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HUMA Rapport du Comité

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CHAPITRE UN : LE MARCHÉ DE LA FINANCE SOCIALE AU CANADA

A. Qu’est-ce que la finance sociale?

Brièvement, on dit de la finance sociale qu’il s’agit de « l’utilisation de capitaux privés dans les marchés financiers pour le bien de la société[2] ». Le Comité s’est fait dire que les expressions « finance sociale » et « investissement à impact » sont souvent utilisées de façon interchangeable pour désigner un type d’investissement qui vise à obtenir un rendement à la fois financier et social. Vue sous un autre angle, la notion de « finance sociale » peut décrire une approche qui consiste à mobiliser des capitaux remboursables afin d’obtenir un impact social constructif.

Des représentants d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) ont décrit la notion de finance sociale en ces termes :

En termes simples, la finance sociale consiste à utiliser l’argent de façon à générer des retombées à la fois sociales et financières. C’est une approche qui mobilise de multiples sources de capitaux pour générer des résultats sociaux mesurables et positifs ainsi qu’un dividende économique.
La finance sociale permet de faire des investissements supplémentaires et d’accroître les fonds dont l’on dispose pour élaborer, offrir et mettre à niveau des approches éprouvées visant à régler les questions socioéconomiques dans nos collectivités. Elle englobe de nouvelles approches à l’égard de l’investissement. Souvent appelée « investissement d’impact », la « finance sociale » peut être remplacée par « investissement social »[3].

Bien qu’elle ne soit pas une idée nouvelle, la finance sociale a gagné en popularité ces dernières années. En effet, on la voit de plus en plus, à l’échelle mondiale, comme une façon d’appuyer l’économie sociale et les organisations du secteur social, et de trouver de nouvelles solutions à des problèmes de société complexes. Le Comité s’est fait dire que le Royaume-Uni est à la tête de ce renouveau d’intérêt international : il développe son secteur de la finance sociale depuis 15 ans, et a profité de son mandat récent à la présidence du G-8 pour établir un groupe de travail sur l’investissement à impact[4]. Sous l’égide de ce groupe de travail, les pays membres du G-8, dont le Canada, ont créé des conseils consultatifs nationaux, qu’ils ont chargé de faire rapport des priorités de leur pays. Le rapport final du Comité consultatif national du Canada au groupe de travail sur l’investissement social est paru en septembre 2014[5].

Comme l’a dit Kieron Boyle, du gouvernement du Royaume-Uni, la finance sociale se doit d’être un concept assez large, vu la diversité des intervenants et des perspectives :

Les définitions font toute la différence ici. Dans l'ensemble du Royaume-Uni, il semble y avoir deux grandes définitions de ce qu'on entend par finance sociale. La première, ce sont les capitaux remboursables qui permettent aux organisations sociales de produire un impact plus fort. Cela, c'est surtout du point de vue de l'organisation bénéficiaire de l'investissement. Il existe une définition plus large que nous avons utilisée au sein du groupe de travail du G8 et qui englobe l'investissement social visant expressément à obtenir des rendements financiers et des résultats sociaux et à les mesurer.
Je pense que les deux sont valables. Elles donnent une idée de la portée de cet enjeu. Tout dépend du point de vue que vous adoptez[6].

Jeffrey Cyr de l’Association nationale des centres d’amitié a abordé un thème soulevé à plusieurs reprises par les témoins, soit celui que la finance social peut également être, au Canada, un outil de politique sociale qui encourage l’innovation et qui complète, améliore ou élargit la portée des programmes en place afin de produire de plus grands effets sociaux plutôt que d’en venir à les remplacer. De nombreux témoins, y compris M. Cyr, ont présenté la finance sociale comme un outil permettant d’aborder sous un nouvel angle et de manière novatrice certains enjeux sociaux précis et complexes.

Passons tout de suite à la finance sociale, qui, selon moi, fait partie d'une série de mécanismes et de structures nécessaires pour faciliter l'innovation sociale. Évidemment, l'innovation sociale est au cœur même de l'enclenchement et de la création du changement systémique.
En ce qui nous concerne, une chose est claire. On ne pourra pas résoudre les problèmes complexes qui nous entourent, notamment ceux auxquels se heurtent les Autochtones vivant en zones urbaines, par les moyens traditionnels. Je vous dirai franchement que les systèmes actuels n'ont pas été conçus pour régler les problèmes actuels […]
L'innovation et la finance sociales sont des outils extraordinaires pour s'appuyer sur des relations stratégiques afin de créer ou, plus important encore, d'intensifier et de diversifier des initiatives en cours pour en accroître l'efficacité.[7]

Les témoins qui ont comparu devant le Comité ont abordé la finance sociale de divers points de vue et, comme on l’expliquera plus loin, ils ont mis en lumière divers outils et modèles d’entreprise qui se regroupent sous cette notion générale. Toutefois, le Comité s’est fait dire que les modèles de finance sociale ont en commun une caractéristique clé qui s’écarte des modèles de financement classiques : alors que les subventions et les dons apportent des fonds ponctuels, la finance sociale vise à réaliser quelque chose « de plus durable, de plus permanent[8] ».

On a expliqué au Comité que le marché de la finance sociale, comme tout marché financier, combine demande (de capitaux, nécessaires au financement des initiatives), offre (les capitaux à investir) et intermédiaires (pour mettre en contact les demandeurs et les offreurs). Comme Siobhan Harty, d’EDSC, l’a expliqué :

À l’instar d’autres marchés financiers, le marché de la finance sociale compte trois grandes composantes. Il y a l’offre, qui fournit le capital. Un certain nombre de joueurs sont actifs dans ce secteur, comme les fondations, les institutions financières et les investisseurs privés, pour n’en nommer que quelques-uns. Il y a la demande, qui vient d’une gamme d’organismes à but lucratif et sans but lucratif, notamment des organismes de bienfaisance, des organismes sans but lucratif, des entreprises sociales, des coopératives et des entreprises à mission sociale. Entre les deux se trouvent les intermédiaires, les agents qui essaient de rapprocher les deux côtés du marché: l’offre et la demande. Ces intermédiaires s’efforcent de faciliter les marchés en offrant de l’expertise pour le développement de l’offre et de la demande et pour permettre la croissance efficiente du marché global[9].

