installés aux États-Unis.
    Comme vous le savez, aux États-Unis, il n'y a pas de programme de soutien pour les minorités linguistiques francophones. C'est sans parler des Haïtiens: 522 000 immigrants née en Haïti sont présentement aux États-Unis. Un pourcentage important d'entre eux sont arrivés aux États-Unis entre 2000 et 2008, soit avant la catastrophe regrettable qu'on a vue en Haïti, il y a moins d'un an.
    Les chiffres qu'on a tirés sont vraiment infimes. Ça a quand même un bon impact sur les communautés à l'extérieur du Québec. Sur leur vision de l'avenir aussi, ça donne un peu d'espoir. Je comprends M. Castonguay de dire que ce sont de faux espoirs, mais je ne veux pas les condamner. C'est un peu ça que...
    Parfait, merci beaucoup, monsieur Jedwab. Les positions sont bien campées.
    Pour savoir si le verre est à moitié plein ou à moitié vide, nous avons la professeure agrégée, coresponsable du Centre d'études ethniques, à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal.
    Madame Patricia Lamarre, aimeriez-vous faire quelques commentaires? Essentiellement, le comité veut voir comment l'immigration peut être un outil pour développer les communautés linguistiques de langue officielle au pays.
    Tout d'abord, je vous remercie grandement de l'invitation. C'est la première fois que je me présente devant un comité. Je suis désolée, mais je ne savais pas que je devais faire une allocution. Je pensais qu'il s'agissait d'une table ronde, et qu'on y posait des questions et qu'on discutait. Je ne pense pas que cela me causera des problèmes. Je peux facilement utiliser les 10 minutes qui me sont allouées, j'ai toujours quelque chose à dire.
    Je travaille au Centre d’études ethniques à l’Université de Montréal. Il s'agit d'un centre qui s'intéresse à l'immigration et à l'intégration des nouveaux arrivants à Montréal et au Québec dans plusieurs domaines, dont le milieu de travail et l'école. Je ne représente ni la francophonie ni l'« anglophonie ». Mon expérience de vie m'a amenée un peu partout au Canada. J'ai vécu dans des milieux anglophones et dans des milieux francophones. Dans quel groupe me situais-je? Ce n'était pas clair. Étais-je dans un groupe minoritaire ou majoritaire? Je suis née dans la ville de Québec, d'un père francophone et d'une mère immigrante anglophone. J'ai fréquenté l'école française, mais à la maison, on parlait anglais. Lorsque, à des fins statistiques, on me demandait ma langue maternelle, je répondais que c'était l'anglais. Si on me demande quelle est ma langue de socialisation et de scolarisation, je réponds que c'est le français. Si on me demande quelle est ma langue de travail, je réponds que ce sont l'anglais et le français. Si on me demande quelle est ma langue du coeur, je réponds les deux. Je considère que je suis une « franglophone ». Par contre, lorsque l'on traite des données statistiques, je n'existe pas. C'est au nom des gens qui sont dans la même situation que moi que j'aimerais prendre la parole aujourd'hui. Nous sommes plusieurs. Les pratiques langagières que l'on vit au quotidien ne sont pas prises en compte, peut-être parce qu'elles sont trop complexes pour des données statistiques qui ont besoin de mesurer une réalité linguistique en regroupant les individus. En regroupant les individus, que fait-on? On écrase, on perd la réalité d'un grand nombre de Canadiens, de Québécois et d'immigrants.
    Aujourd'hui, j'aimerais remettre en question certaines idées. Selon moi, on est à la fin d'une période d'accommodements entre deux communautés linguistiques bien définies. Je sens cela depuis une bonne dizaine d'années, depuis que j'ai commencé un programme de recherche à l'Université de Montréal. On est à la fin d'une période au cours de laquelle on a trouvé des solutions, des accommodements politiques, les années 1960 et 1970. Cette façon de voir implique une dualité, celle de deux communautés. La diversité linguistique est à part, extérieure, ce sont les autres, les allophones. Éventuellement, ils vont s'intégrer à quelque chose qui est encore perçu de façon très fermée, la francophonie et l'« anglophonie ».
    En réalité, ces communautés sont en train de se transformer de l'intérieur. Prenons l'exemple de la communauté anglophone du Québec. Elle est très multiculturelle, très multilingue, très bilingue. C'est la même chose pour les écoles situées dans le secteur anglophone du Québec. Ce sont des écoles où il y a beaucoup d'ayants droit francophones et beaucoup d'ayants droit bilingues, trilingues, ou qui sont unilingues en immersion française, afin de devenir bilingues pour pouvoir survivre, être à l'aise, mobiles et participer à la vie québécoise.
    En ce qui a trait aux immigrants au Québec, on constate une montée marquée des compétences en français. Les chiffres peuvent parler. En ce qui a trait au statut de la langue française, regardons son usage quotidien en milieu de travail et les pratiques à long terme à la maison. On voit que la langue française prend sa place. Toutefois, elle prend sa place dans un contexte où il y a d'autres langues, y compris un intérêt pour l'anglais de la part des francophones et des immigrants. Il s'agit donc d'un contexte de dualité.
    J'ai vécu à l'extérieur du Québec pendant 10 ans, soit en Acadie de la Nouvelle-Écosse.

  (0940)  

    J'ai vu les commissions scolaires francophones émerger en Colombie-Britannique. On ne dessert pas une francophonie hors Québec qui vit de façon unilingue; on dessert une francophonie qui veut maintenir son français, son identité francophone, tout en utilisant l'anglais et possiblement d'autres langues. On voit les petites écoles francophones en Colombie-Britannique, en Ontario, en Alberta accueillir des immigrants qui sont bienvenus, car ils aident à maintenir quelque chose. Ces petites écoles ont besoin d'une clientèle scolaire. Les communautés hors Québec sont très heureuses d'accueillir des immigrants, mais à quoi cela oblige-t-il? Cela oblige à redéfinir la francophonie canadienne, la francophonie québécoise et le fait d'être francophone.
    Allons-nous dire d'un francophone que c'est quelqu'un ayant un lien identitaire très fort, ou allons-nous dire d'un francophone que c'est quelqu'un qui a des compétences en français? Pour pouvoir saisir ce type de réalité sociale qui change rapidement... On sait tous que le XXe siècle a été une période de transformation rapide; en ce XXIe siècle, c'est encore plus rapide. Le Canada a conçu les notions de dualité linguistique et de multiculturalisme dans les années 1960-1970. Il faut penser et clarifier de nouveau ce que nous sommes maintenant et où nous nous dirigeons dans l'avenir. Cela signifie qu'il faut changer nos indicateurs. Je parle évidemment aux linguistes. Ces derniers ont mesuré une réalité dans les années 1960-1970 selon un modèle d'assimilation linguistique. On a regardé la langue utilisée à la maison.
    Par ailleurs, si on va un peu plus près des gens qui parlent des langues à la maison et qu'on leur demande non pas quelle est la langue dominante à la maison, mais quelles sont les langues parlées à la maison, on se rend compte qu'il y a une tout autre réalité. Il y a des gens qui parlent plusieurs langues à la maison et qui veulent les conserver parce qu'ils considèrent ces compétences linguistiques comme des ressources pour l'avenir de leurs enfants.
     À nous maintenant ici, au gouvernement, de voir ces ressources, ces compétences, comme des gages d'avenir qui vont nous mener loin. Il faut arrêter de penser à une dominance linguistique dans des domaines. On a besoin d'indicateurs — des analyses de données et de recensements — plus sophistiqués et nuancés. On a aussi besoin de tenir compte de l'ethnographie. Vous avez des bons ethnographes ici, au Canada. Si vous voulez connaître les réalités scolaires des petites écoles francophones hors Québec, consultez les ethnographes. Il y en a. Ils sont ici à Ottawa, cette semaine, pour un colloque qui se tient à l'Université d'Ottawa. Vous pourrez les y entendre cet après-midi.
    Vous avez besoin d'une étude qui puisse saisir la complexité des liens identitaires aux langues et des pratiques identitaires et linguistiques. Merci.

  (0945)  

    Merci beaucoup, madame Lamarre, de vos propos éclairants et de votre expression « franglophone », au sujet de laquelle on va sûrement dire que vous faites mouche. C'est un concept très intéressant.
    Monsieur Bélanger.
    C'est magnifique, ce qu'on vient d'entendre! J'inclus tout le monde.
    Je vais peut-être vous surprendre, monsieur Castonguay. On ne doit pas être indifférents aux cris d'alarme que vous avez lancés depuis belle lurette, à mon avis. Je vous rejoins à cet égard.
    Je suis vraiment déçu d'avoir seulement cinq minutes pour mes questions, monsieur le président.
    D'abord, monsieur Castonguay, je trouve que c'est une approche très mathématique. Ça va de soi, vous êtes professeur de mathématiques. C'est une approche très statistique et — permettez-moi un commentaire peut-être désobligeant — très froide.
    Ces statistiques, qu'elles soient de 1996 ou de 2001, peuvent être le reflet fidèle d'une nouvelle réalité, si je peux reprendre l'expression de Mme Lamarre. Cela n'inclurait pas l'impact, si petit soit-il, du phénomène de l'avènement de conseils scolaires francophones partout, hors même de cette fameuse bilingual belt, dont vous parliez. Je fais référence aux irréductibles de Zenon Park, aux irréductibles de Saint-Boniface, aux irréductibles qui se sont greffés autour du Campus Saint-Jean à Edmonton, et à ceux qui sont en Colombie-Britannique ainsi qu'à Whitehorse, au Yukon. Ces derniers, à Whitehorse, au Yukon, ont maintenant des écoles, un service de garderie qui n'existait pas au moment où on relevait les statistiques de 1996 — ou du moins l'impact de ces écoles.
    Prenez-vous cela en considération, monsieur Castonguay? C'est ma première question.
    Oui, très certainement. Je ne suis ni un prophète de malheur ni un bonhomme sept-heures. J'ai été le premier et presque le seul analyste à souligner qu'au Nouveau-Brunswick, le fait d'avoir un régime scolaire francophone en parallèle avec la garderie, jusqu'à l'université, donnait des résultats. À l'extérieur du Québec, c'est la seule province où les francophones ont réussi à réduire le taux d'anglicisation chez les jeunes adultes. Il était de 12 p. 100 en 1971 et de 9 p. 100 en 2006. Les statistiques contiennent aussi de bonnes nouvelles, et j'essaie de les diffuser.
    Vous avez parlé de la gestion des conseils scolaires autonomes en Ontario. Or celle-ci a été obtenue longtemps après les réalisations de M. Robichaud, au Nouveau-Brunswick. Il s'agit tout de même, dès 1969, d'une loi portant sur les langues officielles. Ce n'est pas mauvais. C'est un appui aux communautés; ça leur donne plus d'autonomie et ça influence certainement l'évolution de la situation.
     Néanmoins, il y a une région où l'on souhaiterait voir les choses évoluer davantage, et c'est celle d'Ottawa, qui compte l'Est de l'Ontario. Je parle ici essentiellement de la région métropolitaine d'Ottawa, qui inclut plus du tiers des francophones de l'Ontario. C'est très concentré. C'est en quelque sorte une petite Acadie, quelques centaines de milliers de francophones. On peut dire, en arrondissant les chiffres, que c'est comparable à toute la population francophone du Nouveau-Brunswick. Or on ne note aucune évolution favorable, à Ottawa, qui n'est pas une ville officiellement bilingue. On n'a pas déclaré de district bilingue à l'extérieur du Québec, comme l'avait recommandé la Commission Laurendeau-Dunton.

