La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, le projet de loi devait être une loi qui protège les Canadiens, une loi qui devait enfin corriger certains abus du passé. Malheureusement, on voit tout le contraire. Ce projet de loi attaque les droits civiques des Canadiens. On n'a jamais vu une aussi importante déception.
À titre d'exemple, je vais citer sir Winston Churchill qui, lors de la bataille d'Anzio, avait déclaré à un général américain qui n'avait pas été très actif: « Nous espérions lancer sur les flancs de l'ennemi un tigre sauvage; nous avons vu s'échouer une baleine. » La baleine, dans le cas présent, c'est le projet de loi , un texte de loi qui ne correspond absolument pas à ce dont le Canada a besoin. Je vais indiquer trois raisons.
Le Canada est un État de droit. Lorsque quelqu'un commet une faute, il doit s'attendre à y faire face devant la justice — tout le monde, pas seulement ceux que les conservateurs considèrent comme peu dangereux. À cette fin, on constate que le pouvoir politique se met encore les deux mains dans les questions de gestion de l'immigration. Ce qu'on demandait, c'est exactement l'inverse. On ne veut plus d'interventions politiques dans les questions d'immigration. Il y en a beaucoup trop eu dans le passé, et on voit maintenant le résultat, à un tel point qu'on a maintenant besoin d'une nouvelle loi et non pas tout simplement d'un remake des anciennes recettes des anciens gouvernements.
On constate maintenant une concentration de pouvoirs de plus en plus arbitraires dans les mains du ministre. Maintenant, le ministre n'est pas seulement quelqu'un qui assume le pouvoir politique, il veut aussi assumer le pouvoir juridique. À cet égard, Machiavel déclarait déjà: « Le pouvoir corrompt; le pouvoir absolu corrompt absolument. » Le cas d'un gouvernement qui se mêle de questions d'immigration et qui mélange partisanerie électorale et devoir juridique, c'est vraiment le cas du Canada. Ça devait être corrigé; malheureusement, on le reproduit.
Le pouvoir politique concentré entre les mains d'un ministre, c'est critiqué par tous les intervenants juridiques, par les Barreaux et par tous les intervenants en matière de droit de l'immigration. Ils sont constants: ils nous demandent de ne pas faire ça, de faire très exactement l'inverse. On déclare même que le ministre a un pouvoir discrétionnaire pour qualifier l'inadmissibilité des membres d'une famille d'un individu déporté. C'est le pouvoir discrétionnaire le plus absolu. Si on est sympathique, si on a une belle image médiatique et si on est intéressant du point de vue électoral, le ministre va nous soutenir. Si ce n'est pas le cas, c'est bien dommage, mais on en subira toutes les conséquences.
À cet égard, on indique qu'il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de la puissance exécutrice. C'est de Montesquieu. Ces principes démocratiques de base, ces principes mêmes de notre Constitution disent qu'on doit séparer le législatif du judiciaire et de l'exécutif. Ici, on veut faire très exactement l'inverse.
On veut aussi retirer au ministre la responsabilité d'examiner les circonstances humanitaires. Généralement, dans un processus judiciaire, on regarde l'ensemble du dossier pour porter un jugement en toute équité. C'est une procédure judiciaire normale. On s'attendait à ça, mais c'est l'inverse qu'on fait. On s'attaque à ces droits les plus essentiels et les plus communs, à un tel point que cette loi mal fagotée et toujours mal foutue va faire l'objet d'une contestation judiciaire . Et, encore une fois, le gouvernement va perdre, comme il perd tout le temps et toujours. C'est une loi mal faite.
On leur demandait de défendre le Canada. Qu'est-ce qu'ils font? L'inverse, ils attaquent les Canadiens. Ils attaquent leur concept juridique.
Ils attaquent leur droit à un jugement équitable.
Les procédures judiciaires sont parties essentielles de la loi. Cependant, dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, on a des commissaires nommés à la va-vite, en fonction de leurs capacités à amasser de l'argent pour un parti politique, en fonction de leurs amitiés personnelles. C'était déjà le cas dans l'ancien gouvernement d'un ancien parti politique.
Les conservateurs répètent les mêmes fautes, tout en disant qu'ils seront tough on crime. Non, c'est très exactement l'inverse qu'ils devaient faire. On demande des gens qualifiés, ayant une formation juridique solide pour rendre des jugements inattaquables. Que font-ils? C'est de la médiocrité dans son plus beau spectacle: ils ne font rien. Ils reproduisent les mêmes erreurs du passé. C'est désastreux. On n'a jamais vu quelque chose d'aussi pathétique.
On leur a prouvé qu'à la lecture de cette même loi, certains commissaires acceptaient des réfugiés dans une proportion de 98 % et qu'un certain autre commissaire, conformément à cette même loi, n'en acceptait que dans une proportion de 2 %. À sa face même, c'est évident que cette formule ne vaut pas cher.
Non seulement des cas de corruption ont été indiqués, mais ils ont été prouvés et démontrés devant des tribunaux. Ces gens-là ont été condamnés, reconnus coupables de corruption hors de tout doute raisonnable. On n'apporte aucune correction. On demande la nomination de juges, de gens qui ont l'indépendance judiciaire. Encore une fois, ils nomment des fonctionnaires, des amis, des gens dont on ne sait pas trop s'ils auront les qualifications. Ils ne font absolument pas cette preuve.
Encore une fois, ils décident de prendre les mêmes recettes du passé, avec les mêmes défauts, et de les accentuer en disant qu'ils vont corriger la situation. Malheureusement, ils ne corrigent rigoureusement rien.
Vient maintenant le troisième point, soit qui ils attaquent. L'ensemble des citoyens canadiens qui ne sont pas nés au Canada peuvent se sentir menacés. Mais là vient le problème majeur. Nous nous attendions à une loi « Rizzuto ». Cet individu a commis des meurtres et il est en prison présentement. Il n'est pas né au Canada, mais il y revient, et tout le monde le sait. Que va-t-il faire? Il va commettre des meurtres. La police le sait, tous les spécialistes en droit criminel le savent. Cet individu s'en vient venger son père et son fils assassinés au cours d'une guerre de gangs.
Nous avions espéré que ce gouvernement, qui se prétend tough on crime, interdirait à de pareils individus de venir nous empoisonner la vie. Non, il semble manifestement qu'on s'attaque aux petits, aux petits bandits, aux petits trafiquants de drogue, à des gens condamnés à six mois de prison. Oui, il faut les déporter, mais il ne faut pas oublier les grands, ceux qui font entrer de la cocaïne à pleins conteneurs. Ceux-là, on les oublie, on les ignore.
Une voix: Oh, oh!
M. Alain Giguère: Oh, mes propos choquent! Eh bien tant mieux, parce que les Canadiens, eux, sont choqués de s'apercevoir que ces gens-là entrent au Canada avec une quasi-immunité. Combien de grands dirigeants de la mafia, connus au Canada, ont été déportés? Zéro.
Le juge Falcone, un juge italien anti-mafia, disait qu'il ne pouvait y avoir de croissance de la criminalité organisée sans une protection politique. Le gouvernement a-t-il accepté de devenir cette protection politique? On sait que dans le passé, il y a eu une protection politique. On le sait tellement bien que la GRC avait dit de ne pas accepter comme ministre un certain individu. Il est devenu ministre dans un précédent gouvernement.
Alors, on demande aux conservateurs de faire un effort à cet égard, de ne pas refaire des Conrad Black, des individus qui renoncent à leur citoyenneté canadienne pour obtenir un titre de noblesse britannique, mais qui, une fois condamnés à la prison, reviennent au Canada. Tough on crime, encore une fois!
Il est manifeste que ce gouvernement et certains de ses élus font preuve d'un abandon de poste face à l'ennemi. Cet ennemi, c'est la grande criminalité. Dans ce projet de loi, ils ont capitulé.
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Monsieur le Président, je suis ravi de prendre part au débat sur le projet de loi Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, que le gouvernement appelle également Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers. Je déplore que de tels titres soient maintenant attribués à des lois qui se veulent très sérieuses. Certes, ce projet de loi est on ne peut plus sérieux. Il poursuit sur la lancée actuelle en matière de législation relative à l'immigration.
