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SECU Rapport du Comité

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CHAPITRE 5 : OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITé

5.1.      INVESTIR EN AMONT AFIN QUE LES PERSONNES ATTEINTES DE TROUBLES MENTAUX ET DE TOXICOMANIE NE FINISSENT PAS EN DÉTENTION EN RAISON D’UN MANQUE DE RESSOURCES DANS LA COLLECTIVITÉ

Lorsqu’il s’agit de délinquants atteints de troubles mentaux, le meilleur moyen de prévenir le crime est de traiter ces troubles, mais nous avons un système carcéral, pas un système de santé. La meilleure façon d’éviter que ces gens n’aient maille à partir avec la loi, c’est sans doute de leur offrir les services et traitements voulus dans la collectivité avant qu’ils n’arrivent dans les services correctionnels[46].

Cet extrait du témoignage de l’enquêteur correctionnel résume bien le sentiment partagé par un grand nombre de témoins rencontrés au Canada, en Norvège et en Angleterre. Bien que l’examen n’ait pas porté précisément sur les initiatives communautaires de prévention en matière de santé mentale et de toxicomanie, il s’agit, croit le Comité, d’un aspect clé de la problématique qui l’intéresse. Cette première section présente donc des observations et des recommandations qui s’attaquent à la problématique dans une perspective de prévention.

D’entrée de jeu, le Comité tient à souligner qu’il appuie la décision des ministres à l’échelon fédéral-provincial-territorial responsables de la justice qui ont convenu, lors de la réunion tenue à Fredericton au Nouveau-Brunswick, les 29 et 30 octobre 2009, de l’importance de « s’attaquer aux problèmes croissants que pose la santé mentale et le système de justice pénale » et de faire de ce sujet un point à l’ordre du jour de leurs prochaines réunions[47]. La collaboration entre les divers paliers gouvernementaux est au cœur d’un système de santé mentale intégré qui permettra d’éviter que les personnes atteintes de troubles mentaux et de toxicomanie se retrouvent en prison à tort en raison de leurs difficultés.

5.1.1     La nécessité d’investir dans le système de santé mentale et de toxicomanie et de développer une stratégie nationale à cet égard en collaboration avec les provinces et les territoires

On estime que, chaque année, « environ un Canadien sur cinq vivra l’expérience d’une maladie mentale ou de troubles mentaux pouvant être diagnostiqués »: troubles qui se développeront généralement durant l’enfance et l’adolescence (70 % des cas)[48]. Ces données sont alarmantes, d’autant plus que selon la CSMC « aucune administration au pays ne peut prétendre avoir mis en œuvre un véritable système de santé mentale ». En règle générale, la CSMC juge qu’« il s’agit plutôt d’un ensemble fragmenté de programmes et de services pour lesquels il est souvent difficile de trouver les ressources nécessaires pour répondre à la demande continue[49].

Selon la CSMC, « [u]n système de santé mentale doit être global et prendre en considération l’ensemble des facteurs qui influencent la santé mentale et le bien-être des personnes qui habitent le Canada[50]. Il doit donc tenir compte des facteurs économiques, sociaux, environnementaux, culturels, familiaux et individuels qui contribuent à une bonne santé mentale. Parmi ceux-ci, il faut noter l’accès à un logement adéquat et à un revenu stable, et les facteurs qui augmentent la probabilité qu’une personne développe des troubles mentaux au cours de sa vie, comme la pauvreté, la consommation abusive de drogue et d’alcool, la violence et l’isolement social.

Pour éviter que des personnes confrontées à des problèmes de santé mentale ou encore à une dépendance aux drogues et à l’alcool commettent des crimes en raison de leurs difficultés et se retrouvent incarcérées dans des institutions correctionnelles provinciales ou fédérales, il faut également s’assurer que les services en santé mentale sont disponibles et efficaces dans la collectivité.

Comme plusieurs témoins, le Comité estime que pour alléger le fardeau imposé au SCC en matière de santé mentale et de toxicomanie, il est impératif :

  • d’accroitre le financement aux provinces et territoires afin qu’ils puissent pourvoir aux services et aux programmes qui s’attaquent aux déterminants structurels et sociaux de la santé mentale, en particulier l’accès à un logement adéquat et à un revenu stable;
  • de renforcer la capacité du réseau de la santé publique et des services sociaux de répondre aux besoins en matière de santé mentale et de toxicomanie de la population en facilitant notamment l’accès aux traitements et aux services de soutien;
  • d’améliorer le dépistage précoce des troubles mentaux et de dépendance à l’alcool et aux drogues.

Le Comité convient avec les témoins rencontrés qu’il sera plus rentable, à long terme, d’investir dans les facteurs de risque et de protection qui affectent la santé mentale des Canadiens, plutôt que d’accroitre régulièrement le financement des services en santé mentale offerts dans les établissements correctionnels. Tel que noté par un témoin rencontré à Londres, il faut cesser de considérer l’emprisonnement comme une ressource gratuite, alors qu’on tend à associer des coûts aux initiatives de prévention[51]. Au contraire, des recherches ont démontré que l’emprisonnement est une mesure coûteuse qui ne convient pas généralement à la prise en charge de personnes fragilisées par des troubles mentaux. L’emprisonnement peut faire apparaître des troubles mentaux ou encore contribuer à leur récurrence et à l’aggravation des symptômes en raison, notamment, du stress qui découle des risques d’intimidation et de violence, de la séparation des familles et des proches et des inquiétudes liées à la libération éventuelle des détenus.

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 1

Que le gouvernement fédéral en collaboration avec les provinces et les territoires, s’engage et investisse sérieusement dans le système de santé mentale afin de faciliter l’identification et le traitement des personnes atteintes de troubles de santé mentale et de toxicomanie avant qu’elles aboutissent dans le système correctionnel.

À Londres, le Comité a pris connaissance d’une étude récente, intitulée Childhood Mental Health and Life Chances in Post-war Britain. Insights from three national birth cohort studies (Santé mentale durant l’enfance et perspectives d’avenir dans le Royaume-Uni de l’après-guerre : études sur trois cohortes de naissance nationales), qui illustre l’importance d’investir dans des mesures de soutien aux parents et aux familles et dans les programmes d’interventions préscolaires destinés aux enfants souffrant de troubles émotionnels et de comportement[52]. L’analyse des trois cohortes de naissances (1946, 1958, 1970) a révélé que les troubles de santé mentale non traités durant l’enfance et l’adolescence affectent grandement le parcours de vie. Les résultats indiquent entre autres que ces personnes ont généralement un plus faible niveau de scolarisation que la population en général, éprouvent des difficultés à trouver des emplois et à les garder toute leur vie et risquent davantage d’avoir des démêlés avec le système de justice pénale à l’âge adulte.

Compte tenu des importantes économies éventuelles pour le système pénal et la baisse du taux de criminalité qu’entraîneraient la détection des problèmes de santé mentale à un stade précoce et la mise en œuvre de programmes et de traitements adéquats avant l’âge adulte, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement fédéral étudie le rapport intitulé Santé mentale durant l’enfance et perspectives d’avenir dans le Royaume-Uni de l’après-guerre : études sur trois cohortes de naissance nationales et élabore une stratégie nationale, en collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada et tout en respectant les champs de compétences des provinces et des territoires, afin de régler efficacement les problèmes de santé mentale durant l’enfance et l’adolescence et de réduire considérablement le taux de criminalité à l’âge adulte.

5.1.2.     La nécessité d’investir davantage dans les initiatives de déjudiciarisation

Tout comme plusieurs pays, le Canada ne peut ignorer le lien entre la maladie mentale, la toxicomanie et le système de justice pénale en raison du nombre croissant d’individus confrontés à ce genre de troubles qui se retrouvent devant la justice et dans nos établissements correctionnels. Cela étant dit, il importe de souligner que la majorité des personnes aux prises avec des troubles de santé mentale n’ont pas de démêlés avec la justice pénale. De plus, l’individu affecté par ce genre de trouble qui commet un crime ne correspond pas toujours à l’image qu’on se fait d’un criminel. Dans certains cas, les infractions résultent directement de la maladie mentale ou encore d’un besoin de subvenir à une dépendance à la drogue. La documentation établit bien que les troubles de santé mentale non traités augmentent le risque d’un contact avec le système de justice pénale et que les délinquants aux prises avec de graves troubles mentaux sont plus susceptibles d’être inculpés et de récidiver rapidement.

Le Comité convient avec plusieurs témoins que les mesures de déjudiciarisation permettant de réduire la fréquence des démêlés avec la justice et favorisant une intervention précoce auprès des individus aux prises avec des troubles mentaux et de toxicomanie sont un élément clé pour contrer la criminalisation et l’incarcération de ces personnes.

La déjudiciarisation peut prendre plusieurs formes; on peut y recourir à différentes étapes du processus pénal. Les policiers, les procureurs et les tribunaux canadiens ont d’ailleurs recours à des mesures de déjudiciarisation depuis plusieurs années. Puisqu’ils sont le premier point de contact entre le délinquant et le système de justice pénale, les policiers jouent un rôle important dans les efforts d’intervention auprès de ces individus. Ils sont très bien placés pour intervenir rapidement et orienter au besoin l’individu vers un centre hospitalier, un établissement psychiatrique ou une ressource communautaire.

Le Comité a aussi consulté le rapport Bradley, lequel insiste sur la nécessité de mettre en œuvre et d’appliquer des initiatives de déjudiciarisation. Ce rapport souligne notamment la nécessité de bâtir des partenariats solides pour tracer la voie au traitement des délinquants dans la collectivité. Il recommande, entre autres, que les agents de police travaillent en étroite collaboration avec les procureurs de la Couronne et avec le personnel judiciaire afin de pouvoir leur communiquer, le cas échéant, les informations qu’ils ont en main sur la santé mentale des délinquants et leurs problèmes de toxicomanie.

Le Comité est d’accord avec Lord Bradley et plusieurs témoins : les mesures de déjudiciarisation sont une composante importante d’un système qui respecte les droits des personnes de recevoir les services de santé dont elles ont besoin. Afin de déceler les troubles mentaux et de toxicomanie et d’intervenir le plus tôt possible, le Comité estime qu’il est primordial de former les agents de police, les procureurs de la Couronne et les autres intervenants du système de justice afin qu’ils puissent reconnaître les symptômes des troubles mentaux et de toxicomanie et diriger les individus vers les ressources communautaires et de santé adaptées.

À cette fin, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3

Que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les provinces et les territoires afin que l’on forme les agents de police, les procureurs de la Couronne et les autres intervenants du système de justice pénale de manière qu’ils sachent reconnaître les symptômes des troubles mentaux, de la maladie mentale et de la toxicomanie et puissent diriger les délinquants vers les services de traitement appropriés.

Le Comité est conscient que certains délinquants ne remplissent pas les conditions préalables à la déjudiciarisation et se retrouvent en détention provisoire dans un établissement correctionnel provincial avant leur comparution devant le tribunal. Dans de tels cas, le délinquant devrait systématiquement faire l’objet d’une évaluation psychiatrique afin de déceler, s’il y a lieu, des troubles mentaux et/ou de toxicomanie. Cette évaluation permettrait d’informer les intervenants des tribunaux afin qu’ils puissent examiner l’ensemble des facteurs pertinents au dossier et s’assurer que le délinquant reçoit les traitements et les services appropriés. L’évaluation des troubles mentaux, y compris de la toxicomanie, et le traitement subséquent contribueraient à remédier au syndrome de la porte tournante.

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 4

Que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les provinces et les territoires à déceler tôt les troubles mentaux et la toxicomanie chez les délinquants en détention provisoire et à obtenir pour eux des services de traitement de ces problèmes qui mènent si souvent à l’escalade de la criminalité et à l’incarcération.

5.1.2.1   Les tribunaux de traitement de la toxicomanie et de la santé mentale

Des tribunaux spécialisés notamment en matière de santé mentale et de toxicomanie sont fonctionnels depuis plusieurs années au Canada[53]. Le Comité appuie le travail de ces tribunaux qui privilégient une approche thérapeutique dans le traitement des délinquants atteints de troubles mentaux et de toxicomanie. Grâce à un encadrement juridique, les délinquants qui participent à ces programmes sont orientés vers les soins de santé appropriés que ce soient des soins primaires ou spécialisés.

Les tribunaux de traitement de la toxicomanie s’efforcent de réduire l’abus des substances psychoactives, la criminalité et la récidive par la réadaptation des délinquants; pour ce faire, ils proposent un traitement intensif sous surveillance judiciaire comme solution de rechange à l’incarcération. Pour y accéder, le délinquant doit plaider coupable aux chefs d’accusation portés contre lui. Afin d’obtenir le soutien de la collectivité, l’équipe multidisciplinaire en charge du dossier veille également à ce que le délinquant ait un logement sûr et, si opportun, un emploi stable ou qu’il poursuive des études ou une formation professionnelle. En contrepartie, le délinquant doit comparaître de façon régulière devant le juge qui examine ses progrès, impose des sanctions ou donne des récompenses le cas échéant.

Les tribunaux de la santé mentale sont aussi conçus afin de répondre aux besoins multiples et complexes des délinquants qui y sont référés[54]. Des témoins ont indiqué que le succès de ces tribunaux et celui des délinquants participants repose sur une étroite collaboration avec les partenaires dans la collectivité. Aux dires des témoins, l’équipe multidisciplinaire de ces tribunaux fait preuve d’une sensibilité particulière envers une clientèle plutôt fragile et trop souvent stigmatisée.

Le Comité s’inquiète du recours insuffisant aux tribunaux de la santé mentale et des conséquences néfastes qui en résultent pour les systèmes correctionnels. Les délinquants atteints de troubles mentaux purgent une plus grande partie de leur peine en établissement que les autres délinquants condamnés pour des infractions identiques. Comme l’a appris le Comité, cela peut être imputable à de multiples raisons, dont le fait que les délinquants atteints de troubles mentaux ont souvent du mal à s’adapter au milieu carcéral et risque davantage de mal se comporter ou de commettre des actes de violence en raison de leur maladie. L’allongement du temps passé en détention revêt une certaine importance puisqu’il peut entraîner des périodes d’isolement plus nombreuses, des altercations avec les gardiens, la prise de médicaments psychiatriques coûteux et même le suicide.

Le Comité est déçu d’apprendre que le manque de financement entrave la création de tribunaux de la santé mentale et de toxicomanie. Il faut plutôt, croit-il, augmenter le financement, le nombre et l’usage de ces tribunaux afin de veiller à ce que les délinquants reçoivent le traitement qui leur convient au moment opportun. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 5

Que le gouvernement fédéral appuie la création et le financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie et des tribunaux de la santé mentale afin de diriger les délinquants toxicomanes vers des centres de traitement et ceux atteints de troubles mentaux vers les services appropriés.

Le Comité a entendu à maintes reprises que la toxicomanie coexiste fréquemment avec des troubles de santé mentale au sein de la population correctionnelle et que les services successifs ou parallèles ne sont pas efficaces dans le traitement des troubles concomitants[55]. Les pratiques exemplaires dans ce domaine démontrent qu’il est préférable de traiter les troubles simultanément. Quoique le Comité n’ait pas recueilli de témoignages au sujet des tribunaux communautaires, il estime que leur approche qui permet le traitement simultané des troubles de santé mentale et de toxicomanie pourrait s’avérer des plus utiles pour traiter les individus confrontés à des troubles concomitants.

Les tribunaux communautaires comme ceux de la Colombie-Britannique et du Royaume-Uni sont fondés sur le modèle américain de la justice communautaire; elle vise à établir des partenariats dans la collectivité et à s’attaquer aux facteurs sous-jacents de l’activité criminelle. à titre d’exemple, ces tribunaux traitent l’itinérance, la santé mentale et la dépendance aux drogues et à l’alcool. Ils prévoient, par ailleurs, des options similaires aux tribunaux de la santé mentale ou de la toxicomanie en ce qui a trait notamment à l’obligation du délinquant de comparaître périodiquement devant le juge afin d’accroître ses chances de réadaptation.

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 6

Que le gouvernement fédéral appuie la création et le financement de tribunaux communautaires afin de diriger les délinquants ayant des troubles concomitants de santé mentale et de toxicomanie vers les ressources de santé appropriées.

5.2       RECONNAÎTRE LES AVANTAGES QUI DÉCOULENT DE LA CRÉATION DE PARTENARIATS POUR LA PRESTATION DE SERVICES EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE ET DE TOXICOMANIE EN MILIEU CORRECTIONNEL

Bon nombre des témoins étaient d’avis que le SCC ne peut relever, sans l’établissement de partenariats, le défi que présente la gestion des délinquants aux prises avec des troubles de santé mentale et de toxicomanie. Ces partenariats pourraient englober les administrations provinciales et territoriales responsables de la santé et des services sociaux, les ressources de santé communautaires ou encore les organisations non gouvernementales capables d’offrir un soutien aux délinquants, et de les aider à résoudre leurs problèmes sociaux et financiers (p.ex. leur trouver un logement adéquat et un emploi stable).

