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SECU Rapport du Comité

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la prÉsence de drogues et d’alcool dans les pÉnitenciers fÉdÉraux : une problÉmatique alarmante

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

La présence de drogues et d’alcool dans les pénitenciers pose un défi au Service correctionnel du Canada (SCC). Celui-ci est responsable de la gestion et de l’administration de la peine des délinquants fédéraux. Pour vaincre ce problème, le SCC a mis en place une stratégie nationale antidrogue il y a plusieurs années. En vertu de cette politique, il ne tolère aucune présence, ni consommation d’alcool ou de drogues dans ses établissements*. L’objectif de la politique stipule qu’un « milieu pénitentiaire sûr, libre de toute drogue, est une condition fondamentale pour que les détenus puissent réintégrer la société à titre de citoyens respectueux des lois[1] ».

Malgré les efforts déployés par le SCC afin de lutter contre l’entrée des drogues illicites, leur présence continue à poser problème dans le milieu correctionnel. Nous le savons, toute présence de drogues illicites sur les lieux d’un pénitencier résulte d’une entrée illégale et sert notamment à alimenter le commerce intérieur tout en faisant fructifier les réseaux d’organisations criminelles à l’intérieur comme à l’extérieur du pénitencier. À l’intérieur du pénitencier, le trafic de drogues ainsi que leur consommation par les délinquants mènent souvent à des cas de violence institutionnelle occasionnant ainsi des difficultés dans la gestion de la population carcérale.

Plusieurs enjeux découlent de cette problématique. Ces derniers s’inscrivent au centre de considérations comme celle d’assurer un environnement carcéral sécuritaire pour ceux qui y travaillent et y résident, et celle de garantir un lieu propice à la réhabilitation et la réintégration des détenus.

1.1 DÉMARCHE ET MANDAT DU COMITÉ

Le 27 septembre 2011, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale (ci-après le Comité) a convenu d’étudier la question des drogues et de l’alcool dans les pénitenciers, les moyens par lesquels les substances illicites entrent et les conséquences qu’elles ont sur la réadaptation des délinquants, la sécurité des agents de correction et la criminalité dans les établissements correctionnels[2].

Du 29 septembre au 8 décembre 2011, le Comité a tenu un total de 10 audiences publiques à Ottawa. Au cours de son étude, le Comité a recueilli les témoignages des représentants du SCC, du Syndicat des Agents Correctionnels du Canada, de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, de la Société John Howard du Canada, de la Fraternité des prisons du Canada, du Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC), du Centre de toxicomanie et de santé mentale, du Réseau juridique canadien VIH/sida, du Prisoners with HIV/AIDS Support Action Network ainsi que de nombreux intervenants à titre personnel qui ont déjà œuvré ou qui travaillent toujours dans les domaines policier et correctionnel[3].

Parmi les nombreux témoins du SCC qui ont comparu devant le Comité, celui-ci a pu entendre les opinions de représentants d’établissements correctionnels à sécurité moyenne, à sécurité maximale et à niveaux de sécurité multiples. Plus précisément, les témoignages reçus proviennent de l’Établissement à sécurité moyenne de Stony Mountain (Manitoba), de l’Établissement à sécurité moyenne de Drumheller et de l’Établissement à niveaux de sécurité multiples d’Edmonton pour femmes (Alberta), ainsi que du Centre régional de traitement de Kingston (Ontario) qui est un établissement à sécurité maximale.

Afin de mieux comprendre les défis quotidiens auxquels sont confrontés les agents correctionnels et le personnel qui travaillent auprès de détenus aux prises avec des troubles de toxicomanie, le Comité tenait à se rendre dans deux établissements fédéraux. De ce fait, le Comité s’est déplacé à Kingston, en Ontario, afin de visiter les établissements de Collins Bay et de Joyceville, deux établissements pour hommes à sécurité moyenne. Lors de leur déplacement, les membres du Comité ont pu parler directement avec le personnel du SCC ainsi qu’avec des représentants du comité des détenus.

Considérant que la présence de drogues et d’alcool dans le milieu carcéral est un problème à l’échelle du pays, les membres du Comité ont voulu en apprendre davantage sur cette problématique. Par conséquent, ils ont invité des témoins du territoire du Yukon qui, par l’entremise de leurs expériences professionnelles et personnelles, ont permis au Comité d’approfondir sa compréhension de ce fléau qui touche la plupart des établissements correctionnels du Canada.

1.2 ORGANISATION DU RAPPORT

Ce rapport vise à rendre compte des témoignages entendus et des connaissances acquises par le Comité lors de son étude. Ce dernier cherche à mettre en évidence les points communs qui ressortent de l’ensemble des témoignages, tout en faisant le point sur des inquiétudes particulières. Ce rapport est divisé en quatre chapitres y compris ce premier chapitre. Le deuxième chapitre est un survol du problème et des nombreux enjeux qui en découlent. Le troisième chapitre décrit les outils à la disposition du SCC pour lutter contre l’entrée des substances illicites, pour s’occuper de la réadaptation des délinquants et pour gérer une population carcérale complexe et diversifiée. Le quatrième chapitre, fait état des observations du Comité, souligne les progrès réalisés et énonce des recommandations afin d’aider le SCC à surmonter le défi et à atteindre ses objectifs dans l’administration de la peine des délinquants fédéraux aux prises avec des troubles de toxicomanie.

CHAPITRE 2 : APERÇU DU PROBLÈME ET SURVOL DES ENJEUX

La présence de drogues et d’alcool dans le milieu carcéral n’est pas un phénomène nouveau. Les moyens par lesquels les drogues entrent dans les pénitenciers sont ingénieux. Éliminer l’offre et la demande est d’autant plus complexe puisque chaque pénitencier, que ce soit pour hommes ou pour femmes, et ce, peu importe le niveau de sécurité, affronte ses propres défis.

D’entrée de jeu, il faut souligner qu’il est presque impossible pour le Comité, dans les limites de l’étude effectuée, de cibler toute l’étendue de cette problématique. Le Comité, par l’entremise des témoignages, ne peut que mettre en évidence un problème qui s’avère difficile à saisir et à résoudre. Voici ce qu’a soutenu l’enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, à ce sujet :

L'élimination des drogues et de l'alcool dans les prisons semble d'une simplicité qui n'est qu'apparente. En effet, en pratique, elle s'est avérée très difficile et coûteuse à faire. Les substances intoxicantes en prison constituent un problème difficile à mesurer et, par conséquent, difficile à surveiller. L'offre et l'utilisation de drogues sont des activités illégales et clandestines. Il est extrêmement difficile de donner des chiffres fiables ou des indicateurs prévisionnels de l'étendue du problème des drogues dans les pénitenciers canadiens. Nous savons qu'il y a de la drogue dans les prisons. Nous ne savons tout simplement pas quelle est l'étendue de l'utilisation de ces drogues[4].

Les témoignages recueillis au cours de cet examen nous apprennent également que le problème n’est pas limité à l’entrée des drogues illicites et à la fabrication d’alcool artisanale. Le SCC lutte aussi contre l’entrée illégale de tabac, d’objets interdits et contre le détournement de drogues licites qui menacent la sécurité et la stabilité des établissements.

2.1 LES MOYENS PAR LESQUELS LES DROGUES ILLICITES ET LES OBJETS INTERDITS ENTRENT DANS LES ÉTABLISSEMENTS CORRECTIONNELS FÉDÉRAUX

Les moyens par lesquels les drogues illicites et les objets interdits entrent dans les établissements correctionnels fédéraux sont nombreux et en constante évolution. Le problème est complexe, multidimensionnel et difficile à solutionner.

Afin de mieux comprendre les obstacles auxquels fait face le SCC, il est nécessaire de rappeler que les pénitenciers ne sont pas des milieux complètement fermés et que bon nombre de personnes entrent et sortent de ces établissements tous les jours. Les drogues entrent notamment par l’entremise de visiteurs, d’employés, de détenus et de colis volants qui sont lancés ou projetés par-dessus le périmètre de sécurité de l’établissement. Selon Pierre Mallette, président national du Syndicat des Agents Correctionnels du Canada, le va-et-vient entre le pénitencier et la communauté a un impact significatif sur les probabilités de transactions criminelles. Lorsqu’on parle de visiteurs, il peut s’agir de « famille, d’amis, de groupes communautaires, de groupes de défense des détenus, d’entrepreneurs ou de sous-traitants[5]. » Il a ajouté qu’en six mois, un pénitencier peut recevoir jusqu’à 5 000 visiteurs. Selon lui, plus il y a de visiteurs, plus le risque de transactions criminelles augmente.

Le schéma distribué par le SCC au sujet de la sous-culture reliée aux drogues témoigne des différents réseaux criminels qui sont responsables d’intimidation et de pressions exercées auprès d’individus pour introduire de la drogue en établissement[6]. Bien que le schéma ne représente pas le réseau le plus complexe qui puisse exister, il peint tout de même un portrait du nombre potentiel d’individus impliqués.

Des témoins ont expliqué que les familles des détenus subissent également des pressions pour introduire de la drogue en établissement. M. Mallette a donné pour exemple une mère découragée, qui se sentait obligée de faire entrer de la drogue en établissement par amour pour son enfant.

Dans d’autres cas, ce sont les détenus qui tentent d’introduire de la drogue. On note, par exemple, le détenu qui a reçu une forme de mise en liberté sous conditions et qui retourne en établissement. Sur ce point, le témoin Kenneth Putnam, qui a comparu à titre personnel, a soulevé l’incident de son fils qui s’est enlevé la vie après avoir lutté contre l’alcoolisme et la toxicomanie pendant plusieurs années. Il a expliqué au Comité que les établissements correctionnels sont semblables à des communautés. Il existe une hiérarchie à l’intérieur des pénitenciers et les détenus qui ont commis les crimes les plus graves sont habituellement responsables de gérer le trafic des drogues. Les détenus qui souffrent de toxicomanie sont d’autant plus vulnérables et à la merci des plus forts. M. Putnam a expliqué que son fils se sentait obligé de ramener de la drogue à l’intérieur du pénitencier parce que les autres détenus « s’attendaient à ce qu’il le fasse[7]» et que s’il ne le faisait pas, il allait en subir les conséquences.

Les photos ci-dessous dressent un portrait des moyens utilisés pour dissimuler les drogues ou autres substances interdites. Dans bien des cas, le tabac, les drogues ou les objets interdits tels que les téléphones cellulaires ou les seringues, sont camouflés dans des articles de type personnel qui sont destinés à un détenu en particulier. Ces objets ont été retrouvés par le SCC, notamment à l’intérieur de stylos, d’aliments, ou de vêtements.

Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur de stylos. Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur de stylos.
Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur d’aliments. Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur d’aliments.
Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur d’aliments. Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur d’aliments. Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur d’aliments.
Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur d’aliments. Objets retrouvés par le SCC à l’intérieur de vêtements.

