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FAAE Rapport du Comité

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RÉPONSE DU CANADA À L’ÉTAT ISLAMIQUE EN IRAQ ET AU LEVANT (EIIL)

ÉTUDE DU COMITÉ

A.  Introduction

Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (« le Comité ») a étudié la violence, les persécutions et les bouleversements perpétrés en Iraq, en Syrie et dans la région par l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL)[1], de même que la réponse du gouvernement du Canada[2]. Le Comité a entendu divers témoins, dont les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale du Canada, des représentants ministériels, des universitaires, des représentants de groupes de réflexion et d’organisations de secours humanitaire, de même que des dirigeants d’organisations religieuses et communautaires. La dernière réunion où le Comité a reçu des témoins s’est tenue le 17 février 2015.

B.  Aperçu

L’étude du Comité a permis de mettre en lumière tout le malheur causé par l’EIIL, une organisation terroriste dont les actions et les méthodes sont contraires aux droits de la personne, à la dignité humaine et au droit international. L’idéologie qui sous‑tend l’EIIL est un affront aux principes les plus élémentaires de liberté individuelle et de tolérance. Le groupe constitue une menace existentielle pour tous ceux qui se trouvent sur son territoire d’action.

L’hon. John Baird, qui était alors ministre des Affaires étrangères[3], a décrit brièvement l’EIIL lors de sa comparution devant le Comité en janvier 2015. Il a alors dit que le groupe « présente tous les attributs d’un culte, voire d’un culte de la mort ». En effet, comme l’a exprimé le ministre, « ceux qui n’adhèrent pas à sa vision de l’islam, à sa vision du monde sont des ennemis[4] ». L’EIIL a tué des gens pour la seule raison qu’ils faisaient partie d’un certain groupe ou qu’ils étaient d’une certaine confession. D’autres ont été forcés de fuir sans rien pouvoir emporter. Si on le laisse faire, l’EIIL risque de détruire la diversité ethnique et religieuse de la Syrie et de l’Iraq. De plus, l’EIIL menace la stabilité de la région, car il attire à lui les combattants extrémistes et cherche à faire des adhérents ailleurs qu’en Syrie et en Iraq, tout en se moquant des frontières et de la souveraineté de ces deux pays. En bref, l’étude du Comité a confirmé que l’EIIL est une organisation malveillante qui doit être vaincue.

Des témoins ont parlé des mesures que la coalition internationale opposée à l’EIIL – dont fait partie le Canada – prend pour atténuer les souffrances provoquées par l’EIIL, pour freiner l’avancée du groupe et affaiblir ses capacités, et pour préparer les forces de sécurité locales à regagner le territoire capturé par l’EIIL. Les efforts se sont aussi concentrés sur la perturbation des sources de recrutement et de financement de l’EIIL et sur la mise en lumière de la vraie nature du groupe.

Vaincre l’EIIL sur le terrain en Syrie et en Iraq s’avère une tâche complexe. Pour qu’il soit possible de l’écarter des centres de population et d’éliminer la base de soutien qu’il peut y trouver, il faudra faire des progrès à l’égard d’enjeux sociaux plus larges. En fin de compte, une victoire définitive sur l’EIIL exigera une réforme de la gouvernance et du secteur de la sécurité en Iraq, de même que la formation et le déploiement de forces de sécurité iraquiennes efficaces, responsables et capables de reprendre et de conserver des territoires dans toutes les régions de l’Iraq, soit les régions sunnites, chiites et kurdes. Mis à part le besoin de défaire l’EIIL sur le terrain en Syrie, il faudra aussi résoudre politiquement le conflit dans ce pays, qui entre dans sa cinquième année. Pour être durable, la solution devra apparaître légitime à tous les Syriens et tenir compte des facteurs qui ont contribué à l’explosion de la violence et à la poursuite des combats depuis 2011. En Syrie aussi bien qu’en Iraq, il faut mettre en place une gouvernance inclusive afin d’assurer la stabilité et la cohésion nationales et de mettre fin aux conflits et aux troubles civils, lesquels pourraient être propices, éventuellement, à un retour en force de l’EIIL ou à la formation d’autres groupes extrémistes à sa place.

Les témoignages fournis au Comité ont permis d’en savoir plus long sur les différents aspects du défi que présente l’EIIL, et sur ce qu’il faut faire pour venir à bout du groupe. Les témoins ont aussi parlé, plus particulièrement, de la situation politique et de la sécurité en Iraq et en Syrie, ainsi que de l’extrémisme violent en général. Le présent rapport traite surtout des conclusions principales de l’étude du Comité sur l’EIIL; il vise aussi à recommander des manières d’orienter la politique étrangère du Canada sur le sujet.

Le rapport commence par un résumé des circonstances qui ont mené à l’essor de l’EIIL en Syrie et en Iraq et des conséquences que le groupe a fait subir aux habitants de ces deux pays. Il est ensuite question de la réponse à l’EIIL sous les angles international et canadien, puis du contexte stratégique dans lequel nous devons envisager la menace que fait peser l’EIIL; cette section explique ce qu’il faut faire pour pouvoir vaincre ce groupe, et pourquoi il faut le faire. Les dernières sections du rapport portent sur les mesures à prendre à cet égard, qui se divisent en deux volets : d’une part, la lutte contre le terrorisme, et d’autre part, le traitement du contexte politique et social en Iraq et en Syrie, les deux pays où l’EIIL est actuellement présent. Après quelques observations finales sur le besoin d’appuyer de bonnes pratiques de gouvernance et la liberté religieuse dans l’ensemble du Moyen‑Orient, on trouvera les recommandations du Comité.

ESSOR DE L’EIIL

A.  Origines

L’EIIL est parfois appelé l’État islamique en Iraq et en Syrie, l’État islamique en Iraq et al‑Sham, l’État islamique (EI) ou Daech. Il s’agit d’un groupe djihadiste sunnite aux ambitions expansionnistes, considéré à l’échelle mondiale[5], y compris par le Canada[6], comme une organisation terroriste. De sa base actuelle en Syrie et en Iraq, l’EIIL vise à établir, puis à étendre, un « califat » fondé sur une idéologie radicale et l’interprétation littérale du droit de la charia. Ce califat remplacerait les gouvernements nationaux en place aujourd’hui.

L’EIIL n’a pas pris naissance soudainement en 2014, année où il a occupé une place centrale dans les médias. Les incarnations précédentes du groupe – y compris ses fondateurs et des membres de premier plan – se sont manifestées en Jordanie et en Afghanistan, puis en Iraq, dès 1999. De 2004 à 2006 environ, le groupe s’appelait Al‑Qaïda en Iraq (AQI) et était dirigé par Abou Moussab al-Zarqaoui. Pendant les années les plus violentes de l’insurrection en Iraq, après l’invasion du pays par les États‑Unis, en 2003, AQI a commis de nombreux attentats contre des membres du personnel gouvernemental et international et des civils iraquiens; le groupe a, notamment perpétré des attentats suicides dévastateurs qui, dans de nombreux cas, ciblaient la communauté chiite d’Iraq. En juin 2006, al‑Zarqaoui a été tué par l’armée américaine[7].

Le groupe est néanmoins demeuré actif et a pris le nom, plus tard en 2006, d’État islamique d’Iraq (EII). Cependant, il a essuyé de lourdes pertes durant le Sahwa (le « Réveil » sunnite), qui a coïncidé avec l’arrivée d’un plus grand nombre de militaires américains en Iraq en 2007. Le Réveil concerne la période où des conseils tribaux d’Arabes sunnites ont été créés à l’échelle locale; ces conseils ont souvent apporté leur collaboration aux forces américaines dans la lutte contre la violence perpétrée par l’EII, prenant même les armes contre ce dernier[8]. Ces milices ont pu ainsi limiter l’influence et l’espace de manœuvre de l’EII dans l’Ouest de l’Iraq, où le groupe était solidement établi.

L’EII a toutefois pu se regrouper lorsque l’armée américaine a commencé à réduire sa présence, puis qu’elle s’est retirée complètement en décembre 2011. Cette même année, le groupe, mené dorénavant par Abou Bakr al-Baghdadi, a commencé à étendre son territoire d’influence à la Syrie, s’autoproclamant par le fait même État islamique en Iraq et al‑Sham en avril 2013. En février 2014, il a été annoncé que, après des mois de différends, l’EIIL s’était séparé du noyau central d’Al‑Qaïda et de son groupe affilié en Syrie, Jabhat al-Nosra (aussi appelé le Front al‑Nosra[9]).

B.  Expansion de l’EIIL en Syrie et en Iraq

À la fin de 2014, l’EIIL contrôlait et menaçait une partie appréciable de la Syrie et de l’Iraq. Pour comprendre comment cette organisation, qui était au départ un groupe terroriste insurgé misant sur les attentats ciblés, a pu conquérir de vastes territoires où il a imposé son idéologie et son pouvoir, il faut se rappeler la situation qui existait à la même époque dans les deux pays. En Syrie, l’EIIL a pu se regrouper et a pris de l’expansion dans un contexte de conflit armé prolongé. En Iraq, il a profité de la détérioration de la situation politique et de l’aggravation de la violence sectaire, qui affligeaient de nombreuses régions du pays.

L’essor de l’EIIL en Syrie a été favorisé, d’une part, par le fait que la guerre civile y avait créé des zones non gouvernées et des vides de pouvoir et, d’autre part, par la radicalisation croissante des forces – de plus en plus dominées par les groupes islamistes et extrémistes – opposées au régime du président Bachar el‑Assad. Le soulèvement civil contre le régime Assad, qui a débuté en 2011, a dégénéré peu à peu pour devenir, en 2013‑2014, un conflit sectaire de plus en plus destructeur, où aucun compromis n’est possible. À ce sujet, le ministre Baird a fait remarquer au Comité que « l’État islamique est le résultat direct de la guerre du président Assad contre son propre peuple. Il a créé les conditions propices à l’établissement de ce groupe et il porte une grande partie du blâme[10]. »

En mars 2014, l’EIIL avait essuyé quelques revers en Syrie, et il avait été refoulé de certaines régions du Nord par différents groupes de l’opposition. Il avait cependant pu renforcer sa base d’opérations située dans le gouvernorat de Raqqa, dans l’Est du pays. En avril 2014, il a étendu sa sphère d’influence au gouvernorat de Deir ez-Zour, situé près de celui de Raqqa et limitrophe de l’Iraq[11].

En même temps, L’EIIL a également renouvelé sa présence en Iraq, et plus particulièrement dans le gouvernorat d’Anbar, situé dans l’Ouest du pays. Le groupe terroriste a alors tiré parti d’un contexte de relations de plus en plus tendues entre les communautés sunnites et le gouvernement central de Bagdad, dominé par les chiites et dirigé par le premier ministre de l’époque, Nouri al‑Maliki. La violence sectaire n’a pas cessé de s’intensifier tout au long de 2013 en Iraq, et le gouvernement a réagi aux manifestations et aux désordres croissants observés dans les régions sunnites du pays en imposant des mesures de sécurité très sévères. Par ailleurs, en 2012‑2014, l’EIIL a mené des campagnes qui visaient deux objectifs bien précis. D’abord, il a attaqué des prisons d’Iraq afin de libérer les membres du groupe qui y étaient détenus, et ainsi de grossir ses rangs. Ensuite, il a cherché à intimider et à affaiblir les forces de sécurité locales, en usant, notamment d’assassinats ciblés[12].

Au début de janvier 2014, l’EIIL faisait flotter son drapeau noir à Falloujah, ville de l’Ouest de l’Iraq. Ce symbole illustrait bien la menace que le groupe fait peser sur la stabilité et l’intégrité territoriale du pays. Sur la scène internationale, les événements en Iraq ont toutefois été éclipsés, d’une certaine façon, par l’aggravation du conflit en Syrie. L’échec des pourparlers de paix tant attendus de « Genève II », en février 2014, de même que la fragmentation des forces de l’opposition et la poursuite des bombardements aveugles, par le régime Assad, des secteurs occupés par l’opposition, ont créé l’impression que le conflit était inextricable.

L’attention du monde s’est de nouveau portée sur l’Iraq lorsque l’EIIL, décidé à ne plus se cantonner à sa base de l’Est de la Syrie et à sa présence dans l’Ouest de l’Iraq, a déferlé sur le Nord de l’Iraq en juin 2014, prenant ainsi le contrôle d’un territoire comprenant la deuxième ville du pays, Mossoul. L’EIIL a aussi pris la ville de Tikrit[13], mettant la main sur du matériel militaire et des actifs financiers en cours de route. Maître dès lors d’un vaste territoire chevauchant la Syrie et l’Iraq, l’EIIL s’est autoproclamé « califat » le 29 juin 2014, al‑Baghdadi devenant par le fait même « calife ». Le groupe déclarait alors que, dorénavant, il s’appellerait l’« État islamique[14] ».

L’EIIL est ensuite passé à l’offensive dans le Nord de l’Iraq; le territoire administré par le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) se trouvait ainsi menacé. Une bonne part des minorités religieuses et ethniques de l’Iraq sont établies, en fait, dans le Nord du pays. Lorsque l’EIIL a balayé la région, au début d’août 2014, beaucoup – dont des yézidis, des chrétiens et des shabaks – ont été tués, et des milliers n’ont eu d’autre choix que fuir. Dans un rapport concernant la situation sur le plan politique et en matière de sécurité en Iraq, présenté au Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) par le Secrétaire général, il est indiqué que ces minorités « ont fui par crainte de génocide[15] ».

En réaction à la menace de plus en plus pressante que l’EIIL représente pour Erbil, capitale du GRK, et pour les populations minoritaires de l’Iraq, les États-Unis ont commencé, le 8 août 2014, à effectuer des frappes aériennes ciblées sur le groupe terroriste. De l’aide humanitaire vitale a aussi été parachutée sur les monts Sinjar[16] à l’intention des yézidis, encerclés à cet endroit par les forces de l’EIIL, qui sont déterminées à éliminer les membres de ce groupe minoritaire, qu’il voit comme des infidèles ou des blasphémateurs.

À la suite de l’avancée rapide de l’EIIL, qui a atteint les quartiers périphériques de la capitale iraquienne de Bagdad, l’attention internationale s’est tournée de plus en plus vers la dynamique politique en Iraq[17]. Tout au long de l’été 2014, l’unité nationale du pays et la capacité de l’État d’organiser la défense de l’Iraq contre les incursions de l’EIIL ont suscité questions et préoccupations. Le premier ministre, Nouri al‑Maliki, était alors devenu la cible de critiques soutenues : on l’accusait d’avoir alimenté les tensions sectaires et les divisions régionales dans le pays, en marginalisant, par exemple la minorité sunnite, peu représentée dans les institutions politiques et les forces de sécurité. Le ministre Baird a indiqué au Comité, à ce sujet, que « les tribus et les chefs sunnites d’Iraq étaient de plus en plus déçus par le gouvernement excessivement discriminatoire de Bagdad ». L’EIIL en a profité et a « comblé ce vide[18] ».

Sous la gouverne de Nouri al‑Maliki, l’autoritarisme avait tendance à s’accentuer, et le pouvoir, à se personnaliser[19]. Qui plus est, le gouvernement avait laissé la corruption et le sectarisme s’incruster dans les forces de sécurité de l’Iraq, entachant ainsi leur professionnalisme et leur efficacité opérationnelle. Jamais le phénomène n’a‑t‑il été aussi manifeste que lors de la déroute apparente de l’armée devant l’avancée de l’EIIL sur Mossoul, une attaque pourtant menée par un contingent assez modeste. L’armée n’a alors pas seulement perdu la ville; elle a abandonné du matériel militaire et des armes que l’EIIL a récupérés et utilisés plus tard au cours de ses offensives dans d’autres régions du pays.

Le premier ministre Nouri al‑Maliki a démissionné le 14 août 2014. Un nouveau gouvernement d’unité nationale, dirigé par Haïder al‑Abadi, un chiite, et des vice‑premiers ministres sunnite et kurde, a été assermenté le 8 septembre 2014. Les deux derniers postes du Cabinet, ceux de ministre de la Défense et de ministre de l’Intérieur, ont été approuvés le 18 octobre 2014[20].

Le 10 septembre 2014, le président américain Barack Obama a annoncé la stratégie de son gouvernement, qui visait à amoindrir et éventuellement à détruire[21] l’EIIL, une organisation que la Central Intelligence Agency des États‑Unis estimait alors compter de 20 000 à 31 500 combattants[22]. Le président a indiqué que les frappes aériennes iraient au‑delà de la protection de ses propres troupes et missions humanitaires afin d’atteindre les cibles de l’EIIL tandis que les forces iraquiennes passeraient à l’offensive[23]. En même temps, l’administration américaine s’affairait à former une large coalition internationale destinée à éliminer la menace posée par l’EIIL.

C.  Contexte régional

L’émergence de l’EIIL – et, plus généralement, la question de l’extrémisme islamiste – doivent être envisagées non seulement dans les contextes iraquien et syrien, mais aussi sous l’angle régional. En effet, dans de nombreux pays du Moyen‑Orient et de l’Afrique du Nord, la situation politique stagne depuis des années; à ce problème s’ajoute celui du marasme économique dans certains cas. Au cours des dernières décennies, mis à part quelques exceptions, les peuples de la région ont vécu dans des variantes de deux modèles de gouvernance extrêmes : l’autoritarisme et l’islamisme politique. Parallèlement à ce phénomène, les rivalités et la concurrence stratégique entre les puissances régionales ont aggravé les fractures religieuses et encouragé les replis identitaires sur des bases confessionnelles.

Lors de sa comparution devant le Comité, Ellen Laipson, présidente‑directrice générale du Stimson Center, a mentionné un certain nombre de « points de référence historiques » qui, selon elle, sont utiles quand il s’agit de mettre en contexte la montée de l’EIIL. Notons, par exemple la révolution de 1979 en Iran, qui a mené à la fondation de la République islamique d’Iran, et à l’assassinat du président égyptien Anouar el‑Sadate, en 1981. Mme Laipson a fait remarquer que cet assassinat « montrait bien que ceux qui étaient considérés, à l’époque, comme étant des musulmans pacifiques et qui s’appelaient des Frères musulmans, avaient été contestés et supplantés par une forme politique d’islam beaucoup plus violente et extrémiste en Égypte, qui était, après tout, le bastion de la pensée arabe et islamique[24] ». Mis à part ces événements précis, elle a fait valoir que, de manière plus générale, « deux projets ont échoué : celui du monde occidental visant à bâtir un monde arabe qui avait des institutions de type occidental, et celui du monde arabe visant à élaborer une idéologie moderniste, positive et constructive pour leurs citoyens[25] ».

Geneive Abdo, membre du Stimson Center, a observé que l’EIIL s’inspirait en partie d’un principe djihadiste exposé dans un livre écrit par les dirigeants d’Al‑Qaïda en Iraq et intitulé The Management of Savagery. Ce principe veut que le dépérissement des États « multiplie les occasions pour les djihadistes ». Mme Abdo a dit au Comité que, pour l’EIIL, cette situation – le dépérissement des États – est « une possibilité, car en plus de la chute de l’État nation, la majorité des habitants de certains pays arabes n’ont plus le moindre sentiment d’appartenance envers la citoyenneté[26] ». Selon elle, l’un des attraits de l’EIIL, soit la proclamation du califat, de même que la capacité du groupe d’attirer à lui des gens, trouvent une explication dans le « sentiment de défaite et de perte » qu’on observe dans les sociétés arabes. Mme Abdo a souligné à cet égard que « bien des musulmans comparent leur position dans le monde à ce qu’elle était il y a des siècles. Ils ont l’impression d’avoir été vaincus non pas par l’Occident, mais bien par leurs propres dirigeants[27] ».

L’envie de changements politiques et économiques, manifestée dans de nombreux pays arabes, a culminé dans ce qu’on a appelé le « Printemps arabe », un mouvement que plusieurs témoins ont mentionné. Le Printemps arabe a commencé par un acte de désobéissance civile – l’auto immolation d’un vendeur de fruits tunisien, en décembre 2010 – et a donné lieu à des manifestations populaires d’envergure dans plusieurs pays de la région en 2011. Le Printemps arabe a entraîné la chute des régimes Ben Ali, Kadhafi et Moubarak, au pouvoir depuis longtemps en Tunisie, en Libye et en Égypte, respectivement, et il a été le déclencheur des troubles qui durent toujours en Syrie et au Yémen.

Mme Laipson a rappelé que, dans les premiers temps, un vent d’optimisme avait soufflé sur le Printemps arabe. Devant le Comité, elle a fait ressortir le contraste entre ce sentiment d’espoir et l’atmosphère qui règne actuellement dans la région :

Quand le Printemps arabe a commencé à la fin de 2010 et en 2011, il y a eu une vague d’espoir qu’au moins certaines personnes dans le monde arabe étaient maintenant prêtes à tenter de nouveau de moderniser, de libéraliser et de démocratiser les systèmes politiques arabes.
Ce qui m’a frappé lors de mes déplacements récents dans la région, c’est la vitesse à laquelle la déception s’est installée, même chez ceux qui ont appuyé les changements en Tunisie, par exemple, avec la venue éphémère au pouvoir d’un parti islamiste modéré, ou le règne d’un an des Frères musulmans en Égypte. La déception qui a suivi a provoqué une radicalisation très rapide de certains jeunes arabes. Il est pour le moins troublant de penser que ceux que le groupe terroriste État islamique en Iraq et au Levant, ou EIIL, a réussi à recruter avaient des visées politiques très différentes il y a quelques années seulement[28].

Mme Laipson a néanmoins précisé qu’il serait difficile de comprendre « qui sont les groupes vulnérables au recrutement de ce mouvement radical[29] ».