Au Canada et à l’étranger, le Comité a pris connaissance de pratiques prometteuses pour le traitement et l’appui des délinquants atteints de troubles mentaux et de toxicomanie en établissement et dans la collectivité. La section suivante présente les différents modèles de partenariat qui ont été portés à l’attention du Comité pendant son examen. On y fait également des recommandations visant à améliorer la qualité des services de santé et de soutien dispensés aux détenus sous responsabilité fédérale atteints de troubles mentaux et de toxicomanie.

5.2.1.     Les modèles de prestation des services de santé de la Norvège, de l’Angleterre et du pays de Galles

Dans la plupart des pays, y compris au Canada, la prestation des services de santé en milieu carcéral relève d’une administration correctionnelle plutôt que d’une administration de la santé. Cependant, depuis quelques années on tend à transférer cette responsabilité à des administrations de la santé. La Norvège, l’Australie, la France et, plus récemment, l’Angleterre et le pays de Galles ont adopté cette approche.

5.2.1.1   L’approche de la Norvège

Depuis 1988, les services de santé en milieu correctionnel en Norvège sont du ressort du ministère de la Santé et des Services sociaux, plutôt que du ministère de la Justice. Les services de santé en milieu carcéral sont donc indépendants du volet administratif et économique de l’administration correctionnelle.

En 1994, le gouvernement norvégien a chargé les municipalités de la prestation des soins de santé primaires en prison, de l’embauche du personnel de santé (infirmières, médecins, physiothérapeutes) et de la référence des cas nécessitant des soins spécialisés. En règle générale, le remboursement de ces services est assuré par des subventions gouvernementales[56]. Les soins de santé spécialisés dans les prisons norvégiennes relèvent pour leur part des administrations régionales de la santé depuis 2002.

En Norvège, les délinquants qui souffrent de maladies mentales graves ne sont pas soignés en prison, mais bien dans les hôpitaux psychiatriques exploités par les administrations régionales de la santé. Seuls les délinquants atteints de maladies mentales moins graves reçoivent leur traitement en prison par l’entremise des professionnels de la santé de la municipalité dans laquelle ils sont détenus.

Pour assurer la prestation de soins de santé adéquats, les administrations municipales de la santé ont passé des contrats avec les cliniques et les hôpitaux psychiatriques de la région. Aux termes de ces contrats, la clinique ou l’hôpital assure des services de santé spécialisés aux détenus pris en charge par la municipalité; la clinique ou l’hôpital délègue une infirmière psychiatrique, un psychologue ou un psychiatre à la prison.

D’après les témoignages, ce système n’est pas parfait. Les administrations municipales ne réussissent pas toujours à assurer une présence régulière du personnel psychiatrique dans les prisons; les détenus qui obtiennent des traitements spécialisés dans les hôpitaux psychiatriques ou les cliniques spécialisées sont aussi souvent renvoyés trop tôt en prison. En conséquence, leurs troubles de santé y refont rapidement surface. Certains experts estiment que pour éviter ce cercle vicieux, les administrations municipales doivent élaborer des contrats additionnels avec les hôpitaux et les cliniques capables de prendre en charge les détenus qui nécessitent des soins spécialisés.

Enfin, les témoins rencontrés à Oslo ont souligné que les détenus norvégiens ont les mêmes droits que le reste de la population en ce qui a trait aux services de santé (les services sont fondés sur le principe de l’équivalence). D’ailleurs, le cadre législatif prévoit l’accès sans frais à des soins de santé privés pour les détenus qui ne reçoivent pas les services de santé appropriés en temps opportun. Il est donc dans l’intérêt des administrations publiques norvégiennes, qui doivent dans ces cas assurer les coûts des services de santé encourus dans le secteur privé, de faire en sorte que ces délinquants obtiennent les services dont ils ont besoin en temps voulu.

5.2.1.2   L’Angleterre et le pays de Galles

Depuis avril 2006, le National Health Service (NHS), organisme responsable des services de santé pour l’ensemble des citoyens britannique, a l’entière responsabilité des services de santé dispensés dans les prisons anglaises et galloises. Par ce transfert, le gouvernement a voulu améliorer les soins de santé en milieu correctionnel et souligner que les détenus, en tant que partie intégrante de la collectivité, doivent avoir accès à des soins de santé équivalents à ceux que peuvent obtenir tous les autres citoyens britanniques.

Cette réforme a été amorcée en 2000 avec le transfert, du ministère de la Justice au ministère de la Santé, des responsabilités en regard de l’élaboration des politiques publiques de santé en prison. Elle fait suite à la publication de nombreux rapports qui ont mis au jour des lacunes importantes concernant la prestation des soins de santé dans les prisons anglaises et galloises.

À la lumière des témoignages recueillis en Angleterre, le transfert des responsabilités au NHS a contribué à l’amélioration de la qualité des soins de santé offerts aux détenus. De plus, il a grandement facilité le recrutement de professionnels de la santé en milieu correctionnel (dont les infirmières spécialisées en santé mentale).

D’après le directeur des services de santé pour les délinquants, Richard Bradshaw, la réforme facilite aussi le transfert des détenus qui exigent des soins de santé spécialisés dans les hôpitaux psychiatriques. Il a également mentionné que les autorités responsables des prisons et des services de santé travaillent en collaboration afin de créer des unités sécurisées dans des centres de santé mentale et des hôpitaux afin d’éviter, dans la mesure du possible, de prendre en charge des détenus confrontés à des maladies mentales graves dans le milieu correctionnel.

5.2.1.3   Six raisons pour transférer la responsabilité des services de santé en milieu correctionnel aux autorités provinciales de la santé

Les approches adoptées en Norvège, en Angleterre et au pays de Galles diffèrent dans les détails. Elles présentent pourtant des avantages similaires en ce qui a trait à l’accès à des soins de qualité en milieu correctionnel et à la continuité des soins offerts aux délinquants dans la collectivité.

Plus précisément, le transfert de la responsabilité des soins de santé en milieu correctionnel à des administrations de la santé :

  1. Met en évidence le principe que les détenus doivent bénéficier d’un niveau de soins équivalent à ceux offerts dans la collectivité. Selon certains témoins, le transfert confirme que les détenus sont des citoyens à part entière : ils doivent donc bénéficier des mêmes possibilités d’accès aux soins de santé. Cette approche est évidemment avantageuse non seulement pour le détenu, mais aussi pour le personnel et pour la société dans son ensemble, puisque la majorité des détenus réintègrent un jour ou l’autre la collectivité.
  2. Intègre la formation et la recherche en milieu carcéral à la pratique normale. Certains témoins rencontrés en Angleterre et en Norvège ont souligné que le transfert permet d’intégrer plus facilement la santé des détenus aux questions plus vastes de santé publique. En Angleterre, la formation dispensée aux professionnels de la santé et de récentes initiatives de promotion de la santé témoignent de ce changement important. Ces initiatives reconnaissent davantage l’importance de tirer profit de la période de détention pour promouvoir la santé des détenus et, de ce fait, de la population dans son ensemble.
  3. Prévient l’isolement des professionnels de la santé. Les professionnels de la santé rencontrés en Norvège et en Angleterre ont tous fait valoir que le fait de relever d’une administration de la santé plutôt que d’une administration correctionnelle contribue à un sentiment d’appartenance au réseau de la santé et prévient donc l’isolement professionnel. à titre d’exemple, un témoin rencontré en Angleterre a soutenu que le travail en prison était autrefois considéré comme une forme d’isolement professionnel; désormais, il est perçu comme s’inscrivant dans une démarche multidisciplinaire passionnante et offrant de nombreuses possibilités de perfectionnement.
  4. Remédie aux problèmes de recrutement des professionnels de la santé en milieu correctionnel. En plus d’offrir des salaires concurrentiels aux professionnels de la santé qui exercent en milieu correctionnel, la Norvège, l’Angleterre et le pays de Galles ont adopté une approche qui rend l’environnement carcéral plus intéressant pour les professionnels de la santé. Selon des témoins, puisque les professionnels de la santé relèvent de la même administration qui est responsable de la santé de l’ensemble des citoyens, ils peuvent facilement agencer le travail en milieu correctionnel à un travail en milieu hospitalier et communautaire. Un professionnel de la santé qui accepte de travailler en milieu correctionnel n’est donc pas confiné à ce milieu et peut facilement retourner en milieu hospitalier ou communautaire, s’il le désire.
  5. Contribue à une prestation plus intégrée des soins et des services de santé offerts en établissement et dans la collectivité. De l’avis de nombreux témoins, l’intégration des interventions prodiguées en milieu fermé (prison) et en milieu ouvert (collectivité) facilite grandement le continuum de soins de santé dispensés aux délinquants, surtout après leur mise en liberté dans la collectivité. En outre, le transfert des détenus dans des hôpitaux et des cliniques spécialisés est rendu beaucoup plus aisé, car les administrations responsables des soins de santé en prison sont aussi responsables des soins de santé dans la collectivité. Dans un système comme celui du Canada, la continuité des soins devient plus difficile, notamment en raison du partage des responsabilités entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en matière de santé et de l’isolement des professionnels en santé mentale à l’emploi du SCC.
  6. Établit clairement le rôle des professionnels de la santé en milieu correctionnel. Bon nombre de témoins ont reconnu qu’il peut être ardu pour les professionnels de la santé à l’emploi d’une administration correctionnelle de prioriser l’objectif de la réhabilitation et du traitement par rapport à l’objectif disciplinaire. Selon ces témoins, la stratégie adoptée en Norvège et en Angleterre a l’avantage de favoriser une approche thérapeutique en milieu correctionnel, approche qui convient mieux au traitement des troubles mentaux et de toxicomanie. Au Canada, le SCC doit contribuer à la protection de la sécurité publique en préconisant un juste équilibre entre l’aide et le contrôle des délinquants conformément à l’article 3 de la LSCMLC. Dans la pratique, les professionnels de la santé peuvent éprouver des difficultés à concilier l’aide et le contrôle des délinquants dans un environnement exigeant la prise en compte de plusieurs éléments de sécurité. Selon l’enquêteur correctionnel, les psychologues du SCC « participent principalement à l’évaluation des risques, au détriment du traitement et de la réhabilitation »[57]. Cela l’amène à conclure que le défi que constitue pour le SCC le manque de ressources humaines pour la prestation des soins de santé mentale est « tout autant un d’accent et de priorité que de nombre d’employés[58] ».

Le Comité reconnaît que l’adoption d’un système similaire à celui de la Norvège ou de l’Angleterre et du pays de Galles pose des défis de gouvernance particuliers au Canada en raison du partage des compétences dans le domaine de la santé entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Néanmoins, il considère que le transfert des responsabilités pour la prestation des soins de santé en milieu correctionnel aux administrations provinciales et territoriales de la santé présente des avantages importants et mérite l’attention des gouvernements. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 7

Que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux entament des discussions en vue d’établir des partenariats et des ententes de services avec des hôpitaux pour la prestation des soins de santé de façon à ce que les détenus fédéraux puissent bénéficier des mêmes possibilités d’accès aux soins de santé que tout autre citoyen. De tels partenariats auraient par ailleurs l’avantage d’assurer une continuité des soins de santé mentale suite à la libération des détenus dans la collectivité.

5.2.2      Entre-temps, renforcer la capacité du Service correctionnel du Canada de répondre aux besoins des détenus sous responsabilité fédérale par l’établissement de partenariats

Le Comité reconnaît que le transfert des responsabilités en matière de prestation de soins de santé dans le système correctionnel fédéral risque de prendre un certain temps. Pour renforcer sa capacité de répondre aux besoins des détenus sous responsabilité fédérale et faire en sorte qu’ils puissent réintégrer la collectivité en tant que citoyens respectueux des lois, le Comité estime que le SCC doit, entre-temps, travailler à l’établissement de partenariats avec des hôpitaux et des services de santé mentale dans la collectivité. Outre l’amélioration de la qualité des soins dispensés, cette approche favoriserait la continuité des soins suivant la mise en liberté des détenus.

5.2.2.1   Établir des ententes avec les autorités provinciales et territoriales de la santé afin que les détenus atteints d’un trouble de santé mentale grave soient traités dans des hôpitaux psychiatriques, plutôt que dans les établissements correctionnels conventionnels

Les établissements correctionnels sont, par définition, des milieux restrictifs et coercitifs qui affectent la santé mentale des personnes qui y sont détenues. Selon les témoignages entendus, le milieu carcéral peut engendrer ou exacerber des troubles psychiatriques[59] en raison du stress associé à la privation de liberté, des restrictions de l’espace intime et des contacts avec la famille et les proches, et de la violence qui caractérise généralement le milieu carcéral. Sur ce dernier point, des études ont clairement établi que le milieu carcéral engendre de la concurrence pour les ressources rares, noue des relations de dominance et de soumission, et oblige des individus à en côtoyer d’autres dont le comportement peut s’avérer imprévisible.

Pour toutes ces raisons, l’environnement correctionnel constitue souvent une entrave au traitement thérapeutique; l’environnement des soins de santé convient beaucoup mieux au traitement des personnes atteintes d’une maladie mentale grave en situation de crise.

Pour améliorer sa capacité de répondre aux besoins psychiatriques des délinquants sous sa responsabilité, le SCC a mis sur pied les CRT. Bien que ces centres offrent un environnement plus approprié au traitement des personnes atteintes d’une maladie mentale grave, ils ne suffisent pas à la demande.

Dans la région du Québec, le SCC peut aussi s’appuyer sur une entente avec l’Institut Philippe-Pinel (Pinel) de Montréal. Les détenus nécessitant des soins psychiatriques pointus reçoivent ainsi des soins du personnel de santé rattaché à Pinel lors d’une visite en détention ou d’une hospitalisation suivant leur transfert. Grâce à cette entente, le SCC aurait amélioré la qualité des soins psychiatriques prodigués aux détenus atteints d’une maladie mentale grave. Il s’agit d’une entente avantageuse pour le détenu, le SCC et aussi la société dans son ensemble. Elle doit, de l’avis du Comité, servir d’exemple pour la conclusion de nouvelles ententes de partenariats.

Enfin, des ententes entre les services correctionnels et les administrations provinciales de la santé existent déjà en Nouvelle-écosse pour la prestation des soins de santé prodigués aux détenus condamnés à des peines de moins de deux ans d’emprisonnement. Ces ententes auraient grandement contribué à l’amélioration des soins de santé en milieu correctionnel.

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 8

Que le Service correctionnel du Canada établisse des ententes avec des hôpitaux psychiatriques provinciaux — qui ont des structures pouvant accueillir les délinquants sans compromettre la sécurité publique — en vue du transfert, avec compensation financière, de certains détenus qui présentent une menace pour eux-mêmes ou pour les autres et qui ne peuvent être traités dans les centres régionaux de traitement. Ces ententes devraient permettre au personnel correctionnel d’être affecté aux établissements pendant un transfert pour assurer la sécurité publique.

5.2.2.2   Établir des ententes avec les autorités provinciales et territoriales et les organismes communautaires afin de pallier les lacunes en matière de continuité des soins

Malgré ses efforts et ses réalisations, le SCC éprouve toujours de grandes difficultés à assurer la continuité entre les services offerts en milieu correctionnel et les services provinciaux. Cela constitue un obstacle de taille pour ce qui est de la réinsertion sociale réussie des délinquants.

Le Comité est d’avis, avec plusieurs témoins, que l’établissement de partenariats avec les autorités provinciales de la santé et des services sociaux, et les organismes communautaires capables d’offrir un soutien aux délinquants permettrait d’améliorer le continuum de soins. Il favoriserait aussi le rétablissement des détenus confrontés à des troubles mentaux et de toxicomanie. Selon Brenda Tole, directrice à la retraite de l’établissement correctionnel provincial pour femmes Alouette, les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux sont généralement très enthousiastes à l’idée de créer des partenariats avec les services correctionnels. Voici ce qu’elle a noté lors de sa comparution :

Selon mon expérience, la plupart des organismes, ministères ou autres agences gouvernementales sont assez enthousiastes à l’idée de créer des partenariats. Ils voient la population [correctionnelle] comme faisant partie de leur collectivité et sont volontiers prêts à participer et à s’engager comme partenaires. Le problème, c’est que le système correctionnel a tendance à être une entité en soi et à se replier sur lui-même et à être très fermé[60].