Lors de son étude, le Comité a appris que les établissements à sécurité maximale sont dotés des caractéristiques de sécurité les plus élevées, ce qui limite l’accès au monde extérieur. Les détenus envoyés dans ces pénitenciers représentent un risque élevé, autant pour le personnel que pour les autres détenus et pour la communauté. Leurs déplacements et leurs possibilités d’associations sont gérés par des règles très strictes. De plus, le va-et-vient entre l’établissement et la communauté est moindre qu’en établissement à sécurité moyenne et encore plus minime qu’en établissement à sécurité minimale. Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada, a expliqué que le SCC peut mieux contrôler les sources d’entrées des drogues dans les établissements à sécurité maximale puisqu’elles sont mieux connues. Il a ajouté que « [l]es établissements à sécurité moyenne ont davantage de problèmes, et ceux à sécurité minimale constituent vraiment un cas particulier[8]. »

Un établissement à sécurité maximale n’est tout de même pas à l’épreuve des substances illicites. En fait, les pénitenciers à sécurité maximale et à sécurité moyenne sont souvent situés dans des régions boisées, les rendant ainsi vulnérables au phénomène du « colis volant »[9]. Ce stratagème consiste à dissimuler de la drogue à l’intérieur de balles de tennis, de flèches et d’oiseaux morts qui sont par la suite projetés à l’aide d’arc, de lance-pierres ou lance-patates à des distances d’environ 150 mètres du périmètre de l’établissement. Les photos ci-dessous illustrent des exemples de colis-volants retrouvés par le SCC.

Des exemples de colis-volants retrouvés par le SCC. Des

Le Comité a également appris que dans certaines régions, dont Kingston, il peut y avoir plus d’un pénitencier sur un terrain donné. On a expliqué que la proximité entre un établissement à sécurité moyenne et un établissement à sécurité minimale rend le contrôle des sources d’entrées de substances illicites plus difficile.

Plusieurs témoins ont fait valoir qu’éliminer et faire la détection de la présence de drogues ou d’alcool au moment opportun est d’autant plus complexe puisque les détenus réalisent que leur approvisionnement à une substance illicite a été coupé. Par conséquent, ils cherchent à trouver d’autres substances intoxicantes. Dans bien des cas, les détenus se tournent vers la fabrication d’alcool artisanale communément appelé « broue ».

La fabrication d’alcool artisanale.
La fabrication d’alcool artisanale.
La
La

Il faut noter que la demande de tabac a augmenté depuis son interdiction au sein des établissements[10]. Le commissaire Head a également mentionné :

 En ce qui concerne le tabac, étant donné que ce produit est maintenant interdit dans les établissements fédéraux, sa valeur y a donc considérablement augmenté. Le tabac est une importante monnaie d’échange pour les détenus. Des membres du personnel se font offrir de l’argent pour faire entrer du tabac. Selon nous, l’introduction de produits interdits nous place sur une pente savonneuse.

Nous constatons que des membres du personnel, des membres de la famille ou d’autres personnes se font offrir de 200 à 2 000 $ pour faire entrer un sac de tabac. Le tabac n’est pas une substance illégale en soi; ce n’est tout simplement pas autorisé. Les gens se font donc offrir de l’argent. Ils se disent qu’ils ne recevront qu’une tape sur les doigts dans le pire des cas. C’est seulement un peu d’argent. Qui s’apercevra de la différence?

Malheureusement, pour nous, cette situation nous place sur une pente savonneuse. Les gens deviennent accros, en raison de la présence de tabac dans les établissements. Bientôt, dans le sac de tabac, on trouvera deux ou trois comprimés ou quelques fioles d’huile de cannabis. Il ne faut pas s’inquiéter; ce n’est qu’un sac de tabac et qu’un sachet de drogue. Ensuite, nous sommes très vite témoins de scènes de violence dans les établissements[11].

En ce qui a trait aux employés du SCC, le commissaire a noté que sur 18 000 employés, ce n’est qu’un très faible pourcentage qui a été impliqué dans des activités de contrebande. Il a de plus ajouté que ceux, qui par le passé, se sont livrés à de telles activités ont fait l’objet d’accusations criminelles et ont été licenciés[12].

L’entrée des substances illicites ou d’objets interdits n’est pas limitée aux circonstances mentionnées ci-haut. Il ne faut surtout pas sous-estimer le pouvoir et l’influence qu’exercent les gangs et les réseaux d’organisations criminelles en milieu carcéral et dans la communauté. Le nombre de détenus affiliés à un gang a augmenté, et la majorité d’entre eux étaient déjà associés à un gang avant leur incarcération[13]. «À l’heure actuelle, environ 2 200 détenus sont affiliés à un gang et plus de 50 gangs sont présents dans nos établissements[14].» La sous-culture reliée aux drogues est donc d’une complexité alarmante. Bien que les transactions bancaires[15] soient surveillées par le SCC, des témoins ont tout de même souligné que les détenus travaillant dans les cantines[16] et ayant des liens avec les organisations criminelles compliquent davantage le travail du SCC.

Il s’ensuit que plusieurs transactions criminelles dans les établissements relèvent directement de l’influence qu’exercent les gangs et les organisations criminelles et sont intimement liées à des cas de violence institutionnelle. Par ailleurs, la gestion des différentes populations du milieu correctionnel constitue un défi énorme.

[L]e trafic de la drogue en établissement, y compris l'utilisation [inadéquate] de médicaments sous ordonnance, constitue une importante source de violence en établissement. Le trafic de la drogue est souvent contrôlé ou influencé par les gangs et la présence du crime organisé. En prison tout comme dans la rue, le trafic de la drogue est associé à des comportements prédateurs, comme l'intimidation, les bagarres et l'extorsion. Dans les établissements du Service correctionnel du Canada, on estime que les gangs sont impliqués dans près de 25 p. 100 des incidents de sécurité majeurs[17].

Cette situation est d’autant plus problématique étant donné que les pénitenciers ne sont pas isolés du monde extérieur, car les détenus ont accès à celui-ci par l’entremise du téléphone. En dépit du fait qu’ils ont une liste très précise de gens autorisés à recevoir leurs appels, le témoin Pierre Mallette a expliqué au Comité que l’appel du détenu peut être transféré à une tierce personne[18]. Cela permet au détenu de continuer à mener son commerce illicite de l’intérieur du pénitencier. À cette fin, les délinquants utilisent également des téléphones cellulaires qui entrent de manière illégale dans le pénitencier. Les témoins ont aussi mentionné d’autres difficultés à l’égard des transactions financières effectuées par téléphone et par Internet à une tierce partie dans la collectivité, ce qui est au-delà du ressort du SCC.

Andrea Markowski, directrice de l’Établissement d’Edmonton pour femmes du Service correctionnel du Canada a expliqué au Comité que les préoccupations du SCC relatives aux sources d’entrée des drogues diffèrent dans les établissements pour femmes. Elle a souligné que ces derniers n’ont pas autant de problèmes avec les colis volants puisque les femmes ont beaucoup moins de réseaux de contacts à l’extérieur du pénitencier. Toutefois, la capacité qu’ont les femmes de dissimuler de la drogue ou du tabac à l’intérieur d'une cavité corporelle pendant de longues périodes pose problème. Elle a ajouté :

Nous faisons face à d'autres défis. Les femmes prennent beaucoup de médicaments pour divers problèmes de santé physique ou mentale. Nous connaissons des problèmes de détournement qui sont, à mon avis, plus fréquents que dans les établissements pour hommes. Les femmes qui utilisent de la méthadone ou d'autres médicaments peuvent subir des pressions et être tentées de les partager ou encore de les vendre afin de pouvoir se procurer d'autres choses, par exemple à la cantine[19].

2.2 L’IMPACT DES DROGUES ET DE L’ALCOOL DANS LES PÉNITENCIERS

Plusieurs conséquences découlent de la présence de drogues et d’alcool dans les pénitenciers, mais ce n’est qu’en dépeignant la complexité de la population carcérale à l’heure actuelle que nous serons en mesure de constater l’ampleur et la gravité de la situation.

Au moment de leur admission dans un pénitencier, 80 % des délinquants sont aux prises avec un grave problème de toxicomanie et plus de la moitié de ces délinquants ont indiqué que la consommation de drogues et d’alcool était un des facteurs qui les avaient incités à commettre leur infraction[20].

Il existe également une forte prévalence de détenus souffrant de troubles mentaux dans le système correctionnel. Les experts soulignent que les toxicomanes et les détenus souffrant de troubles mentaux sont généralement aux prises avec des problèmes complexes comme, par exemple, les troubles concomitants de santé mentale, de toxicomanie et d’alcoolisme.

Le témoin, Sandy Simpson, directeur des services cliniques (Programmes de droit et de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale), a mentionné que la toxicomanie « provoque des problèmes de santé mentale, et elle entrave également le rétablissement, l’atteinte du bien-être et la réduction de la récidive criminelle[21]». Il est d’autant plus alarmant que « jusqu’à 90 p. 100 des détenus souffriront toute leur vie d’un problème de toxicomanie[22]. » Ce point a également été soutenu par le commissaire du SCC devant le Comité. Celui-ci a mentionné que « [c]ette dépendance ne disparaît pas comme par magie à l’entrée du pénitencier[23]».

Dr. Jan Looman, responsable clinique au Centre régional de traitement de Kingston, a mis l’accent sur les difficultés associées aux détenus souffrant de maladie mentale au sein de la population carcérale. Il a mis en évidence, que les « délinquants qui ont des troubles mentaux peuvent être victimes d’intimidation par des délinquants qui sont mieux adaptés au milieu carcéral, ce qui leur cause encore plus de stress[24] ». Il a ajouté que :

Les délinquants qui sont mêlés aux activités liées aux drogues ont parfois recours à la force et ils se servent des délinquants les plus faibles pour cacher ou transporter la drogue. Tout cela a un effet négatif sur le milieu correctionnel et empêche par conséquent les délinquants de bien profiter des programmes qui leur sont offerts[25].

Des témoins ont également souligné la surreprésentation d’Autochtones dans les prisons. Selon le SCC, plus de 90 % des délinquants autochtones sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie[26]. Il leur faut donc des programmes adaptés à leur culture. Le commissaire Head a souligné que le SCC offre actuellement aux délinquants autochtones, des programmes de traitement de la toxicomanie spécialement conçus pour eux. Ces programmes spéciaux font partie d’une approche intégrée qui combine les principes classiques d’un programme correctionnel avec les principes de guérison autochtones.

Des témoins ont souligné l’importance de reconnaître les besoins particuliers des délinquantes dans le système correctionnel. La population féminine en milieu carcéral connaît la croissance la plus rapide. Elle n’est surpassée que par la population de délinquantes autochtones. Les délinquantes sont aux prises avec de graves troubles de toxicomanie, de santé mentale et plusieurs d’entre elles ont subi des traumatismes physiques[27].           

D’autres témoins ont mentionné que le taux de VIH et d'hépatite C parmi les délinquants est en hausse. Certains détenus dans la population carcérale éprouvent également des problèmes liés à la gestion de la douleur.