Les néo-démocrates appuieront le renvoi au comité du projet de loi parce que nous estimons que le système d'immigration actuel comporte des lacunes fondamentales et ne fonctionne pas bien. Ainsi, nous sommes disposés à discuter des diverses manières dont nous pourrions l'améliorer. Certains aspects problématiques du projet de loi seront soulevés en comité, et le témoignage d'experts viendra alimenter le débat à cet égard.
Il importe de souligner que notre système d'immigration est essentiel au fonctionnement du Canada en tant que démocratie fondée sur l'économie. Notre population ne peut s'autosuffire.
Le Canada a été fondé sur les principes du multiculturalisme et de l'ouverture. Or, cette réalité est en voie de changer, car, lentement, notre système d'immigration s'érode. En fait, même à Windsor-Ouest, la circonscription que je représente, les portes du bureau d'immigration sont fermées. Les gens ne peuvent plus s'y rendre pour obtenir de l'aide relativement à leur dossier d'immigration.
Karen Boyce et Ian Bawden font partie du personnel de mon bureau. Karen travaille avec moi depuis 10 ans et prendra enfin sa retraite à la fin décembre. Je la remercie de l'engagement dont elle fait preuve à l'égard de chaque cas pour lequel elle se bat. Combien de fois s'est-elle levée au milieu de la nuit pour appeler une ambassade à l'étranger afin de tenter d'obtenir des documents ou de faire traiter une demande quelconque. Elle fait cela, littéralement, tout le temps. Quel dévouement. À bien des reprises, elle s'est battue pour faire descendre d'avion des enfants sur le point d'être expulsés vers des pays dont ils n'ont jamais vraiment fait partie. Ces enfants naissent au Canada, mais leur parents voient leur demande d'immigration refusée ou leur demande de considération pour motifs humanitaires rejetée.
C'est malheureux, surtout si l'on examine les besoins d'une économie comme celle de Windsor. Il est primordial que l'on règle rapidement ces problèmes de traitement des demandes, car entre-temps, un grand nombre de personnes traversent la frontière pour aller aux États-Unis.
J'utilise toujours cet exemple car je trouve que c'est important. Nous disposons de nombreux médecins et autres professionnels dont les diplômes ne sont pas reconnus en Ontario et au Canada, et qui finissent par aller travailler de l'autre côté de la frontière, à Detroit, au Michigan, tout en continuant de faire rouler notre économie. Paradoxalement, lorsque nos hôpitaux sont bondés ou qu'il faut recourir à une spécialité médicale qui se trouve de l'autre côté de la frontière, nous envoyons nos citoyens se faire soigner aux États-Unis, par un médecin que le Canada estime non qualifié. Et en plus, nous payons le prix fort pour cela.
Ce qui est important, c'est que de nombreuses personnes ne peuvent faire leur travail tant que les procédures d'immigration n'ont pas été complétées. Souvent, elles risquent de perdre ces emplois si nous ne parvenons pas à régler le problème. Ces emplois sont essentiels à notre économie. L'économie canadienne ne se rétablit pas comme nous le voudrions, et je le constate tous les jours dans les rues de Windsor. Chaque emploi supplémentaire auquel nous pouvons avoir accès aux États-Unis compte. C'est une activité commune qui dure depuis des années, et l'une des raisons qui expliquent nos bonnes relations. Il existe une symbiose entre la grande région de Detroit et le comté de Windsor-Essex, qui constituent un solide pôle économique. C'est en partie grâce à la possibilité de se rendre facilement de part et d'autre de la frontière. Notre système d'immigration ne contribue pas à notre succès.
Un des éléments qui me préoccupe dans ce projet de loi est la concentration des pouvoirs entre les mains du ministre. À tout moment il peut par exemple révoquer ou réduire la période d'admissibilité.
Cela m'inquiète, car je me souviens du débat sur le projet de loi , qui modifiait la loi sur les réfugiés. J'écoutais le ministre et les députés conservateurs parler du projet de loi et des réfugiés en général. Ils utilisaient des mots comme « protection », « tirer parti », « sécurité de la population », « abus », « sévir » et « faux réfugiés ». Avec un tel langage et une telle attitude à l'égard des réfugiés, quel genre de décisions verrons-nous de la part d'un ministre qui aurait plus de pouvoirs et moins de comptes à rendre?
J'aimerais nommer certains réfugiés, car il est important de mettre un visage sur nos réfugiés. Ce sont des gens comme K'naan, qui est né en Somalie. Il a grandi à Mogadiscio, pendant la guerre civile qui a ravagé son pays, et il est arrivé au Canada en 1991. Pose-t-il une menace? C'est un réfugié.
Et pourquoi pas Adrienne Clarkson, notre ancienne gouverneure générale? Elle est arrivée de Hong Kong en tant que réfugiée en 1942. Elle s'est installée au Canada, a fait sa marque et a contribué à notre pays.
Fedor Bohatirchuk, un grand maître du jeu d'échecs maintenant décédé, est venu au Canada pour fuir la persécution en Ukraine et a beaucoup apporté à notre pays pendant de nombreuses années.
Le chef sioux Sitting Bull est un autre exemple intéressant. Il était un sage qui a dirigé sa tribu pendant les années de résistance aux États-Unis. Il a fini par fuir ce pays pour venir s'établir au Canada, dont il est devenu un citoyen productif.
J'aimerais revenir sur l'un des points qui ont été soulevés concernant l'activité criminelle. Certains des commentaires émis par les professionnels sont importants.
Michael Bossin, un avocat en droit des réfugiés d'Ottawa, a parlé de la situation des personnes reconnues coupables d'une infraction, même mineure, qui peuvent maintenant être expulsées du pays, ce qui accroît les risques auxquels elles seront exposées. Je travaillais autrefois au conseil multiculturel de ma municipalité, où je coordonnais un programme appelé Youth in Action. Je vais y revenir dans quelques instants. Je tiens cependant à mentionner que, lorsque les réfugiés ou les jeunes commettent des crimes, il s'agit parfois d'une forme d'appel à l'aide; parfois, c'est parce qu'ils ont des problèmes de santé mentale; parfois il s'agit simplement d'une grosse bêtise; parfois, c'est parce qu'ils n'ont pas accès aux médicaments dont ils auraient besoin en raison de troubles psychologiques. Lorsqu'ils bénéficient de programmes visant à aider les personnes dans leur situation, ils deviennent de meilleurs citoyens, de meilleures personnes, qui contribuent activement et régulièrement à la société.
On ne tient pas compte de la question de la santé mentale des Canadiens, encore moins lorsqu'elle concerne les criminels. Il est important que les juges aient plus de marge de manoeuvre pour pouvoir juger la cause. Avant de parler du travail que nous avons fait, je tiens à dire que notre système judiciaire a commis de graves erreurs. Il n'est pas parfait. On peut faire des erreurs lorsqu'on prend des décisions concernant des personnes. L'information peut être présentée de façon inappropriée, ne pas se rendre au destinataire ou être irrecevable. Nous savons que les gens qui ont de l'argent engageront le meilleur avocat possible parce qu'ils veulent être défendus le mieux possible. Combien de réfugiés arrivent au Canada avec un tas d'argent et peuvent engager le meilleur avocat? On m'a souvent parlé de ce problème dans mon bureau. Je trouve horrible que certaines personnes aient dû emprunter de l'argent, utiliser des cartes de crédit et employer d'autres moyens pour pouvoir embaucher un avocat. Ces gens ont beaucoup de difficulté à rembourser leurs dettes, parce qu'ils n'ont pas les ressources financières nécessaires pour le moment, et cela les place dans une situation encore plus difficile. C'est la dure réalité de notre système judiciaire.
Je veux parler un peu du programme que j'ai mis en oeuvre au sein du conseil multiculturel. Nous avions entre 16 et 18 jeunes à risque âgés entre 18 et 30 ans. Le programme était destiné aux jeunes, mais l'âge limite était de 30 ans. Cependant, ces jeunes étaient généralement dans la vingtaine. Il y avait huit personnes qui avaient passé pratiquement toute leur vie au Canada, qui avaient commis des erreurs qui leur ont causé des problèmes, qu'il s'agisse d'une légère amende, d'une sanction pénale ou d'un casier judiciaire. Il y avait aussi huit autres personnes qui venaient d'immigrer au Canada. Nous avons réuni ces deux groupes pour créer le programme Multicultural Youth in Action. Dans le cadre de ce programme, les jeunes ont fait des travaux communautaires, ont acquis toutes sortes de compétences de vie et ont participé à des entrevues. Dans 90 % des cas, nous avons réussi à les faire retourner à l'école ou au travail. Ce programme a duré plusieurs années et s'est avéré très efficace.