Dans le témoignage qu’il a présenté au Comité, le père Elias Mallon, agent des affaires extérieures à la Catholic Near East Welfare Association (États‑Unis), a soutenu que le terme employé pour désigner les événements qui se sont produits au Moyen‑Orient et en Afrique du Nord pendant cette période – le « Printemps arabe » – était en soi annonciateur de quelque chose, voire prémonitoire. En effet, au Moyen‑Orient, a‑t‑il expliqué, le printemps n’est pas une saison chargée d’optimisme, comme en Amérique du Nord; c’est une « période où la pluie s’arrête, où la température devient extrêmement chaude et où la nature meurt[30] ». Aux yeux du père Mallon, le Printemps arabe a abouti à « une situation foncièrement instable avec des pays artificiels, des divisions artificielles et presque pas de sentiment d’unité nationale ». Dans ce contexte politique régional – des années de guerre et d’instabilité en Iraq, la déstabilisation de la Syrie –, « toutes sortes d’opportunistes qui avaient plus ou moins toujours été là, ont pu venir combler le vide[31] ».

Sami Aoun, professeur titulaire à l’Université de Sherbrooke, a souligné l’échec du Printemps arabe « comme ambition à la modernité, comme ambition à la démocratie libérale[32] ». Il a rappelé le besoin de comprendre que l’EIIL, « malgré ses horreurs et sa barbarie, est héritier des frustrations régionales et locales, que ce soit en Syrie ou en Iraq[33] ». À cet égard, M. Aoun a indiqué au Comité qu’il y a, dans la région, « quelque chose de plus menaçant et de plus destructeur » que la violence sectaire qui agite présentement la Syrie et l’Iraq :

En Iraq, en Syrie et ailleurs au Moyen‑Orient, il y a une guerre de procuration entre les deux grandes puissances de la région, soit l’Arabie saoudite, représentative de pouvoirs arabo‑sunnites plutôt intégristes et plutôt antidémocratiques qui ont joué un rôle contre‑révolutionnaire lors du Printemps arabe, et l’Iran qui appuie et travaille au renforcement des communautés chiites et a l’ambition impériale de dominer cet espace, ce voisinage arabo‑musulman[34].

D’autres témoins ont également attiré l’attention sur la lutte pour le pouvoir régional que se livrent l’Iran et l’Arabie saoudite, et qui semble influencer de nombreuses variables politiques et de sécurité dans la région, tout en exacerbant les tensions religieuses.

À propos du contexte dans lequel se révèlent les rivalités régionales, Payam Akhavan, professeur à la faculté de droit de l’Université McGill et au Collège Kellogg de l’Université d’Oxford, a laissé entendre que, dans le cas de l’Iraq, « le vide laissé par le départ de Saddam a été comblé par une violence sectaire, les deux parties s’affrontant par milices extrémistes interposées le long du fossé idéologique qui divise les chiites et les sunnites[35] ». En ce qui concerne la Syrie, M. Akhavan a fait remarquer que le régime Assad, appuyé par « la célèbre milice shabiha alaouite », suivait « une politique d’incitation délibérée à la violence sectaire en tant que stratégie de survie[36] ». Il a rappelé également que le régime Assad profitait du soutien de l’Iran et du Hezbollah libanais, tandis que la Turquie et l’Arabie saoudite « soutenaient les rebelles islamiques ». Selon M. Akhavan, on « raconte même que Damas a favorisé l’essor rapide de l’État islamique en libérant des prisonniers et en prenant d’autres mesures[37] ». Décrivant l’état de la situation à la fin de novembre 2014, il a fait valoir que le bombardement de cibles de l’EIIL en Syrie avait compliqué les choses, car il « a valu aux extrémistes une hausse de leur capital de sympathie et de nouvelles recrues, venant même parfois des rangs de l’Armée syrienne libre, auparavant principal mouvement des rebelles et rivale de l’État islamique[38] ».

Il existe donc une toile de fond régionale complexe, où s’entrecroisent relations et intérêts. M. Akhavan a résumé la situation ainsi : « [A]ffirmer que la politique forge d’étranges alliances serait un euphémisme. Une dialectique de l’extrémisme est en jeu[39] ». Il a également prédit que « l’instrumentalisation cynique et à courte vue de l’identité religieuse, par des régimes qui ont adopté des idéologies fondées sur la haine et la discrimination, continuera à déchirer la région et à fournir un terreau fertile à la violence sectaire…[40] ».

Un autre témoin, Andrew Tabler, agrégé supérieur au Washington Institute for Near East Policy, a aussi parlé de l’influence et du rôle grandissants de l’Iran dans la région, une tendance qui a souvent pour conséquence d’« irriter » les élites Arabes sunnites et les pays à majorité sunnite. Il a indiqué, à ce sujet :

[D]ans le contexte des soulèvements, l’Iran s’est impliqué militairement dans ces milieux grâce à des milices et à la force Al‑Qods dans le but de soutenir des régimes qui, souvent, ont peu de légitimité, mais ont une légitimité juridique aux yeux de la communauté internationale.
Je crois que de manière générale, c’est ce qui cause tout cela et a entraîné les soulèvements et la réaction extrême de l’État islamique qui représente, en partie du moins, la réaction de la société sunnite à cet empiétement sur les territoires arabes[41].

D’après M. Akhavan, « un plus grand rapprochement doit être fait entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour trouver une solution durable à ce problème régional[42] ».

Lors de sa comparution, Mme Laipson a souligné que la rivalité n’oppose pas simplement les branches sunnite et chiite de l’islam; il y aussi une lutte au sein même de l’islam sunnite :

Nous sommes actuellement témoins d’une volonté de tuer d’autres musulmans au sein de l’EIIL. Il ne s’agit pas d’emblée d’une guerre entre la civilisation musulmane et l’Occident, mais d’abord et avant tout de conflits au sein de la civilisation musulmane, de sunnites qui sont profondément en désaccord quant au genre de gouvernance qu’ils désirent[43].

Mme Laipson a dit croire que, même s’il « représente une infime minorité des populations arabes », l’EIIL est capable, grâce à son agressivité, de « contraindre des segments bien plus importants de la population sunnite[44] ». Mme Laipson estime par ailleurs que les acteurs extérieurs, placés devant ces vastes et « longs conflits au sein de sociétés et de communautés », peuvent contribuer à atténuer la violence et à rassurer un peu « ceux dont l’idéologie est plus modérée ». Mais elle ne pense pas « que nous puissions à nous seuls renverser la vapeur de ce qui pourrait être un conflit intergénérationnel au sein de la civilisation musulmane arabe[45] ».

De son côté, M. Aoun a décrit la situation régionale comme « une guerre intermusulmane, qui est à plusieurs niveaux[46] ». Tout en convenant de la présence de clivages entre chiites et sunnites, de même qu’entre l’Iran et l’Arabie saoudite, il a insisté sur les rivalités entre les États de certains pays majoritairement sunnites. Il voit deux camps : d’un côté, la Turquie et le Qatar – qui soutiennent les Frères musulmans et l’islamisme politique –, et de l’autre, l’Arabie saoudite et l’Égypte – qui, selon M. Aoun, « appuient plutôt un autre salafisme politique[47] ». Étant donné la nature de cet affrontement, qui semble mettre en présence des pays et des sociétés de l’ensemble du Moyen‑Orient, il s’est dit d’avis que la diplomatie canadienne avait nécessairement une capacité de réponse limitée[48]. Salim Mansur, professeur agrégé au département des sciences politiques de l’Université Western Ontario, a abondé dans le même sens en exprimant l’idée fondamentale suivante lors de son témoignage : « [I]l nous est impossible de changer le cours de cette guerre qu’on se livre au sein du monde arabo‑musulman. C’est à eux qu’il revient de tirer ces choses‑là au clair[49] ».

IDÉOLOGIE DE L’EIIL

Les actes horribles perpétrés et encouragés activement par l’EIIL – exposés en détail dans les sections suivantes – trouvent leur explication dans l’idéologie violente et intransigeante du groupe. Parmi les témoins qui ont comparu devant le Comité, quelques‑uns ont donné leur point de vue sur cette idéologie et la vision du monde qui en découle, lesquelles transparaissent dans les actions de l’EIIL.

Mark Gwozdecky, directeur général, Moyen-Orient et Maghreb, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD), a dit au Comité que l’EIIL « s’organise, se mobilise et progresse sur la base de l’adhésion à une idéologie tordue qui vise à éliminer des prétendus non‑croyants, désignés comme tous les gens qui refusent de se convertir à une forme pervertie de l’islam[50] ». À une réunion antérieure sur la même question, Andrew Bennett, ambassadeur, Bureau de la liberté de religion, MAECD, avait indiqué : « Nous assistons avec l’EIIL à une vulgaire mascarade, un détournement s’inspirant d’une certaine compréhension de l’islam qui n’a rien à voir avec cette religion[51] ».

Différents témoins ont affirmé que, pour bien comprendre l’EIIL et la menace qu’il représente, il fallait reconnaître ses objectifs premiers. M. Gwozdecky, par exemple a dit que l’EIIL veut,

créer un État islamique transnational unique fondé sur la charia. Ils veulent recréer le califat qui existait il y a plus de 1 000 ans et qui englobait tous les pays du Moyen‑Orient, de l’Espagne au sous‑continent. C’est l’objectif qu’ils ont énoncé[52].

Amené à s’exprimer sur les divers mouvements terroristes islamistes qui ont émergé dans plusieurs régions de la planète au cours des dernières décennies, Thomas Farr, directeur du Religious Freedom Project à l’Université Georgetown, a dit qu’ils sont « motivés par la croyance selon laquelle Dieu les appelle à la brutalité et à la violence à l’égard des ennemis de l’islam ». Il a ajouté que, dans le cas particulier de l’EIIL, « l’objectif consiste à conquérir et à contrôler un territoire afin de mener à bien cette mission divine[53] ».

Pour ce qui est des objectifs à long terme de l’EIIL – des objectifs troublants, empreints de fanatisme –, des témoins ont soutenu que, même si les propos tenus par les dirigeants du groupe étaient parfois exprimés de façon étrange, nous aurions tort de les minimiser ou de ne pas en faire de cas. En effet, ils traduisent les véritables convictions de ses membres. Jonathan Dahoah Halevi, du Centre des affaires publiques et de l’État de Jérusalem, a affirmé à ce sujet :

L’État islamique ne laisse aucun doute planer quant à son idéologie sunnite islamique extrémiste et sa détermination de mener le djihad sans merci afin de répandre l’islam et la parole d’Allah, d’abord au Moyen‑Orient et ensuite en Europe et en Amérique du Nord[54].

M. Halevi a souligné que l’idéologie de l’EIIL n’est pas une « fantaisie farfelue et bénigne. Il s’agit d’un véritable plan d’action. » Selon lui, l’EIIL « se voit comme un mouvement entièrement voué à la réalisation de la prophétie de Mahomet afin de préparer la voie pour l’arrivée du messie musulman[55] ».

À propos du rôle de la religion dans la conduite de l’EIIL, Mme Abdo a indiqué :

[C]ertains, surtout au sein des gouvernements, milieux universitaires et médias occidentaux, hésitent quelque peu à envisager sérieusement que la religion fasse partie de l’attrait et des stratégies de recrutement du groupe. Je pense que c’est une erreur.
Je pense également que les autorités musulmanes du Moyen‑Orient ont tendance à dire que le problème n’a rien à voir avec l’islam, et qu’il ne s’agit pas véritablement de l’islam. Malheureusement, nous en sommes là 30 années après l’apparition de groupes islamiques déterminants, comme Al‑Qaïda, qui est né en Égypte. Nous sommes obligés de nous rappeler que c’est lié à l’islam, car c’est la religion en laquelle ces gens croient. Il y a bel et bien un lien avec la religion[56].

S’exprimant ensuite sur la rupture entre l’EIIL et Al‑Qaïda, deux organisations terroristes djihadistes, Mme Abdo a expliqué que « la compétition ne porte pas que sur le pouvoir ». En effet, elle repose aussi « sur l’interprétation de l’islam ». D’ailleurs, selon Mme Abdo, lorsque « al‑Baghdadi a fondé l’EIIL, il y a eu une querelle vive entre les dirigeants du groupe et ceux d’Al‑Qaïda en raison de leurs divergences profondes[57] ». Elle a rappelé que les convictions profondes de l’EIIL apparaissent dans leur traitement des gens sur le terrain; les membres du groupe ne croient même pas « que les chiites sont de vrais musulmans ». Elle estime que le « débat porte donc sur l’interprétation de l’islam, et c’est une façon de marginaliser d’autres musulmans qui ne font pas partie du groupe, et même de les tuer[58] ».

En réponse à une question sur ce même sujet, M. Farr a convenu qu’il était important « de s’attacher aux dimensions religieuses » de l’idéologie de l’EIIL afin de pouvoir comprendre le défi que présente le groupe et les motivations qui animent ses membres :

Écoutez‑les. Lisez le récit de leurs actions. Ils n’affirment pas qu’ils haïssent tout le monde et qu’ils frappent aveuglément le reste du monde, pour essayer de se tailler une petite place au soleil. Ils essaient de fonder un califat et de l’utiliser pour propager cette version extrémiste radicale de l’islam.
Faute de le comprendre et de vouloir en discuter – sans vouloir offenser l’immense majorité des musulmans qui ne pensent pas comme ça –, nous ne pourrons pas vaincre cet ennemi[59].

D’autres témoins ont souligné que l’incapacité de reconnaître et de comprendre la vraie nature de l’EIIL nuit au travail qui consiste à déterminer les politiques nécessaires pour vaincre le groupe. Comme l’a exprimé Ayad Aldin, ancien représentant du Parlement iraquien, devant le Comité : « Tant que nous ne confronterons pas l’idéologie terroriste, nous ne réussirons pas à arrêter la vague de terrorisme qui s’abat sur notre monde[60] ».

À propos de cette idéologie, M. Mansur a indiqué ce qui suit :

L’EIIL est alimenté par l’idéologie de l’islamisme. L’Occident doit s’assurer de bien comprendre le sens et les objectifs de cette idéologie, comme nous l’avons fait lorsque nous avons été confrontés au communisme soviétique. C’est essentiel si nous voulons mettre de l’avant une stratégie cohérente, plutôt que de simples palliatifs, pour contrer l’expansion de l’EIIL et les idéaux qu’elle représente. L’islamisme est l’idéologie du djihad armé qui fait la guerre en utilisant tous les moyens disponibles pour faire appliquer la charia dans les pays à majorité musulmane et obtenir qu’elle s’applique aux immigrants musulmans dans les démocraties occidentales[61].

M. Mansur a également exprimé l’idée que l’idéologie islamiste de l’EIIL « peut difficilement être différenciée de l’idéologie wahhabite et salafiste de l’élite au pouvoir en Arabie saoudite[62] ». Tarek Fatah, fondateur du Muslim Canadian Congress, a parlé de la « doctrine de base » de l’Arabie saoudite, le wahhabisme :

Celle‑ci se fonde sur une idée très simple, selon laquelle la vie sur terre est un passage fugace et la vraie vie commence en fait après la mort. Les wahhabites affirment qu’on devrait voir le monde comme une salle d’attente d’aéroport, où l’on attend de prendre le vol vers notre destination finale qu’est le paradis – mais seulement après un scénario de fin du monde qui n’arrivera pas avant que le monde entier ne soit dirigé par un califat islamique unique et que même les pierres et les arbres se joignent aux musulmans afin d’éliminer tous les non‑musulmans de la terre, particulièrement les juifs[63].

Selon les mots de M. Fatah, « [s]i l’on ne comprend pas l’ennemi, la guerre ne peut que créer des pertes et des dommages dans les rangs de l’ennemi, et renforcer sa légitimité au sein de ses adeptes[64] ».

CONSÉQUENCES DE L’ESSOR DE L’EIIL

A.  Les pratiques barbares de l’EIIL

L’EIIL met en pratique son idéologie extrémiste violente partout où il se trouve. Il viole les droits de la personne de manière brutale, délibérée et systématique. L’EIIL tue des civils et exécute des militaires, des journalistes, des travailleurs humanitaires et d’autres personnes qu’il garde prisonniers. Il procède, notamment à des décapitations, une pratique barbare que le groupe filme pour une diffusion publique. Comme le ministre Baird l’a dit au Comité, l’EIIL enregistre ses crimes « pour terroriser encore plus ceux qu’ils cherchent à assujettir. Leur brutalité, ils la montrent, ils la filment, ils la propagent sur Twitter et ils tirent fierté de la réaction qu’elle provoque[65] ». Au début de février 2015, une vidéo qui aurait été diffusée par l’EIIL montre l’exécution horrible d’un pilote jordanien qui avait été capturé et que le groupe a brûlé vif dans une cage.

Dans le témoignage qu’il a offert au Comité, Sotirios Athanassoulas, archevêque métropolitain, Métropole orthodoxe grecque de Toronto, a cité un rapport de novembre 2014 produit par la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur les événements en Syrie et intitulé Rule of Terror: Living under ISIS in Syria[66]. Il a notamment attiré l’attention sur les conclusions du rapport, selon lesquelles l’EIIL a exécuté des femmes, de même que des hommes, pour avoir eu des contacts non approuvés avec un membre du sexe opposé, et utilise en priorité les enfants comme moyen d’assurer la loyauté à long terme et le respect de son idéologie et comme groupe de combattants dévoués qui considèrent la violence comme un mode de vie[67].

Outre le rapport sur la situation des droits de la personne en Syrie, notons le travail de la Mission d’assistance des Nations Unies en Iraq et du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a coproduit trois rapports sur la protection des civils dans le cadre du conflit armé en Iraq. Les rapports portent sur la période allant du début de juin au début de décembre 2014[68]. Ces documents dressent un portrait troublant des actions mises au compte de l’EIIL en Syrie et en Iraq[69], tout en illustrant le climat général de violence et d’impunité qui imprègne les deux pays[70]. Les minorités religieuses et ethniques sont victimes d’assimilation et de conversions forcées, d’impôts discriminatoires et d’expulsions. Des femmes et des filles subissent de la violence sexuelle, sont vendues comme « butin de guerre » au marché et sont détenues dans des conditions dignes de l’esclavage sexuel. Des enfants ont été torturés et tués, ou forcés d’assister à des exécutions ou d’en commettre eux‑mêmes. L’EIIL cible expressément des professionnels, des journalistes, des dirigeants communautaires et des défenseurs des droits de la personne, qui risquent d’être enlevés ou assassinés. Des lieux de culte et des monuments historiques sont attaqués et détruits. Dans les régions dominées par l’EIIL, les droits et les libertés les plus fondamentaux, comme la liberté d’expression, de réunion et d’association – sont sévèrement restreints et bafoués.

Bon nombre de ces questions ont été abordées devant le Comité; le tableau que les témoins ont brossé de l’EIIL en est un de barbarie et de cruauté. Comme le ministre Baird l’a exprimé au sujet des crimes perpétrés dans les régions contrôlées par le groupe, où des centaines de gens à la fois « font l’objet d’exécution sommaire » : « Pour certains, ce doit être l’enfer[71] ».

Bessma Momani, professeure agrégée à la Balsillie School of International Affairs de l’Université de Waterloo, a informé le Comité que l’EIIL « cible non seulement les minorités, mais aussi tous ceux qui s’opposent à son régime, y compris des musulmans sunnites[72] ». Elle a fait valoir que, dans l’exposé des faits dénonçant l’EIIL, il fallait prendre soin de rappeler que le groupe « cible tous ceux qui récusent sa vision très draconienne et perverse de l’islam[73] ».

S’intéressant au contexte général de la région, et plus précisément à la situation en Iraq, plusieurs témoins ont indiqué que les minorités, en particulier, avaient fait l’objet des menaces de l’EIIL. Le révérend Majed El Shafie, fondateur et président de One Free World International, s’est rendu en Iraq en septembre 2014. En novembre 2014, il a affirmé au Comité que son organisation a assisté à « ce que nous croyons être le début d’un génocide ». Il a signalé que des membres des minorités chrétiennes et yézidies d’Iraq « sont assassinés, massacrés et crucifiés. On traque leur famille, et on leur donne très peu d’options : essentiellement, se convertir ou mourir[74] ».

Le Comité a reçu des renseignements précis sur le triste sort réservé aux Yézidis d’Iraq, un petit groupe minoritaire qui pratique une religion ancienne. Vian Saeed, membre du Parlement iraquien et elle‑même yézidie, a parlé avec beaucoup d’émotion de la situation tragique dans laquelle son peuple a sombré lorsque l’EIIL a envahi la région des monts Sinjar, dans le Nord de l’Iraq – la terre du peuple yézidi – au début d’août 2014 : « Des milliers de yézidis ont été tués, par l’EIIL directement, ou, indirectement, par l’exil forcé, durant leur fuite ou en raison des conditions extrêmement difficiles dans les monts Sinjar[75]. » Dans le seul village de Kocho, « 700 personnes ont été enlevées, surtout des femmes et des enfants âgés de 12 ans et moins, tandis que le reste des hommes, environ 1 200, ont été assassinés de sang‑froid. La ville a été annihilée[76] ».

Mme Saeed a parlé du sort profondément inquiétant réservé aux « plus de 5 000 femmes, enfants et hommes yézidis » enlevés par l’EIIL. Au moment de sa comparution, au début de décembre 2014, « personne n’a pu les aider, les trouver ni les ramener chez eux ». Elle a ajouté que les femmes et les filles yézidies qui ont été enlevées par l’EIIL pour ensuite être vendues comme esclaves « ont été traitées avec une cruauté inimaginable[77] ». Omar Haider, de Yezidi Human Rights Organization‑International, a offert un témoignage personnel de ces crimes. Il a dit que, lorsque les membres de l’EIIL ont capturé sa famille, « ils ont pris tous les hommes – mes trois oncles, mon frère et tous les autres – et ont séparé les filles, puis les ont vendues en Syrie. Ils ont pris trois de mes sœurs et les ont vendues en Syrie en tant qu’esclaves[78] ».

