FAAE Rapport du Comité
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FOCALISATION, INDÉPENDANCE ET PATIENCE : BÂTIR UNE INSTITUTION DE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT CANADIENNE DE CALIBRE MONDIALINTRODUCTIONLe Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) a terminé son étude sur le projet de création d’une institution de financement du développement du Canada. Les institutions de financement du développement, ou IFD, sont des organismes financés par l’État pour appuyer l’avancement économique dans les pays en développement. Ces organismes investissent dans des initiatives pouvant avoir des répercussions importantes sur le développement. Bon nombre de pays donateurs d’aide et d’institutions multilatérales ont créé des IFD semblables dans le but de compléter le travail réalisé par le truchement de leurs agences et programmes de développement international respectifs. Le gouvernement du Canada a annoncé la création de sa propre IFD dans le budget fédéral de 2017. Cette institution exercera ses activités en tant que filiale en propriété exclusive d’Exportation et développement Canada (EDC); elle sera dotée d’un capital de 300 millions de dollars sur cinq ans et appuiera le développement durable et la réduction de la pauvreté dans les pays en développement[1]. Des modifications apportées récemment par décret à la loi habilitante d’EDC ont eu pour effet d’ajouter le financement du développement au mandat de la société[2]. Par la suite, le gouvernement a indiqué que l’IFD du Canada aura son siège social à Montréal et qu’elle devrait commencer ses activités dès janvier 2018[3]. Outre ces informations, peu de détails concernant la proposition de création d’une IFD avaient filtré publiquement lorsque le Comité a entrepris son étude. Cela a permis aux témoins de réfléchir à tous les aspects du rôle que cet organisme devrait jouer dans la politique canadienne en matière de développement international, de la stratégie d’investissement qu’il devrait adopter et de la structure qu’il devrait se donner. D’ailleurs, une grande partie de l’étude du Comité a porté sur le plan d’ensemble et les politiques qui, selon les témoignages entendus, devraient guider les décideurs dans l’établissement de cette IFD. Tout au long de ses travaux, le Comité a recueilli de nombreux témoignages, notamment ceux d’universitaires, de spécialistes du développement et de porte-parole d’organisations de la société civile[4]. Il a aussi entendu l’honorable Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international et de la Francophonie, et des représentants du Groupe CDC – l’institution de financement du développement du Royaume‑Uni. Malgré la diversité des opinions exprimées devant le Comité sur la manière dont le Canada devrait concevoir et gérer sa propre IFD, les témoins se sont largement accordés pour dire que le nouvel organisme devra s’efforcer d’être novateur et accorder la priorité à l’incidence sur le développement dans ses décisions d’investissement. Ils l’ont invité à chercher des occasions d’investissement dans des marchés mal desservis et sous-développés, généralement délaissés par les investisseurs privés, afin de prouver la viabilité de ce genre de marchés et, éventuellement, d’agir comme catalyseur de l’investissement privé dans des domaines qui favorisent la croissance économique inclusive et contribuent à la réduction de la pauvreté. Les témoins ont insisté sur le fait que, pour atteindre ses objectifs, l’IFD du Canada devra être prête à assumer un haut niveau de risque financier dans sa stratégie d’investissement. Dans le présent rapport, le Comité expose les principales conclusions qu’il a tirées des témoignages recueillis et soumet au gouvernement fédéral six recommandations à prendre en considération dans la création de sa propre IFD. Pour commencer, le rapport traite du contexte actuel du financement du développement et du rôle des IFD. Il se concentre ensuite sur l’institution canadienne et aborde les questions relatives aux caractéristiques que devra posséder cet organisme ainsi que les décisions stratégiques et opérationnelles qu’il sera appelé à prendre. Il s’agit du deuxième rapport que le Comité consacre à la politique canadienne en matière de développement international depuis le début de la 42e législature. Le premier date de novembre 2016 et s’intitule : La coopération en matière de développement pour un monde plus stable, plus inclusif et plus prospère : Une ambition collective; ce rapport porte sur l’ancienne orientation stratégique consistant à concentrer l’aide bilatérale au développement du Canada sur certains « pays ciblés[5] ». Le Comité espère que ces deux rapports combinés enrichiront l’ensemble des connaissances sur la meilleure façon, pour notre pays, de contribuer à la réduction de la