On a dit au Comité que l’intérêt pour la finance sociale se vérifie du côté de l’offre autant que de la demande. Ainsi, du côté de l’offre (gouvernements, fondations, établissements financiers), les investisseurs sont de plus en plus intéressés à obtenir non seulement un rendement financier mais aussi des impacts sociaux positifs. Comme l’a dit Mme Harty, d’EDSC :

Nous voyons une mentalité différente, si je peux me permettre ce terme dans un contexte financier, c'est-à-dire des gens qui veulent investir et pas seulement toucher un profit. Des investisseurs recherchant un impact social ou voulant appuyer l'entreprise sociale, qui ont des attentes différentes par rapport au marché et aux politiques, car ils se demandent comment ils peuvent se servir de leur argent pour faire du bien[10].

Du point de vue de la demande (organismes de bienfaisance, organisations sans but lucratif, entreprises sociales), on cherche de nouvelles approches pour combattre des problèmes sociaux et économiques qui ont résisté aux approches traditionnelles de financement. Carole Gagnon, de Centraide Ottawa, a parlé comme suit de cette dynamique :

Les modes de financement traditionnels des interventions sociales vivent une grande transformation. Bon nombre de facteurs continueront à exercer des pressions sur le financement gouvernemental des services sociaux.
[…]
Il est certain que nous considérons la question de l'investissement de capitaux privés comme une occasion pour avoir de nouvelles conversations avec nos donateurs de longue date, car nous parlons déjà d'investissement avec bon nombre d'entre eux. Le potentiel d'attirer de nouveaux intervenants dans le cadre de nos travaux est là, et requerra une plus grande mobilisation au sein de tous les secteurs[11].

Plusieurs intermédiaires du marché canadien de la finance sociale sont venus témoigner, dont des organismes qui travaillent avec les investisseurs et aident à générer des capitaux pour la finance sociale, renforcent la capacité des demandeurs de participer au marché, et produisent des recherches et des données pour la mesure et l’évaluation des initiatives de finance sociale. Tim Jackson, de MaRS Discovery District, un organisme de bienfaisance enregistré qui promeut la finance sociale du côté à la fois de la demande et de l’offre, a décrit comment cette approche peut infuser de nouveaux fonds à la lutte contre les grands problèmes sociaux :

Pour résumer la chose simplement, les défis auxquels notre société fait face nécessitent une nouvelle façon de faire. Vous, les parlementaires, devez composer avec les contraintes budgétaires, surtout dans des domaines comme la santé et les services sociaux. Vous reconnaîtrez sans doute que la façon novatrice du Canada d'aborder l'entrepreneuriat, les affaires et l'innovation doit aussi s'appliquer aux grands enjeux sociaux, comme l'itinérance et la réduction de la pauvreté. Nous croyons qu'il faut innover à ce chapitre, ce pourquoi nous avons besoin d'un financement qui n'est pas offert en ce moment dans cet espace[12].

S’ils étaient généralement d’accord pour dire qu’il faut recourir à de nouveaux types de partenariats et de sources de financement pour s’attaquer aux problèmes socioéconomiques les plus tenaces, les témoins n’ont pas tous proposé que les initiatives de finance sociale prennent la même forme. La prochaine section du présent chapitre expose les principaux instruments de finance sociale proposés par les témoins et fait le point, à partir des discussions, sur le rôle potentiel de la finance sociale dans le secteur des services sociaux du Canada.

B. Les outils et les modèles de la finance sociale

Comme la finance sociale a pour but global d’améliorer les résultats sociaux, elle se distingue des modèles traditionnels de financement des programmes sociaux (qui se concentrent sur les résultats à court terme) ainsi que des investissements conventionnels (qui visent le profit optimal). Les capitaux privés peuvent servir de plusieurs façons à poursuivre l’objectif d’améliorer les résultats sociaux. Dans la présente section, on discute des trois principaux outils/modèles de finance sociale mentionnés par les témoins : les obligations à impact social (OIS), les fonds d’investissement social et les entreprises sociales.

1. Obligations à impact social

La finance sociale peut prendre la forme de « financement axé sur les résultats » ou de « paiement en fonction du rendement » : selon ce système, les fonds ne sont versés qu’à la condition que certains résultats sociaux mesurables soient atteints. Pour concrétiser ce modèle, on peut notamment utiliser les « obligations à impact social » (OIS), qu’EDSC définit comme suit :

Instrument de financement de projets qui prévoit le versement d’un montant d’argent préétabli si les résultats en matière de rendement sont atteints. Les OIS combinent la rémunération au rendement à une approche fondée sur l’investissement : les investisseurs du secteur privé fournissent le capital initial pour financer des interventions et peuvent s’attendre à récupérer leurs principaux investissements ainsi qu’un rendement financier si les résultats sont atteints[13].

Bien que leur structure précise puisse varier, les OIS sont en général des contrats dans le cadre desquels l’investisseur accepte de financer sur plusieurs années la prestation d’un programme par un fournisseur de services, tandis que le gouvernement s’engage à rembourser le capital de l’investisseur, plus une somme convenue, si le programme atteint les résultats sociaux voulus. Comme l’a expliqué Meghan Joy, de l’Université Ryerson :

En gros, tout commence par le gouvernement qui cible un domaine de la politique sociale dans lequel il aimerait payer pour obtenir des résultats […] Une fois le domaine ciblé, le gouvernement négocie un contrat avec un organisme intermédiaire qui gère le projet d’OIS et constitue le titre obligataire. L’intermédiaire dresse la liste des résultats souhaités, des coûts du projet et des économies réalisées et établit le taux de rendement pour les investisseurs en fonction de l’atteinte des résultats convenus. Il émet ensuite les obligations aux investisseurs privés, qui fournissent le capital initial ou le capital immédiat pour le projet. Voilà où l’outil de finance sociale, l’investissement à impact social, entre en jeu[14].