À une autre réunion, M. Gwozdecky, MAECD, a signalé qu’on avait « fait état d’un grand nombre d’agressions sexuelles, et il est de plus en plus évident que cela fait partie d’une campagne délibérée de persécutions contre des groupes religieux minoritaires[79] ». Au cours de son témoignage, et après avoir fait connaître le prix des femmes et des filles qui ont été vendues comme esclaves par l’EIIL, M. Akhavan a estimé qu’on avait raison d’appeler l’EIIL « le "califat du barbarisme", ou simplement un culte de la mort[80] ».

Mme Saeed a également mis en lumière la déstabilisation du peuple yézidi, qui a été forcé d’abandonner ses communautés du Nord de l’Iraq et qui se retrouve maintenant sans foyer,

Cette petite, mais ancienne et fière communauté religieuse, culturelle et historique risque de disparaître complètement. Près de 90 % des yézidis d’Iraq – soit 400 000 personnes – sont maintenant des réfugiés dans toute la région du Kurdistan. Ils ont quitté leur foyer, en août, avec absolument rien – aucun document, aucun vêtement chaud ni article de literie –, en plein durant la période froide. Sans abri, des enfants et des familles entières dorment dans la rue ou sous des tentes de fortune qui ne sont pas appropriées[81].

Mme Saeed a souligné que tous les gens qui ont été obligés de partir sont partis « soudainement, en quelques heures. On leur a dit qu’ils devaient partir ou qu’ils allaient être tués, et ils n’ont donc pas pu apporter de vêtements, d’argent ni rien pour les protéger contre les intempéries[82] ».

Le Comité a aussi été informé des épreuves infligées aux chrétiens de l’Iraq. Rabea Allos a décrit la situation qu’on pouvait observer après que l’EIIL ait pris Mossoul et les villages voisins de la plaine de Ninive, où vit la majorité des chrétiens du pays : « En quelques jours, un bassin chrétien qui existait depuis le premier siècle dans cette région a disparu. Sauf une poignée d’entre eux, tous les chrétiens se sont enfuis pour protéger leur vie et leur foi[83] ». Emmanuel Joseph Mar‑Emmanuel, évêque du diocèse, Diocèse du Canada, Apostolic Catholic Assyrian Church of the East, a confirmé que l’EIIL avait provoqué l’exode de « milliers » de chrétiens qui ont le choix : « [o]u bien se convertir à l’islam, payer la jizya, la taxe coranique perçue auprès des non‑musulmans, partir, ou se faire décapiter ». Il a expliqué au Comité que, durant cet exode, « environ 150 000 chrétiens et d’autres gens issus des minorités religieuses ont quitté la ville peu de temps après qu’elle a été prise par l’EIIL et se sont réfugiés dans la région autonome du Kurdistan, essentiellement dans les provinces d’Erbil et de Dohouk[84] ».

Le révérend Niaz Toma, représentant de l’Église catholique chaldéenne au Canada, a fait remarquer que, même si tous les groupes minoritaires de l’Iraq étaient victimes de l’EIIL, certains souffrent plus que d’autres; c’est le cas des « minorités paisibles, comme les chrétiens, les mandéens et les yézidis, qui ne comptent ni sur un système tribal, ni sur une milice et ne bénéficient pas non plus de l’appui de partis politiques puissants et efficaces[85] ». Pour sa part, Carl Hétu, directeur national de l’Association catholique d’aide à l’Orient (Canada), a indiqué que les chrétiens de l’Iraq « n’ont pas, comme les autres, des armes et des tribus, etc.[86] ».

B.  Une crise humanitaire

Les actes de violence commis par l’EIIL en 2014 ont entraîné une grave crise humanitaire en Iraq. La situation a été rendue encore plus difficile par la crise humanitaire de grande ampleur qui frappait déjà la Syrie et la région environnante, une question qui sera abordée dans une section du rapport consacrée expressément au conflit en Syrie.

Pour ce qui est de l’Iraq, Leslie Norton, directrice générale, Assistance humanitaire internationale, MAECD, a signalé au Comité que le nombre de personnes ayant besoin d’aide est estimé à 5,2 millions. De ce nombre, 1,5 million sont considérées comme vivant dans des régions difficiles d’accès[87]. Le Comité a aussi appris que les déplacements massifs de populations caractérisaient la crise humanitaire dans ce pays. Emmanuel Gignac, coordonnateur, Iraq du Nord, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, a précisé qu’il y avait eu trois grandes vagues de déplacements en 2014 :

La première s’est déroulée de janvier à juin et a touché principalement le centre de l’Iraq. Environ un demi‑million de personnes ont été déplacées. La deuxième vague a suivi la chute de Mossoul et a causé le déplacement de 550 000 personnes de plus. La troisième vague a été la plus importante. Elle est survenue pendant l’offensive à Sinjar et les plaines de Ninive et a ajouté 830 000 personnes au nombre des personnes déplacées[88].

M. Gignac a dit au Comité que quelque 2,2 millions de personnes, en tout, avaient été déplacées en Iraq. Il a ajouté que près de la moitié d’entre elles « se trouve dans la région du Kurdistan, qui compte quelque 5 millions d’habitants[89] ».

Le Comité a également appris que l’accès aux populations dans le besoin posait un problème particulier pour les organisations de secours humanitaire en Iraq. En effet, l’accès est très restreint dans les zones dominées par l’EIIL. Par exemple, Jane Pearce, directrice de pays, Iraq, Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), a expliqué que « l’accès est facile » pour son organisation dans la zone kurde, et « assez bon » à partir de Bagdad dans le Sud. Mais, a‑t‑elle ajouté, « la région qui pose le plus grand problème pour nous tous, et en particulier pour le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, c’est la zone qui couvre le gouvernorat entre Bagdad et la région kurde, car elle est contrôlée par l’EIIL et d’autres groupes armés d’opposition[90] ». Plus tôt, au cours de la même réunion, Mme Pearce avait indiqué :

Les affrontements continus, les sièges et le déplacement imprévisible de la ligne de front ont souvent empêché le PAM de porter secours aux populations de l’Ouest, du centre et du Nord de l’Iraq. En mai [2014], la distribution de nourriture dans le gouvernorat d’Anbar était devenue trop dangereuse en raison des combats. Avec la coopération de notre partenaire local, nous avons finalement pu y retourner en octobre 2014[91].

Martin Fischer, directeur des politiques à Vision mondiale Canada, a fait savoir que son organisation était aussi incapable d’accéder aux populations « qui se trouvent derrière les lignes de front, pour ainsi dire, juste à l’extérieur du Kurdistan[92] ».

Tel qu’il est mentionné plus haut, la crise humanitaire iraquienne est aggravée par le conflit dans le pays voisin de la Syrie et par les vagues de déplacements qui en ont découlé. Selon M. Gignac, de 220 000 à 230 000 réfugiés syriens se trouvent en Iraq, dont une majorité au Kurdistan[93]. On compte neuf camps de réfugiés en Iraq, qui sont tous au Kurdistan sauf un dans le gouvernorat d’Anbar, dans une zone contrôlée par l’EIIL. À propos des réfugiés du camp d’Anbar, M. Gignac a dit que son organisation est « toujours en mesure de leur offrir de l’aide, mais de façon très ponctuelle et pas très fiable[94] ».

Le Comité a appris que la majorité des réfugiés et des déplacés en Iraq vivaient à l’extérieur des camps proprement dits, et que beaucoup habitaient dans des installations temporaires. Ces gens ont dû trouver refuge à ciel ouvert, dans des immeubles en construction, des bâtiments publics ou des écoles, ou encore dans une communauté prête à les accueillir. Il est alors plus difficile de retrouver ces gens et de leur fournir des services. M. Gignac a fait remarquer que les réfugiés et les personnes déplacées qui habitent en dehors des camps utilisent, « entre autres, les services de santé, les services éducatifs et sanitaires et l’électricité », exerçant ainsi une pression « énorme » sur les services publics au Kurdistan[95].

Bart Witteveen, directeur des Affaires humanitaires et des urgences à Vision mondiale Canada, a décrit la vie difficile des personnes déplacées qui habitent dans des camps informels :

Certaines louent des maisons – plusieurs familles se retrouvent souvent sous un même toit – et des appartements en mauvais état à un prix très élevé, tandis que nombreuses sont celles qui vivent dans des camps informels formés de structures improvisées dans des écoles ou des immeubles abandonnés. Nombre d’entre elles ne sont pas bien protégées contre les éléments – la chaleur en été et le froid, la neige et l’humidité en hiver – et ont un accès limité, voire inexistant, à l’eau potable et aux installations sanitaires. En conséquence, bien des enfants attrapent des maladies hydriques comme la diarrhée, et l’exposition au froid a eu des conséquences funestes pour les bébés et les petits enfants[96].

M. Fischer, autre représentant de Vision mondiale, a souligné que, même dans les villes, les organisations humanitaires avaient du mal à localiser et à enregistrer les personnes déplacées, de même qu’à leur fournir des services[97].

Les témoins ont indiqué au Comité que, en général, les besoins en aide humanitaire restent considérables en Iraq. Mme Pearce, par exemple a observé que, en raison de la crise, 2,8 millions de personnes étaient touchées par l’insécurité alimentaire, y compris les personnes déplacées dans le pays, les communautés qui les accueillent et d’autres groupes vulnérables. À ce sujet, elle a fait remarquer qu’une « grande partie de la production iraquienne de blé provient du Nord de l’Iraq, une région actuellement instable, et [que] presque toutes les ressources en eau du pays traversent des zones sous le contrôle de l’EIIL et de groupes armés affiliés, ce qui met en péril la sécurité alimentaire de nombreux Iraquiens[98] ». En outre, Mme Pearce a dit que le conflit avait désorganisé le système de distribution publique des rations alimentaires dans certaines régions du pays; les conséquences se sont fait sentir sur plus de 4 millions de personnes qui n’ont pas été déplacées mais dont plus de 50 % de l’apport énergétique dépend du système de distribution.

Parmi les nombreux besoins en aide humanitaire à combler en Iraq, notons particulièrement les besoins en abris. En date du 17 février 2015, jour de son témoignage au Comité, M. Gignac a indiqué que l’ONU avait aménagé 25 camps pour personnes déplacées dans l’ensemble du pays, et que 10 autres étaient en construction. Il a cependant précisé que, « côté abris, nous n’arrivons pas à répondre à la demande. La dernière évaluation a révélé que 450 000 personnes vivent toujours dans des abris inadéquats et qu’il faut mieux les loger[99] ».

L’accès des enfants et des jeunes déplacés à l’éducation pose également problème. À ce sujet, M. Hétu soulignait, en novembre 2014, que « les enfants réfugiés qui ont quitté Mossoul, Ninive et Qaraqosh ne vont pas à l’école. Il n’y a pas du tout d’école pour eux[100] ». Le révérend Toma, pour sa part, a fait valoir que l’« interruption et l’arrêt de l’éducation des enfants et des jeunes représentent une autre importante préoccupation, surtout en raison de l’incapacité des écoles de la région du Kurdistan d’accueillir le grand nombre d’étudiants déplacés[101] ».

Étant donné les besoins à satisfaire sur le terrain, il faut continuer à chercher du financement. M. Gignac a dit au Comité que les organisations internationales d’aide humanitaire avaient nécessité 474 millions de dollars américains en 2014 pour répondre aux besoins des réfugiés en Iraq. Or, 43 % de cet argent a pu être recueilli. Pour ce qui est de la situation des personnes déplacées en Iraq, environ 53 % des 340 millions de dollars américains requis en 2014 avaient été obtenus. « Les écarts restent importants[102] », comme l’a estimé M. Gignac. Mme Pearce a aussi parlé des besoins financiers de son organisation, le PAM. Elle a signalé que le PAM doit trouver plus de 420 millions de dollars américains pour ses efforts en Iraq en 2015. Il a déjà reçu 200 millions de dollars environ. Mme Pearce a précisé cependant que son organisation a « des fonds suffisants pour maintenir [ses] programmes d’aide financière et de bons d’achat alimentaires jusqu’en mai de cette année seulement[103] ».

C.  Destruction de la diversité

Les renseignements que le Comité a reçus font craindre la disparition de la diversité dans la région. Le Moyen‑Orient en général, et l’Iraq et la Syrie en particulier, sont depuis des siècles des terres où se mêlent religions, ethnies, cultures et traditions. L’évêque Mar‑Emmanuel a rappelé au Comité que les « anciens chrétiens d’Iraq et de Syrie peuvent retracer leur conversion au christianisme jusqu’aux apôtres[104] ». Le révérend Toma a souligné, quant à lui, que « la chrétienté est entrée en Iraq au premier siècle[105] ». En effet, la première église a été construite en Iraq en l’an 80. Dans son témoignage, M. Hétu a aussi mis en lumière ce trait régional : « Il n’y a aucun autre endroit au monde où il y a une aussi grande diversité, où vous avez des musulmans chiites, des musulmans sunnites et divers groupes comme les yézidis dont la religion date d’avant Jésus‑Christ. Vous avez un grand nombre de tribus, de clans, de chrétiens de différentes cultures et régions ». Pour lui, ce à quoi nous assistons présentement, c’est « la destruction de cette diversité[106] ».

Si la diversité est en péril en Iraq, ce n’est pas seulement en raison des crimes perpétrés par l’EIIL; c’est aussi en raison des tensions religieuses et des pressions exercées contre les groupes minoritaires, qui s’accentuent depuis plusieurs années. Mme Abdo en a parlé au Comité :

Avant 2003, la population chrétienne en Iraq s’élevait à 1,5 million de personnes, ce qui représentait 5 % de la population. Or, il ne reste plus que 400 000 chrétiens sur place. Il va sans dire que ce n’est pas uniquement attribuable à l’EIIL, mais bien à tout ce qui s’est passé là‑bas depuis l’opération. Mais l’EIIL et le conflit entre les chiites et les sunnites ciblent bel et bien les chrétiens. Voilà donc une des nombreuses raisons pour lesquelles les chrétiens sont maintenant persécutés dans le monde arabe[107].

M. Hétu a également noté que, même si la situation avait empiré récemment, la population chrétienne d’Iraq était victimisée depuis 10 à 15 ans. Selon les recherches faites par son organisation et des églises de la région, cette population est passée de quelque 1 million de personnes, en 2003, à « environ 200 000, peut‑être 150 000 ». M. Hétu a exprimé la situation dans les mots suivants : « Cela veut dire que toute la population chrétienne est évacuée d’Iraq[108] ».

Pour sa part, M. Farr a estimé que l’« existence même » des chrétiens et d’autres minorités du Moyen‑Orient est aujourd’hui menacée :

Nous constatons la disparition des chrétiens et du christianisme en Iraq et en Syrie, un génocide religieux et culturel qui a des conséquences humanitaires, morales et stratégiques terribles pour les chrétiens, pour la région et pour nous tous[109].

Compte tenu de l’explosion de violence et de brutalité qui a balayé le Nord de l’Iraq récemment, il est à craindre qu’une partie des membres de ces communautés, méfiants à l’égard du milieu qu’ils regagneront et désireux de trouver un foyer plus sécuritaire et plus tolérant, choisissent de ne pas rentrer chez eux après les combats.

RÉPONSE À L’ESSOR DE L’EIIL

A.  Réponse internationale

La menace que l’EIIL fait peser sur la stabilité au Moyen‑Orient, de même que les atrocités commises par le groupe, ont suscité de vives réactions à l’échelle internationale. En août 2014, les États‑Unis ont lancé une action militaire directe contre l’EIIL en Iraq et ont commencé à former une coalition de pays disposés à éliminer la menace terroriste présentée par l’EIIL[110].

Cette coalition s’appuie sur cinq « champs d’action », établis au départ par les États‑Unis à l’occasion d’une réunion tenue en marge du sommet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui a eu lieu en septembre 2014. Des représentants britanniques, français, australiens, allemands, canadiens, turcs, italiens, polonais et danois étaient également présents[111]. Les champs d’action ont été approuvés par les partenaires de la coalition lors d’une réunion tenue à Bruxelles en décembre 2014[112]. Les cinq champs d’action de la lutte contre l’EIIL sont les suivants :

  1. appuyer les opérations militaires, le renforcement des capacités et l’instruction;
  2. stopper l’afflux de combattants étrangers;
  3. priver l’EIIL de ses sources de financement;
  4. s’attaquer aux crises humanitaires;
  5. délégitimer l’idéologie de l’EIIL[113].

Selon le département d’État américain, plus de 60 pays contribuent maintenant, d’une manière ou d’une autre, à la coalition internationale contre l’EIIL[114]. Sur le plan militaire, un certain nombre de pays participent aux frappes aériennes, pour lesquelles ils ont offert des aéronefs, de l’aide militaire et des bases d’opérations. Certains partenaires internationaux fournissent par ailleurs du soutien et des services d’entraînement aux forces iraquiennes de sécurité et aux peshmergas kurdes[115], tandis que les États‑Unis élaborent un programme visant à armer et à entraîner les rebelles syriens modérés[116].

M. Gwozdecky, du MAECD, a dit au Comité que, dans le cadre de la coalition, « le Canada fait partie d’un groupe central qui participe dans une mission de combat en menant des frappes aériennes contre l’EIIL en Iraq[117] ». Parmi les autres membres de la coalition qui ont procédé à des frappes aériennes, mentionnons les États‑Unis, l’Australie, la Belgique, le Danemark, la France, la Jordanie, les Pays‑Bas et le Royaume‑Uni. Un groupe plus restreint de pays, dont les États‑Unis, Bahreïn, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont mené des frappes aériennes contre les positions de l’EIIL en Syrie[118]. Au 18 mars 2015, les membres de la coalition avaient lancé plus de 1 600 raids aériens contre l’EIIL en Iraq (les premiers ayant eu lieu le 8 août 2014). Ils avaient aussi livré plus de 1 200 raids aériens sur des cibles de l’EIIL en Syrie depuis le 23 septembre 2014[119].

De nombreux États membres de la coalition ont apporté des contributions non militaires – par exemple la collecte et l’échange de renseignements – aux efforts déployés dans la région. Certains ont aussi aidé à endiguer le flux de combattants étrangers – des ressortissants de différents pays du monde qui vont suivre l’entraînement de l’EIIL et combattre avec le groupe en Syrie et en Iraq – et à priver l’EIIL de ses sources de financement. L’aide humanitaire est un autre élément important de la réponse internationale. Mme Pearce, du PAM, a informé le Comité que, par exemple, l’Arabie saoudite avait versé une contribution de 500 millions de dollars américains pour aider les populations déplacées en Iraq et qu’elle avait aussi accordé un certain montant au PAM à l’intention des réfugiés syriens[120]. Le ministre Baird a mis en évidence l’aide offerte par l’Arabie saoudite, affirmant qu’elle « a été incroyablement généreuse en ce qui concerne l’aide humanitaire[121] ».

Le 15 août 2014, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2170 (2014), qui renforçait les mesures internationales prises contre l’EIIL, le Front al‑Nosra, basé en Syrie, et les entités affiliées à Al‑Qaïda. La résolution déplore et condamne « dans les termes les plus forts » les actes de terrorisme commis par l’EIIL et son idéologie extrémiste violente, et exige que l’EIIL, le Front al‑Nosra ainsi que les entités et les individus associés à Al‑Qaïda « mettent fin à tous les actes de violence et de terrorisme et qu’ils désarment et se dissolvent immédiatement ». La résolution demande aussi à tous les États membres de l’ONU de prendre des mesures nationales pour endiguer le flux de « combattants terroristes étrangers » qui rejoignent les rangs de l’EIIL, du Front al‑Nosra et de tout autre groupe affilié à Al‑Qaïda « conformément au droit international applicable[122] ».

Le mois suivant, le président Barack Obama a dirigé une session du Conseil de sécurité de l’ONU qui a surtout porté sur le renforcement des mesures internationales prises en réaction à la menace que constituent les combattants étrangers se rendant dans les zones de conflit, notamment en Syrie et en Iraq. La session s’est terminée par l’adoption de la résolution 2178 (2014), selon laquelle tous les États doivent veiller à ce que le fait de voyager dans le but de commettre des actes de terrorisme ou de s’entraîner à cette fin, de même que le financement ou le soutien d’activités du genre, soient considérés comme des infractions pénales graves et donnent lieu à des poursuites en justice[123].

Plus récemment, le 12 février 2015, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2199 (2015), qui approuve certaines mesures ciblant les sources de financement de l’EIIL, du Front al‑Nosra et de toute autre entité considérée comme étant associée à Al‑Qaïda. La résolution condamne tout commerce direct ou indirect avec ces groupes, notamment le commerce de pétrole, de produits pétroliers, de biens culturels et d’autres antiquités qui, selon ce que le Conseil a remarqué, ont été pillés et volés en Iraq et en Syrie. La résolution exprime aussi la détermination du Conseil à faire en sorte que les otages soient libérés en toute sécurité « sans que soient versées des rançons ni accordées de concessions politiques, conformément aux règles applicables du droit international ». Enfin, la résolution rappelle l’importance que tous les États membres de l’ONU s’acquittent de leur obligation de veiller à ce que leurs ressortissants et quiconque se trouve sur leur territoire ne fassent aucun don aux entités et aux individus désignés[124].

B.  Rôle du Canada

Le Canada contribue aux efforts de la coalition opposée à l’EIIL depuis août 2014. Le premier ministre Harper a alors annoncé qu’un appareil CC‑130J Hercules et un transporteur CC‑177 Globemaster III de l’Aviation royale canadienne aideraient au transport de matériel militaire fourni par les alliés aux forces combattant l’EIIL en Iraq. Entre le 28 août et le 26 septembre 2014, les Forces armées canadiennes (FAC) ont effectué 25 vols de transport stratégique et acheminé plus de 1,6 million de livres matériel militaire aux forces iraquiennes de sécurité[125].