Le Comité a entendu que le détenu toxicomane qui adopte un comportement destructif lorsqu’il tente à tout prix de subvenir à ses besoins le fait également aux risques et périls de la santé publique puisque la grande majorité des détenus vont retourner dans la communauté.

Il y a aussi de graves conséquences pour la santé publique, liées à la dépendance aux drogues injectables. Les données dont nous disposons révèlent qu’un délinquant de sexe masculin sur cinq s’est déjà injecté de la drogue. La moitié d’entre eux disent s’en être injecté au cours de l’année qui a précédé leur incarcération. Chez les consommateurs de drogues injectables, l’incidence de maladies transmissibles par le sang, comme l’hépatite et le VIH, est beaucoup plus élevée que dans la population en général. En fait, nous intervenons auprès d’une des couches de la société canadienne pour lesquelles la dépendance est la plus forte, comme en témoigne ce qu’ils sont prêts à faire, et les crimes qu’ils commettent, pour obtenir et consommer de la drogue[28].

Bref, les témoins ont soulevé à l’unanimité une problématique alarmante et une nécessité d’agir:

Par ailleurs, la toxicomanie est le problème le plus important auquel nous devons nous attaquer pour aider les délinquants à réussir leur plan correctionnel et à retourner dans la collectivité en tant que citoyens productifs et respectueux des lois. Régler le problème de la toxicomanie est également crucial pour la stabilité des établissements d'un bout à l'autre du pays. Les délinquants toxicomanes sont enclins à la violence et sont prêts à utiliser tous les moyens nécessaires pour se procurer de la drogue ou de l'alcool, ce qui entraîne des risques aussi bien pour le personnel en établissement que pour les délinquants[29].

Nous sommes d'accord pour dire que le problème des drogues dans les prisons est grave. Cela donne lieu à la violence, favorise la propagation des maladies et peut entraîner de nouveaux crimes. Nous convenons du fait qu'il faut déployer des efforts pour réduire la quantité de drogues illégales dans les établissements[30].

La dépendance à l'alcool et à la drogue est l'un des principaux symptômes de la santé mentale du délinquant et du comportement criminel qui en découle. L'élimination des drogues et de l'alcool des prisons est un objectif que nous appuyons[31].

Il fait aucun doute que la présence de drogues illicites et d'alcool dans les prisons fédérales représente un important problème de sécurité. La contrebande et le trafic de substances illicites de même que le détournement de drogues licites entre les murs des pénitenciers présentent des risques inhérents qui, au bout du compte, mettent en péril la sécurité des établissements et des personnes qui y vivent et y travaillent. Je félicite le comité d'entreprendre cet examen très important et complexe[32].

CHAPITRE 3 : OUTILS À LA DISPOSITION DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA AFIN DE LUTTER CONTRE L’ENTRÉE DES DROGUES ET FAVORISER LA RÉHABILITATION DES DÉLINQUANTS

Tel que décrit au chapitre précédent, le SCC est responsable d’une population carcérale qui est de plus en plus complexe et diversifiée. Ce chapitre donne un aperçu des différents outils qui ont été mentionnés au cours de notre étude et dont dispose le SCC pour empêcher l’entrée des drogues en établissement et favoriser la réhabilitation des délinquants. Parmi ces outils, on compte la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), les politiques du SCC, les différentes mesures de réduction des méfaits et d’interdiction des drogues ainsi que les programmes correctionnels.

Le SCC est responsable, en moyenne, de 14 200 délinquants incarcérés dans des établissements fédéraux et de 8 600 délinquants sous surveillance dans la collectivité. Si l'on inclut toutes les admissions et les mises en liberté au cours de l’exercice, le SCC a géré 20 233 délinquants incarcérés et assuré la surveillance de 13 971 délinquants dans la collectivité[33]. Cela représente une augmentation par rapport aux dernières années en ce qui concerne les délinquants incarcérés[34]. On s’attend à ce que cette tendance se maintienne, car des projets de loi proposés récemment se traduiront par une hausse des délinquants incarcérés dans les établissements fédéraux[35]. Le SCC administre 57 établissements fédéraux, 16 centres correctionnels communautaires et 84 bureaux de libération conditionnelle et bureaux secondaires au pays.

3.1 PRINCIPES ÉNONCÉS DANS LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION

Le système correctionnel a pour but de contribuer au maintien d’une société juste en assurant que l’exécution des peines soit faite de manière sécuritaire et humaine et que des programmes appropriés soient offerts dans les pénitenciers et la collectivité afin de contribuer à la réinsertion sociale des délinquants à titre de citoyens respectueux des lois. La partie 1 de la LSCMLC, contient le fondement législatif du SCC. Elle énonce les principes qui guident les actions de celui-ci ainsi que les responsabilités qui lui sont confiées. Par exemple, la LSCMLC prévoit expressément que le SCC est tenu d’offrir une gamme de programmes, y compris des programmes destinés aux femmes et aux Autochtones[36].

Au cours de son étude, le Comité a pris connaissance du large éventail de programmes offerts par le SCC qui visent à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale. Notons par exemple, les programmes sociaux, les programmes culturels et les programmes de formation. Le SCC offre également des programmes correctionnels de base qui sont spécifiquement conçus pour cibler les facteurs criminogènes liés au comportement criminel des délinquants et pour réduire le risque de récidive. Les quatre programmes de base actuels sont: le programme de traitement de la violence familiale, le programme de gestion de la colère, le programme de traitement destiné aux délinquants sexuels et le programme de traitement de la toxicomanie[37].

On a fait part au Comité que le programme de traitement de la toxicomanie est offert à intensité élevée et à intensité modérée. Il existe également un programme de traitement de la toxicomanie spécialement conçu pour les délinquantes et les Autochtones. Tel qu’expliqué au Comité par le témoin Ross Toller, sous-commissaire du SCC (Équipe de transformation et renouvellement), les programmes spécifiques destinés aux femmes et aux Autochtones sont nécessaires puisqu’ils « présentent des profils de consommation uniques et pour lesquels des programmes propres à la culture et au sexe sont plus appropriés[38]

Le commissaire du SCC a informé le Comité de programmes de traitement de la toxicomanie dit « prélibératoires » auxquels participent les détenus avant d’être libérés dans la collectivité. Le commissaire a également mentionné l’existence d’un programme communautaire de maintien des acquis pour les délinquants qui ont été libérés, mais qui sont sous la surveillance du SCC.

À l’établissement de Joyceville, les membres du Comité ont visité l’atelier de métallurgie industrielle. Des détenus travaillaient à la fabrication de casiers dans le cadre du programme CORCAN. Le programme a pour objectif d’offrir une formation professionnelle aux délinquants, et de leur fournir des opportunités d’emplois de manière à favoriser leur réinsertion sociale ainsi qu’à diminuer leur risque de récidive. Le programme CORCAN est offert dans 31 établissements correctionnels fédéraux. Le SCC administre également 53 centres d’emploi communautaires qui aident les délinquants à trouver un emploi après leur libération[39].

Outre les programmes correctionnels de base, les programmes culturels et les programmes de formation, le Comité a appris, lors de sa visite aux établissements de Collins Bay et de Joyceville, que le SCC offre également des services d’aumônerie. En vertu de l’article 75 de la LSCMLC, le délinquant « doit avoir la possibilité de pratiquer librement sa religion et d’exprimer sa spiritualité ». Le SCC offre ainsi des services d’aumônerie, le plus souvent à des membres des confessions catholique, protestante, juive, musulmane, sikhe et bouddhiste afin d’encourager la réintégration du délinquant par la spiritualité.

La LSCMLC prévoit, dans certaines circonstances, la fouille de détenus, de cellules, de membres du personnel, de visiteurs et de véhicules et ce, afin d’assurer la sécurité des établissements[40]. Le régime disciplinaire de la LSCMLC a été conçu de manière à « encourager chez les détenus un comportement favorisant l’ordre et la bonne marche du pénitencier, tout en contribuant à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale[41] ». Parmi les infractions disciplinaires, on compte la possession d’un objet interdit, le trafic d’une substance interdite, l’introduction d’une substance intoxicante dans une cavité corporelle et le refus ou l’omission de fournir un échantillon d’urine[42]. La LSCMLCénonce également les infractions punissables par procédure sommaire que sont la possession d’un objet interdit au-delà du poste de vérification d’un pénitencier, et le fait de remettre des objets interdits à un détenu ou de les recevoir de celui-ci[43].

3.2 MESURES DE RÉDUCTION DES MÉFAITS

Le SCC peut avoir recours à diverses mesures de réduction des méfaits qui visent à promouvoir la santé publique. Les mesures de réduction des méfaits consistent, par exemple, à fournir aux détenus des trousses de désinfection à l'eau de Javel.

Le SCC offre également un programme de traitement d’entretien à la méthadone (TEM) comme mesure de réduction des méfaits. Lors de sa visite aux établissements de Collins Bay et de Joyceville, le Comité a pu discuter avec des employés du SCC au sujet du TEM. Le témoin, Ross Toller, a également fait savoir au Comité que le traitement à la méthadone en combinaison avec les programmes correctionnels aide les délinquants à se libérer de l’emprise des drogues illicites. Pour être admissible, le délinquant doit répondre aux critères d’admission du programme. M. Toller a également ajouté que la méthadone est administrée dans le secteur des services de santé par des professionnels de la santé. Ceux-ci surveillent le délinquant afin de s’assurer qu’il a bel et bien avalé la dose et qu’il ne tente pas de la régurgiter dans le but d’en faire le détournement à un autre détenu. Le SCC a d’ailleurs constaté une diminution de l’usage d’opioïdes, de l’activité criminelle et de la réincarcération chez les détenus qui ont participé au programme de TEM et que ces derniers sont plus susceptibles de poursuivre le traitement une fois libérés[44].

3.3 ANALYSE DE L’INFORMATION STRATÉGIQUE ET DE SURVEILLANCE

Au cours de son étude, le Comité a pu échanger avec des agents de renseignements de sécurité qui par l’entremise de leurs témoignages ont fourni une aide inestimable dans la compréhension de la sous-culture institutionnelle reliée aux drogues. L’agent de renseignements de sécurité à l’établissement de Drumheller, Darcy Thompson, a expliqué que les agents et les analystes de renseignements de sécurité recueillent et analysent l’information au sujet des détenus et leur affiliation à un gang dans les établissements correctionnels fédéraux. Les agents de renseignements de sécurité échangent également avec leurs partenaires à l’extérieur du SCC comme le service de police local, la GRC, l’Agence des services frontaliers du Canada et le Service canadien de renseignements criminels. Le SCC s’attend à ce que 250 nouveaux agents de renseignements de sécurité soient affectés aux établissements fédéraux à la grandeur du pays d’ici 2012-2013[45].