On a fait valoir au Comité que les OIS peuvent être utiles au financement et à l’exécution des programmes sociaux : elles permettent de réaliser des économies, motivent le secteur privé à innover et déplacent vers ce dernier les risques du financement de l’innovation sociale. Cependant, comme on le verra ci-dessous, plusieurs témoins se sont montrés critiques envers les OIS et ont mis en doute leur capacité d’améliorer les modèles de financement et de prestation actuels.

Lars Boggild, de Finance for Good, a dit au Comité qu’il existe actuellement 44 OIS en activité dans le monde[15]. La première OIS a été lancée en 2010, à Peterborough, au Royaume-Uni. Elle visait le financement d’un projet de réduction du taux de récidivisme chez les contrevenants de sexe masculin condamnés à de courtes peines de prison. Ce projet, qui devait à l’origine s’étendre sur sept ans, a en fait été annulé à mi-chemin, le système correctionnel ayant réorienté les services de réinsertion sociale.[16] C’est donc dire que les résultats complets de cette OIS n’ont jamais pu être évalués. Comme l’a dit John Loxley, de la University of Manitoba, « l'expérience en entier a pris fin bien trop tôt pour qu'on puisse appeler cela une réussite[17] ».

Kieron Boyle a indiqué que le Royaume-Uni avait lancé 31 OIS dans cinq domaines : « la santé, la récidive, le chômage des jeunes, les enfants à risque et […] l'adoption ». M. Boyle a dit au Comité que les résultats définitifs de ces projets ne sont pas encore connus et que, même s’ils devaient s’avérer positifs, il resterait encore à déterminer, à ce stade initial, si leur succès doit être entièrement attribué au modèle de l’OIS :

D'après tous les premiers signes, les obligations à impact social donnent de meilleurs résultats que ce qui se serait passé autrement. Nous ne savons pas encore si les résultats seraient les mêmes au cas où le modèle serait reproduit à plus grande échelle ou s'il s'agit d'une sorte d'effet de halo en raison de toute l'attention et de l'intérêt que cela suscite[18].

On a informé le Comité que, au Canada, la première OIS a été lancée en Saskatchewan l’année dernière. Elle visait la construction d’un foyer abordable et sécuritaire pour les mères et leurs jeunes enfants. Donald Meikle, du Saskatoon Downtown Youth Centre (centre chargé de l’exécution du projet), a expliqué pourquoi son organisme s’est tourné vers les OIS :

Les possibilités qui s'offraient à nous pour le financement de ce foyer étaient d'attendre jusqu'à un an et demi pour entrer dans le cycle de financement, sans aucune promesse encore là, d'essayer d'obtenir l'argent nécessaire auprès d'un organisme qui doit déjà trouver environ 100 000 $ chaque année pour que nous puissions garder nos portes ouvertes ou d'utiliser une façon nouvelle et novatrice de trouver du financement qu'on appelle l'obligation à impact social et qui fonde le financement sur les résultats[19].

Dale McFee, sous-ministre des services correctionnels du gouvernement de la Saskatchewan, a dit au Comité que la valeur de cette OIS était estimée à 1 million de dollars – montant relativement modeste – et qu’aucun intermédiaire n’avait été employé[20]. Au nombre des investisseurs, on compte une société de développement du logement et une coopérative de crédit[21].

Le Comité a été avisé qu’EDSC est impliqué dans un projet pilote qui incorpore certains éléments du modèle d’OIS à l’égard d’interventions en matière d’alphabétisme et de compétences essentielles. Mme Harty a expliqué que le projet pilote :

… durera environ 18 mois. Il vise deux populations: des Canadiens qui travaillent et des Canadiens au chômage. Dans les deux cas, on fait des interventions pour accroître leur alphabétisme et leurs compétences essentielles en vue de faire en sorte qu'ils participent davantage au marché du travail. On est en train de mettre la dernière main aux partenariats et aux négociations qui s'y rapportent[22].

Jean‑Pierre Voyer, de la Société de recherche sociale appliquée (cabinet chargé de l’évaluation indépendante du projet), a fait remarquer qu’un aspect du projet pilote consiste à inscrire des Canadiens au chômage à un programme de formation en compétences essentielles qui « constitue une mise à l'essai de ce qui serait considéré comme étant un vrai modèle d'obligation à impact social, dans le cadre duquel des investisseurs privés récupéreront leur investissement de départ plus un rendement pouvant aller jusqu'à 15 %, si la formation est couronnée de succès ». L’autre volet du projet pilote vise plutôt le développement des compétences d’individus ayant déjà un emploi. Les employeurs du secteur privé se verront rembourser jusqu’à 50% des coûts de la formation, si celle-ci permet d’obtenir les résultats visés. M. Voyer a également expliqué que cet aspect du projet pilote « s'écarte de l'OIS habituelle, puisque l'investisseur est motivé non pas par le rendement du capital investi en tant que tel, mais plutôt par la possibilité d'un rendement économique découlant de l'amélioration de la formation et de la productivité de son effectif ainsi que par le remboursement des dépenses de formation[23] ».  

Les gouvernements ont donc commencé à expérimenter les OIS au Canada, mais le potentiel réel de ce modèle, au pays ou ailleurs dans le monde, n’est encore confirmé par aucune évaluation. Des témoins qui ont participé à la création d’OIS ont dit au Comité qu’ils seraient intéressés à contribuer à l’utilisation de ces instruments au Canada[24]. Cependant, comme on le lira ci-dessous, d’autres intervenants ont au contraire critiqué les OIS et recommandé au gouvernement fédéral de les employer avec prudence, voire de les éviter. Ces témoins, à la lumière des données actuelles et de l’expérience des autres pays, se sont montrés sceptiques sur la viabilité des OIS comme instruments de financement des programmes sociaux au Canada.