En septembre 2014, le gouvernement du Canada a annoncé le déploiement pendant 30 jours de membres des Forces d’opérations spéciales du Canada, chargés de « conseiller le gouvernement iraquien sur les façons de permettre aux forces de sécurité dans le Nord du pays à devenir plus efficaces face à la menace que constitue l’EIIL[126] ». Cette mission de conseil et d’assistance a plus tard été prolongée. À propos des objectifs de la mission, Rob Nicholson, qui était alors ministre de la Défense nationale[127], a dit au Comité que les 69 membres des FAC fournissaient « de l’instruction et du soutien essentiels aux forces de sécurité iraquiennes ». Il a par ailleurs ajouté ce qui suit :

Les peshmergas ont besoin d’instruction sur l’utilisation d’équipement, la maintenance et la réparation, la navigation terrestre, les compétences nécessaires sur le champ de bataille, les communications, le commandement et le contrôle et les soins de combat. Ils ont aussi besoin de conseils et d’assistance directs dans la planification stratégique et tactique, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’intégrer l’appui aérien assuré par la coalition internationale[128].

Le 7 octobre 2014, le Parlement du Canada a adopté une motion appuyant la fourniture de ressources militaires canadiennes dans le cadre de la lutte contre l’EIIL, y compris une capacité de frappes aériennes[129]. La motion porte sur une période maximale de six mois[130]. Comme l’a précisé le ministre Nicholson, le Canada avait déployé, à la fin d’octobre 2014, quelque 600 membres des FAC – qui « appuient et exécutent des opérations aériennes et fournissent des conseils tactiques et stratégiques » – ainsi que six chasseurs CF‑18 Hornet, deux aéronefs de patrouille Aurora et un aéronef de ravitaillement Polaris[131].

À sa comparution devant le Comité, à la fin de janvier 2015, le ministre Nicholson a indiqué que les équipages des chasseurs CF‑18 avaient effectué plus de 200 sorties et plus de 25 frappes contre des objectifs de l'EIIL, notamment des armes et de l’équipement lourds, des installations de production de dispositifs explosifs de circonstance, des bunkers, des véhicules et des positions de combat :

En endommageant ou en détruisant de telles ressources, non seulement les Forces armées canadiennes dégradent‑elles les capacités de combat de l’EIIL et empêchent‑elles les combattants de l’EIIL d’établir des refuges, mais elles permettent aux forces de sécurité iraquiennes d’évoluer plus librement et en sécurité. D’autre part, nos Hornet ont permis d’assurer la livraison en toute sécurité de l’aide humanitaire en assurant une couverture pour les avions de transport de la coalition chargés de larguer des approvisionnements aux civils iraquiens[132].

Le ministre Nicholson a aussi dit au Comité que les aéronefs de patrouille Aurora avaient effectué plus de 60 missions où ils avaient recueilli des renseignements et des données de surveillance et de reconnaissance indispensables permettant de repérer et de frapper des objectifs, en plus d’évaluer les dégâts de combat[133].

En ce qui a trait à l’aide non létale, M. Gwozdecky a signalé que le MAECD avait fourni 10 millions de dollars d’assistance aux forces de défense et de sécurité kurdes. Cette aide a pris la forme d’équipement de protection essentiel, comme des casques, des gilets pare‑balles et des engins télécommandés de détection d’explosifs, de même que du soutien logistique, dont des véhicules de transport, des jumelles, des ordinateurs et des récepteurs GPS[134].

Pour ce qui est les besoins humanitaire, le ministre Baird a fait savoir au Comité que, au cours de la dernière année, « le Canada a versé plus de 80 millions de dollars pour répondre à la crise iraquienne[135] ». Ce montant comprend, notamment une somme de 10 millions de dollars destinée au Programme alimentaire mondial pour l’aider à fournir une aide alimentaire à près de 1,5 million de personnes; le versement de 9 millions de dollars au Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés afin d’aider quelque 1,3 million de personnes déplacées; une contribution de 5 millions de dollars au Comité international de la Croix‑Rouge pour fournir de l’eau potable, des installations d’assainissement et de l’aide alimentaire et financière, et pour soutenir trois hôpitaux et neuf cliniques; et une somme de 5 millions de dollars servant à procurer des refuges et des fournitures de secours d’urgence aux populations du Nord de l’Iraq[136]. L’aide humanitaire comprend aussi une somme de 8 millions de dollars qui a été versée au Fonds des Nations Unies pour l’enfance, et plus précisément à l’initiative « Non à une génération perdue », qui répond aux besoins en éducation et en protection des enfants touchés par le conflit en Iraq[137].

Au sujet du conflit qui déchire la Syrie, M. Gwozdecky a mentionné que le Canada avait contribué pour 400 millions de dollars à l’aide humanitaire; de cette somme, 9,5 millions ont été réservés aux Syriens qui ont dû se réfugier en Iraq[138].

Le Comité a appris que le Canada prend des mesures pour venir en aide aux victimes de violence sexuelle et d’autres violations des droits de la personne commises par l’EIIL. M. Gwozdecky a dit au Comité que le Canada soutient des agences de l’ONU et d’autres organisations humanitaires partenaires qui se consacrent à la prévention de la violence sexuelle en Iraq et à l’intervention. Il a ajouté que le Canada appuie les efforts du Fonds des Nations Unies pour la population qui vise à répondre aux besoins des femmes et des filles, dont les victimes de sévices sexuels, en Syrie[139]. En outre, M. Gwozdecky a confirmé que le gouvernement du Canada avait annoncé récemment la mise en œuvre d’une initiative avec Minority Rights Group International, une ONG internationale qui documente les violations des droits de la personne visant les groupes vulnérables en Iraq.

En réaction à la crise des réfugiés dans la région, le gouvernement du Canada a annoncé, le 7 janvier 2015, qu’il accepterait 10 000 réfugiés syriens et 3 000 réfugiés iraquiens supplémentaires[140]. Les réfugiés syriens devraient s’installer au Canada d’ici trois ans, et les réfugiés iraquiens, d’ici la fin de 2015[141].

Outre l’aide militaire et humanitaire, le ministre Baird a parlé d’autres manières dont le Canada contribue aux cinq champs d’action de la coalition. Il a fait remarquer que le Canada travaille avec ses partenaires internationaux pour freiner les déplacements des combattants étrangers, par exemple en finançant les efforts régionaux qui visent à limiter l’arrivée de combattants étrangers en Iraq et en Syrie[142]. Pour sa part, M. Gwozdecky a dit au Comité que le MAECD met en œuvre une initiative régionale pluriannuelle de 5 millions de dollars qui est destinée à accroître les capacités régionales de repérer et d’intercepter les combattants étrangers dans les pays sources, de transit et de destination[143].

De plus, le ministre Baird a indiqué que, sur la scène nationale, le Canada avait renforcé ses lois « pour empêcher les Canadiens radicalisés de devenir un élément du problème[144] ». À cet égard, l’EIIL a été inscrit sur la liste des organisations terroristes en vertu du Code criminel du Canada[145].

Le Canada réagit également à l’EIIL en faisant la promotion de la liberté de religion. L’ambassadeur Bennett a dit au Comité que les programmes canadiens relatifs à la liberté de religion font partie de la stratégie globale du Canada visant à corriger la situation en Iraq et à aider les victimes de l’EIIL. Il a observé que ces programmes contribuent « au développement d’un Iraq stable qui adhère pleinement à la liberté de religion, car seul un gouvernement unifié, pluraliste et représentatif peut surmonter la crise actuelle[146] ». Le Bureau de la liberté de religion du MAECD évalue présentement différents projets conçus pour resserrer le dialogue interconfessionnel en Iraq et jeter les fondations d’un environnement où les minorités religieuses seraient en sécurité et respectées.

C.  Besoin de freiner l’avancée de l’EIIL

On a aujourd’hui l’impression que l’EIIL est en perte de vitesse. En effet, depuis août 2014, les frappes aériennes menées par la coalition en Iraq et en Syrie, de même que les opérations terrestres conduites par les forces iraquiennes de sécurité et les combattants kurdes, ont tué des milliers de combattants de l’EIIL et des hauts dirigeants du groupe, détruit une partie de son matériel et de son infrastructure, et coupé certaines des voies d’approvisionnement de l’EIIL entre la Syrie et l’Iraq[147].

Vers la mi‑décembre 2014, les peshmergas ont brisé le siège des monts Sinjar que maintenait l’EIIL. Par ailleurs, selon des indications du département américain de la Défense, les forces iraquiennes, appuyées par la coalition, préparent peut‑être une offensive afin de reprendre Mossoul au cours des prochains mois[148]. À la fin de janvier 2015 – après des mois où cours desquels la coalition dirigée par les Américains avait lancé des frappes aériennes afin de soutenir la campagne défensive des forces kurdes sur le terrain – l’EIIL a été chassé de Kobani, une ville syrienne située près de la frontière turque, qui était assiégée depuis des mois par des combattants du groupe terroriste.

Le 29 janvier 2015, le ministre Nicholson a fait savoir au Comité que « l’avancée de l’EIIL a été interrompue et contenue » :

Malgré une récente tentative ratée de lancer une offensive, l’EIIL évolue maintenant essentiellement en mode défensif. Sa liberté de mouvement et sa capacité de communiquer ont été réduites. Les forces de sécurité iraquiennes, en comptant sur le soutien aérien de la coalition, ont regagné beaucoup de terrain dans l’Ouest, le Nord et le centre de l’Iraq, de même que dans les environs de Bagdad[149].

Le ministre a ajouté, par la suite :

L’EIIL a été contraint de reculer et montre des signes de dépassement. La puissance et les capacités des forces de sécurité iraquiennes sont à la hausse. Les efforts de la coalition en vue de les aider leur donnent l’espace, les compétences et la confiance dont elles auront besoin pour vaincre l’ennemi sur le terrain.[150]

Dans son témoignage, Daveed Gartenstein‑Ross, agrégé supérieur à la Foundation for Defense of Democracies, a aussi exprimé l’avis que l’EIIL est en perte de vitesse, comme le démontre, notamment le fait que le groupe n’a gagné aucun « nouveau territoire majeur » depuis octobre 2014. M. Gartenstein-Ross a ajouté que les attaques aériennes ont détérioré l’état des armements lourds de l’EIIL. Puisque celui‑ci n’a aucune capacité industrielle pour reconstituer ses stocks, il est obligé d’attaquer des bases militaires iraquiennes et syriennes[151].

Les témoins ont dit que les développements politiques en Iraq étaient une autre raison d’être optimiste. Comme il a déjà été mentionné, un nouveau gouvernement d’unité nationale a été approuvé en septembre 2014, dirigé par le premier ministre Haïder al‑Abadi. Matteo Legrenzi, professeur à l’Université Ca’ Foscari de Venise, a dit que la démission de l’ex‑premier ministre, Nouri al‑Maliki, qui a permis la formation du nouveau gouvernement, avait été « un pas dans la bonne direction », en notant que « le problème politique fondamental qui se pose en Iraq, c’est la nature du régime imposé par le gouvernement précédent […][152] ».

Le Comité a appris que le gouvernement al-Abadi faisait des efforts pour établir des ponts avec les minorités religieuses et ethniques de l’Iraq. On a aussi constaté, en décembre 2014, un développement important concernant le différend entre le gouvernement central et le Gouvernement régional du Kurdistan, qui fournit un bon contingent contribuant à l’efficacité de forces de sécurité du pays. Bagdad a pu conclure avec le GRK un accord sur le partage des revenus pétroliers, mettant ainsi fin à un bras de fer politique. L’accord augmente les chances de compromis politique et de réchauffement des relations entre les deux gouvernements[153].

Cependant, en dépit des progrès récents, la lutte contre l’EIIL en Iraq continue de présenter certains défis. En effet, même s’il a perdu du terrain dans certaines régions, l’EIIL maintient son contrôle sur Mossoul – deuxième ville en importance d’Iraq –, Falloujah, Ramadi et des parties de Tikrit, et il menace toujours d’autres villes, dont Kirkouk et Baiji. Le groupe montre aussi qu’il est encore capable de lancer des attaques sporadiques, comme il l’a fait récemment à Al Baghdadi, une ville du centre de la province d’Anbar, et à Haditha, plus grande ville de l’Ouest de la province.

De plus, des témoins ont parlé de divisions interconfessionnelles non résolues en Iraq, un problème examiné plus loin dans le rapport. Les témoins ont laissé entendre que, de manière générale, la durabilité des gains réalisés en matière de sécurité sur le terrain dépendra de la mesure dans laquelle le nouveau gouvernement de l’Iraq appliquera véritablement les réformes destinées à favoriser la réconciliation et une gouvernance plus inclusive.

Dans le cas de la Syrie, l’EIIL continue de contrôler des territoires et de menacer des populations dans le Nord et l’Est du pays, notamment dans le gouvernorat de Raqqa, bastion du groupe. Parallèlement, la guerre civile fait toujours rage entre le régime Assad et l’éventail des forces de l’opposition.

CONTEXTE STRATÉGIQUE ET VOIE À SUIVRE

Les témoins qui se sont présentés devant le Comité estimaient qu’il était impératif sur le plan stratégique de maintenir l’engagement du Canada dans la lutte contre la violence et l’instabilité causées par l’EIIL.

La menace d’une plus grande déstabilisation dans la région est particulièrement préoccupante. En fait, au moment où le Comité tenait sa dernière réunion sur cette question, un groupe affilié à l’EIIL ou s’inspirant de son idéologie aurait décapité en Lybie 21 chrétiens coptes égyptiens qui avaient été enlevés par l’EIIL. Le gouvernement égyptien a alors lancé des frappes aériennes contre des cibles dans l’Est de la Lybie[154]. La situation y était précaire même avant les actes commis par l’EIIL. Depuis le renversement du régime de Kadhafi, le pays est divisé en bases de pouvoir concurrentes – dans un conflit opposant diverses milices et groupes islamistes – au point où le gouvernement reconnu internationalement ne peut siéger dans la capitale de Tripoli[155].

Au sujet du contexte régional, Ellen Laipson (Stimson Center) a indiqué dans son exposé devant le Comité :

Pendant un certain temps, nous pensions que le problème existait seulement en Syrie et en Iraq, mais maintenant, nous comprenons que la Jordanie est menacée et que cela pourrait aussi bientôt être le cas de l’Arabie saoudite. Le Liban a certainement déjà été touché, et il y a également d’autres pays qui seront aux prises avec ce problème pendant un certain temps[156].

En ce qui concerne l’intervention stratégique optimale face à la situation au Moyen‑Orient, Mme Laipson estime que « nous devrons tous faire preuve d’une certaine humilité en nous demandant, déjà, si c’est un problème que nous pouvons régler, et en acceptant les limites et les défis du rôle que nous pouvons jouer en tant qu’étrangers[157] ».

Lors d’une autre audience tenue par le Comité, plusieurs témoins ont été interrogés sur les situations complexes en Syrie et en Iraq; on leur a demandé en particulier si la meilleure option s’offrant aux gouvernements occidentaux serait d'éviter une intervention directe et de laisser le temps aux factions sur le terrain de règler leurs divergences. À cet égard, M. Legrenzi a mentionné qu’une « stratégie de négligence pernicieuse » a été tentée pendant un certain temps au cours du conflit qui persiste toujours en Syrie et qui opposait alors, d’un côté, les militants du Hezbollah appuyés par l’Iran et, de l’autre, les groupes d’Al-Qaïda. M. Legrenzi soutenait que cette stratégie « n’a pas fonctionné, et l’État islamique a ensuite envahi rapidement l’Iraq ». Il a ajouté sans détour : « [N]ous n’avons pas le choix que de maintenir notre engagement, et pas seulement pour les motifs humanitaires, mais aussi pour des raisons stratégiques[158] ».

Au sujet de la crise en Syrie, Andrew Tabler a dit : « Nous avons essayé de confiner la situation. Nous avons essayé de contenir la crise syrienne. » Cette approche, a-t-il soutenu, a été « un échec après la percée de l’État islamique à Mossoul, parce que la guerre en Syrie n’a jamais été qu’un simple soulèvement. Il y avait un conflit sectaire sous-jacent dans la région ». Selon lui, dans l’état actuel des choses, « près de la moitié de la population syrienne est déplacée, et les deux tiers déplacés se trouvent dans des pays voisins […] le confinement a failli il y a longtemps. Nous pouvons bien souhaiter que les choses aient été différentes, mais ce n’est pas le cas ». M. Tabler préconise plutôt « l’adoption d’une politique d’affirmation, pas d’agression, mais d’affirmation ». Pour lui, l’affirmation signifie « un engagement qui n’est pas purement diplomatique, mais qui prévoit aussi l’utilisation intelligente de la force militaire au bon moment pour faire avancer les choses dans une direction ou dans une autre afin d’en venir à une entente finale[159] ».

Rabea Allos était d’accord que la situation ne peut être contenue de l’extérieur. En date de l’audience, c’est-à-dire au début de décembre 2014, il estimait qu’il fallait « réagir de façon dynamique » car, disait-il, « il y a eu deux attaques terroristes au Canada au cours des six dernières semaines » et les rapports font état de Canadiens qui se rendent en Iraq et en Syrie pour combattre auprès de l’EIIL[160].

D’autres témoins ont expliqué pourquoi la menace de l’EIIL revêt une si grande importance pour le Canada et ses alliés. À une réunion tenue à la fin de janvier 2015, le ministre Nicholson a affirmé que l’EIIL menaçait les intérêts stratégiques du Canada, au pays comme à l’étranger. Au Comité, il a dit :

L’EIIL ne constitue pas une grave menace uniquement pour cette région du monde; ce groupe constitue aussi un grave danger pour le Canada et pour le monde entier. L’EIIL a appelé ses sympathisants partout dans le monde à cibler ceux et celles qui n’épousent pas son idéologie en recourant à tous les moyens à leur disposition, peu importe le niveau de barbarie. Au cours des dernières semaines, nous avons vu à quel point de telles exhortations peuvent causer des dommages, alors que des attentats terroristes ont frappé Paris et que des douzaines d’individus ont été arrêtés en France, en Belgique et en Allemagne en rapport avec de présumés complots terroristes.
Par ailleurs, l’EIIL a expressément menacé le Canada et les Canadiens en incitant ses sympathisants à tuer les incroyants canadiens de n’importe quelle manière[161].

Dans une autre audience du Comité, Jonathan Dahoah Halevi a indiqué ceci :

L’État islamique menace les intérêts stratégiques canadiens en raison de sa détermination immuable, axée sur la religion, consistant à refaire la carte du Moyen-Orient, à effacer les frontières existantes, à unir le monde musulman sous son étendard et à mener une politique étrangère djihadiste selon laquelle la civilisation occidentale est l’ennemi numéro un[162].

De l’avis de M. Halevi, vu la nature de la menace, le monde occidental « ne peut pas se permettre de demeurer simple spectateur[163] ».

Dans les observations finales qu’il a présentées au Comité en septembre 2014, le ministre Baird a indiqué :

[…] je vous demande, alors que nous réfléchissons sur la nécessité d’agir ou sur les modalités de notre action, qu’arrivera-t-il si nous n’agissons pas. Qu’arrivera-t-il si le Canada ne fait pas tout son possible pour faire cesser cette barbarie? Pourrons-nous, dans 10 ans, nous regarder dans le miroir sans nous reprocher notre inaction? Dans cette situation, on ne trouve pas de réponse facile, de remède à action rapide, et il y aura forcément des perdants. Dans notre confort quotidien, ici, au Canada, nous pourrions facilement ignorer le problème. En cours de route, on pourrait juger opportun d’écarter certaines options sous prétexte qu’elles ne correspondent pas à l’orientation initiale de la mission, mais la triste réalité est que l'inaction est hors de question[164].

Prêchant en faveur d’une intervention, le ministre Baird a fait valoir que les idées ou l’idéologie que l’EIIL cherche à promouvoir doivent être anéanties. Le Ministre a exposé le problème que pose l’EIIL en ces termes :

Nous affrontons aujourd’hui l’un des groupes de terroristes les plus barbares que le monde ait connus jusqu’à présent. Il ne s’agit pas ici du problème de quelqu’un d’autre. Ces terroristes sont un groupe d’individus qui veut imposer ses méthodes barbares partout, du sud de l’Espagne jusqu’en Inde.
Sa vision du monde tente de remettre en question les valeurs de l’Occident et représente une menace envers la sécurité et la stabilité internationales[165].

Le Ministre est d’avis que cette « lutte contre le terrorisme est l’une des plus importantes de notre génération[166] ».

Comme il en sera question dans les autres parties du présent rapport, il faudra adopter une approche multidimensionnelle à long terme pour vaincre l’EIIL. Il faudra en miner les capacités sur le terrain, expurger les villes de sa présence et lui couper les sources de financement, l’armement et les recrues. Mais, tel que mentionné précédemment, pour combattre l’EIIL, il faut aussi l’affronter sur le plan des idées en vue d’en amenuiser l’influence et l’attrait qu’il peut présenter. En d’autres termes, il faut venir à bout des combattants et de l’idéologie de l’EIIL.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Pour se maintenir comme organisation terroriste et force militaire, l’EIIL a besoin de bien plus que des armes et des munitions. Il a besoin de financement pour soutenir ses actions, de l’afflux continu de recrues pour mener bataille et d’un message idéologique pour alimenter son soutien.

A.  Sources de financement de l’EIIL

Peu de renseignements détaillés ont été communiqués au Comité au sujet des sources de financement du groupe ou des aspects financiers de ses activités. Il s’agit là de questions qui évoluent en fonction des événements en Syrie et en Iraq. En règle générale toutefois, les témoins ont signalé qu’il est primordial de perturber les sources de revenus de l’EIIL pour le renverser. Le révérend El Shafie a affirmé que pour vaincre l’EIIL, « nous devons interrompre son financement[167] ». Selon M. Halevi, « la coalition doit s’attaquer prioritairement et sérieusement à la question précise du financement[168] ».