  (0950)  

[Traduction]

    C'était la pierre angulaire de la politique qu'elle défendait dans les années 1960, et elle a été adoptée dans la première Loi sur les langues officielles, en 1969.

[Français]

    Ça n'a jamais été mis en vigueur. Ça a été mis de côté vers 1977 par le gouvernement Trudeau, probablement parce que ça aurait provoqué un ressac. À Windsor, notamment, ce ressac s'est produit lorsqu'il a été question de déclarer un district bilingue. À l'époque, le taux d'anglicisation y était d'environ 65 p. 100. Il est maintenant supérieur à 70 p. 100. Depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, le taux d'anglicisation des jeunes adultes à Ottawa a doublé et continue d'augmenter. Que voulez-vous? Si les nouvelles sont mauvaises, il ne faut quand même pas assassiner le messager.
    Je veux bien.
    J'ai aussi de bonnes nouvelles, mais elles sont rares. Je pense qu'il faut être réaliste. On remet en question les indicateurs sur lesquels la Loi sur les langues officielles du Canada a été fondée. Je parle ici du pourcentage de gens dont la langue maternelle est le français, du pourcentage d'anglophones ou d'allophones, de la langue d'usage à la maison. La Commission Laurendeau-Dunton avait recommandé que Statistique Canada pose ces questions. Il l'a fait en 1971, se conformant par le fait même à une recommandation de l'ONU. L'ONU suggère en effet que les pays membres récoltent des renseignements de ce genre.
    Monsieur Castonguay, si mon président ne vous interrompt pas, je vais le faire. J'ai une autre question à poser.
    Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais poser ma question. Je sais que je ne vais pas obtenir de réponse tout de suite.
     Je suis moi aussi « franglophone ».
    Je le suis également.
    Mes petits-enfants sont en train d'apprendre trois langues: l'anglais, le français et le hongrois. Ils vont peut-être apprendre l'espagnol également. Dans le cas des immigrants, nos programmes encouragent présentement l'apprentissage d'une langue seulement: le français ou l'anglais. La question à laquelle j'aimerais qu'on me réponde plus tard est la suivante: devrait-on envisager d'enseigner deux langues à notre population immigrante, c'est-à-dire l'anglais et le français?
     Merci.
    Je pense que beaucoup de gens vont vouloir répondre à votre question.
    On va passer à M. Nadeau.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous tous.
    Mon coeur bat la chamade lorsqu'on arrive à ce sujet. Je parle de la question de la réalité, du quotidien, de ce qui se passe sur le terrain, dans la vraie vie, en ce qui a trait au fait français dans l'ensemble du territoire nord-américain, et en particulier au Canada et au Québec, et ce, pour des raisons fondamentales. Comme Mauril, je viens de l'Ontario, mais de l'Ontario qui est collé sur le Québec. Je viens de Hawkesbury et je suis député de Gatineau. On est toujours dans la vallée de la rivière des Outaouais. Je remercie le ciel du fait qu'on ait été collé sur le Québec. Je parle de l'Est de l'Ontario. C'était différent ailleurs en Ontario. J'ai des cousins et des cousines qui ne s'appellent plus Lalonde, mais Lalonde, et d'autres s'appellent Nadal, et non plus Nadeau, parce qu'à une époque, leurs parents sont déménagés, et à l'époque, les francophones n'avaient pas droit à la gestion scolaire.
    J'ai vécu en Saskatchewan et j'ai travaillé pour l'obtention de la gestion scolaire. Vous savez qu'en Saskatchewan, les conservateurs avaient aboli les écoles françaises en 1931. Les néo-démocrates n'ont permis qu'on les récupère qu'en 1995, 64 ans plus tard. Je suis arrivé à la fin de cette longue période, au début des années 1990. Je me souviendrai toujours quand je suis allé à Willow Bunch. Il s'agit d'un petit village fransaskois qui s'appelait jadis Hart-Rouge, pour ensuite devenir Talle-de-Saules, et avec le temps, Willow Bunch. La plupart des gens y habitant sont des Duperreault, nom qui ne se prononce plus comme ça, des Granger, nom qui ne se prononce plus comme ça, des Boisvert, nom qui ne se prononce plus comme ça. Quand nous sommes allés dans le village, il fallait 10 signatures de parents pour avoir droit à une école française là-bas. On n'a pas pu récoler ces 10 signatures même en y restant une semaine. Certains grand-parents voulaient, mais pas des parents.
    On demande maintenant à des immigrants qui arrivent au Canada de faire le travail dans des communautés où il y a eu assimilation, pas parce que les francophones le voulaient, mais parce que la pression sociale de la réalité canadienne l'a voulu. Pensons-y, 64 ans sans droits pour les francophones en Saskatchewan, ça démolit des communautés qui sont déjà minoritaires. En 1931, il y avait 63 écoles francophones, mais on n'a pu qu'en réouvrir huit. Ce n'est pas parce que les gens ont disparu, mais parce que les communautés ont été assimilées. Il n'y a que 6 000 personnes ayant le français pour langue d'usage en Saskatchewan. Je parle de langue d'usage à la maison, mais ça ne veut pas dire qu'ils ne parlent pas anglais non plus.
    Compte tenu de cette réalité, ne demande-t-on pas à l'immigration de... Le Québec ne représente que 2 p. 100 de la population de l'Amérique du Nord. Il y a une masse critique. L'assimilation est très possible, on le voit dans le Pontiac et à Montréal, où se trouve 47 p. 100 de la population du Québec. Pour parler bien franchement, quand je vais à Montréal, je ne suis pas certain d'être dans une ville francophone.
    Pourquoi ne met-on pas nos énergies à la bonne place, plutôt que de demander aux immigrants francophones de maintenir le fait français là où les communautés ont toutes les misères du monde à le faire elles-mêmes? J'aimerais vous entendre sur cette question, monsieur Castonguay, madame Lamarre et monsieur Jedwab.

  (0955)  

    Si je comprends bien, vous demandez s'il est fondé d'éparpiller ce que j'ai appelé « a precious resource ».
    J'ai déjà assez clairement expliqué que ce n'est pas censé se passer comme ça. On peut en parler longtemps, mais certains indicateurs fondamentaux nous permettent de prendre le pouls de la vitalité des groupes linguistiques d'un recensement à l'autre dans le temps. C'est très important de ne pas abandonner ces indicateurs qui nous ont bien servi, qui nous serviront bien dans le futur et qui sont si précieux. Ils nous permettent de savoir quelles sont les personnes qui parlent principalement ou exclusivement le français à la maison, ou l'anglais à la maison. Si des gens disent qu'ils parlent les deux, l'anglais et le français, je fais dans mes analyses la même chose que Statistique Canada: je compte une moitié comme étant des francophones et l'autre moitié comme étant des anglophones. Ça respecte la fréquence relative de l'utilisation. On essaie de mieux saisir ces zones grises qui se forment normalement lorsque deux langues sont en contact l'une avec l'autre. D'accord, il y a du bilinguisme.
    Quand on regarde la croissance de la population selon les statistiques des deux derniers recensements, on constate que le nombre de personnes supplémentaires dont la langue maternelle est le français au Canada, entre 2001 et 2006, est de moins de 10 000. On est rendu à un tournant historique. Je m'attends, au prochain recensement, à voir le début de la décroissance en nombre absolu du nombre de francophones de langue maternelle au Canada, après simplification des données, en tenant compte des réponses doubles qu'on peut leur donner.
    Merci beaucoup.
    Pour ce qui est de la langue maternelle anglaise, la croissance a été de près d'un demi-million de personnes pendant ces cinq dernières années. Il y a un déséquilibre linguistique qui s'aggrave.
    Merci beaucoup.
    Il s'agit de mettre nos ressources là où elles vont servir à long terme.
    Merci, monsieur Castonguay.
    Chaque personne compte, et contrairement à ce que M. Jedwab a dit, ce sont les petits chiffres...
    Je m'excuse, monsieur Castonguay, mais si on veut respecter le temps dont on dispose, on va essayer de... Les gens veulent intervenir.
    Je laisse donc la parole à M. Julian.
    Bienvenue au comité, monsieur Julian.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Yvon Godin, député d'Acadie—Bathurst, est habituellement notre représentant à ce comité, mais je le remplace.
    Monsieur Castonguay, je voudrais simplement dire une chose. Je ne conviens pas de la quasi-totalité de ce que vous venez de dire, sauf en ce qui a trait à ce que vous avez mentionné au sujet d'Ottawa en tant que capitale nationale. Il m'apparaît épouvantable que la Ville d'Ottawa ne respecte pas le gouvernement fédéral et ne respecte pas les contribuables francophones qui ont réussi à construire cette ville. Il n'est pas acceptable que la Ville d'Ottawa ne soit pas encore officiellement bilingue. Je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet.
    Toutefois, en ce qui a trait à la question de la vitalité, les propos de Mme Lamarre représentent vraiment une bouffée d'air frais. En Colombie-Britannique, je vis une réalité qui ressemble beaucoup plus à ce qu'elle a décrit. Comme vous le savez, la Colombie-Britannique est l'une des seules provinces où le nombre de francophones augmente. Il y a un réseau scolaire qui est enfin en place. Lorsqu'on visite ces écoles, il y a vraiment un arc-en-ciel francophone. Il y a des accents d'Afrique, d'Europe, d'Asie et des Caraïbes. C'est remarquable. C'est quelque chose que je n'ai jamais vu au Québec, lorsque j'y étais. J'ai vécu au Québec pendant 14 ans, à Chicoutimi, à Sherbrooke, à Montréal. Je n'ai jamais vu, au Québec, une diversité francophone comme celle que je vois en Colombie-Britannique. Les écoles d'immersion sont pleines à craquer. Les parents font souvent la file pendant toute une fin de semaine afin d'inscrire leurs enfants dans une école d'immersion. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que tous ces gens sont des consommateurs de produits francophones, des produits culturels francophones comme des films, des magazines ou des livres. C'est ce qui, d'une grande manière, contribue à la vitalité du Québec. Lorsqu'il y a un réseau à l'extérieur du Québec, cela contribue à la vitalité des produits culturels québécois et acadiens. Il me semble important d'entretenir et d'augmenter la présence francophone à l'extérieur du Québec.
    Monsieur Castonguay, vous avez mentionné que là où il y a des institutions postsecondaires francophones, à Sudbury, Moncton et Ottawa, le taux d'assimilation est plus bas. C'est un fait. Ces immigrants viennent élargir la francophonie, là où les institutions existent.
    J'ai trois questions à vous poser. Je vais commencer par m'adresser à Mme Lamarre. Premièrement, en ce qui concerne les programmes de français langue seconde, que peut-on faire pour améliorer la qualité et la quantité de ces programmes? Souvent, le français est la deuxième langue des immigrants francophones.
    Deuxièmement, de quelle façon peut-on améliorer l'accès aux institutions postsecondaires francophones? C'est évident qu'une institution postsecondaire francophone augmente la présence francophone.
    Troisièmement, quels sont les autres programmes que l'on pourrait offrir afin de continuer à élargir cette présence francophone et cette consommation des produits culturels québécois et acadiens? C'est un élément important pour notre avenir.