Elle a soutenu que ces partenariats sont bénéfiques pour les services correctionnels, les détenus et la société dans son ensemble puisqu’ils facilitent la réinsertion sociale réussie des délinquants dans la collectivité. Elle a aussi noté que les partenariats ne sont pas seulement utiles dans le domaine de la santé, mais également en matière d’éducation, de préparation à l’emploi et de formation professionnelle[61].

Pour renforcer la capacité du SCC en ce qui a trait à la continuité des soins et contribuer à la sécurité du public et au rétablissement des délinquants sous sa responsabilité, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 9

Que le gouvernement fédéral élabore des services de coordination entre le Service correctionnel du Canada et les autorités sanitaires provinciales et territoriales afin d’assurer un continuum de soins jusqu’à l’expiration du mandat d’emprisonnement.

RECOMMANDATION 10

Que le Service correctionnel du Canada étudie et mette en œuvre des partenariats communautaires en vue d’offrir de la formation aux détenus qui relèvent de sa responsabilité (p. ex. Habitat pour l’humanité).

5.3       MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES

En 1996, la Commission royale sur les Peuples autochtones a dépeint la situation particulière des Autochtones au Canada. La surreprésentation croissante des délinquants autochtones dans les pénitenciers canadiens affirme la conclusion de la commission à l’effet que le système de justice ne répond pas à leurs besoins particuliers. Comme le démontrent les données suivantes, la situation des Autochtones demeure toujours critique :

  • Le taux d’incarcération des délinquants autochtones est en hausse. Il est passé de 815 par 100 000 habitants en 2001-2002 à 983 par 100 000 habitants en 2005-2006[62].
  • Au mois de mars 2009, les Autochtones représentaient 17,3 % des détenus sous responsabilité fédérale, comparativement à 2,7 % de la population adulte canadienne[63].
  • Un délinquant sous responsabilité fédérale sur cinq est d’origine autochtone[64].

La situation des détenues autochtones sous responsabilité fédérale est encore plus alarmante :

  • Elles représentent 31,4 % de la population carcérale féminine[65];
  • Le nombre de femmes autochtones en détention augmente constamment depuis les dix dernières années. Entre 1999-2000 et 2008-2009, il est passé de 84 à 157, ce qui représente une hausse de 86,9 %[66].

Les circonstances qui entourent la prise en charge et le traitement des délinquants autochtones en milieu carcéral sont à la fois complexes et multidimensionnelles, ce qui représente un défi de taille pour le SCC. à titre d’exemple, les délinquants autochtones :

  • présentent un taux de récidive plus élevé que les autres délinquants[67];
  • sont souvent surreprésentés parmi les détenus en isolement[68];
  • ont un taux de prévalence de troubles mentaux et de toxicomanie beaucoup plus élevé que les non-Autochtones[69];
  • sont plus jeunes lors de leur admission en détention que les délinquants non autochtones[70];
  • purgent une plus grande partie de leur peine en établissement avant d’obtenir une première mise en liberté comparativement aux autres délinquants[71];
  • sont plus susceptibles d’être affiliés à des gangs[72];
  • ont davantage de problèmes de santé, notamment des troubles causés par l’alcoolisation fœtale et le syndrome post-traumatique[73].

Plusieurs facteurs systémiques ou contextuels sont à l’origine des infractions commises par les délinquants autochtones : le placement dans les pensionnats, le cycle de violence intergénérationnel, le chômage, de faibles niveaux d’instruction, la pauvreté, de faibles taux de rémunération et de médiocres conditions de logement[74].

5.3.1      Les engagements du Service correctionnel du Canada envers les délinquants autochtones

Il incombe au SCC, en vertu des articles 79 à 84.1 de la LSCMLC, de respecter les différences culturelles et les besoins spécifiques des délinquants autochtones dans l’exécution de son mandat et plus précisément dans la prestation de ses services et de ses programmes. La Directive du Commissaire no 702, émise en 1995[75] et remaniée en 2008[76], dicte également la marche à suivre afin d’assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants autochtones au moyen d’interventions efficaces. Selon la Directive, le SCC s’engage à utiliser une approche holistique auprès de ces délinquants afin de promouvoir la compréhension de la spiritualité autochtone traditionnelle. Cette approche encourage également les cérémonies et les danses culturelles de même que la consommation des aliments traditionnels et locaux[77].

Afin de relever les nombreux défis liés aux Autochtones au sein du système correctionnel fédéral, le SCC a élaboré les initiatives suivantes :

  • Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones 2006-2011 (approuvé en 2006)[78];
  • Stratégie relative au cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones (mise en œuvre 2009-2010)[79];
  • Modèle de surveillance et de présentation de rapports sur les résultats[80].

Bien que plus de quatre ans se soient écoulés depuis l’approbation du Plan stratégique relatif aux services correctionnels pour Autochtones, les écarts entre les résultats des programmes et des interventions à l’intention des délinquants autochtones et non autochtones continuent de se creuser. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel est toujours insatisfait des efforts accomplis par le SCC. Selon lui, le SCC « […] n’a pas su donner suite à ses bonnes intentions dont il est question dans ses politiques et ses stratégies ce qui a donné lieu à des résultats décevants[81] ». Dans son rapport annuel de 2008-2009, Howard Sapers fait la remarque suivante :

Au fil des ans, mon Bureau a présenté tout un éventail de constatations et de recommandations pour aider le SCC à changer sa philosophie et l’amener à réaliser des progrès significatifs et durables en ce qui concerne les services correctionnels pour Autochtones. Or, le SCC n’a toujours pas pleinement mis en œuvre nombre de nos recommandations. Par conséquent, l’écart entre les Autochtones et les non-Autochtones continue de s’accentuer et la situation des Autochtones sous responsabilité fédérale se détériore, tandis que le Service met à jour des cadres et des stratégies sans résultat apparent.[82]

5.3.2      Améliorer la capacité du Service correctionnel du Canada à intervenir efficacement auprès des délinquants autochtones

L’écart constant entre les résultats obtenus pour les délinquants autochtones et non autochtones soulève de sérieuses questions quant à la capacité du SCC de prendre en charge cette clientèle[83]. Comme plusieurs témoins, le Comité estime que la situation est non seulement critique, mais urgente. D’autant plus que le nombre des détenus est appelé à augmenter avec l’adoption et le dépôt de projets de loi qui ont pour conséquence une plus grande sévérité des peines. Pour accroître la capacité du SCC à répondre aux besoins des délinquants Autochtones, l’enquêteur correctionnel propose depuis longtemps une modification de la structure de gouvernance. Il exhorte le ministre de la Sécurité publique à ordonner au SCC de nommer un sous-commissaire responsable des services correctionnels pour Autochtones; cela permettrait selon lui d’assurer une attention particulière et ciblée aux délinquants autochtones. Cette suggestion n’a pas encore été retenue par le ministre. Le Comité juge que cette recommandation devrait être mise en œuvre de même que toutes celles qu’a faites l’enquêteur correctionnel dans son rapport annuel 2008-2009. Cette question est traitée à la section 5.15 du présent rapport.

Le Comité est également préoccupé du fait que les programmes existants de traitement des troubles mentaux et de toxicomanie ne répondent pas de façon adéquate aux besoins culturels et spirituels des délinquants autochtones. En conséquence, le Comité encourage le SCC à revoir sa programmation actuelle afin d’assurer une composante traditionnelle et religieuse. Selon le Comité, une importance accrue au contexte autochtone dans le cadre des programmes existants permettrait d’atteindre plus efficacement les délinquants autochtones. Enfin, le Comité souhaite que le SCC sache saisir l’occasion et mettre en œuvre un plus grand nombre de ses programmes pour Autochtones afin de contribuer au rétablissement de cette clientèle.

Au cours de la visite effectuée au pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, bon nombre de témoins ont fait valoir au Comité le rôle crucial que jouent les Aînés et les conseillers spirituels dans le succès des programmes destinés aux Autochtones. Ils encouragent les délinquants à renouer les liens brisés avec leur culture, leurs familles ainsi que leurs collectivités. Le Comité souhaite que le SCC ait davantage recours aux Aînés et invite plus fréquemment les collectivités autochtones à participer à l’élaboration et à la prestation de programmes pour Autochtones afin d’en assurer le succès.

En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 11

Que le Service correctionnel du Canada (SCC) examine sa programmation de traitement des troubles mentaux et de la toxicomanie afin de vérifier qu’elle répond aux besoins culturels et religieux des délinquants autochtones qui représentent un pourcentage disproportionné de la population carcérale canadienne et des détenus atteints de troubles mentaux et de toxicomanie; et que le SCC mette en œuvre, en collaboration avec les collectivités autochtones locales, un plus grand nombre de programmes de santé mentale et de lutte contre la toxicomanie axés sur les besoins particuliers des délinquants autochtones. En plus de participer à l’élaboration de ces programmes, les collectivités autochtones locales devraient également contribuer à la prestation de ces derniers afin d’assurer leur succès.

Bien que le Comité soit conscient que la Directive du commissaire no 702 permet les cérémonies culturelles, telles les cérémonies de suerie, il considère néanmoins que le SCC doit augmenter le recours à ce genre de méthodes de guérison. En conséquence, le Comité recommande:

RECOMMANDATION 12

Que le Service correctionnel du Canada augmente le recours aux sueries et aux autres méthodes de guérison autochtones et ne refuse pas le recours à ces techniques en guise de mesure disciplinaire.

Enfin, quoique le Comité reconnaisse que les aliments traditionnels et locaux[84] sont parfois autorisés dans les établissements, il estime que le SCC doit continuer à encourager cette pratique. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 13

Que le Service correctionnel du Canada encourage une saine alimentation chez tous les délinquants et envisage, si la chose est possible, diverses possibilités de régime alimentaire incluant des aliments traditionnels et locaux pour les délinquants autochtones.

5.3.3      Obligations du Service correctionnel du Canada de travailler de concert avec les collectivités autochtones (art.81 et 84 de la LSCMLC)

En vertu de l’article 81 de la LSCMLC, le ministre peut conclure un accord avec une collectivité autochtone pour la prestation de services correctionnels aux délinquants autochtones et le paiement des coûts.

Plusieurs témoins rencontrés lors de l’examen ont souligné l’importance de la participation des collectivités autochtones au processus correctionnel. Aux dires des témoins, la réinsertion sociale de ces délinquants n’est possible que si les collectivités autochtones participent activement aux initiatives du SCC.

Étant donné que les pavillons de ressourcement autorisés en vertu de l’article 81 favorisent une approche holistique et traditionnelle dans la prestation des services, le Comité est déçu que 18 ans après l’entrée en vigueur de cet article de loi il n’y a que quatre pavillons de ressourcement indépendants pour les Autochtones au Canada. Il est d’autant plus alarmant de constater qu’il n’existe aucun pavillon de ressourcement exploité par une collectivité autochtone pour les délinquantes autochtones. Le Comité comprend mal pourquoi le SCC tarde à agir et espère que l’investissement de 33 millions de dollars destinés aux services correctionnels autochtones en 2009-2010[85] mènera à la création de nouveaux pavillons de ressourcement.

L’article 84 de la LSCMLC oblige également le SCC à faire participer les collectivités autochtones à la planification de la mise en liberté des délinquants. Le Comité déplore que le recours à l’article 84 relatif à la participation de la collectivité autochtone au processus de libération conditionnelle ne soit pas plus fréquent.

Le Comité, comme bon nombre de témoins, est convaincu que le transfert des responsabilités aux collectivités autochtones contribuera au bien-être et au rétablissement des délinquants autochtones confrontés à des troubles de santé mentale et de toxicomanie. Selon Mme Tole, « il est difficile de faire pire que ce que nous faisons actuellement. Quand il s’agit de gérer cette population, nous en sommes vraiment incapables[86] ».

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 14

Que le Service correctionnel du Canada ait recours davantage aux accords conclus avec les collectivités autochtones en vertu des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, et établisse la capacité requise.

5.4       AMÉLIORER LA CAPACITÉ DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA DE RÉPONDRE AUX BESOINS DES DÉLINQUANTS EN MATIÈRE DE SANTÉ

Il y a beaucoup à apprendre de la perspective autochtone à l’égard de la santé. D’après cette approche holistique, la santé mentale fait partie intégrante du bien-être physique, émotionnel et spirituel d’une personne. Ainsi, l’investissement dans la santé générale des détenus contribue à améliorer leur santé mentale et leur bien-être. Il est aussi essentiel de reconnaître que la santé des détenus est un enjeu de santé publique important : la plupart retourneront dans la collectivité à un moment donné et le personnel du milieu correctionnel va et vient entre l’établissement et la collectivité.

Le Comité croit également, en conformité avec le droit international, que les détenus ont le droit de bénéficier du meilleur état de santé possible[87]. « Seule la privation de liberté constitue la sanction, et non la perte des droits humains fondamentaux[88] ». Le Comité recommande en conséquence :

RECOMMANDATION 15

Que le Service correctionnel du Canada veille à ce que les délinquants obtiennent les mêmes soins médicaux que l’ensemble de la population.

RECOMMANDATION 16

Que le Service correctionnel du Canada fasse en sorte que les délinquants aient accès à des soins médicaux en temps utile.

RECOMMANDATION 17

Que le Service correctionnel du Canada conserve un ratio patient/psychologue d’au plus un pour 35 dans les établissements fédéraux.

RECOMMANDATION 18

Que le Service correctionnel du Canada ajoute des conseillers en toxicomanie dans tous les établissements fédéraux.

RECOMMANDATION 19

Que le Service correctionnel du Canada ajoute des infirmières psychiatriques et des infirmières dans tous les établissements fédéraux.

RECOMMANDATION 20

Que le Service correctionnel du Canada fasse en sorte d’offrir des soins dentaires en temps utile dans tous les établissements fédéraux.

RECOMMANDATION 21

Que le Service correctionnel du Canada mette davantage l’accent sur le traitement individualisé de chaque détenu ayant un trouble mental diagnostiqué, y compris un trouble de toxicomanie.

RECOMMANDATION 22

Que le Service correctionnel du Canada fasse en sorte que des services de counselling individualisés suffisants commencent dès que le diagnostic est posé et soient offerts régulièrement et en quantité suffisante chaque semaine selon ce que prescrit le psychologue traitant ou le conseiller.

RECOMMANDATION 23

Que le gouvernement fédéral oblige les détenus ayant agressé des membres du personnel ou d’autres détenus avec des matières organiques à subir, pour la sécurité et la santé des personnes agressées, tous les tests nécessaires afin de diagnostiquer la présence de maladies infectieuses.

5.5       UN PROBLÈME DE MISE EN OEUVRE DE LA STRATÉGIE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE

Au dire de l’enquêteur correctionnel, le SCC tarde depuis 2004 à mettre en œuvre tous les éléments de sa stratégie en matière de santé mentale. En outre, selon lui, la prestation des soins en santé mentale n’a pas changé de façon significative depuis ce temps. Comme la majorité des témoins, le Comité appuie chacun des objectifs de la stratégie et croit que la mise en œuvre intégrale des éléments permettrait au SCC de répondre adéquatement aux besoins des détenus sous responsabilité fédérale dans les établissements et dans la collectivité. Le Comité estime que le SCC doit agir de toute urgence et recommande donc :

RECOMMANDATION 24

Que le gouvernement fédéral investisse des ressources additionnelles pour la mise en œuvre de l’ensemble des éléments de la Stratégie du Service correctionnel du Canada en matière de santé mentale.

Objectif 1      Effectuer un dépistage et une évaluation des problèmes de santé mentale des délinquants au moment de leur admission

Ce premier objectif fait également partie de l’Initiative sur la santé mentale en établissement (ISME) du SCC. Il a reçu des fonds temporaires d’environ 21 millions de dollars dans le cadre du Budget de 2007 ainsi que des fonds permanents d’environ 16 millions de dollars dans le budget de 2008 par l’entremise de l’ISME. Or, cette initiative n’a que tout récemment été mise en œuvre, et le Comité s’inquiète de ce que le dépistage et l’évaluation de la maladie mentale lors de l’admission soient inadéquats. Les informations communiquées au Comité pendant la visite des établissements correctionnels ont confirmé que le SCC ne procède pas systématiquement au dépistage en vue de l’établissement, s’il y a lieu, d’un diagnostic psychologique complet lors de l’admission des délinquants en détention. Le témoignage de James Livingston démontre que les normes et les directives publiées appuient unanimement le dépistage et l’évaluation systémique des problèmes de santé mentale[89].

Vu l’importance du dépistage des troubles mentaux à l’admission, le Comité est d’avis que le SCC doit prioriser ce premier objectif. Il sera ainsi en mesure de remédier aux nombreuses déficiences dans la prestation de ses services en santé mentale et améliorer la qualité de ses soins. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 25

Que le Service correctionnel du Canada (SCC) fasse du dépistage des troubles mentaux à l’admission une priorité et que le gouvernement fédéral continue de financer cet élément de la stratégie en matière de santé mentale. Le SCC devrait également exiger une évaluation psychologique complète du délinquant si un professionnel de la santé le recommande après le dépistage susmentionné.