Pour ce qui est des sources de financement externes, M. Allos estime qu’« il faut que des pressions internationales soient exercées sur certains des intervenants de la région afin qu’ils cessent de soutenir l’État islamique sur les plans financier et logistique, que le soutien vienne directement du gouvernement ou de particuliers[169] ». Mme Momani a indiqué pour sa part que les « sympathisants » du Golfe – non pas les États, mais des personnes – envoyaient de l’argent à l’EIIL[170]. M. Tabler a dit au Comité : « [C]es fonds ont été très substantiels au départ ». Cependant, il a dit, « Ce n’est plus nécessairement le cas maintenant[171] ». Rod Sanjabi, directeur exécutif de l’Iran Human Rights Documentation Center, a également affirmé qu’« avec toute cette attention internationale, les particuliers envoient moins de fonds à l’EIIL[172] ».

L’une des caractéristiques organisationnelles remarquables de l’EIIL, qui le distingue de la plupart des autres organisations terroristes, est sa capacité à produire ses propres fonds, d’où la menace particulière qu’il représente. M. Tabler a déclaré que l’EIIL « est probablement l’un des groupes les plus autonomes que nous avons vu naître, surtout, mais non seulement, au sein de la communauté sunnite dans le Moyen-Orient[173] ». M. Akhavan a également fait mention de la capacité de financement du groupe et a signalé que, contrairement à Al-Qaïda, l’EIIL « est un État qui a des ressources qu’il peut utiliser pour amasser des fonds sur le marché noir[174] ». Parmi ses sources de financement, des témoins ont indiqué que le groupe recourt à l’extorsion, au kidnapping et aux rançons, au prélèvement d’impôts, à des vols de banque et à la vente de pétrole sur le marché noir.

Comme il est indiqué, priver l’EIIL de ses sources de financement est l’un des cinq champs d’action de la coalition internationale. Donica Pottie, directrice, Politique des conflits et Secrétariat de la cohérence en matière de sécurité au MAECD, a confirmé que le Canada cherche à bloquer les ressources financières de l’EIIL par l’entremise du Groupe d’actions financières (GAFI) et du Manama Meeting on Combating the Financing of Terrorism[175].

À la fin de février 2015, le GAFI a publié un rapport résumant les principales sources de financement de l’EIIL et ses activités financières, et exposant les mesures pouvant être prises pour bloquer ces sources. Le résumé du rapport décrit l’étude comme un « instantané »,

des lacunes persistent et d’autres travaux s’imposent pour qu’on puisse dresser un tableau complet des activités financières de l’EIIL ainsi que pour déterminer les mesures qui permettraient le mieux d’empêcher l’EIIL d’utiliser les fonds accumulés en bloquant ses sources de financement. Le mode de financement du groupe change constamment; c’est une question très difficile et compliquée compte tenu de la situation opérationnelle sur le terrain[176].

Parallèlement, le rapport du GAFI indique que le financement « est un élément central et fondamental » des activités de l’EIIL. Par conséquent,

la nécessité d’obtenir des sommes considérables pour répondre aux besoins en matière d’organisation et de gouvernance constitue un point vulnérable de l’infrastructure de l’EIIL. Pour assurer sa gestion financière et assumer les dépenses dans les secteurs où il est présent, l’EIIL doit pouvoir s’emparer de territoires additionnels afin d’en exploiter les ressources. On ignore si, avec le temps, l’EIIL pourra continuer de tirer des revenus illicites des territoires qu’il occupe, notamment par l’extorsion et le vol. Le priver de ces vastes sources de revenus représente à la fois un défi et une occasion qui s’offre à la communauté mondiale d’anéantir cette organisation terroriste[177].

Au demeurant, il semble qu’il faille en faire davantage pour comprendre le fonctionnement de l’EIIL du point de vue financier et pour l’affaiblir à ce niveau. L’ensemble des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU dont il a été question précédemment – 2170 (2014), 2178 (2014) et 2199 (2015), ainsi que les résolutions antérieures du Conseil au sujet de la lutte contre le financement d’activités terroristes – sont des outils essentiels et des points d’ancrage pour les efforts de la communauté internationale.

B.  Recrutement

Le Comité a appris que l’EIIL recrute des gens de partout dans le monde, y compris des citoyens canadiens. Selon le MAECD, environ 130 Canadiens se sont rendus dans les zones de conflit, y compris en Syrie et en Iraq. On croit qu’ils participent aux activités terroristes, c’est-à-dire aux combats de première ligne, ainsi qu’aux activités de financement, de planification opérationnelle et de propagande en ligne[178].

Le Comité a également appris que l’EIIL attire des gens de nombreux pays. Une étude réalisée par le Centre international d’étude sur la radicalisation et la violence politique (ICSR), établi au Royaume‑Uni, corrobore ces observations. Se fondant sur des données suffisantes ou sur des estimations gouvernementales fiables au sujet de 50 pays, l’ICSR a évalué que, en janvier 2015, le nombre d’étrangers qui avaient rejoint les rangs d’organisations militantes sunnites en Syrie et en Iraq dépassait 20 000[179]. Selon cette étude, les combattants étrangers proviennent en grande partie de la Tunisie (1 500–3 000), de l’Arabie saoudite (1 500–2 500), de la Jordanie (1 500), du Maroc (1 500), de la Russie (800–1 500), de la France (1 200) et du Liban (900)[180]. Le ministre Baird a dit au Comité que les combattants étrangers « posent un risque pour les pays dans lesquels ils vont, de même que pour leur pays d’origine[181] ».

L’information fournie au Comité montre l’importance des outils en ligne pour la propagande et le recrutement de l’EIIL. Le groupe se sert des médias sociaux pour joindre les jeunes, pour inculquer sa vision du monde et pour communiquer de l’information sur ses activités parmi les membres et les sympathisants. À propos du terrorisme en général et de l’utilité des médias sociaux pour le terrorisme, M. Gartenstein-Ross a indiqué :

Le terrorisme est habituellement un phénomène de groupe, car en général, pour convaincre une personne de commettre un geste extrême comme un acte terroriste qui gâchera sa vie, il faut que quelqu’un renforce sa propension à l’extrémisme. Or, les médias sociaux remplacent de plus en plus les activités de groupe d’autrefois. Autrement dit, les médias sociaux peuvent être l’organisation terroriste. Voilà qui modifie les scénarios de radicalisation et accélère le processus. Je dirais donc, d’une part, que les gens sont radicalisés plus rapidement et, d’autre part, qu’ils sont plus nombreux à le faire[182].

Cela étant dit, M. Gartenstein-Ross a ajouté : « Dans le cas de l’EIIL, je doute cependant que le modèle soit durable[183] », vu la nature des messages de l’EIIL, dont il sera question dans la partie suivante du rapport.

Comme on l’a mentionné précédemment, interrompre l’afflux de combattants étrangers est une préoccupation internationale – en témoigne la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU 2178 (2014) – et l’un des cinq champs d’action de la coalition. Les conflits en Iraq et en Syrie engendrent le risque que certains individus pourraient acquérir une expérience de combat et accèder, ou être formé, par des réseaux terroristes, ce qu’ils pourraient ensuite utiliser contre des cibles dans d’autres pays, y compris dans leur propre pays, d’où la nécessité de s’attaquer au problème des combattants étrangers en faisant de la prévention.

C.  Discours anti-radicalisation

Un autre champ d’action de la coalition consiste à délégitimiser l’idéologie du groupe. M. Gwozdecky (MAECD) a signalé au Comité :

Si nous voulons vaincre l’extrémisme, nous devons mener une bataille idéologique, une bataille qui dénonce la propagande extrémiste pour ce qu’elle est, à savoir des appels pervers à une légitimité religieuse et historique dépourvue de substance et ancrée dans l’intolérance et la lâcheté[184].

Le Comité a appris qu’un élément important de l’élaboration du discours anti-radicalisation passe par une campagne de sensibilisation pouvant dépeindre l’EIIL tel qu’il est, c’est-à-dire une organisation terroriste qui commet des atrocités.

M. Gartenstein-Ross a mentionné que le groupe est passé maître dans l’art de transmettre des messages :

Si vous examinez ses vidéos, vous constaterez que la qualité de la production est remarquable. Le montage est pratiquement de qualité professionnelle. Le groupe comprend vraiment le petit jeu des médias sociaux, et il sait tirer parti de Twitter et se rapprocher des jeunes, mieux qu’Al-Qaïda n’a jamais vraiment pu le faire. Il tire pleinement avantage de tous les médias sociaux, ce qui constitue un avantage extraordinaire[185].

Malgré ces avantages, ou forces organisationnelles, le Comité a appris que le Canada et les partenaires de la coalition peuvent saboter le discours que l’EIIL cherche à répandre et ainsi exposer les faiblesses de l’organisation.

Sur le plan militaire, le Comité a appris que l’EIIL tente d’afficher un caractère invincible et incontournable, gonflant son importance pour enclencher un mouvement. Or, comme on l’a déjà mentionné, le groupe est en perte de vitesse. M. Gartenstein-Ross juge le groupe « particulièrement vulnérable, bien plus que le discours public ne le laisse entendre ». Il a signalé un certain nombre de pertes et d’événements récents qui « peuvent illustrer clairement leur perte d’élan », notamment le fait qu’il a perdu les monts Sinjar, qu’il éprouve des difficultés logistiques et que Mossoul est de plus en plus encerclée. M. Gartenstein-Ross est d’avis que les messages dépeignant cette réalité ne sont pas diffusés[186].

En ce qui concerne les stratégies qui pourraient nuire à la présence de l’EIIL en ligne, Mme Momani a parlé de la technique qui consiste à diffuser des messages publicitaires montrant des imams bien connus qui s’en prennent au discours extrémiste et apparaissant avant les vidéos horribles sur YouTube[187]. M. Gartenstein-Ross a fait mention d’une initiative du Département d’État américain appelée Think Again Turn Away,[188] qui utilise les médias tels que Twitter, YouTube et Facebook « pour exposer les faits au sujet des terroristes et de leur propagande[189] ».

Pour s’attaquer au discours de l’EIIL, il faut également s’en prendre aux éléments religieux de ce discours. Les membres du groupe se présentent comme de saints guerriers qui se portent à la défense de l’islam. Or, les actions du groupe travestissent grossièrement la religion. Le ministre Baird a déclaré : « Cette organisation terroriste dénature les valeurs de l’islam, et ses membres se présentent comme les défenseurs de l’islam authentique. Nous devons trouver des moyens de contrer le message de l’EIIL et de montrer sa vraie nature[190] ».

Une bonne campagne de sensibilisation doit également dénoncer la brutalité du groupe. M. Gartenstein-Ross a fait remarquer que de nombreux partisans de l’EIIL ne semblent pas croire que le groupe commet des atrocités. Pour miner le soutien accordé au groupe, il est donc important de montrer ces atrocités, y compris les meurtres de civils musulmans commis sans discernement. Comme l’a souligné M. Gartenstein-Ross, l’EIIL « a également commis de graves violations à la loi islamique, même du point de vue d’un salafiste djihadiste ». En général, dit-il, « ils ont des messages qui agiront sur eux comme des bombes. Plus nous pouvons faire en sorte que cela se fasse rapidement, mieux ce sera[191] ».

Il faut également faire appel aux chefs religieux et communautaires pour contrer l’idéologie haineuse de l’EIIL et pour aider ceux qui s’y opposent à développer leurs plateformes pour diffuser les messages. Le Bureau de la liberté de religion du Canada peut faire partie de cette stratégie. M. Bennett, ambassadeur du Bureau, a fait état des travaux accomplis par le Bureau pour encourager les pays dans la région à parler « plus directement de la façon dont l’EIIL déforme l’islam au profit de ses objectifs et de son idéologie extrémiste[192] ». À cet égard, il a indiqué que le message d’Amman – une déclaration qui a été publiée en 2004 et qui invite à la tolérance et à l’unité dans le monde musulman – est une initiative à laquelle se joindront les Canadiens aux côtés des Jordaniens et d’autres personnes dans la région.

En ce qui concerne les propos, ainsi que la question du recrutement, des témoins ont signalé la nécessité d’enrayer et de prévenir la radicalisation au Canada. M. Halevi a affirmé que ces idées extrémistes « existent et se répandent au Canada » et il a fourni des exemples de déclarations qui, a-t-il dit, sont formulées par des associations et par des particuliers, incluant des imams, au Canada[193]. Pour sa part, M. Allos a déclaré : « Il y a au Canada des membres du clergé qui sont wahhabites, qui font partie des Frères musulmans ou d’autres groupes semblables et qui enseignent aux jeunes qu’il faut haïr les gens qui sont différents d’eux[194] ». Lors d’une autre réunion du Comité, on a demandé si des mosquées ou des établissements d’enseignement au Canada servaient à la radicalisation, et M. Mansur a répondu : « Oui, tout à fait. » Il a ajouté : « Partout au Canada, en Amérique du Nord et en Europe, un grand nombre de mosquées servent essentiellement d’incubateurs à l’islam politique. D’une certaine façon, elles appuient les valeurs défendues par l’EIIL[195] ». On a demandé à Tarek Fatah s’il partageait cet avis, ce à quoi il a répondu : « Certainement[196] ».

Pendant son témoignage, M. Halevi a formulé des recommandations concernant les services de renseignement, les politiques nationales en matière de sécurité et les moyens d’action du Canada. Il recommande, entre autres de « faire preuve de moins de tolérance envers l’incitation à la violence et les discours haineux[197] ». À la question de savoir si les sociétés démocratiques comme le Canada peuvent venir à bout de l’extrémisme, tout en conservant la liberté d’expression et la liberté religieuse, Thomas Farr estime que la solution réside dans « un discours amélioré ». Il a dit : « Je pense que la liberté religieuse est la réponse à ces imams, pour en encourager d’autres à les contredire publiquement et à les faire parler, pour offrir d’autres choix aux musulmans canadiens qui les écoutent[198] ».

RENFORCEMENT DE L’IRAQ

Toute la complexité du problème que pose l’EIIL pour la coalition internationale devient évidente lorsqu’aux questions traitées dans la partie précédente au sujet de la lutte contre le terrorisme s’ajoutent les parties suivantes, qui portent sur des questions propres aux deux pays (l’Iraq et la Syrie) – et une région (le Moyen-Orient). Comme il l’est expliqué précédemment, il faut opposer à l’EIIL une intervention antiterroriste, au pays comme à l’étranger, pour l’empêcher d’attirer de nouvelles recrues ou d’obtenir d’autres appuis. Il faut également renverser l’EIIL en Syrie et en Iraq, dans le territoire qu’il occupe et où les Iraquiens, les Kurdes et les forces de la coalition s’emploient à l’affaiblir. Dans la perspective du Canada et des autres membres de la coalition, pour vaincre l’EIIL, il faut non seulement comprendre les contextes nationaux de deux sociétés fort complexes, mais également recourir à une intervention stratégique qui soit adaptée à ces deux sociétés et qui vise à soutenir les initiatives locales.

En ce qui concerne la situation en Iraq, l’étude du Comité fait ressortir les besoins humanitaires criants qui existent dans le pays. Une aide supplémentaire est nécessaire dans certains secteurs, notamment en matière de sécurité alimentaire et de logement. Des témoins ont signalé le besoin de services destinés aux nombreux enfants déplacés et touchés par le conflit; ces enfants doivent avoir accès à l’éducation et, de façon plus générale, à des espaces de vie, d’apprentissage et de jeu sûrs et adaptés à leurs besoins. Des témoins ont également indiqué qu’il faudra venir en aide aux personnes qui ont subi de la violence et des agressions de la part de l’EIIL (ce qui inclut la violence sexuelle et sexospécifique). À long terme, bon nombre de ces personnes, en particulier celles qui ont été enlevées et détenues par l’EIIL, auront besoin d’une aide pour se réinsérer dans la société et vivre une vie normale. Il ne fait aucun doute que les besoins humanitaires en Iraq sont considérables. Et comme l’a mentionné au Comité Mme Pearce, du Programme alimentaire mondial : « Les enjeux sont élevés ». Elle a ajouté : « Pour mettre un terme au cercle vicieux du sectarisme et de la violence, il faut à la fois répondre aux besoins essentiels et restaurer les droits fondamentaux de la population iraquienne[199] ».

L’étude du Comité indique également que la situation dans laquelle l’Iraq est plongé reflète non seulement une crise sur les plans humanitaire et de la sécurité, mais aussi une crise politique qui s’est développée pendant des années. Des témoins ont laissé entendre qu’il ne sera pas possible de vaincre l’EIIL en Iraq à moins de régler les problèmes politiques et sociaux qui sont à l’origine de la montée du groupe dans ce pays. Autrement dit, la solution ultime au problème en Iraq doit être de nature politique et elle doit être fondée sur l’application complète de réformes dans les domaines de la gouvernance et de la sécurité de même que sur une réconciliation sociale.

A.  L’héritage de méfiance et d’exclusion

Des témoins ont indiqué à quel point le gouvernement iraquien était devenu exclusif sous le régime Maliki, au terme duquel l’EIIL a fait irruption dans l’Ouest et dans le Nord de l’Iraq en 2014. M. Gwozdecky (MAECD) a expliqué au Comité :  « La marginalisation des sunnites en Irak est à la source de la réapparition de l’EIIL au pays. Donc, on ne saurait trop insister sur l’importance de l’inclusivité[200] ».

Les années de sectarisme et de corruption ont sans doute permis à l’EIIL de s’emparer de territoires, comme en témoigne l’absence apparente de résistance dans certaines régions du pays à majorité sunnite. M. Legrenzi a résumé les divisions qui caractérisent maintenant les politiques et la société iraquiennes :

[…] le régime sectaire et fondé sur l’exclusion qu’impose le gouvernement central à Bagdad rend une grande partie de la population vivant dans les zones contrôlées par l’État islamique réceptive à un message de libération, si trompeur et violent que soit ce message. Il faut que ces gens soient convaincus du fait qu’ils seraient en sécurité si un gouvernement central reprenait le contrôle du pays[201].

Mme Momani a exprimé un point de vue semblable. Selon elle, l’EIIL a d’abord bénéficié du soutien de certaines parties de la Syrie et de l’Iraq « surtout du fait qu’il était le diable qu’on ne connaissait pas, par opposition à ceux de Damas et de Bagdad qu’on connaissait trop bien pour tout le sang qu’ils avaient sur les mains[202] ». 

Selon une évaluation effectuée par l’organisation du révérend El Shafie, l’EIIL a pu entrer en Iraq avec « 1 500 à 1 800 combattants ». Il soutenait qu’avec un si petit nombre, le groupe ne pouvait pas « prendre le contrôle de 40 % du pays, y compris la deuxième ville en importance, Mossoul ». À son avis, la réalité est telle que, après les années du régime Maliki, « les chiites ont tellement persécuté les sunnites et d’autres minorités qu’ils ont dû coopérer avec l’État islamique pour survivre[203] ».

Des témoins estiment que, pour chasser définitivement l’EIIL de l’Iraq, il faut retrancher du groupe la population sunnite; cela faciliterait du moins grandement la tâche. Il faut aussi limiter tout soutien dont pourrait jouir le groupe parmi ces communautés. C’est l’avis de Mme Momani, qui juge nécessaire de déterminer comment renverser le courant « politiquement et socialement, dans ces régions dominées par les sunnites pour faire en sorte que l’EIIL ne trouve pas d’alliés sur le terrain[204] ».

B.  Réforme du secteur de la sécurité

La politique d’exclusion, la montée du sectarisme et la corruption sapent également les forces de sécurité iraquiennes. M. Legrenzi a expliqué au Comité que le personnel militaire de l’EIIL comprend d’anciens officiers baasistes (ex-membres de l’armée de Saddam Hussein) qui, a-t-il dit, « se sont montrés très efficaces sur le terrain, assurément plus efficaces que la majeure partie de l’armée iraquienne stationnée à Mossoul, dans le nord du pays[205] ». Outre les problèmes d’efficacité opérationnelle – les rapports montrent clairement que des membres des forces armées n’ont pas pris la peine de saboter leur équipement avant de prendre la fuite – M. Legrenzi a signalé les problèmes de corruption dans les forces de sécurité iraquiennes :

Demandons-nous pourquoi trois divisions de l’armée iraquienne se sont tout simplement dissoutes. C’est en grande partie parce que les soldats n’étaient pas là. Il y a plus de 50 000 soldats fantômes dans cette armée, et il s’agit là de l’estimation du gouvernement Iraquien[206].

Même en considérant l’armée existante, il semble que d’autres problèmes se posent, en particulier pour ce qui est de la représentation des divers groupes ethniques et religieux en Iraq.

Selon Mokhtar Lamani, ex-ambassadeur de l’Organisation des Nations Unies – Ligue des États arabes et membre du Bureau du représentant spécial conjoint pour la Syrie, quand l’EIIL est arrivé à Mossoul, « [p]ersonne ne considérait l’armée iraquienne comme une armée nationale ». Certains « très haut gradés de l’armée » lui ont dit que l’armée actuelle « compte moins de 5 % de sunnites et moins de 2 % de Kurdes », mais cela est difficile à vérifier. Il a ajouté : « Elle est appuyée par des milices chiites qui sont au moins aussi dangereuses que l’État islamique[207] ».

On a demandé à Mme Momani à quoi ressemblerait une coalition nationale qui serait en mesure de renverser l’EIIL. Mme Momani a signalé qu’une telle coalition avait déjà été formée dans le passé (la Sahwa ou le Réveil sunnite) et qu’elle avait pu contrer le prédécesseur de l’EIIL en Iraq, l’AQI/ISI. Elle a expliqué que l’approche utilisée consistait pour l’essentiel à amener des conseils de tribus locales qui assuraient la sécurité dans les zones sunnites à porter l’uniforme iraquien et à leur verser un salaire. Elle a cependant dit au Comité : « [L]orsque le gouvernement de Maliki est arrivé au pouvoir et que les Américains sont partis, il leur a supprimé toutes leurs décorations, il a cessé de verser les salaires et il leur a dit : “Vous êtes des sunnites, rentrez chez vous.” » Et de conclure : « [I]l faut donc inverser cette tendance; c’est la façon la plus simple[208] ».