3.4 CHIENS DÉTECTEURS DE DROGUES

Lors de sa visite à l’établissement de Collins Bay, le Comité a pu observer une démonstration de chiens détecteurs de drogues. Les chiens détecteurs de drogues sont spécialement dressés à détecter des odeurs particulières et signaler la source de ces odeurs à leur maître par un changement de comportement[46]. Le Comité a entendu que le programme de chiens détecteurs de drogues est également utilisé comme un outil de dissuasion. Le témoin Darcy Thompson a expliqué que les véhicules de visiteurs font souvent demi-tour en apercevant le véhicule des maîtres-chiens stationné à l’entrée du pénitencier.

Lors de ses visites en établissement ainsi que lors des audiences publiques, des témoins ont dit au Comité que, jusqu’à maintenant, peu de recherches ont été publiées sur l’efficacité du programme, et, il n’y avait pas toujours des équipes de chiens détecteurs dans tous les établissements parce que les ressources étaient limitées et que les chiens ne pouvaient travailler que pendant un certain nombre d’heures. Sur ce point, le SCC a annoncé l’augmentation du nombre d’équipes de chiens détecteurs de drogues.

3.5 TECHNOLOGIE

On a expliqué au Comité que le SCC est toujours à la recherche de nouvelles technologies qui pourraient empêcher le trafic de drogues. Les « détecteurs ioniques », sont un des nombreux moyens utilisés pour détecter des traces de drogues sur les colis, les détenus, le personnel et les visiteurs. Cependant, le Comité a appris, que si les détecteurs ioniques sont très efficaces pour détecter des traces de certains stupéfiants comme la cocaïne, en revanche, ils le sont beaucoup moins pour d’autres drogues comme la marijuana[47]. De plus, le Comité a appris que, dans certains cas, l’éventail complet des mesures de sécurité (dont les détecteurs ioniques) n’est pas utilisé pour tous ceux qui entrent dans les établissements[48].

Le SCC enquête aussi sur l’utilisation de fauteuils appelés BOSS, qui font un balayage électronique des cavités corporelles et servent à déterminer si des drogues ont été dissimulées à l’intérieur de cavités corporelles. Les fauteuils ont été installés dans quelques pénitenciers et ont jusqu’à présent seulement été essayés auprès de détenus. Le commissaire a informé le Comité que, dans les essais effectués jusqu’à maintenant, ce dispositif n’a pas encore fait ses preuves[49].

On a également noté que des systèmes radar/infrarouges de détection ont récemment été installés dans deux établissements. Ces systèmes permettent de repérer, le jour comme la nuit, les individus qui approchent le périmètre de sécurité de l’établissement, et ce, peu importent les conditions atmosphériques. De plus, les établissements à sécurité maximale ont tous été équipés de dispositifs de vision nocturne et de lunettes à imagerie thermique dans le but d’améliorer la surveillance du périmètre de sécurité de l’établissement.

3.6 LE BUDGET DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA POUR LES PROGRAMMES CORRECTIONNELS (DONT LE TRAITEMENT POUR TOXICOMANIE) ET POUR LES MESURES D’INTERDICTIONS DE DROGUES

En 2008, le gouvernement a octroyé au SCC 122 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans afin d’éliminer les drogues illicites en établissements fédéraux. Le Comité a été informé que cet argent a servi jusqu’à présent à augmenter le nombre d’équipes de chiens détecteurs de drogues, à améliorer la capacité de renseignement de sécurité, à renforcer le périmètre de sécurité des établissements avec l’utilisation de nouvelles technologies et à améliorer les politiques de fouilles[50]. Devant le Comité, le commissaire du SCC a aussi mentionné que :« ces fonds serviront à mettre en place une approche plus rigoureuse pour lutter contre la présence de drogues afin de créer un milieu sûr et sécuritaire où le personnel et les délinquants peuvent se concentrer sur la réadaptation[51]. »

En 2010-2011, le SCC a dépensé 410,1 millions de dollars en « interventions correctionnelles » comme la gestion de cas des délinquants, les services de spiritualité, l’éducation des délinquants, le programme CORCAN, et les programmes correctionnels de réinsertion sociale (y compris les programmes de traitement de la toxicomanie)[52]. Cette activité de programme a représenté 17,3 % des dépenses du SCC durant cet exercice. Les dépenses consacrées en 2009-2010 à la même activité de programme se sont élevées à 416,3 millions de dollars.

En 2010-2011, le SCC a dépensé 1 478,5 millions de dollars à la garde des délinquants, ce qui comprend la gestion et le soutien institutionnel, les services de santé institutionnels, les services institutionnels (dont les services alimentaires) et la sécurité institutionnelle (notamment le renseignement de sécurité et la supervision ainsi que l’interception des drogues)[53]. Cette activité de programme a représenté 62,2 % des dépenses du SCC durant cet exercice. En 2009-2010, les dépenses engagées pour la même activité de programme se sont élevées à 1 379,5 millions de dollars.

Le Comité a appris également que le SCC consacre quelque 2 % de son budget de fonctionnement total aux principaux programmes correctionnels, dont les programmes de traitement de la toxicomanie[54]. Les données du Service correctionnel du Canada à partir de juin 2009 comprennent la ventilation suivante des divers programmes de traitement de la toxicomanie[55].

Programme

Budget/exercice
(moyenne de 3 ans)

Coût/exercice
(moyenne de 3 ans)

Programme national de traitement de la toxicomanie - Intensité élevée

529 561 $

1 935 123 $

Programme national de traitement de la toxicomanie - Intensité modérée

1 280 905 $

2 960 816 $

Programme national de traitement de la toxicomanie - Programme prélibératoire

3 250 $

62 870 $

Programme national de traitement de la toxicomanie - Maintien des acquis

237 517 $

913 003 $

Programme d’intervention pour délinquantes toxicomanes

503 896 $

775 872 $

Programme pour délinquants autochtones toxicomanes

50 660 $

188 573 $


CHAPITRE 4 : OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

4.1 RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE DES OUTILS SERVANT À MIEUX GÉRER UNE POPULATION CARCÉRALE COMPLEXE ET DIVERSIFIÉE

Le Comité reconnaît que le SCC est aux prises avec la difficile tâche de maintenir le milieu carcéral sûr, compte tenu du nombre croissant de problèmes de santé mentale, de toxicomanie, de surpopulation et de maladies infectieuses chez les détenus fédéraux. Le Comité a également appris que, dans certains établissements, il est possible d’avoir jusqu’à neuf sous-groupes de détenus qui doivent être gardés séparés.

Je vous dirais, aussi terrible que ça paraisse, qu'il y a neuf populations dans certains établissements. Il y a les détenus qui font l'objet d'une protection parce qu'ils n'ont pas payé leur dette; ceux qui font l'objet d'une protection parce qu'ils ont commis des crimes sexuels; des groupes de motards qui ne s'endurent pas les uns les autres[56].

Dans ces conditions, la gestion de la population devient plus complexe. Le Comité estime qu’il est important pour le SCC d’avoir accès à des outils facilitant la réinsertion sociale des délinquants, dissuadant la consommation de drogues et d’alcool et prévenant l’entrée de substances illicites dans les établissements fédéraux.

4.1.1 LE PLAN CORRECTIONNEL

Plusieurs témoins, dont l’enquêteur correctionnel Howard Sapers, ont parlé de l’importance du plan correctionnel pour soutenir la réinsertion des délinquants :

Chaque délinquant reçoit un plan correctionnel après son admission et son évaluation. Le Service correctionnel du Canada prescrit les plans ou les programmes. Les hommes et les femmes au service qui mènent ces évaluations disent que, selon eux, les besoins criminogènes du détenu seront comblés s'il suit un programme particulier de traitement de la toxicomanie ou d'apprentissage cognitif.

Les délinquants comprennent que les progrès relatifs à leur plan correctionnel feront l'objet d'un examen de la commission des libérations conditionnelles. Bien sûr, il s'agit d'un incitatif; cela est conçu pour qu'ils participent à ces programmes et prennent un engagement à cet égard[57].

Les progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs énoncés dans le plan correctionnel des détenus seront pris en compte dans diverses décisions, dont celles sur la mise en liberté sous condition[58].

Tous les plans correctionnels énoncent que l’on s’attend à ce que les détenus s’abstiennent de consommer de la drogue et de l’alcool durant leur incarcération. Les plans correctionnels établis pour les détenus ayant des problèmes attestés d'alcoolisme ou de toxicomanie « doivent exposer les besoins particuliers des détenus et prévoir de façon réaliste les étapes qui les mèneront à la résolution de leurs problèmes[59] ». Le plan correctionnel de tout détenu peut être examiné et modifié en cas d’activités liées aux drogues.

Cependant d’autres témoins, doutent que les détenus s’engagent vraiment dans les programmes que leur plan correctionnel recommande, se contentant de cocher la case pour indiquer à la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada qu’ils ont suivi lesdits programmes jusqu’au bout, qu’ils en aient tiré des enseignements ou non[60]. Pierre Mallette a fait valoir qu’il serait préférable d’avoir des programmes correctionnels différents pour ceux qui suivent leur plan, et ceux qui ne le font pas, étant donné que la non-adhésion au plan pourrait être néfaste :

Nous avons toujours cru devoir faire tout ce qu'il fallait pour aider les détenus qui s'engageaient et visaient la réhabilitation, en l'occurrence leur offrir les programmes et les outils nécessaires. Par contre, nous faisons face à un groupe d'individus qui ne sont pas nécessairement intéressés à s'engager à l'égard de leur plan correctionnel. Malheureusement, ces gens créent parfois des problèmes à l'intérieur de l'établissement. Ils nuisent au programme des autres détenus. Il faudrait qu'un programme soit réservé à ces individus, un programme distinct. Or il nous faut des outils[61].

Le commissaire Don Head s’est dit favorable à de nouvelles mesures incitatives qui lui permettraient d’encourager les délinquants à faire des progrès vers l’atteinte des objectifs de leur plan correctionnel[62]. Conséquemment:

RECOMMANDATION 1 

Le Comité estime que l’adhésion d’un détenu à son plan correctionnel est importante pour la diminution de la consommation de drogues et d’alcool dans les prisons. Le Comité presse le gouvernement de poursuivre ses progrès vers l’élargissement de l’utilisation des plans correctionnels.

4.1.2 MESURES DISCIPLINAIRES ET/OU PEINES REFLÉTANT LA GRAVITÉ DU PROBLÈME

Le Comité est d’avis qu’un éventail complet de mesures, de la résolution informelle aux sanctions pénales, est nécessaire pour régler le problème de la consommation de drogues et d’alcool dans les établissements correctionnels fédéraux. Le milieu correctionnel fédéral est de plus en plus complexe et diversifié, par conséquent, certains témoins ont souligné que les mesures qui sont à la disposition du SCC pourraient ne pas refléter la gravité du problème. Le commissaire Don Head a signalé au Comité que les sanctions prévues par la LSCMLC ont été instituées en 1992. Celles-ci pourraient ne pas être suffisantes contre certains comportements et/ou leurs conséquences, tel que le test d’urine positif[63].