Objectif 2      Dispenser des soins de santé mentale primaires dans tous les établissements, y compris le soutien, le traitement et le suivi

Ce deuxième objectif fait également partie de l’ISME; il est financé dans le cadre du Budget de 2008 et a reçu le même financement permanent. Il vise la promotion et le maintien d’une bonne santé mentale pour tous les délinquants au moyen d’une approche multidisciplinaire. La diffusion de lignes directrices sur les soins de santé mentale à tous les employés, le 21 décembre 2009, avait pour but de prévenir les tentatives de suicide, d’intervenir en temps opportun et d’aider les délinquants à composer avec la maladie mentale en milieu correctionnel. Le Comité tient à souligner qu’il appuie les efforts de prévention du SCC à cet égard.

Objectif 3      Créer des unités de soins de santé mentale intermédiaires pour les délinquants souffrant de troubles mentaux qui ont besoin de soins dans les établissements

Le Comité comprend difficilement que ce troisième objectif n’ait reçu aucun financement à ce jour. En l’absence de ressources nécessaires à la mise en œuvre d’unités de soins de santé mentale intermédiaires, le SCC est incapable d’honorer son obligation d’offrir aux délinquants des soins de santé mentale adéquats. D’ailleurs, de nombreux témoins ont déploré l’absence de services de santé mentale intermédiaires dans le système correctionnel fédéral.

Le Comité se préoccupe du sort des détenus qui ne sont pas soignés ou reçoivent des soins limités du fait que le SCC concentre ses ressources en santé mentale sur les détenus aux prises avec une maladie mentale plus grave ou chronique. De tels cas montrent l’importance et l’urgence de créer des unités intermédiaires pour les détenus qui ne répondent pas aux critères d’admission à un centre de traitement régional. Les unités intermédiaires pourraient également faciliter la tâche du SCC, soit assurer la transition sécuritaire des détenus qui doivent retourner en établissement après un séjour dans un centre régional de traitement en santé mentale.

Compte tenu de ces constatations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 26

Que le Service correctionnel du Canada institue et finance des services intermédiaires de santé mentale et des unités de soins intermédiaires, dépendamment des besoins des délinquants dans chaque établissement correctionnel, de manière à soigner correctement les détenus qui souffrent de troubles mentaux et qui ne répondent pas aux conditions d’admission dans les centres de traitement régionaux; à assurer le suivi des détenus qui arrivent en institution en provenance d’un centre psychiatrique régional; et de sorte que les détenus affectés par ces troubles ne se sentent pas obligés de demander à être placés en isolement préventif pour se protéger des autres détenus.

Enfin, pendant sa visite à Whitemoor, au Royaume-Uni, le Comité a pris connaissance d’une unité destinée aux délinquants souffrant de troubles de la personnalité. Tous les intervenants rencontrés étaient encouragés par les progrès des délinquants qui bénéficient des services de cette unité spécialisée, axée sur une approche multidisciplinaire. Quoique certains témoins aient mentionné le coût d’exploitation élevé du programme et qu’il soit encore trop tôt pour évaluer son efficacité, le Comité estime qu’il serait utile de mettre en place une telle unité au Canada pour traiter les délinquants atteints de ces troubles. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 27

Que le Service correctionnel du Canada mette en œuvre des unités pluridisciplinaires innovatrices à l’intention des personnes souffrant de troubles de la personnalité, sur le modèle de celles à l’établissement Whitemoor, au Royaume-Uni.

Objectif 4      Amélioration des centres de traitement

Cet objectif vise à améliorer les services dispensés dans les CRT du SCC afin qu’ils soient du même calibre que ceux fournis dans les hôpitaux psychiatriques médico-légaux de la collectivité. Bien que cet objectif soit aussi important que les autres, son financement dans le budget 2007 est très limité. Le Comité appuie cet objectif favorisant le droit des délinquants de bénéficier du meilleur état de santé possible. Dans l’espérance que cet objectif reçoive un financement permanent, le Comité encourage le SCC à poursuivre les efforts déployés jusqu’ici à l’agrément des CRT, au perfectionnement des professionnels et aux contrats nouvellement conclus avec les psychiatres.

Objectif 5      Soutien de la santé mentale dans la collectivité

Cet objectif de la stratégie du SCC en santé mentale vise à assurer la continuité des soins du délinquant, sans interruption, de l’établissement jusqu’à la collectivité. L’objectif présente des éléments similaires à ceux de l’Initiative sur la santé mentale dans la collectivité (ISMC) tels que la création de nouveaux postes de professionnels en santé mentale dans 16 de ces installations, la prestation de services spécialisés aux délinquants dans la collectivité par l’entremise de services de consultants en santé mentale et la tenue de séances de formation en santé mentale au personnel de première ligne. Un financement de cinq ans a été accordé à cet objectif dans le cadre du Budget de 2005, mais il a pris fin au mois de mars 2010. Le SCC tente encore d’obtenir un financement permanent à cet égard; d’après l’organisme, si le gouvernement tarde à financer cette initiative :

  • « Ce sera très difficile de conserver le personnel en poste (le budget de l’ISMC a permis de financer le salaire d’environ 50 employés)[90] »;
  • « Ce sera long de rebâtir tout ce qui avait été établi dans la collectivité (il faudra conclure de nouveaux contrats, procéder à de nouvelles embauches)[91] »;
  • « Les délinquants dans la collectivité qui ont de grands besoins et présentent des risques élevés auront malheureusement accès à des services réduits[92] . »

Le Comité encourage le gouvernement à financer au plus tôt cette initiative de façon permanente afin que les risques notés ci-dessus puissent être écartés.

De plus, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 28

Que le Service correctionnel du Canada assume les frais des médicaments prescrits pour traiter les troubles mentaux des délinquants qui sont en libertés sous condition dans la collectivité jusqu’à l’expiration du mandat d’emprisonnement.

Objectif 6      Offrir une formation sur la santé mentale à tous les professionnels de la santé mentale et au personnel correctionnel

Le SCC tente, par l’entremise de cet objectif, de mettre sur pied un programme de formation à l’intention de ses employés et des professionnels de la santé mentale afin que ces personnes soient en mesure de reconnaître les symptômes de la maladie mentale et d’intervenir de manière efficace et en temps voulu. Bien que plus de 1 600 employés du SCC et de ses partenaires dans la collectivité aient été formés en 2008-2009, l’organisme doit persévérer afin de former l’ensemble de ses employés[93]. Le Comité souhaite encourager le SCC à continuer ses efforts de formation afin de pouvoir renforcer sa capacité de répondre aux besoins de sa clientèle aux prises avec des troubles de santé mentale.

5.6       UNE APPROCHE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE EN DÉTENTION QUI MET TROP D’IMPORTANCE SUR LA RÉPRESSION AU DÉTRIMENT DU TRAITEMENT DE LA TOXICOMANIE

La stratégie antidrogue du SCC met l’accent sur trois éléments clés : la prévention, le traitement et l’intervention, et la répression. Selon le SCC, la stratégie vise à enrayer l’offre et la demande en éliminant l’entrée de drogues illicites dans les établissements, en endiguant la consommation de drogue et en intervenant auprès des détenus à l’aide de programmes de toxicomanie. La stratégie vise aussi à créer un environnement sécuritaire pour les employés et la clientèle correctionnelle. Le 29 août 2008, le ministre de la Sécurité publique a annoncé un investissement de 122 millions de dollars pendant cinq ans afin d’appuyer les efforts du SCC à ce chapitre.

Le SCC soutient que la stratégie a pour objet d’encourager la réhabilitation des délinquants par la mise en œuvre de programmes de traitement de la toxicomanie. Toutefois, Ivan Zinger a noté que le financement accordé a été entièrement consacré aux mesures de répression des drogues (équipes de chiens renifleurs, activités de renseignement, détecteurs ioniques et appareils de radiographie), au détriment des programmes de toxicomanie et des initiatives de réduction des méfaits[94]. Le Comité souhaite que le SCC adopte une approche qui met de l’avant un équilibre entre répression, réhabilitation et prévention pour lutter contre la drogue. D’autant plus que selon Sandra Ka Hon Chu, Réseau juridique canadien VIH/sida, la volonté du SCC d’éliminer toutes les drogues à l’intérieur des établissements est louable, mais peu réaliste[95]. Le Comité a d’ailleurs constaté en Norvège et en Angleterre que la drogue est une triste réalité en milieu correctionnel.

Selon Mme Ka Hon Chu, l’approche du SCC nuit à la santé des détenus, à la santé publique et à la mise en œuvre d’initiatives susceptibles d’atténuer les problèmes causés par la drogue[96]. À son avis, le SCC devrait mettre en œuvre un programme d’échange de seringues dans les établissements correctionnels. Ces programmes permettent, selon elle, de réduire davantage la transmission des maladies infectieuses que les méthodes actuellement utilisées par le SCC, à savoir la désinfection des aiguilles à l’eau de Javel et les traitements à la méthadone. Elle a aussi imploré le Comité à reconnaître que les récidives sont presque inévitables en prison et qu’en cas de rechute, les délinquants seront plus susceptibles de partager des seringues de contrebande; augmentant ainsi le risque de propager les maladies transmissibles par le sang.

Le docteur Peter Ford a également noté que la prolifération des maladies transmissibles par le sang en milieu correctionnel a des conséquences très graves en matière de santé publique, notamment parce que les délinquants sont libérés un jour ou l’autre et peuvent transmettre leurs maladies dans la collectivité[97]. Il a noté que « [l]es coûts à long terme sont très importants. Il en coûte environ 20 000 $ pour traiter une personne atteinte d’hépatite C ». à son dire, « les services correctionnels devront s’occuper des personnes atteintes d’insuffisance hépatique en phase terminale, et c’est là une perspective très coûteuse[98] ».

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 29

Que le gouvernement fédéral examine tous les programmes disponibles pour réduire la flambée des taux de VIH-sida et d’hépatite C qui posent un sérieux problème de santé publique tant dans le contexte carcéral que dans la collectivité quand les délinquants sont mis en liberté, et que des évaluations soient entreprises afin de déterminer les options les plus efficaces pour réduire la propagation des maladies infectieuses dans le système correctionnel canadien.

RECOMMANDATION 30

Que le Service correctionnel du Canada favorise et accroisse l’utilisation des programmes en 12 étapes pour régler les problèmes de toxicomanie, notamment par un recours accru aux groupes communautaires extérieurs.

RECOMMANDATION 31

Que le SCC encourage la création d’unités de traitement de la toxicomanie dans les établissements fédéraux.

RECOMMANDATION 32

Que le Service correctionnel du Canada alloue des ressources financières et humaines additionnelles dans le traitement de la toxicomanie, la réduction des méfaits et la prévention.

RECOMMANDATION 33

Que le Service correctionnel du Canada alloue des fonds additionnels aux programmes de traitement de la toxicomanie dans tous les établissements correctionnels fédéraux.

RECOMMANDATION 34

Que le Service correctionnel du Canada institue des programmes mixtes afin de traiter les détenus qui souffrent à la fois de troubles mentaux et de toxicomanie.

RECOMMANDATION 35

Que le Service correctionnel du Canada (SCC) continue de chercher des façons de renforcer les activités de répression des drogues et en conformité avec les recommandations du Comité d’examen indépendant du SCC que le SCC mette en oeuvre une approche plus rigoureuse en matière de répression des drogues afin de créer un milieu sûr et sécuritaire où les délinquants peuvent se concentrer sur la réadaptation.

5.7       L’INFRASTRUCTURE PHYSIQUE INADÉQUATE DE CERTAINS ÉTABLISSEMENTS

Pendant ses visites, le Comité a pu constater les conditions souvent inadéquates dans lesquelles travaillent les employés du SCC et sont incarcérés les délinquants fédéraux en raison principalement de la vétusté des établissements correctionnels[99]. Des 57 établissements exploités par le SCC, bon nombre ont été construits dans les années 1800 et au début des années 1900 — Kingston (1832), Dorchester (1880), Saskatchewan (1911), Stony Mountain et Collins Bay (1920-1930) — ou encore au milieu des années 1900 — Joyceville (1950) et Archambault (années 1960). Seuls quatre établissements correctionnels fédéraux ont été construits depuis le milieu des années 1990. Les établissements correctionnels fédéraux ont environ 45 ans en moyenne[100].

Outre les coûts élevés associés à l’entretien de l’infrastructure vieillissante des établissements, on a dit au Comité que l’infrastructure et l’aménagement de certains d’entre eux sont nocifs en termes de sécurité du personnel et des détenus. Ils constituent aussi une entrave à la prestation des services et des programmes correctionnels.

5.7.1      Des pénitenciers décrépits, bondés, bruyants et dépourvus de toute lumière naturelle

Selon les témoignages, l’architecture des établissements correctionnels bâtis dans les années 1800 et au début des années 1900 constitue un obstacle aux interventions correctionnelles modernes et n’est pas adaptée au profil complexe de la population correctionnelle d’aujourd’hui; population qui se caractérise, entre autres, par un nombre croissant de détenus qui ont commis des crimes violents ou qui sont affiliés à des gangs criminalisés. Des témoins ont d’ailleurs noté que certains établissements abritent de nos jours quatre ou cinq sous-groupes de détenus incompatibles qui ne peuvent se côtoyer pour des raisons de sécurité.

Voici ce que l’enquêteur correctionnel a noté à propos de la prise en charge des détenus atteints de troubles de santé mentale dans les vieux établissements du SCC :

La majorité des plus anciens pénitenciers du pays, dont, pour certains, la construction date du milieu ou de la fin du XIXe siècle, n’ont tout simplement pas l’architecture et l’infrastructure adéquates pour répondre aux besoins et relever les défis d’une population en croissance rapide de délinquants atteints de troubles de santé mentale. Le personnel ne peut offrir les meilleurs services, et les détenus atteints de troubles mentaux ne sont pas bien servis dans des pénitenciers décrépits, bondés, bruyants et dépourvus de toute lumière naturelle. L’impact de ces conditions de détention sur les délinquants dont la pensée, l’apprentissage et la réaction émotionnelle sont altérés ou endommagés par un trouble de santé mentale peut avoir, au fil du temps, des effets délétères ou de dégradation sur le fonctionnement mental.

’époque où les pénitenciers étaient des lieux solitaires et de détention où il n’y avait qu’un contact humain minimal est révolue. La pratique correctionnelle moderne nécessite des infrastructures modernes. Les lieux de détention ne doivent pas volontairement accroître la douleur de l’incarcération et leur structure ne doit pas faire obstacle aux interventions correctionnelles.[101]

En limitant l’interaction du personnel avec les détenus, l’architecture de ces établissements porte atteinte à un juste équilibre entre la sécurité passive (barrières électroniques, surveillance par caméra, postes de contrôle, etc.) et la sécurité active (interaction accrue avec les détenus afin de mieux les connaître et, par le fait même, prévenir les incidents et contribuer activement à leur réhabilitation). Cette limite est sérieuse puisque l’interaction avec les détenus est un élément important de la sécurité des détenus et du personnel. Certains témoins ont sur ce point soutenu que les interactions fréquentes et positives avec les détenus augmentent les chances que les détenus informent le personnel de problèmes existants entre certains détenus ou encore de complots. La docteure Ruth Martin qui travaille en milieu correctionnel a aussi souligné que « les communications ouvertes [des délinquants] avec le personnel et l’administration peuvent réduire le développement d’une sous-culture négative »[102].

Pendant l’examen, le Comité a également appris que la majorité des détenus sont placés sur des listes d’attente avant d’accéder aux programmes et aux traitements prévus dans leur plan correctionnel. Cela s’explique entre autres par un nombre insuffisant d’intervenants et le manque de locaux considérés adéquats du point de vue de la sécurité des détenus et du personnel pour la prestation des programmes. Cette lacune est d’autant plus grave que la majorité des détenus n’ont pas accès aux soins et aux programmes appropriés en temps opportun. Ceux qui les reçoivent tardivement voient généralement leur mise en liberté dans la collectivité repoussée; d’autres sont libérés sans avoir bénéficié de tous les traitements et programmes considérés essentiels à leur réhabilitation.

Étant donné l’infrastructure inefficace, inadéquate et coûteuse de bon nombre des établissements correctionnels exploités par le SCC, le Comité d’examen du Service correctionnel du Canada, chargé en 2007 par le gouvernement fédéral d’évaluer les priorités opérationnelles, les stratégies et les plans d’activités du SCC, a recommandé que le gouvernement fédéral investisse dans la construction d’un nouveau type de complexe pénitentiaire régional[103]. Ces complexes comprendraient des secteurs à sécurité minimale, moyenne et maximale et partageraient les services correctionnels et les locaux pour la prestation des programmes, des soins médicaux et de santé mentale.

