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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 036 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 novembre 2014

[Enregistrement électronique]

  (0850)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre point à l'ordre du jour aujourd'hui est une séance d'information sur la liberté de religion au Nigéria. Nous allons commencer.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos deux témoins ici à Ottawa, de même qu'à nos deux autres témoins, dont un témoigne par téléconférence et l'autre par vidéoconférence, comme on peut le voir à l'écran.
    La première personne que je veux vous présenter est Doug McKenzie, qui est président-directeur général de Voice of the Martyrs. Bienvenue, Doug. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous ce matin. Nous accueillons aussi le révérend Peter Jardine, qui est président du conseil d'administration. Bienvenue, révérend. Nous sommes heureux de vous accueillir aussi.
    Nous avons aussi, cette fois par téléconférence, Emmanuel Ogebe, conseiller juridique spécial, Jubilee Campaign. Bienvenue, monsieur.
    Et nous avons aussi, par vidéoconférence, Saa Chibok, de la même organisation. Bienvenue, Saa.
    Nous commençons habituellement par les exposés, et ce sera vous d'abord, Doug, puis le révérend Peter. Je pense qu'il y aura ensuite une courte vidéo.
    Je présume que les deux personnes par téléconférence et vidéoconférence sont là pour répondre aux questions, mais qu'elles ne présentent pas de déclarations préliminaires. Est-ce exact?
    Excellent.
    Je vous demanderais donc, monsieur, de nous présenter votre déclaration préliminaire.
    Nous vous remercions sincèrement de nous accorder le privilège de témoigner. Nous vous savons gré d'écouter notre point de vue. Nous vous remercions aussi d'accueillir nos invités. Nous sommes reconnaissants en particulier au député David Anderson, qui a rendu notre comparution possible.
    Comme on l'a mentionné, je suis le président-directeur général d'un organisme de bienfaisance qui a vu le jour au Canada il y a 43 ans et qui s'appelle Voice of the Martyrs. Voice of the Martyrs est établi partout dans le monde et son mandat premier consiste à aider et à prendre soin de ceux qui sont persécutés en raison de leur foi et de leurs croyances religieuses.
    Nous sommes plus précisément un organisme chrétien, et donc pas seulement un organisme de bienfaisance enregistré, mais aussi un ordre religieux. Le président de notre conseil d'administration, Peter Jardine, qui m'accompagne aujourd'hui, vous dira aussi quelques mots tout à l'heure. Nous vous présenterons ensuite une courte vidéo.
    Nous sommes ici d'abord et avant tout pour vous faire part de faits qui se confirment, ou qui sont en voie de se confirmer au fur et à mesure que nous en apprenons davantage, sur la nature des persécutions.
    Ce que nous voulons aujourd'hui, c'est vous informer, vous et d'autres, le mieux possible afin que vous puissiez prendre de bonnes décisions sur les questions liées à la liberté de religion et aux persécutions religieuses. Nous croyons et voulons insister sur un point — et espérons vous en montrer des preuves ou vous faire entendre des témoignages qui vous le prouveront aujourd'hui —, à savoir que la vaste majorité des persécutions dans le monde à l'heure actuelle sont à l'endroit des chrétiens.
    Bien sûr, notre opinion est biaisée, et je vous le dis d'entrée de jeu: nous sommes une mission chrétienne financée en totalité par des donateurs canadiens qui sont en grande partie de confession chrétienne, et même si cela n'empêche rien, c'est un fait.
    Nous voulons vous renseigner sur les persécutions à l'endroit des chrétiens qui ont lieu à un endroit dans le monde, et c'est au Nigéria, le pays le plus populeux d'Afrique, et un pays très clairement divisé en deux entre le nord et le sud, le sud étant à dominante chrétienne et le nord étant peuplé principalement de radicaux, de fondamentalistes et d'extrémistes.
    Les affrontements qui ont lieu dans ce pays sont un bon exemple des persécutions qui ont lieu partout dans le monde. Aujourd'hui, nous parlons du Nigéria, mais nous pourrions aussi bien parler de tout autre pays aux prises avec ce type de problèmes, mais nous pensons que le Nigéria est un bon exemple, et nous allons vous montrer des preuves aujourd'hui qui vont venir confirmer, espérons-le, ce que nous avançons.
    Nous voulons aussi surtout vous présenter une jeune femme nommée Saa, qui a traversé de nombreuses épreuves avec beaucoup de courage, et qui a aussi le courage aujourd'hui, et nous l'en remercions, d'avoir accepté d'être notre invitée, et d'être votre invitée maintenant, pour vous raconter son histoire et répondre à vos questions.
    Emmanuel, pour sa part, est quelqu'un avec qui la mission travaille et qui fait un travail incroyable pour défendre les droits de la personne et la liberté de religion, en particulier au Nigéria. Il a déjà témoigné à maintes reprises devant le Congrès américain, il a pris la parole aux Nations Unies et il est considéré comme un expert sur le Nigéria. Nous lui sommes reconnaissants aussi d'être avec nous aujourd'hui. Il est le tuteur légal de Saa.
    Je vais maintenant céder la parole au président de notre conseil d'administration, Peter Jardine. Nous vous présenterons ensuite une courte vidéo de quatre minutes, avant de poursuivre avec ce qui est au programme.
    Je vous remercie de nous avoir invités à vous parler de la persécution.
    J'ai vécu ma première expérience de la persécution au début des années 2000. Jusqu'à l'an 2000, je n'avais aucune idée qu'elle se produisait vraiment. À ce moment-là, j'ai visité la Bosnie en compagnie d'un chrétien de l'ouest d'Ottawa. Il m'a parlé de la persécution qui sévissait au Soudan et qu'il connaissait bien. Environ un an plus tard, je suis allé au Soudan du Sud. Ce que j'ai appris là-bas est stupéfiant.
    Ce matin, nous parlons surtout du Nigéria. J'ai visité ce pays à quelques reprises dans les années 1980, lorsqu'il était pacifique et qu'à ma connaissance, rien de mauvais ne s'y produisait, du moins pas autant qu'aujourd'hui. Les actes de persécution au Nigéria sont évidemment commis par les membres de Boko Haram, un groupe musulman.
    Les actes de persécution commis au Soudan viennent du gouvernement musulman, à Khartoum. On avait tué deux millions de personnes, surtout des chrétiens, avant que je m'y rende pour la première fois. J'ai appris des choses absolument stupéfiantes. Toutefois, l'une des meilleures choses que j'ai apprises en ce qui concerne la persécution, c'est que les chrétiens persécutés ont pardonné à leurs persécuteurs. À cet égard, ils peuvent nous enseigner beaucoup de choses.
    Ensuite, après environ sept visites au Soudan du Sud, je suis allée dans l'État d'Orissa, en Inde, où les hindous avaient violemment persécuté les chrétiens lors d'une vague de violence qui n'aurait vraiment pas dû être dirigée contre les chrétiens. En fin de compte, un de leurs dirigeants dans l'État d'Orissa a été assassiné. Un groupe de guérilléros communistes lui a tiré dessus et l'a abattu. Les membres de ce groupe ont déclaré publiquement qu'ils avaient abattu cet homme, mais le résultat immédiat, c'est que les hindous se sont servis de cet événement pour persécuter les chrétiens. Ils ont brûlé des chrétiens vivants dans cet État.
    Cela nous a énormément surpris, car nous pensions que l'Inde était un pays civilisé. Les musulmans reçoivent souvent la plus grande partie de la publicité pour leur persécution des chrétiens, mais n'oublions pas que cela se produit également dans d'autres communautés. Ces actes de persécution sont commis par les hindous. En Corée, ils sont commis par le gouvernement.
    Je crois qu'il est probablement temps de donner la parole aux autres témoins et de regarder la vidéo.

  (0855)  

    Cette vidéo est une collaboration entre notre organisme, Voice of the Martyrs, et CBN aux États-Unis. Nous échangeons souvent des séquences vidéo. Nous avons des gens sur le terrain dans la plupart des régions du monde et ils nous envoient ces images. Cette vidéo dure quatre minutes, et elle résume la plupart des événements qui se produisent au Nigéria aujourd'hui.
    [Présentation audiovisuelle]

  (0900)  