Par ailleurs, M. Lamani a signalé les erreurs qui ont été commises dans le contexte du Réveil, en particulier le traitement réservé par le gouvernement al-Maliki aux forces locales après qu’on eut sapé les forces d’AQI/ISI. Ses commentaires donnent à penser qu’il faut prendre en considération, cette fois-ci, l’exclusion des forces sunnites de l’appareil de sécurité de l’État iraquien. De leur point de vue, a-t-il dit, les tribus sunnites ne veulent pas participer à nouveau au combat et « mettent [leur] vie en péril pour rien[209] ».

Comme il ressort clairement de ce qui précède, l’Iraq a besoin d’une armée qui soit efficace et qui cherche à défendre les intérêts du pays. Selon le révérend Niaz Toma, il est possible de renverser l’EIIL à long terme en aidant « le gouvernement iraquien à mettre sur pied une armée forte loyale à l’Iraq, et non à une affiliation religieuse ou aux pays voisins et à exercer des pressions pour qu’il le fasse[210] ». La création d’une telle armée n’est cependant pas une mince affaire; en témoignent les années d’instruction fournie par l’armée américaine aux forces de sécurité iraquiennes avant 2011.

Comme il en a été question précédemment, plusieurs membres de la coalition internationale fournissent une formation à différentes composantes des forces de sécurité iraquiennes, incluant l’armée iraquienne, comme le fait le Canada avec les forces kurdes, les peshmergas. On a demandé à Mme Momani si le Canada devrait envisager un engagement supplémentaire autre qu’une mission de combat pour contribuer à la formation de l’armée iraquienne; elle a répondu : « Oui, absolument ». Selon elle, l’armée canadienne a beaucoup à offrir : elle peut enseigner des techniques tactiques et logistiques et elle peut aussi « montrer comment l’on peut avoir une armée inclusive dans une société tout à fait multiculturelle. Ce sont là des facteurs très importants dans un pays [l’Iraq] qui a été déchiré par le sectarisme ». Même si ce n’est pas facile, a-t-elle précisé, « nous sommes vraiment l’armée au monde qui est la mieux placée pour le faire à cause de notre avantage comparatif, notre société multiculturelle[211] ».

À une question semblable, M. Legrenzi a fait valoir que le Canada devrait exiger une réforme du secteur de la sécurité en contrepartie de son soutien. Il a indiqué au Comité qu’avant d’investir des ressources, « on doit s’assurer que ces soldats étrangers ont la volonté de combattre, et surtout, qu’ils ne se mettront pas à terroriser leur propre population, comme cela a souvent été le cas dans les régions qui sont en présence ou sous l’emprise du groupe État islamique[212] ».

Tout au long de son témoignage, M. Legrenzi a insisté sur le fait que le secteur de la sécurité iraquien doit rendre compte davantage de ses actes, de la compétence de l’armée et de l’établissement de la sécurité en général. Comme il l’a expliqué, « l’enjeu central, c’est la réforme du secteur de la sécurité en Iraq. Sans une réforme du secteur de la sécurité en Iraq, nous en serons encore au même point dans deux ou trois ans, même si l’État islamique est expulsé d’Iraq[213] ». Autrement dit, le succès de ces réformes influera sur la viabilité des gains en matière de sécurité remportés contre l’EIIL sur le terrain. De l’avis de M. Legrenzi, une fois que le territoire sera repris à l’EIIL, « on peut être certain que, dans deux ou trois ans, un autre groupe d’insurgés fera son apparition[214] » si les membres des forces de sécurité iraquiennes rentrent dans l’ornière où les populations locales étaient terrorisées et marginalisées sur le plan politique et où on extirpait de l’argent à la population aux points de contrôle.

Pour réformer le secteur de la sécurité en Iraq, il faudra examiner les problèmes liés au rôle des nombreuses milices locales iraquiennes, dont certaines ne sont pas soumises au gouvernement central[215]. Il semble que ces milices, dans certaines régions, comblent l’absence d’une armée nationale efficace.

Des témoins ont exposé le lien entre les milices chiites, appelées « unités de mobilisation populaire », et le secteur de la sécurité de l’Iran[216]. S’agissant de la situation en Iraq à la fin de novembre 2014, M. Akhavan a mentionné que « la plupart des progrès réalisés sur le terrain sont l’œuvre des peshmergas qui travaillent conjointement avec les soldats de la Garde révolutionnaire iranienne[217] ». Signalant qu’il est nécessaire de dissocier la minorité sunnite iraquienne de l’EIIL et de tout groupe sympathisant, le ministre Baird a indiqué : « Le rôle des milices chiites est incroyablement néfaste et a tout fait, sauf rallier des amis[218] ». Pour sa part, M. Legrenzi estime que le problème exige « une révision en profondeur du régime du gouvernement central irakien, ainsi qu’une marginalisation des groupes sectaires qui s’alignent sur le gouvernement ». Du reste, il reconnaissait que, l’an dernier, les mêmes miliciens « ont été amenés du Sud pour empêcher que Bagdad ne soit prise ». Selon lui, le paradoxe se résume au fait que ces gens sont « les soldats sur lesquels on pouvait compter pour se battre, et pourtant, ils exacerbent le problème[219] ».

C.  Réforme de la gouvernance

Comme on l’a indiqué précédemment, la question de la sécurité en Iraq est liée aux récents problèmes de gouvernance de même qu’aux tensions et divisions sectaires. En général, les témoins s’accordaient à dire que le pays a besoin d’une gouvernance inclusive et, plus précisément, d’une vision de la gouvernance tenant compte de l’ensemble des régions du pays et de tous les membres de la société iraquienne.

Les partenaires de l’Iraq ont salué l’annonce d’un nouveau Cabinet iraquien en septembre 2014. S’adressant au Comité le lendemain de l’annonce, le ministre Baird a déclaré : « [I]l faudra plus qu’une intervention militaire pour remporter cette bataille. Il est primordial que le gouvernement à Bagdad règle les vrais problèmes qui existent depuis plus de 10 ans[220] ». Plus tôt au cours de la réunion, il a expliqué que « les dirigeants doivent aussi dépasser les clivages ethniques et religieux et travailler ensemble pour répondre aux besoins de tous les Irakiens, sans distinction de religion ou de race ». À ce propos, il a précisé qu’il est « très important » que l’Iraq soit non seulement constitué d’un cabinet qui ne fait pas preuve de discrimination, mais aussi « qu’il se dote d’un programme qui tend la main aux Kurdes, aux sunnites et autres autres minorités[221] ».

D’après les témoignages fournis par le Ministre et de hauts fonctionnaires du Ministère à la fin de janvier 2015, on est fondé à penser que la situation politique de l’Iraq s’est améliorée au cours des derniers mois, mais que d’autres améliorations sont nécessaires. Selon M. Gwozdecky, le nouveau gouvernement « s’est doté d’une plate-forme inclusive, exactement conforme à ce que la communauté internationale lui demandait de faire […] mais nous sommes encore loin de la mise en oeuvre complète de cette plate-forme[222] ». Le ministre Baird a dit au Comité : « Le gouvernement irakien a pris des mesures pour régler les problèmes de sécurité du pays et pour réduire le sectarisme et la corruption. » Il a cependant ajouté que « le gouvernement irakien doit accélérer la mise en oeuvre de ces réformes[223] ».

D.  Reconstruction et réconciliation

Globalement, pour que l’Iraq s’engage dans la voie de la sécurité, de la stabilité et de la paix, en ne laissant pour compte aucun de ses citoyens, il faudra un engagement soutenu de la part des dirigeants iraquiens et le soutien des pays partenaires échelonné sur plusieurs années. Il faudra l’apport des dirigeants iraquiens et celui des partenaires pour prévenir d’autres cycles de violence dans le pays.

Quelques témoins ont mentionné que l’Iraq avait été éprouvé par de nombreuses années de conflits et de déplacements de population, une situation exacerbée par les offensives de l’EIIL en 2014. Mme Pearce (Programme alimentaire mondial) a rappelé au Comité que « l’Iraq a vu son développement arrêté par une succession de conflits[224] ». Par conséquent, des efforts de reconstruction s’imposeront au terme des combats.

Comme l’a laissé entendre un témoin, le processus de reconstruction pourrait commencer par la prestation de services essentiels au niveau national et du gouvernorat ainsi qu’à l’échelon local. Mme Laipson a fait observer que le sectarisme pourrait être « mis en sourdine » ou « atténué » « dans la mesure où les services sont fournis ». Les services essentiels comprennent les services publics, les écoles et les routes. Mme Laipson a indiqué que la prestation de services par le gouvernement « ferait beaucoup pour atténuer le repli identitaire, car si les gens ne disposent pas des services essentiels, ils ont tendance à se dissocier de leur gouvernement[225] ».

En général, l’Iraq a besoin d’un système de gouvernance qui a nettement mieux à offrir que l’option des groupes extrémistes, qu’il s’agisse des services ou de la protection. Mme Momani est d’avis que pour renverser la tendance en Iraq – ainsi qu’en Syrie – il faudra une excellente option politique en remplacement de l’EIIL. Autrement dit, il faut une réponse toute prête à la question : « Si nous nous débarrassons de l’EIIL demain, qui prendra sa suite? » À propos des jours qui suivront l’affaiblissement de l’EIIL, Mme Momani a expliqué au Comité : « Si vous n’apportez pas des institutions viables pour combler le vide, un nouvel acronyme viendra le combler[226] ».

D’après les témoignages présentés au Comité, l’affaiblissement de l’EIIL devra également être suivi d’une réconciliation entre communautés. C’est ce qu’illustre la situation des personnes éloignées de leurs collectivités dans les régions multiethniques et multiconfessionnelles du Nord de l’Iraq. Le Comité a appris que ces personnes ont besoin d’aide pour réintégrer leurs foyers et reprendre une vie normale dans la mesure du possible. Sollicitant le secours du Canada, M. Hétu a évoqué, exemples à l’appui, le cas de personnes qui avaient essayé de rentrer chez elle dans le Nord de l’Iraq pour constater que « tout avait été détruit ». L’EIIL avait planté des mines dans le peu qui restait[227].

Selon Mme Saeed, parlementaire iraquienne et yézidie, il faut veiller à ce que les personnes déplacées puissent retourner chez elles. Au Comité, elle a déclaré :

Tout ce que nous voulons, c’est pouvoir vivre en paix sur notre territoire. Nous ne voulons pas quitter notre territoire: c’est ici que je suis née, que mon père est né, que mon grand-père est né. Nous voulons rester ici et vivre à nouveau en paix sur notre territoire[228].

Le territoire en question, les monts Sinjar dans le Nord de l’Iraq, abrite 20 à 30 lieux saints; il est au cœur de l’histoire et des traditions des Yézidis[229].

Cela étant dit, au terme du conflit en Iraq, lorsque beaucoup de gens pourront réintégrer leurs foyers, il importera au plus haut point de rebâtir la confiance entre les communautés. Au sujet de la situation à laquelle font face les chrétiens déplacés dans le Nord de l’Iraq, le révérend Toma a expliqué qu’« ils ne font pas confiance au gouvernement irakien, ils ne font pas non plus confiance à leurs voisins musulmans qui ont accueilli l’État islamique et appuyé ses actes[230] ». L’évêque Mar‑Emmanuel abonde dans ce sens : « Il existe désormais énormément de méfiance entre les chrétiens et les musulmans ordinaires. Pour les chrétiens, ces musulmans qui ont accueilli à bras ouverts l’EIIL ont trahi à tout jamais une confiance fondamentale[231] ». Selon lui, il faudra probablement « au moins une génération avant que les choses ne se replacent ou qu’il y ait une réconciliation[232] ».

La nécessité d’une réconciliation est nettement ressortie de l’exposé présenté au Comité par les représentants de la Yezidi Human Rights Organization-International. L’organisme a l’impression que la communauté yézidie a été abandonnée par le gouvernement kurde et par les forces armées qui, selon lui, se sont retirés de la région de Sinjar à mesure que progressait l’EIIL, laissant les gens « sans défense ». Faisant allusion aux événements de 2014, Khalid Haider a affirmé que ce n’est pas la première fois que les Kurdes « trahissent » les Yézidis; il a indiqué que les Kurdes auraient quitté une région habitée par les Yézidis avant qu’elle ne soit bombardée en 2007 par AQI/ISI.[233] Parlant de la situation qui existait au début de décembre 2014, M. Haider a également affirmé qu’une grande partie de l’aide humanitaire fournie au gouvernement kurde ne parvenait pas aux Yézidis déplacés. À la lumière des contextes entourant ces déclarations et les déclarations précédentes, il semble que la réconciliation, bien qu’absolument nécessaire, ne se fera pas aisément ni rapidement.

RÉPONDRE AU CONFLIT EN SYRIE

En raison de la progression fulgurante de l’EIIL en 2014, l’attention internationale s’est tournée en bonne partie vers l’Iraq. Cependant, la guerre civile généralisée en Syrie se poursuit, intensifiée par la montée de l’EIIL et d’autres groupes extrémistes qui jouent un rôle de premier plan en Syrie parmi l’éventail fragmenté de factions armées non étatiques. Il est clair que la situation actuelle est des plus complexes. Bien qu’il existe une stratégie globale et précise pour affaiblir l’EIIL en Iraq, dirigée par le gouvernement central en partenariat avec la coalition internationale, l’approche au problème de la Syrie reste plus floue et se prête à des débats de fond[234].

En ce qui concerne la voie optimale à suivre en Syrie, il n’y a apparemment pas d’options stratégiques certaines ou faciles. On ne saurait trop insister sur la difficulté de concevoir une politique qui, tout à la fois, châtie les crimes du régime Assad, contrôler l’influence des groupes extrémistes, empêche la fragmentation du pays et facilite la transition politique vers un modèle de gouvernance viable accepté de tous les Syriens. Le régime Assad est une partie belligérante de taille à un conflit qui a coûté la vie à non moins de 200 000 personnes. En même temps, on s’interroge sur le régime/la personne qui pourrait remplacer Assad, en particulier à la lumière des difficultés qui se présentent aux éléments modérés restants de l’opposition armée en Syrie[235], qui subissent des pressions du régime, d’une part, et des groupes extrémistes, d’autre part; il faut également signaler la violence inouïe infligée au fil du conflit – incluant les tactiques de siège et les bombardements aériens du régime – ainsi que la radicalisation grandissante ainsi facilitée.

Cela étant dit, l’EIIL est présent en Syrie et en Iraq, et ignore la frontière entre les deux pays. Pour lui, ce territoire fait partie du califat autoproclamé[236]. Qui plus est, tel qu’indiqué au début du présent rapport, l’EIIL n’existe dans sa forme et sa force actuelles que parce qu’il a pu se regrouper et s’étendre en Syrie durant les années qui ont suivi la campagne menée contre son prédécesseur (AQI/ISI) dans l’Iraq voisine. On voit donc mal comment l’EIIL pourrait être complètement défait s’il conserve un bastion en Syrie, une situation à laquelle a donné lieu le conflit qui secoue tout le pays.

Bien que les efforts déployés jusqu’à maintenant pour trouver une solution politique aient été vains, les témoignages présentés au Comité donnent à penser qu’il est autant nécessaire de régler le conflit en Syrie par des voies politiques qu’il l’était quand le Comité a étudié la situation au début de 2014[237]. Parallèlement, alors qu’on cherche toujours une solution durable au conflit en Syrie, il y a un besoin clair et urgent de maintenir l’aide humanitaire et l’aide au développement destinées aux personnes qui ont été touchées et déplacées à l’intérieur de la Syrie et dans la région.

A.  Crise humanitaire prolongée

Les affrontements en Syrie, qui ont commencé il y a cinq ans, constituent maintenant la plus grande crise humanitaire dans le monde. M. Fischer a expliqué au Comité que la crise avait atteint une ampleur « sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale[238] ». La situation n’a fait qu’empirer depuis la parution du rapport du Comité sur la Syrie en mai 2014. L’étendue de la crise qu’a suscitée dans la région l’afflux de réfugiés en est un exemple. Au moment où le Comité achevait son rapport, plus de 2,6 millions de réfugiés syriens avaient été dénombrés dans la région, principalement en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Iraq. Le 15 mars 2015, ce nombre se situe aux environs de 3,9 millions[239]. En tout, près de la moitié de la population de la Syrie d’avant la guerre a été déplacée.

Outre les secours humanitaires requis, de nombreux points soulevés au cours des réunions tenues par le Comité au début de 2014 demeurent d’actualité, notamment la violation flagrante des lois et règles internationales qui est maintenant monnaie courante dans ce conflit. L’acheminement de l’aide humanitaire demeure également difficile. En Syrie, quelque 4,8 millions de personnes se trouvent dans des régions difficiles d’accès et environ 212 000 d’entre elles sont assiégées[240].

M. Fischer a également rappelé au Comité les conséquences du conflit pour les enfants. Il a affirmé que « selon certaines estimations, 5,6 millions d’enfants – soit environ la population totale du Grand Toronto – ont besoin d’une aide vitale[241] ». Faisant état des préoccupations de la communauté humanitaire au sujet du potentiel d’une « génération perdue » d’enfants et de jeunes syriens, M. Fischer était d’avis qu’« on ne pourra garantir un avenir durable pour la Syrie si on ne parvient pas à travailler avec les enfants et les jeunes syriens qui ont dû fuir […] afin de les doter des compétences dont ils ont besoin pour rebâtir leur pays[242] ».

Dans son témoignage devant le Comité, Mme Abdo a exposé certains effets régionaux du conflit en s’attardant à la situation au Liban. Selon des statistiques officielles, « les réfugiés syriens représentent le quart de la population du Liban », une estimation qu’elle juge modeste. Elle considère qu’au Liban, « la situation est critique, et ce depuis longtemps, depuis le début de la guerre en Syrie ». Elle a dit au Comité que « les gouvernements occidentaux doivent absolument régler la crise des réfugiés au Liban » pour ne pas que ce pays devienne un autre État en péril[243]. M. Hétu a également parlé de la situation au Liban : « Il y a beaucoup d’incursions. » Mais les Libanais, a-t-il dit, « s’efforcent de ne pas tomber dans une nouvelle guerre civile. Ils sont conscients du danger et ils ne veulent pas y retomber[244] ».

B.  Solution politique

Des témoins ont indiqué que le règlement du conflit en Syrie – jusqu’ici une proposition illusoire – doit demeurer une priorité. La voie à suivre pour en arriver à un règlement politique est cependant vague et pavée de difficultés.

Prenons par exemple le régime d’Assad qui, de l’avis d’Andrew Tabler (Washington Institute for Near East Policy), est « à la base un régime inflexible et entièrement composé d’une minorité[245] ». Il y a peu de chances, selon lui, que ce régime, dominé par la minorité alaouite du pays, procède à sa propre réforme dans un proche avenir. Or, la population syrienne est majoritairement sunnite. M. Tabler a fait valoir que la seule façon de « miner l’État islamique politiquement, c’est d’éloigner les gens qui soutiennent cette organisation ou qui sont forcés de le faire, les sunnites, de celle-ci et des djihadistes pour les orienter vers un autre type d’ententes politiques […] Cela exige un règlement politique, qui, de l’avis de M. Tabler est un objectif « encore très loin d’être atteint[246] ». Interrogé sur ce qu’il pensait des frappes aériennes américaines contre des cibles de l’EIIL en Syrie au début de décembre 2014, il a répondu qu’elles avaient « profité énormément » au président Assad. Selon M. Tabler, bien qu’elles affaiblissent l’EIIL en Syrie, elles rendent également « une véritable solution au problème » d’autant plus illusoire[247].

Le futur rôle du président Assad dans la gouvernance de la Syrie demeure une question litigieuse et non résolue. M. Akhavan a mentionné qu’on n’a pas encore trouvé comment réagir « aux crimes très graves » du régime Assad qui, selon lui, a réussi à se présenter comme « le moindre de deux maux » face à l’émergence de l’EIIL. Il a indiqué : « Tant que ces problèmes sous-jacents ne seront pas réglés, il ne saura y avoir de stabilité ni de solution valable à long terme[248] ». 

M. Tabler a indiqué deux raisons pour lesquelles il serait « inadmissible » de permettre au régime d’Assad de « reconquérir » la Syrie :

d’une part, la nature du combat que cela suppose et le fait que le régime Al-Assad n’ait aucune légitimité à cause des gestes qu’il a posés au cours des dernières années, et, d’autre part, le fait que le régime Al-Assad a conclu une alliance avec la République islamique d’Iran et ses forces armées, dont les rangs sont plus garnis que jamais et dont l’influence en Syrie est inouïe en raison du soutien qu’elles ont offert au régime pendant le soulèvement. Cela risque de déstabiliser l’équilibre établi dans l’ensemble du Moyen-Orient entre les gouvernements et les forces armées soutenues par l’Iran, et de façon générale, les gouvernements composés de sunnites ou soutenus par ces derniers, et cela rend la situation beaucoup plus explosive[249].

M. Tabler estime qu’il est nécessaire de « dresser un plan pour écarter le président Assad ». En général, les sunnites « ne cachent pas » qu’ils sont favorables au départ du président Assad dans le cadre d’une transition en Syrie, et avec un tel plan, a-t-il dit, « on verrait les partis régionaux s’asseoir à la table et se montrer disposés à en faire beaucoup, beaucoup plus pour vaincre l’État islamique et à travailler avec nous dans l’avenir pour ce qui est de stabiliser le Moyen-Orient[250] ».