Pour conclure, grâce à ce que nous avons pu faire avec certains de ces jeunes — je dis « certains », car tous n'ont pas réussi —, nous avons fait économiser de l'argent aux contribuables, car ces jeunes ne sont pas retournés dans le système judiciaire ou pénal, où ils auraient acquis d'autres comportements délinquants et pris plus de temps à se réadapter. Au lieu de cela, ils ont payé leur dette envers la société et appris à apporter leur contribution en tant que citoyen.
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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour débattre du projet de loi , qui propose des modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Comme l'ont indiqué mes collègues avant moi, nous appuierons le projet de loi en deuxième lecture, mais cet appui est loin d'être un chèque en blanc. Le projet de loi C-43 souffre actuellement d'importantes faiblesses qu'il faudra corriger à l'étape du comité. De ce côté-ci de la Chambre, nous voulons collaborer avec le gouvernement pour faire du projet de loi C-43 un projet de loi plus juste et plus équilibré.
Les Canadiens s'attendent à ce que nous soyons capables de compromis. Les compromis sont à la base d'un régime démocratique comme celui du Canada. Refuser le compromis, c'est manquer à ses obligations de démocrate. Nos collègues d'en face se sont trop souvent montrés fermés au dialogue et au compromis depuis la dernière élection. C'est très regrettable. J'espère sincèrement que cela changera.
Les Canadiens veulent que nous imposions des sanctions fermes aux non-citoyens qui commettent des infractions graves sur notre territoire. Je suis convaincue que la presque totalité des nouveaux arrivants qui respectent nos lois — c'est important de le rappeler — sont du même avis que nous.
Ce que demandent surtout les gens de ce pays, c'est que nous puissions garantir que notre système judiciaire est efficace et suffisamment souple lorsque vient le temps de renvoyer dans leur pays d'origine des criminels qui n'ont pas la citoyenneté canadienne. Ils veulent surtout que le gouvernement investisse plus d'énergie pour faire en sorte que les demandes formulées par les nouveaux arrivants soient traitées plus rapidement et plus efficacement. Les conservateurs devraient consacrer plus d'efforts pour faire en sorte, par exemple, que ces personnes puissent être réunies avec les membres de leur famille le plus rapidement possible.
Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai plusieurs réserves concernant le contenu de ce projet de loi. Par exemple, je m'explique mal les raisons qui justifient que l'on donne de nouveaux pouvoirs discrétionnaires au ministre. Si le projet de loi entrait en vigueur demain matin, le ministre aurait le pouvoir de déclarer qu'un étranger n'est pas admissible à la résidence temporaire, s'il estime que l'intérêt public le justifie. Or, l'une des faiblesses de cette proposition est que l'intérêt public n'est pas défini dans la loi. Cette situation ouvre la porte à des interprétations très différentes de ce que peut signifier l'intérêt public. Il faut vraiment corriger cela.
J'ai aussi beaucoup de difficulté à comprendre la présence d'une clause qui dégage le ministre de sa responsabilité d'examiner les circonstances humanitaires entourant la demande d'un étranger jugé inadmissible sur le territoire. J'aimerais qu'on m'explique le pourquoi de cette mesure. Je ne comprends pas que nous nous privions de l'examen de cette variable humanitaire. Est-ce vraiment ce genre de Canada que nous voulons?
L'une des plus importantes faiblesses de ce projet de loi est qu'il restreint de façon beaucoup trop large l'accès au processus d'appel. Nous sommes tous d'accord pour dire que notre système d'appel ne doit pas être exploité dans le but de retarder volontairement le renvoi d'un non-résident vers son pays d'origine, mais il ne faudrait pas non plus que les mesures contenues dans le projet de loi aient pour effet de limiter les droits de la personne.
Les conservateurs ont fait la promotion de leur projet de loi, en parlant presque exclusivement du fait qu'il permettra d'accélérer la déportation des délinquants dangereux. Toutefois, le projet de loi C-43 ratisse beaucoup plus large que ça. Il prévoit, entre autres, une redéfinition des actes de grande criminalité.
Sous le régime actuel, un individu ayant commis un acte criminel menant à une peine de deux ans et plus n'a pas droit au processus d'appel. Le projet de loi veut abaisser la barre à des crimes débouchant sur des peines de six mois et plus. Par conséquent, beaucoup plus de personnes seront privées de la possibilité de faire appel d'une décision rendue dans leur dossier.
Comprenons-nous bien. Je ne suis pas fondamentalement contre le resserrement de la définition de « grande criminalité ».
Elle aurait notamment le mérite d'englober des crimes comme les agressions sexuelles et les vols qualifiés, ce qui est une bonne chose en soi. Toutefois, je crois que nous devons faire preuve de vigilance et éviter que cette nouvelle définition débouche sur des décisions inconsidérées.
Je m'inquiète notamment des effets que pourrait avoir le nouveau régime de peines planchers prévues dans le projet de loi sur les décisions qui seront rendues dans les cas de renvoi.
Plusieurs crimes couverts par ce nouveau régime sont des crimes non violents. Il faut donc être très prudent lorsque vient le temps de restreindre le droit au processus d'appel. Il ne faut pas que la restriction prévue dans la loi soit trop étendue par le projet de loi . Oui, il faut empêcher les non-citoyens ayant commis des crimes graves d'abuser de notre système d'appel. Cependant, il faut aussi s'assurer d'adopter une attitude intelligente par rapport à tout cela. Il faut vraiment préserver un équilibre. Il faut surtout être en mesure de garantir que la bonne décision sera prise dans chaque dossier de renvoi.
Le mécanisme d'appel est un outil intéressant à cet égard. Pourquoi s'en priverait-on? Nous devrons porter une attention particulière à cette question une fois rendue en comité.
Jusqu'ici, nous avons beaucoup entendu les conservateurs nous dire qu'il est facile pour les non-citoyens d'éviter la déportation: ils n'ont qu'à ne pas commettre de crimes graves. Je veux bien, mais, honnêtement, dans la vraie vie, ce n'est pas nécessairement noir et blanc. Nous savons tous que la réalité est beaucoup plus complexe que cela. Le projet de loi devrait être construit de manière à refléter cette complexité.
Par exemple, que fait-on des délinquants qui sont arrivés au Canada à un très jeune âge et qui ne connaissent rien du pays vers lequel ils seront déportés? Certains organismes ont soulevé des inquiétudes à ce sujet, mais cet élément n'entre pas en ligne de compte conformément au projet de loi .
Au NPD, nous voulons travailler avec le gouvernement pour empêcher les non-citoyens ayant commis des crimes graves d'abuser de notre système d'appel. Toutefois, nous ne voulons pas que soient supprimés les mécanismes permettant à notre système de faire face avec flexibilité à des circonstances extraordinaires.
Comme le gouvernement, nous voulons que notre appareil judiciaire soit efficace et permette le renvoi des non-citoyens ayant commis des crimes graves dans les meilleurs délais, mais nous ne voulons pas de processus bâclés et déséquilibrés qui ne tiennent pas compte des situations particulières. Vouloir accélérer le renvoi des criminels étrangers est un objectif louable en soi, il faut par contre éviter que le processus menant au renvoi bafoue les droits de la personne. Dans notre société, on a l'obligation de rendre des décisions justes et respectueuses des droits de tous.
Le projet de loi constitue un projet de loi sur lequel nous pouvons et devons construire. Comme je l'ai dit plus tôt, nous l'appuierons à l'étape de la deuxième lecture, mais nous devons le retravailler. Nous gagnerons tous à pouvoir entendre ce qu'ont à dire les experts et les représentants d'organismes spécialisés sur ces questions.
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Monsieur le Président, le projet de loi dont nous débattons en est un modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
En premier lieu, je tiens à dire clairement que les néo-démocrates reconnaissent que le processus judiciaire doit être efficace et souple en ce qui concerne le renvoi des criminels dangereux qui n'ont pas la citoyenneté canadienne.