Premièrement, certains ont fait valoir que les OIS n’allaient probablement pas accroître l’efficience des programmes ni réduire les coûts du gouvernement, mais simplement imposer à l’État de nouvelles charges financières et administratives (p. ex. les coûts indirects à court terme du développement de l’expertise interne en finance sociale, l’embauche nécessaire d’avocats, de comptables et d’évaluateurs, etc.). Barret Weber, du Parkland Institute, a dit des obligations à impact social qu’elles sont des arrangements « fastidieux, coûteux, [qui] exigent beaucoup de capital de départ et dont les résultats sont fondés sur les suppositions, au mieux[25] ».

D’autres intervenants, dont Andrew McNeill, du Syndicat national des employés et employées généraux du secteur public, ont rappelé que les taux de rendement oscillent d’un contrat à l’autre, et que les OIS représentent parfois un coût important pour le gouvernement :

[…] les obligations à impact social sont un moyen coûteux d'emprunter. Par exemple, on s'attend à ce que le taux de rendement annuel de la première émission d'obligations à impact social, à Peterborough, en Angleterre, qui vise à réduire le récidivisme, oscillera entre 7,5 % et 13 %. D'après une enquête menée par le MaRS Centre for Impact Investing et Deloitte Canada, les attentes des investisseurs éventuels dans les obligations à impact social ici au Canada sont du même ordre. Par contraste, le gouvernement fédéral a payé en moyenne 2,37 % ses emprunts en 2013-2014, soit à peu près le tiers du rendement minimal que les investisseurs de Peterborough devraient obtenir[26].

Deuxièmement, on a fait valoir que, puisque les investisseurs courent des risques financiers si le programme ne donne pas les résultats prescrits par le gouvernement, ils risquent de « trier sur le volet » ou « d’écrémer » leur clientèle, autrement dit de privilégier les programmes qui ont fait leurs preuves et les populations qui, moins vulnérables, sont les plus susceptibles de produire de bons résultats[27]. David Juppe, du Department of Legislative Services du Maryland, a averti que les OIS ciblant des populations vulnérables ou des programmes novateurs coûteront plus cher, étant donné que « les investisseurs vont exiger un rendement plus élevé, puisque le risque est plus grand[28] ».

Troisièmement, l’évaluation des programmes financés par OIS n’est pas des plus faciles. John Shields, de l’Université Ryerson, a expliqué que, pour que les résultats soient fondés sur des données probantes, il faudrait recourir à des méthodes rigoureuses de jumelage entre des participants choisis de façon aléatoire et un groupe témoin issu de la population générale. Le témoin a ajouté que, s’il est vrai que l’évaluation préliminaire de l’OIS de Peterborough a révélé de bons résultats, « l’échantillon n’était pas aléatoire; il s’agissait, en fait, de volontaires. L’échantillon ayant été faussé, on s’attendrait à des résultats positifs substantiels[29] ». Toutefois, il est préférable de laisser les intermédiaires régler les questions de la mesure des résultats et de la collecte de données pertinentes puisqu’elles sont hors de la portée du gouvernement.

Outre ces critiques visant plutôt la forme, des témoins ont aussi reproché au modèle sa complexité[30] et exprimé la crainte que les OIS ne monopolisent l’attention du gouvernement fédéral au détriment d’autres formes de finance sociale[31].

2. Fonds d’investissement social

De nombreux témoins ont également parlé des fonds d’investissement social, type d’outil de la finance sociale qui regroupe des capitaux de diverses sources et les met à la disposition des acteurs qui se situent du côté de la demande, comme les organisations de prestation de services et les entreprises sociales. Le Comité a appris que ces fonds offrent un accès à des capitaux pour les organisations qui pourraient autrement ne pas être en mesure d'obtenir des prêts traditionnels.

Tout en étant liés de façon générale à l’objectif de résultats sociaux améliorés, les fonds d’investissement social se distinguent des OIS parce que les fonds consacrés à ces initiatives ne sont pas conditionnels à l’obtention vérifiée de résultats. Cet outil ressemble davantage aux instruments plus classiques de financement par emprunt ou par actions, mais il accorde plus d’importance aux fins sociales et moins à l’obtention d’un rendement au taux du marché. Par exemple, Andy Broderick, de la Vancity Credit Union, a parlé du programme Resilient Capital, un partenariat avec la Vancouver Foundation qui a permis de verser, sous forme de prêts à des organismes à visées sociales, quelque 15 millions de dollars recueillis auprès de diverses sources publiques et privées. Le témoin a précisé que :

Resilient fait partie d'un certain nombre de fonds répartis aux quatre coins du pays – ils ne sont pas très nombreux, sans doute huit ou dix – qui cherchent à fournir des capitaux à des entreprises sociales, des entreprises sans but lucratif qui cherchent à améliorer l'environnement. Elles peuvent être à but lucratif à la condition qu'elles aient une mission […] Au Canada, cela représente un marché d'environ 500 millions de dollars, probablement un peu moins. Dans le monde économique occidental, le chiffre atteint environ 50 milliards de dollars et grossit énormément[32].

Le Comité s’est fait dire que le Chantier de l’économie sociale, au Québec est un fond d’investissement social créé pour soutenir les entreprises de l’économie sociale[33]. Ce fonds peut offrir des prêts d’un maximum de 3,5 millions de dollars et ses capitaux proviennent en partie du gouvernement fédéral et en partie de contributions de fonds de travailleurs[34].

Colette Harvey, de la Caisse d'économie solidaire Desjardins, a dit que les activités de finance sociale de son établissement « compte[nt] pour plus de 40 % du volume total en finance sociale » au Québec, et que la Caisse est « un membre très actif de Cap finance, le Réseau de la finance solidaire et responsable ». Mme Harvey a ajouté que l’actif de Desjardins a plus que doublé en 10 ans, pour s’établir à 737 millions de dollars, et que « les prêts aux entreprises sociales ont augmenté de 122 % au cours de la même période », ces prêts étant généralement offerts avec garanties « pour soutenir les activités et le développement des projets à finalité sociale[35] ».