  (1000)  

    La première question concerne les programmes scolaires et la troisième, les autres programmes, c'est ça?
    La première concerne les programmes de français langue seconde des institutions postsecondaires. La troisième faisait référence aux autres types de programmes qui contribuent à une plus vaste distribution des produits culturels au Canada.
    En ce qui concerne les programmes scolaires, je pourrais parler d'un projet, une initiative lancée au Québec il y a trois ans. Il s'agit des Community Learning Centres, dans le milieu anglophone, grâce auquel les petites écoles en région éloignée ont été dotées de matériel de vidéo-conférence. Cela veut dire que les gens à Harrington Harbour ou à Blanc-Sablon, des régions très éloignées de tout ce qui est francophone, peuvent être en lien avec toutes sortes d'événements culturels en anglais. Il peut s'agir d'une trentaine d'étudiants dans une petite école primaire qui peuvent ainsi visiter des musées comme le Canada Space Center.
    Encore plus surprenant, ces petites écoles sont en contact avec d'autres petites écoles anglophones sur la côte du Labrador. Tout à coup, un réseau s'est créé là où on pensait, au Québec, qu'il y avait ce qu'on entend beaucoup dire en ce qui concerne ce secteur anglophone minoritaire d'habitants côtiers qui vivent sur

  (1005)  

[Traduction]

    la côte du Labrador, et qui sont en déclin.

[Français]

    On dit qu'il n'y a pas de chance de survie, que la population est en déclin. J'y suis allée en janvier dernier et cela grouillait de vie. Je crois que nous avons des perceptions liées à des chiffres qui ne collent pas aux réalités des gens. Je vous suggère d'aller voir les Community Learning Centres qui transforment ces écoles en centres communautaires ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. La communauté a tout à coup un endroit très facile d'accès où les gens peuvent aller jouer au badminton le vendredi soir, faire du scrapbooking. Les grands-parents viennent lire des histoires à des petits enfants parce que leurs propres enfants ne sont plus là. C'est une expérience étonnante et porteuse d'espoir. Cela crée une communauté.

[Traduction]

    Il ne faut pas sous-estimer ce que les écoles peuvent faire pour une communauté. Quant à savoir de qui se compose la communauté, je vais y revenir; ce peut être de différents types de personnes, mais ne sous-estimez pas les écoles.
    On ne les utilise pas. Elles ne sont pas suffisamment utilisées pour les programmes d'échanges. On m'a demandé récemment...
    Voulez-vous que je prenne deux minutes ou que je m'arrête?

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    Vous pourriez peut-être garder votre réponse pour tout à l'heure.
    D'accord. J'ai trop de choses à dire.
    Merci, monsieur Julian.
    Nous allons poursuivre avec M. Weston et les questions de la Colombie-Britannique.

[Français]

    Merci à vous trois. Je pense que vous pouvez percevoir, par la longueur des questions, que ce sujet soulève les passions. Ce sont peut-être les discours les plus intéressants que j'ai entendus depuis mon arrivée récente au comité.
    Madame Lamarre, vous venez de dire que les chiffres ne reflètent pas la réalité des gens. En anglais, il y une expression qui dit:

[Traduction]

    « On peut faire dire ce que l'on veut aux chiffres ». Je ne veux pas vous manquer de respect, mais

[Français]

j'ai peur que les chiffres que vous avez mentionnés, professeur Castonguay, puissent nous mener à une fausse conclusion.

[Traduction]

    Ce qui me pose problème, c'est que votre analyse nous mène à une réalité anglophone-francophone très sombre et polarisée, ce qui laisserait entendre que le français serait plus important si nous avions seulement un Québec et un « reste du Canada ».
    Ce que j'entends, ce que je pense, en tant que père de trois enfants inscrits dans une école d'immersion française en Colombie-Britannique — les listes d'attente sont longues, et c'est difficile d'obtenir une place dans ces écoles — et ce que M. Julian disait également, c'est qu'en réalité, le français est beaucoup plus fort grâce à ce grand pays qu'est le Canada, où l'on fait la promotion de cette langue à l'extérieur de la province.
    J'ai deux questions à vous poser concernant votre témoignage. Premièrement, vous nous avez dit, monsieur Castonguay, que l'on gaspille une ressource rare lorsque les immigrants francophones s'installent à l'extérieur de la zone de bilinguisme ou à l'extérieur du Québec. Je dirais que cette ressource rare ne fait pas que renforcer le français, mais qu'elle sensibilise également les gens qui parlent d'autres langues à l'importance et à la valeur du français à l'extérieur de cette zone.
    Deuxièmement, vous avez dit que l'immigration anglophone au Québec représentait, toutes proportions gardées, le double de l'apport à la population francophone, et je ne comprends pas pourquoi ce serait le cas, étant donné que le Québec a un contrôle sans précédent sur sa propre immigration.
    Je vais demander à Mme Lamarre puis à M. Castonguay de répondre à ces deux questions. Je suis désolé que nous ne puissions pas donner la parole à tout le monde, mais notre temps est limité.
    D'abord, il faut que je vous parle des inquiétudes en ce qui concerne le français, la vitalité du français et le fait français au Canada,

[Français]

un fait français, une société francophone au Québec.

[Traduction]

    Il y a des craintes réelles, et elles reposent sur l'histoire. Je crois que nous ne pouvons pas réprimer ces peurs. Des efforts doivent être déployés à l'intérieur et à l'extérieur du Québec pour la survie du fait français. Lorsque je dis que je suis en faveur du multilinguisme et que je le considère comme un nouveau phénomène très important sur le plan du capital humain pour l'avenir, je ne veux pas que l'on pense qu'à mon avis, le français ne devrait pas être protégé.
    Pour que le français survive, à l'intérieur ou à l'extérieur du Québec, il faut que le système éducatif soit sain. Il faut également que les gens soient intéressés à apprendre et à utiliser le français dans leur milieu de travail. J'ai grandi dans un bastion anglais de la ville de Québec. Dans les années 1960, il était possible de vivre à Québec sans apprendre le français. Mais ce temps est révolu. Je vis maintenant dans l'ouest de l'île de Montréal, et mes enfants fréquentent une école française.
    Certains enfants y ont droit. Leurs parents choisissent de les envoyer à une école française afin qu'ils puissent vivre et travailler au Québec. C'est l'intérêt pour le français qui en fera une langue vivante, saine, et qui continuera de se développer dans l'avenir. Alors lorsque M. Julian m'a demandé ce que l'on peut faire avec d'autres types de programmes, je dirais que l'école est un endroit très important.
    Il y a aussi le milieu de travail. Il faut qu'il y ait des emplois qui feront en sorte d'encourager les gens à continuer d'utiliser le français à l'âge adulte. Je crois que l'on en parle dans la francophonie hors Québec — je n'aime pas ce mot — ou la francophonie canadienne, ainsi que des efforts pour que les milieux de travail et les entreprises soient propices à l'utilisation du français. Même si votre site Web est en français, en anglais et en espagnol, vous pouvez vivre et travailler en français dans votre milieu.
    Je crois que ce genre de programme contribuera à la survie du fait français. Il ne faudrait pas sous-estimer le pouvoir du milieu de travail et de l'économie.

  (1010)  

    Monsieur Castonguay?
    Votre temps est écoulé, monsieur Weston. Je suis désolé.
    Vous allez devoir garder votre réponse pour une autre question.
    Monsieur D'Amours.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie de comparaître devant nous ce matin. Je dois vous avouer que, du seul point de vue de la statistique à propos de la langue maternelle en matière d'immigration, la seule façon possible d'augmenter les chiffres de cette section, selon moi, est de tenir compte seulement de l'immigration de couples dont la langue maternelle est le français.
    Regardons la situation dans le monde. En Belgique comme dans bien d'autres pays, par exemple, les gens ne parlent pas seulement une langue. On constate que, dans bien des cas, même si la langue maternelle n'est pas le français, la famille le parle quand même 90 p. 100 du temps. Donc, si on ne veut pas faire de l'immigration de couples unilingues francophones, peut-être de France, qui arrivent au Canada pour fonder une famille, c'est certain qu'on va changer les pourcentages dans les statistiques liées à la langue maternelle.
    Madame Lamarre, vous en êtes la preuve. Vous avez pu parler le français et vivre en français même si vos parents n'étaient pas nécessairement tous deux des unilingues francophones. Si on se limite à cela, c'est certain qu'on verra un déclin pour le reste de notre vie. Il faut regarder un peu plus loin. Il faut sortir du cadre traditionnel et regarder plus loin.
    Je prends l'exemple de Mme Glover. J'ai trois nièces qui fréquentent l'école dans la circonscription de Mme Glover, à Saint-Boniface. Leur langue maternelle n'est peut-être pas désignée comme étant le français, parce qu'elles sont nées d'un parent anglophone et d'un parent francophone. Par contre, 75 p. 100 de leur vie se déroule en français. Je me dis que si ma soeur n'était pas déménagée à Saint-Boniface, à Winnipeg, il y aurait quatre personnes de moins pour donner une vitalité francophone à la communauté.
    Si on s'arrête au cadre traditionnel et qu'on le laisse fermé sans jamais y pratiquer de petite ouverture, c'est certain qu'on continuera à voir un problème quant aux statistiques liées à la langue maternelle. Il faut élargir les horizons. Il faut se dire que les immigrants qui arrivent ici, même s'ils ont peut-être appris deux, trois, quatre ou cinq langues ailleurs avant d'arriver ici et que leur langue maternelle ne soit pas le français, ils n'en restent pas moins des francophones. C'est peut-être la procédure utilisée qui pose problème. Si on continue ainsi, on continuera de constater des problèmes et d'en conclure que le phénomène est en diminution partout au pays.
    Madame Lamarre, j'aimerais juste savoir si vous avez l'impression que ce que je viens de dire pourrait correspondre un peu à la réalité ou si vous êtes complètement en désaccord avec moi.