Les Canadiens veulent qu'on prenne des mesures sévères à l'égard des non-citoyens qui commettent des infractions graves souvent violentes dans nos collectivités. Les nouveaux arrivants, dont la vaste majorité respecte les lois et les règlements, seraient les premiers à souscrire à cette approche.
Ce que j'aime également de ce projet de loi est la clause qui fera en sorte que d'entrer au Canada à cause d'un réseau d'activités criminelles n'est pas en soi suffisant pour être déclaré inadmissible à la résidence permanente et à la citoyenneté canadienne. C'est une excellente nouvelle pour les victimes de réseaux de trafiquants qui sont tout sauf des criminels.
Par contre, des choses dans ce projet de loi me dérangent. Le premier élément est le pouvoir discrétionnaire laissé au ministre afin qu'il décide si les gens représentent ou non une menace à l'intérêt et à la sécurité nationale. En effet, ce projet de loi accorde davantage de pouvoirs arbitraires au ministre. Par exemple, le projet de loi confère au ministre de vastes pouvoirs lui permettant d'empêcher un étranger d'entrer au pays ou d'en sortir, ou encore de l'interdire de territoire pour des raisons d'intérêt public qui nous semblent ambiguës.
Nous devrions renforcer l'indépendance et le système judiciaire plutôt que de donner au ministre la possibilité de décider qui entre et qui sort du Canada. La dernière chose dont notre système d'immigration a besoin, c'est d'être encore plus politisé.
Le Canada a un système efficace et indépendant afin de déterminer l'admissibilité des personnes au Canada. Il est inutile de le remplacer par les humeurs d'un ministre. Le ministre ne devrait pas pouvoir interdire l'entrée au pays à des gens qui sont tout simplement en désaccord avec le gouvernement. Il est ridicule de croire que le fait d'accorder davantage de pouvoirs au ministre résoudra quoi que ce soit.
Un autre problème vient du fait que des dispositions du projet de loi s'appliqueraient aux personnes reconnues coupables de crimes graves non seulement au Canada, mais aussi à l'étranger. Le Canada possède l'un des meilleurs systèmes de justice au monde. D'autres pays n'ont pas la même chance. Dans de nombreux pays, le simple fait d'être membre d'un parti de l'opposition peut entraîner une condamnation pour crimes graves. Rien n'illustre mieux l'importance de l'application régulière de la loi que ces situations.
Nous devons nous assurer que le Canada demeure une terre d'accueil et d'espoir pour ceux qui fuient la persécution à l'étranger.
Cela étant dit, je crois qu'il est raisonnable de s'assurer que des gens coupables d'agression sexuelle ou encore de vol qualifié ne courent pas nos rues.
Avec la modification de la définition de « grande criminalité », avec le changement de la peine de deux ans qui servait de critère à une peine de six mois et avec la considération des peines à l'étranger, les professionnels qui travaillent avec les immigrants, les réfugiés ainsi que les diasporas ont également exprimé des préoccupations indiquant que cette mesure législative risquait de punir injustement les jeunes et les personnes atteintes de maladie mentale.
Il faut donc étudier davantage l'impact de cette disposition pour s'assurer que les mesures atteignent vraiment leur objectif, soit celui d'empêcher les gens dangereux d'entrer au pays.
Ce qui me dérange également dans ce projet de loi et dans l'initiative plus globale du gouvernement, c'est l'image que l'on projette des immigrants. Les projets de loi sont annoncés comme si les immigrants posaient une grave menace au pays ou comme si tous les immigrants étaient des criminels potentiels, alors que la quasi-totalité des immigrants qui viennent au Canada sont des gens qui, au contraire, y cherchent une vie et un meilleur avenir et souhaitent, comme tous les autres Canadiens, vivre dans un environnement sécuritaire.
Je suis une immigrante. J'ai choisi le Québec et le Canada pour y vivre et pour y élever ma famille, et je suis très heureuse de m'engager au sein de ma communauté de Saint-Bruno—Saint-Hubert. J'ai fait ce choix en particulier parce que je voulais un environnement sécuritaire pour ma famille, ce que j'ai trouvé ici.
Immigrer n'est pas une chose facile, en particulier si l'on ne vient pas rejoindre de la famille déjà installée ici. Il faut partir de zéro. Il faut se trouver un logement et le meubler. Il faut trouver une école pour ses enfants. Il faut faire reconnaître ses diplômes, ce qui, dans mon cas, a été un cauchemar. Trouver un emploi est aussi un grand défi. Une étude de 2010 démontre que le taux de chômage est quatre fois plus élevé chez les immigrants détenant un diplôme universitaire que chez les diplômés universitaires nés au Canada.
La dernière chose dont les immigrants ont besoin, c'est d'être stigmatisés et d'avoir une aura de « criminel potentiel », ce qui limiterait davantage leur intégration et leur contribution aux sociétés québécoise et canadienne. Le gouvernement doit abandonner sa rhétorique qui met tous les immigrants dans le même panier. Déjà, des gens de ma circonscription me racontent des histoires troublantes sur la façon dont ils sont traités et sur la perception que les autres peuvent avoir d'eux uniquement parce qu'ils viennent d'ailleurs.
Cela dit, il ne faut pas ignorer les problèmes qui existent. Il faut uniquement bien doser la réponse. Comme on le dit chez nous, il ne faut pas tuer une mouche avec un marteau ou avec un canon.
Je sais que nous pouvons empêcher les non-citoyens qui commettent des crimes graves d'abuser de notre processus d'appel sans bafouer leurs droits. Nous devons, ainsi que le gouvernement, nous concentrer sur l'amélioration du système d'immigration pour qu'il soit plus rapide et plus équitable pour la grande majorité des personnes qui ne commettent pas de crime et qui suivent les règles.
Je le rappelle encore une fois, la très grande majorité des gens qui viennent au Canada ne sont pas des criminels. Ce sont des gens qui aspirent à contribuer à la société et à bâtir un monde meilleur. Plus souvent qu'autrement, ce sont même des professionnels et des gens très éduqués.
En terminant, je tiens à souligner que la question des soins de santé aux réfugiés est toujours d'actualité et importante. Le gouvernement souhaite probablement que l'on oublie ses compressions dans ce programme. Récemment, j'ai eu l'occasion de discuter avec le Collège des médecins de famille du Canada, qui m'a demandé de continuer la lutte pour les soins de santé aux réfugiés. Je tiens à rappeler au gouvernement qu'au NPD, nous ne l'oublions pas.
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Monsieur le Président, je suis content de pouvoir participer au débat.
Nous avons déjà exprimé notre intention d'appuyer le renvoi du projet de loi au comité. Bien entendu, il nous faut beaucoup plus d'information. On l'a déjà dit et j'espère qu'on le dira encore tout l'après-midi.
Comme le gouvernement peut le constater, nous avons des idées bien arrêtées sur cette question. Les raisons qui poussent les conservateurs à prendre une telle mesure, leurs façons d'agir, la manière dont ils s'expriment et leurs vraies intentions suscitent aussi chez nous de vives émotions et des inquiétudes. C'est l'expérience et le fait de voir le gouvernement à l'oeuvre qui nous inspirent ces sentiments.
Nous serons justes et équitables, mais nous défendrons les principes auxquels nous adhérons en ce qui concerne les néo-Canadiens et les gens qui cherchent à obtenir la citoyenneté canadienne.
Je me permets d'ouvrir une parenthèse avant d'entrer dans le vif du sujet. Reconnaissons que tous les gouvernements et les administrations du pays, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux ou territoriaux, des administrations municipales ou régionales, des cantons ou des comtés, considèrent que la volonté d'attirer de nouveaux immigrants n'est pas seulement une valeur canadienne — ce qui serait suffisant pour la plupart des députés de ce côté-ci de la Chambre —, mais aussi un aspect essentiel qui nous permet de progresser et de bâtir une économie qui nous donne les emplois et la qualité de vie dont nous jouissons et que nous voulons conserver et améliorer pour pouvoir les transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants.
Il faut être le pays du monde qui fait dire aux autres habitants de la planète: « C'est là où je veux vivre. C'est dans ce pays que je veux aller à cause des valeurs qu'on y défend et des possibilités qui y sont offertes. » Surtout, je crois qu'on peut dire que la plupart de ces gens se disent que c'est là qu'ils veulent que leurs enfants et leurs petits-enfants grandissent pour pouvoir avoir toutes les chances de s'épanouir. Le contexte des discussions que nous avons et la façon dont nous nous exprimons sont importants, car ils envoient certains messages à la population.