Sandra Odendahl a parlé de l’initiative de finance sociale lancée par la Banque Royale du Canada (RBC) en 2012 : une somme de 10 millions de dollars, prélevée sur la RBC Foundation, a été réservée à « l'investissement dans des sociétés en phase précoce ayant une mission sociale ou environnementale[36] ».

Shawn Murphy, de Coopératives et mutuelles Canada, a dit au Comité que les coopératives comptent plusieurs fonds d’investissement social à l’échelle du pays, et que ceux-ci « sont conçus pour servir à une région géographique particulière ou pour aider un secteur particulier du mouvement coopératif ». Par exemple, l’Arctic Co-operative Development Fund, « créé en 1986 pour fournir des services financiers aux coopératives du Canada arctique », s’élève aujourd’hui à 45 millions de dollars, alors que l’investissement de départ n’a été que de 10 millions de dollars[37].

3. Soutien aux entreprises sociales

De nombreux témoins ont aussi parlé de divers modèles d’entreprise sociale. De façon générale, une entreprise sociale est un « organisme ou une entreprise qui adopte une approche de production orientée vers le marché et la vente de biens et/ou de services pour poursuivre une mission d’intérêt public[38] ». L’entreprise sociale peut prendre la forme d’un organisme de bienfaisance, d’un organisme sans but lucratif, d’une coopérative, d’une société à but lucratif ou d’une société hybride (là où on a légiféré pour créer ce type de société)[39].

Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une forme d’investissement à impact social, les entreprises sociales y sont étroitement associées comme entités grâce auxquelles les outils de la finance sociale peuvent fonctionner. Par exemple, le soutien financier aux entreprises sociales peut comprendre l’offre de prêts ou d’autres formes de financement à des taux inférieurs à ceux du marché pour aider ces entreprises à poursuivre leurs objectifs sociaux.

Le Comité a recueilli le point de vue de témoins engagés dans des entreprises sociales qui ont pu obtenir des fonds de sources publiques et privées pour avoir un impact social positif dans leur milieu. Par exemple, Steve Cordes, de Youth Opportunities Unlimited, organisation mise sur pied pour aider les jeunes qui n’ont pas fait beaucoup d’études et n’ont aucune expérience de travail, a notamment expliqué comment cette entreprise sociale tire parti des fonds publics pour obtenir d’autres fonds :

Selon le critère des revenus gagnés, à chaque dollar de fonds publics investi, nous ajoutons, dans les faits, 2 $. Le financement fédéral représente actuellement environ un tiers des fonds investis dans nos entreprises sociales[40].

On a parlé au Comité de l’importance des entreprises sociales dans les collectivités. Courtney Bain, cliente de Youth Opportuities Unlimited (YOU), a présenté comme suit son expérience :

Je m’appelle Courtney. J’ai 24 ans et je fais partie de YOU depuis l’âge de 18 ans. [Cela a] été une longue route, et pas toujours brillante, mais YOU ne m’a pas lâchée. J’ai commencé à suivre le programme de formation axée sur les compétences en septembre dernier et j’ai terminé en février. Pendant tout ce temps, ils m’ont enseigné les compétences dont j’avais besoin. Je n’avais jamais travaillé dans une cuisine, et maintenant je vais diriger la mienne. J’ai mon propre restaurant local.
Sans YOU, je serais probablement encore sans abri et vivrais de prestations sociales. Ils m’ont donné les compétences dont j’avais besoin.
[…]
Ça m’ouvre des possibilités fantastiques. Si ça a pu faire ça pour moi, imaginez combien d’autres gens on pourrait aider[41].

Le Comité a reçu le témoignage d’organisations qui s’intéressent à l’entreprise sociale ou y sont engagées, notamment le Peel Multicultural Council, ABC Life Literacy et Crossing All Bridges Learning Centre[42]. Certaines de ces organisations ont fait valoir qu’elles avaient besoin d’un meilleur accès aux sources privées de financement. Ainsi, le Comité a appris qu’ABC Life Literacy a été financée, pendant ses 25 années d’existence, par des fonds privés, des fonds publics et des dons et qu’elle se tourne maintenant vers l’entrepreneuriat social pour combler les lacunes de son financement. Le projet UP de l’organisme, projet qui offre de la formation professionnelle essentielle en milieu de travail, fonctionne selon le modèle de l’entreprise sociale. ABC Life Literacy a expliqué qu’elle avait besoin d’un « capital patient » pour couvrir les dépenses engagées avant que le projet ne commence à produire des revenus[43]. Crossing All Bridges Learning Centre a également dit qu’il lui fallait des fonds de démarrage pour lancer un projet d’entreprise sociale[44].

C. Rôle de la finance sociale au Canada

Comme on l’a lu ci-dessus, la finance sociale consiste à mobiliser diverses sources de capitaux dans le but d’obtenir à la fois des résultats sociaux durables et un rendement économique. Elle implique la conclusion de partenariats multilatéraux et la mise à profit de l’expertise des sphères sociale et financière. Beaucoup de témoins se sont dits intéressés à participer à l’élaboration et à la mise en œuvre d’outils de finance sociale, mais beaucoup d’autres ont aussi indiqué que ces instruments ne conviennent pas nécessairement à tous les défis sociaux, ni à toutes les populations cibles. Comme on le verra ci-dessous, la discussion a été l’occasion de dresser un portrait des initiatives actuellement prévues ou en cours aux paliers provincial et fédéral, mais aussi de réfléchir globalement au rôle que la finance sociale doit jouer dans le financement des services sociaux.

Des représentants ministériels ont dit que le marché de la finance sociale au Canada, bien que « naissant », présentait un potentiel de croissance. On estime que la valeur actuelle du marché de la finance sociale au Canada s’élève à 2,2 milliards de dollars[45], mais que, selon EDSC, il pourrait atteindre 30 milliards de dollars en 10 ans, « si toutes les parties du marché se rejoignent pour former une situation optimale[46] ».