M. Tabler a terminé son exposé en soutenant qu’« on ne peut contrer la menace de l’État islamique sans en arriver à un règlement en Syrie, et un véritable règlement en Syrie doit avoir pour résultat l’expulsion des familles Al-Assad et Makhlouf et de l’actuel gouvernement de la Syrie[251] ». Le processus que cela suppose, a-t-il concédé, est « le sujet du débat ». Il a cependant ajouté :

Tant et aussi longtemps que ces personnes resteront, je crois que la Syrie sera déchirée. Tant et aussi longtemps qu’elle sera déchirée, les espaces non gouvernés seront un terreau fertile pour l’extrémisme et généreront des extrémistes qui compromettent la sécurité du monde, pas seulement pour les Syriens, les Irakiens et les gens de la région, mais aussi pour nous en Europe, au Canada et aux États-Unis[252].

Des pourparlers diplomatiques aux Nations Unies ont porté récemment sur un projet de « gel » des hostilités entre le régime et les forces de l’opposition dans la ville d’Alep. Le projet émane de l’envoyé spécial du Secrétaire général en Syrie et se veut la pierre d’assise qui pourrait redémarrer un processus politique[253].

CONTRER L’EXTRÉMISME AU MOYEN-ORIENT

Tel que clairement indiqué dans le présent rapport, l’EIIL est une organisation terroriste qu’il faut contrer. Toutefois, comme on le mentionne dans une partie précédente décrivant le contexte régional dans lequel le groupe a vu le jour, il existe des problèmes plus vastes qu’il faut prendre en considération dans le cadre d’une stratégie à long terme visant à réfréner l’extrémisme violent au Moyen‑Orient.

La première question est celle de la gouvernance. Certes, de nombreux facteurs contribuent à la montée de l’EIIL et d’autres groupes extrémistes en Syrie, en Iraq et dans la région, mais les failles dans le domaine de la gouvernance et les vides politiques qui en découlent ont facilité la montée de ces groupes. Une autre question qui a été portée à l’attention du Comité est la liberté religieuse. On a fait valoir que la promotion de la liberté religieuse, comme moyen d’accroître la tolérance et le respect de la diversité, pouvait contribuer à contenir l’extrémisme. M. Gwozdecky (MAECD) a expliqué au Comité que la « seule solution possible à long terme » pour venir à bout de l’extrémisme, en Iraq et en Syrie, « est l’inclusion politique, une meilleure gouvernance ainsi qu’un respect des libertés religieuses et des droits humains. Cette solution politique doit venir des Iraquiens et des Syriens, mais le Canada s’est engagé à faire des efforts politiques et diplomatiques à long terme à l’appui de cet objectif[254] ».

A.  Gouvernance

Mme Abdo a fait valoir que, malgré la difficulté de la tâche, « nous devons aider les sociétés arabes à adopter une forme différente de gouvernance qui se situe quelque part entre l’extrémisme islamique et la dictature, puisque ce sont deux pôles qui se disputent le pouvoir depuis maintenant 30 ans[255] ». En ce qui concerne le rôle du Canada dans ce processus, M. Akhavan était d’avis que « le Canada devrait envisager un engagement significatif à long terme dans la région ». Plus particulièrement, a-t-il dit, « le Canada, de concert avec les pays qui ont des vues similaires, devrait mettre à contribution son influence diplomatique et ses autres ressources pour dissuader, et décourager les puissances régionales de se servir de l’extrémisme comme d’un instrument de pouvoir ». Il a ajouté que le Canada peut « déployer des efforts, de concert avec d’autres pays, pour contrebalancer ses intérêts commerciaux avec des mesures visant à contrer la corruption endémique, laquelle est un autre terrain propice à l’extrémisme[256] ».

Comme il l’est indiqué précédemment, un certain nombre de témoins font une lecture passablement négative des événements survenus dans la foulée du Printemps arabe. On a demandé à Mme Laipson ce que l’Occident aurait pu faire différemment pour maintenir l’élan du Printemps arabe. Voici ce qu’elle a répondu :

Je pense que l’Occident s’est vraiment efforcé d’être utile pendant la première année du printemps arabe. Il a fait une contribution importante, le partenariat de Deauville, et a suggéré toute une série de mesures potentielles. Dans les faits, il n’est pas arrivé à offrir l’aide internationale, la création d’emplois, le soutien au secteur privé et tout cela suffisamment rapidement ou à suffisamment grande échelle[257].

Mme Laipson a parlé d’une « triste vérité », c’est-à-dire qu’« à l’ère de l’information médiatique, les gens ont rapidement décidé que le système ne fonctionnait pas ». Prenant le cas de l’Égypte en particulier, elle a fait observer : « Ils n’ont pas eu la patience d’attendre que la transformation s’opère[258] ».

Dans l’ensemble, Mme Laipson était d’avis que :

Nous ne devrions pas abandonner le Printemps arabe. Je pense toujours qu’il marquera dans l’histoire le point tournant où les sociétés arabes ont décidé de prendre position et de demander à avoir plus de pouvoir. Cela ne signifie pas que la route vers la démocratie sera sans embûches, mais je pense que les relations entre l’État et la société sont en train de changer dans le monde arabe. Nous venons simplement d’amorcer le processus[259].

L’expérience du Printemps arabe peut aussi indiquer que les gouvernements occidentaux doivent se doter d’outils de meilleure qualité et plus opportuns pour s’attaquer aux problèmes de gouvernance complexes et faciliter, lorsqu’on s’adresse à eux, les transitions politiques.

En ce qui a trait à la contribution particulière que peuvent fournir les pays comme le Canada, Mme Laipson a fait mention de bourses d’études pour les jeunes de la région :

Sortons-les du pays pour leur offrir une éducation et les exposer à d’autres sociétés multiculturelles tolérantes. Même si les programmes de bourses touchent habituellement un si petit nombre d’étudiants qu’on pourrait se demander comment ils pourraient avoir une incidence sur l’ensemble du pays, l’effet sur la vie personnelle est énorme quand on pense à ce qui se passe lorsque ces gens retournent chez eux et apprennent à être de meilleurs citoyens qu’ils ne l’auraient été s’ils avaient reçu leur formation au pays[260].

De l’avis de Mme Laipson, les bourses d’études ne représentent pas, à elles seules, une solution « suffisante » pour régler les problèmes de la région. Elle a cependant indiqué que « si l’on regarde l’histoire des dernières décennies, l’on peut voir comment une intervention auprès de jeunes de 18 ans venus faire des études de premier ou de deuxième cycle a pour effet de les inspirer à devenir des chefs de file dans leurs propres pays[261] ».

D’après les observations formulées par d’autres témoins, pour aborder la problématique dans la région, il convient d’examiner les façons de promouvoir les notions de pluralisme et de citoyenneté. Le père Elias Mallon a expliqué qu’« une des choses qui font gravement défaut partout au Moyen‑Orient, c’est le concept de citoyen, qui est justement le fondement même d’une société pluraliste ». Il a ajouté que « la démocratie sans la notion de citoyenneté peut finir par devenir la tyrannie de la majorité, comme nous l’avons vu ailleurs ». Selon lui, « [u]ne fois que nous aurons un lieu sûr où la société peut se développer », il nous faut une société civile dans laquelle tous les citoyens sont égaux et participent de la même façon, ce qui n’est pas le cas actuellement au Moyen-Orient[262] ».

M. Lamani a également abordé la notion de citoyenneté dans le contexte de la Syrie et de l’Iraq : « [L]orsqu’on discute de la constitution, dans cette partie du monde, elle devrait principalement être fondée sur deux principes : la citoyenneté égale et le respect du pluralisme. Ces éléments sont de grands absents dans les constitutions[263] ».

M. Akhavan a souligné la nécessité d’investir dans des programmes qui peuvent « consolider la société civile » et les « médias indépendants », ainsi que les « ressources éducatives qui facilitent la promotion du pluralisme et de la tolérance ». Selon lui, « [i]l est inacceptable de penser que cette région serait la seule à conserver une immunité quelconque contre les forces d’intégration historiques qui ont façonné toutes les autres régions[264] ». En général, M. Akhavan estimait que « nous devons investir beaucoup plus dans l’aide et la reconstruction pour recréer des institutions et des espaces politiques qui aideront ces sociétés à tourner le dos à la violence sectaire[265] ».

B.  Liberté de religion

D’autres témoins ont établi un lien entre la tolérance et la liberté de religion. En particulier, Thomas Farr a dit au Comité qu’au Moyen-Orient:

Malgré les efforts des courants progressifs occidentaux et inspirés par l’Occident, la religion demeure l’identité primaire des gens de cette région. Le corollaire, c’est que tout nouvel ordre politique devra au final se fonder sur la liberté religieuse, créant ainsi une équité, entérinée par la loi, entre toutes les communautés religieuses. En examinant l’histoire ainsi que les temps modernes, il devient clair que la liberté religieuse sera nécessaire si les sociétés qui accordent une grande place à la religion veulent être stables et se défaire de la violence et du terrorisme axés sur la religion[266].

Exposant le contexte dans lequel se sont déroulés les événements dans la région, M. Farr a indiqué que « tous les pays du Moyen-Orient qui exportent le radicalisme violent, après l’avoir fait mûrir, ont des motifs économiques légitimes ». Il a ajouté que « certains sont un héritage du passé ». Toutefois, selon lui, « tout cela explique très mal la part de cette version radicale de l’Islam dans cette manifestation du terrorisme[267] ».

M. Farr a également expliqué que la liberté de religion devrait être perçue comme un « outil antiterroriste » parce qu’elle « rend les musulmans libres de parler de leur religion de manière libérale ». Selon lui, l’objectif n’est pas « d’exclure l’Islam. Il s’agit plutôt de l’adapter aux normes fondamentales de l’autonomie[268] ».

S’agissant de la politique étrangère canadienne appliquée à la liberté religieuse, Andrew Bennett, ambassadeur (MAECD), a dit au Comité :

À l’étranger, cette liberté peut progresser non pas au moyen de simples conventions internationales qui la considèrent comme un droit fondamental, mais aussi grâce à l’expérience canadienne en matière de pluralisme. Puisque nous respectons et prônons la liberté de religion au Canada, il nous appartient d’en parler avec les pays où ce principe doit désespérément être réaffirmé et défendu[269].

En ce qui concerne l’approche du Canada dans ce domaine, M. Farr a mentionné que le Canada doit s’assurer que « le statut et l’autorité diplomatiques de son ambassadeur […] ainsi que les ressources » accordées au Bureau de la liberté de religion « sont suffisants pour lui permettre de communiquer aux autres pays et au corps diplomatique canadien que cette question est, et demeurera, une grande priorité aux yeux du gouvernement canadien[270] ».

Ces deux témoins ont parlé de cours sur la liberté de religion pour les diplomates. M. Farr a vivement recommandé au Canada de « former tous ses diplomates afin qu’ils comprennent ce que c’est la liberté religieuse, son importance à la fois pour les particuliers et les sociétés, pourquoi elle est importante au chapitre des intérêts nationaux canadiens, et comment la faire avancer[271] ». À ce propos, M. Bennett a souligné qu’on reconnaît l’importance de cette formation :

Cela nous ramène à un point que non seulement nos bureaux, mais aussi nombre de mes collègues ont observé lorsqu’ils ont été en poste à l’étranger ou même dans le cadre de leur travail à Ottawa. Ils ont constaté que la grande majorité des pays ont des valeurs religieuses très marquées. La religion et la foi dominent ou occupent une place non seulement dans le dialogue culturel que l’on perçoit, mais aussi dans le dialogue politique et socioéconomique où elles jouent un rôle social de premier plan[272].

Du point de vue de M. Bennett, « nous risquons de nous retrouver avec un sérieux angle mort diplomatique si nous n’arrivons pas à comprendre cette réalité[273] ».

M. Bennett a également indiqué au Comité que le MAECD a organisé l’an dernier une séance de formation d’une journée complète pour les diplomates et l’on espère en faire un programme de deux jours cette année. Dans une réponse écrite à une question concernant la formation dans le contexte du service diplomatique canadien, M. Farr a fait savoir qu’il conviendrait d’offrir cette formation « à différents moments » au cours de la carrière du fonctionnaire, lorsqu’il entre dans le service diplomatique, avant son départ pour une affectation (cette formation devrait être « axée » sur le pays en question) et lorsque la personne « occupe un poste de chef de mission adjoint ou d’ambassadeur[274] ».

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

La diversité des témoignages et des sujets abordés pendant l’étude du Comité confirme que le terrorisme international et l’extrémisme violent sont des problèmes complexes et multidimensionnels qui nécessitent une approche exhaustive et une réponse soutenue. Au demeurant, pour le Comité, la véritable nature de l’enjeu principal est clair : il faut neutraliser l’EIIL et juguler la violente idéologie qu’il prône.

Le Comité est d’avis que le Canada doit demeurer engagé avec ses alliés et qu’il ne peut ignorer la crise résultant de la montée de l’EIIL. Si ce dernier étend son emprise territoriale, et même s’il demeure dans les villes et les villages actuellement sous son contrôle, il continuera de commettre les atrocités décrites précédemment. Il pourrait également embraser toute la région. Qui plus est, en cherchant de nouveaux adhérents et en recrutant des combattants étrangers dans différents pays, dont le Canada, le groupe a un effet déstabilisateur sur la sécurité internationale.

Jusqu’à maintenant, la coalition internationale s’est surtout concentrée sur l’Iraq. Cette façon de faire convient au Comité. Toutefois, peu importe à quel point la situation générale peut sembler insurmontable dans la Syrie voisine, on ne peut ignorer que l’EIIL est actif en Syrie et en Iraq et qu’il fait fi des frontières. En définitive, pour vaincre l’EIIL, il faudra non seulement l’emporter sur le terrain en Syrie, mais aussi parvenir à une solution politique au conflit qui perdure dans ce pays.

Il est clair que bon nombre des problèmes exposés dans le présent rapport ne peuvent être réglés que par des intervenants locaux. Du point de vue du Comité, l’un des principaux messages à retenir de son étude est que les gains en matière de sécurité sur le terrain ne peuvent être durables que si ceux-ci sont accompagnés de véritables progrès et réformes politiques, un processus qui doit être mené et mis en œuvre à l’échelon local.

Il est clair également qu’il existe de véritables besoins que le Canada peut contribuer à combler, notamment en Iraq, non seulement par des secours humanitaires et par un soutien militaire, mais aussi par une aide visant à renforcer les institutions iraquiennes afin de favoriser l’inclusion politique et la réconciliation sociale. Le règlement des problèmes en Iraq et dans l’ensemble de la région nécessitera un engagement à long terme.

Le Comité présente les recommandations suivantes au gouvernement du Canada.

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de prendre part à la coalition internationale dirigée par les États-Unis, pour la mise en œuvre des cinq champs d’action de la coalition et la réalisation de l’objectif de vaincre l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL).

RECOMMANDATION 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’appuyer la mise en œuvre complète de la résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui vise à bloquer les sources de financement de l’EIIL et d’autres groupes extrémistes mentionnés, et la résolution 2178 (2014) qui, entre autres,

  • demande aux États Membres de coopérer, conformément à leurs obligations, au regard du droit international, à l’action menée pour écarter la menace que représentent les combattants terroristes étrangers, notamment en prévenant la radicalisation pouvant conduire au terrorisme et le recrutement de combattants terroristes étrangers.

RECOMMANDATION 3

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada collabore avec ses partenaires à l’étranger, les chefs religieux et communautaires, et la société civile pour contrecarrer l’idéologie extrémiste de l’EIIL en ligne et pour mettre au jour la nature, les visées et les actions violentes de l’EIIL.

RECOMMANDATION 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada offre son soutien au gouvernement iraquien pour favoriser la réforme du secteur de la sécurité de l’Iraq, notamment en offrant une formation aux forces de sécurité.

RECOMMANDATION 5

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada fournisse un soutien pour renforcer les institutions politiques et la société civile iraquiennes, ainsi que pour favoriser la citoyenneté et la gouvernance inclusives.

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de fournir une aide substantielle pour répondre aux besoins liés à la crise humanitaire en Iraq, notamment en rehaussant la sécurité alimentaire, en garantissant l’accès à des logements et à des refuges adéquats, de même qu’en fournissant des soins médicaux spécialisés, un soutien psychosocial et des services de réadaptation aux victimes des atteintes aux droits de la personne et aux victimes de violence, incluant la violence sexuelle et sexospécifique.

RECOMMANDATION 7

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada vienne spécifiquement en aide aux minorités religieuses et ethniques en Iraq qui ont été déplacées, afin qu’elles puissent réintégrer leurs foyers en toute sécurité et avec dignité, et qu’il favorise la réconciliation intercommunautaire en Iraq de façon générale.

RECOMMANDATION 8

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de soutenir la documentation des violations du droit international humanitaire et des violations du droit international des droits de la personne en Syrie et en Iraq.

RECOMMANDATION 9

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada collabore avec ses partenaires à l’étranger pour veiller à ce qu’on n’oublie pas les femmes et les filles qui ont été enlevées et tenues en esclavage par l’EIIL, et que toutes les mesures possibles soient prises pour qu’elles soient libérées en toute sécurité et qu’elles puissent reprendre une vie normale.

RECOMMANDATION 10

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’affecter des fonds substantiels aux appels à l’aide humanitaire internationale en vue de répondre aux besoins des personnes qui ont été touchées et déplacées par le conflit en Syrie.

RECOMMANDATION 11

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’appuyer l’initiative « Non à une génération perdue » et qu’il fournisse une aide destinée spécifiquement aux enfants ainsi qu’aux jeunes touchés par les conflits en Syrie et en Iraq, notamment en améliorant l’accès à l’éducation et à des espaces accueillants pour les enfants.

RECOMMANDATION 12

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’encourager l’application d’un processus politique mené par les Syriens – et fidèle au processus de Genève, dirigé par les Nations Unies – qui conduirait à l’établissement d’une société stable, démocratique, pacifique et inclusive, conformément au Communiqué de Genève de 2012.

RECOMMANDATION 13

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada élabore une stratégie globale à long terme qui orienterait son engagement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, une stratégie visant à atteindre plusieurs objectifs : soutenir la bonne gouvernance, favoriser le pluralisme et élargir les possibilités économiques, en particulier pour les jeunes.

RECOMMANDATION 14

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada se joigne à des partenaires universitaires canadiens pour envisager d’offrir des bourses d’études à des jeunes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord qui viendraient étudier au Canada.

RECOMMANDATION 15

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de se servir du Bureau de la liberté de religion au sein du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pour collaborer avec les chefs religieux et communautaires au Canada, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, pour promouvoir le dialogue interconfessionnel, la tolérance et le pluralisme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

RECOMMANDATION 16

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada élabore un programme de formation concernant la liberté de religion à l’intention des diplomates canadiens.


[1]              Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont utilisé différentes appellations pour désigner l’État islamique en Iraq et au Levant (l’EIIL) : l’État islamique en Iraq et en Syrie/ l’État islamique en Iraq et al‑Sham (EIIS), Daech ou État islamique (EI). Par souci d’uniformité, l’acronyme « EIIL » sera utilisé dans le présent rapport, sauf lorsque les propos d’un témoin sont rapportés directement.

[2]              Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), Procès-verbal, 2e session, 41e législature, 4 novembre 2014.

[3]              L’honorable John Baird a démissionné de son poste de ministre des Affaires étrangères du Canada au début de février 2015 et de celui de député en mars 2015. Dans le présent rapport, M. Baird sera appelé le « ministre Baird ».

[4]              FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[5]              Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2170 (2014), adoptée par le Conseil de sécurité le 15 août 2014.

[6]              Sécurité publique Canada, Entités inscrites actuellement.

[7]              Charles Lister, Profiling the Islamic State, Brookings Doha Center, novembre 2014, pp. 7–8.

[8]              Ibid., p. 9.

[9]              Ibid., p. 12–13. Comme l’indique l’équipe de l’ONU chargée de surveiller l’application des sanctions imposées à Al‑Qaïda ainsi qu’aux personnes et aux entités qui y sont liées, les tensions entre Al‑Qaïda/Jabhat al‑Nosra et l’EIIL « portaient essentiellement sur la question du commandement et sur les objectifs stratégiques qui devraient être prioritaires (local, régional ou international), plutôt que sur des divisions idéologiques fondamentales ». Voir le rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004) de l’ONU, relatif à la menace que représentent l’État islamique en Iraq et au Levant et le Front al-Nosra pour le peuple du Levant, présenté conformément au par. 22 de la résolution 2170 (2014). Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2014/815, 14 novembre 2014, par. 11.

[10]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[11]           Lister, Profiling the Islamic State, 2014, pp. 13–14.

[12]           Ibid., p. 11–12.

[13]           Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD), « Le Canada condamne les attaques et les enlèvements violents en Iraq », Communiqué, 11 juin 2014.

[14]           Lister, Profiling the Islamic State, 2014, p. 4.

[15]           Premier rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 6 de la résolution 2169 (2014), Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2014/774, 31 octobre 2014, par. 19.

[16]           Des appareils américains, britanniques et italiens ont parachuté de l’aide aux civils pris au piège sur les monts Sinjar. En outre, la mission suivante, qui visait à libérer la ville iraquienne d’Amerli, assiégée par l’EIIL, et à apporter de l’aide humanitaire d’urgence à sa population, a été menée par les forces militaires des États‑Unis, du Royaume‑Uni, de l’Australie et de la France. Voir département d’État américain, Building International Support to Counter ISIL, note aux médias, bureau du porte‑parole, Washington, 19 septembre 2014.

[17]           MAECD, « Le ministre Baird préoccupé par l’arrêt du processus parlementaire en Iraq », Communiqué, 7 juillet 2014; et MAECD, « Le Canada salue la nomination du premier ministre désigné de l’Iraq », Communiqué, 15 août 2014.