D’autres témoins ont fait remarquer que les visiteurs qui tentent de faire entrer des drogues dans des établissements correctionnels fédéraux pourraient se voir infliger des sanctions pénales, si des ressources sont consacrées aux poursuites intentées. Cependant,  en ce qui concerne les délinquants déjà incarcérés qui ont tenté d’influencer ou d’exercer des pressions auprès d’autrui, pareilles conséquences pourraient ne pas avoir un grand effet dissuasif. Pierre Mallette a résumé le problème en ces termes :

Ensuite, si un visiteur est arrêté alors qu'il possède de la drogue, il y a lieu de l'accuser au criminel. Or c'est le devoir des policiers de venir faire une arrestation.

En ce qui concerne le détenu qui fait entrer de la drogue, qui est incarcéré et qui a exercé de la pression pour obtenir cette drogue, on a besoin de l'aide du public, des juges et des procureurs de la Couronne. Ces derniers doivent prendre ces infractions au sérieux. Par contre, si le détenu est déjà incarcéré, cela ne donne rien de le traduire à nouveau devant les tribunaux : il est déjà en prison. Qu'est-ce qui arriverait de plus?

Toutes ces choses doivent être prises en ligne de compte. Il faut qu'il y ait des conséquences pour les deux parties, autant pour ceux qui essaient de faire entrer la drogue que pour ceux qui la font entrer[64].

Certaines questions ont été portées à l’attention du Comité concernant l’application du droit pénal en général au système correctionnel fédéral. Par exemple, le Comité a appris que la structure actuelle du système de justice pénale ne reconnaît pas le différent contexte du trafic de stupéfiants à l’intérieur des établissements fédéraux. Le commissaire Don Head a dit ce qui suit :

[L]’un des problèmes que nous avons, c’est que la quantité de stupéfiants qui est introduite dans les établissements est différente de la quantité que les agents des services frontaliers saisissent, comme vous pouvez vous en douter. Les policiers et les procureurs locaux ont parfois conscience de la gravité de la petite quantité de drogue qui est introduite dans nos établissements, mais ils voient aussi l’ampleur du travail qui les attend et ne sont pas nécessairement aussi désireux de s’attaquer au problème[65].

Le Comité a entendu des arguments en faveur de l’adoption d’une loi établissant une peine d’emprisonnement minimale de deux ans pour trafic de stupéfiants dans une prison ou dans son enceinte[66]. Cette nouvelle disposition contribuera à mettre en évidence le fait que le trafic de stupéfiants dans les pénitenciers constitue une infraction sérieuse qui menace la sûreté et la sécurité du milieu carcéral, voire de la société en général et ce, quelle que soit la quantité de stupéfiants en cause.

Le Comité a aussi entendu qu’il est difficile pour les agents correctionnels de poursuivre des véhicules suspects qui quittent la limite de territoire du pénitencier. Christer McLauchlan, agent de renseignements de sécurité à l’établissement de Stony Mountain, a donné l’exemple suivant:

La nuit dernière, à l'établissement de Stony Mountain, nos agents ont détecté un véhicule qui entrait sur le territoire du pénitencier. Aussitôt que notre patrouille motorisée est intervenue, le camion a pris la fuite et a failli renverser quelques-uns de nos agents. Il était évident que le conducteur avait quelque chose à se reprocher. À moins d'établir un barrage routier au bas de la colline pour arrêter toute la circulation… Voilà le genre de problème que nous devons affronter tous les jours.

[…]

Les membres du comité ne savent peut-être pas que les agents correctionnels ne sont pas des agents de la paix lorsqu'ils se trouvent à l'extérieur de la réserve pénitentiaire et ne sont pas chargés de la garde directe d'un détenu. Cela signifie que l'agent qui a poursuivi le véhicule n'avait d'autre choix que de s'arrêter à la limite de la réserve pénitentiaire. Dès que le véhicule a franchi cette limite, l'agent ne pouvait plus le prendre en chasse parce que ses fonctions ne sont pas assimilables à celles d'un agent de police à l'extérieur de la réserve[67].

Le Comité estime qu’il est important que l’on veille à ce que le SCC dispose d’un éventail complet d’outils appropriés, dont des dispositions législatives figurant dans la LSCMLC et le Code criminel qui refléteraient la gravité du problème tel qu’il existe dans le milieu carcéral. En conséquence, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 2 

Que le gouvernement cherche à savoir si des modifications législatives doivent être apportées aux mesures disciplinaires, aux sanctions pénales et/ou à la portée du pouvoir d’exécution de la loi des agents correctionnels en guise de contribution à la lutte contre la drogue et l’alcool dans les établissements correctionnels fédéraux.

4.1.3 SOLUTIONS TECHNOLOGIQUES

Le Comité reconnaît que les solutions technologiques sont d’un secours inestimable pour les efforts du SCC visant à prévenir l’entrée de drogues dans les établissements correctionnels fédéraux. Le Comité a été informé de l’importance d’outils technologiques existants, comme les détecteurs ioniques, et de la possibilité que de nouvelles technologies comme les chaises dites BOSS, qui servent à détecter la présence de drogues dans les cavités corporelles, puissent s’avérer utiles dans la détection de substances illicites.

Plusieurs témoins ont fait part au Comité de leurs inquiétudes au sujet d’objets interdits dans les établissements correctionnels fédéraux, comme les téléphones cellulaires, lesquels sont utilisés pour effectuer des transactions de drogues. Une technologie qui pourrait être utilisée pour combattre cette pratique est le brouillage des signaux des téléphones cellulaires, qui permet de bloquer les conversations faites à l’aide d’un téléphone cellulaire.

Le commissaire Don Head a informé le Comité que le SCC est actuellement engagé dans des discussions avec Industrie Canada afin de déterminer si la technologie de brouillage des signaux des téléphones cellulaires pourrait être utilisée dans les établissements correctionnels fédéraux. Le commissaire Head a précisé que cette technologie est régie par des dispositions particulières qui pourraient ne pas permettre son usage à long terme. Il indique également qu’il pourrait y avoir des préoccupations supplémentaires, à savoir que ladite technologie pourrait bloquer les signaux des appareils sans fil des gestionnaires du SCC ou ceux des quartiers environnants, en plus de bloquer les conversations sur les téléphones cellulaires pour les activités de contrebande[68].

Le Comité félicite le SCC de sa démarche proactive en matière d’examen des nouvelles technologies qui sont susceptibles de contribuer à ses efforts dans la lutte antidrogue et recommande :

RECOMMANDATION 3 

Que le Service correctionnel du Canada poursuive ses discussions avec Industrie Canada pour déterminer si la technologie de blocage des signaux des téléphones cellulaires peut être utilisée en toute sécurité dans les établissements correctionnels fédéraux afin d’empêcher l’utilisation de téléphones cellulaires pour réaliser des transactions de drogues.

4.2 RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE DU TRAVAIL CORRECTIONNEL

Le Comité tient à souligner le dévouement des nombreux employés et bénévoles qui œuvrent dans le domaine correctionnel. Ces hommes et ces femmes rendent un service essentiel à la population carcérale et à la communauté. Ils accomplissent un travail exceptionnel et le font souvent dans des conditions extrêmement difficiles.

Plusieurs témoins ont relaté les progrès du SCC dans sa lutte contre l’entrée des substances illicites en établissement. Ils ont souligné les nombreuses ressources qui ont été attribuées jusqu’à maintenant et qui ont aidé le SCC à se rapprocher de son objectif. Les agents correctionnels et les agents de renseignements de sécurité ont expliqué aux membres du Comité la panoplie d’outils à leur disposition afin d’aider dans la détection et l’interception des drogues au moment opportun. Le Comité souhaite en conséquence :

RECOMMANDATION 4 

Que le gouvernement poursuive le bon travail qu’il a accompli en donnant à nos agents correctionnels de première ligne les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail.

4.2.1 LA RELATION ENTRE LES AGENTS CORRECTIONNELS ET LES DÉTENUS - UNE RELATION CRUCIALE

Plusieurs témoins ont souligné l’importance de la relation entre les agents correctionnels et les détenus. Cette relation a été qualifiée comme étant cruciale à l’accomplissement du travail correctionnel. Elle n’est toutefois pas sans difficulté. Tel qu’expliqué au Comité, les agents correctionnels côtoient des détenus ayant non seulement des problèmes complexes, mais des comportements qui sont souvent problématiques. À ce sujet, le témoin M. Simpson a fait la remarque suivante:

Nous sous-estimons souvent l'ampleur de leur tâche, surtout lorsque nous leur demandons également de mettre l'accent sur la réadaptation. Ils doivent composer avec des individus qui ont évolué dans la vie en ayant recours à la manipulation, aux menaces et à des tactiques d'intimidation pour obtenir ce qu'ils veulent[69].

Des témoins ont noté que les travailleurs de première ligne ont de plus en plus recours à la sécurité active. Celle-ci mise sur l’interaction positive entre les agents et les détenus. Selon eux, cette forme de sécurité permet de nouer des liens, d’encourager et de motiver les détenus à participer aux programmes correctionnels. Le témoin Tony Van De Mortel, agent correctionnel, qui a comparu à titre personnel, a fait remarquer au Comité que « les agents sont le programme[70]. » On a expliqué que dans certains établissements les agents correctionnels offrent du counselling et que ceux-ci font partie intégrante de l’équipe de traitement. Cette dernière inclue des psychiatres, des psychologues et des conseillers.

La citation ci-dessous résume bien les témoignages que nous avons entendus puisqu’elle met en évidence l’importance du travail correctionnel effectué par les agents correctionnels, mais souligne également les demandes faites par certains témoins pour des outils de travail additionnels:

Par ailleurs, je ne saurais trop insister sur le fait que, même si les programmes de traitement de la toxicomanie sont essentiels, le personnel de première ligne demeure le groupe le plus important et le plus influent dans la vie des détenus, et c’est lui qui est le plus capable d’amener les détenus à adopter et à garder un comportement sociable. Pour cette raison, il doit disposer des outils, de la formation, de l’équipement et du soutien nécessaires pour tenir les drogues illicites et l’alcool en dehors et pour interagir avec les détenus dans un climat de sécurité satisfaisant[71].

Le Comité a également été informé d’une pratique, croit-il, exemplaire à l’établissement de Drumheller en Alberta. Un schéma visuel et représentatif des détenus avec leur affiliation à une organisation criminelle particulière a été créé et placé sur le mur de la salle du personnel. Selon M. Mallette, ce tableau communique des renseignements cruciaux aux agents correctionnels.

M. Mallette a également mentionné le manque de certaines ressources attribuées aux tours de contrôle et aux véhicules de patrouilles.

Le Comité croit qu’il est primordial que les travailleurs de première ligne soient soutenus dans leur poste, étant donné la complexité de leurs tâches et des relations qu’ils entretiennent avec les détenus. Le Comité a appris par l’entremise du témoin, William Normington, ancien agent correctionnel, qu’il existe au sein du SCC « un manque de personnel expérimenté plus âgé pouvant guider et encourager les jeunes agents[72]. » Le Comité convient qu’il serait avantageux d’affecter du personnel expérimenté au mentorat des nouvelles recrues.

