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OGGO Rapport du Comité

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CHAPITRE SIX : DIFFUSION DE DONNÉES OUVERTES À DES FINS D’INNOVATION

J'estime que les données ouvertes facilitent l'activité économique. Les avantages viennent du fait que les gens pourront découvrir comment agir plus rapidement, à moindre coût ou avec de 
meilleurs résultats.
Richard Stirling, directeur international, 
Open Data Institute

Le cinquième principe des données ouvertes, diffuser des données ouvertes pour stimuler l’innovation, prescrit au gouvernement de consulter les utilisateurs et d’autonomiser les générations d’innovateurs à venir. Plusieurs témoins ont confié au Comité que les données ouvertes pouvaient stimuler l’innovation et créer de la valeur de multiples façons.

A. Création de valeur

Aux dires de la DPI du gouvernement du Canada, les données ouvertes sont un moteur clé de l’innovation. Au Canada, le gouvernement fédéral a récemment annoncé la création d’un Institut des données ouvertes, un partenariat public-privé situé à Waterloo (Ontario). Joanne Bates, chargée de cours en politiques et stratégies en matière d'information à l’Université de Sheffield (Royaume-Uni), a vanté les mérites du modèle de l’Institut des données ouvertes. Selon M. Stirling, les choses les plus dignes d’intérêt se produisent au carrefour entre les données ouvertes et les données fermées, ou entre les données ouvertes et les mégadonnées, ou encore entre les données ouvertes et les données personnelles. Toutefois, certains témoins ont fait remarquer que le manque de capital de risque au Canada pourrait freiner l’innovation.

De nombreux témoins s’entendaient pour dire que les données ouvertes créent de la valeur. Mme Ubaldi a expliqué qu’« il n'y a pas encore de données claires qui démontrent la valeur, et de nombreux exemples provenant de tous les ordres de gouvernement indiquent qu'il y a des changements dans l'interaction entre le gouvernement et la société pour la création de valeurs économiques et sociales ».

B. Ouvrir la voie à l’innovation

L’externalisation ouverte est l’une des façons dont on peut ouvrir la voie à l’innovation. Les gouvernements peuvent en effet mettre le pouvoir des masses à profit pour trouver une solution à un problème particulier. Plusieurs témoins s’entendent pour dire que les données ouvertes constituent une façon de résoudre divers enjeux gouvernementaux. M. Sharma a fait remarquer que le gouvernement des États-Unis se servait de l’externalisation ouverte à l’aide d’un site appelé challenge.gov. La NASA et le ministère de l’Énergie américain, entre autres, font appel à ce site. Le site publie des données permettant aux utilisateurs de trouver des solutions à des problèmes particuliers et au gouvernement de réaliser des économies. Un représentant du SCT a confirmé qu’à l’heure actuelle, le gouvernement du Canada n’avait pas de site Web pour l’externalisation ouverte.

La participation directe des utilisateurs constitue une autre façon d’ouvrir la voie à l’innovation. Selon M. Gayler, un « appathon » – une compétition en vue de développer une application mobile ou basée sur le Web – « est un exemple très simple d'un changement culturel transformationnel qui peut être provoqué par le partage des données ouvertes ». Mme Dybenko abonde dans le même sens : « le plus important résultat sera la participation de la population, et surtout des jeunes, qui se sentent aujourd'hui déconnectés des processus gouvernementaux ».

Pour faire participer les jeunes, le gouvernement fédéral a récemment lancé l’Expérience des données ouvertes canadiennes 2014. Avec cet « appathon », le gouvernement souhaitait découvrir quels types d’applications les étudiants universitaires pouvaient développer à l’aide des données ouvertes du gouvernement fédéral. Plusieurs témoins ont trouvé l’expérience probante, puisqu’une centaine d’applications ont vu le jour.