Lors de son témoignage, Robert Sampson, président du comité d’examen du SCC, a déclaré qu’il est essentiel de s’occuper des questions d’infrastructure pour répondre aux besoins de la population correctionnelle confrontée à des troubles de santé mentale et de toxicomanie[104]. Le commissaire du SCC, Don Head[105] a appuyé ses propos lors de sa comparution lorsqu’il a noté que des modifications à l’infrastructure des établissements correctionnels sont nécessaires afin de faciliter la mise en œuvre des programmes correctionnels.

Les visites des établissements correctionnels ont convaincu le Comité de la nécessité d’apporter des modifications à l’infrastructure de certains établissements pour faciliter les interventions correctionnelles. Les modifications sont aussi indispensables pour assurer des conditions de détention propices au rétablissement des détenus souffrant de troubles mentaux et de toxicomanie.

À la lumière de ces observations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 36

Que le gouvernement fédéral appuie le renouvellement et la modernisation de l’infrastructure vieillissante du système correctionnel fédéral.

RECOMMANDATION 37

Qu’au moment de construire de nouvelles infrastructures, le Service correctionnel du Canada prévoit, dans la mesure du possible, des toilettes et des fenêtres dans chaque cellule avec accès à la lumière du jour et à l’air frais.

RECOMMANDATION 38

Qu’au moment de construire de nouvelles infrastructures, le Service correctionnel du Canada tienne compte des considérations thérapeutiques.

5.7.2      La nécessité de construire de nouvelles unités spécialisées en santé mentale

Au centre de rétablissement Shepody et à l’unité de transition, située à l’établissement Dorchester, le Comité a pu constater le manque flagrant d’espace pour la prestation de soins en santé mentale. Selon le docteur Louis Thériault, consultant psychiatrique depuis un peu plus de 10 ans au centre Shepody, le centre ne peut tout simplement plus répondre aux demandes croissantes de lits et d’unités de codépendance[106]. Pendant sa présentation, il a exhorté le Comité à reconnaître l’importance de locaux appropriés pour répondre aux besoins des personnes en situation de crise. Des problèmes similaires ont également été relevés dans les autres unités de soins psychiatriques visitées.

Le Comité recommande en conséquence :

RECOMMANDATION 39

Que le gouvernement fédéral construise de nouvelles unités de soins psychiatriques plus grandes. Il doit également prévoir des sous-unités convenables et de l’espace pour les entrevues privées et le counselling individuel.

L’ancienne sous-commissaire pour les femmes du SCC, Elizabeth Van Allen, a aussi noté un manque d’espace dans les nouveaux établissements régionaux en ce qui touche la prestation de programmes et de services destinés aux délinquantes qui ont des problèmes complexes en matière de santé mentale. Elle a noté ce qui suit :

Nous avons un problème en ce qui concerne notre capacité en matière d’infrastructure pour nous occuper des délinquants atteints d’une maladie mentale. Pour les femmes incarcérées dans des établissements à sécurité minimale et moyenne, nous avons un bon programme. Nos milieux de vie structurés fonctionnent […] C’est plus difficile lorsque nous avons affaire à des femmes qui ont des problèmes de comportement découlant de besoins plus complexes en matière de santé mentale. Malheureusement, pour travailler avec ces femmes, nous avons besoin d’un environnement plus sécuritaire. Nous disposons de cinq installations régionales. Les unités sécuritaires sont relativement petites, et cela pose des problèmes. C’est un problème que nous devrons aborder au cours des prochaines années.[107]

Le Comité a également noté que le SCC ne dispose d’aucune installation psychiatrique autonome pour les délinquantes sous responsabilité fédérale. De telles installations pourraient accueillir les délinquantes aux prises avec des problèmes complexes en matière de santé mentale et répondre ainsi aux préoccupations de Mme Van Allen. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 40

Que le gouvernement fédéral remédie au fait que le Service correctionnel du Canada ne dispose actuellement d’aucune installation psychiatrique autonome pour loger et traiter les délinquantes condamnées à des peines de deux ans et plus aux prises avec des problèmes complexes en matière de santé mentale.

Le Comité s’inquiète aussi du fait que le centre régional de santé mentale situé dans le périmètre du pénitencier Archambault n’est pas adapté à la prise en charge de délinquants qui demandent un niveau de sécurité élevé. En conséquence, plusieurs délinquants atteints de troubles mentaux seraient pris en charge dans l’Unité spéciale de détention (USD) dans des conditions nocives pour leur santé mentale. D’après le Comité, les détenus d’Archambault devraient avoir accès à des services similaires à ceux qu’offre le centre psychiatrique régional à Saskatoon. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 41

Que le Service correctionnel du Canada modernise le Centre régional de santé mentale du pénitencier Archambault en construisant, hors de l’aile actuellement utilisée, une structure à sécurité maximale de soins psychiatriques pour traiter tous les cas de santé mentale. Cette structure pourrait s’inspirer du Centre psychiatrique régional de Saskatoon, et la philosophie de traitement pourrait être basée sur ce qui se fait au Centre de rétablissement Shepody de Dorchester ou à l’établissement Ila en Norvège.

5.8       CRÉER UN ENVIRONNEMENT PROPICE AU RÉTABLISSEMENT DES DÉLINQUANTS

L’atmosphère des institutions carcérales visitées en Norvège se démarque de la plupart des institutions visitées au Canada. Des membres du Comité ont d’ailleurs fait remarquer que certains établissements ressemblent davantage à des écoles qu’à des prisons en raison de la couleur des murs, de la présence d’objets d’art (tableaux et sculptures), de l’inscription de textes à caractère poétique dans les corridors et de l’interaction amicale entre gardiens et détenus. Même dans les institutions à sécurité maximale, les gardiens ne portent généralement aucun équipement de sécurité — vestes de Kevlar ou matraques télescopiques — lors des interactions avec les détenus. Les gardiens ont néanmoins accès à une gamme complète d’équipement de sécurité très sophistiqué qu’ils utilisent au besoin; l’équipement est entreposé dans un local sécurisé près des unités de détention.

Dans les établissements correctionnels à sécurité moyenne et maximale exploités par le SCC, les détenus sont habituellement soumis à un emploi du temps rigoureux et à de nombreux services fournis (repas préparé, etc.). En revanche, les détenus incarcérés dans les prisons norvégiennes, y compris dans les établissements à sécurité maximale, sont logés dans des unités où ils doivent nouer des liens et se charger des tâches ménagères, — lessive, aspirateur et cuisine. Cette approche ressemble davantage à celle des établissements à sécurité minimale exploités par le SCC; elle a l’avantage de responsabiliser les détenus, de leur faire mettre en pratique les aptitudes de vie les plus fondamentales et de secouer l’apathie.

En général, le Comité a été impressionné par l’approche qu’a adoptée le système correctionnel norvégien. Il a aussi été étonné d’apprendre que les incidents violents dirigés contre les gardiens de prison sont rarissimes. Mme Tole, directrice à la retraite du centre correctionnel Alouette en Colombie-Britannique, favorise aussi cette approche. Lors de sa comparution, elle a rappelé au Comité qu’un environnement moins structuré peut être beaucoup plus sécuritaire pour le personnel correctionnel. Voici ce qu’elle a noté :

Il est faux de penser que plus un environnement est structuré, plus il est sécuritaire. Ce n’est pas vrai. Plus l’environnement est clos, structuré et autoritaire, plus il est difficile de vivre dans cet environnement, et plus on a tendance à avoir des problèmes de gestion. Il ne s’agit donc pas par conséquent d’un environnement sécuritaire. Il est malheureux de constater que de plus en plus d’établissements se dirigent vers cela : davantage de technologie, une sécurité accrue, mouvements de plus en plus limités — parce que ce qu’on génère en fait, c’est une population très dysfonctionnelle qui constitue une menace pour le personnel.[108]

La plupart des témoins s’entendent également pour dire que le taux de réussite est plus élevé parmi les détenus qui ont des contacts positifs et fréquents avec un personnel qualifié. Les propos tenus par Amber-Anne Christie, ancienne détenue et adjointe de recherche pour le Women in 2 Healing, témoignent de l’importance de l’environnement et de l’aménagement physique des institutions carcérales pour le rétablissement des détenus. Voici ce qu’elle a déclaré au Comité :

L’établissement [Alouette] fonctionnait plus comme un centre de réinsertion sociale qu’une prison. C’était extraordinaire. Non seulement y avait-il une bibliothèque et un gymnase, mais il y avait aussi une personne aînée à qui parler. On pouvait aussi jouer du tambour et danser tous les mardi soirs. étant moi-même mère, je dois avouer que cela m’a permis de me souvenir de choses auxquelles je renonçais, et je sais que les autres détenues composaient avec leurs problèmes et réagissaient différemment parce qu’il y avait un bébé sur place.

J’ai été libérée de prison en octobre 2005, et je n’y suis pas retournée depuis. Je serais la première à vous dire que cet établissement a changé ma vie. J’ai été dans de nombreux autres établissements auparavant, mais dans cet établissement, j’ai été traitée comme une personne, et non comme un numéro.[109]

Pour la docteure Ruth Martin, la confiance en soi rehaussée des détenus, leur participation aux processus décisionnels et l’accent mis sur leurs atouts plutôt que sur leurs lacunes constituent des éléments essentiels à la réussite des services correctionnels[110].

Enfin, comme l’atmosphère et l’aménagement des établissements correctionnels sont des composantes essentielles au rétablissement des détenus, en particulier ceux qui souffrent de troubles mentaux et de toxicomanie, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 42

Que le Service correctionnel du Canada développe dans sa mission une vision basée sur des valeurs favorisant une vie saine en établissement et le respect mutuel entre le personnel et les détenus. Ces valeurs devraient être affichées dans toutes les aires communes et révisées régulièrement par le personnel et les détenus.

RECOMMANDATION 43

Que le Service correctionnel du Canada offre un accès suffisant à l’exercice physique à l’extérieur.

RECOMMANDATION 44

Que le Service correctionnel du Canada s’assure que toutes les unités psychiatriques se conforment à des normes acceptables, notamment pour ce qui est de la taille des cellules, de l’éclairage, des aires communes, etc.

RECOMMANDATION 45

Que le Service correctionnel du Canada réduise, dans la mesure du possible, les obstacles relationnels entre les agents correctionnels et les détenus afin de créer un environnement plus favorable à la réhabilitation.

RECOMMANDATION 46

Que le Service correctionnel du Canada fasse en sorte que les établissements carcéraux installent des boîtes à pétitions, où les détenus(es) pourraient déposer des demandes écrites confidentielles adressées aux directeurs des établissements qui auront la responsabilité de répondre à chaque demande raisonnable.

La communauté internationale a pris l’engagement de protéger les droits des personnes détenues en adhérant à de nombreux instruments internationaux des droits de l’homme, dont la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (ERM)[111]. L’ERM est probablement l’obligation internationale la plus largement respectée en matière de droits des détenus. En y souscrivant en 1975, le Canada s’est engagé à appliquer des règles minimales en matière de gestion de sa clientèle correctionnelle. Il a aussi reconnu par le fait même que les détenus conservent l’ensemble de leurs droits humains, à l’exception de leur droit à la liberté de mouvement, et qu’ils doivent en tout temps être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

La règle numéro neuf de l’ERM stipule que :

Les cellules ou chambres destinées à l’isolement nocturne ne doivent être occupées que par un seul détenu. Si pour des raisons spéciales, telles qu’un encombrement temporaire, il devient nécessaire pour l’administration pénitentiaire centrale de faire des exceptions à cette règle, on devra éviter de loger deux détenus par cellule ou chambre individuelle.

Conformément à cette règle, les politiques internes du SCC prévoient que l’occupation simple des cellules est la méthode la plus appropriée sur le plan correctionnel pour loger les détenus[112]. Cependant, le SCC ne choisit pas sa clientèle correctionnelle et il lui arrive de déroger à ce principe, comme bien d’autres administrations correctionnelles ici et ailleurs. Une telle dérogation n’est toutefois pas sans conséquence; des études ont en effet démontré que la surpopulation des établissements a pour effet :

  • d’accroître les tensions et la violence et de compromettre la sécurité du personnel, des détenus et des visiteurs;
  • d’augmenter les risques de propagation de maladies infectieuses;
  • d’accélérer la progression de certaines maladies et,
  • d’amoindrir l’aptitude des administrations correctionnelles à répondre aux besoins des détenus, notamment en matière de soins de santé, de traitement, d’éducation et de formation.

Lors de sa comparution, l’enquêteur correctionnel a précisé que le taux de « double occupation » dans les établissements du SCC a considérablement augmenté au cours des dernières années et toucherait aujourd’hui environ 10 % de la population correctionnelle fédérale[113]. En date du 15 février 2009, 1 313 délinquants étaient logés en double occupation dans 657 cellules[114]. Voici ce que l’enquêteur a noté devant le Comité au sujet de la surpopulation :

En ce moment, le Service correctionnel du Canada a entre 800 et 1 000 cellules vides, un peu partout au Canada. Si on considère la situation de très haut, on peut se dire qu’il y a beaucoup de place et que, si d’autres délinquants sont admis en milieu carcéral, on doit être en mesure de les loger. C’est la conclusion qu’on pourrait tirer.

Dans les faits, à cause de la composition de la population carcérale, des problèmes de gangs et de malades mentaux, et des préoccupations particulières à l’égard des délinquantes ou des délinquants autochtones, cette capacité n’est pas disponible au bon endroit et au bon moment. Il y a du surpeuplement, notamment dans les établissements à sécurité moyenne, où la très grande majorité des délinquants passent une très grande partie de leur temps[115].

À la lumière de ces observations et compte tenu de l’adoption de certains projets de loi qui risquent d’augmenter la population correctionnelle fédérale, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 47

Que le gouvernement fédéral applique l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies, dont le gouvernement du Canada s’est engagé a respecter, lequel dicte : « Les cellules ou chambres destinées à l’isolement nocturne ne doivent être occupées que par un seul détenu » puisqu’il est bien connu que la double occupation des cellules et la surpopulation exacerbent les problèmes de santé mentale et de toxicomanie des détenus et nuisent à leur capacité de réadaptation et de réinsertion sociale.

5.9       LES LACUNES DE LA FORMATION DU PERSONNEL EN MILIEU CORRECTIONNEL

La formation du personnel est reconnue dans la Stratégie du SCC en matière de santé mentale comme un élément essentiel à la prestation de services et de programmes qui répondent aux besoins des délinquants atteints de troubles mentaux. Selon le rapport 2008-2009 de l’enquêteur correctionnel, le SCC aurait récemment fait des progrès à ce chapitre avec la mise en œuvre d’une nouvelle trousse de formation sur la santé mentale destinée au personnel de première ligne[116]. Le SCC a également informé le Comité qu’il a récemment mis sur pied une formation de deux jours sur la santé mentale pour le personnel des bureaux de libération conditionnelle et des maisons de transition. Malgré ces initiatives prometteuses, bon nombre des témoins, y compris des employés du SCC, ont fait valoir que les réalisations du SCC dans ce domaine sont insatisfaisantes.

Le Comité n’a pas examiné en détail le contenu de la formation actuellement offerte aux employés du SCC. Cependant, les témoignages indiquent que les agents correctionnels travaillant jour après jour avec les détenus sous responsabilité fédérale, malgré les meilleures intentions du monde, ne sont pas en mesure de reconnaître les symptômes des troubles mentaux et de la maladie mentale. Ils auraient donc du mal à composer avec les comportements incohérents associés aux troubles mentaux, et ne parviendraient pas à répondre de façon appropriée aux besoins des délinquants en cause[117]. En fait, certains témoins, dont l’enquêteur correctionnel, ont noté que les comportements compulsifs et irrationnels associés aux troubles mentaux sont souvent interprétés comme des gestes de violence et mènent à des interventions axées sur la sécurité plutôt que sur le traitement[118]. Comme le souligne la prochaine section, l’isolement cellulaire s’avère couramment la solution par défaut dans ce cas.

Étant donné l’importance de la formation dans la gestion de cette clientèle correctionnelle, le Comité a été surpris d’apprendre que les agents correctionnels des CRT ne reçoivent pas une formation spécialisée. En règle générale, le Comité convient avec l’enquêteur correctionnel que le SCC doit reconnaître l’importance de la formation en matière de santé mentale en donnant immédiatement une formation adaptée au personnel des CRT.