En mai 2013, EDSC a publié un compte rendu de l’appel national d’idées qu’il avait lancé sur la finance sociale. À ce sujet, Siobhan Harty a dit ce qui suit :

[N]ous avons reçu plus de 150 concepts d'un peu partout au pays sur une période de plusieurs mois. Dans le rapport, nous avons établi le profil de certains d'entre eux. Toutefois, aucun d'eux n'a été financé. Nous voulions surtout savoir si les Canadiens connaissaient la finance sociale et s'ils avaient des idées d'approches innovatrices qui pourraient être utilisées dans le contexte des interventions sur le marché social et le marché du travail[47].

Le Ministère a mentionné que, outre le projet pilote décrit précédemment, il a travaillé « à un projet de microprêts pour aider les immigrants récents à obtenir la reconnaissance de leurs titres de compétences étrangers pour qu’ils puissent exercer leur activité professionnelle au Canada et participer au marché du travail[48] ». Mme Harty a aussi parlé de l’annonce récente, dans le budget de 2015, d’une « initiative des accélérateurs de finances sociales » dont le Ministère prendra la direction[49], et qui devrait comprendre « des services consultatifs, du mentorat, du courtage et des rencontres avec des investisseurs afin d'amener plus rapidement les entreprises de finance sociale à un état de préparation plus propice aux investissements[50] ».

Des initiatives de finance sociale soutenues par les gouvernements sont actuellement en cours ou prévues au Canada. Les témoins ont cité l’exemple de l’OIS lancée en Saskatchewan, mais aussi du projet de crédit d'impôt pour capital de risque du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, du Community Economic Development Investment Funds établi dans cette province[51], et de l’instauration par le gouvernement de la Colombie‑Britannique de « l’entreprise à contribution communautaire », une entité hybride qui, selon le Ministère, se veut « un intermédiaire entre les entreprises traditionnelles et les organismes de charité traditionnels[52] ».

Le marché de la finance sociale est de petite taille au Canada, mais pour beaucoup de témoins, il pourrait devenir une nouvelle source de fonds de plus en plus importante pour les programmes et les services sociaux. La discussion a porté, notamment sur le rôle de la finance sociale par rapport au financement par l’État et les types d’initiatives les mieux adaptés aux interventions de la finance sociale. Elle a aussi abordé les effets potentiels de la finance sociale sur le rôle et les fonctions des organismes de prestation des services.

À ce sujet, certains témoins ont dit craindre que les organismes de services sociaux peinent à préserver leur mission et à maintenir leur indépendance s’ils deviennent tributaires d’investisseurs[53]. D’autres ont fait observer que le degré d’autonomie conservé par l’organisation dépendra de la source des capitaux et de la structure de l’instrument de finance sociale. Comme l’a dit Norm Tasevski, de Purpose Capital :

Prenons l'exemple des investisseurs providentiels avec lesquels nous collaborons. Les investisseurs providentiels sont des individus qui acceptent le risque le plus élevé associé au financement d'un investissement particulier. Dans certains cas, les investisseurs providentiels adoptent une attitude complètement passive envers un investissement. Ils investissent leur capital, puis ils laissent l'entrepreneur faire son travail.
En fait, selon le modèle, ce genre d'investisseurs accordent plus d'autonomie que l'on en aurait avec un programme de subventions gouvernementales ou une œuvre de bienfaisance […] [M]ais à bien des points de vue, le degré de participation requis pour satisfaire les conditions pour obtenir une subvention finit souvent par créer des obstacles à l'autonomie pour de nombreux groupes[54].

Selon Siobhan Harty l’expérience des autres pays montre que la préservation de la mission des organismes est une considération fondamentale des projets de finance sociale :

Si je songe à d'autres pays qui sont plus avancés que le Canada dans le domaine des modèles de finance sociale […] [j]e suppose que cela dépend de la mission de l'organisme, mais d'après tout ce que j'ai entendu, la question est plutôt de savoir comment permettre à ce genre d'organismes de préserver leur mission. C'est d'une importance fondamentale, alors comment s'y prendre? Cette question de la mission est fondamentale à tous les égards. Je n'ai jamais entendu dire que la finance sociale, en tant que forme de financement en soi, empêche un organisme de conserver le contrôle sur sa mission[55].

Selon un grand nombre de témoins, la finance sociale est conçue comme une source de fonds complémentaire ou supplémentaire pour les programmes sociaux. Ainsi conçue, la finance sociale donne un moyen de « pouvoir obtenir différentes sources de financement pour composer avec des enjeux sociaux complexes[56] ». Comme l’a dit Adam Spence, de Social Venture Connection (SVX), « [l]a finance sociale ne remplace pas une bonne politique publique, de bons investissements publics ou une bonne philanthropie, mais c'est un complément nécessaire[57] ».

D’autres témoins ont souligné que la finance sociale pouvait alléger la charge financière du gouvernement, ouvrant la possibilité d’en faire plus avec les fonds publics disponibles. Stanley Hartt, de Norton Rose Fulbright Canada, a fait observer :

J’admets que le but n’est pas de remplacer le financement gouvernemental des activités de bienfaisance de certains organismes ou des activités visant à assurer le bien-être public, mais cela allège effectivement le fardeau du gouvernement si, avec le gouvernement, il peut y avoir des entités du secteur privé qui investissent dans des entreprises sociales qui donnent des résultats prévisibles et mesurables, et ce, à l’aide de fonds du secteur privé.
[…]
Quand vous mobilisez des capitaux privés pour le bien public, vous atténuez la pression exercée sur le gouvernement et vous lui permettez d’en faire plus, peut-être, avec les fonds disponibles. On ne recommande en nulle part au gouvernement d’en faire moins[58].