Le Comité a entendu que « [l]es agents de correction sont peu connus et peu appréciés par la grande majorité des Canadiens[73]. » Le Comité est d’avis que le choix de faire carrière ou d’être bénévole dans le domaine correctionnel a des retentissements bénéfiques au sein de la population canadienne. Le Comité croit qu’il faut assurer le recrutement de nouveaux candidats motivés et dévoués aux objectifs et au mandat du SCC.

Il faut continuer à recruter les meilleurs candidats. Nous voyons toujours de la publicité à la télé pour les militaires et la GRC. Je ne vis pas en Ontario, mais c'est peut-être la même chose pour la police provinciale. Avez-vous déjà vu une publicité télévisée qui annonçait des postes dans un établissement carcéral? Ce serait une façon de relever la norme[74].

Le commissaire du SCC a mentionné au Comité que les agents correctionnels et de renseignements de sécurité reçoivent une nouvelle formation qui mise davantage sur la sécurité active et la gestion d’une population carcérale complexe. Le Comité est heureux d’apprendre que les agents reçoivent une formation plus poussée à cet égard. Le témoin Jan Looman, responsable clinique du Centre régional de traitement à Kingston, a informé les membres du Comité que les travailleurs de première ligne reçoivent également une formation en santé mentale. Le Comité est d’accord avec les témoins qui ont souligné l’importance d’une formation en toxicomanie et qui souhaitent que le SCC offre de la formation additionnelle à ses employés. Celle-ci servirait à mieux comprendre ce qu’est la toxicomanie et les différentes façons d’aider les toxicomanes en milieu carcéral.

La présence de drogues et d’alcool en établissement pose un sérieux problème de sécurité. M. Van De Mortel a relaté au Comité les séquelles physiques et émotionnelles qu’il a subies suite à un incident où les détenus avaient consommé de l’alcool de fabrication artisanale. Tout au long de notre étude, les agents correctionnels ont souligné l’importance d’éliminer les drogues et l’alcool en établissements. Le Comité convient avec les témoins que les substances illicites fragilisent la relation qui existe entre l’agent et le détenu, qu’elles mobilisent les ressources du SCC et déstabilisent donc l’environnement carcéral.

La consommation de drogues et d’alcool constitue une grave menace à la sécurité de nos employés et des délinquants eux-mêmes. On sait qu’au Canada et à l’étranger, la plupart des actes de violence commis dans les établissements ont un lien direct avec la drogue. Les cas de violence déstabilisent nos établissements et représentent un risque pour la sécurité de mes employés, qui font un excellent travail. Cette instabilité limite aussi notre capacité de gérer la population carcérale, qui est complexe et diversifiée, ce qui limite ensuite notre capacité de bien préparer les délinquants à retourner dans la société en tant que citoyens productifs et respectueux des lois[75].

C’est pour cette raison que le Comité espère que le SCC continuera à valoriser l'importance de la relation quotidienne du personnel de première ligne avec les détenus en lien avec leurs programmes correctionnels et leur réadaptation.

4.3 RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE D’AVOIR DES PROGRAMMES CORRECTIONNELS EFFICACES ET EN TEMPS OPPORTUN

4.3.1 NÉCESSITÉ D’UNE ÉVALUATION INITIALE SANS DÉLAI

Le Comité a entendu que le délinquant qui reçoit une peine d’emprisonnement de deux ans et plus est d’abord évalué afin de permettre au SCC de prendre connaissance des informations personnelles ainsi que des informations administratives à son sujet. Par exemple, le SCC étudie les renseignements fournis par le tribunal au sujet des infractions antérieures et il prend connaissance des informations au sujet de sa famille et de son niveau de scolarité. Par la suite, un plan correctionnel est préparé selon les facteurs criminogènes cernés chez le délinquant et, on l’assigne à des programmes correctionnels qui favoriseront sa réhabilitation. Certains s’inquiètent du fait que les évaluations se font dans un délai de 90 jours. Le commissaire Head a indiqué que :

Lorsqu'un nouveau détenu arrive dans l'un de nos pénitenciers fédéraux, il passe par ce que nous appelons un processus d'évaluation initiale. Durant les 90 premiers jours de sa détention, nous procédons à différentes évaluations; entre autres, nous examinons les documents de la Cour qui indiquent le crime pour lequel le détenu a été condamné. Nous examinons les raisons qui ont motivé le juge à le condamner et les facteurs qui ont été pris en compte au moment de la détermination de la peine. Par la suite, nous soumettons le détenu à une série d'évaluations où l'on examine ses antécédents sociaux et les différents facteurs de risques qui contribuent à la criminalité. Cela comprend le recours à plusieurs outils pour déterminer si une personne a une dépendance.

Au cours de cette période, ces renseignements sont intégrés dans ce que nous appelons un plan correctionnel, qui devient un plan que le détenu suit au cours de sa période d'incarcération. Par exemple, si nous avons déterminé qu'une personne a un problème d'abus de drogues ou d'alcool, son plan comprendrait sa participation à l'un de nos divers programmes de traitement de la toxicomanie qui sont offerts par l'établissement[76].

Le Comité s’inquiète également du nombre croissant de détenus qui souffrent de troubles de santé mentale. Les témoins ont mentionné que ces individus ont de la difficulté à fonctionner dans le milieu carcéral en raison de leurs troubles mentaux et, par conséquent, sont beaucoup plus vulnérables parmi la population générale. « Les pénitenciers sont souvent des milieux stressants; il est difficile pour ces délinquants d’y trouver une forme de stabilité[77]. » Le traitement de ces délinquants est encore plus difficile lorsqu’ils souffrent également de troubles de toxicomanies.            

Le Comité partage les inquiétudes soulevées et demande :

RECOMMANDATION 5

Que le Service correctionnel du Canada continue de s’assurer que les détenus sont évalués dans les 90 jours suivant leur admission afin qu’ils puissent commencer leurs programmes correctionnels aussi rapidement que possible.

RECOMMANDATION 6

Que le Service correctionnel du Canada continue de s’assurer que les problèmes de santé mentale et de toxicomanie sont évalués en temps opportun et que le traitement qui convient est fourni.

Le Comité a appris par l’entremise du témoin, M. Jan Looman, que les délinquants ayant des troubles de santé mentale ont souvent de la difficulté à être admis au programme de traitement de la toxicomanie du SCC. Cependant, le Comité est heureux d’apprendre que le Centre régional de traitement (Kingston) offrira en 2012 un programme de traitement de la toxicomanie spécialement conçu pour les délinquants qui souffrent de maladie mentale. Le commissaire Head a également déclaré devant le Comité que :

Par suite de notre programme de transformation et du réinvestissement découlant de l'examen stratégique, nous avons investi plus de 30 millions de dollars de plus dans les programmes correctionnels ces trois dernières années. La majeure partie des fonds a été affectée à l'embauche d'employés supplémentaires pour permettre aux délinquants de suivre les programmes[78].

En conséquence :

RECOMMANDATION 7 

Le Comité souligne les progrès que ce gouvernement a accompli pour régler les questions de santé mentale dans les prisons et le lien qui existe entre les détenus atteints de troubles de santé mentale et de toxicomanie dans les pénitenciers.

4.3.2 LES PROGRAMMES CORRECTIONNELS DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

À l’instar de tous les témoins, le Comité reconnaît que les programmes de traitement de la toxicomanie du SCC sont reconnus dans le monde entier et servent de modèle à d’autres pays tels que le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède. Une évaluation indépendante démontre que le programme de toxicomanie a pour effet d’atténuer la dépendance et de diminuer le taux de récidive chez les détenus.

La recherche démontre que les délinquants qui participent aux programmes de traitement de la toxicomanie sont 4,5 fois plus susceptibles d’obtenir une libération discrétionnaire, 45 p. 100 moins susceptibles d’être réincarcérés en raison d’une nouvelle infraction et 63 p. 100 moins susceptibles de retourner en établissement en raison d’une nouvelle infraction avec violence[79].

Le taux d’achèvement des programmes de traitement de la toxicomanie du SCC est élevé. Il varie entre 83 et 85 % tandis que la moyenne des autres programmes correctionnels est d’environ 70 %. On a toutefois informé le Comité que 20 % des délinquants refusent de participer à leurs programmes correctionnels[80].

Le Comité partage l’inquiétude de plusieurs témoins à l’égard des listes d’attentes qui ralentissent l’accès aux programmes[81]. On a expliqué au Comité que les détenus sont placés sur la liste d’attente en fonction de la gravité de leurs problèmes et leurs besoins ainsi que leurs dates de mise en liberté sous condition. Le Comité reconnaît le fait que le SCC a réussi à réduire les temps d’attentes pour les programmes correctionnels de la moitié depuis les trois dernières années.

Le Comité a également appris que la plupart des détenus veulent réellement participer aux programmes. Toutefois moins de 15 % des délinquants participent aux programmes correctionnels de base chaque jour[82].

Le Comité est encouragé par la mise en œuvre du Modèle de programme correctionnel intégré (MPCI). Les témoignages suggèrent que ce projet pilote qui a déjà été mis en œuvre dans la région du Pacifique et dans la région de l’Atlantique permet à un détenu de débuter ses programmes correctionnels dans les 45 jours suivants le début de sa peine plutôt que d’attendre de 150 à 250 jours comme auparavant.

Le Bureau de l’enquêteur correctionnel s’est dit préoccupé au sujet du MCPI. Le MCPI fait la fusion de trois programmes qui auparavant auraient pris un an et demi à compléter pour en faire un seul de six mois. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel souligne que le programme n’a pas encore fait l’objet d’une évaluation et que « sa mise en œuvre, son format et son contenu n’ont pas été définitivement approuvés[83] ».

De plus, les témoignages suggèrent que, malheureusement le SCC fait face à des problèmes de rétention et de recrutement du personnel. Le commissaire du SCC a mentionné au Comité que malgré les ressources obtenues au cours des dernières années, le SCC aurait besoin de plus d’agents de programmes afin d’offrir ses programmes correctionnels. On a expliqué au Comité qu’il existe également un manque de psychologues et d’agents de corrections[84].

Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a souligné d’autres facteurs qui contribuent à l’accès limité aux programmes correctionnels. Il a noté par exemple, le manque de capacité en matière d’infrastructure pour offrir les programmes en question. Ce point a été corroboré par d’autres témoins qui craignent les répercussions de l’augmentation de la population carcérale.

Je m'inquiète un peu de la direction que prennent les choses en ce moment, tout particulièrement la notion selon laquelle la surpopulation va annuler une bonne partie des excellents programmes et soutiens qui ont été mis à la disposition des délinquants dans notre système correctionnel. En outre, je suis d'avis que certaines des modifications législatives proposées n'auront certainement pas, disons, pour effet de contribuer à notre envergure internationale sur le plan des services correctionnels[85].

En conséquence le Comité recommande :

RECOMMANDATION 8

Que tous les efforts soient fournis pour éliminer les listes d’attente afin que les détenus puissent avoir rapidement accès aux programmes, particulièrement aux programmes de traitement de la toxicomanie et de traitement de l’alcoolisme.