  (1015)  

    Je ne suis pas en désaccord. Il n'y a qu'à regarder mes propres enfants. Je suis la quatrième génération bilingue dans la famille de mon père, qui était québécois né d'une famille québécoise et acadienne. J'élève mes propres enfants pour qu'ils soient trilingues. Je suis mariée à un immigrant — à vrai dire divorcée d'un immigrant . Mes enfants sont élevés en anglais avec moi, ils fréquentent l'école française et parlent espagnol avec leur père.
    Je ne suis pas la seule dans cette situation. Au XXIe siècle, avoir des compétences dans plusieurs langues est souhaitable.
    Cela voudrait dire que vos enfants ne sont pas de langue maternelle française, mais peuvent quand même être francophones.
    J'ai un ami psychologue qui est venu à la maison un jour. Comme beaucoup de mes amis francophones, il a de la difficulté à s'imaginer qu'il puisse exister une personne « franglophone », c'est-à-dire quelqu'un ayant un sentiment d'appartenance à différents types de réseaux et d'identités. Il a demandé à mes enfants, qui étaient un peu plus jeunes, s'ils étaient francophones ou anglophones, et ma petite fille lui a répondu qu'elle était « bilingualphone ».

[Traduction]

    C'est encore pire que « franglophone ».

[Français]

    Pour mes enfants, cela n'avait aucun sens de devoir se positionner.
    Je fais des recherches ethnographiques avec des jeunes immigrants, à Montréal, de langues différentes. Pour eux, leur demander de se caser dans une catégorie linguistique n'a pas beaucoup de sens. Ils parlent trois ou quatre langues. Or, si on leur demande quelle est la langue la plus importante pour vivre au Québec, ils répondent que c'est le français. Si on leur demande de quoi ils ont besoin pour vivre au Québec, ils répondront qu'ils ont besoin des deux langues. Les francophones diront d'ailleurs la même chose: s'ils veulent vivre à Montréal et occuper un bon poste, ils ont besoin des deux langues.
    J'entends des Français de France dire que ce n'est pas parce qu'ils parlent français que c'est facile de s'intégrer à Montréal. Ce n'est pas la langue qui facilite l'intégration, ce sont les réseaux, le travail, etc. C'est ce qu'on fait au quotidien qui fait qu'on s'intègre à une communauté, non pas la langue.
    Merci beaucoup.
     Merci, monsieur D'Amours.
    Madame Guay.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis québécoise, francophone et très fière de mes racines. Ça ne m'empêche pas de parler deux autres langues.
    En vous écoutant, je me suis dit que vous aviez tous raison, d'une certaine façon, entre autres en ce qui concerne vos sentiments. Vous en avez beaucoup, madame Lamarre, quand vous parlez de la façon dont vous vous percevez. On en a tous.
    Pour ce qui est de la façon dont les anglophones sont traités au Québec, du fait qu'on leur offre des services, on ne peut pas reproduire cela pour les francophones du reste du Canada. Je ne vois pas le jour où cette égalité va exister. Je pense que c'est là où réside la différence. Celle-ci va toujours exister. On ne va pas commencer à construire des écoles. De plus, comme on le disait plus tôt, le gouvernement fédéral n'investit pas d'argent dans la francophonie à l'extérieur du Québec, au contraire.
    Pour ma part, j'ai fait une tournée pancanadienne. Je suis allée rencontrer des francophones de l'extérieur du Québec qui avaient de la difficulté à garder leur centre communautaire ouvert, simplement pour se réunir entre eux. Il faut oublier les écoles et le reste. Je pense que les statistiques sont importantes. Il n'y a pas que les sentiments. Il faut tenir compte des chiffres.
    En ce qui a trait aux chiffres, si vous regardez ceux du gouvernement du Québec, vous allez voir que les comportements linguistiques sont très nuancés chez les immigrants, les francophones, les anglophones. Sur le plan statistique, des indicateurs avec chiffres à l'appui démontrent que la situation linguistique est très complexe. À ce sujet, je vous propose de lire une recherche récente de Michel Pagé publiée par l'IRPP. Elle porte sur l'intégration linguistique des immigrants au Québec. Si on utilise les chiffres et qu'on les « écrase », on obtient un portrait binaire, fondé sur un modèle où, dans une société, il n'y a de place que pour une seule langue. Je me pose des questions sur les villes cosmopolites du XXIe siècle. Je pense que le Québec fait partie de toute cette mondialisation. Pour se positionner sur le marché mondial, Montréal doit composer avec les langues.

  (1020)  

    Mais Montréal le fait déjà.
    Oui, et on ne pourra pas l'empêcher. Ce sont les forces du marché qui...
    On ne veut pas l'empêcher, au contraire.
    Par contre, je pense que certaines statistiques utilisées abondamment dans les médias pour alarmer les gens ont été très « écrasées ». Je n'ai pas peur de le dire. Elles donnent un portrait peu nuancé de la réalité.
    J'aimerais entendre les commentaires de M. Castonguay à ce sujet.
    Vous allez à la source.
    Ce n'est pas moi qui simplifie les réponses doubles et triples de façon égale entre les langues déclarées: c'est Statistique Canada. Cet organisme est à l'origine de cette méthode de travail, et j'adopte cette dernière, comme le font la plupart des autres chercheurs canadiens, madame Lamarre. Quand vous parlez de votre collègue Michel Pagé, vous devriez au moins préciser que vous avez travaillé en collaboration avec lui dans le cadre de cette étude de l'IRPP, que je connais très bien. Pour avoir siégé pendant cinq ans au Comité de suivi de la situation linguistique, je connais très bien également les données de l'Office québécois de la langue française. Je suis sensible à toutes les nuances statistiques et qualitatives qu'on peut apporter à l'information.
    J'invite simplement les membres du comité à ne pas confondre micro-analyse et macro-analyse. J'ai essayé de vous présenter une vision globale simplifiée. Statistique Canada simplifie lui-même ces statistiques. Quand vous vous employez à faire de l'étude ethnographique à partir de 12 sujets dans des écoles françaises, vous ne considérez pas les francophones qui fréquentent l'école anglaise et non cette école. Ce n'est pas une vision globale. Ne vous laissez pas distraire par votre expérience personnelle. Je ne vous dirai pas combien de langues je parle. Ça n'a rien à voir avec la situation globale des langues dans la société canadienne. Si on considère la langue principale parlée à la maison au lieu de la langue maternelle, on constate qu'au cours des cinq dernières années, la croissance francophone au Canada s'est chiffrée à 65 000 alors que la croissance anglophone a été de 800 000. Pour ce qui est de la langue de travail, dont je parle dans mon texte...
    Merci beaucoup, monsieur Castonguay.
    J'ai fait état de toutes les statistiques. J'ai essayé de faire survol de la situation ce matin. On peut se perdre dans les détails.
    Oui, tout à fait. J'assiste à une situation plutôt inusitée, or je veux juste rappeler les règles de procédure du comité. Normalement, les questions sont adressées par les membres du comité aux témoins et vous devez passer par mon intermédiaire pour répondre aux questions.
    Bien que je convienne que les témoins puissent diverger d'opinion, je prierais quand même les membres de bien utiliser leur temps pour adresser leurs questions aux membres et ainsi obtenir des réponses de leur part.
    Sur ce, on va continuer avec Mme Boucher.
    Bonjour, tout le monde. C'est très intéressant. C'est surtout très volcanique quand on parle de l'immigration et de la francophonie. Je viens du Québec, je suis québécoise moi aussi, je suis francophone de souche.
    Quand je suis arrivée ici, à Ottawa, je connaissais yes, no, toaster. J'ai appris à parler l'anglais, et je trouve qu'il y a une très belle complicité entre les deux langues. Je ne me suis jamais sentie assimilée.
    En réalité, nos enfants sont beaucoup plus ouverts sur le monde qu'on ne l'était. Ils ont beaucoup plus d'occasions de l'être, ne serait-ce qu'en raison d'Internet et tout. J'ai des filles qui parlent le français, l'anglais, l'espagnol. L'une d'elles apprend l'italien et elle n'en est pas moins francophone.
    Je trouve ce débat très intéressant. Souvent, on a se fait une certaine idée. Je m'excuse, monsieur Castonguay, mais les chiffres et les statistiques me posent quelque peu problème. Pour ma part, j'ai de la difficulté à m'y retrouver. En revanche, ce que je vis sur le terrain, c'est autre chose.
    J'ai deux questions. On parle souvent de la francophonie par opposition aux anglophones. Je vais commencer par m'adresser à Mme Lamarre ou à M. Jedwab, s'il veut répondre.
    Les critères de définition qu'on utilise pour déterminer ce qu'est un immigrant francophone ou anglophone varient selon les gouvernements. Tout le monde le sait.
    Pouvez-vous nous donner un aperçu des différents critères de définition qui existent? Quel impact ces critères de définition peuvent-ils avoir sur les communautés immigrantes, sur vos analyses et les résultats de vos recherches? Est-ce un succès en ce qui concerne l'immigration dans les CLOSM, les communautés de langue officielle en situation minoritaire?

  (1025)  