    Merci beaucoup.
    C'est ce qui termine les exposés.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous pouvons également poser des questions aux témoins qui comparaissent par téléconférence et par vidéoconférence.
    Nous aurons d'abord une première série de questions de sept minutes, suivie par une série de questions de cinq minutes. Nous alternerons jusqu'à ce que toutes les questions aient été posées.
    Allons-nous entendre un autre témoin?
    D'après ce que je comprends, les témoins sont ici pour répondre aux questions, mais ils n'ont pas d'exposés. Est-ce exact?
    Si vous souhaitez entendre Emmanuel, en particulier, il serait très heureux de faire un exposé.
    D'accord. Bien sûr.
    Emmanuel, aimeriez-vous faire un bref exposé?
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui.
    J'aurais vraiment aimé être là en personne, surtout parce que la Chambre des communes a été le théâtre d'une horrible attaque au Canada qui ressemble à ce que nous vivons quotidiennement au Nigéria. Permettez-moi d'utiliser ce temps pour offrir mes condoléances à votre cher pays relativement à cette récente tragédie.
    Permettez-moi également de vous fournir quelques brèves statistiques. Tout d'abord, on a tué plus de chrétiens pendant ce siècle qu'au cours des siècles précédents. Deuxièmement, selon une étude Pew, le christianisme est la religion la plus persécutée dans le monde. Troisièmement, on a tué plus de chrétiens dans le nord du Nigéria en 2012 que dans tout le reste du monde. Le Nigéria comptait donc, à lui seul, plus de 60 % des martyrs chrétiens pendant l'année 2012.
    J'aimerais également décrire brièvement la nature des persécutions qui sévissent dans le nord du Nigéria. Elles se divisent en trois grandes catégories: la persécution par l'État, la persécution dans les rues et la persécution par les sectes.
    Dans le nord du Nigéria, les gouvernements d'État persécutent les gens en emprisonnant les musulmans qui deviennent chrétiens et en discriminant contre les chrétiens au travail et en leur refusant l'accès aux terres. Ensuite, il y a la persécution dans les rues: les musulmans descendent occasionnellement dans les rues et brûlent des églises, car ils jugent qu'un infidèle a fait quelque chose de mal. Ensuite, il y a les persécutions par les sectes, c'est-à-dire Boko Haram. C'est de la persécution sur les stéroïdes, c'est-à-dire que les membres de cette secte commettent d'innombrables assassinats. Voilà, en résumé, la nature des persécutions dans le nord du Nigéria.
    J'aimerais soulever un dernier point. Je suis heureux que le Canada ait désigné Boko Haram comme étant une organisation terroriste étrangère. C'est une campagne que j'ai menée aux États-Unis, et je suis heureux que le Canada l'ait fait sans y être poussé. Toutefois, désigner Boko Haram comme étant une organisation terroriste étrangère, c'est comme créer de la noirceur. Nous souhaitons plutôt allumer de petites chandelles. Que pouvons-nous faire pour mettre fin à ce génocide qui se produit à si grande échelle dans le nord du Nigéria?
    Permettez-moi de terminer mon exposé en rendant hommage aux merveilleux missionnaires canadiens qui ont été liés à ma famille pendant plusieurs générations. Nous sommes toujours en communication avec eux aujourd'hui. Ils se cachent. J'aimerais préciser que la chrétienté dans le nord du Nigéria représente une partie de l'héritage canadien [Note de la rédaction: difficultés techniques] dans le nord du Nigéria, et c'est très pénible de voir que les résultats des travaux de tous ces missionnaires formidables sont pillés, brûlés et détruits par les membres de ce vicieux groupe terroriste, c'est-à-dire Boko Haram.
    Enfin, j'aimerais vous remercier de vous être penchés sur cet enjeu important qui se déroule dans une région éloignée. Cet enjeu n'obtient pas la même attention et la même couverture médiatique que l'EIIS en Irak, même si une étude sur le terrorisme menée par le gouvernement des États-Unis en 2012 a démontré que Boko Haram était au deuxième rang des pires groupes terroristes du monde, avant l'EIIS.
    Merci beaucoup.

  (0905)  

    Merci.
    David.
    J'ai une suggestion. Si Emmanuel est d'accord, je crois que nous aimerions entendre l'histoire de Saa. S'ils ont quelques minutes, je crois que nous aimerions entendre ce qu'elle a à dire.
    Absolument. J'allais justement le proposer.
    Saa, êtes-vous à l'aise de nous raconter votre histoire?
    Le 14 avril 2014, nous étions tous à l'école vers 23 h 34, où nous étions endormies. Nous avons entendu les membres de Boko Haram arriver dans le village de Chibok. Ils ont commencé à tirer partout. Nous nous sommes toutes réveillées. Nous ne savions pas où aller. Nous sommes toutes sorties de nos chambres et nous nous sommes rassemblées.
    J'ai appelé mon père au téléphone. Je lui ai raconté ce qui se passait à Chibok. Il nous a dit de ne pas partir, mais de nous rassembler et de prier, afin que Dieu soit avec nous. Je lui ai dit: « D'accord ». J'étais avec mes amies. Toutes les filles se sont rassemblées dans le foyer.
    Les membres de Boko Haram sont entrés dans notre école. Ils sont allés dans les logements du personnel, où habitent nos enseignants. Comme tous les enseignants s'étaient enfuis avant qu'ils entrent dans les logements, ils n'y ont trouvé personne. Personne n'est venu nous dire si nous devions nous enfuir ou rester là. Les membres de Boko Haram sont venus dans le foyer sur les motocyclettes de nos enseignants.
    Lorsque nous les avons entendus arriver, nous pensions que c'était peut-être nos enseignants qui revenaient à l'école pour nous dire quoi faire. Nous ne connaissions pas les membres de Boko Haram. Lorsqu'ils nous ont trouvées, ils nous ont dit que nous devions venir ensemble, que nous ne devions pas nous enfuir, et que nous ne devions pas crier. Ils nous ont rassemblées et nous ont demandé où était la machine à fabriquer des blocs de ciment. Nous avons répondu que nous ne le savions pas. Ils nous ont dit que si nous ne leur disions pas la vérité, ils allaient toutes nous tuer.
    Ils ont demandé où étaient les garçons. Nous avons répondu que les garçons ne vivaient pas à l'école; ils sont des élèves de jour, c'est-à-dire qu'ils arrivent le matin et rentrent à la maison après la classe.
    Ils nous ont demandé où était la nourriture. Ils ont choisi deux filles pour leur montrer l'entrepôt. Ensuite, ils sont revenus avec un gros camion et l'ont chargé de toute la nourriture.
    Ils nous ont demandé encore une fois où était la machine à fabriquer des blocs de ciment, et nous avons continué à leur dire que nous ne le savions pas.
    Ils nous ont demandé de sortir du foyer et d'aller dans la classe et de nous asseoir ensemble. Nous nous sommes rassemblées. Ils nous ont dit de ne pas courir ou crier, et qu'ils tueraient celles qui le feraient. Ensuite, ils nous ont déplacées dans la classe.
    Nous nous sommes assises, et ils ont commencé à brûler tout ce qui se trouvait dans l'école, c'est-à-dire nos livres, nos vêtements, etc. Ils nous ont demandé pourquoi nous étions dans cette école. L'école était-elle importante pour nous? Pourquoi ne nous étions-nous pas mariées? Ils nous ont dit que nous devions quitter l'école et les suivre dans la forêt.

  (0910)  

    Ensuite, ils nous ont encerclées. Ils étaient à nos côtés, derrière nous et en face de nous. Nous nous déplacions ensemble. Ils ont dit que nous ne devions pas courir et que si nous le faisions, ils allaient toutes nous tuer. Nous les avons suivis dans la forêt, et ils nous ont rassemblées sous un grand arbre. Ils ont amené les camions dans lesquels ils avaient chargé notre nourriture et un grand nombre d'automobiles. Il y avait un autobus et quelques voitures. Nous nous sommes rassemblées. Nous ne pouvions pas grimper dans le camion, car il était grand et long, et ils ont donc amené une petite voiture et d'autres camions. Ils ont dit que nous devrions monter dans la petite voiture et dans les gros camions, et qu'ils viendraient avec nous et qu'il ne nous arriverait rien. Nous avions peur d'entrer dans la voiture. Ils ont commencé à tirer et ils ont dit qu'ils tueraient les filles qui ne montaient pas dans les camions.
    Nous avons commencé à monter dans les camions et un grand nombre de filles sont restées derrière, car la voiture n'était pas assez grande pour toutes nous amener. Ils ont demandé à certaines des filles de marcher et nous nous sommes mises en mouvement. Nous étions dans les camions et certaines d'entre nous marchaient. Lorsque nous sommes arrivés dans un petit village, ils ont demandé à certaines des filles de monter dans les camions, car nous allions trop loin et elles ne pourraient pas se rendre là-bas. Certaines d'entre nous étaient assises sur les genoux d'autres personnes. Nous sommes entrées et trois filles sont restées derrière.
    Les trois filles sont restées derrière, car il n'y avait pas assez de place pour elles dans la voiture. Ils ont demandé aux filles, l'une après l'autre... Lorsqu'ils ont demandé à la première fille, qui était musulmane, si elle était musulmane ou chrétienne, elle leur a dit qu'elle était musulmane. Ils ont posé la question à la deuxième fille, qui était chrétienne, mais elle leur a dit qu'elle était musulmane. Ils ont demandé à la troisième, et elle leur a dit qu'elle était chrétienne. Lorsqu'elle leur a dit qu'elle était chrétienne, l'un d'entre eux a décidé qu'il ne fallait pas la laisser partir et qu'il fallait la tuer. Certains d'entre eux ont dit qu'il ne fallait pas la tuer, mais qu'il fallait la laisser partir. Mais l'un d'entre eux a dit qu'il allait la tuer. Il a même pointé son fusil sur elle et a dit qu'il allait la tuer. Certains d'entre eux ont dit qu'il ne fallait pas la tuer. Ils ont dit aux filles qu'elles devaient courir et rentrer à la maison, mais que si elles se retournaient pour les regarder, ils allaient toutes les tuer. Les trois filles se sont échappées et sont retournées à la maison.
    Ils ont commencé à nous déplacer. Nous marchions dans le bois. Nous étions au milieu de la forêt. Tout ce que nous pouvions voir, c'était la forêt. Nous avons passé un autre village appelé Gagelam. Certaines des filles ont commencé à sauter du véhicule. Certains étaient devant nous et d'autres étaient derrière. Ils n'étaient pas parmi nous, mais sur des motocyclettes derrière nous. Ensuite, il y avait une certaine distance entre nous, car nous étions dans la forêt, au milieu de la nuit, et ils ne pouvaient pas nous voir. Certaines d'entre nous ont sauté du camion pour entrer dans la forêt pour nous cacher. Nous attendions qu'ils soient passés pour tenter de rentrer chez nous.
    J'ai dit à mon amie que j'allais sauter du camion. J'aimais mieux mourir pour que mes parents aient un corps à enterrer que d'aller avec eux, car je ne savais pas où ils nous amenaient. Elle m'a dit qu'elle allait sauter avec moi et j'ai accepté. J'ai sauté du camion en mouvement. Elle m'a suivie. Nous sommes entrées dans la forêt. Ceux qui étaient derrière nous sont passés et ensuite, nous voulions retrouver le chemin de la maison. Mon amie s'était blessée à la jambe; elle ne pouvait pas marcher et je ne pouvais pas la transporter. Nous ne savions pas quoi faire au beau milieu de la nuit dans la forêt. Nous avons décidé de dormir dans les bois, car nous ne savions pas où nous étions. Nous nous sommes enfoncées dans la forêt et nous nous sommes assises sous un arbre et nous avons dormi jusqu'au matin.
    À six heures du matin, je lui ai dit ce que j'allais faire, car je ne pouvais pas la transporter. Nous ne savions pas où nous étions et nous ne savions pas où aller. J'ai décidé d'aller chercher de l'aide.