[18]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[19]           Toby Dodge et Becca Wasser, « The Crisis of the Iraqi State », dans Middle Eastern Security, the US Pivot and the Rise of ISIS, Adelphi Series, 54:447–448, 2014, pp. 22–31.

[20]           Premier rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 6 de la résolution 2169 (2014), Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2014/774, 31 octobre 2014, par. 10.

[21]           Maison‑Blanche, Statement by the President on ISIL, 10 septembre 2014.

[22]           Ken Dilanian, « CIA: Islamic State group has up to 31,500 fighters », The Associated Press, 11 septembre 2014.

[23]           Maison‑Blanche, Statement by the President on ISIL, 10 septembre 2014.

[24]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[25]           Ibid.

[26]           Ibid.

[27]           Ibid.

[28]           Ibid.

[29]           Ibid.

[30]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[31]           Ibid.

[32]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 février 2015.

[33]           Ibid.

[34]           Ibid.

[35]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[36]           Ibid.

[37]           Ibid.

[38]           Ibid.

[39]           Ibid.

[40]           Ibid.

[41]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[42]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[43]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[44]           Ibid.

[45]           Ibid.

[46]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 février 2015.

[47]           Ibid. Un rapport de la Quilliam Foundation, une organisation britannique, définit le salafisme comme un mouvement puritain sunnite de renouveau religieux, selon qui les musulmans devraient laisser tomber les décrets théologiques traditionnels et tirer de nouveaux principes religieux directement des sources. Voir Erin Marie Saltman et Charlie Winter, Islamic State: The Changing Face of Modern Jihadism, Quilliam, novembre 2014, p. 6.

[48]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 février 2015.

[49]           Ibid.

[50]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[51]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[52]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[53]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[54]           Ibid.

[55]           Ibid. Dans un article paru récemment dans la revue The Atlantic, Graeme Wood décrit l’EIIL comme une organisation dont la vision du monde et les convictions sont profondément millénaristes. Il fait valoir que les observateurs extérieurs commettent au moins deux erreurs d’interprétation sur la nature du groupe. D’abord, ils ont tendance à voir le djihadisme comme un bloc monolithique, et à appliquer la logique d’Al‑Qaïda à un groupe qui l’a éclipsé de manière décisive. Contrairement à Al‑Qaïda, qui est une nébuleuse composée d’un réseau diffus de cellules autonomes opérant ici et là sur la planète, l’EIIL a besoin d’un territoire pour garder sa légitimité, et d’une structure descendante pour le gouverner. La deuxième erreur d’interprétation relevée par Graeme Wood consiste, selon les mots de l’auteur, en une campagne bien intentionnée, mais quand même trompeuse, qui vise à nier la nature religieuse moyenâgeuse de l’EIIL. M. Wood fait remarquer que le comportement de l’EIIL semble en bonne partie dépourvu de sens, à moins qu’on l’envisage selon le point de vue d’un adhérent sincère qui a accepté, après avoir bien réfléchi, l’idée d’un retour de la civilisation à une conception juridique du 7e siècle et de la nécessité de déclencher l’apocalypse. Voir Graeme Wood, « What ISIS Really Wants », The Atlantic, mars 2015.

[56]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[57]           Ibid. Lors de la même réunion, Daveed Gartenstein‑Ross, agrégé supérieur à la Foundation for Defense of Democracies, a parlé de l’époque où AQI, l’organisation qui a précédé l’EIIL en Iraq, était dirigée par Abou Moussab al-Zarqaoui. Il y avait alors un débat entre les dirigeants d’AQI et ceux d’Al‑Qaïda sur « des questions stratégiques ». M. Gartenstein‑Ross a dit au Comité que l’« approche extraordinairement brutale [d’AQI] a non seulement retourné les gens contre eux, mais les a aussi poussés à se venger de façon aussi effroyable qu’Al‑Qaïda ».

[58]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[59]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[60]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 février 2015.

[61]           Ibid.

[62]           Ibid.

[63]           Ibid.

[64]           Ibid.

[65]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[66]           Rule of Terror: Living under ISIS in Syria, rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur les événements en Syrie, Nations Unies, 14 novembre 2014. La Commission a été établie par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies le 22 août 2011. Son mandat consiste à faire enquête sur toutes les présumées violations du droit international des droits de la personne commises depuis mars 2011 en Syrie.

[67]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[68]           Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et Bureau des droits de l’homme de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), Report on the Protection of Civilians in the Non International Armed Conflict in Iraq: 5 June–5 July 2014, 18 août 2014; Report on the Protection of Civilians in Armed Conflict in Iraq: 6 July–10 September 2014, 26 septembre 2014; et, Report on the Protection of Civilians in Armed Conflict in Iraq: 11 September–10 December 2014, 23 février 2015.

[69]           Dans le troisième rapport des Nations Unies sur l’Iraq, les deux organisations de l’ONU qui l’ont produit font remarquer que bon nombre des violations et des abus perpétrés par l’EIIL peuvent constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, voire des crimes de génocide. Voir Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et Bureau des droits de l’homme de la MANUI, Report on the Protection of Civilians in Armed Conflict in Iraq: 11 September – 10 December 2014, p. ii.

[70]           Les trois rapports de l’ONU sur la protection des civils dans le cadre du conflit armé en Iraq exposent également les violations commises par le personnel des forces de sécurité iraquiennes et des forces affiliées.

[71]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[72]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[73]           Ibid.

[74]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[75]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014.

[76]           Ibid. Le révérend Niaz Toma a dit au Comité que, apparemment les combattants de l’EIIL avait bel et bien reçu des « instructions » sur la manière de traiter différentes minorités. Selon le raisonnement de l’EIIL, les chrétiens sont décrits dans le Coran comme « les gens du Livre », mais les yézidis « sont des blasphémateurs; ils ne croient pas en Dieu ». Ainsi, l’EIIL pouvait chasser les chrétiens de leur village et confisquer toutes leurs possessions; dans le cas des yézidis, il avait plutôt comme instructions « de les torturer, de les tuer sauvagement ». Voir FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[77]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014.

[78]           Ibid.

[79]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[80]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[81]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014.

[82]           Ibid.

[83]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[84]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[85]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[86]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[87]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[88]           FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[89]           Ibid.

[90]           Ibid.

[91]           Ibid.

[92]           Ibid.

[93]           Ibid.

[94]           Ibid.

[95]           Ibid.

[96]           Ibid.

[97]           Ibid.

[98]           Ibid.

[99]           Ibid.

[100]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[101]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[102]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[103]         Ibid.

[104]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[105]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[106]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[107]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[108]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[109]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[110]         Maison‑Blanche, Statement by the President on ISIL, 10 septembre 2014.

[111]         Département d’État américain, Building International Support to Counter ISIL, note aux médias, bureau du porte‑parole, Washington, 19 septembre 2014.

[112]         Département d’État américain, Special Presidential Envoy for the Global Coalition to Counter ISIL.

[113]         Département d’État américain, Joint Statement Issued by Partners at the Counter-ISIL Coalition Ministerial Meeting, note aux médias, bureau du porte‑parole, Washington, 3 décembre 2014. Voir aussi MAECD, « Le ministre Baird discute de l’Iraq en marge du Sommet de Bruxelles », Communiqué photo, Bruxelles (Belgique), 3 décembre 2014.

[114]         Département d’État américain, Special Presidential Envoy for the Global Coalition to Counter ISIL.

[115]         Le terme peshmerga s’applique à tous les groupes de combattants – ou de forces de sécurité – kurdes au Kurdistan. Il signifie « ceux qui affrontent la mort ». On trouvera plus de renseignements sur la composition des peshmergas et des autres forces de sécurité présentes en Iraq dans Michael Knights, The Long Haul: Rebooting U.S. Security Cooperation in Iraq, Policy Focus 137, The Washington Institute for Near East Policy, janvier 2015, pp. 26–38.

[116]         Les États‑Unis sont le pays qui fournit le plus d’aide à l’entraînement, y compris en Iraq. 3 100 militaires américains sont actuellement autorisés pour le déploiement en Iraq, les deux tiers environ étant responsables de conseiller et d’entraîner les forces iraquiennes de sécurité et les peshmergas kurdes, tandis que le dernier tiers appuie ces forces et protège les civils et les militaires américains se trouvant en Iraq. En ce qui concerne l’opposition syrienne modérée, l’administration américaine prévoit d’envoyer plus de 400 soldats chargés d’entraîner 15 000 combattants syriens soigneusement évalués sur une période de trois ans (à raison de 5 000 par année environ). La Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar ont accepté d’organiser des activités au programme d’entraînement. Le 19 février 2015, les États‑Unis et la Turquie ont officialisé un accord par lequel celle‑ci s’engage à contribuer à l’entraînement et à l’équipement de l’opposition syrienne modérée. Voir Christopher M. Blanchard, The ‘Islamic State’ Crisis and U.S. Policy, United States Congressional Research Service, 11 février 2015; et Comité des relations extérieures du Sénat des États‑Unis, General Allen Opening Statement, 25 février 2015; BBC News, “Syria conflict: US and Turkey agree Syrian rebels deal,” 19 février 2015.

[117]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[118]         Département américain de la défense, Coalition Airstrikes Hit ISIL in Syria, Iraq, article de presse, 18 mars 2015.

[119]         Département américain de la défense, Central Command Updates Iraq-Syria Target Counts, article de presse, 19 mars 2015.

[120]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[121]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[122]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2170 (2014), adoptée le 15 août 2014.

[123]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2178 (2014), adoptée le 24 septembre 2014.

[124]         Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2199 (2015), adoptée le 12 février 2015.

[125]         Ministère de la Défense nationale et Forces armées canadiennes (MDN/FAC), Opération Impact.

[126]         Premier ministre du Canada, Réponse du gouvernement du Canada à la situation en Iraq, Pays de Galles (Royaume‑Uni), 5 septembre 2014.

[127]         L’hon. Rob Nicholson a été assermenté comme ministre des Affaires étrangères du Canada le 9 février 2015. Toute référence au « ministre Nicholson » dans ce rapport concerne le témoignage que celui‑ci a livré à l’époque où il était ministre de la Défense nationale.

[128]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[129]         La motion indiquait aussi que le Canada ne déploierait pas de « militaires dans le cadre d’opérations de combat terrestre ». Voir Parlement du Canada, Journaux, no 124, 2e session, 41e législature, 7 octobre 2014.

[130]         Ibid.

[131]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015. Voir aussi MDN/FAC, Opération Impact.

[132]         Ibid.

[133]         Ibid.

[134]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[135]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[136]         Ibid.; et MAECD, « Le Canada augmente son aide humanitaire et renforce la protection relativement aux crises en Syrie et en Iraq », document d’information. Pour plus de renseignements, voir MAECD, Réponse du Canada à la situation en Iraq.

[137]         L’ONU, des gouvernements nationaux et des organisations non gouvernementales ont lancé l’initiative « Non à une génération perdue » en 2013 pour « atténuer les impacts de la crise en Syrie sur une génération d’enfants et de jeunes de ce pays et de pays avoisinants, dont l’Iraq ». Voir MAECD, « Le leadership du Canada contribue à assurer l’avenir des enfants en Iraq », Communiqué, 17 octobre 2014.

[138]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[139]         Ibid.

[140]         MAECD, « Aider les populations les plus vulnérables du monde », Communiqué, 7 janvier 2015. Selon le MAECD, plus de 2 480 Syriens ont bénéficié de la protection du Canada par l’entremise des programmes d’asile et de réinstallation depuis le début du conflit syrien en 2011. Le Canada a aussi accepté plus de 20 000 réfugiés iraquiens depuis 2009.

[141]         Ibid.

[142]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[143]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[144]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[145]         Ibid.

[146]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[147]         Blanchard (2015), The ‘Islamic State’ Crisis and U.S. Policy; et Comité des relations extérieures du Sénat des États‑Unis, General Allen Opening Statement, 25 février 2015.

[148]         Département américain de la défense, Department of Defense Background Briefing via teleconference by an Official from U.S. Central Command, transcription, 19 février 2015. Voir aussi Loveday Morris et Karen DeYoung, « Strains plague Iraqi, U.S. assessments of long-term fight against Islamic State », The Washington Post, 6 mars 2015.

[149]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[150]         Ibid.

[151]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[152]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[153]         Un rapport de l’ONU indique que, en vertu de l’accord, « le Gouvernement régional du Kurdistan exportera 250 000 barils par jour et aidera le Gouvernement fédéral à exporter 300 000 barils par jour à partir de Kirkouk par l’intermédiaire de l’Organisme d’État pour la commercialisation du pétrole, à travers l’oléoduc du Gouvernement régional. En échange, Bagdad recommencera à verser au Gouvernement régional du Kurdistan une allocation correspondant à 17 % du budget fédéral. Le Gouvernement fédéral s’est également engagé à allouer 1,2 milliard de dollars des États‑Unis par an aux peshmergas. » Voir Deuxième rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 6 de la résolution 2169 (2014), Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/82, 2 février 2015, par. 12.

[154]         Ahmed Tolba et Yara Bayoumy, « Egypt bombs Islamic State targets in Libya after 21 Egyptians beheaded », Reuters, 16 février 2015.

[155]         On peut trouver de l’information détaillée sur la situation en Lybie dans le rapport, International Crisis Group, Libya: Getting Geneva Right, Moyen-Orient/Afrique du Nord no 157, 26 février 2015.

[156]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[157]         Ibid.

[158]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[159]         Ibid.

[160]         Ibid.

[161]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[162]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[163]         Ibid.

[164]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[165]         Ibid.

[166]         Ibid.

[167]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[168]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[169]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[170]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[171]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[172]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[173]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[174]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[175]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015. Le GAFI est un organisme intergouvernemental créé en 1989 au Sommet du G7. Il favorise « l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international ». De nombreux partenaires de la coalition, dont le Canada, ont assisté à la Manama Meeting en novembre 2014, organisée par le Royaume de Bahraïn.

[176]         Groupe d’actions financières (GAFI), Financing of the terrorist organization Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL), rapport du GAFI, 2015 [traduction].

[177]         Ibid.

[178]         MAECD, « Crise en Iraq », note d’information présentée au Comité le 9 septembre 2014.

[179]         Selon le Centre international d’étude sur la radicalisation et la violence politique (ICSR), le conflit en Iraq et en Syrie représente « la plus grande mobilisation de combattants étrangers dans des pays à majorité musulmane depuis 1945 ». L’ICSR indique également que ses chiffres constituent des « totaux concernant le conflit ». Il estime qu’« entre 5 et 10 % des étrangers sont morts et que de 10 à 30 % ont quitté la zone de conflit et qu’ils sont de retour dans leur pays ou coincés dans des pays de transit ». Peter R. Neumann, Foreign fighter total in Syria/Iraq now exceeds 20,000; surpasses Afghanistan conflict in the 1980s, ICSR, 26 janvier 2015 [traduction].

[180]         Ibid.

[181]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[182]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[183]         Ibid.

[184]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[185]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[186]         Ibid.

[187]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[188]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[189]         Think Again Turn Away sur Facebook [traduction].

[190]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[191]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[192]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[193]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[194]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[195]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 3 février 2015.

[196]         Ibid.

[197]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[198]         Ibid.

[199]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[200]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[201]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[202]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[203]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[204]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[205]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[206]         Ibid. Selon une enquête menée récemment par le gouvernement iraquien, il y a environ 50 000 faux noms sur la liste de paye militaire de l’Iraq. Communément appelés « soldats fantômes », ces personnes sont mortes, disparues, absentes ou n’existaient simplement pas et leur paye va à des officiers supérieurs. Le premier ministre al-Abadi aurait pris des mesures pour supprimer ces noms de la liste de paye des militaires. Rapport du Conseil de sécurité, « Iraq », Monthly Forecast, février 2015.

[207]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[208]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[209]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[210]         Ibid.

[211]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[212]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[213]         Ibid.

[214]         Ibid.

[215]         Haut-Commissariat aux droits de l’homme et Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq, Report on the Protection of Civilians in Armed Conflict in Iraq: 11 September – 10 December 2014, 23 février 2015, p. 19. Pour plus de renseignements, voir Liz Sly, « Pro-Iran militias’ success in Iraq could undermine U.S. », The Washington Post, 15 février 2015.

[216]         Au début de mars 2015, l’Iraq a lancé une offensive pour reprendre Tikrit, une ville majoritairement sunnite située au Nord de Bagdad. Dans les médias, on signale que les forces engagées dans le combat sont en grande partie des miliciens chiites iraquiens. Voir, par exemple Anne Barnard, « Iran Gains Influence in Iraq as Shiite Forces Fight ISIS », The New York Times, 5 mars 2015. En ce qui concerne la participation de la force Qods de l’Iran, une unité du Corps iranien des Gardiens de la révolution, le secrétaire d’État américain John Kerry a récemment reconnu, dans ses commentaires aux médias, que « oui, certaines de ces milices reçoivent des directives du général Soleimani [chef de la force Qods] et de l’Iran. C’est un fait. » Il a également mentionné que « la progression vers Tikrit est une progression conçue par les Iraquiens et contrôlée par eux », département d’État américain, « Remarks with French Foreign Minister Laurent Fabius », commentaires, John Kerry, secrétaire d’État, Quai d’Orsay, Paris, France, 7 mars 2015 [traduction].

[217]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[218]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[219]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[220]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[221]         Ibid.

[222]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[223]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 29 janvier 2015.

[224]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[225]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[226]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[227]         Ibid.

[228]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014.

[229]         Témoignage de Khalid Haider, adjoint du président, Yezidi Human Rights Organization-International. FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014.

[230]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[231]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[232]         Ibid.

[233]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 2 décembre 2014.

[234]         Andrew Tabler a expliqué au Comité qu’à Washington, dans les cercles politiques, l’approche américaine au problème de la Syrie se voulait une « harmonisation non coordonnée ». L’expression désigne une situation où, comme il l’a expliqué, « l’armée américaine peut survoler le territoire syrien sans être inquiétée par les forces du régime el-Assad ». FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[235]         En ce qui concerne le statut des forces de l’opposition modérées en Syrie, Mme Bessma Momani a indiqué que l’Armée syrienne libre (ASL) « a été totalement décimée ». FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014. Mokhtar Lamani a dit au Comité qu’« il n’y a pas d’Armée syrienne libre en Syrie. Pour être exact, il faudrait ajouter un “s” à la fin de chaque mot, en ce sens qu’il y a plutôt des armées syriennes libres. J’ai moi‑même tenté d’obtenir des renseignements concernant les groupes armés. Imaginez : ils se qualifient de brigades, mais, bien sûr, ce mot n’a aucune définition militaire. Il peut s’agir tout aussi bien de 5 que de 30 000 personnes. Selon mon calcul, le nombre de brigades est supérieur à 2 000. » FAAE, Témoignages, 2session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[236]         Jonathan Dahoah Halevi a mentionné au Comité que, pour l’EIIL, le régime Assad dominé par les alaouites (chiites) est un « gouvernement d’infidèles ». De plus, la Syrie, appelée Al-Sham par l’EIIL, est selon ce dernier « le secteur où le djihad commencerait à prendre son expansion, et c’est pourquoi ils se concentrent sur la Syrie ». FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[237]         FAAE, Réaction au conflit en Syrie, 2e session, 41e législature, mai 2014.

[238]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[239]         Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Réponse régionale à la crise des réfugiés en Syrie.

[240]         Application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité : rapport du secrétaire général, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/124, 19 février 2015, par. 34.

[241]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015.

[242]         Ibid.

[243]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[244]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[245]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[246]         Ibid.

[247]         Ibid.

[248]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[249]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[250]         Ibid. L’avancement d’une transition politique en Syrie était l’un des principaux aspects du communiqué de Genève de 2012, approuvé par le Conseil de sécurité des Nations Unies en septembre 2013 (résolution 2118). Dans le communiqué de Genève, on souhaitait « mettre en train un processus politique mené par les Syriens, conduisant à une transition qui réponde aux aspirations légitimes du peuple syrien et lui permette de déterminer lui-même son avenir en toute indépendance et de façon démocratique ». Il y était également indiqué qu’« il est essentiel que tout règlement prévoie des mesures claires et irréversibles devant être prises pendant la transition », dont « l’établissement d’une autorité de transition capable d’instaurer un climat de neutralité dans lequel la transition pourra se faire et dotée des pleins pouvoirs exécutifs ». Voir l’annexe II, « Communiqué final du Groupe d’action pour la Syrie, 30 juin 2012, » dans Conseil de sécurité des Nations Unies, S/RES/2118 (2013), résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 27 septembre 2013.

[251]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014. Les membres de la famille Makhlouf font partie de l’élite politique et militaire et du milieu des affaires de la Syrie et sont de proches alliés du gouvernement de Bashar el-Assad. Anisa Makhlouf Assad est la veuve de l’ancien président Hafez Assad et la mère de Bashar el‑Assad. Parmi les autres membres éminents de la famille Makhlouf, mentionnons Rami Makhlouf, cousin du président et homme d’affaires bien connu, qui fait l’objet de sanctions américaines depuis 2008. Voir BBC News, Bashar al-Assad’s Inner Circle, 30 juin 2012.

[252]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 4 décembre 2014.

[253]         Application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité : rapport du secrétaire général, Conseil de sécurité des Nations Unies, S/2015/124, 19 février 2015, par. 14.

[254]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[255]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[256]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[257]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 5 février 2015.

[258]         Ibid.

[259]         Ibid.

[260]         Ibid.

[261]         Ibid.

[262]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 20 novembre 2014.

[263]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 novembre 2014.

[264]         Ibid.

[265]         Ibid.

[266]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[267]         Ibid.

[268]         Ibid.

[269]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 septembre 2014.

[270]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 9 décembre 2014.

[271]         Ibid.

[272]         FAAE, Témoignages, 2e session, 41e législature, 27 janvier 2015.

[273]         Ibid.

[274]         Réponse écrite de Thomas Farr à une question posée lors d’une réunion du Comité tenue le 9 décembre 2014 [traduction].