    Tout d'abord, les questions posées méritent des réponses beaucoup plus détaillées et beaucoup plus longues. Ce n'est pas facile de simplifier les choses. Même ce que M. Castonguay soulève fait partie d'un débat important, et c'est très difficile de condenser cela dans une analyse très courte. Tout cela pour dire que le contexte auquel nous prenons part à titre d'invités ne nous amène pas nécessairement à aller vraiment dans les détails, moyennant un débat approfondi sur le sujet.
    Je peux, comme M. Castonguay et Mme Lamarre, résumer les différentes catégories. En ce qui concerne Citoyenneté et Immigration Canada, les chiffres sur son site Web portent essentiellement sur deux catégories. Il y a la langue que l'on parle à l'arrivée: le français, l'anglais, l'anglais et le français ou ni l'anglais ni le français. Puis il y a les chiffres que fournit chaque année Citoyenneté et Immigration Canada.
    Ce n'est pas ce qu'offre Statistique Canada. Il offre une autre approche. D'abord, il prend la mesure tous les cinq ans. Il y a une catégorie pour ce qui est de la langue maternelle, qui est la langue que vous avez d'abord apprise et que vous continuez à comprendre. Il y a la langue parlée le plus souvent à la maison. Il y avait, en 2001, différentes catégories de langue le plus souvent parlée à la maison, ce qui portait un peu à confusion. Il y avait également la langue parlée régulièrement. Il y avait donc trois ou quatre catégories en ce qui a trait à la langue parlée à la maison. Il y a aussi la connaissance des langues officielles: Do you know one or the other official language. Il y a aussi plusieurs catégories. Il y a la langue parlée au travail, la langue parlée le plus souvent en milieu de travail. Il y a différentes catégories, on peut vraiment se perdre à l'intérieur de cet ensemble de données.
     Très souvent, le choix que l'on fait de mettre l'accent sur un indicateur ou d'autres va avoir un impact sur la façon de voir la situation de la langue française ou d'autres langues dans un contexte quelconque.
    À Montréal même, on mesure très souvent la situation de la langue française par rapport à la situation sur l'île de Montréal. Et on peut se poser la question: pourquoi l'île de Montréal? Pourquoi sélectionner cette géographie au lieu de la région métropolitaine de Montréal? C'est une autre question. Pourquoi ne pas rattacher Longueuil à l'île de Montréal et enlever Dollard-des-Ormeaux? Pourquoi Dollard-des-Ormeaux est-elle plus apte à faire partie d'un centre urbain, en ce qui a trait à la situation d'une langue quelconque? Il y a beaucoup de facteurs. Et je ne pense pas qu'on soit vraiment capables d'en arriver à des conclusions fortes lors de discussions qui se limitent à des réponses données du tac au tac pendant quelques minutes.
    Merci beaucoup. On arrive déjà...
    Excusez-moi, j'aurais seulement...
    Je comprends quand vous dites que vous vous perdez dans les chiffres. Beaucoup de gens vont s'y perdre.
    J'ai bien de la difficulté en cette matière, de toute façon. J'étais nulle en mathématiques.
    M. Castonguay est excellent en mathématiques.
    Probablement qu'il aurait été un très bon professeur. Dès qu'on me parlait de chiffres, j'en avais des boutons.
    Avez-vous déjà complété des analyses? Si c'est le cas, pourrait-on les recevoir ici, au comité?
    Il n'y aucun problème. Une tonne d'analyses sont faites dans les deux langues officielles. Elles sont disponibles sur le Web. Heureusement, le gouvernement les traduit, on est très chanceux.
    Merci beaucoup, madame Boucher.
    En effet, en ce qui concerne les documents que vous pouvez nous faire parvenir, on peut s'occuper, si ce n'est pas déjà fait, de les faire traduire dans les deux langues officielles.
    On revient à M. Peter Julian.
    Merci, monsieur le président.
    Vous voyez la passion que soulèvent ces questions.
    Monsieur Castonguay, vous avez mentionné plus tôt que le nombre de francophones risque, dans le prochain recensement, de diminuer. Si on consulte le Petit Robert, on constate qu'il définit les francophones comme étant ceux qui parlent français. On sait que le nombre de francophones dans ce pays augmente de plus en plus. Les gens diront peut-être que leur langue maternelle est l'anglais, donc qu'ils ne sont pas francophones. Mais ils sont francophones: ils consomment des produits culturels francophones, ils contribuent à la vitalité de toute notre francophonie au Canada, tout comme les membres de ce comité, d'ailleurs.
    Ce qui me semble le plus intéressant dans la présentation de Mme Lamarre est que, justement, il faut changer nos définitions si on veut vraiment contribuer à un élargissement de la vitalité francophone au pays.
     Je reviens à mes questions précédentes. Quels types de programmes peut-on mettre en place pour justement faciliter ces échanges entre les diverses communautés dont est composée notre francophonie canadienne? Que devrait-on faire pour élargir l'accès aux institutions postsecondaires? Cela fait vraiment une différence.
    Qu'est-ce que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux devraient faire d'autre? Si on s'entend sur le fait qu'on veut une langue française dynamique au Canada, je pense qu'il faut étudier les mesures qu'on devrait prendre, plutôt que de jeter l'éponge et d'abandonner à son sort la francophonie à l'extérieur du Québec.

  (1030)  

[Traduction]

    À mon avis, un type de bilinguisme territorial serait plus approprié pour le Canada, tout comme ce l'est pour la Suisse ou la Belgique, ou même la Finlande, ou d'autres pays bilingues ou multilingues.

[Français]

    Puis-je vous poser une question? Je vous ai posé les questions en français. Vous me répondez en anglais.

[Traduction]

    L'anglais est ma langue maternelle. Mon père était Ernest Napoléon Castonguay, et nous n'avons jamais parlé en français ensemble, pas même un seul mot. Sa mère, je l'appelais « ma mère », puisque je pensais que « ma mère » était son nom, comme Florence ou Édith. Je l'ai appelée « ma mère » jusqu'à l'âge de 20 ans, quand je me suis rendu compte de ce que « ma mère » voulait dire, d'accord? Je suis anglophone à ce point.
    Je pense que le bilinguisme de type territorial correspond à la réalité canadienne. Quand je dis bilinguisme territorial, je ne veux pas seulement parler de zones bilingues pour appuyer les minorités francophones...
    Monsieur Castonguay, je vous prie de vous sentir libre de vous exprimer dans la langue de votre choix. À titre de témoin, c'est votre droit.
    Bien entendu. Eh bien, de toute façon, c'est ma langue maternelle et je m'exprime mieux dans cette langue. Je suis désolé.
    Je pense simplement que cela correspond à la réalité canadienne. La Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, la Commission Laurendeau-Dunton était du même avis. Si vous vous demandez ce que vous pourriez faire pour aider le français au Canada, je vous en prie, pensez à changer la

[Français]

Loi sur la citoyenneté, de manière à ce qu'un candidat à la citoyenneté canadienne qui a élu domicile dans la province de Québec soit tenu de faire preuve d'une connaissance adéquate, minimale ou suffisante du français. C'est de votre compétence, je crois, au gouvernement fédéral. Vous pouvez faire des choses comme cela. Cela aiderait énormément à la cohésion sociale à Montréal et dans l'Outaouais, en particulier. On parle de la moitié du Québec.

[Traduction]

    Au Québec, la zone bilingue est constituée de Montréal, de l'Outaouais et des Cantons de l'Est. Les choses ne vont pas bien, même au Québec. Vous pouvez être très préoccupés par la situation à l'extérieur.
    Venez-vous de la Colombie-Britannique, monsieur Julian?

[Français]

    Oui, mais...

[Traduction]

    D'accord. Pour répondre à la question de M. Weston, en Colombie-Britannique, 90 p. 100 des francophones nés dans la province et dont la langue maternelle est le français adoptent l'anglais comme langue principale parlée à domicile vers l'âge de 25 ou 30 ans, quand ils sont prêts à élever des enfants.
    Le taux d'assimilation... vous ne pouvez pas greffer l'immigration francophone, l'immigration internationale à un tel groupe sans qu'elle dépérisse et devienne une cause perdue. Je suis désolé, mais ce sont les faits.
    J'aimerais dire quelque chose au sujet des statistiques et de ce qui s'appellerait la statistique qualitative. Vous avez demandé ce qu'est un francophone?

  (1035)  

    Très brièvement je vous prie, monsieur Castonguay.
    Dans mon étude en anglais, j'ai parlé d'un sondage réalisé par Statistique Canada en 2006 au sujet du sentiment d'appartenance. On a demandé aux répondants de dire à quel groupe linguistique ils s'identifiaient le mieux. Au groupe francophone seulement, principalement au groupe francophone, aux deux groupes en parts égales, principalement au groupe anglophone ou au groupe anglophone seulement.
    J'ai parlé des résultats à neuf heures, au cours de ma déclaration préliminaire. Les francophones qui vivent à l'extérieur de la zone bilingue et à l'extérieur du Québec s'identifient essentiellement comme des anglophones dont la langue maternelle est le français. C'est ainsi qu'ils s'identifient plus tard au cours de leur vie, à l'adolescence, à l'âge adulte. C'est la meilleure définition de ce qu'est un francophone.
    Que ressentez-vous? Quelle est votre conviction profonde? À quoi vous identifiez-vous? À quel groupe vous identifiez-vous le plus? C'est fondé sur un échantillon aléatoire, pas comme la plupart...

[Français]

    Merci, monsieur Castonguay.
    Je m'excuse encore une fois de vous interrompre. Nous allons entamer le troisième tour de table. Ensuite, on trouvera une façon de compléter notre rencontre.
    Madame Zarac, à vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis d'accord avec M. Castonguay quant au fait qu'on doive consacrer plus d'efforts dans les régions en situation minoritaire. À plusieurs reprises, on a entendu dire qu'il fallait y consacrer plus de ressources pour s'assurer de garder cette vitalité.
    Par contre, il s'agit d'un portrait très complexe. Cette complexité augmente parce qu'on est, au Canada, un produit du multiculturalisme. Je m'identifie facilement à Mme Lamarre. Moi aussi, j'ai un ex-conjoint qui est un immigré. Mes enfants ont toujours été considérés comme des allophones bien que leur langue maternelle ait été le français. On parlait constamment le français.
    À présent, ma fille demeure en Ontario. Elle a un enfant qui parle la plupart du temps en anglais, mais dont le milieu familial est francophone. Le portrait est donc très complexe. Je crois qu'à un certain moment, il faut être en mesure de faire la distinction entre langue parlée et identité francophone. On mélange les deux. C'est certain que c'est lié. En termes de statistiques, je crois fermement que l'on peut faire dire à peu près n'importe quoi à des chiffres si on ne pose pas les bonnes questions.
    Croyez-vous que Statistique Canada pose les bonnes questions pour être en mesure de nous donner un portrait fidèle? Cela peut être inquiétant de constater qu'on a moins de francophones au Québec ou au Canada et qu'il y a de plus en plus d'anglophones. Est-ce que c'est un portrait juste?
    Statistique Canada a des données qui, à mon avis, sont peu traitées, qui ne sont pas assez analysées. Statistique Canada donne énormément d'informations et elles coûtent cher à traiter. De plus, ça prend une volonté de saisir la complexité.
    Depuis 40 ans, on s'organise dans un cadre de dualité linguistique. Ça a réussi à créer une certaine paix linguistique au pays pendant une quarantaine d'années. Je pense que les communautés et les gens qui vivent ces langues — même ceux qui s'identifient en tant que francophones, anglophones et tous les autres qui ne s'identifient peut-être pas comme tels — vont transformer la façon dont on doit vivre les langues officielles au Québec et au Canada. La francophonie québécoise change autant que l'anglophonie a changé, l'an passé, au Québec. L'anglophonie québécoise est très multiculturelle et la francophonie va le devenir grâce à la Loi 101. C'était le but de la Loi 101 d'aller chercher des gens d'ailleurs: ça transforme de l'intérieur. Alors, oui, les statistiques peuvent nous indiquer beaucoup de choses.
    En 2006 — si ma mémoire est bonne —, il y a eu une enquête sur les langues officielles qui posait des questions beaucoup plus nuancées. Grâce aux statistiques, on est capable d'aller observer avec plus de complexité. Par contre, ce qui est repris dans les médias et ce qui est souvent utilisé pour créer des sentiments d'alarme, ce sont des statistiques qui sont « écrasées ».
    Regardons les statistiques, mais regardons-les avec un regard éclairé et nuancé. Ça n'enlève rien à ce que fait l'ethnographie et à ce que font les statistiques. Ce sont deux types de recherche qui vont nous éclairer de façon différente, mais on ne peut pas faire qu'un seul type de recherche.