  (0915)  

    J'ai seulement marché un peu avant de rencontrer un berger dans la forêt. Je lui ai demandé de nous aider. C'était un musulman. Je lui ai demandé de nous aider, car mon amie ne pouvait pas bouger, et il pourrait peut-être nous aider et nous montrer le chemin ou la transporter, ou il pourrait peut-être trouver quelqu'un pour nous aider. Il a dit qu'il n'allait pas nous aider du tout et que nous devions attendre jusqu'à 10 heures ou 11 heures, et que des gens passeraient peut-être en se rendant au marché et qu'ils pourraient nous aider et nous ramener à la maison. Je lui ai dit qu'en raison de ce qui était arrivé, si les gens savaient que les membres de Boko Haram étaient passés sur cette route, personne n'irait au marché aujourd'hui. Il a répondu qu'il allait nous aider. Il a transporté mon amie sur sa bicyclette et il nous a montré le chemin. Je l'ai suivi. Nous avons atteint le village de Gagelam que nous avions passé auparavant et nous avons rencontré un homme sur sa motocyclette; il nous cherchait. Il venait de sortir et les gens cherchaient les filles, peut-être celles qui avaient sauté des véhicules, afin de les aider et lorsque nous l'avons rencontré, il nous a demandé d'où nous venions et nous lui avons raconté ce qui était arrivé et il nous a fait monter sur sa motocyclette et nous a transportées jusqu'à Chibok. À notre arrivée à Chibok, nous avons trouvé un homme okada qui nous a ramenées à la maison vers 23 heures.
    C'était mon histoire.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous ferons le tour de la pièce, en commençant par M. Dewar pour la première série de questions de sept minutes.
    J'aimerais remercier tous nos témoins, en particulier Saa. Vous avez vécu quelque chose qu'aucun enfant ne devrait vivre. Vous êtes brave de nous raconter votre histoire.
    Je vais partager mon temps avec Mme Day. Je poserai donc seulement une ou deux questions et je lui donnerai ensuite le microphone.
    J'aimerais souligner que le gouvernement a un Bureau de la liberté de religion. Nous finançons également différents programmes.
    J'aimerais demander à mon invité, M. Ogebe, de nous dire ce qu'il aimerait que nous fassions. Pour le compte rendu, j'aimerais dire — et je présume que notre témoin l'a souligné — qu'on ne devrait pas aborder ces enjeux du point de vue des chrétiens ou des musulmans. En fait, nous avons entendu, dans le témoignage de l'une des victimes, que certains musulmans sont d'accord. Honnêtement, je crois que nous devons faire preuve de prudence, car si nous transformons cet enjeu en choc des cultures, nous tombons dans le piège et nous adoptons le point de vue des extrémistes. Je remarque également que selon les données qui ont été fournies à l'échelle mondiale ces dernières années au sujet des personnes touchées par les extrémistes, les musulmans sont autant touchés que les chrétiens. En fait, je vais retrouver les données, mais à l'échelle mondiale, cela touche probablement plus de musulmans que de chrétiens.
    Je veux être prudent. Je suis un peu inquiet au sujet de la façon dont on aborde cet enjeu, et j'ai lu quelques témoignages et j'ai consulté les sites Web de quelques-uns de nos invités.
    Ma question est simple et elle s'adresse à notre ami.
    Selon vous, que devrait faire le gouvernement canadien pour aider à appuyer la personne à votre charge et d'autres enfants et filles qui sont touchés et vulnérables?

  (0920)  

    Je vous remercie beaucoup de cette question.
    Je réponds habituellement à cela que nous appelons tous les modérés et les gens de bonne volonté à nous aider à isoler les extrémistes et à préserver notre civilisation, tout comme un berger musulman a aidé Saa à s'en sortir.
    Pour répondre à la question plus générale, il est vrai que les Canadiens ont créé un BLR, un Bureau de la liberté de religion, en s'inspirant du modèle américain, et nous espérons qu'il ne fera pas les mêmes erreurs que ce bureau américain. Je sais que son financement est très limité, et nous espérons qu'il va augmenter. Je sais que les fonds ciblent actuellement le dialogue interconfessionnel, mais le fait est que la crise au Nigeria en ce moment ne vient pas d'un problème interconfessionnel: c'est un problème intraconfessionnel, en ce sens que les extrémistes musulmans doivent avoir un dialogue avec les musulmans modérés et convenir que le djihâd violent n'est plus acceptable de nos jours. Le financement du BLR canadien vise le dialogue entre chrétiens et musulmans, alors que Boko Haram tue à la fois des chrétiens et des musulmans modérés. Ces fonds ne ciblent donc pas les principaux actes violents commis au pays.
    Nous voudrions aussi des choses comme des bourses. Saa fait partie des cinq ou six filles que nous avons envoyées à l'école aux États-Unis. Le Canada est fort de la tradition anglaise du Commonwealth, comme le Nigeria, il serait donc tout à fait envisageable d'accorder des bourses à ces jeunes filles pour leur permettre de venir étudier au Canada. Si nous pouvions recevoir de l'aide de l'ACDI à cet égard, ce serait utile.
    Merci.
    Pour terminer, j'aimerais aussi mentionner l'aide humanitaire et médicale. Il y a des camps de l'ONU où les gens meurent de faim. Nous aimerions que le Canada aide les camps de l'ONU et les organisations de secours comme Voice of the Martyrs.
    Merci.
    Madame Day.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Certains pays francophones fournissent de l'aide et offrent leur collaboration. Je sais que votre pays n'est pas francophone, mais anglophone. Néanmoins, des associations de pays francophones qui s'intéressent à l'éducation des jeunes filles fournissent du financement.
     Quels sont les risques de persécution que courent les enfants qui vont à l'école au Nigéria, en particulier les jeunes filles? La sécurité du territoire a-t-elle été rétablie?

[Traduction]

    Oui. Eh bien, ce risque est très, très élevé. Je dois dire que Boko Haram a tué plus de 185 enseignants au cours des dernières années. Ils ont attaqué plus de 200 écoles. Pour ce qui est des églises, il y en a des centaines.
    L'éducation dans l'État de Borno, d'où vient Saa, est paralysée. Aucune école ne fonctionne dans l'État de Borno. C'est pourquoi nous avons conçu ce programme, afin de permettre à quelques élèves qui ont fait le choix conscient de poursuivre leur éducation, d'aller à l'école.
    Même avant que les terroristes commencent à faire exploser les écoles, l'éducation des filles a toujours présenté un risque élevé. Ma mère a été la première femme médecin du Nord du Nigeria. Elle a dû agir contre la volonté de sa propre famille chrétienne et même des missionnaires pour pouvoir aller à l'école. Boko Haram nous ramène donc presque à l'ère précoloniale avec sa position contre les filles et contre l'éducation.

[Français]

    À l'heure actuelle, y a-t-il d'autres groupes, mis à part le groupe Boko Haram, qui persécutent les enfants?

[Traduction]

    Boko Haram est le principal groupe terroriste. Il y a un sous-groupe qu'on appelle Ansaru et qui se spécialise dans les attaques contre les Occidentaux. Ansaru a tué des Britanniques, des Allemands, des Italiens, des gens de 15 nationalités différentes.
    Il faut dire aussi, cependant, que même les gouvernements d'État persécutent les enfants dans le Nord. Un enfant chrétien qui fréquente une école publique sera forcé d'étudier l'Islam, faute de quoi il sera puni. Il y a plusieurs degrés hiérarchiques à la persécution, cette persécution existe, même dans le système d'éducation du Nord du Nigeria.

  (0925)  

    Merci. C'est tout le temps que nous avions.
     Nous allons continuer avec M. Anderson, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Saa, j'aimerais savoir à quoi ressemblait votre communauté avant tout cela. Votre famille et vous vous sentiez-vous menacés avant ou était-ce un phénomène totalement nouveau dans votre région?
    Cela arrivait avant, parce que j'étais dans une autre école avant, à Bama, que Boko Haram a attaquée avant que je retourne à Chibok. Nous ne savions même pas que cela arriverait parce que nous étions à l'école et que les barrières étaient fermées. Il y avait des gardes de sécurité pour nous protéger, mais quand c'est arrivé, personne n'est venu nous parler, personne n'est venu nous aider, personne n'est venu nous dire où aller. Même nos enseignants — nous étions ensemble — se sont enfuis. Ils ne sont même pas venus nous parler. Nous ne savions pas pourquoi cela nous arrivait. Plus de 200 filles sont toujours en captivité, elles le sont depuis déjà plusieurs mois, et nous ne savons pas ce qui leur arrive. Certains de leurs parents sont même morts. Rien n'est fait, et nous ne savons pas ce qu'il advient d'elles.
    Merci.
    Emmanuel, pouvez-vous nous parler un peu plus de la situation sur le plan de la sécurité là-bas? Je me demande comment Boko Haram fonctionne dans la région. Fonctionne-il en petits groupes de personnes qui se déplacent constamment, de sorte qu'il est très difficile de les localiser? Reçoit-il l'appui de gouvernements locaux? À quel point ce groupe est-il structuré? Comment le gouvernement fait-il pour lutter efficacement contre lui?
    Merci infiniment, monsieur Anderson.
    Je suis littéralement rentré du Nigeria la semaine dernière, et la situation est pire que tout ce que j'ai vu depuis des années pour les réfugiés. Boko Haram s'est emparé de plus de 30 villes. L'une d'elles, la plus grande, est une ville de 300 000 habitants, que 500 terroristes environ ont réussi à envahir.
    Ce genre de perte ne peut pas durer. C'est exactement ce qui s'est passé dans le Nord du Mali, quand 1 000 terroristes ont réussi à envahir la ville de Gao, mais alors les Français sont intervenus pour les faire reculer, parce qu'il y avait là 6 000 citoyens français en danger de mort.
    Malheureusement, même si nous avons atteint le même point dans le Nord du Nigeria avec l'occupation de Mubi, les Français n'affluent pas pour nous aider, parce que nous ne sommes pas un pays francophone. Les Britanniques ne viennent pas non plus. Nous vivons une situation horrible sur le plan de la sécurité, des villes entières sont prises, et nous n'avons pas moyen de savoir ce qu'il advient des gens pris à l'intérieur.
    Je peux vous parler de quelques-unes des filles qui participent à notre programme. Pendant que j'étais au Nigeria, la semaine dernière, l'une d'elles s'est rendu compte que son oncle et ses cousines avaient été tués. Quand je suis revenu, cette semaine, une autre a appris que son frère s'était fait tuer. Ces filles participent à notre programme d'éducation en ce moment. Si nous ne les avions pas sorties de là, elles se seraient fait tuer elles aussi.
    Monsieur Anderson, la sécurité est catastrophique. L'armée nigériane n'est pas aussi efficace qu'elle le devrait. Nous perdons du terrain, et je pense qu'il y a déjà neuf comtés qui sont tombés aux mains des terroristes au moment où nous nous parlons.
    Votre réponse pourrait me faire prendre toutes sortes de directions, mais j'aimerais poursuivre avec ceci: quel serait le rôle d'une solution militaire là-bas? Pour revenir à la question que M. Dewar vous a posée un peu plus tôt, quel rôle les musulmans modérés peuvent-ils jouer pour régler le conflit? Arrivent-ils même à exprimer leur point de vue, à participer au dialogue? D'après ce qu'on peut entendre sur votre vidéo, dès que les gens osent parler, ils deviennent des cibles.
    Il y a deux choses ici: quel est le rôle de l'armée dans tout cela et quel est le rôle des musulmans modérés dans ces solutions?
    Pour ce qui est du rôle de l'armée, je pense que le Nigeria aurait une armée suffisamment grande pour pouvoir faire la plus grande partie de son travail si elle était bien outillée, bien soutenue... [Note de la rédaction: difficultés techniques].

  (0930)  

    Nous vous avons perdu, monsieur.
    Allo? M'entendez-vous?
    Nous avons de la difficulté. Nous en perdons des bouts.
    [Difficultés techniques]
    Oui, nous avons toujours de la difficulté à vous entendre, monsieur.
    Monsieur le président, je pense qu'il me reste deux ou trois minutes, mais je me demande...
    Il vous reste en fait une minute et demie.
    Nous avons perdu la communication, mais Peter Goldring avait une question à poser aux témoins qui sont ici, si je ne trompe pas.
    Je vais vous donner deux minutes.
    Il pourrait peut-être la poser pendant qu'on rétablit la connexion.
    Bien sûr. Merci.
    Allez-y, Peter.
    J'aimerais poser une question sur le dialogue interconfessionnel, dont le témoin a parlé. Y a-t-il un conseil ou des chefs musulmans qui pourraient avoir ce genre de dialogue au sein des organisations musulmanes du monde, ou est-ce une chose qui pourrait ou devrait être établie?
    Je pense que c'est une question qui ne se pose pas seulement ici — et je ne parle pas seulement des musulmans —, parce que nous connaissons très bien la division qu'il y avait entre chrétiens en Irlande. Cela dit, pour les musulmans, y a-t-il une organisation dans le monde qui pourrait diriger un dialogue interconfessionnel et faire le lien avec la communauté musulmane internationale?
    Je suppose que je vais... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Je ne suis pas certain de pouvoir bien vous répondre. À ma connaissance, il n'y a rien qui soit structuré de la façon que vous décrivez, mais je sais très bien qu'il y a beaucoup de personnes de bonne volonté. Nous aimons croire que nous faisons partie des gens qui seraient on ne peut plus enclins à participer à ce genre de dialogue. Cela dit, je ne connais aucune organisation ou structure qui...
    Devrait-il y en avoir une, alors, parce que cela semblerait encore plus pertinent au Nigeria qu'ici? Il semble y avoir beaucoup de situations dans le monde musulman où l'on bénéficierait de ce genre de structure pour consulter la collectivité de façon modérée. La plupart des autres confessions chrétiennes, les orthodoxes, entre autres, ont leurs grands consulats suprêmes, avec lesquels on peut échanger, mais il ne semble pas y en avoir pour les musulmans.
    Je pense que le principe supérieur, à mon esprit, devrait être la quête de la liberté religieuse et les principes de la liberté de religion, des principes auxquels je crois que notre bureau de la liberté de religion adhère. Il y a des groupes modérés partout dans le monde qui commencent à se rendre compte que la liberté de religion découle des droits de la personne en général.
    Le mouvement ne devrait-il pas venir de la communauté musulmane elle-même, si l'on veut, pour créer un consul qui guiderait les autres collectivités musulmanes et assurerait une forme de modération? Cette idée a-t-elle été considérée? Il serait un peu arbitraire de notre part d'essayer de jouer le rôle de modérateur externe de la confession musulmane, mais si vous pouviez convaincre les musulmans eux-mêmes de faire quelque chose pour que...
    C'est tout le temps que nous avions.
    Je pense que nous avons établi une nouvelle connexion avec Emmanuel.
    Emmanuel, pourriez-vous tester le micro pour que nous sachions si vous êtes bien de nouveau avec nous?
    Oui, test: un, deux.
    C'est très bien. Nous allons revenir à vos questions dans une seconde.
    Je vais accorder la parole à M. Bélanger, dont c'est le tour pour sept minutes.
    Bienvenue, monsieur.
    Merci, monsieur Allison.
    J'aimerais mentionner que je suis ici en remplacement de mon collègue Marc Garneau. Je ne connais donc pas très bien les origines de cette séance. Je m'excuse à l'avance si j'ai des propos non pertinents.
    Je tiens à remercier M. Anderson et M. Goldring d'avoir demandé comment les musulmans modérés pourraient faire leur part pour essayer de donner un ton plus modéré à l'extrémisme au sein d'une partie de leur propre collectivité. Nous en avons vu des exemples lorsque les modérés ont pris la parole lors des événements récents survenus au Moyen-Orient, notamment en relation avec l'EIIL. Un peu partout dans le monde, des musulmans modérés ont pris position contre la violence extrémiste de l'EIIL. J'encourage donc les organisations religieuses de toutes les confessions à participer aux dialogues interconfessionnels.
    J'aimerais savoir brièvement, parce que j'ai quelques autres questions à poser, dans quelle mesure votre organisation, Voice of the Martyrs, le fait?

  (0935)  

    Comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes une organisation de confession chrétienne qui croit beaucoup au principe que nous avons découvert concernant la persécution en général. Nous avons mis en lumière qu'il y a une prédominance particulière de la persécution contre l'Église chrétienne. Il ne devrait donc surprendre personne de voir apparaître une organisation comme la nôtre, qui reçoit l'appui de la communauté chrétienne. De plus, nous faisons très attention d'appuyer tout effort légitime et de bonne foi, comme celui du Bureau de la liberté de religion et d'autres organismes similaires qui rassemblent des gens de bonne volonté, afin de trouver des solutions pacifiques respectueuses des droits de la personne et du droit de chacun de croire ou de choisir de croire à ce qu'il veut sans crainte de persécution.
    Votre organisation participe-t-elle à des dialogues interconfessionnels et dans quelle mesure?
    Je dois dire en toute honnêteté que ce n'est pas ce sur quoi nous nous concentrons en ce moment, principalement parce que nous ne savons pas par quel canal passer, mais nous serions certainement ouverts à l'idée.
    Je n'ai pas en mains toutes les statistiques nécessaires pour appuyer votre affirmation selon laquelle les chrétiens constituent le groupe le plus persécuté en Afrique, mais je constate qu'il y a aussi des victimes de persécuteurs chrétiens. Ce que Joseph Kony et l'Armée de résistance du Seigneur ont fait aux enfants en Ouganda, au Soudan du Sud et au Congo est absolument horrible. Il se passe la même chose en ce moment en République d'Afrique du Sud, où ce sont des chrétiens qui persécutent des musulmans et qui sont parfois extrêmement violents, même contre des musulmans modérés.
    Je ne voudrais donc pas faire de généralisation et prétendre qu'il n'y a que les chrétiens qui sont persécutés. Ils le sont, mais il y a aussi des musulmans qui sont persécutés, des juifs qui sont persécutés, des adeptes du Falun Gong en Chine, si l'on regarde un peu ce qui se passe hors des frontières de l'Afrique. Il y a 43 étudiants qui viennent d'être assassinés au Mexique (nous croyons tous qu'ils ont été assassinés) par les barons de la drogue.
    La persécution est un phénomène malheureux partout dans le monde, et pas seulement lorsqu'elle se fonde sur la religion. Elle peut être économique, politique, idéologique. Je pense que la très grande majorité des Canadiens, toutes allégeances politiques confondues, sont contre toutes les formes d'extrémismes, qu'ils soient religieux, économiques, politiques ou autres. Nous essayons de les atténuer, parfois militairement, parfois par de l'aide au développement, parfois par le dialogue. C'est pourquoi je voudrais inciter tous les représentants d'organisations que nous rencontrons à dialoguer avec les autres, parce que c'est probablement la méthode la plus fructueuse à long terme pour atteindre cet objectif d'une plus grande compréhension, d'ouverture et de tolérance et d'amour fraternel.
    Je m'excuse, je suis en train de vous faire la morale, et ce n'est pas l'objet de la séance.
    J'ai une question pour Saa. Je tiens à vous féliciter du courage dont vous avez fait preuve pour convaincre votre amie de sauter de ce camion avec vous. Depuis que vous avez réussi à rentrer à Chibok, comment est votre vie?
    Depuis que je suis rentrée à Chibok, j'ai comme une nouvelle vie. Je sais que Dieu m'aime, c'est pourquoi Il m'a aidée et Il m'a fait vivre l'expérience de sauter en bas de ce camion. Ma vie a changé, parce que je sais que Dieu m'a donné la vie pour une raison. C'est pourquoi Il m'a fait vivre l'expérience de sauter en bas de ce camion. Lorsque nous avons sauté, nous étions nombreuses, et certaines filles avaient peur de retourner à l'école, parce que les gens de Boko Haram nous ont dit que si nous retournions à l'école où que ce soit au Nigéria, ils nous trouveraient. Il y a donc beaucoup de filles qui restent chez elles maintenant. Elles ont même peur de retourner à l'école.
    Maintenant que je me trouve ici, je suis en sécurité. Je n'ai peur de personne, mais je pense à certaines de mes amies qui sont toujours en captivité, au temps où nous jouions ensemble, mais elles ne sont plus là. Depuis plusieurs mois, nous sommes sans nouvelles d'elles. Je veux qu'elles reviennent. Je veux qu'elles soient en sécurité, qu'elles reviennent s'amuser et vivre en sécurité comme moi, mais je me rappelle que ces filles sont toujours en captivité. J'y pense toujours, parce que pour l'instant, je sais que ma vie a changé et que je suis dans un endroit sécuritaire.

  (0940)  

    Merci, Saa.
    Vous savez, vous me rappelez beaucoup une autre jeune fille que le monde a en grande estime, Malala Yousafzai, cette jeune Pakistanaise attaquée à coups de fusil parce qu'elle allait à l'école, et elle donne maintenant des conférences partout dans le monde. J'espère qu'elle vous inspirera beaucoup de courage, comme vous lui en inspireriez si elle entendait votre histoire.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Bélanger.
    Nous allons maintenant entamer le second tour, auquel chaque intervenant aura cinq minutes.
    Commençons par Mme Brown.
    Je tiens à remercier nos témoins de leurs observations. Vous brossez tous un portrait assez sombre de ce qui se passe, particulièrement au Nigéria, et j'en suis très attristée.
    Même si le Nigéria ne fait pas partie des 25 pays ciblés par le Canada pour le développement, c'est tout de même un pays en développement avec lequel nous travaillons en partenariat, et nous dépensons passablement d'argent au Nigéria. J'aimerais simplement vous rappeler l'information sur notre site Web. Il y est écrit que le « but [du programme de développement international du Canada au Nigéria] est d'aider ce pays à réduire la pauvreté de façon équitable et durable en améliorant sa capacité à mettre ses propres ressources au service de son développement. Le Canada veille principalement à assurer l'avenir des enfants et des jeunes et à stimuler la croissance économique durable dans deux États: Cross River et Bauchi. »
    J'ai peur que nous n'arrivions pas à changer quoi que ce soit à la situation si vous me dites que ces jeunes ne peuvent pas retourner à l'école. Nous investissons également énormément d'argent au Nigéria dans la santé des mères, des nouveaux-nés et des enfants. J'aimerais savoir si vous avez des réflexions à nous communiquer ou s'il y a, à votre avis, d'autres domaines où nous devrions investir pour que cet investissement soit plus efficace en ce moment.
    Ma deuxième question, c'est si, compte tenu du fait qu'il y a une diaspora nigériane assez importante qui vit au Canada, il y aurait moyen que cette diaspora parle des problèmes que vous observez au Nigéria en ce moment pour exercer une influence positive?
    Oui. Merci beaucoup de cette question.
    Je tiens à remercier le Canada de son soutien au Nigéria sous la forme d'aide au développement.
    Permettez-moi de mentionner, au sujet de la diaspora qui vit au Canada, qu'il y a une déconnexion totale entre le Sud et le Nord du Nigéria. Il s'agit essentiellement de deux pays différents qui ont été regroupés par les Britanniques pendant la colonisation. Vous pourrez vous rendre compte que les Canadiens d'origine nigériane que vous rencontrez viennent pour la plupart du Sud. La plupart d'entre eux ne comprennent pas vraiment ce qui se passe dans le Nord du Nigéria ou ne s'y sentent pas liés. Il est difficile pour eux de s'intéresser à la question et de s'engager dans cette lutte s'ils n'ont pas l'information pertinente.
    J'aimerais par ailleurs vous recommander vivement, au sujet de l'aide canadienne au développement, de réorienter cette aide pour cibler la crise qui sévit dans le Nord. Il va y avoir des besoins médicaux générationnels, des besoins en éducation générationnels, toutes sortes de besoins qui ne sont pas comblés à l'heure actuelle. Je pense qu'il va falloir repenser toute la stratégie de développement de l'ACDI au Nigéria, particulièrement pour le Nord du pays.

  (0945)  

    Monsieur Ogebe, permettez-moi d'intervenir pour dire qu'en réalité, nous ne nous contentons pas d'aller là-bas et de dépenser de l'argent. Nous travaillons avec le gouvernement du Nigéria, qui a mis en place sa Stratégie nationale d'autonomisation et de développement économiques, ou NEED, laquelle sera en vigueur jusqu'en 2020. Nous devons travailler avec le gouvernement en place. Avez-vous des suggestions sur la façon dont les stratégies du pays pourraient être adaptées pour que notre financement au développement puisse être utilisé à bon escient dans le nord et dans le sud?
    Oui. D'abord, permettez-moi de dire que la stratégie NEED que vous avez mentionnée a été élaborée par une administration antérieure, et que comme en toutes choses, au Nigéria, le nouveau gouvernement écarte essentiellement les initiatives du gouvernement précédent et met en place ses propres stratégies. En matière de politiques, nous avons un problème d'incohérence.
    Encore une fois, le gouvernement n'est pas le meilleur mécanisme de répartition des ressources. Certains gouvernements ont déterminé que la meilleure façon d'intervenir, c'était de faire appel à des organismes de la société civile et des ONG en raison de leur présence sur le terrain. À mon avis, il serait utile que l'ACDI collabore avec certains groupes d'aide et d'intervention en cas d'urgence au pays afin d'offrir une aide directe aux victimes de cette horrible crise humanitaire.
    Permettez-moi de vous donner un exemple, très brièvement. Nous aidons une dizaine de jeunes filles comme Saa, et le gouvernement nigérian n'a pas donné un sou pour leur venir en aide. L'aide que nous recevons provient de particuliers — des Nigérians, des Américains et des Britanniques — qui se sont simplement regroupés pour essayer d'aider ces jeunes filles à retourner à l'école, mais le gouvernement du Nigéria n'a fourni aucun financement. Je pense que pour être plus efficaces, nous devons établir des mécanismes avec la société civile plutôt que de faire appel au gouvernement du Nigéria.
    Puis-je préciser que notre financement n'est pas versé au gouvernement du Nigéria? Nous travaillons avec les organismes de la société civile et les ONG qui sont sur le terrain. Voilà où l'on envoie les fonds. Toutefois, nous devons travailler en partenariat avec le gouvernement du Nigéria, car c'est lui qui établit la stratégie du pays.
    Oui.
    C'est tout le temps que nous avons. Merci de cette précision.
    Madame Laverdière, vous avez cinq minutes.
    Tout d'abord, Saa, je tiens à vous féliciter de votre courage et aussi de votre solidarité avec vos amies durant ce qui a certainement été un moment extrêmement difficile. Mes pensées sont avec vous et je vous souhaite le meilleur succès possible à l'avenir. J'espère que vous aurez l'occasion de venir au Canada pour que nous ayons la chance de nous serrer la main un jour.
    Merci beaucoup.

[Français]

     J'aimerais revenir brièvement sur les commentaires que mon collègue libéral a formulés il y a quelques minutes. Selon lui, la persécution n'est évidemment pas toujours basée sur la religion. Comme on le sait, au Nigéria, entre autres, une des minorités faisant l'objet de beaucoup de persécution est celle des personnes gaies et lesbiennes. Le gouvernement du Canada et le NPD croient que les lois qui criminalisent l'homosexualité devraient être révoquées.
    Comme on le sait, l'association The Voice of the Martyrs travaille principalement sur des questions religieuses. Toutefois, je crois comprendre que l'organisation Jubilee Campaign travaille plus généralement sur la question des droits de la personne. Je me demande si c'est un sujet sur lequel vous vous êtes penché.

[Traduction]

    Jubilee Campaign est un groupe de défense des droits de la personne qui traite des questions touchant les minorités religieuses partout dans le monde. Nous ne traitons pas de la question de la persécution des gais au Nigéria, principalement parce que nous... Comme je l'ai indiqué, la persécution des chrétiens dans le nord du Nigéria atteint des proportions atroces. Cela dit, aucun homosexuel n'a été assassiné au Nigéria. Il n'y a pas eu d'atrocités de ce genre, heureusement.
    En ce qui concerne le commentaire que j'ai fait plus tôt au sujet de la persécution, je tiens à souligner que la persécution fondée sur les croyances religieuses est liée à la confession d'une personne. Il est totalement inacceptable que des gens soient assassinés pour cette raison. Je pense que nous convenons tous que cela ne peut être toléré. Donc, il ne s'agit pas de dénigrer l'islam. Je pense que ce que nous voyons en Irak, notamment, c'est un problème mondial. Le président Obama, qui a fait preuve d'une très grande tolérance envers l'islam, a récemment déclaré aux Nations Unies que nous ne pouvons négocier avec de tels agents du mal. On ne peut négocier avec des personnes aussi diaboliques qui décapitent les gens en raison de leurs croyances religieuses.
    Je pense que c'est là quelque chose dont nous convenons tous, au Canada et ailleurs sur la planète.

  (0950)  

    D'accord.
    Très brièvement, j'aimerais revenir sur la question de l'éducation des filles, qui est un enjeu très important. Je crois comprendre que le Partenariat mondial pour l'éducation collabore également avec le gouvernement nigérian en ce qui a trait à l'éducation des filles. Exercez-vous un suivi à cet égard? Est-ce que je m'éloigne trop de votre domaine de compétence?
    Eh bien, nous avons essayé d'intervenir auprès des différents acteurs afin d'aider ces filles. On nous a indiqué que les Nations Unies venaient en aide aux filles de Chibok. Lorsque nous avons demandé à ces gens ce qu'ils faisaient, ils ont indiqué qu'ils leur fournissent des trousses d'hygiène. Lorsque nous avons parlé aux gens de l'USAID, ils ont dit qu'ils fournissent des services de counseling.
    Il faut prendre le taureau par les cornes et offrir des bourses d'études à ces filles. Nous sommes toujours prêts à accroître le nombre de partenariats, mais sur le terrain, il y a beaucoup de beaux discours et très peu d'action. Si d'autres parties veulent travailler avec nous, nous en serons très heureux. Comme je l'ai indiqué, le Canada est également un pays anglophone. Par conséquent, si les bourses étaient offertes, certaines de ces filles pourraient poursuivre des études ici et leur transition serait assez facile.
    Merci beaucoup, madame Laverdière.
    Monsieur Hawn, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci à tous nos témoins d'être ici.
    Toujours sur le thème de l'éducation, Saa, qu'aimeriez-vous étudier? Quel métier voudriez-vous exercer dans la vie?
    J'aimerais être médecin.
    Formidable. Merci.
    Monsieur Ogebe, vous avez parlé des besoins en matière d'éducation dans le nord, des organismes d'éducation, et des bourses d'études au Canada.
    Vous êtes-vous adressé à un organisme canadien ou en connaissez-vous un qui prend des mesures pour pouvoir offrir des bourses d'études à des personnes comme Saa, par exemple?
    En toute honnêteté, non, mais j'espère qu'à mon arrivée au Canada, nous serons en mesure de communiquer avec des groupes au Canada par l'intermédiaire de Voice of the Martyrs.
    Savez-vous avec qui vous allez communiquer? Avez-vous ciblé des groupes en quelque sorte?
    Pour être très honnête, j'ai bien peur que non.
    Monsieur McKenzie, vous avez dit que d'autres pays africains sont dans la même situation ou que toutes les conditions sont réunies.
    Lesquels? De plus, avez-vous une idée des mesures préventives qu'il faudrait prendre ou de ce que la société civile peut faire dans ces pays pour ralentir ou arrêter cela?
    Nous offrons nos services aux victimes de persécution partout dans le monde. Nous participons actuellement à 50 projets de mission différents dans pas moins de 35 pays. Nous répondons aux besoins particuliers au fur et à mesure. Cela se produit souvent dans des circonstances tragiques, lors d'énormes déplacements, etc.
    Nous avons vécu ce type de situation en grande partie en Afrique, mais également ailleurs dans le monde. Nous participons à des projets en Iran, en Irak, en Corée du Nord, en Corée du Sud et en Chine. Comme je l'ai dit, l'accent est mis sur les services et les besoins. Bien entendu, il y a des changements de temps en temps.

  (0955)  

    Monsieur Ogebe, je ne me souviens plus qui a parlé de l'aspect financier, mais savez-vous de quelle façon Boko Haram est financé? Les fonds proviennent-ils du Nigéria ou de sources externes? Puisque ce type d'organisation ne peut évidemment pas fonctionner sans financement, que pouvons-nous faire pour qu'il n'en reçoive plus, à votre avis?
    Oui, absolument. Boko Haram est un groupe terroriste d'ampleur mondiale. Il est lié aux groupes al-Qaïda et al-Chabaab, et à bien d'autres mauvaises personnes.
    Le groupe Boko Haram s'entraîne en fait en Somalie et dans le nord du Mali. Il a des armes provenant de la Libye.
    Pour ce qui est du financement, c'est un peu plus suspect, mais nous avons appris que Turkish Airlines transportait des armes par avion au Nigéria. L'Iran a envoyé des armes au Nigéria. Il s'agit donc d'un petit groupe de gens habituellement soupçonnés de terrorisme qui le soutiennent.
    Cela dit, ce qui me préoccupe principalement, c'est le lien avec la France, car la France continue de payer des rançons à Boko Haram pour la libération de citoyens français qui ont été enlevés. Cela représente un financement énorme pour Boko Haram, ce qui lui permet de continuer à exécuter des atrocités.
    Vous pouvez remarquer que ce groupe qui, il y a quelques années, utilisait habituellement des machettes et de l'essence pour bombarder des églises, utilise maintenant des missiles sol-air et des armes antiaériennes.
    J'espère qu'en collaborant avec l'ONU et d'autres partenaires, la communauté internationale pourra bloquer l'armement et le financement de Boko Haram.
    En ce qui concerne les rançons et les Français, savons-nous combien d'argent provient des rançons?
    On parle de millions de dollars. Les membres de Boko Haram ont enlevé plus d'une douzaine de citoyens français au cours des trois dernières années. On en arrive donc à un grand nombre d'armes.
    Merci beaucoup. C'est ce qui met fin à notre second tour.
    C'est M. Anderson qui commencera le troisième tour, et il dispose de cinq minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Nous avons regardé votre vidéo un peu plus tôt, et vers la fin, il y avait une discussion sur les mesures qui peuvent être prises. J'ai remarqué qu'il était question de prières en groupe, mais il y avait également une discussion sur la désunion et on disait à quel point les gens qui ne peuvent pas se défendre ne sont pas représentés parce que les personnes qui devraient parler en leur nom ne sont pas unies. Vous, messieurs, pouvez en parler, mais Emmanuel, j'aimerais que vous nous disiez de quelle façon l'église se mobilise pour essayer de régler ces problèmes, car je pense qu'il faut probablement que cela fasse partie de la solution.
    Du côté de notre organisme, notre mandat comporte deux volets. Premièrement, il faut venir en aide aux victimes de persécution, aller à leur secours et les aider concrètement. Il faut rassembler les membres de la communauté, les aider en ce qui concerne les questions de privation des droits, et bien entendu, de violence physique qui n'a rien d'inhabituel.
    Deuxièmement, il faut prendre la foi, la conviction, l'héroïsme, le courage, peu importe le nom qu'on donne à cela, et en quelque sorte le présenter aux églises canadiennes de sorte qu'elles soient à l'écoute concernant les souffrances que beaucoup de gens subissent dans le monde. Notre mandat comporte donc deux volets: nous agissons pour aider les victimes de persécution, et nous essayons de mobiliser l'église en tant qu'aidante.
    Oui, si je puis me permettre, la semaine dernière, j'ai été témoin d'une situation très encourageante au Nigéria. Un groupe d'églises et de professionnels ont uni leurs forces pour essayer d'aider les milliers de réfugiés qui se trouvent maintenant à Jos. Des membres de l'Église anglicane et d'autres ont participé. Ces gens ont besoin d'aide pour intervenir. C'est important, car étant donné que c'est un pays dont la moitié de la population est chrétienne et l'autre, musulmane, et que les chrétiens n'ont pas riposté aux attaques horribles qu'ils ont subies, on comprend qu'il est essentiel de ralentir la cadence. S'ils reçoivent de l'aide, les gens souffrent moins, sont moins en colère, ne sont pas pleins d'amertume et ne sont pas aussi tentés de riposter, ce qui pourrait se produire au bout du compte.
    Permettez-moi d'ajouter que la patience des chrétiens nigérians n'est pas infinie. Nous sommes dans une situation où en février prochain, des élections présidentielles auront lieu. Si un « infidèle » gagne, des groupes se préparent déjà à tuer des chrétiens de nouveau. C'est arrivé en 2011, et c'est pourquoi nous savons que cela se produira probablement encore une fois. Dans les médias, nous entendons déjà des dirigeants musulmans affirmer qu'il y aura des assassinats si les élections sont remportées par un infidèle. Il nous faut donc accompagner des partenaires sur le terrain, les agences de développement, l'ACDI et tout le monde, pour essayer de déterminer comment nous pouvons nous assurer qu'il n'y aura pas d'autres actes de violence.

  (1000)  

    Des personnes s'expriment ainsi — et vous dites que des dirigeants musulmans le font —, mais est-ce que d'autres dirigeants musulmans ont le courage de déclarer qu'une telle chose est inacceptable dans leur pays? Entendez-vous l'autre point de vue? Je crois qu'il nous faut tous l'entendre, mais je me demande si des gens le disent.
    Pas plus tard qu'hier, j'ai été ravi d'apprendre qu'apparemment, le principal dirigeant musulman nigérian a fortement critiqué Boko Haram, ce qui constitue une amélioration, car depuis longtemps, des dirigeants musulmans disent que les chrétiens font sauter les églises et se suicident pour essayer de faire une mauvaise réputation à l'islam. Il semble que nous passons de ce phénomène de propagande à une situation où des gens objectifs définissent la réalité. Nous espérons qu'un plus grand nombre de gens le feront.
    Merci beaucoup.
    Est-ce que d'autres personnes veulent poser des questions ou faire des observations ? C'est le NPD qui aura la parole. Y a-t-il d'autres questions?
    Madame Day, vous pouvez prendre la parole.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je voudrais revenir à la question de l'éducation.
    Pourriez-vous nous donner un portrait de l'éducation primaire et supérieure, à savoir quel est le nombre de jeunes garçons et de jeunes filles qui terminent le primaire et combien se rendent à l'éducation supérieure?
    Saa rêve de devenir médecin mais, pour cela, il faut aller plus loin au niveau des études. Monsieur Ogebe, pourriez-vous me donner un portrait de la situation à cet égard?

[Traduction]

    Oui. Dans bon nombre d'endroits au nord du Nigéria, la proportion de garçons est forte par rapport à celle des filles. Il y a également une crise dans cette partie du pays: environ 10 millions d'enfants ne vont pas à l'école. Nous avons une politique gouvernementale selon laquelle l'école primaire est obligatoire et gratuite. Toutefois, dans le nord, il y a un système d'apprentissage dans lequel des enfants sont envoyés dans les rues, et on leur permet d'apprendre auprès de religieux islamiques et de mollahs. Malheureusement, dans les rues, on les endoctrine, on les néglige et ils se radicalisent.
    Le gouvernement nigérian et l'Agence américaine pour le développement international tentent d'établir des médersas islamiques où il est possible de recevoir une éducation occidentale et une éducation arabe. Le problème de la stratégie, c'est qu'elle isole les élèves de la population, ce qui les amène à se considérer comme étant supérieurs aux enfants non musulmans. Ainsi, lorsqu'il y a un conflit, ils risquent d'être violents envers les gens qui ne vont pas dans les mêmes écoles et qui ne sont pas dans les mêmes classes qu'eux.

  (1005)  

[Français]

    Est-ce que cela veut dire que dans les autres régions, les jeunes filles qui fréquentent l'école primaire se rendent à la fin de ce niveau? Est-ce que les garçons finissent leur niveau primaire et quel est le pourcentage à ce sujet?
    Pourriez-vous nous dire si le nord est la région le plus à risque ou est-ce qu'il y a d'autres régions qui le sont également?

[Traduction]

    Oui. Le nord du pays est plus à risque sur le plan scolaire que le sud. Le sud a toujours été en avance sur le nord, en grande partie parce que nous nous trouvons sur la côte et que c'était un endroit plus accessible pour les missionnaires à leur arrivée. C'était plus difficile pour les missionnaires de se rendre dans le nord, et les autorités coloniales ne les laissaient pas aller loin vers le nord. Ainsi, cette partie du pays est désavantagée depuis longtemps par rapport au sud. De plus, les pratiques consistant à ne pas permettre aux garçons d'aller à l'école posent problème, et ne pas permettre aux filles d'aller à l'école est un problème.
    Je n'ai pas les statistiques précises à cet égard, mais la position désavantageuse du nord est un fait.

[Français]

    Pourriez-vous nous dire, sans trop vous compromettre, dans quelle région le Canada devrait-il concentrer son aide? Est-ce que c'est dans le nord du pays?

[Traduction]

    Oui, de toute évidence, c'est dans le nord du pays.
    Par exemple, je dois vous dire que présentement, des milliers de réfugiés nigérians se trouvent dans des camps au Cameroun. Lorsque je les ai visités, dans l'un des camps, les réfugiés n'avaient pas mangé depuis 49 jours. Il s'agit d'un camp de l'ONU. Des gens essaient d'entrer dans le camp, et si les conditions du camp sont mauvaises, imaginez quelle est la situation des gens qui sont à l'extérieur du camp. Des gens meurent parce qu'ils se font mordre par un serpent et en raison de bon nombre d'autres causes évitables. Si nous pouvions fournir de l'aide humanitaire dans les camps de l'ONU, et également aux personnes déplacées dans le centre du Nigéria qui fuient le nord, ce serait utile.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Goldring.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Il est évident que le groupe Boko Haram participe à la quête religieuse, mais quel est son objectif ultime? Quelle direction prend-il? Que veut-il réellement faire? Limite-t-il ses activités au sein du pays ou veut-il étendre son influence à l'extérieur des frontières? Sa quête correspond-elle à celle des musulmans radicaux en Irak? Quel est son objectif ultime?
    C'est une très bonne question. Son objectif ultime, c'est de dominer le monde. Ironiquement, nous pensions que nous ne voyions cela que dans les films, mais nous constatons que c'est son objectif concret. C'est pourquoi Boko Haram est devenu un groupe terroriste qui mène des activités transnationales. Il est actif au Cameroun, au Niger et au Nigéria. Il mène des activités également dans le nord du Mali. Nous savons qu'il y a des liens avec d'autres groupes. Une conférence téléphonique de groupes djihadistes a été interceptée par les États-Unis, et Boko Haram y participait avec al-Qaïda. Le groupe se présente comme une ligne de défense djihadiste régionale.
    Permettez-moi de souligner que Boko Haram existe depuis environ 10 ans. Au cours des premières années, il se contentait d'être une secte qui avait son campus, son identité, et il tuait des chrétiens des alentours. Il s'est transformé en un groupe qui veut renverser le gouvernement et établir un califat. Il a annoncé son califat il y a quelques mois dans l'une des villes qu'il a prise. Il a déclaré que son objectif, c'est le djihad. Il veut prendre le contrôle du Nigéria et, essentiellement, étendre son influence sur le continent africain.