Kieron Boyle a abondé dans le même sens. Selon lui, la finance sociale peut être utile au secteur social puisqu’elle augmente le nombre des parties œuvrant au bien public :

Une des choses que l'investissement social a, selon moi, le potentiel et la capacité de faire, c'est d'élargir le sentiment de partenariat parmi ceux qui essayent de créer un impact social. Cela me semble être un objectif louable et je pense que c'est réalisable[59].

Sunil Johal, du Mowat Centre, a insisté sur le rôle primordial de l’État dans le contexte de la finance sociale :

Mais je pense qu'il est important de reconnaître que les gouvernements jouent encore le rôle de primus inter pares – premier parmi ses pairs – pour ce qui est d'établir l'orientation et de décider quels sont ces problèmes sociaux difficiles. Les gouvernements devraient tout de même participer activement à ce processus. Je ne pense pas qu'il est souhaitable de confier au secteur privé la responsabilité de régler les grands problèmes[60].

Le risque, pour certains témoins, était que le transfert au secteur privé de la responsabilité des services sociaux n’aboutisse à l’abandon, par le gouvernement fédéral, de certains de ses programmes de financement ou de prestation de services. Conscient des pressions financières qui s’exercent partout dans le monde dans le secteur des services sociaux, Jean‑Pierre Voyer a déclaré :

Les instruments de l'entreprise sociale, de la finance sociale et des obligations à impact social permettent tous d'atteindre des objectifs différents, mais, de façon générale, si l'idée est de les utiliser pour remplacer un programme gouvernemental établi dont le but précis est de servir la population, je pense que c'est le mauvais point de départ. Cependant, si ces outils sont utilisés pour favoriser l'innovation dans les politiques sociales […] et s'ils permettent une prestation de services plus efficace […] Le gouvernement et même les organismes sans but lucratif ne sont pas toujours un modèle de prestation de services efficace.
Si nous pouvons trouver des moyens d'améliorer ces initiatives sans les priver de financement... mais s'ils sont financés d'autres façons, peu importe. La documentation sur le sujet n'est pas concluante. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'une mauvaise façon de procéder. Nous devons simplement être prudents […][61]

On a aussi dit au Comité que la finance sociale présentait l’avantage d’offrir un financement à plus long terme, ce qui convient bien aux approches préventives[62]. En effet, un avantage cité de la finance sociale est sa capacité d’offrir des fonds à long terme, ce qui peut permettre aux fournisseurs de service d’échapper aux renouvellements annuels qui peuvent être difficiles lorsque les résultats ne sont pas immédiatement visibles :

Il est vrai que nombre d’organismes parlent de la grande difficulté de gérer des contrats à court terme et du manque de stabilité du financement qui les accompagne. Ils doivent présenter des demandes assez régulièrement pour obtenir de nouvelles subventions ou du nouveau financement. En fait, la finance sociale veut s’attaquer de plein front à ce problème et délaisser ces contrats à court terme[63].

Certains témoins ont fait remarquer que la finance sociale pouvait servir à encourager et à soutenir l’innovation sociale. Ainsi, Bruce Dewar, de LIFT Philanthropy Partners, a affirmé : « La finance sociale a un énorme potentiel parce qu’elle peut encourager l’innovation sociale, au Canada, en donnant aux investisseurs et aux organismes à mission sociale de nouvelles occasions de travailler en partenariat pour réaliser des projets innovateurs et faire passer leurs excellentes idées à un échelon supérieur, partout au pays[64]. »

Tim Richter, de la Canadian Alliance to End Homelessness, a souligné que les OIS en particulier peuvent être utiles « aux nouvelles initiatives ou aux initiatives émergentes ou encore lorsqu'une initiative est associée à un système gouvernemental pour la première fois et qu'il est possible de transférer le risque à l'investisseur[65] ». De même, Kieron Boyle a dit que, au gouvernement du Royaume‑Uni, certains utilisent les OIS « pour apporter des innovations dans le système, pour tester des idées dont [ils] pensent qu'elles peuvent fonctionner, mais sans certitude », alors que d’autres « voient là un moyen de financer les interventions initiales payées par les économies réalisées en cours de route et voient cela comme un instrument qui leur permet d'intervenir rapidement[66] ».

Mais quels que soient leurs avantages potentiels, certains témoins ont dit douter de la capacité des instruments de finance sociale de toujours favoriser l’innovation sociale. Par exemple, au sujet particulièrement des modèles de financement axés sur les résultats, David Juppe a avancé que les incitatifs intégrés au système pourraient en fait décourager l’innovation :

Vu que l'idée est celle d'un rendement du capital investi fondé sur le rendement d'un programme, je pense que, plutôt que d'encourager l'innovation, les obligations à impact social ou le paiement à la réussite vont en fait encourager une ruée vers la qualité. Les investisseurs vont vouloir voir des programmes qui fonctionnent et qui connaissent du succès[67].

Enfin, Marie-France Kenny, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, a dit craindre que le secteur privé ne tienne pas compte aussi adéquatement que l’État des besoins des communautés minoritaires. Elle a aussi rappelé que « [d]ans les communautés francophones et acadienne, on n'a pas accès à une aussi grande variété de bailleurs de fonds qu'en milieu majoritaire[68] ».


[2]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 mars 2015, 1530 (Sandra Odendahl, directrice du Développement durable et de la finance sociale, Banque Royale du Canada).

[3]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015, 1530 (Siobhan Harty, directrice générale, Direction de la politique sociale, Division de la politique stratégique et recherche, EDSC).

[4]     Voir : G-8 Social Impact Investment Task Force, Impact Investment: The Invisible Heart of Markets, 15 septembre 2014.

[5]     Pour lire le rapport du Comité consultatif national du Canada au groupe de travail sur l’investissement social, voir La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif : Priorités pour le Canada, septembre 2014.

[6]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 28 avril 2015, 1530 (Kieron Boyle, chef, Investissement social et finance, gouvernement du Royaume-Uni).

[7]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 31 mars 2015, 1530 (Jeffrey Cyr, directeur général, Association nationale des centres d’amitié).

[8]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015,1630 (Siobhan Harty).