  (1040)  

    Il vous reste une minute, madame Zarac.
    Pouvez-vous approfondir ce que vous entendez par « statistiques écrasées »?
     Que fait-on avec quelqu'un qui donne deux réponses? On en envoie une moitié aux francophones et l'autre moitié aux anglophones? Si on écrit avoir deux langues maternelles, on n'existe pas.
    Pose-t-on alors les bonnes questions?
    La question est posée, mais les réponses ne sont pas traitées en conséquence. De plus, souvent, la majorité des questions dans les enquêtes faites jusqu'à tout récemment — mais ça change, les indicateurs changent —, ont été: quelle est langue la plus souvent utilisée au travail? quelle est la langue la plus utilisée à la maison? On ne demande pas: quelle sont les langues que vous utilisez à la maison? quelles sont les langues que vous utilisées au travail? et dans quelle proportion?
    Par contre, ça a changé. Les données du gouvernement du Québec sont beaucoup nuancées quant à l'utilisation des langues au travail. Ça donne un portrait plus nuancé. On est capable de faire parler les statistiques de façon plus nuancée.
    Merci beaucoup, madame Zarac.

[Traduction]

    Nous poursuivons avec madame O'Neill-Gordon.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue. C'est fantastique de vous accueillir ici ce matin.
    Comme je viens du Nouveau-Brunswick, la seule langue officielle du Canada... et puisque je suis aussi une éducatrice, je dois répéter ce qui a été dit ici ce matin. Il est certain que j'ai été témoin, personnellement, de l'augmentation du nombre de personnes anglophones qui inscrivent leurs enfants dans les programmes de français langue seconde ou d'immersion française. Je constate que les anglophones essayent de plus en plus de devenir bilingues et d'apprendre le français aussi bien qu'ils apprennent l'anglais.
    En ce qui concerne l'attraction, le Comité directeur Citoyenneté et Immigration Canada - Communautés francophones en situation minoritaire favorise les établissements d'enseignement postsecondaires comme moyen à utiliser pour augmenter le nombre de résidents permanents francophones. Croyez-vous que c'est une bonne stratégie? Les établissements de langue anglaise du Québec font-ils la même chose pour les immigrants anglophones?
    À qui s'adresse la question?
    À n'importe lequel d'entre vous.
    Pourriez-vous répéter la question? Désolé, Tilly, mais je n'ai pas bien compris.
    Considérez-vous que les établissements postsecondaires sont un bon moyen d'augmenter le bilinguisme dans vos écoles, dans votre collectivité?
    Dans la mesure où ces établissements offrent des cours de langues ou requièrent qu'il y en ait... Dans le cas de mon établissement, l'Université McGill, je crois que rien n'oblige les étudiants à apprendre le français. Je ne sais pas non plus s'il serait possible, dans cet établissement, de créer une telle obligation. Vous serez peut-être capables de trouver d'autres mesures incitatives, mais je doute que vous soyez capables de créer une obligation comme celle-là. Mais encore...
    Je pense qu'elle veut savoir quels programmes postsecondaires de langues sont offerts dans les universités anglophones.
    Pensez-vous que c'est la marche à suivre?
    Je vois. Je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine. Je ne sais pas si vous le savez... vous le savez peut-être mieux que moi.
    Si je comprends bien, il s'agit de savoir s'il faut continuer à soutenir l'enseignement postsecondaire dans les langues de la minorité, comme à l'Université de la Colombie-Britannique, et s'il faut qu'il y ait des programmes de formation d'enseignement du français. Si vous parlez de Saint-Boniface ou d'endroits comme celui-là, oui, bien sûr. Le plus d'endroits où vous le pouvez... l'apprentissage d'une langue est l'affaire de toute une vie. Je pense que c'est quelque chose dont nous devons nous souvenir.
    Si nous exigeons que les gens apprennent le français avant de pouvoir devenir citoyens, cela signifie qu'ils n'auront pas toute la vie pour l'apprendre. L'acquisition des compétences se fait toute la vie durant. Cela signifie que vous allez classer les gens en deux groupes: ceux qui peuvent apprendre le français et ceux qui ne le peuvent pas. Si vous arrivez quelque part et que vous n'avez pas de connaissances en français, vous pouvez les acquérir à l'âge adulte. Ce n'est pas terminé. Rien ne permet de le penser. J'ai vu les bienfaits du soutien fédéral à l'enseignement postsecondaire à l'extérieur du Québec dans des endroits comme l'Université Sainte-Anne, l'Université Simon Fraser et les universités de l'Alberta. Il s'agit d'endroits où vous pouvez vivre en français et poursuivre votre apprentissage en français, que vous ayez appris le français en immersion française, dans une petite école de village ou dans un quartier francophone de Winnipeg.

  (1045)  

    La seule chose que j'ajouterais, cependant, c'est ceci. Et je comprends ce que vous dites au sujet de l'intérêt des gens pour l'immersion et ainsi de suite. Mais ma conclusion, je dois dire, est aussi fondée en grande partie sur les statistiques. Je ne suis pas aussi satisfait que j'aimerais l'être du taux d'apprentissage du français par les anglophones hors Québec. Je pense qu'il y a encore considérablement de travail à faire à cet égard, et je ne relâcherais pas mes efforts à ce sujet.
    Monsieur le président, je ne suis pas certain s'il m'est permis de parler d'une question précédente ou s'il faut que j'attende une prochaine question.
    C'est à la députée de décider.
    À des endroits comme la Colombie-Britannique et l'Alberta, en dépit du fait que l'assimilation est une préoccupation importante et légitime, il y a eu une croissance de la population francophone dans ces régions du pays, et elle est due en grande partie à la migration. Ce n'est pas une migration qui découle de l'immigration, mais de Québécois francophones qui se sont installés à ces endroits. Je pense que cela renforce le besoin de services de soutien pour les collectivités de ces régions. Certains retourneront peut-être au Québec, d'autres pas. Mais au moins, à titre de Québécois, ils y ont droit, je crois.

[Français]

    En tant que Québécois, ils ont le droit, n'importe où au Canada, d'avoir des gouvernements — notamment le gouvernement fédéral, à cause de son engagement législatif vis-à-vis de la vitalité — qui créent des conditions grâce auxquelles ces gens peuvent continuer à vivre dans leur langue malgré les pressions sociales que M. Nadeau a soulevées, qui sont en effet difficiles.
    En passant, ma langue maternelle est l'anglais, mais j'aime parler le français. C'est pourquoi je le fais. Ma femme est immigrante francophone — same one...
    Des voix: Ah, ah!
    M. Jack Jedwab: ... et mes enfants sont en effet, à la fois, anglophones et francophones.
    « Bilingualphone »...
    Ça dépend des circonstances. Ils en tiendront compte: ils vont parler français dans certaines circonstances et anglais dans d'autres.

[Traduction]

    Merci, madame O'Neill-Gordon, d'avoir partagé votre temps avec d'autres questions de...
    Nous poursuivons avec monsieur Nadeau.
    Merci, monsieur Blaney.

[Français]

    On est dans une situation en Amérique du Nord où il y a un melting pot — surtout aux États-Unis, on s'entend. Au Canada, on est dans une situation où le gouvernement est bilingue, c'est-à-dire que la fonction publique est bilingue, mais pas le pays. Il y a une province qui, sur papier, est bilingue, c'est le Nouveau-Brunswick. Le Québec se déclare français depuis la Loi 22 de Robert Bourassa et les autres provinces sont anglaises. C'est la réalité.
    Il y a une autre réalité, en ce qui me concerne, et c'est la raison pour laquelle je suis en politique: il y a un cancer dans ça. C'est un peu comme avoir un cancer, mais sans le reconnaître. C'est l'assimilation ethnolinguistique, c'est la perte du fait français. Qu'on appelle ça des « statistiques écrasées », de la négation ou du déni, il y a des discours — je les entends. Il n'en demeure pas moins qu'au bout du compte, décennie après décennie, depuis 1951, depuis ces recensements, la perte du fait français monte à l'avantage de l'anglais. Je parle du Canada. C'est ainsi dans certaines régions du Québec, mais surtout dans le grand portrait du Canada.
    Je me souviendrai toujours, quand je suis allé à Bellegarde, en Saskatchewan, d'avoir rencontré un certain M. Cormier, qui m'a dit — avec un nom comme Cormier: « I'm proud to be French Canadian, even if I don't speak the language.
    Mon beau-frère est un Irlandais de Québec. Il s'appelle Terry Bowles. Je lui enverrai les « bleus ». Nous nous sommes souvent disputés. Il me demandait pourquoi j'enseignais le français en Ontario. Je lui ai demandé s'il était anglais et il m'a répondu qu'il était irlandais. Je lui ai demandé de me parler en gaélique et il ne l'a jamais fait. Il a droit à son identité et j'ai droit à la mienne. Une chose est certaine, la force de notre peuple d'expression française en Amérique du Nord nous vient du fait que l'on parle encore notre langue. C'est grâce à nous et à nos combats. Ce n'est certainement pas grâce au gouvernement fédéral, qui a permis à certaines provinces de fermer des écoles francophones, d'assimiler les gens, etc.
    Louis Riel n'a pas été pendu pour rien, parlez-en à M. Goldring. Il ne faut pas mettre des lunettes roses. Il faut avoir l'heure juste et regarder la réalité en face.
    J'aimerais poser une question à M. Castonguay. Qu'en est-il de la perte du fait français, dans la réalité? En Saskatchewan, j'enseignais à l'école canadienne-française. On essayait de faire du recrutement. Il y avait alors 10 000 jeunes francophones fransaskois en Saskatchewan. De ce nombre, on a pu en recruter 1 000. Les 9 000 autres jeunes fréquentaient des écoles anglaises. Bien qu'il s'agissait d'ayants droit, on n'avait pas tous les effectifs. Il fallait que les parents les inscrivent à notre école. On n'avait pas les effectifs pour faire cela. C'est une responsabilité provinciale. Ne me dites pas que le fédéral peut recruter dans les écoles françaises pour aider les écoles fransaskoises, ce n'est pas vrai.
    Qu'en est-il de la situation de l'assimilation, monsieur Castonguay?

  (1050)  

    Il reste vous 1,5 minute, monsieur Nadeau.