Depuis longtemps, depuis que je siège au parlement fédéral, on se rend de plus en plus compte qu'un nombre croissant de néo-Canadiens découvrent que les possibilités d'emplois et d'exercice de leur profession qu'on leur faisait miroiter n'existent plus. En voyant que ce n'était que des promesses en l'air, bien souvent, ils repartent.
Un trop grand nombre réalise, après avoir passé 6, 12, 18, 24 ou 36 mois ici, que le Canada ne correspond pas à leurs attentes, qu'il ne leur offre pas le rêve qu'ils pensaient qu'ils allaient réaliser. Ils racontent ce qu'ils ont vécu dans leur pays d'origine, à leur famille, à leurs amis et à leurs collègues, à ceux qui veulent venir au Canada parce qu'ils pensent que c'est le meilleur endroit où émigrer. Ils leur disent qu'ils feraient mieux d'attendre un peu parce que les apparences sont parfois trompeuses.
Ce genre de message est l'antithèse de celui que nous devons transmettre si nous voulons attirer les néo-Canadiens que nous voulons voir venir ici pour faire partie de notre grande nation et nous aider à finir de bâtir le Canada que nous voulons pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous n'envoyons pas le bon message en utilisant un tel langage. Les conservateurs adorent les mots « étrangers, criminels, sévir ».
J'ai connu cela pendant huit ans sous le gouvernement de Mike Harris. C'était le même langage, les mêmes politiques controversées. Ce n'est pas un hasard si, jusqu'à récemment, le chef de cabinet du était l'ancien chef de cabinet de Mike Harris ou si trois des membres importants du gouvernement actuel ont aussi été des membres importants du gouvernement de Mike Harris. Tout cela, c'est du déjà-vu pour moi.
Cela a pris un certain temps, mais les Ontariens ont fini par comprendre ce qui ce passait vraiment au-delà du nom des projets de loi, qui indiquaient le contraire de ce que faisaient vraiment les projets de loi et qui faisaient appel aux émotions plutôt qu'à la raison pour faire réagir les gens. Tous ces stratagèmes politiques sont bien bons, mais, en fin de compte, les Canadiens ont compris et, à ce moment-là, le premier ministre provincial en question ne s'est pas présenté devant l'électorat aux élections suivantes. À mon avis, il était si impopulaire qu'il a dû se retirer et laisser la place à quelqu'un d'autre. Cependant, à ce moment-là, les gens savaient que le chef n'était pas le seul en cause, que le problème était attribuable au gouvernement au complet, et à son approche. Les Ontariens les ont jetés dehors et, selon des sondages récents, ils ne sont pas près de les élire de nouveau.
C'est le genre de choses qui m'inquiètent beaucoup. Nous aurons beaucoup plus de temps pour examiner ces questions lors de l'étude en comité. C'est d'ailleurs pour cela que nous renvoyons les projets de loi à un comité. Avec un peu de chance, nous ferons un examen intelligent, nous inviterons des experts, nous permettrons au public d'entendre et de lire la même chose que nous, puis nous délibérerons et prendrons des décisions. Les Canadiens peuvent tirer leurs propres conclusions et décider s'ils veulent ramener chacun d'entre nous ici.
Personne ne sera surpris d'entendre que ma principale préoccupation concerne l'octroi de plus de pouvoir à un autre ministre. Je connais l'existence de la notion de dictateur bienveillant et on peut toujours espérer que tout ira bien, mais l'espoir est justement tout ce qui nous reste. Or, ce n'est par vraiment ainsi que nous procédons au Canada. Supprimer les freins et les contrepoids, prendre unilatéralement des décisions, politiser davantage les dossiers, ce sont parfois les bonnes choses à faire, mais nous nous inquiétons vraiment de la façon dont cela s'appliquera dans ce cas. Je le répète, c'est pour cela que nous voulons renvoyer le projet de loi au comité, afin de pouvoir examiner ces questions.
Ne nous leurrons pas: si nous demandions aux Canadiens, de but en blanc, s'ils sont favorables au fait de donner des pouvoirs supplémentaires aux ministres, certains répondraient oui. La vaste majorité, à défaut de répondre non, exigeraient des explications. C'est ce que nous tentons d'obtenir à cette étape-ci, des explications.
Je reçois beaucoup de commentaires au sujet de la tangente proposée, et j'ai moi-même des réserves. Toutefois, le comité aura l'occasion de demander des explications. Pour quelles raisons le gouvernement veut-il accroître les pouvoirs unilatéraux du ministre? Ces raisons cadrent-elles avec le problème que les conservateurs veulent régler? Il y a des problèmes partout. Les solutions à un problème peuvent être soit tout à fait appropriées, soit complètement exagérées, ou alors elles peuvent masquer d'autres raisons de vouloir ces pouvoirs.
Nous sommes dans le noir pour l'instant. Nous sommes très méfiants, non seulement parce que nous formons l'opposition officielle, mais parce que nous connaissons les conservateurs. Mais, je le répète, nous allons renvoyer le projet de loi au comité et l'examiner.
Je terminerai en parlant du concept qui voulait que les personnes incarcérées dans un pénitencier fédéral puissent être expulsées sans appel. Le projet de loi ramène le seuil à six mois d'emprisonnement. Ce n'est pas pour rien que les peines de deux ans moins un jour existent. Ce n'est pas pour rien que certains sont condamnés à purger une peine de deux ans moins un jour dans un établissement provincial et que d'autres sont envoyés dans un pénitencier pour des années, des décennies, voire le reste de leur vie. Ce sont deux genres de comportements criminels totalement différents. Nous devons poser des questions, et nous le ferons. Pourquoi apporter un changement si radical et enlever unilatéralement aux gens leur droit d'appel? L'approche canadienne consiste notamment à laisser les gens se défendre devant les tribunaux.
Je n'ai pas le temps de parler de ce que les conservateurs ont essayé de faire en ce qui concerne les soins de santé des réfugiés ni de la situation des travailleurs étrangers, qu'on peut payer 15 % de moins que les travailleurs canadiens. Nous avons beaucoup de raisons de trouver le projet de loi inquiétant, mais nous allons appuyer son renvoi au comité. Nous allons nous retrousser les manches et nous mettre au travail. Si le projet de loi nous semble valable, nous allons l'appuyer. Sinon, nous nous battrons sans relâche.
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Monsieur le Président, je suis très heureuse de pouvoir parler du projet de loi aujourd'hui, à l'étape de la deuxième lecture.
On dit que ce projet de loi vise à accélérer le renvoi de criminels étrangers. Si le débat portait sur le titre du projet de loi, je ne crois pas que nous aurions quoi que ce soit à redire. Je ne peux pas m'imaginer un seul Canadien qui ne soit pas d'avis que les étrangers qui sont de dangereux criminels devraient être expulsés du Canada.
Toutefois, je suis surprise de voir à quel point les titres des mesures législatives récemment présentées à la Chambre depuis que je suis députée ont changé par rapport aux titres des mesures que j'ai déjà étudiées à l'école de droit. Autrefois, lorsqu'on ouvrait un recueil de lois, on remarquait, outre la poussière sur le volume, que le titre de la mesure législative n'était qu'une description générale de l'enjeu concerné. Il s'agissait, par exemple, d'une loi sur l'immigration et les réfugiés ou d'une loi concernant la Loi sur les pêches.
Maintenant, il semble que les titres proviennent de groupes de consultation qui mettent à l'essai des titres susceptibles d'être accrocheurs dans le cadre d'une campagne électorale, et c'est probablement le cas. En tant que personne qui a étudié les lois, je trouve cette tendance consternante. L'autre jour, en regardant une émission américaine intitulée The Newsroom sur la chaîne HBO, j'ai constaté que cette façon de faire a été inventée aux États-Unis par les républicains. Je ne regardais pas assez d'émissions de télé américaines pour savoir cela, jusqu'à ce que je regarde The Newsroom.
Pour revenir au sujet qui nous occupe, cette mesure législative, qui modifierait la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, est bien sûr valable si elle vise réellement à renvoyer les dangereux criminels étrangers qui n'ont pas le droit de séjourner au Canada.