4.4 RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE D’UN ENVIRONNEMENT CARCÉRAL QUI FAVORISE LA RÉHABILITATION DES DÉTENUS

Plusieurs témoins ont souligné, au cours de notre étude, l’importance d’offrir un environnement carcéral stable et sécuritaire pour les employés qui y travaillent et les détenus qui y résident. Tous s’entendent pour dire que la pleine réhabilitation et la réadaptation des détenus est également d’une importance primordiale sur le plan de la sécurité publique. Des témoins ont avancé que la présence de drogues et d’alcool dans les pénitenciers vient compliquer l’administration des programmes correctionnels.

La politique de tolérance zéro du SCC est en vigueur depuis 2007. Or, les drogues entrent toujours en milieu correctionnel. Les témoins que nous avons rencontrés ont soutenu à cet égard des positions très différentes au sujet de cette politique et des mesures adoptées par le SCC. Pour certains, l’objectif visé par le SCC est peu réaliste, même si la majorité des témoins considèrent qu’il est impératif de l’atteindre dans les circonstances, puisque l’application de demi-mesures serait encore plus néfaste.

Comme complément à sa politique de tolérance zéro, le SCC a adopté le programme de transformation pour éliminer toutes drogues illicites en établissement. Cette stratégie mise sur une approche à trois volets : la prévention, le traitement et l’interdiction. En 2008, suite à la Stratégie nationale antidrogue et le programme de transformation, 122 millions de dollars ont été attribués sur cinq ans afin d’aider le SCC à atteindre ses objectifs. Selon le commissaire, ces fonds permettront au SCC d’adopter une approche plus rigoureuse qui mise davantage sur le volet de l’interdiction.

Il va sans dire, que d’autres témoins ont soutenu qu’une approche équilibrée qui favorise des efforts combinés dans la réduction de l'offre, de la réduction de la demande et de la réduction des méfaits serait plus rentable[86].

Les tenants d’une approche rigoureuse 

Les tenants de cette approche ont fait valoir au Comité que la baisse du pourcentage de tests positifs d’échantillons d’urine et la diminution du taux de délinquants qui refusent de fournir un échantillon démontrent que les efforts de lutte déployés par le SCC ont porté fruit. De plus, le commissaire du SCC a mentionné la diminution du nombre de délinquants décédés des suites d’une surdose et l’augmentation du nombre de saisies.

Des témoins ont également indiqué qu’il faut toujours améliorer l’état du milieu correctionnel afin que les détenus motivés à modifier leur comportement aient le maximum de chance possible de se réhabiliter et de guérir.

[A]u fil des ans, j’ai vu un changement considérable dans la manière dont s’y prend le SCC pour attaquer ce problème de front. Je vous ai donné seulement quelques exemples du travail que nous faisons. En ce qui me concerne, le renforcement de la capacité du renseignement de sécurité, l’utilisation de nouvelles technologies et l’établissement de relations de travail positives avec le milieu du renseignement sont autant d’éléments qui prouvent que nous allons incontestablement dans la bonne direction[87].

Les tenants d’une approche équilibrée

À propos du financement accru dédié aux méthodes d’interdictions, des témoins ont voulu mettre en évidence l’absence de financement dans les programmes correctionnels. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a aussi souligné que toute stratégie exhaustive en matière de drogues doit également être assortie d’une série de mesures à savoir : la prévention, le traitement, la réduction des méfaits et l’interdiction.

La majorité des témoins favorisant l’approche équilibrée ont également souligné l’importance de considérer les questions de la santé des détenus en milieu carcéral comme une question de santé publique.

On encourage les détenus à entretenir des rapports avec leur famille, ainsi qu’avec des personnes de l’extérieur, car ces relations sont souvent bénéfiques sur le plan de la santé et de la réadaptation des délinquants et de leur réinsertion dans la société. Cependant, le Comité convient avec les témoins qu’il importe de maintenir des mesures d’interdiction raisonnables de manière à éviter que les visiteurs puissent introduire des articles prohibés, des objets interdits ou des substances illégales, dans les établissements correctionnels. En effet, le Comité sait fort bien que les organisations criminelles ou les revendeurs de drogue locaux cherchent à exercer des pressions en vue de faire entrer des drogues dans les établissements correctionnels. L’application de mesures d’interdiction raisonnables peut atténuer les pressions exercées sur les visiteurs et les détenus et contribuer à améliorer la sécurité dans les établissements. Par ailleurs, le Comité est conscient du fait que certaines mesures d’interdiction peuvent être perçues par certains visiteurs comme étant intimidantes ou embarrassantes et il encourage les autorités à en faire un usage mesuré tenant compte d’une part des impératifs de sécurité qui s’appliquent aux établissements, au personnel, aux détenus et aux visiteurs et, d’autre part, du rôle important que jouent les visites dans la réintégration des délinquants et la sécurité à long terme de la collectivité.

 Enfin le Comité croit qu’il est crucial que le SCC poursuive les efforts déployés et est d’accord avec l’ensemble des témoins qui ont préconisé une approche plus musclée à l’égard des méthodes d’interdictions. C’est pour cette raison que le Comité recommande:

RECOMMANDATION 9

Que le gouvernement maintienne son engagement à faire en sorte que les prisons soient exemptes de drogue.

RECOMMANDATION 10

Que le Service correctionnel du Canada continue d’élaborer et de mettre en œuvre de nouvelles mesures de sécurité et d’interdiction dans les pénitenciers fédéraux.

RECOMMANDATION 11

Le Comité reconnaît que les problèmes de consommation de drogues et d’alcool persistent dans les prisons canadiennes et que le Service correctionnel du Canada a mis en œuvre des mesures d’interdiction contraignantes et des programmes efficaces pour réduire ces problèmes de façon marquée. Nous demandons que le gouvernement continue de faire des progrès considérables à cet égard.

4.5 RECONNAÎTRE L’IMPORTANCE D’ACCROÎTRE LES CHANCES DE SUCCÈS DU DÉLINQUANT LIBÉRÉ DANS LA COMMUNAUTÉ

La majorité des délinquants sous responsabilité fédérale ne purgent habituellement qu’une partie de leur peine dans un pénitencier. L’autre partie est purgée sous supervision dans la collectivité. L’ensemble du Comité convient que la réadaptation et le traitement sont des éléments essentiels en matière correctionnelle et qu’il est primordial que le traitement effectué en milieu carcéral se poursuive dans la communauté.

Il est tout de même inquiétant d’apprendre que la complexité des besoins individuels des détenus a augmenté depuis les dernières années[88]. Devant le Comité, Rob Sampson, ancien président du Comité externe d’examen du Service correctionnel du Canada, a expliqué que la peine moyenne est d’une durée de trois ans et demi. Étant donné la complexité des problèmes particuliers des détenus et la durée d’une peine moyenne, il serait extrêmement difficile, selon M. Sampson, pour le SCC de réhabiliter pleinement ces individus, bien que ce soit l’objectif visé. D’autres témoins ont également souligné que les individus aux prises avec des problèmes de dépendance le sont habituellement pour la durée de leur vie.

Comment serait-il humainement possible d'assurer en trois ans la réadaptation d'une personne comme celle que j'ai décrite — soit quelqu'un qui a une huitième année, qui est inapte au travail et toxicomane et qui est aux prises avec de graves problèmes familiaux? C'est tout simplement impossible[89].

Le Comité tient à souligner l’importance d’un appui continu dans la communauté. Le continuum des services est essentiel, croyons-nous, afin de minimiser le risque de récidive.

Le SCC assure l’employabilité du détenu par l’entremise du service spécial CORCAN. Devant le Comité, des témoins du SCC ont expliqué que ce processus débute bien avant la mise en liberté du détenu et que, dès leur libération, les détenus sont bien préparés à maintenir un emploi dans la communauté. Voici ce qu’a soutenu Ross Toller, sous-commissaire du SCC, (Équipe de transformation et renouvellement) à ce sujet:

Le domaine de l'emploi est un des domaines auxquels nous nous intéressons le plus lors de l'évaluation à l'arrivée du détenu. Nous recherchons quels sont ses compétences professionnelles et ses antécédents sur le plan de l'emploi. Comme les détenus vous l'ont dit, de nombreuses études démontrent que le chômage contribue à leur criminalité.

Nous cherchons à renforcer leurs compétences, comme l'a mentionné M. Wheeler. Dernièrement, nous avons cherché, dans le cadre de notre programme de transformation, à leur conférer une employabilité mieux orientée vers le marché du travail d'après les renseignements que nous avons sur les marchés de l'emploi. Pour vous donner un ou deux exemples, sachant qu'il y aura bientôt, dans l'ensemble du Canada, une pénurie de gens de métier, nous nous sommes associés avec un certain nombre de groupes et de collèges communautaires pour dispenser aux détenus la formation voulue pour acquérir certaines compétences. Par exemple, ils reçoivent une formation de charpentier dont ils pourront se servir. Dans certains cas, nous avons réussi à établir un programme dans le domaine du logement et les employeurs avec qui nous nous associons pendant la détention engagent nos délinquants à leur sortie.

Plus récemment, nous nous sommes associés avec certaines communautés autochtones pour la construction de logements en envoyant les détenus construire des logements dans les communautés autochtones. Ce n'est qu'un exemple de cas où nous insistons sur l'employabilité, précisément pour les raisons que vous avez soulevées. Et je crois que vous avez entendu des détenus vous dire que ces emplois se prolongent à leur retour dans la collectivité[90].

Les détenus rencontrés à Collins Bay et Joyceville ont également souligné l’importance d’avoir des possibilités d’emplois, car l’absence de celles-ci mène souvent à la récidive. Les détenus ont fait valoir aux membres du Comité que malgré les efforts déployés par le SCC à fournir des compétences professionnelles aux détenus, plusieurs ne trouvent pas d’emplois. Ils ont expliqué au Comité que les employeurs refusent souvent d’embaucher d’anciens détenus.

Le Comité est déçu d’apprendre par l’entremise du témoin, M. Pierre Mallette, que les formations professionnelles pour détenus ne sont pas offertes dans tous les établissements. Il croit que ceci nuit à la pleine réhabilitation du détenu dans la collectivité. Le Comité croit de plus que le passage de l’emprisonnement à la liberté devrait être fait de manière graduelle. C’est pour cette raison qu’il tient à souligner l’importance des agents de libération conditionnelle dans le processus de réintégration. Il est primordial, selon les membres, que les détenus soient bien encadrés afin de maximiser leurs chances de succès. À cette fin le Comité demande au SCC de veiller à ce :

RECOMMANDATION 12

Que des programmes de formation professionnelle et des possibilités de travail accrues soient offerts aux détenus.

RECOMMANDATION 13

Que des mesures soient prises pour garantir que les nouveaux détenus libérés sous condition soient suffisamment soutenus pour poursuivre leur réadaptation et leur réinsertion dans la communauté.