[Traduction]

    Je ne peux que vous donner une réponse globale, parce que nous n'avons pas le temps de regarder cela province par province, ni même regarder l'Est de l'Ontario par rapport au Sud de l'Ontario et des choses comme cela.
    En 2006, pour l'ensemble du Canada, l'assimilation a conduit à une différence de trois millions, au Canada, entre la population dont l'anglais est la langue principale parlée à la maison et la population dont le français est la langue principale parlée à la maison. Quelque 400 000 personnes de langue maternelle française... C'est une valeur nette, une donnée écrasée. Je ne sais pas comment on appellerait cela en anglais. Je n'avais jamais entendu cela auparavant, « des données écrasées », mais il s'agit d'une valeur d'ensemble, globale, nette. Donc, 400 000 personnes de langue maternelle française ont déclaré que l'anglais était la langue principale parlée à la maison. Voilà le taux d'assimilation. Dans l'ensemble du Canada, 2,4 millions d'allophones ont déclaré l'anglais comme la langue principale parlée à la maison. Quelque 200 000 ont dit que c'est le français.
    Quand on jongle avec ces chiffres, on arrive à un gain net pour l'anglais, dans l'ensemble, de 2,8 millions de nouveaux locuteurs de la langue anglaise grâce à l'assimilation linguistique au Canada en 2006 — 2,8 millions. Pour le français, il y a eu une perte de 400 000 francophones anglicisés, mais un gain de 200 000 allophones qui sont devenus locuteurs du français, pour une perte nette de 200 000. La différence entre 2,8 millions de plus pour l'anglais et 200 000 de moins pour le français est de trois millions. En bon français, on dirait que « ça fait du monde à la messe ». Ce n'est pas un phénomène marginal. Il faut le regarder bien en face.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Castonguay.
     Merci, monsieur Nadeau.
    Ce matin, on constate, par les propos de nos témoins, que chacun se sent directement interpellé dans son identité linguistique, culturelle et, parfois, matrimoniale. On se sent comme des acteurs du devenir des communautés linguistiques officielles.
    On arrive à la fin de notre rencontre. On a complété trois tours. On m'a dit qu'il serait peut-être possible de prolonger la séance au-delà de 11 heures, car aucun autre groupe n'a besoin de la salle. J'aimerais connaître l'opinion des membres quant à la suite des choses.
    Seriez-vous d'accord pour que l'on poursuivre un peu notre réunion? On fera donc un quatrième tour complet. Cela convient-ils à tous?
    Combien de temps de plus cela durera-t-il?
    Une voix: On a aussi des rendez-vous.
    M. Richard Nadeau: C'est simplement pour savoir.
    Si on faisait un quatrième tour, cela nous mènerait à 11 h 15, environ.
    Personnellement, ça me va.
    Ai-je l'accord des membres?
    Des voix: Oui.
    Le président: On fait un quatrième tour complet et on mettra fin à cette rencontre par la suite.
    On entame tout de suite le quatrième tour.
    Madame Glover, secrétaire parlementaire pour les Langues officielles, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous les témoins.
    J'avais des frissons en vous écoutant, madame Lamarre, parce que vous parliez pour moi. Je suis née anglophone, mais je suis très fière d'être en même temps francophone. Je reconnais que, si on me le demande, la langue de mon coeur, ce sont vraiment les deux. Ensuite, tout ce que vous avez dit, monsieur Castonguay, m'a brisé le coeur. Or mon coeur est très fort, et je crois qu'on a le potentiel de changer vos données.
    Lorsque les représentants de Statistique Canada ont comparu en comité au cours de la précédente séance, on a parlé du fait que les questions n'étaient pas représentatives de la réalité. Vous l'avez également souligné, madame Lamarre. Au lieu de demander au répondant quelle langue il parle à la maison, on devrait lui demander quelles langues il parle — au pluriel —, afin de traduire vraiment la réalité de la situation.
    Comme l'a dit M. D'Amours, on évite de regarder le portrait d'ensemble. On est tellement centré sur des questions trop détaillées que l'on passe à côté de la réalité de la situation.
    Je m'excuse, monsieur Nadeau, mais je ne vois pas la situation du Canada comme un cancer. C'est un pays qui offre de belles possibilités à nos immigrants. Ceux-ci m'aident à continuer de perfectionner mon français. C'est grâce à des personnes comme la soeur de M. D'Amours, francophone venue s'installer à Saint-Boniface, que mes enfants sont bilingues. C'est donc très important.
    Monsieur Jedwab, dans l'article intitulé « Where there's a will there's a way? » que vous avez produit, vous avez répondu à des questions qui ne sont pas nécessairement posées par Statistique Canada. Cela répond à une de mes questions. J'aimerais que l'on parle de vos données. M. Castonguay parle toujours de la diminution du français dans les communautés francophones, mais dans votre article vous parlez du nombre d'anglophones de naissance qui utilisent le français au travail. Statistique Canada en dénombrerait 400 000, mais M. Castonguay ignore tout cela. Il est important de remarquer que l'influence des francophones envers le reste du Canada nous aide à augmenter le niveau de français.
    Pouvez-vous préciser de quelle façon les francophones du Canada influencent et augmentent le niveau de français partout dans les autres communautés en situation minoritaire?

  (1055)  

    Personnellement, je pense que c'est surtout au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans la région de la capitale nationale que l'on a constaté, historiquement, une augmentation du nombre des anglophones qui parlent français en milieu de travail. C'est justement à cause des pressions exercées à cet égard et grâce en grande partie au gouvernement fédéral qui a également fait pression au moyen d'exigences d'emploi, de connaissance des langues officielles, que nous avons cette augmentation.
    Jamais, dans l'histoire du Québec, autant d'anglophones et de non-francophones n'ont parlé le français. C'est également vrai pour le Nouveau-Brunswick et l'Ontario en ce qui a trait aux nombres réels de non-francophones, d'anglophones qui parlent le français. Il y a une progression. Même M. Castonguay ne peut pas nier cet accroissement d'anglophones qui parlent le français au Québec. C'est à un niveau historique jamais vu.
    Il y a donc également de bonnes nouvelles et il faut continuer à exercer une pression et pas seulement au moyen d'un message selon lequel on aimerait que les gens parlent français, que ce serait très bien, très gentil de leur part. Cela va prendre des pressions au palier fédéral, notamment dans les communautés où il est possible d'encourager les gens par différents moyens à parler le français. Il faut encourager les compagnies qui font affaire avec le gouvernement fédéral à offrir également des services en français. Je sais que cela peut être tough, mais cela prend des mesures tough. Pour ma part, je garde espoir, je suis optimiste face à l'avenir.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais soulever un argument. On s'est éloignés de notre sujet de départ qui était l'immigration francophone. M. Weston a soulevé un élément très important. Cette idée de décourager des immigrants de s'installer à l'extérieur du Québec comporte un message. Le message est peut-être plus important que les chiffres. Si on envoie le message selon lequel un immigrant francophone ne devrait pas s'installer ailleurs qu'au Québec, on peut envoyer le même message aux Québécois francophones qui désirent se déplacer ailleurs au Canada. On peut également revenir à un scénario, si on suit la logique — logique que je suis certain que ni M. Nadeau ni M. Castonguay ne partagent: on peut dire que tous les anglophones qui habitent de l'autre côté du pont...
    Est-ce que je peux me permettre de continuer? Monsieur Castonguay, je sais que vous aimez... Permettez-mois de terminer, je n'ai pas parlé beaucoup aujourd'hui. J'aurai fini dans quelques secondes, monsieur Blaney.
    Mme Shelly Glover: Allez-y, monsieur Jedwab.
    M. Jack Jedwab: Je parle de cette logique selon laquelle tous les anglophones devraient habiter d'un côté de la région de la capitale nationale et tous les francophones, de l'autre côté. Je sais, madame, que vous ne partagez pas cette vision des choses, mais le message qu'on envoie aux immigrants francophones selon lequel ils ne devraient pas se déplacer à l'extérieur du Québec contient une espèce de message un peu plus large qui dit que logiquement, idéalement, tous les francophones devraient être d'un bord et tous les anglophones, de l'autre. Je ne pourrai jamais tolérer ni accepter ce message. C'est un peu cela. Au-delà des chiffres, des bons chiffres, des mauvais chiffres, des bons et mauvais indicateurs, il y a un message qu'on envoie à notre société et à nos enfants, mes enfants, ceux de Mme Lamarre et beaucoup d'autres.

  (1100)  

    Merci beaucoup.
    Merci, madame Glover.
     Je vois qu'il y a d'autres témoins et trois membres du comité doivent encore poser des questions. On va sûrement avoir l'occasion d'entendre les autres témoins.
    Sur ce, monsieur Bélanger, je crois que vous souhaitez intervenir.
    C'est fascinant, monsieur le président. On a ici un microcosme du Canada et de son avenir. C'est ce qui est fascinant. Je pensais suivre l'exemple de M. Castonguay, mais je vais plutôt m'exprimer comme je le désire. Des phrases me revenaient à l'esprit en écoutant tout cela. Je pensais à ma volonté de faire du Canada un endroit où je pourrais vivre en tant que francophone. Je disais plus tôt être « franglophone », mais je suis foncièrement francophone. Par contre, je veux vivre en anglais également parce que j'ai fait l'effort d'apprendre cette langue. C'est ma deuxième langue, et j'aimerais en apprendre une troisième. Tout ça est personnel, cependant.
    Pour ce qui est du portrait d'ensemble, je rejoins M. Castonguay. Au fil de son histoire, le Canada a vu le fait français s'amenuiser. Pour ma part, la question qui m'anime est la suivante: avec une volonté de la part du gouvernement canadien, principalement, et des gouvernements provinciaux, serait-il possible d'enrayer ce phénomène d'assimilation et, éventuellement, de renverser cette tendance? C'est la question fondamentale qui nous anime, ou du moins qui devrait nous animer.
    Dans une version française du Reader's Digest, j'ai lu un jour cette fameuse phrase selon laquelle le pessimiste et l'optimiste sont tous deux nécessaires à la société: l'un a inventé l'avion et l'autre le parachute. Je suis du côté des optimistes. Ma question est simple, mais extrêmement complexe. Je ne m'attends pas à obtenir une réponse aujourd'hui. C'est une réponse à laquelle il va falloir travailler, à mon avis.
    Avec une volonté du gouvernement de créer des institutions, comme on l'a fait dans le cas des conseils scolaires partout au pays et des centres de la petite enfance — et ici, je reviens à l'exemple de Whitehorse, où un centre de la petite enfance s'appelle la Garderie du Petit Cheval Blanc, ce que j'ai adoré — et une immigration francophone, qu'elle soit concentrée au Québec ou ailleurs, serait-il possible de renverser cette tendance?
    Il faut plus que des institutions. Je pense qu'on a manqué le bateau au cours des années 1960. On avait confié un mandat à la commission royale d'enquête.

  (1105)  

    Vous avez environ deux minutes pour répondre, monsieur Castonguay.