Je soutiens qu'il faut trouver un juste milieu. Nous ne voulons pas que les dangereux criminels étrangers qui n'ont pas le droit d'être au Canada séjournent chez nous et menacent des Canadiens qui ont parfaitement le droit d'être ici. Cependant, nous reconnaissons que la Charte canadienne des droits et libertés garantit des droits tant aux citoyens canadiens qu'aux résidents permanents. Dès lors, la question est de savoir si nous avons trouvé le juste milieu. Protégeons-nous les résidents permanents qui ne constituent pas une menace pour notre société ou seront-ils visés par le vaste et absolu pouvoir discrétionnaire du ministre?
Des gens qui jouent un rôle important dans la société canadienne et qui y contribuent de façon positive risquent d'être victimes d'une grave injustice. Nous ne voudrions pas qu'ils soient emportés par une vague de renvois qui bafouent les droits individuels, ne tiennent pas compte des situations particulières, témoignent d'un manque d'humanité et de compassion, séparent les familles et entraînent toutes sortes d'autres conséquences propres aux préparatifs d'un renvoi.
Pour savoir si la mesure législative permet d'atteindre un juste milieu, je m'appuie sur des commentaires formulés récemment par des membres du Barreau canadien. Les propos de Mendel Green, avocat torontois, sont cités dans un article du Sun de Toronto. Voici ce qu'il a déclaré:
Je m'inquiète des conséquences monumentales que cette mesure législative aurait pour les immigrants si elle était adoptée […] Elle signerait l'arrêt de mort de bon nombre de gens.
Voici ce qu'a déclaré le représentant de l'association ontarienne des avocats de la défense, Joel Sandaluk, à la même conférence de presse:
Cette mesure détruira des familles établies au Canada depuis longtemps […] Elle entraînera une augmentation du nombre de criminels si des parents ou d'autres membres de la famille sont renvoyés du Canada.
J'ai d'autres citations d'avocats. Voici ce qu'a déclaré Guidy Mamann au sujet des résidents qui pourraient être emportés par la vague de renvois, sans possibilité d'interjeter appel et sans bénéficier du pouvoir discrétionnaire individuel:
Ce sont de jeunes enfants, arrivés au Canada en bas âge comme résidents permanents, élevés et scolarisés ici qui n'ont jamais demandé la citoyenneté […] Il est inadmissible qu'un pays comme le Canada, qui a toujours donné une deuxième chance, adopte maintenant une nouvelle approche consistant à les renvoyer à la première infraction.
Enfin, j'aimerais citer Andras Schreck, vice-président de la Criminal Lawyers' Association de l'Ontario, qui a déclaré que, compte tenu de la façon dont il est rédigé, le projet de loi pourrait facilement viser des gens qui n'ont commis que des délits mineurs et entraîner leur expulsion. Il a dit ceci:
On ne parle pas de tueurs en série, d'assassins ou de voleurs de banque.
Regardons un peu le genre de personnes que le projet de loi pourrait viser et le genre de crimes qui auraient pour effet qu'une personne n'aurait pas de droit d'appel et serait simplement expulsée du pays. Il s'agit de crimes qui sont assortis d'une peine de six mois ou plus.
La loi actuelle utilise comme critère les crimes assortis d'une peine de deux ans ou plus. Si on réduit ce seuil minimal à une peine de six mois imposée pour un crime dont la peine maximale est de 10 ans, cette catégorie élargie inclura une variété de crimes qui ne mettent pas en danger la sécurité ou la sûreté des Canadiens. Autrement dit, on inclurait alors de nombreuses infractions criminelles qui ne comportent pas de risques de violence. Le nouveau projet de loi vise des personnes déclarées coupables et envoyées en prison pour six mois ou plus, mais il ne précise pas que le crime en question doit être violent ou menacer la sécurité du Canada.
Parmi les crimes pour lesquels un résident permanent pourrait être passible d'une peine allant de six mois à 10 ans qui entraînerait son expulsion, je mentionnerai ici la possession d'une carte de crédit volée ou contrefaite, l'utilisation d'une carte de crédit quand on sait qu'elle a été annulée, l'utilisation non autorisée d'un ordinateur, la contrefaçon et beaucoup d'autres infractions assorties d'une peine maximale de 10 ans. Dans ces situations, il n'y aurait aucun pouvoir discrétionnaire et aucune possibilité d'appel.
Je peux très bien imaginer une situation où un membre d'une famille, un des deux parents ou bien un jeune né au Canada dont les proches contribuent à la société canadienne ou appuient d'une façon ou d'une autre une famille canadienne, est déclaré coupable d'une infraction non violente et est condamné à une peine d'emprisonnement d'au moins six mois et d'au plus dix ans. Cette personne serait alors expulsée et elle n'aurait même pas la chance de plaider sa cause.
Permettez-moi de citer un autre avocat à cet égard. Je suis fière de dire qu'il a été choisi pour représenter le Parti vert dans la circonscription de Victoria en vue d'une élection partielle. Il s'appelle Donald Galloway. Il a fondé l'Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, et il enseigne le droit de l'immigration et des réfugiés à l'Université de Victoria. Lorsqu'il s'est penché sur la question, il a affirmé que l'article 34 actuellement en vigueur établissait un juste équilibre. Les tribunaux ont accepté la définition extrêmement large que le paragraphe 34(1) donne à la notion d'interdiction de territoire parce qu'ils ont estimé que le paragraphe 34(2) y faisait contrepoids.
Si le projet de loi était mis en oeuvre, il déstabiliserait complètement ce juste équilibre parce qu'il éliminerait l'examen individuel et personnalisé, au cas par cas, des dossiers. Or, cet examen est parfois guidé par des motifs d'ordre humanitaire lesquels offrent une protection contre la grande portée des raisons de sécurité qui donnent lieu à une interdiction de territoire aux termes du paragraphe 34(1). Au-delà des questions de compassion et d'équité, cette mesure législative mal conçue obligerait les tribunaux, comme ils l'ont déjà mentionné, à intervenir et à corriger les lacunes de la loi afin de pouvoir l'interpréter de manière à ce qu'elle respecte la Constitution, sans quoi, elle violerait la Charte.
Je parlerai maintenant d'une autre disposition de la loi que je trouve particulièrement scandaleuse. Cette disposition ne porte ni sur les criminels, ni sur les personnes qui sont déjà au Canada.
En vertu de l'article 8 du projet de loi, qui modifie l'article 22 de la loi actuelle, lorsqu'un étranger présente une demande de résidence temporaire au Canada, le ministre a le pouvoir discrétionnaire absolu de rejeter cette demande, et ce, sans aucun critère objectif mesurable. Voilà qui est très inhabituel. Le paragraphe 22.1(1), qui serait ajouté en vertu de l'article 8 du projet de loi , stipule que « Le ministre peut, de sa propre initiative et s’il estime que l’intérêt public le justifie, déclarer que l’étranger [...] ne peut devenir résident temporaire. » Une telle interdiction peut être imposée pour une durée allant jusqu'à trois ans.
Je sais de mon expérience en rédaction juridique et en interprétation de la loi du temps où j'étais à l'école de droit, que rien ne confère plus grand pouvoir de libre décision que la formule « le ministre peut, s'il estime que ». Aucun tribunal ne sera en mesure d'intervenir s'il n'aime pas la manière dont le ou la ministre exerce son pouvoir discrétionnaire. Je dis le ou la ministre, car cette disposition s'appliquera pour toujours. Je ne fais pas seulement allusion au ministre actuel. Ce changement modifierait la loi de façon permanente et dangereuse. Le projet de loi dit: « Le ministre peut, [...] s'il estime que ». Et alors? Qu'estime le ministre? Le ministre estime que l'intérêt public le justifie. On ne pourrait imaginer une formule qui confère plus grand pouvoir discrétionnaire, sans aucune limite particulière. Quel genre d'intérêt public? Peut-être l'intérêt public pourrait-il être qu'une ville compte trop d'un certain type de personnes? Qui sait? Il n'existe aucun critère objectif.
J'espère que, lorsque le projet de loi sera étudié en comité, nous pourrons y rétablir l'équilibre qui est si fondamental.
En tant que chef du Parti vert, j'appuie non pas la rétention des criminels étrangers au Canada, mais la rétention de la Charte des droits et libertés au Canada.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je me lève en cette Chambre pour parler du projet de loi , qu'on appelle également .