[9]     Ibid., 1530.

[10]     Ibid., 1630.

[11]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 24 mars 2015, 1540 (Carole Gagnon, vice-présidente, Services communautaires, Centraide Ottawa).

[12]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 19 février 2015, 1530 (Tim Jackson, vice-président exécutif, MaRS Discovery District).

[13]     Emploi et Développement social Canada, Exploiter le pouvoir de la finance sociale, Ottawa, mai 2013.

[14]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 23 avril 2015, 1640 (Meghan Joy, candidate au doctorat en philosophie, Université Ryerson).

[15]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 26 mai 2015, 1535 (Lars Boggild, vice-président, Est du Canada, Finance for Good).

[16]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 23 avril 2015, 1645 (John Shields, professeur, Université Ryerson, Département de politique et d’administration publique).

[17]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 26 mars 2015, 1540 (John Loxley, professeur, Département de science économique, University of Manitoba).

[18]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 28 avril 2015, 1625 (Kieron Boyle).

[19]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1550 (Donald Meikle, directeur exécutif, Saskatoon Downtown Youth Centre Inc.).

[20]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1605 (Dale McFee, sous-ministre, Services correctionnels et de police, ministère de la Justice, gouvernement de la Saskatchewan).

[21]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1555 (Donald Meikle).

[22]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 14 mai 2015, 1610 (Siobhan Harty).

[23]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1630 (Jean-Pierre Voyer, président et chef de la direction, Société de recherche sociale appliquée). 

[24]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 19 février 2015, 1615 (Tim Jackson), et HUMA, Témoignages, 2session, 41e législature, 28 avril 2015, 1655 (Adam Spence, fondateur et président-directeur général, SVX).

[25]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1640 (Barret Weber, directeur de la recherche, Parkland Institute). 

[26]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1530 (Andrew McNeill, représentant national, Syndicat national des employés et employées généraux du secteur public). Voir aussi HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1540 (Margot Young, recherchiste en chef, Syndicat canadien de la fonction publique).

[27]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1540 (Margot Young).

[28]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1545 (David Juppe, directeur supérieur du budget d'exploitation, Department of Legislative Services du Maryland).

[29]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 23 avril 2015, 1645 (John Shields).

[30]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 mars 2015, 1545 (Andy Broderick, vice-président, Investissement communautaire, Vancity Community Investment et Resilient Capital).

[31]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 24 février 2015, 1645 (Michael Toye, directeur général, Réseau canadien de développement économique communautaire).

[32]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 28 avril 2015, 1630 (Andy Broderick).

[33]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 24 février 2015, 1655 (Jacques Charest, président de CAP Finance, Le Réseau de la finance solidaire et responsable).

[34]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 26 février 2015 1535 (François Vermette, directeur du développement, Chantier de l’économie sociale).

[35]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 mars 2015, 1550 (Colette Harvey, directrice, Soutien au projet coopératif, Caisse d'économie solidaire Desjardins).

[36]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 mars 2015, 1530 (Sandra Odendahl).

[37]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 26 mars 2015, 1630 (Shawn Murphy, consultant en relations gouvernementales, Coopératives et mutuelles Canada).

[38]     Groupe d’étude canadien sur la finance sociale, La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif, décembre 2010, p. 4.

[39]     Comité consultatif national du Canada du groupe de travail sur l’investissement social, La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif : Priorités pour le Canada, MaRS Discovery District, septembre 2014, p. 14.

[40]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1635 (Steve Cordes, directeur général, Youth Opportunities Unlimited).

[41]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1640 (Courtney Bain, représentante, Youth Opportunities Unlimited).

[42]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 24 mars 2015, 1530 (Naveed Chaudhry, directeur exécutif, Peel Multicultural Council); HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1645 (Gillian Mason, présidente, ABC Life Literacy Canada); HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1700 (Debbie Brown, directrice exécutive, Crossing All Bridges Learning Centre).

[43]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1645 (Gillian Mason).

[44]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mars 2015, 1700 (Debbie Brown).

[45]     Comité consultatif national du Canada du groupe de travail sur l’investissement social, La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif : Priorités pour le Canada, septembre 2014.

[46]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015, 1535 (Siobhan Harty).

[47]     Ibid., 1615.

[48]     Ibid., 1535.

[49]     Plan d'action économique 2015, 21 avril 2015, p. 304.

[50]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 14 mai 2015, 1530 (Siobhan Harty).

[51]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 19 février 2015, 1535 (Tim Jackson).

[52]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015, 1535 (Siobhan Harty).

[53]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 26 mai 2015, 1550 (Sally Guy, coordonnatrice, politique et communications, Association canadienne des travailleurs sociaux).

[54]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 10 mars 2015, 1715 (Norm Tasevski, cofondateur et associé, Purpose Capital).

[55]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015, 1625 (Siobhan Harty).

[56]     Ibid., 1535.

[57]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 28 avril 2015, 1640 (Adam Spence).

[58]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 19 février 2015, 1545 (Stanley Hartt, avocat, Norton Rose Fulbright Canada).

[59]     HUMA, Témoignages, 41e législature, 2e session, 28 avril 2015, 1620 (Kieron Boyle).

[60]     HUMA, Témoignages, 41e législature, 2e session, 26 mars 2015, 1600 (Sunil Johal, directeur de la politique, University of Toronto, Mowat Centre).

[61]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1705 (Jean-Pierre Voyer).

[62]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 17 février 2015, 1540 (Siobhan Harty).

[63]     Ibid., 1545.

[64]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 24 février 2015, 1530 (Bruce Dewar, président-directeur général de LIFT Philanthropy Partners).

[65]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 26 mars 2015, 1640 (Tim Richter, président directeur général, Canadian Alliance to End Homelessness).

[66]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 28 avril 2015, 1600 (Kieron Boyle).

[67]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 12 mai 2015, 1545 (David Juppe).

[68]     HUMA, Témoignages, 2e session, 41e législature, 23 avril 2015, 1540 (Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada).