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FEWO Rapport du Comité

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STATISTIQUES SUR LES TROUBLES DE l’ALIMENTATION

Nombre de témoins ont révélé que la collecte de données sur les troubles de l’alimentation est insuffisante, que les données sont désuètes et qu’on en sait trop peu sur l’incidence et la prévalence de ces troubles chez certains groupes de la population, notamment les enfants et les adolescents, les minorités ethniques et visibles, les Premières Nations et les minorités sexuelles et de genre[10]. Les témoins ont laissé entendre qu’il serait possible de mieux sensibiliser les gens et de prouver la gravité et l’étendue des troubles de l’alimentation si l’on disposait de données plus précises. Selon l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), « les banques de données actuelles de l’ICIS fournissent certains renseignements sur les troubles de l’alimentation chez les femmes et les filles au Canada, [mais] il est possible d’aller encore plus loin[11] ». Le Comité a appris que huit administrations transmettent des données sur les troubles de l’alimentation à l’ICIS et qu’on estime que les données couvrent 59 % des services d’urgence dans l’ensemble du Canada[12].

A. Données générales

Néanmoins, certains ont été en mesure de fournir les chiffres les plus utiles ou les plus récents disponibles. L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a révélé qu’en 2006, 0,5 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus avaient reçu un diagnostic de trouble de l’alimentation au cours des 12 mois précédents, et que 1,5 % des Canadiens avaient fait état de symptômes répondant aux critères d’un « problème d’attitude à l’égard de l’alimentation[13] ». Le Dr Blake Woodside, directeur médical du programme des troubles de l’alimentation de l’Hôpital général de Toronto, a indiqué que l’anorexie mentale touche près de 0,5 % de la population, ce qui signifie qu’environ 150 000 Canadiens ont ou ont eu la maladie[14]. De 15 à 20 % des personnes atteintes d’anorexie mentale contracteront une forme chronique de la maladie, sur laquelle les traitements n’auront généralement aucun effet[15]. Le Dr Woodside a indiqué que la boulimie mentale touche près de 1 % de la population, soit quelque 300 000 Canadiens.

Dans son témoignage, la Dre Gail McVey, psychiatre à l’Hôpital pour enfants de Toronto et directrice de l’Ontario Community Outreach Program for Eating Disorder (OCOPED), a expliqué que de 600 000 à 990 000 Canadiens répondraient aux critères du diagnostic d’un trouble de l’alimentation à un moment donné, et que les personnes faisant état de symptômes gravement débilitants, mais insuffisants pour le diagnostic, seraient encore plus nombreuses[16]. D’autres témoins ont noté que chez les adolescents, l’apparition de la maladie culmine vers l’âge de 19 à 20 ans pour l’anorexie mentale, vers l’âge de 16 à 20 ans pour la boulimie mentale et vers l’âge de 18 à 20 ans pour la frénésie alimentaire[17].

Carla Rice, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les soins, le sexe et les relations, et la candidate à la maîtrise Andrea LaMarre, toutes deux du Département des relations familiales et de la nutrition appliquée de l’Université de Guelph, ont mentionné que les changements récents à la classification des troubles de l’alimentation faits dans le Manuel diagnostique et statistique (DSM-V) entraîneront vraisemblablement des variations dans le diagnostic des troubles de l’alimentation, ce qui pourrait avoir une incidence sur les calculs de la prévalence et de l’incidence[18]. Elles ont aussi souligné que les statistiques ne reflètent que les cas des personnes ayant demandé une intervention médicale, ce qui signifie que l’incidence réelle de certains troubles de l’alimentation pourrait être plus élevée; dans le cas des enfants canadiens ayant un trouble de l’alimentation, on estime que l’incidence serait de deux à quatre fois plus élevée que ce qui est recensé dans la documentation spécialisée[19]. En outre, certains groupes de la population pourraient être moins portés à demander un traitement, en particulier s’ils ne correspondent pas au stéréotype de la personne ayant un trouble de l’alimentation. Les hommes et les garçons, les membres des minorités ethniques et visibles, ainsi que les membres des minorités sexuelles et de genre sont peut-être moins portés à demander un traitement, parce qu’ils ont honte ou qu’ils craignent la stigmatisation, et les professionnels de la santé ne dépistent peut-être pas aussi facilement les troubles de l’alimentation chez ces groupes que chez les jeunes femmes blanches[20].

B. Troubles de l’alimentation chez les garçons et les hommes

Les troubles de l’alimentation sont de loin les plus fréquents chez les filles et les femmes que chez les garçons et les hommes. En effet, le Dr Blake Woodside, de l’Hôpital général de Toronto, a précisé qu’environ 80 % des personnes aux prises avec un trouble de l’alimentation sont des femmes[21]. Joy Johnson, directrice scientifique de l’Institut de la santé des femmes et des hommes aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), a dit au Comité que le diagnostic des troubles de l’alimentation est de plus en plus fréquent chez les garçons[22]. Toutefois, comme l’a souligné le Dr Woodside, ces troubles peuvent se manifester très différemment chez les garçons et les hommes que chez les filles et les femmes. Par exemple, il a expliqué que certains hommes chercheront à perdre du poids tandis que d’autres tenteront d’en prendre en soulevant des haltères[23]. Pour la pédiatre Dre April Elliott, chef de la médecine de l’adolescence à l’Hôpital pour enfants de l’Alberta, les jeunes hommes font face à des difficultés supplémentaires, parce qu’ils doivent souvent passer par des programmes s’adressant aux jeunes femmes pour obtenir un traitement[24]. Enfin, Laura Beattie, vice-présidente du Families Empowered and Supporting Treatment of Eating Disorders Canada Task Force (F.E.A.S.T.), a demandé instamment au Comité de ne pas oublier que les troubles de l’alimentation touchent aussi les jeunes hommes, soulignant qu’omettre de reconnaître ce groupe de la population fait en sorte que l’on perpétue « les préjugés et les mythes associés à cette maladie[25] ». Les témoins se sont concentrés sur les femmes, étant donné le mandat et la compétence du Comité en la matière, mais se sont assurés de renseigner le Comité sur la manière dont les hommes et les garçons sont affectés eux aussi par les troubles de l’alimentation.

C. Taux de mortalité

Les taux de mortalité associés aux troubles de l’alimentation comptent parmi les statistiques les plus inquiétantes. De nombreux témoins ont noté que les troubles de l’alimentation, en particulier l’anorexie mentale, présentent les taux de mortalité les plus élevés de toutes les maladies mentales[26]. Ce sont les complications graves et la fréquence du suicide chez les personnes atteintes qui sont à l’origine des taux élevés de mortalité[27]. Les chercheurs estiment que 10 % des personnes ayant reçu un diagnostic d’anorexie mentale mourront dans les 10 ans suivant le diagnostic[28]. Le taux global de mortalité associé à l’anorexie mentale serait de 10 à 15 %, tandis que pour la boulimie mentale, il s’établirait à environ 5 %[29]. Ensemble, ces deux troubles de l’alimentation tueraient de 1 000 à 1 500 Canadiens par année[30]. Certains témoins ont souligné, cependant, que les troubles de l’alimentation n’apparaissent pas toujours comme cause de la mort dans les certificats de décès. Ce sont plutôt les complications médicales qui y sont consignées ou, s’il y a lieu, le suicide, ce qui a pour effet de dissimuler la véritable létalité des troubles de l’alimentation[31].

D. Importance de la qualité des données sur les troubles de l’alimentation

En plus des problèmes liés aux données sur les troubles de l’alimentation au Canada, le Comité s’est fait expliquer pourquoi il est si important que ceux qui travaillent dans le domaine des troubles de l’alimentation disposent de données de grande qualité. Elizabeth Phoenix, infirmière praticienne de la Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale (FCIISM), a indiqué qu’il est nécessaire d’avoir des données solides pour prendre des décisions éclairées[32]. Jarrah Hodge, porte-parole de Women, Action and the Media Vancouver, a expliqué quant à elle que les organismes communautaires sans but lucratif qui œuvrent auprès de personnes atteintes de troubles de l’alimentation peinent à trouver du financement parce qu’ils ne disposent pas de données précises qui leur permettraient de démontrer combien leurs services sont nécessaires[33].

Ayant survécu à un trouble de l’alimentation, la thérapeute Carly Lambert-Crawford a dit au Comité, « [j]e vous dis d’emblée que les statistiques concernant les troubles de l’alimentation sous-estiment le problème, car des millions de femmes souffrent en silence[34] ».