[Traduction]

    Le plan de travail ou le mandat, peu importe comment on l'appelait, qui a été donné aux commissaires consistait à savoir comment le Canada pouvait se développer « d'après le principe de l'égalité entre les deux peuples qui l'ont fondé ». Pearson a signé ce document, et ce n'est pas vers cela que se sont dirigés la Commission et — plus tard, sous la direction de Pierre Trudeau — le gouvernement du Canada.
    Actuellement, nous sommes dans une situation où nous ne sommes pas dans un pays biculturel, où nous ne sommes pas dans un pays binational. Ce sont des calculs bien étranges. Parfois, je suis aussi stupéfait par les chiffres. Nous avons une nation, deux langues officielles et de nombreuses cultures — une, deux, plus encore. Je ne sais pas de quelle façon vous voulez calculer cela, mais cela ne colle pas. Notre erreur, c'est de ne pas avoir reconnu la nation canadienne-française, comme telle, en tant que partenaire égal — un partenaire potentiellement égal — pour la nation canadienne-anglaise.
    Maintenant, ce genre de reconnaissance requiert davantage qu'un simple vote dans une chambre du Parlement qui dit que le Québec est une nation. Il faut aussi joindre l'acte à la parole.

[Français]

    Monsieur Castonguay, permettez-moi de vous interrompre.
    Je ne veux pas jouer au professeur d'école, mais si vous voulez faire des devoirs et nous les envoyer, je m'engage à les lire.
    J'aimerais que les deux autres témoins puissent profiter du temps qui reste.
    Je voudrais ajouter un point important au débat. Je reviens à la question de départ: que faire des immigrants francophones? À quels endroits allons-nous essayer de les envoyer pour qu'ils s'y établissent? Ce dilemme touche aussi le Québec. Allons-nous tenter de les envoyer dans des régions du Québec pour qu'il y ait une diversification de la francophonie à l'extérieur de Montréal? Dans les faits, on peut leur dire de s'établir quelque part, mais par la suite, ils vont choisir l'endroit où ils veulent aller. Où vont-ils aller? Ça va varier d'une personne à l'autre.
    Merci beaucoup.
    On va enchaîner avec M. Julian.
    On a eu des débats au sujet de la définition de la francophonie. Je ne vais pas y revenir, mais j'aimerais qu'on revienne sur les recommandations.
    C'est l'aspect le plus important de votre témoignage aujourd'hui. Au-delà des débats qui cherchent à savoir si on abandonne tout ça aux mains des communautés francophones à l'extérieur du Québec, on présume que notre intérêt à tous est de promouvoir le fait français partout au Canada en équilibre avec les droits des anglophones qui existent déjà au Québec. Cet équilibre est important.
    Ma première question s'adresse à M. Jedwab et à Mme Lamarre. Quelles recommandations claires pourriez-vous nous donner afin de maintenir ou même d'augmenter la présence des immigrants francophones à l'extérieur du Québec et d'améliorer leur qualité de vie en français?

[Traduction]

    Je suis pour l'idée de diriger les immigrants qui sont recrutés et attirés par les collectivités de l'extérieur du Québec en fonction des initiatives communautaires de soutien aux francophones qui émigrent à l'extérieur du Québec. Le gouvernement fédéral doit s'engager non seulement à appuyer cette idée, mais aussi à fournir à ces collectivités les ressources nécessaires pour accueillir ces personnes de façon convenable.
    Maintenant, permettez-moi de dire quelque chose...

  (1110)  

[Français]

    De quelles ressources parlez-vous?
     Mme Lamarre a parlé de ressources communautaires et de projets de communautés-écoles. C'est difficile en raison de la question des compétences provinciales, en fait. Peut-être peut-on travailler avec les gouvernements provinciaux à cette fin, si la volonté y est. Espérons que ce soit le cas.
    Par ailleurs, il faut aussi établir clairement les conditions qui existent dans ces communautés et ne pas prétendre, à l'intention des immigrants qui désirent aller dans ces communautés, que l'anglais ne fait partie de la réalité à laquelle ils seront confrontés. Il y a effectivement des taux de perte linguistique variables. On a vu l'expérience du Nouveau-Brunswick. M. Castonguay a constaté de bonnes nouvelles au Nouveau-Brunswick. Alors, tout est possible.
    En réponse à M. Bélanger, il est possible, dans certains endroits, de contourner la réalité, selon M. Castonguay qui a fait allusion au Nouveau-Brunswick. Par contre, c'est difficile à faire et cela prend du temps. Il faut toutefois présenter la réalité à ces immigrants potentiels et leur expliquer les circonstances et les situations dans divers endroits.
    En Saskatchewan, dans les circonstances, il sera effectivement très difficile pour un immigrant francophone de préserver sa langue sans que des ressources extraordinaires soient mises en place. Même là, ce sera difficile. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas accompagner, si c'est possible, un immigrant francophone ou même un Québécois francophone qui désire s'établir en Saskatchewan. Il faut veiller à soutenir les communautés grâce aux ressources nécessaires, afin de permettre à l'immigrant ou à l'émigrant du Québec de vivre socialement en français, car il faut reconnaître que cela sera extrêmement difficile à faire en milieu de travail.
    Merci.
    Madame Lamarre.

[Traduction]

    Rapidement, je pense que vous devez parler à plus de personnes, et non seulement à nous trois qui sommes ici. Si vous parlez à des associations francophones de l'Alberta et de la Saskatchewan, vous verrez que leur définition de communauté comprend la diversité et qu'ils veulent cette immigration. Ils sont là, ils les veulent. Vous devez donc écouter ce que ces gens ont à raconter, et pas seulement nous trois.
    L'autre chose, c'est que je pense qu'on perçoit toujours la francophonie hors Québec comme un phénomène rural. Ce n'est pas nécessairement vrai. Il y a Toronto.

[Français]

    Il y a une francophonie à Toronto tout comme à Moncton et à Vancouver. Elle est déjà diversifiée et vivante, même si on aimerait penser qu'elle est morte. Si on leur demande, eux-mêmes répondront qu'ils sont bien vivants. Je regrette, mais on est là.
    Merci beaucoup, monsieur Julian.
    Effectivement, on recevra les représentants des communautés linguistiques officielles, notamment les communautés françaises.
    Avant de donner le mot de la fin à M. Nadeau, je veux vous remercier de vous être déplacés, chers témoins. Vous nous avez fourni beaucoup de matériel pour notre étude. En réalité, vous allez orienter les questions que nous pourrons justement poser aux témoins que nous recevrons.
    Monsieur Nadeau, à vous le mot de la fin.
    Merci bien.
    Je continue toujours selon la formule question-réponse. Selon ce que Mauril disait plus tôt et ce que M. Castonguay disait aussi,

[Traduction]

    « Il faut aussi joindre l'acte à la parole. »

[Français]

    Je me souviens d'un monsieur de La Broquerie, au Manitoba, que j'aime beaucoup, qui vit maintenant dans la région et qui a déjà été mon patron. Il s'agit de Ronald Bisson, le directeur général de la Fédération de la jeunesse canadienne-française. Il avait demandé à Roger Bernard, qui nous a malheureusement quitté — il est décédé —, de faire une étude intitulée Vision d'avenir de la francophonie. En quatre volumes, il disait que cette étude était un premier tracé à faire pour parvenir à l'assimilation zéro et à la « refrancisation » avancée.  Quand j'étais à la Fédération des francophones de Saskatoon, j'avais proposé cela comme un champ de bataille pour l'Association culturelle franco-canadienne de Saskatchewan de l'époque, qui est devenue l'Association communautaire fransaskoise, et l'on avait ri de moi. Qu'on rie de moi, ça ne me pose aucun problème. N'empêche que le problème est là, car on disait là-bas qu'il n'y avait plus rien à faire. Imaginez-vous! C'étaient des gens qui étaient à Moose Jaw pour repenser l'avenir de la fransaskoisie. Cependant, j'ai quand même continué à me battre pour cela. On demandait une province bilingue et on demandait d'effacer les gestes des conservateurs de Grant Devine: ils avaient jeté des choses à la mer en ce qui a trait à la francophonie, et on considérait que c'était épouvantable. Donc, il faut savoir cela.
    En effet, il y a des communautés qui sont toujours là, madame Lamarre, et je suis conscient qu'il faut les aider. Toutefois, il faut aussi être conscient de l'assimilation et du fait que la masse critique francophone en Amérique du Nord, sur un territoire, forme une nation, et c'est le Québec. Il ne faut pas oublier ce cap. Car si le Québec subit l'assimilation ou rétrécit, son rayonnement... Il ne faut pas affaiblir le côté le plus fort. Il faut aider les plus faibles dans ce combat, mais il faut voir où mettre nos énergies.
    Monsieur le président, M. Castonguay peut-il déposer ses deux études aux fins de traduction? Ainsi, on pourrait les avoir en temps et lieu une fois la traduction faite.

  (1115)  

    Il faut vérifier cela auprès de M. Castonguay.
    Êtes-vous d'accord pour déposer vos études aux fins de traduction?
    Cela ne pose aucun problème.
    D'accord. On fera ça et on pourra avoir les traductions une fois faites.
    Je veux conclure. On a demandé à M. Jedwab et à Mme Lamarre quelles recommandations on allait mettre dans notre rapport sur la question de l'immigration de la francophonie.
     Monsieur Castonguay, que mettriez-vous dans notre rapport touchant à l'immigration de la francophonie hors Québec? Est-ce là où on doit diriger cette immigration ou doit-on la diriger vers le Québec? Quelles sont vos recommandations?
    Vous avez peut-être deux minutes.
    Je pense qu'il y aura toujours des francophones du Québec ou de l'étranger qui seront attirés par la Colombie-Britannique, tout comme il y a énormément de francophones qui sont attirés par le climat et les emplois en Californie. On en a parlé ce matin. C'est parfait. Qu'ils s'épanouissent. Cependant, si l'on veut investir là où ça va rapporter, à moyen et à long terme, pour renforcer le français au Canada, une politique bien avisée d'orientation des immigrants allophones au Canada — je me répète — devrait les orienter à Québec, à Montréal, à Gatineau, à Ottawa, à Moncton, à Sudbury, essentiellement dans la bilingual belt et au Québec.
    Pour ce qui est des francophones ailleurs, il n'y a aucune raison pour qu'on n'ait pas une politique d'encouragement de la vitalité culturelle, telle que le théâtre, les tournées de chansonniers, la littérature, etc., comme ce que j'espère qu'on pourrait peut-être avoir aussi pour les francophones de la Californie ou de Los Angeles, de New York ou de Chicago. Ils font partie de francophonies importantes et sont aussi de potentiels consommateurs de produits culturels en langue française provenant du Canada plus importants en nombre que ceux de Vancouver.
    Alors, il faut une politique nuancée et non pas « écrasée ».
    C'est parfait.
    Sur ce mot de la fin, je voudrais vous remercier. Je pense qu'on a presque eu une réunion historique du Comité permanent des langues officielles aujourd'hui. Je voudrais remercier les membres de leur passion.
    Sur ce, la séance est ajournée.
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