Avant de parler du projet de loi en particulier, j'aimerais parler un peu de ma circonscription, LaSalle—Émard. En fait, LaSalle. Elle célèbre cette année son centenaire. Elle a été fondée par le sieur René-Robert Cavelier de La Salle qui s'était établi là il y a plus de 100 ans. Le nom de LaSalle vient de cet ancêtre français, arrivé il y a plus de 300 ans. En fait, les Français se sont établis là. Par la suite, il y a eu des Anglais, et le portrait actuel de ma circonscription a justement été façonné par ces Français et ces Anglais qui ont travaillé ensemble pour bâtir la communauté.
Depuis plusieurs décennies LaSalle—Émard a accueilli un grand nombre de nouveaux arrivants, de nouveaux Canadiens. Nous avons une communauté italienne, parmi les plus grandes après plusieurs autres régions de l'île de Montréal. Des immigrants sont très bien établis. Nous avons également une large communauté chinoise et aussi une large communauté du Sud-Est de l'Asie, c'est-à-dire des personnes qui viennent de l'Inde, du Pakistan et d'autres régions environnantes. De plus, nous avons la chance d'accueillir de nombreux Africains qui viennent soit du Nord de l'Afrique ou même d'autres régions de l'Afrique.
LaSalle—Émard est vraiment un endroit très représentatif de plusieurs communautés du Canada, c'est-à-dire une terre d'accueil, une terre où les communautés partagent le quotidien. Je dois avouer que je suis très fière de représenter cette circonscription, car elle me donne la chance de rencontrer des gens de tous horizons: des Québécois, des anglophones, des Anglais, d'origine écossaise et anglo-saxonne, mais également des gens de communautés de partout dans le monde.
Comme députée, j'ai aussi mis en place une équipe qui peut accueillir les gens et offrir des services aux Canadiens. Notamment, je me suis rendu compte que ces services ont beaucoup rapport à l'immigration. En effet, depuis des années, relativement à notre système d'immigration, l'élastique est étiré au maximum: manque de ressources, manque de financement, fermeture des ambassades ou des lieux où les gens pouvaient soumettre une demande de visa ou de citoyenneté, etc.
Qu'arrive-t-il également ici, au sein du ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté? Encore une fois, il y a des coupes. On manque de ressources humaines et de financement pour répondre à la demande. Alors qu'arrive-t-il? Ces gens viennent au bureau du député pour avoir de l'information et des réponses à leurs questions, à leurs demandes, qui sont légitimes.
Chaque semaine, nous rencontrons des gens qui vivent certaines situations, parfois des situations toutes simples. Il y a un mariage dans la famille et ces gens veulent que les parents viennent assister à la cérémonie. Eh bien, le visa est refusé. On donne toute l'information, tous les documents ont été envoyés, mais pour une raison quelconque, une raison tout à fait légitime, ce visa est refusé.
Par contre, d'autres personnes viennent pour des situations encore plus difficiles. Elles attendent un proche qui viendrait les rejoindre, ou encore, ce sont des réfugiés à qui on a signifié un avis de déportation. Telle est la situation dans les bureaux de circonscription. Chaque fois, c'est une histoire immensément humaine que l'on présente à notre bureau. Des gens vivent des situations qu'on ne peut même pas imaginer en tant que Canadiens. On vit ici, dans ce pays, librement et confortablement. On a tous nos papiers, on peut avoir notre passeport, notre permis de conduire, notre carte d'assurance-maladie, et ce, sans trop de difficulté. Mais il y a des gens qui quittent des situations incroyables qu'on ne peut même pas imaginer, comme des situations de famine. Il y a des personnes qui ont vécu dans des camps de réfugiés, où on ne peut même pas s'imaginer comment on peut avoir un papier, un permis ou quoi que ce soit. Ce sont toutes ces aventures, toutes ces péripéties qui, parfois et maintenant trop souvent, atterrissent à nos bureaux.
Nous voici devant un projet de loi qui veut modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et auquel on a donné le titre de « », car on y parle d'étrangers.
Je veux bien réitérer ceci: les néo-démocrates reconnaissent le besoin d'avoir un appareil judiciaire efficace afin de déporter les criminels sérieux qui ne sont pas des citoyens. Les néo-démocrates croient qu'il est possible de travailler avec le gouvernement pour empêcher les non-citoyens ayant commis des crimes graves d'abuser de notre système d'appel sans toutefois bafouer le droit des personnes. Voilà d'emblée ce que je veux mettre en avant par rapport au projet de loi .
Par contre, nous sommes au Parlement, il y a des lois. Les questions qu'on devrait se poser quand on est au gouvernement, sont: sur quelle base présente-t-on ce projet de loi? ce projet de loi est-il nécessaire? avons-nous dans notre Code criminel les balises qui feraient en sorte que cette situation n'arriverait pas? Ce sont les questions que je me pose et qu'un gouvernement devrait se poser avant de proposer une loi. Il y a autre chose: cela répond-il à un besoin urgent, pressant, à une situation catastrophique qui se passe présentement dans notre système? On peut se poser cette question. Ce projet de loi comble-t-il une lacune? C'est la question que je pose, parce que ça devrait être justifié et justifiable.
Il y a autre chose que je voudrais souligner. C'est une tendance lourde de ce gouvernement, les collègues l'ont déjà noté. On veut dorénavant passer du judiciaire au politique. C'est-à-dire qu'on va transférer des pouvoirs au ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté. J'ai expliqué quelle était la situation dans le bureau de circonscription. À un moment donné, transférer ces pouvoirs à une seule personne en dehors du système judiciaire n'est-ce pas non plus de ralentir le système et de faire en sorte, encore une fois, d'aller dans des territoires qui ne seraient plus objectifs? Ce serait entre les mains d'une seule personne, il y aurait une concentration du pouvoir.
Toutes ces questions sont soulevées par rapport à ce projet de loi.
Je serai très heureuse de répondre aux questions qui vont suivre.
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Monsieur le Président, je me lève en cette Chambre aujourd'hui pour prendre la parole sur le projet de loi . Ce projet de loi comporte plusieurs points en lien avec l'immigration. Certains sont valables et intéressants, d'autres semblent moins éclairés.
Pour faire un court résumé, il concentre davantage de pouvoirs entre les mains du ministre en lui donnant l'autorité de se prononcer sur l'admissibilité des demandeurs de résidences temporaires. Il retire au ministre la responsabilité d'examiner les circonstances humanitaires. Il accorde un nouveau pouvoir discrétionnaire au ministre, celui d'émettre une exemption pour le membre de la famille d'un étranger jugé inadmissible. Il modifie la définition de « grande criminalité » aux fins de l'accès au processus d'appel d'une décision d'inadmissibilité. Il augmente la pénalité pour fausse représentation et, finalement, il clarifie le fait que d'entrer au pays par le biais d'activités criminelles ne mène pas automatiquement à l'inadmissibilité.
D'emblée, j'aimerais partager quelque chose avec vous. Je suis toujours un peu mal à l'aise quand il faut parler d'immigration, pour une raison toute simple: je ne suis pas moi-même une immigrante. Je fais ma vie dans le pays où je suis née. Je n'ai jamais besoin de me questionner. Je vis chez moi, parmi les miens, dans ma langue. Mes références culturelles sont celles de la majorité des gens qui m'entourent. Je n'ai jamais eu à considérer l'émigration comme une éventualité. Si je partais ailleurs pour vivre, ce ne serait forcément que quelque temps et on ne parlerait pas d'émigration, mais bien de séjour prolongé.
Je sais de quoi je parle parce que j'ai vécu à l'étranger. J'ai déjà été celle qui a dû s'adapter. J'ai dû faire de gros efforts pour apprendre à fonctionner dans une langue étrangère que je ne maîtrisais pas complètement. De nouveaux réflexes sociaux que j'ignorais sont lentement devenus miens. En Russie, j'ai changé. Je suis devenue un petit peu Russe. Cette chimie discrète qui s'opérait a fait que je suis repartie de Moscou forte d'une part de « slavitude » enfouie en moi dont je ne me départirai jamais. Autres lieux, autres moeurs.