  (1010)  

    Pour revenir à ma question précédente, cela ne mènerait-il pas à l'adoption d'une certaine approche pour s'attaquer à ce problème? C'est ce que nous remarquons dans le cas de l'EIIS également. Des pays sont déterminés à intervenir directement. Vos observations m'amènent à présumer qu'ils veulent intervenir au Nigéria également. Cela ne montre-t-il pas qu'il est nécessaire, pour ainsi dire, de créer une organisation mondiale de musulmans modérés qui pourraient encourager une certaine modération dans les communautés musulmanes?
    La réputation des communautés musulmanes est également ternie par ces extrémistes au moment où on se parle. Je pense qu'il serait temps pour elles de créer une organisation mondiale leur permettant de présenter le point de vue modéré sur ce qui se passe, et même de participer, avec le reste du monde, à la répression du mouvement de ces extrémistes.
    Absolument, monsieur.
    Permettez-moi de souligner que dans les efforts que nous déployons pour amener Saa et d'autres personnes ici, des jeunes filles musulmanes, des filles du sud du Nigéria ont aidé pour les passeports, etc. Nous voulons voir un mouvement de musulmans. De la même façon que des combattants étrangers se joignent aux terroristes, il faut que des artisans de la paix se rassemblent et essayent, en ayant recours à la persuasion morale et à des débats idéologiques, ou à des débats théologiques, de persuader ces gens que ce n'est pas le bon moyen. Malheureusement, cela n'arrive pas assez souvent. Il nous faut peut-être créer un cadre pour les gens modérés afin de communiquer avec eux.
    C'est pourquoi j'appelle cela un dialogue intraconfessionnel, car vous et moi, qui sommes occidentaux, ne pouvons pas communiquer avec eux dans ce cadre. Selon la charia, dans un palais de justice, notre témoignage ne vaut même pas la moitié de celui d'un musulman. Ils ne nous prendraient pas au sérieux, mais entre musulmans, il peut y avoir un dialogue. De cette façon, je pense qu'on peut espérer éteindre le feu de l'extrémisme idéologique et théologique.
    Vous avez parlé de deux ou trois autres pays qui semblent adopter ce type de philosophie, en plus de l'EIIS et du Nigéria. Dans quels autres pays pouvons-nous attendre à voir une montée de ce type de philosophie musulmane radicale comme au Nigéria et l'EIIS? Pourriez-vous en nommer quelques-uns?
    À l'heure actuelle, en Afrique de l'Est, il y a le groupe al-Chabaab, qui s'étend déjà au Kenya, et qui est responsable de l'attaque scandaleuse qui s'est produite dans un centre commercial du pays l'an dernier. Dans le nord du Mali, il y a le MUJAO, qui a réussi à occuper la partie nord pendant longtemps avant d'être repoussé par des forces françaises, soutenues par des forces nigérianes, etc.
    Ce qui est triste, c'est que bien qu'il se produise exactement la même chose au Nigéria, les pays du monde ne se rassemblent pas pour l'aider à repousser Boko Haram de la façon dont le Nigéria a aidé les Français à faire reculer le MUJAO.
    Dans cette région de l'Afrique, ce sont certains des pays qui sont clairement menacés.
    Je remercie beaucoup nos témoins de leur présence.
    Saa, avez-vous quelque chose à dire avant que notre séance se termine? Nous allons conclure et nous voulons seulement savoir si vous voulez nous dire un dernier mot.
    Oui. Je veux vous remercier de votre programme et de tout ce qui m'arrive. Merci d'essayer d'apporter de l'aide Je vous remercie pour tout ce que vous faites. Merci beaucoup.

  (1015)  

    Encore une fois, je vous remercie de votre présence.
    Emmanuel Ogebe, je vous remercie beaucoup d'avoir participé à la séance par téléconférence.
    Nous remercions les témoins qui étaient avec nous à Ottawa: MM. Peter Jardine et Doug McKenzie.
    Nous témoins peuvent partir.
    Marc, vous vouliez dire rapidement quelque chose avant que la séance se termine.
    Oui. Merci, monsieur le président.
    C'est arrivé à la dernière minute, mais la semaine prochaine, Mme Vian Dakhil, une yézidie qui est membre du Parlement en Irak, comparaîtra au Congrès. On lui a demandé de comparaître. Elle accepterait, s'il y a lieu, de venir au Canada et de nous parler de son expérience concernant l'EIIL.
    Je sais que c'est une affaire de dernière minute, mais si le comité souhaite la rencontrer, soit mardi ou jeudi prochain, selon ses disponibilités... Je propose l'idée au comité.
    Quelqu'un veut prendre la parole?
    Paul.
    J'appuie l'idée. J'avais entendu parler de sa venue. L'ambassadeur de l'Irak en a parlé.
    David.
    Je crois que nous appuyons l'idée qu'elle comparaisse devant nous, que ce soit par vidéoconférence ou par un autre moyen. Je crois qu'elle serait en mesure de nous donner des renseignements importants.
    Nous pourrions l'ajouter à l'un de nos groupes de témoins.
    Oui.
    D'accord.
    Je vais vérifier si son horaire le permet, et je vous en reparlerai immédiatement.
    Absolument. Allez-y, et il sera peut-être possible de l'ajouter à notre liste de témoins.
    Puisqu'il nous reste un peu de temps, j'aimerais que nous examinions deux propositions de budget. J'allais réserver cela pour une autre séance, mais il nous reste une demi-heure.
    [Note de la rédaction: inaudible]
    D'accord, pas une demi-heure...
    Très brièvement, il s'agit simplement de deux budgets portant sur nos travaux actuels. L'un concerne l'étude que nous avons commencée, et l'autre, la séance d'aujourd'hui. Il y a un budget de 22 500 $ et un autre de 2 650 $. Je veux seulement savoir si le comité a des objections.
    Il s'agit de la pratique habituelle. Il nous faut voter pour les adopter. Si vous voulez y jeter rapidement un coup d'oeil...
    Puisque nous en avons maintenant fait la distribution, avez-vous des questions? Comme je l'ai dit, il s'agit de la pratique habituelle. L'un des montants concerne la réaction du Canada concernant l'EIIL. C'est une étude que nous venons de commencer. L'autre est lié à la comparution par vidéoconférence d'aujourd'hui. Avez-vous des questions?
    Si ce n'est pas le cas, je vais poser la question.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Le président: La motion est adoptée.
    Merci beaucoup.
    Si vous me le permettez, j'aimerais soulever un autre point. J'aimerais savoir si nous avons eu des nouvelles des ministres concernant le budget.
    Non.
    Donc, ils l'ont donc demandé, mais nous n'avons pas eu de nouvelles.
    D'accord.
    Autre chose, mesdames et messieurs?
    Pourrais-je dire quelque chose? Nous redoublerons d'efforts pour vous mettre au courant plus rapidement des changements d'horaire que cette fois-ci. C'était une situation changeante du début à la fin.
    Nous essayerons de donner un peu plus de renseignements aux députés de l'opposition si des changements sont apportés aux activités du comité ou concernant la possibilité de faire comparaître des témoins.
    Oui, Je pense que ce serait utile. Même si c'était à l'ordre du jour et que nous ne sachions pas le moment, ce serait bien.
    Si je puis me permettre, l'une des choses qui nous a posé des difficultés auparavant, c'est tenir des réunions de planification appropriées, ce qui permet souvent d'éviter cette situation. C'est ce que je dirais.
    J'ignore comment cela s'est produit. Je n'étais pas content, non seulement pour nous, les députés de l'opposition — nous n'avons pas eu le temps de nous préparer; nous avons appris la nouvelle hier —, mais également pour tous les gens qui travaillent ici, sauf peut-être le président, et le président n'était pas non plus au courant.
    J'ignore comment c'est arrivé, mais je sais comment nous pourrions éviter que la situation se reproduise. Il s'agirait notamment de tenir des réunions de planification ou de direction comme avant. C'est une solution. De toute évidence, nous ne pouvons pas avoir à la dernière minute... C'est injuste pour les gens qui travaillent ici et qui doivent se préparer. C'est injuste pour tout le monde, et nous ne ferions certainement pas la même chose. Parfois, des choses se produisent; je comprends.
    Une voix: C'est le cas ici.

  (1020)  

    Eh bien, c'est ce que je dis, David. Vous m'avez jeté tout un regard.
    Rien n'a été communiqué jusqu'à ce que nous l'apprenions, 24 heures à l'avance. Je ne sais pas si c'était 24 heures avant, mais cela aurait pu être soulevé au comité concernant la possibilité d'en parler à quelqu'un. Cela aurait été utile pour tout le monde.
    C'est ce que j'ai dit.
    Une voix: Non, pas vraiment.
    Parfait. Merci beaucoup.
    Cela dit, la séance est levée.
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