C. Dialogue

Selon un représentant du SCT, pour consulter le public, le gouvernement fédéral a travaillé avec diverses municipalités pour « communiquer avec les utilisateurs locaux, soit des entreprises locales, des établissements postsecondaires, des organisations de la société civile, ainsi que des représentants du gouvernement ». Parlant des Canadiens, la DPI du gouvernement du Canada a précisé : « Nous les invitons au moyen de consultations en ligne en leur posant des questions pendant une certaine période de temps. Nous leur demandons de nous répondre en nous soumettant leurs commentaires et leurs questions » De même, le président du Conseil du Trésor s’est servi de tribunes de discussion en ligne et a établi un dialogue sur Twitter dans le cadre de plusieurs séances animées qui avaient été annoncées sur le site Web du SCT pour encourager la participation. Le président du Conseil du Trésor a aussi participé à une série de discussions ouvertes dans diverses municipalités canadiennes pour promouvoir les données ouvertes dans les différentes régions. Enfin, le gouvernement fédéral est en train d’élaborer son plan de consultation pour le deuxième volet de son plan d’action pour un gouvernement ouvert.

Au-delà des consultations publiques, Mme Miller a affirmé que « les données ouvertes équivalent à des flux d'information, qui ne peuvent pas être unidirectionnels. Si le flux va directement de l'État vers le public, rien n'incite le public à produire des choses intéressantes et créatives avec ces données ». Elle a ajouté que « la notion de données ouvertes consiste fondamentalement à créer des occasions de participation dans lesquelles les gens peuvent s'investir dans ces données et sont encouragés à en fournir aussi, à les améliorer et à leur trouver de nouveaux emplois. Je pense que cet investissement établit la confiance ».

D. Valeur économique

Les avantages économiques potentiels des données ouvertes intéressent particulièrement le Comité. Toutefois, comme le Comité l’a constaté, peu d’études ont été menées pour mesurer l’impact économique du libre accès à une plus grande quantité de renseignements. En fait, de nombreux témoins ont expliqué que cet impact était difficile à mesurer. La DPI du gouvernement du Canada a rapporté que le SCT ne suivait pas les résultats économiques des données ouvertes et qu’il était difficile de trouver de bons indicateurs de réussite. M. McKay a insisté sur le fait que la réussite serait difficile à mesurer, mais que les mesures viendraient en parallèle avec les possibilités.

Selon M. Sharma, il y a quelques manières intangibles de mesurer le succès des portails gouvernementaux de données ouvertes, par exemple en analysant la participation aux « appathons » ou en comptant les jeux de données téléchargés à partir du portail de données ouvertes du gouvernement fédéral.

Le principal rapport sur l’impact économique des données ouvertes, mentionné par de nombreux témoins, a été publié par le McKinsey Global Institute. M. Chui, auteur du rapport, a témoigné devant le Comité pour discuter de son contenu. Le rapport du McKinsey Global Institute, intitulé Open data: Unlocking innovation and performance with liquid information, examine l’impact potentiel des données ouvertes sur sept secteurs : l’éducation; le transport; les produits de consommation; l’électricité, le pétrole et le gaz; les soins de santé; et les finances des consommateurs. Selon le rapport, les données ouvertes pourraient avoir un impact économique de 3,2 à 5,4 billions de dollars par année à l’échelle mondiale, pour ces sept secteurs uniquement. Les chercheurs ont choisi ces sept secteurs en raison de leur variété, parce qu’ils représentent un mélange de biens et de services, de secteur public et de secteur privé et un bon échantillon d’industries.

Le rapport du McKinsey Global Institute estime aussi que la valeur potentielle des données ouvertes se diviserait grosso modo entre les États-Unis (1,1 billion de dollars), l’Europe (900 milliards) et le reste du monde (1,7 billion). M. Chui a aussi reconnu qu’une estimation approximative de l’impact potentiel de la diffusion de données ouvertes au Canada (des gouvernements de tous les niveaux et du secteur privé) frôlerait les 100 milliards de dollars, en fonction du produit intérieur brut (PIB) du Canada par rapport à celui des États-Unis. Et, selon lui, les données ouvertes du gouvernement fédéral représentent une partie seulement de toutes les données ouvertes potentielles de l’économie canadienne. Il a ajouté qu’il ne s’agissait pas d’un impact direct sur le PIB, puisque plus de la moitié de l’impact se rapporte au surplus du consommateur, qui n’est pas compris dans le PIB[1].