En même temps, forcée de m'adapter à cette altérité, je devenais plus Québécoise et Canadienne. Je comprenais plus clairement ce que signifiait être née au Canada. Je ne pouvais que constater que le rapport que j'entretenais avec mon propre pays était un rapport de confiance. Je savais que le Canada, fondamentalement, serait toujours là pour moi. Cette confiance engendrait un rapport de fierté. Je suis sûre que beaucoup ici aujourd'hui comprennent ce dont je parle.
Si je mentionne mon séjour en Russie aujourd'hui, c'est que je veux provoquer une réflexion. En débattant du projet de loi ici, en cette Chambre, j'aimerais qu'on se questionne sur le rapport que nous entretenons avec l'étranger. Nous débattons de la réforme du système d'immigration depuis l'automne passé. Je fais référence aux projets de loi et . Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole sur le projet de loi C-43 parce que cela me donne la chance de communiquer un reproche au gouvernement. Non seulement je suis insatisfaite du ton avec lequel le gouvernement parle de l'immigration et des réfugiés, mais je suis encore moins contente du ton et des propos de certains au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
Je ne veux faire la morale à personne, mais pour moi, c'est important de prendre mes distances face aux propos peu éclairés qui sont parfois prononcés. La fierté envers son propre pays ne devrait pas mener au mépris de celui des autres. Cela ne doit pas nécessairement mener à une peur excessive des étrangers non plus. C'est idiot et réducteur.
Je demeure convaincue que l'intérêt du gouvernement pour les communautés ethniques établies au Canada est purement mercenaire. Le gouvernement n'est pas à l'aise avec l'immigration et encore moins avec les réfugiés. J'ai l'impression qu'on voit des djihadistes et des passeurs partout. Ce ne sont pas des accusations, mais c'est ce que je ressens. Je m'en excuse.
Cela étant dit, le projet de loi demeure, parmi les trois projets de loi du gouvernement concernant la réforme du système d'immigration, celui qui est le moins contentieux. Il prévoit l'accélération du renvoi vers l'étranger de criminels dangereux.
Qui s'opposerait à cela, vraiment? Ce n'est pas le public canadien ni le NPD. Le Canada n'est pas une terre d'accueil pour les tyrans déchus, les despotes multimillionnaires et les petits mafieux de tous acabits.
Pour appuyer ce projet de loi, le gouvernement veut nous montrer des listes de témoins experts qui sont d'accord pour empêcher l'accès au pays à des criminels dangereux. Vraiment? Grande révélation!
Je peux assurer le gouvernement que personne, nulle part, ne veut que des gens coupables de crimes graves ne se promènent librement parmi nous et abusent de notre accueil.
Sauf que je me demande ce que le gouvernement prévoit faire pour réellement sévir contre ces criminels et protéger les Canadiens. C'est la question qui tue parce que la réponse s'avère un peu décevante.
En gros, le projet de loi donne encore des pouvoirs discrétionnaires au ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme. Ce serait le ministre qui déciderait qui peut rester et qui doit partir le plus tôt possible. Celui-ci deviendrait donc un genre de James Bond dont les journées durent 28 heures et qui protégerait les Canadiens des méchants étrangers à l'esprit tordu et de leurs maîtres-plans illégaux.
Le projet de loi , comme le projet de loi , augmente les pouvoirs arbitraires du ministre. Je suis consciente qu'il faut sévir contre les criminels qui viendraient ici et mettraient en danger la tranquillité de nos communautés. Personne jamais ne niera ça, mais pourquoi est-ce que ça doit être encore le ministre qui décide?
La réponse est simple. C'est pour pouvoir couper court aux procédures d'appel lancées par ceux qui sont accusés d'actes criminels. Le ministre pourrait donc décider de foutre à la porte quiconque irait en appel; oh, et puis allez, disons-le, tous ceux qui iraient en appel.
Tout ça nous fera épargner de l'argent et du temps et renvoie le problème loin, très loin vers d'autres rives moins clémentes. En faisant disparaître le problème, on le règle, non?
Avec ce projet de loi, on déclare s'attaquer à un problème précis et urgent en créant un flou légal et la possibilité de mesures arbitraires. C'est inquiétant. Jusqu'où iraient les pouvoirs du ministre? Où seraient précisées les limites de ces nouveaux pouvoirs?
Je veux simplement dire au gouvernement et au ministre que l'octroi de pouvoirs discrétionnaires n'est pas la solution à tous les problèmes. Le ministre ne peut pas tout orchestrer seul depuis son bureau dès qu'un cas exceptionnel se produit. Ce n'est pas un système, c'est un despote.
Autre détail très important, on veut empêcher tous les membres de la famille de quiconque est reconnu coupable d'acte criminel grave de visiter le Canada. On a le souci de ratisser large. L'idée derrière cela est que les membres d'un clan mafieux, d'un gang quelconque ou la famille de dictateurs renversés n'auraient pas accès au pays et ne pourraient pas, du même coup, nous apporter leurs problèmes. En soi, c'est clairement souhaitable. Mais ce sont toujours des cas exceptionnels et quand même rares. Les pouvoirs discrétionnaires du ministre, eux, ne seront pas épisodiques. Ils seront dans la loi et créeront un flou légal pour toujours.
De plus, la tâche est grande. Il faut répertorier tous les membres des familles des criminels condamnés ici ou à l'étranger et leur barrer la route. Depuis les coupes dans les ministères, cette tâche difficile devrait être accomplie vite et bien, avec des effectifs humains réduits.
Le gouvernement veut désengorger le système d'immigration en créant des tâches de recherches titanesques pour les employés des bureaux d'immigration. J'imagine qu'il n'y a pas d'autre solution.
Ce que je suis en train de dire, c'est que le fond est bon, mais la forme semble défaillante. On veut protéger les Canadiens et mieux contrôle notre immigration. Le Nouveau Parti démocratique reconnaît que l'immigration représente une ressources inouïe pour ce pays et veut s'assurer que notre système est efficace, professionnel, rapide et fiable.
Le NPD reconnaît aussi qu'il faut absolument agir pour prévenir les abus de notre système. Le gouvernement cherche à régler le problème, mais il s'y prend mal. Nous croyons que ce projet de loi est valable et qu'il doit aller en comité. Nous l'avons déjà dit, le projet de loi comporte beaucoup d'éléments plein de mérite et nous croyons qu'il faut les appuyer. En particulier, le NPD se réjouit que le projet de loi exonère les victimes des passeurs et que leur statut de victime soit garanti. On ne jette plus le bébé avec l'eau du bain, il semblerait.
J'ai écouté attentivement l'intervention du , lorsqu'il a présenté son projet de loi. Je me sens un peu déboussolée lorsque je l'entends utiliser avec abondance le mot « étranger » pour désigner des gens qui n'ont pas obtenu officiellement leur citoyenneté canadienne, même s'ils possèdent leur résidence permanente.
Nous sommes tous des descendants d'immigrants, sans exception. Je commence à être lasse de les voir déconstruire ce qui a pris des décennies à bâtir: la réputation d'un Canada plein de compassion, équitable, mais juste. Un pays qui se tient droit, qui sait dire oui, mais qui sait aussi dire non et montrer la porte lorsque c'est nécessaire, comme avec les grands criminels. On a beau me répéter qu'on a triplé tel ou tel budget, en vérité, dans un ministère comme celui de l'Immigration, l'argent ne fait pas foi. On ne traite pas des colonnes de chiffres. On traite avec des êtres humains qui, souvent, ont eu moins de chance que nous. Alors, j'aimerais que le gouvernement arrête de se cacher derrière ses colonnes comptables.
Pour conclure, je suis consciente que le gouvernement conservateur est saisi de la réforme du système d'immigration et qu'il ne semble pas s'y intéresser outre mesure. Pour cause, dès que le mot « immigration » est prononcé de l'autre côté de la Chambre, le mot « économique » suit dans la phrase d'après. Ils ne comprennent pas que certains ministères sont des obligations envers le public, et non de simples compagnies qui doivent rapporter un profit. On ne mène pas un pays comme on mène une entreprise. Mais avec eux, je gaspille mon souffle.
Certaines institutions sont là pour des raisons autres que des raisons systématiquement économiques. L'immigration est un phénomène mondial inévitable et qui va aller en s'amplifiant dans les années à venir. Il serait souhaitable que le Canada puisse organiser son système d'immigration avec des gens qui n'y voient pas un simple intérêt économique.