Les témoins ont mentionné à plusieurs reprises l’importance pour un détenu de maintenir des liens avec sa famille et la communauté[91]. Le SCC encourage également les détenus à rétablir les liens brisés afin de réduire les effets négatifs de l'incarcération sur les relations familiales et conséquemment sur l’individu même. Le contact du détenu avec la communauté crée un réseau de soutien, facilite la réinsertion sociale et minimise ainsi le risque de récidive. Le détenu qui a pu conserver ses liens avec sa famille, ses amis et sa communauté est un individu motivé à poursuivre et à atteindre les objectifs de son plan correctionnel. En conséquence le Comité recommande :

RECOMMANDATION 14

Que le Service correctionnel du Canada prenne des mesures pour favoriser des visites familiales positives et saines.

CONCLUSION

 Les recommandations émises dans ce rapport soulignent les nombreux progrès réalisés par le SCC jusqu'à présent et visent à encourager ceux qui travaillent dans le milieu correctionnel. Par ailleurs, le Comité souhaite que le SCC puisse bénéficier de ses recommandations qui jettent les bases pour une meilleure gestion d’une population carcérale de plus en plus complexe et diversifiée. Finalement, le Comité souhaite que le SCC puisse atteindre ses objectifs à l’égard de la réhabilitation et la réadaptation des délinquants fédéraux aux prises avec des troubles de toxicomanie.




*             Afin de faciliter la lecture du texte, le mot « établissement » a été employé pour désigner un établissement correctionnel fédéral.

[1]              Service correctionnel du Canada, Directive du commissaire no 585, Stratégie nationale antidrogue, 2007, http://www.csc-scc.gc.ca/text/plcy/cdshtm/585-cde-fra.shtml.

[2]              Motion adoptée par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes le 27 septembre 2011.

[3]              La liste des témoins qui ont comparu devant le Comité se retrouve à l’annexe A, et la liste des mémoires à l’annexe B.

[4]              Howard Sapers, enquêteur correctionnel, Bureau de l’enquêteur correctionnel, Témoignages, 6 octobre 2011.

[5]              Pierre Mallette, président national, Syndicat des Agents Correctionnels du Canada, Témoignages, 29 septembre 2011.

[6]              Voir le document intitulé « Sous-culture institutionnelle reliée aux drogues » du Service correctionnel du Canada à l’annexe C.

[7]              Kenneth Putnam, à titre individuel, Témoignages, 1er novembre 2011.

[8]              Don Head, commissaire, Service correctionnel du Canada, Témoignages, 1er décembre 2011.

[9]              Pierre Mallette, Témoignages, 29 septembre 2011.

[10]           L’enquêteur correctionnel a expliqué au Comité que 50 grammes de tabac ayant une valeur entre 18 et 20 $ valent entre 300 et 500 $ dans un pénitencier. Témoignages, 6 décembre 2011.

[11]           Témoignages, 29 septembre 2011.

[12]           Ibid.

[13]           Selon le témoignage du commissaire Don Head, les détenus qui étaient affiliés à des gangs avant leur incarcération étaient surtout membres de gangs de rue. Ces derniers, selon le commissaire, sont présentement plus nombreux que ceux qui sont membres d’un gang de motards ou ceux affiliés à une organisation criminelle traditionnelle. Témoignages, 20 octobre 2011.

[14]           Ibid.

[15]           La Directive du commissaire no 860 de 2011, intitulée « Argent des détenus », établit que chaque détenu est encouragé à gérer un budget personnel afin d’avoir suffisamment de fonds pour subvenir à ses besoins lors d’une mise en liberté et pour payer ses dépenses courantes (par exemple, ses achats à la cantine et d’effets personnels ainsi que ses appels téléphoniques). Cette directive a aussi comme objectif de contrôler la circulation de l’argent afin d’assurer la sécurité des personnes et des établissements. Le détenu a le droit de posséder deux comptes bancaires : un compte courant et un compte d’épargne. Le revenu qu’il tire d’un emploi est versé à son compte courant.

[16]           Selon la directive du commissaire no 890 de 1998, intitulée « Cantine des détenus », les détenus gèrent et exploitent la cantine sous la surveillance du sous-commissaire de la région et le poste de cantinier est prévu dans le programme d’emploi du SCC.

[17]           M. Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général, Bureau de l’enquêteur correctionnel, Témoignages, 6 octobre 2011.

[18]           Témoignages, 29 septembre 2011.

[19]           Andrea Markowski, directrice, Établissement d’Edmonton pour femmes, Service correctionnel du Canada, Témoignages, 27 octobre 2011.

[20]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011.

[21]           Sandy Simpson, directeur des services cliniques, Programmes de droit et de santé mentale, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Témoignages, 18 octobre 2011.

[22]           Ibid.

[23]           Don Head, 29 septembre 2011.

[24]           Témoignages, 8 décembre 2011.

[25]           Ibid.

[26]           Service correctionnel du Canada, FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle - Élaboration d’un programme pour délinquants autochtones toxicomanes disponible à l’adresse suivante : http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/forum/e181/e181j-fra.shtml .

[27]           Andrea Markowski, Témoignages, 27 octobre 2011.

[28]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011.

[29]           Kevin Snedden, sous-commissaire adjoint par intérim, Services corporatifs (Ontario), Service correctionnel du Canada, Témoignages, 6 octobre 2011.

[30]           Catherine Latimer, directrice exécutive, Société John Howard du Canada, Témoignages, 4 octobre 2011.

[31]           Eleanor Clitheroe, présidente directrice générale, Fraternité des prisons du Canada, Témoignages, 4 octobre 2011.

[32]           Howard Sapers, Témoignages, 6 octobre 2011.

[33]           Service correctionnel du Canada, Rapport ministériel sur le rendement, 2010-2011 :http://www.tbs-sct.gc.ca/dpr-rmr/2010-2011/inst/pen/pen00-fra.asp .

[34]           Le SCC était, en 2008-2009, responsable, de 13 287 délinquants incarcérés comparativement à 13 500 délinquants incarcérés en 2009-2010.

[35]           Il est prévu par exemple que « la Loi sur la lutte contre les crimes violents (projet de loi C-2) entraînera une augmentation de près de 400 délinquants d’ici 2014 et que la Loi sur l’adéquation de la peine et du crime (projet de loi C-25) entraînera des augmentations de plus de 3 000 délinquants et de près de 200 délinquantes d’ici au 31 mars 2013.» Service correctionnel du Canada, Rapport sur les plans et priorités, 2011-2012 : http://www.tbs-sct.gc.ca/rpp/2011-2012/inst/pen/penpr-fra.asp?format=print.

[36]           Voir les articles 76, 77 et 80 de la LSCMLC.

[37]           Ivan Zinger, Témoignages, le 6 décembre 2011.

[38]           Ross Toller, sous-commissaire, Équipe de transformation et renouvellement, Service correctionnel du Canada, Témoignages, le 6 décembre 2011.

[39]           Service correctionnel du Canada, À propos de CORCAN, 4 août 2009.

[40]           Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, art. 46 – 67.

[41]           Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, art. 38.

[42]           Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, alinéas 40i), k) et l). L’expression objets interdits est définie à l’article 2 de la Loi et comprend les « substances intoxicantes ».

[43]           Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, art. 45.

[44]           Ross Toller, Témoignages, 6 décembre 2011.

[45]           Don Head, Témoignages, 20 octobre 2011.

[46]           Service correctionnel du Canada, Programme de chiens détecteurs, Directive du commissaire, no 566‑13, 28 avril 2011, http://www.csc-scc.gc.ca/text/plcy/cdshtm/566-13-cd-fra.shtml.

[47]           Howard Sapers, Témoignages, 6 décembre 2011.

[48]           Kim Pate, directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, Témoignages, 4 octobre 2011.

[49]           Don Head, Témoignages, 1er décembre 2011.

[50]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011.

[51]           Ibid.

[52]           Service correctionnel du Canada, Rapport ministériel sur le rendement, 2010-2011.

[53]           Ibid.

[54]           Howard Sapers, Témoignages, 6 octobre 2011.

[55]           Service correctionnel du Canada, Descriptions des programmes correctionnels, juin 2009.

[56]           Pierre Mallette, Témoignages, 29 septembre 2011.

[57]           Témoignages, 6 octobre 2011.

[58]           Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, art. 102; Service correctionnel du Canada, Progrès par rapport au plan correctionnel, Directive du commissaire, no 710-1, 18 septembre 2007, http://www.csc-scc.gc.ca/text/plcy/cdshtm/710-1-cd-fra.shtml.

[59]           Service correctionnel du Canada, Stratégie nationale antidrogue, Directive du commissaire, no 585, 2007, http://www.csc-scc.gc.ca/text/plcy/cdshtm/585-cde-fra.shtml.

[60]           Voir par exemple le témoignage de Rob Sampson, à titre personnel, Témoignages, 4 octobre 2011.

[61]           Témoignages, 29 septembre 2011.

[62]           Ibid.

[63]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011; Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, art. 38 – 44.

[64]           Pierre Mallette, Témoignages, 29 septembre 2011.

[65]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011.

[66]           Ibid.

[67]           Christer McLauchlan, agent de renseignements de sécurité, Établissement de Stony Mountain, Service correctionnel du Canada, Témoignages, 1er décembre 2011.

[68]           Don Head, Témoignages, 1er décembre 2011.

[69]           Sandy Simpson, Témoignages, 18 octobre 2011.

[70]           Tony Van De Mortel, à titre personnel, Témoignages, 1er novembre 2011.

[71]           Ibid.

[72]           William Normington, à titre individuel, Témoignages, 6 octobre 2011.

[73]           Kenneth Putnam, Témoignages, 1er novembre 2011.

[74]           Ibid.

[75]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011.

[76]           Témoignages, 29 septembre 2011.

[77]           Jan Looman, responsable clinique, Centre régional de traitement, Kingston (Ontario), Service correctionnel du Canada, Témoignages, 8 décembre 2011.

[78]           Don Head, Témoignages, 1er decembre 2011.

[79]           Ross Toller, Témoignages, 6 décembre 2011.

[80]           Don Head, Témoignages, 29 septembre 2011.

[81]           Voir par exemple les témoignages de Kim Pate et de Eleanor Clitheroe, Témoignages, 4 octobre 2011.

[82]           Howard Sapers, 6 décembre 2011.

[83]           Ibid.

[84]           Howard Sapers, 6 octobre 2011.

[85]           Catherine Latimer, Témoignages, 4 octobre 2011.

[86]           Voir par exemple le témoignage de Catherine Latimer, Témoignages, 4 octobre 2011 et de Howard Sapers, Témoignages, 6 octobre 2011.

[87]           Kevin Snedden, Témoignages, 6 octobre 2011.

[88]           Rob Sampson, Témoignages, 4 octobre 2011.

[89]           Ibid.

[90]           Ross Toller, 6 décembre 2011.

[91]           Voir par exemple, les témoignages de Catherine Latimer, Témoignages, 4 octobre 2011 et Wayne Skinner, directeur adjoint des services de clinique, Programme de traitement de la toxicomanie, Centre de toxicomanie et de santé mentale, Témoignages, 18 octobre 2011.