Selon M. Chui, le tiers de l’impact potentiel découle d’une combinaison de diverses sources de données ouvertes, ce qui pourrait aider les entreprises à se comparer les unes aux autres, à définir de nouveaux produits et services, à automatiser la prise de décision humaine et à segmenter les populations en vue d’adapter certains produits et services.

Certains témoins étaient sceptiques quant à l’ampleur de certaines estimations sur l’impact potentiel des données ouvertes. M. Eaves, par exemple, a déclaré qu’il y avait un risque à exagérer les avantages économiques des données ouvertes. S’adressant aux membres du Comité, il les a invités « à prendre avec des pincettes les chiffres dont [ils prennent] connaissance et les explications proposées pour leur impact économique ».

Des témoins ont donné de multiples exemples de la façon dont les données ouvertes peuvent accroître la productivité, développer de nouveaux marchés et innover. Un représentant du gouvernement de la Colombie-Britannique a parlé de la façon dont les données ouvertes peuvent créer de la valeur pour les étudiants et les chercheurs. Elles aident aussi les entreprises à prendre des décisions plus éclairées. M. Baker a donné quelques exemples des avantages économiques que peuvent en tirer certains secteurs, comme l’agriculture et la santé, qu’il s’agisse de produits liés aux données météorologiques ou d’innovations liées aux données génomiques. Quelques témoins ont donné l’exemple du transport, où les entreprises pouvaient tirer avantage des données ouvertes en prenant connaissance, en temps réel, des temps d’attente à la frontière, des congestions routières ou des travaux routiers. Ce pourrait être une façon de gagner du temps, d’économiser de l’argent et de réduire la pollution.

Comme autre exemple, M. Eaves a évoqué la réussite de l’Entente sur la forêt boréale canadienne, en soulignant que tout l'impact de cette Entente sur l’économie canadienne pourrait se chiffrer dans les milliards de dollars. Toujours selon M. Eaves, « tout [le] projet s'appuie sur les données de l'État ». À propos de ce projet, il a déclaré que « les données ouvertes fédérales deviennent particulièrement précieuses et intéressantes par […] l'économie qu'offre leur analyse ».

M. Sharma a expliqué que selon un rapport du Conseil des technologies de l’information et des communications, le nombre d’emplois canadiens dans l’économie des applications mobiles et basées sur le Web était de 64 100 en 2014. Les auteurs du rapport s’attendent à voir ce chiffre grimper à 110 000 d’ici 2019. Les entreprises canadiennes qui développent des applications devraient engendrer 1,7 milliard de dollars de revenus en 2014, 43 % de ces revenus provenant d’exportations (28 % des États-Unis et 15 % du reste du monde). Leurs revenus devraient atteindre 5,2 milliards de dollars d’ici 2019. Selon M. Sharma, tous ces emplois et revenus ne dérivent pas uniquement de l’existence du portail de données ouvertes du gouvernement fédéral, mais celui-ci peut contribuer à faire croître cette industrie.

M. Pineau, de l’Institut forestier du Canada, a mentionné qu’avoir de l’information et des données de qualité recueillies en collaboration permettait d’économiser du temps et de l’argent. Il a ajouté que l’on ne devrait pas voir l’acquisition de bonnes données comme une dépense, mais comme un investissement pour prendre de meilleures décisions. M Chui a quant à lui exprimé l’opinion que le Canada devrait procéder à sa propre analyse des avantages économiques possibles des données ouvertes au Canada et tenter de découvrir quelles données sont les plus susceptibles d’entraîner ces avantages.