[10]       Témoignages, 5 février 2014, 1625 (Merryl Bear, directrice, National Eating Disorder Information Centre); Témoignages, 10 décembre 2013, 1620 (Marla Israel, directrice générale par intérim, Centre pour la promotion de la santé, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada); Témoignages, 24 février 2014, 1700 (Elizabeth Phoenix, infirmière praticienne, Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale); Témoignages, 12 février 2014, 1610 (Joanna Anderson); Hasan Hutchinson, Ph. D., directeur général, Bureau de la politique et de la promotion de la nutrition, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada, « Lettre de suivi au Comité permanent de la condition féminine », Réponse écrite, 21 mars 2014; Témoignages, 10 décembre 2013, 1635 (Joy Johnson, directrice scientifique, Institut de la santé des femmes et des hommes, Instituts de recherche en santé du Canada); Témoignages, 10 février 2014, 1610 (Dre Leora Pinhas, M.D., FRCPC, Département de psychiatrie, Hôpital pour enfants de Toronto).

[11]       Brent Diverty, vice-président, programmes, Institut canadien d'information sur la santé, « Mémoire présenté au Comité permanent de la condition féminine », Mémoire, 2 avril 2014.

[12]       Brent Diverty, « Mémoire présenté au Comité permanent de la condition féminine », Mémoire, 2 avril 2014.

[13]       Témoignages, 10 décembre 2013, 1540 (Marla Israel).

[14]       Témoignages, 28 novembre 2013, 1530 (Dr Blake Woodside).

[15]       Ibid.

[16]       Dre Gail McVey, Ph. D., psychologue clinicienne, Community Health Systems Resource Group, Ontario Community Outreach Program for Eating Disorders, Hôpital pour enfants de Toronto, « Les lacunes dans les services de troubles de l’alimentation et recommandations », Ontario Community Outreach Program for Eating Disorders, Mémoire, 4 mars 2014.

[17]       Carla Rice et Andrea LaMarre, Université de Guelph, « Suivi du témoignage sur le traitement et la prévention des troubles de l’alimentation au Canada », Réponse écrite, 10 mars 2014.

[18]       Ibid.

[19]       Ibid.

[20]       Ibid.

[21]       Ibid.

[22]       Témoignages, 10 décembre 2013, 1545 (Joy Johnson).

[23]       Témoignages, 28 novembre 2013, 1545 (Dr Blake Woodside).

[24]       Témoignages, 5 février 2014, 1635 (Dre April S. Elliott, M.D., pédiatre, chef de la médecine de l’adolescence, Hôpital pour enfants de l’Alberta, Calgary Eating Disorder Program).

[25]       Témoignages,, 3 mars 2014, 1550 (Laura Beattie, vice-présidente, Families Empowered and Supporting Treatment of Eating Disorders Canada Task Force).

[26]       Témoignages, 5 février 2014, 1635 (Dre April S. Elliott); Témoignages, 5 février 2014, 1650 (Dre Debra Katzman, M.D., FRCPC, professeure en pédiatrie, Division de la médecine de l’adolescence, Département de pédiatrie, Université de Toronto); Témoignages, 5 février 2014, 1535 (Merryl Bear); Témoignages, 10 février 2014, 1640 (Wendy Preskow, fondatrice et représentante, National Initiative for Eating Disorders); Témoignages, 10 décembre 2013, 1545 (Joy Johnson); Témoignages, 24 février 2014, 1530 (Dre Wendy Spettigue); Témoignages, 12 février 2014, 1535 (Noelle Martin, R.D., professeure, Collège universitaire Brescia, Université Western, et présidente, Registered Dietitian Services); Témoignages, 3 mars 2014, 1535 (Patricia Lemoine).

[27]       Témoignages, 5 février 2014, 1635 (Dre April S. Elliott); Témoignages, 24 février 2014, 1530 (Dre Wendy Spettigue).

[28]       Témoignages, 12 février 2014, 1535 (Noelle Martin).

[29]       Témoignages, 28 novembre 2013, 1530 (Dr Blake Woodside).

[30]       Ibid.

[31]       Témoignages, 28 novembre 2013, 1530 (Dr Blake Woodside); Témoignages, 5 février 2014, 1625 (Merryl Bear); Témoignages, 3 mars 2014, 1550 (Elaine Stevenson, coadministratrice, Alyssa Stevenson Eating Disorder Memorial Trust).

[32]       Témoignages, 24 février 2014, 1555 (Elizabeth Phoenix).

[33]       Témoignages, 10 février 2014, 1700 (Jarrah Hodge, Women, Action and the Media Vancouver).

[34]       Témoignages, 5 mars 2014, 1530 (Carly Lambert-Crawford, à titre personnel).