Le Comité estime que le SCC doit aussi dispenser au plus tôt une formation améliorée destinée au personnel qui travaille tous les jours avec les détenus des établissements correctionnels traditionnels. La formation du personnel doit miser sur la reconnaissance des indices verbaux et comportementaux qui indiquent un trouble de santé mentale et sur la mise en œuvre de réponses adaptées aux besoins des délinquants.

à la lumière de ces observations, et comme la formation du personnel est au cœur d’une gestion efficace et humaine des délinquants atteints de troubles mentaux et de toxicomanie, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 48

Que le Service correctionnel du Canada fasse de ses initiatives de formation en santé mentale l’une de ses priorités de façon à ce que tous les employés de première ligne puissent se familiariser avec les symptômes de la maladie mentale et les modes d’intervention auprès des délinquants atteints de troubles mentaux.

RECOMMANDATION 49

Que le Service correctionnel du Canada mette en œuvre une formation spécialisée en matière de santé mentale s’adressant aux agents correctionnels qui travaillent dans les unités de santé mentale ou les centres régionaux de traitement en santé mentale.

Enfin, conscient des limites de la formation traditionnelle qui s’accompagne généralement de matériel de formation sur support papier, Glenn Thompson, secrétaire du Conseil, Commission canadienne de la santé mentale, a suggéré la création d’un outil de formation électronique que pourraient consulter à tout moment les employés du SCC. Voici ce qu’il a soutenu :

Il faudrait que de nos jours, il y ait un outil électronique en ligne pour les services correctionnels, qui puisse être consulté à tout moment, au travail ou même à la maison, du matériel de formation disponible sur support électronique. Les gens ne se souviennent pas de tout ce qu’ils ont appris lors d’une formation de deux semaines, de trois mois, ou peu importe, et ils ont besoin de pouvoir revenir sur la matière et d’y songer à mesure qu’ils prennent de l’expérience. Aujourd’hui, ils ont peut-être eu à superviser une personne schizophrène. Ils voudront peut-être se renseigner sur le sujet et en apprendre davantage sur la marche à suivre dans ces situations.[119]

Le Comité est d’accord avec M. Thompson et juge qu’un tel outil est susceptible d’améliorer les interventions des agents correctionnels. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 50

Que le Service correctionnel du Canada crée du matériel de formation en matière de santé mentale qui soit accessible sur un support électronique de sorte que les employés qui travaillent dans le milieu correctionnel puissent consulter l’information à tout moment, au travail ou même à la maison.

5.10    L’USAGE INAPPROPRIÉ DE L’ISOLEMENT PRÉVENTIF

Bien que l’isolement préventif ait été présenté comme un outil essentiel à la gestion de crises, le Comité a appris que le SCC y a trop souvent recours pour gérer des délinquants atteints de troubles mentaux.

5.10.1    Le cadre législatif

La LSCMLC autorise le SCC à utiliser deux types d’isolement : l’isolement disciplinaire et l’isolement préventif. L’isolement disciplinaire est une forme sévère de punition qui peut être imposé aux détenus coupables d’une infraction disciplinaire grave[120]. C’est la sanction la plus lourde autorisée aux termes de la LSCMLC. Sa durée est limitée à 30 jours, bien que des infractions disciplinaires multiples puissent entraîner un isolement d’un maximum de 45 jours[121].

L’isolement préventif est une mesure de dernier recours qui a pour but d’empêcher un détenu d’entretenir des rapports avec les autres détenus[122]. Une ordonnance d’isolement préventif ne peut être rendue qu’en conformité avec l’un ou l’autre des trois motifs suivants :

  • Afin de prévenir un comportement qui risque de compromettre la sécurité d’une personne ou du pénitencier, y compris les employés et les autres détenus;
  • Afin de prévoir le bon déroulement d’une enquête pouvant mener à une accusation d’infraction criminelle ou d’infraction disciplinaire grave visée au paragraphe 41(2);
  • Afin de prévenir des sévices au détenu qui ne serait pas en pleine sécurité au sein de l’ensemble de la population correctionnelle.[123]

À l’encontre de l’isolement disciplinaire, la durée de l’isolement préventif ne comporte pas de limite, quoique la LSCMLC stipule que le détenu doit rejoindre au plus tôt les autres détenus[124]. Des témoins ont déploré que l’isolement préventif se prolonge trop souvent sur de longues périodes. Dans son rapport 2008-2009, l’enquêteur correctionnel avoue être troublé par le nombre excessif de détenus placés en isolement préventif pendant 60 jours ou plus. Il a été démontré à maintes reprises que les risques pour la santé augmentent avec le temps; le Comité convient avec l’enquêteur correctionnel qu’« [i]l faut mettre fin à la pratique d’exposer les délinquants atteints de troubles mentaux à des périodes prolongées d’isolement et de privation, car cela n’est ni sécuritaire, ni humain[125] ». En outre, une longue période d’isolement peut retarder la réadaptation et la libération d’un délinquant en raison de l’interruption des programmes correctionnels.

Il convient de noter que le placement en isolement préventif doit faire l’objet d’un examen périodique aux termes de l’article 33 de la LSCMLC et des articles 19 à 23 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions (ci-après le Règlement). Le Règlement prévoit que le jour suivant la mise en isolement préventif, le directeur doit confirmer l’ordonnance d’isolement ou d’ordonner que le détenu retourne parmi la population carcérale. Cette même obligation s’applique dans les cas où le détenu est en isolement préventif volontairement. Lorsque le directeur confirme l’ordonnance d’isolement préventif, un comité de réexamen au sein du SCC doit tenir une audition dans les cinq jours ouvrables de l’ordonnance et par la suite à tous les 30 jours. Un responsable de la région ou un agent de l’administration régionale du SCC désigné doit également examiner le cas du détenu en isolement préventif après 60 jours d’isolement afin de déterminer si le maintien de cette mesure est justifié.

5.10.2    L’isolement préventif par défaut

Plusieurs délinquants atteints de troubles mentaux qui adoptent un comportement irrationnel, impulsif et compulsif sont impliqués dans des altercations avec le personnel et les autres détenus. Dans ces cas, l’incapacité du personnel à reconnaître les symptômes de la maladie provoque des décisions fondées sur la sécurité et la répression, plutôt que sur le traitement et l’intervention.

Le Comité s’inquiète de ce que le SCC tarde à instaurer des unités de santé mentale intermédiaires qui permettraient de prendre en charge ces individus dans des unités adaptées à leurs besoins. Le Comité est convaincu, comme les témoins, que la mise en place de ces unités comblerait de graves lacunes dans la gestion de cette clientèle. Cette démarche procurerait un endroit sécuritaire aux délinquants qui demandent l’isolement cellulaire parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité parmi les autres détenus. Les unités serviraient aussi aux délinquants qui ne satisfont pas aux critères d’admissions à un CRT et qui doivent rester en milieu carcéral, où les ressources en santé mentale sont très limitées. Pour ce qui est des délinquants qui reviennent d’un séjour dans un CRT, ces unités favoriseraient une transition graduelle et sécuritaire entre les interventions thérapeutiques et cliniques du CRT et leur retour parmi la population correctionnelle générale. Au dire de l’enquêteur correctionnel, l’utilisation de l’isolement comme substitut aux soins intermédiaires en santé mentale ne peut être justifiée en aucun cas[126]. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 51

Que le Service correctionnel du Canada accepte en priorité dans les unités de soins intermédiaires (nouvellement créées par la recommandation 26 du Comité) les détenus atteints de troubles mentaux qui normalement seraient transférés en isolement préventif pour les protéger des autres détenus.

Le Comité est aussi très préoccupé par les délinquants placés en isolement afin de gérer leur comportement autodestructeur — tentatives de suicide et incidents d’automutilation. On a dit que le fait de priver le détenu de tout contact humain nuit grandement aux efforts de réadaptation et contribue à exacerber le comportement suicidaire et d’automutilation. Le Comité encourage le SCC et ses employés à utiliser à priori des méthodes d’intervention propres à calmer le délinquant.

Le Comité convient avec le rapport de l’enquêteur correctionnel, Une mort évitable, que l’isolement préventif ne devrait jamais servir de sanction ou de moyen de contourner le régime d’isolement disciplinaire. étant donné que le placement en isolement préventif n’est pas une mesure punitive, le délinquant doit bénéficier des mêmes droits, privilèges et conditions de détention que les autres détenus.

Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 52

Que le Service correctionnel du Canada s’assure que l’isolement préventif soit réservé à des situations très particulières, qu’il soit régi par des règles très strictes et soit utilisé uniquement comme dernier recours.

RECOMMANDATION 53

Que le Service correctionnel du Canada reconnaisse que l’isolement préventif ne convient pas aux traitements des délinquants qui présentent un diagnostic de troubles mentaux et que les contacts humains sont essentiels à leur rétablissement et favorise, dans la mesure du possible, le traitement de ces derniers dans un environnement de soins de santé.

RECOMMANDATION 54

That Correctional Service Canada recognize that administrative segregation is not conducive to the treatment of offenders with mental health diagnoses and that human contact is essential to their rehabilitation and, where possible, facilitate their treatment with a health-care approach.

5.10.3    À la recherche de solutions novatrices

Le Comité a pu constater, en Norvège comme en Angleterre, que l’isolement est aussi perçu comme un mal nécessaire en situation de crise. En Angleterre toutefois, le délinquant est systématiquement examiné avant d’être placé en isolement. Cette évaluation permet de déceler des troubles sous-jacents de la santé mentale et s’avère une pratique prometteuse et essentielle au bien-être des délinquants atteints de troubles mentaux. L’Angleterre et le pays de Galles ont aussi mis sur pied un centre de surveillance étroite pour accueillir les détenus dangereux et perturbateurs qui refusent de se conformer aux règles carcérales ou éprouvent de la difficulté à le faire. Autrement, ils seraient placés en isolement pendant de longues périodes. Pendant la visite, le Comité a pu se rendre compte que ces centres adoptent une approche humaine de la gestion des cas difficiles et favorisent davantage la réhabilitation des délinquants. Au cours de son examen, le Comité a également appris que certaines prisons anglaises et galloises gèrent leur population correctionnelle sans jamais avoir recours à l’isolement cellulaire.

Johanne Vallée, sous-commissaire au SCC pour la région du Québec, a noté qu’un comité consultatif régional a été créé afin d’éviter l’isolement de longue durée. Lorsque le délinquant ne veut pas quitter l’isolement, un programme de pair a été mis sur pied comme solution de rechange. Dans certains centres, la docteure Ruth Martin a aussi expliqué qu’on place les délinquants dans des unités spéciales plutôt qu’en isolement. Cela permet aux délinquants de bénéficier des interventions quotidiennes offertes par des conseillers, des infirmières spécialisées en psychiatrie et des intervenants de la collectivité.

Le Comité est convaincu que les établissements correctionnels ayant recours à des solutions novatrices plutôt qu’à l’isolement cellulaire offrent un environnement plus propice au rétablissement des détenus qui souffrent de troubles mentaux. Tous les détenus devraient tirer avantage d’un environnement thérapeutique axé sur le bien-être et une bonne santé mentale. Le Comité encourage donc le SCC à trouver des solutions de rechange à l’isolement.

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 55

Que le Service correctionnel du Canada (SCC) se penche sur la question de la pratique d’isolement des détenus atteints de troubles mentaux afin de développer des solutions alternatives pour ce genre de clientèle. Pour cela, le SCC doit tenir compte des opinions des directeurs d’établissement, des employés de première ligne, notamment les agents correctionnels, et des meilleures pratiques des autres pays qui ont réussi à réduire le recours à l’isolement.

5.10.4    Un processus d’arbitrage indépendant propre à remédier aux problèmes d’imputabilité et de transparence du Service correctionnel du Canada

La Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la Charte) joue un rôle important dans le domaine correctionnel surtout en ce qui a trait à la protection de l’intégrité des détenus. De nombreuses dispositions de la Charte ont d’ailleurs été intégrées à la LSCMLC, de manière à veiller au respect des droits humains. En vertu de la LSCMLC, le SCC doit aussi assurer une garde et un traitement humain à sa clientèle correctionnelle. Une telle garantie revêt une importance particulière en milieu correctionnel puisqu’il s’agit d’une clientèle vulnérable.

Des études d’envergure[127] et de nombreuses recommandations ont été faites à l’effet que le SCC devrait recourir à un processus d’arbitrage indépendant pour examiner les placements de détenus en isolement préventif. Cependant, ni le SCC, ni le ministre n’ont donné suite à ces recommandations. Le Comité est déçu que le SCC ait choisi de passer outre aux recommandations d’experts du domaine correctionnel. Ce mécanisme indépendant est nécessaire afin d’assurer la transparence des décisions du SCC et de relever toute violation des droits humains de ces détenus. En l’absence de ce mécanisme, le Comité craint qu’il y ait des abus. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 56

Que le Service correctionnel du Canada mène sans tarder un examen indépendant des cas d’isolement préventif à long terme et fasse valider et évaluer le processus d’examen de ces cas par un organisme externe indépendant.

5.11    RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE DES PROGRAMMES CORRECTIONNELS POUR LE RÉTABLISSEMENT ET LA RÉINSERTION SÉCURITAIRE DES DÉLINQUANTS

Tous s’entendent pour dire que la société dans son ensemble y gagne si les services correctionnels répondent de façon appropriée aux besoins des délinquants placés sous leur responsabilité. Parmi ces besoins, il faut noter les troubles de santé mentale, de toxicomanie ou tout autre problème qui affecte leur capacité de fonctionner dans la collectivité en tant que citoyens respectueux des lois. Sur ce point, des recherches ont démontré que les programmes correctionnels visant les facteurs criminogènes permettent de réduire efficacement la récidive. Il s’agit d’ailleurs d’un investissement intelligent. Selon des documents internes, pour chaque dollar investi dans des programmes correctionnels, le SCC économise quatre dollars en coûts d’incarcération[128].

Le SCC s’appuie actuellement sur plusieurs programmes correctionnels, dont le programme de gestion de la colère, de prévention de la violence et de traitement de la délinquance sexuelle et de la toxicomanie. Selon des témoignages entendus au Canada, à Oslo et à Londres, le SCC est un chef de file dans ce domaine. Aussi, bon nombre de programmes offerts dans les prisons norvégiennes, anglaises et galloises s’inspirent des programmes du SCC.

Comme il a été mentionné auparavant, même si tous les établissements du SCC offrent des programmes correctionnels, plusieurs délinquants n’y ont pas accès en temps opportun — ressources humaines ou financières insuffisantes ou manque d’espace. Dans tous les établissements visités, de longues listes d’attente existent pour accéder aux programmes. Selon l’enquêteur correctionnel, 13 353 hommes et femmes se trouvaient dans les établissements correctionnels fédéraux le 10 mai 2009 : de ce nombre, 3 190 étaient inscrits à des programmes correctionnels de base. « C’est donc dire que, dans toutes les régions, il y avait des dizaines et des dizaines de délinquants qui attendaient de participer à des programmes et dont les besoins définis dans leur plan correctionnel restaient insatisfaits[129]. »

5.11.1    Augmenter immédiatement le financement alloué au programme

Actuellement, le SCC dépense environ 37 millions de dollars par année pour les programmes correctionnels : coûts de formation, de contrôle de la qualité, de gestion et d’administration[130]. Au total, les programmes correctionnels ciblant les facteurs criminogènes absorbent seulement de 2 à 2,7 % du budget. Bon nombre de témoins ont déploré cette situation, soulignant que sans un financement plus important, le SCC pourra difficilement faciliter l’accès des détenus aux programmes susceptibles de combler les carences sociales à l’origine de leur criminalité.

Lors de son témoignage à Ottawa, le sous-commissaire du SCC, Marc-Arthur Hyppolite, a informé le Comité que le SCC a récemment reçu des fonds additionnels[131] pour la mise en œuvre d’un nouveau Modèle de programmes correctionnels intégré (MPCI). Le MPCI est à l’essai dans la région du Pacifique depuis janvier 2010. Tout comme d’autres représentants du SCC qui ont comparu devant le Comité, il s’est dit confiant que la mise en œuvre prochaine de ce cadre modularisé permettra au SCC d’améliorer l’accès aux programmes correctionnels pour l’ensemble des détenus sous sa responsabilité et de réduire le taux d’abandon. Le SCC a bon espoir que le MPCI :

  • fera en sorte que les délinquants auront accès à des programmes beaucoup plus rapidement au cours de leur peine;
  • permettra au SCC d’admettre un plus grand nombre de délinquants à des programmes de façon continue;
  • aidera le SCC à s’assurer que les délinquants accèdent rapidement aux programmes et qu’ils les complètent avec succès.