Pour plusieurs témoins, il faut faire attention de ne pas accorder trop d’importance à la valeur économique. Selon Mme Bates, « toute croissance économique n'est pas nécessairement une croissance positive » et n’a pas nécessairement des répercussions sociales positives. Elle a fait valoir que le fait d’accorder « la priorité aux données par rapport à d'autres aspects du processus démocratique contribuerait à donner plus d'influence à ceux qui en ont déjà et à enlever du pouvoir à ceux qui sont déjà socialement exclus ». Par exemple, elle a expliqué que les données météorologiques ouvertes sont très utiles pour les opérations de dérivés climatiques sur les marchés financiers. Toutefois, elle a fait remarquer que les données météorologiques ouvertes avaient « une incidence plus que douteuse sur les mesures d'atténuation du changement climatique puisque les entreprises achètent ces produits [dérivés] pour se protéger contre les répercussions financières des perturbations climatiques sur leurs entreprises ». Par conséquent, elle a affirmé que ces entreprises sont moins enclines à demander que l’on prenne des mesures pour atténuer les changements climatiques.

E. Valeur sociale

Le président du Conseil du Trésor a déclaré au Comité que « c'est très bien que les bureaucrates cherchent des moyens de créer de la richesse, mais cela ne suffit pas […] la créativité du marché peut vraiment libérer [les données ouvertes] d'une façon qui créera de la richesse pour les Canadiens au cours des années à venir ». Selon un représentant du SCT, le désir d’innover n’est pas forcément lié au désir de réaliser des profits. Aux dires de M. Eaves, « l'immense majorité des données [du gouvernement fédéral] sont en fait destinées aux analystes des politiques, façonnées pour l'analyse et l'explication des phénomènes de société ou de la collectivité ».

Selon Mme Ubaldi, les données ouvertes peuvent avoir une valeur sociale, notamment lorsqu'on permet aux citoyens de prendre des décisions mieux informées sur leur vie. Elle a ajouté que cela était lié à un type d'engagement différent; par exemple, à la participation à l'élaboration des politiques et à la prestation des services. En ce qui concerne la création d’une valeur sociale, Mme Bates a laissé entendre que lorsque les gouvernements prennent des décisions stratégiques, ils devraient réfléchir à ce qu’ils souhaitent obtenir avec les données ouvertes, puis réfléchir à tous les éléments stratégiques connexes qu’il faut mettre en place pour atteindre les objectifs. M. Baker a ajouté que certaines entreprises se servaient des données ouvertes pour le bien commun, par exemple en ce qui concerne les changements climatiques.

Pour ce qui est de la place qu’occupe le Canada par rapport à d’autres pays, Mme Bates a souligné qu’« en ce qui a trait aux répercussions sociales, ce qui comprend notamment la viabilité environnementale et l'inclusion des populations marginalisées dans l'établissement de politiques grâce à l'utilisation de données ouvertes gouvernementales, le Canada a une cote relativement faible ». Interrogés à propos de cette conclusion, quelques témoins ont expliqué que l’on pouvait créer de la valeur à l’aide de données ouvertes, mais ont avancé qu’il fallait aussi inclure d’autres groupes dans le dialogue. Selon Mme Ubaldi, « dans le cas de la valeur sociale, il existe de plus en plus d'exemples de la façon dont les données ouvertes ont permis d'accroître la participation et la mobilisation de segments de la société qui, autrement, n'auraient pas pris part au dialogue avec les gouvernements sur la prestation des services et l'élaboration de politiques ». De plus, un représentant de la ville de Toronto a fait remarquer que les groupes à risque que sont les aînés, les nouveaux immigrants et les jeunes, peuvent tirer profit des données ouvertes gouvernementales.

En ce qui concerne la diffusion de données à des fins d’innovation, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 21

Que le gouvernement du Canada crée un site Web d’externalisation ouverte où les ministères et organismes fédéraux pourront diffuser des jeux de données se rapportant à une question particulière et lancer des concours pour inviter le public à trouver des façons d’économiser relativement à cette question.

RECOMMANDATION 22

Que le gouvernement du Canada établisse des mesures de rendement en consultation avec des intervenants pour évaluer la réussite de son initiative sur les données ouvertes.


[1]             Le surplus du consommateur est un concept économique mesurant la différence entre le prix qu’un consommateur est prêt à payer pour un produit ou service et le prix qu’il paye réellement. En créant des économies, les données ouvertes feraient baisser les prix, et entraîneraient donc une augmentation du surplus du consommateur.