Le Comité espère que les efforts du SCC seront fructueux; les détenus pourront ainsi bénéficier des programmes prévus dans leur plan correctionnel en temps voulu. Pourtant, le Comité est d’avis que cette seule démarche est insuffisante. De même que plusieurs témoins, le Comité conclut que sans une augmentation substantielle du budget alloué aux programmes correctionnels, le SCC ne pourra pas intervenir de façon adéquate en ce qui touche la réinsertion sécuritaire des délinquants dans la collectivité.

Étant donné que le budget du SCC alloué aux programmes correctionnels ciblant les facteurs criminogènes est actuellement insuffisant, le Comité :

RECOMMANDATION 57

Que le Service correctionnel du Canada augmente substantiellement le budget alloué aux programmes correctionnels ciblant les facteurs criminogènes, dont la toxicomanie et les troubles mentaux.

Afin de maximiser les investissements dans les programmes correctionnels et de favoriser ainsi le rétablissement des détenus, le Comité estime que le SCC devrait faire davantage appel à des pairs-conseillers. Cette approche s’étaie sur la participation de détenus pour amener des changements parmi d’autres détenus confrontés à des troubles similaires. C’est une méthode qui peut s’avérer très efficace en termes de réhabilitation. Par ailleurs, l’accent mis sur les pairs-conseillers pourrait contribuer au renforcement de la capacité du SCC de répondre aux besoins des délinquants en matière de santé mentale et de toxicomanie. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 58

Que le Service correctionnel du Canada assure la formation et augmente la mise à l’œuvre des pairs-conseillers.

5.11.2    Élargir l’éventail des programmes offerts aux détenus sous responsabilité fédérale

Le Comité appuie l’ensemble des programmes en place au sein du système correctionnel fédéral. Or, il ressort des témoignages des détenus, des agents correctionnels et des professionnels que le SCC devrait élargir l’éventail des programmes correctionnels. Dans le même ordre d’idées, le Comité convient avec les témoins qu’il faut profiter au maximum de la période d’incarcération pour transmettre aux délinquants les outils nécessaires à leur réinsertion sociale réussie dans la collectivité en tant que citoyens respectueux des lois et pour lutter contre la monotonie. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 59

Que le Service correctionnel du Canada utilise davantage les salles d’artisanat et les ateliers de travail et élargisse l’éventail et le nombre de programmes créatifs, récréatifs, artistiques et musicaux et autres programmes thérapeutiques.

Pendant l’examen, des délinquants participants ou qui ont déjà participé à des programmes fondés sur les principes de la zoothérapie ont donné de très beaux témoignages sur certains programmes du SCC. Il faut noter, entre autres, le programme équin du pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, situé dans la Première nation Necaneet à Maple Creek en Saskatchewan, et le programme des fermes pénitentiaires actuellement offert dans six établissements correctionnels exploités par le SCC[132].

En règle générale, les recherches tendent à démontrer que l’attachement à un animal a des conséquences positives sur l’être humain sur le plan physique, psychologique et émotionnel[133]. Les programmes fondés sur la zoothérapie pourraient notamment minimiser la dépression et l’anxiété, favoriser le développement de l’estime de soi, l’apprentissage de la compassion et d’aptitudes sociales diverses — respect des autres, discipline et sens de la responsabilisation. En milieu correctionnel, l’interaction avec les animaux aurait par ailleurs un effet calmant sur les détenus et le personnel, et contribuerait à une atmosphère plus détendue et propice à la réhabilitation. Un document d’évaluation du programme de dressage de chiens de l’établissement pour femmes Nova, souligne que cela « permet aux délinquantes d’assumer une responsabilité importante. Le programme les aide à développer leur estime de soi, provoque des changements positifs dans le milieu carcéral et modifie la façon dont la collectivité considère les délinquantes de l’établissement Nova[134] ».

Une analyse documentaire réalisée par le SCC conclut que les programmes de zoothérapie procurent non seulement des avantages aux participants — amélioration de leur comportement et apprentissage de la discipline, sens de la coopération et respect des autres —, mais également au personnel des établissements correctionnels puisque la présence d’animaux détend l’atmosphère et favorise la communication avec les détenus[135]. Enfin, la société dans son ensemble bénéficierait également de ces programmes puisque la participation des détenus leur permet d’acquérir des compétences utiles au marché du travail et ferait décroître la récidive criminelle[136].

Les programmes de zoothérapie ont fait leurs preuves, et l’ensemble des détenus y participant estiment que ces programmes comportent des avantages indiscutables sur le plan humain. Par conséquent, le Comité comprend mal la décision du SCC de mettre un terme au programme des fermes pénitentiaires d’ici au 31 mars 2011. Comme bon nombre de témoins, le Comité est convaincu que le SCC fait fausse route; il est plutôt d’avis que le SCC doit accroître le nombre de programmes fondés sur la zoothérapie.

à la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 60

Que le Service correctionnel du Canada rétablisse le programme des fermes pénitentiaires qui demeure non seulement un bon outil de réhabilitation, mais aussi de zoothérapie.

RECOMMANDATION 61

Que le gouvernement fédéral, sachant qu’il est essentiel de préparer les détenus à leur réinsertion sociale, reconnaisse les besoins uniques en matière de réadaptation des délinquants aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, et mette davantage l’accent sur les programmes de réadaptation où les délinquants travaillent avec des êtres vivants (dont le programme de prisons agricoles de CORCAN) qui, comme le montre la recherche, ont un effet calmant et réparateur chez les détenus et les aide à acquérir les qualités qui font souvent défaut aux délinquants, comme l’estime de soi, le respect et l’empathie, ainsi que les aptitudes de vie essentielles comme le sens des responsabilités, la fiabilité et le travail d’équipe et que le Service correctionnel du Canada examine et mette en œuvre des programmes de zoothérapie et d’élevage d’animaux à des fins thérapeutiques.

Les femmes incarcérées dans les établissements provinciaux ou fédéraux sont souvent mères de famille. Selon le SCC, environ les deux tiers des femmes qui relèvent de sa responsabilité ont des enfants de moins de cinq ans; la plupart sont chefs de famille monoparentale. L’incarcération de ces femmes touche grandement leurs enfants. Des recherches ont d’ailleurs démontré que « les jeunes enfants séparés de force de leur mère subissent des troubles du développement et des problèmes émotionnels à long terme[137] ».

Pour contrer les effets néfastes de l’emprisonnement sur les enfants, plusieurs pays ont élaboré des programmes correctionnels mère-enfant. Plusieurs programmes prévoient que les bébés nés en prison demeurent avec leur mère pendant un certain temps. D’autres programmes permettent également aux mères incarcérées d’accueillir leurs jeunes enfants sous certaines conditions. Le SCC a mis en place un programme mère-enfant en 1996-1997. Ce programme a longtemps été présenté à titre de projet pilote; il a été créé officiellement par le SCC en 2001.

La directive du Commissaire no 768 précise que ce programme vise à susciter un milieu favorisant le maintien et le développement de la relation mère-enfant. Selon cette directive, le SCC distingue deux paliers de participation au programme, à savoir la cohabitation à temps plein et la cohabitation à temps partiel — séjour de l’enfant durant les fins de semaine, les jours fériés ou les vacances scolaires. L’âge maximal pour la cohabitation à temps plein est fixé à quatre ans (au moment du quatrième anniversaire); l’âge maximal pour la cohabitation à temps partiel est fixé à 12 ans inclusivement. Cependant, une dérogation à cette règle peut être envisagée suivant une demande écrite; la demande doit être approuvée par la sous-commissaire pour les femmes et le sous-commissaire régional.

Selon la directive du Commissaire, le directeur de l’établissement doit s’assurer que toutes les décisions sont prises en fonction du meilleur intérêt de l’enfant, y compris sa sécurité et son bien-être physique, affectif et spirituel. L’ancienne sous-commissaire pour les femmes, Mme Van Allen, a aussi noté que le directeur consulte habituellement les autorités compétentes en matière de protection de l’enfance avant la prise de décisions qui touchent les enfants des détenues.

Quoique le programme soit actuellement offert dans les cinq établissements correctionnels pour femmes, une seule détenue y était inscrite en date du 5 novembre 2009[138]. D’ailleurs, Mme Van Allen a souligné que peu de femmes en ont tiré profit depuis sa mise en œuvre. Le Comité espère que le SCC profitera au maximum de ce programme à l’avenir afin d’encourager les délinquantes sous sa responsabilité à assumer leur rôle de mère pendant l’incarcération et de les aider à le faire.

En discutant avec des détenus, le Comité a aussi constaté que plusieurs sont aussi pères de famille. à ce titre, le SCC doit également les aider à assumer leurs responsabilités parentales, soit en leur fournissant des programmes d’habiletés parentales, soit en encourageant les visites des enfants.

Le Comité estime que ce genre de pratiques reconnaît l’importance de la relation parent-enfant, tant pour le bien-être et la santé mentale de la mère et du père que pour celle de l’enfant. Cela étant dit, pour toutes décisions concernant des enfants, le SCC doit continuer à garantir que leur sécurité, leur santé et leur développement ne sont pas compromis.

À la lumière de ces considérations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 62

Que le Service correctionnel du Canada mette sur pied un programme d’habiletés parentales pour les détenus en établissant des partenariats avec des organismes communautaires et gouvernementaux. Cette approche pourrait comprendre une formation en éducation des enfants des divers groupes d’âge, la gestion des conflits, les visites familiales de fin de semaine, l’amélioration de la capacité de lecture des enfants et l’augmentation du nombre des unités carcérales accueillant les mères et leurs enfants.

Enfin, le Comité est conscient que le SCC administre actuellement cinq programmes destinés aux délinquants sexuels — trois programmes nationaux à intensité élevée, modérée et faible, le programme Tupiq sensible à la culture inuite et le programme destiné aux délinquantes sexuelles. Des témoins ont néanmoins affirmé que les programmes actuels ne conviennent pas aux délinquants sexuels confrontés à des troubles concomitants. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 63

Que le Service correctionnel du Canada élabore et réalise des programmes de base à l’intention des délinquants sexuels qui présentent des retards de développement, des troubles bipolaires ou des affections semblables et auxquels les programmes de base existants ne conviennent pas.

5.12    ASSURER LA TRANSITION EN TOUTE SÉCURITÉ EN RÉDUISANT LE RISQUE DE RÉCIDIVE

Dans sa déclaration liminaire, M. Livingston, a noté que « la transition entre la détention et la vie en société peut être une source importante de stress et de détresse psychologique » pour les délinquants confrontés à des troubles de santé mentale. Pour pallier cette détresse et favoriser le rétablissement de ces détenus, les recherches démontrent que les services correctionnels doivent leur fournir des plans de transition comprenant des indications claires sur les ressources offertes dans la collectivité et veiller, le cas échéant, à ce que les délinquants reçoivent des médicaments en quantité suffisante pour répondre à leurs besoins jusqu’à ce qu’ils rencontrent un fournisseur de soins de santé communautaires.

Selon les statistiques présentées pour la région du Québec, deux fois plus de délinquants confrontés à des troubles mentaux récidivent suivant leur libération, comparativement aux autres délinquants[139]. Pour endiguer cette tendance, le SCC doit s’assurer que les délinquants reçoivent les traitements et les programmes adaptés à leurs besoins et obtiennent un soutien adéquat dans la collectivité. Voici ce qu’a souligné, Graham Stewart, ancien directeur général de la Société John Howard du Canada, à ce sujet :

[S]i nous ne faisons rien pour changer les choses, que nous n’arrivons pas à prodiguer des traitements efficaces et que nous n’offrons pas un soutien adéquat aux personnes qui réintègrent la collectivité, étant aussi vulnérables qu’elles le sont et avec toutes les difficultés qu’elles vivent au jour le jour, vous pouvez être sûrs qu’elles vont se retrouver derrière les barreaux avant longtemps, et pas nécessairement pour des crimes graves.[140]

Pour augmenter les chances de réussite des délinquants et protéger la sécurité du public, le Comité conclut que le SCC doit renforcer immédiatement les services correctionnels communautaires. Il doit aussi travailler à la création de relations avec les programmes publics extérieurs susceptibles d’offrir des services de traitement et de soutien adéquats aux délinquants libérés sous condition.

À la lumière de ces observations, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 64

Que le Service correctionnel du Canada augmente le nombre de lits dans les maisons de transition pour hommes et femmes afin d’en avoir un nombre suffisant dans chaque province et territoire.

Comme de nombreux témoins, le Comité estime également que la transition entre la détention et le milieu communautaire serait grandement facilitée par la mise en œuvre de pratiques correctionnelles favorisant la participation des familles, des amis et des groupes communautaires en milieu correctionnel. La participation des personnes et des groupes capables de fournir des services communautaires adéquats et d’appuyer les délinquants afin qu’ils puissent prendre le contrôle de leur vie et de leur santé constitue, selon le Comité, un élément important de la réinsertion sociale réussie des délinquants. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 65

Que le Service correctionnel du Canada encourage et multiplie les visites familiales et les contacts avec la famille, les amis et la collectivité.

RECOMMANDATION 66

Que le Service correctionnel du Canada augmente les contacts avec les programmes, ressources et groupes communautaires afin d’augmenter considérablement tant l’implication communautaire que le type, le nombre et la qualité des programmes dans les établissements correctionnels (p. ex. équipes sportives, ateliers d’art dramatique, enseignants, etc.).

RECOMMANDATION 67

Que le Service correctionnel du Canada, chaque fois que c’est possible et souhaitable, augmente l’accès des délinquants aux ressources, aux programmes et aux visites dans la collectivité.

5.13    PROBLÈMES DE RECRUTEMENT ET DE RÉTENTION DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ EN MILIEU CORRECTIONNEL

Selon les données recueillies par le Comité, le SCC est confronté à un manque criant de ressources humaines pour répondre aux besoins des détenus sous responsabilité fédérale atteints de troubles mentaux et de toxicomanie. En raison de cette pénurie — qui ne sévit toutefois pas avec la même acuité dans toutes les régions du pays[141] —, des délinquants ne reçoivent pas les soins appropriés; ils doivent souvent attendre pour bénéficier des services et des programmes prévus dans leur plan correctionnel. Ce délai peut repousser leur mise en liberté sous condition, ou pis encore, entraîner une libération sans les traitements et programmes nécessaires afin d’augmenter leurs chances de réussite dans la collectivité.

Selon les témoignages entendus, le SCC trouve particulièrement difficile d’attirer et de retenir des professionnels de la santé, difficulté qui peut être attribuée à différents facteurs, dont :

  • La pénurie de ressources humaines dans le système de santé en général[142];
  • L’environnement complexe et difficile des pénitenciers résultant, entre autres, du profil de la clientèle correctionnelle;
  • L’emplacement des établissements[143];
  • Les possibilités plus minces de perfectionnement et de formation permanente[144];
  • La réticence ou le refus des médecins, des psychiatres et des psychologues, de passer du statut d’entrepreneur indépendant à celui d’employé[145];
  • L’isolement professionnel;
  • La rémunération non concurrentielle[146].

Le Comité a appris que la création de partenariats avec des départements universitaires de médecine, de psychologie, de travail social et de criminologie a permis au SCC de remédier à la situation dans certains établissements. Ces partenariats prévoient par exemple la possibilité pour les étudiants de faire des stages et des recherches dans les établissements correctionnels, et offrent au personnel du SCC des possibilités de partager leur expérience par le biais de l’enseignement de cours à l’université.

Le Comité a également eu l’occasion de visiter le Centre psychiatrique régional (CPR) en Saskatchewan et d’échanger avec le personnel. Il s’agit d’un endroit unique dans le système correctionnel fédéral en ce qui a trait au partenariat public/privé. Le CPR est construit sur des terrains de l’Université de la Saskatchewan; il est l’aboutissement d’un effort de coopération entre la province de la Saskatchewan, l’Université de la Saskatchewan et le SCC[147]. Le CPR se distingue aussi des autres centres de traitement régionaux par l’importance qui y est accordée à la fonction d’enseignement et de recherche. D’après les témoignages, le CPR est très prisé comme milieu de travail, et le SCC n’éprouve aucune difficulté à recruter des professionnels en santé mentale.

Malgré les réalisations du SCC au chapitre du recrutement du personnel en santé mentale dans certains établissements, le Comité convient avec les témoins que s’il n’obtient pas de ressources humaines additionnelles, le SCC ne pourra pas relever le défi posé par la gestion de la clientèle correctionnelle confrontée à des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Cette clientèle risque par ailleurs de s’accroître avec l’augmentation prévue de la population correctionnelle fédérale par suite de l’adoption de projets de loi qui alourdissent les peines pour certaines infractions[148]. Afin que la clientèle correctionnelle nécessitant la prestation de programmes et de traitements de santé mentale et de toxicomanie reçoive les soins appropriés, le Comité est convaincu que le SCC doit élaborer et mettre en œuvre une nouvelle stratégie de recrutement et de maintien en poste.

Vu l’importance du personnel spécialisé dans la prestation des soins de santé en général et de santé mentale en particulier, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 68

Que le Service correctionnel du Canada élabore un programme pouvant attirer et retenir des psychologues, infirmières, infirmières psychiatriques, ergothérapeutes, travailleurs sociaux et autres professionnels nécessaires, et, entre autres, verser les salaires du marché.

RECOMMANDATION 69

Que le Service correctionnel du Canada prévoie des budgets réservés au perfectionnement et à la formation permanente des professionnels de la santé de façon à rendre l’environnement plus intéressant pour eux.

5.14    LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN OEUVRE IMMÉDIATEMENT TOUTES LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT UNE MORT ÉVITABLE DU BUREAU DE L’ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL

Le décès tragique d’Ashley Smith en 2007 a ébranlé le milieu correctionnel et la population. Il a fait ressortir l’urgence de se préoccuper de la qualité des soins de santé mentale dispensés dans les établissements correctionnels du Canada et de la capacité du SCC de ce faire.

Le rapport présenté par l’enquêteur correctionnel au sujet de Mme Smith, Une mort évitable, met en lumière les manquements du SCC à l’égard de la délinquante ainsi que de nombreux problèmes systémiques. L’enquêteur correctionnel déplore, entre autres, le manque de ressources en santé mentale et l’absence d’un mécanisme d’examen externe indépendant des placements en isolement. Il souligne également le manque de coordination entre les services correctionnels et les soins de santé fédéraux, provinciaux et territoriaux. Le Rapport de l’Ombudsman du Nouveau-Brunswick et Défenseur des enfants et de la jeunesse qui a porté sur les services fournis à Ashley Smith déplore aussi les lacunes dans les soins de santé destinés aux délinquants atteints de troubles mentaux.

En août 2009, le SCC a répondu aux recommandations du BEC, en décrivant grosso modo ce qu’il entend faire pour combler les lacunes relevées. En 2010, un rapport d’étape et une mise à jour ont été présentés; le SCC y déclare son appui à huit des 15 recommandations qui le visent. Le Comité voit d’un bon œil cette démarche; il estime néanmoins que le SCC doit mettre en œuvre l’ensemble des recommandations formulées dans l’étude indépendante et impartiale menée par l’enquêteur correctionnel. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 70

Que le Service correctionnel du Canada mette en œuvre immédiatement toutes les recommandations formulées par Howard Sapers, enquêteur correctionnel, dans son rapport intitulé Une mort évitable, rendu public en juin 2008.

5.15    SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT ANNUEL DU BUREAU DE L’ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL 2008-2009

D’entrée de jeu, le Comité tient à souligner le travail considérable de l’enquêteur correctionnel qui veille à ce que les délinquants reçoivent un traitement équitable et humain au sein du système correctionnel fédéral. Dans son plus récent rapport, l’enquêteur correctionnel présente 19 recommandations et aborde des problèmes systémiques liés à l’application des lois et des politiques correctionnelles par le SCC.

Les préoccupations soulevées par l’enquêteur correctionnel se rapprochent des problématiques qu’a identifiées le Comité lors de son examen. La santé mentale, les incidents d’automutilation, les services de santé, les programmes correctionnels, les formes d’isolement, les délinquants autochtones, les femmes purgeant une peine de ressort fédéral, les décès en établissement et les lacunes en matière de sécurité active figurent parmi les différentes préoccupations soulevées dans ce rapport. Il est regrettable que le SCC tarde à mettre en œuvre l’ensemble des recommandations de l’enquêteur qui, de l’avis du Comité, permettraient au SCC de rehausser sa capacité de confronter les nombreux enjeux liés à la composition de sa clientèle carcérale. C’est pourquoi le Comité recommande:

RECOMMANDATION 71

Que le Service correctionnel du Canada mette en œuvre toutes les recommandations du 36e rapport annuel au Parlement (2008-2009) du Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui ne sont pas contenues ici.



[46]           Témoignages, 2 juin 2009.

[47]           Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, communiqué, 2009 http://www.scics.gc.ca/cinfo09/830974004_f.html.

[48]           Commission de la santé mentale du Canada, Vers le rétablissement et le bien-être : cadre pour une stratégie en matière de santé mentale au Canada, novembre 2009.

[49]           Ibid.

[50]           Ibid.

[51]           Cette remarque est tirée du témoignage de Sir Alan Beith, président du Comité de la justice au Royaume-Uni, lors de la rencontre organisée au Palais de Westminster.

[52]           Marcus Richards et Rosemary Abbot, Childhood Mental Health and Life Chances in Post-War Britain. Insights from three national birth cohort studies (Santé mentale durant l’enfance et perspectives d’avenir dans le Royaume-Uni de l’après-guerre : études sur trois cohortes de naissance nationales), 2009.

[53]           Le Canada compte actuellement six tribunaux de traitement de la toxicomanie financés par le gouvernement fédéral : Toronto (décembre 1998), Vancouver (décembre 2001), Edmonton (décembre 2005), Winnipeg (janvier 2006), Ottawa (mars 2006) et Régina (octobre 2006). Il existe par ailleurs des tribunaux qui ne sont pas financés par le gouvernement fédéral. Par exemple, le tribunal de traitement de la toxicomanie de Calgary est financé par la ville de Calgary.

[54]           Des tribunaux de traitement de la santé mentale ont été créés notamment à Ottawa, Montréal et Toronto.

[55]           James Livingston, Témoignages, 29 octobre 2009.

[56]           Document remis au Comité, Anne-Grete Kvangig, Direction de la santé, Le traitement des détenus atteints de troubles mentaux, 23 novembre 2009.

[57]           Témoignages, 6 octobre 2009.

[58]           Ibid.

[59]           Gouvernement du Canada, Aspect humain de la santé mentale et de la maladie mentale au Canada, 2006.

[60]           Témoignages, 16 mars 2010.

[61]           Brenda Tole, directrice à la retraite du centre correctionnel Alouette pour femmes, Témoignages, 16 mars 2010.

[62]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[63]           Service correctionnel du Canada, Services correctionnels pour Autochtones, Faits en bref, janvier 2010.

[64]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[65]           Sécurité publique Canada, Aperçu statistique : Le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 2009, Comité de la statistique correctionnelle du portefeuille ministériel de Sécurité publique Canada, décembre 2009.

[66]           Ibid.

[67]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[68]           Ibid.

[69]           Michelle M. Mann, De bonnes intentions[…] des résultats décevants : Rapport d’étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones, Bureau de l’enquêteur correctionnel, 11 octobre 2009.

[70]           Sécurité publique Canada, Aperçu statistique : Le système correctionnel et la mise en liberté sous condition 2009, Comité de la statistique correctionnelle du portefeuille ministériel de Sécurité publique Canada, décembre 2009.

[71]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[72]           Michelle M. Mann, De bonnes intentions[…] des résultats décevants : Rapport d’étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones, Bureau de l’enquêteur correctionnel, 11 octobre 2009.

[73]           Marc-Arthur Hyppolite, sous-commissaire principal, Service correctionnel du Canada, Témoignages, le 5 novembre 2009 et Michelle M. Mann, De bonnes intentions[…] des résultats décevants : Rapport d’étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones, Bureau de l’enquêteur correctionnel, 11 octobre 2009.

[74]           Ibid.

[75]           Service correctionnel du Canada, Des initiatives pour les Autochtones, Faits et chiffres, juillet 2009.

[76]           Michelle M. Mann, De bonnes intentions[…] des résultats décevants : Rapport d’étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones, Bureau de l’enquêteur correctionnel, 11 octobre 2009.

[77]           Selon la Directive du commissaire no 702, des aliments traditionnels sont autorisés dans les établissements correctionnels fédéraux à la condition qu’ils soient utilisés dans le cadre d’une célébration ou d’une cérémonie. Les aliments locaux (tout animal sauvage récolté, principalement la chair de phoque, de baleine, de caribou et d’omble chevalier) sont également permis et doivent être fournis au moins une fois par mois au peuple inuit, puisqu’ils sont considérés comme des éléments nutritifs essentiels.

[78]           Service correctionnel du Canada, Services correctionnels pour Autochtones, Faits en bref, janvier 2010.

[79]           Service correctionnel du Canada, Réponse du Service correctionnel du Canada au 36e rapport annuel du bureau de l’enquêteur correctionnel, 2 novembre 2009.

[80]           Ibid.

[81]           Michelle M. Mann, De bonnes intentions[…] des résultats décevants : Rapport d’étape sur les services correctionnels fédéraux pour Autochtones, Bureau de l’enquêteur correctionnel, 11 octobre 2009.

[82]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[83]           Howard Sapers, Témoignages, 2 juin 2009.

[84]           La définition des aliments traditionnels et locaux se trouve à la note 77.

[85]           Marc-Arthur Hyppolite, Témoignages, 5 novembre 2009.

[86]           Témoignages, 16 mars 2010.

[87]           Lars F. Moller, Brenda J. van den Bergh, Alex Gatherer, Projet sur la santé dans les prisons, Organisation mondiale de la santé (OMS), Bureau régional pour l’Europe, « L’usage de drogues en prison : une grave menace pour la santé publique » dans Dépendances, septembre 2008, no 35.

[88]           Ibid.

[89]           James Livingston, Témoignages, 29 octobre 2009.

[90]           Service correctionnel du Canada, Initiative sur la santé mentale dans la collectivité, sans date. (document remis au Comité au mois d’octobre 2009).

[91]           Ibid.

[92]           Ibid.

[93]           Service correctionnel du Canada, Assurer un continuum des soins — Sommaire des services et des résultats en santé mentale, octobre 2009.

[94]           Ivan Zinger, Témoignages, 2 juin 2009.

[95]           Sandra Ka Hon Chu, Analyste principale de la politique, Réseau juridique canadien VIH/sida, « Faire comme il faut », Réponse factuelle aux problèmes posés par la toxicomanie et la santé mentale dans les prisons fédérales, mémoire présenté au Comité, octobre 2009.

[96]           Ibid.

[97]           Dr. Peter Ford, médecin, Témoignages, 5 novembre 2009.

[98]           Ibid.

[99]           Si la plupart des problèmes constatés pendant l’examen concernent les établissements correctionnels construits avant les années 1950, des problèmes ont également été signalés dans des établissements construits au cours des deux dernières décennies.

[100]           Don Head, « Modernisation de l’infrastructure physique », Entre Nous, vol. 33, no 1, mai 2008.

[101]           Témoignages, 6 octobre 2009.

[102]           Ibid.

[103]           La recommandation du Comité d’examen du Service correctionnel du Canada se lit comme suit : « Le Comité recommande que le SCC investisse des fonds d’immobilisations et de fonctionnement pour la construction d’un nouveau type de complexe pénitentiaire régional qui corrige les problèmes de rentabilité et d’efficacité opérationnelle de son infrastructure physique actuelle. » Comité d’examen du Service correctionnel du Canada, Feuille de route pour une sécurité publique accrue, rapport présenté au gouvernement le 31 octobre 2007.

[104]           Robert Sampson, président, Comité d’examen du Service correctionnel du Canada, Témoignages, 11 juin 2009.

[105]           Témoignages, 11 juin 2009.

[106]           Notes de discours, 16 décembre 2009.

[107]           Témoignages, 5 novembre 2009.

[108]           Témoignages, 16 mars 2010.

[109]           Ibid.

[110]           Ibid.

[111]           Droits de l’homme : Recueil d’instruments internationaux, vol. I (première partie) : Instruments universels (Vol. I, première partie), sect. J, no 34.

[112]           Service correctionnel du Canada, Directive du commissaire no 550 Logement des détenus, mars 2001.

[113]           Howard Sapers, Enquêteur correctionnel du Canada, comparution devant le Comité permanent de la Justice et des droits de la personne, 25 mai 2009.

[114]           Ibid.

[115]           Témoignages, 2 juin 2009.

[116]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel, 2008-2009, 29 juin 2009.

[117]           Voir, entre autres, le témoignage de Howard Sapers, 2 juin 2009.

[118]           Ivan Zinger, Témoignages, 2 juin 2009.

[119]           Témoignages, 10 décembre 2009.

[120]           Les infractions disciplinaires se retrouvent à l’article 40 de la LSCMLC.

[121]           Article 44 de la LSCMLC et article 40 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

[122]           Articles 31 à 37 de la LSCMLC.

[123]           Paragr. 31(3) de la LSCMLC.

[124]           Paragr. 31(2) de la LSCMLC.

[125]           Rapport annuel du Bureau de l’enquêteur correctionnel 2008-2009, 29 juin 2009.

[126]           Douglas Quan, « Put end to isolation of mentally ill offenders », CanWest News Service, 25 mars 2010.

[127]           Après l’adoption de la LSCMLC, le processus d’isolement des détenus fédéraux a été étudié par Madame la Juge Arbour dans son rapport d’enquête de 1996 sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston. En 2000, le Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé En constante évolution — La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En 2004, la Commission canadienne des droits de la personne a publié son rapport Protégeons leurs droits : Examen systématique des droits de la personne dans les services correctionnels destinés aux femmes purgeant une peine de ressort fédéral. En 2004, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a publié un document de travail intitulé Changement d’orbite — Les droits de la personne, l’examen indépendant et la responsabilisation au sein du système correctionnel canadien. En 2006, les Nations Unies formulaient des recommandations sur le processus d’isolement dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[128]           Ivan Zinger, Témoignages, 2 juin 2009.

[129]           Howard Sapers, Témoignages, 2 juin 2009.

[130]          Ivan Zinger, Témoignages, 2 octobre 2009.

[131]           Il a noté que le SCC prévoit investir jusqu’à « concurrence de 5 millions de dollars l’an prochain et de 5 millions de dollars l’année suivante » Témoignages, 5 novembre 2009.

[132]           Le SCC offre également un programme de dressage de chiens Pawsitive Directions Canine Program (PDCP) à l’établissement pour femmes Nova depuis 1996.

[133]           Voir entre autres Wendy G. Turner, The experience of offenders in a prison canine program, Federal Probation, vol.71, no 1, juin 2007; Fournier et al., “Human-Animal Interaction in a Prison Setting: Impact on Criminal Behavior, Treatment Progess, and Social Skills”, Behavior and Social Issues, 16, 2007, p. 89-105.

[134]           Kelly Richardson-Taylor et Kelley Blanchette, Résultats d’une évaluation du programme de dressage de chiens Pawsitive Directions offert à l’établissement Nova pour femmes, Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada, septembre 2001.

[135]           Bureau de la sous-commissaire pour les femmes, La zoothérapie dans les établissements correctionnels, 1998 : http://www.csc-scc.gc.ca/text/prgrm/fsw/pet/pet-fra.shtml.

[136]           Earl O. Strimple, “A History of Prison Inmate-Animal Interaction Programs, American Behavioral Scientist, vol. 47, no 1, septembre 2003.

[137]          Organisation mondiale de la santé, La santé des femmes en milieu carcéral. éliminer les disparités entre les sexes en matière de santé dans les prisons, 2009, paragr. 20.

[138]           Témoignages, 5 novembre 2009.

[139]           Johanne Vallée, Service correctionnel du Canada, sous-commissaire, Région du Québec, Témoignages, 23 mars 2010.

[140]           Graham Stewart, Témoignages, 27 octobre 2009.

[141]           Voir notamment les témoignages de Marc-Arthur Hyppolite, sous-commissaire principal, SCC, 5 novembre 2009 et de Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel, 6 juin 2009.

[142]           Gail Czukar, vice-présidente exécutive, Politiques, éducation et promotion de la santé, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Témoignages, 29 octobre 2009.

[143]           Il convient de noter que bon nombre des lieux de travail du SCC sont situés à l’extérieur des grands centres urbains. Service correctionnel du Canada, Plan stratégique pour la gestion des ressources humaines, 2009-2010 à 2011-2012, 2010. Voir également Don Head, commissaire, SCC, Témoignages, 11 juin 2009.

[144]           Howard Sapers, Témoignages, 2 juin 2009.

[145]           Témoignage d’un psychiatre rencontré dans un centre de traitement en santé mentale.

[146]           Le commissaire du SCC a utilisé l’exemple de l’Alberta pour illustrer le défi de la rémunération non concurrentielle. Voici ce qu’il a soutenu : « Nos psychologues gagnent environ 88 000 $ par année. Ils vont travailler à l’hôpital de l’Alberta où ils obtiennent immédiatement un salaire de 108 000 $ et un an plus tard, de 118 000 $. Je ne peux pas soutenir cette concurrence ». Témoignages, 11 juin 2009.

[148]           Craig Jones, Témoignages, 27 octobre 2009.