pauvreté et d’atteindre ses autres objectifs en matière de développement à l’étranger. Le Comité demeurera saisi de ce dossier et attend avec intérêt une réponse complète et détaillée du gouvernement du Canada au présent rapport. CONTEXTE ACTUEL DU FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENTLa conception de l’IFD du Canada, les décisions concernant son mode de fonctionnement et la stratégie d’investissement à adopter doivent tenir compte de l’environnement dans lequel l’organisme s’inscrit. Comme l’a fait remarquer Jerome Quigley, vice-président directeur, Programmes, chez Mennonite Economic Development Associates of Canada : « Il s’agit de la première IFD à être créée en 20 ans[6]. » L’IFD du Canada voit donc le jour dans un environnement bien différent de celui dans lequel ont été établies les institutions du même genre dans d’autres pays. Autrement dit, le monde a changé et il faut en tenir compte dans la manière de concevoir et de gérer cet organisme. 1. Relever le défi du financement du développementLe contexte du développement international a énormément changé ces 20 dernières années. En 2000, l’aide au développement était surtout fournie par les donateurs traditionnels membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et les institutions multilatérales. Aujourd’hui, le secteur de l’aide internationale est beaucoup plus diversifié et complexe. Des pays non membres du CAD de l’OCDE (comme la Chine), des fondations philanthropiques (comme la Fondation Bill et Melinda Gates) et des instruments de financement (comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme) ont pris une place prépondérante sur l’échiquier du développement international. En outre, aujourd’hui, le secteur privé, les organisations de la société civile, les diasporas, les investisseurs responsables sur le plan social et bien d’autres acteurs jouent tous un rôle de donateurs beaucoup plus important qu’au début du millénaire. Bien que le financement de l’aide au développement ait augmenté fortement dans le monde depuis 2000, l’écart entre les besoins des pays en développement et les fonds engagés pour y répondre demeure considérable. Ce déficit de financement est devenu encore plus flagrant dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et des objectifs de développement durable (ODD) connexes. Le Programme 2030 constitue un plan détaillé de l’action internationale visant à éliminer la pauvreté, à parvenir à l’égalité, à promouvoir la dignité humaine et à protéger l’environnement. Les 17 ODD sont au cœur du Programme et s’inscrivent dans la continuité des progrès accomplis dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) pour achever leur réalisation. En effet, l’objectif de développement durable 1 (éliminer l’extrême pauvreté et la faim) en dit long sur l’ampleur des ambitions mondiales des ODD[7]. Les discussions entourant l’atteinte des ODD s’inscrivent dans le grand débat sur le financement du développement. Plusieurs témoins ont expliqué au Comité que le financement requis pour atteindre les ODD est nettement supérieur à toute l’aide publique au développement (APD) consentie tous les ans par les gouvernements donateurs habituels. Bien que les chiffres varient, Brett House, un macroéconomiste qui écrit sur la finance internationale et les politiques de développement, a dit au Comité que selon les estimations, il faudrait de 500 à 3 000 milliards de dollars de plus par année, jusqu’en 2030, pour atteindre les ODD[8]. M. House a toutefois fait observer que même si tous les pays membres de l’OCDE respectaient l’objectif fixé par les Nations Unies – consistant à consacrer 0,7 % de leur produit intérieur brut (PIB) à l’APD –, ce serait loin d’être suffisant pour répondre aux besoins des pays en développement. En effet, en 2016, l’APD de tous les pays membres du CAD de l’OCDE a totalisé 142,6 milliards de dollars[9]. Selon M. House, si tous les pays de l’OCDE respectaient la cible de 0,7 %, le montant total de l’APD serait de l’ordre de 350 à 400 milliards de dollars par année, ce qui est très loin du financement requis pour réaliser les ODD. La plupart des acteurs qui œuvrent dans le domaine du développement sont bien conscients que l’APD ne suffira pas, à elle seule, à atteindre les ODD. D’ailleurs, avant l’adoption du Programme 2030, les gouvernements avaient adopté le Programme d’action d’Addis‑Abeba, à l’occasion de la Troisième Conférence internationale sur le financement du développement tenue en juillet 2015. Le Programme d’Addis‑Abeba portait sur la mobilisation des ressources publiques et privées pour le développement, et insistait sur l’importance des ressources financières, des connaissances, des savoir‑faire et des technologies que peuvent apporter les intervenants du secteur privé et d’ailleurs en complément aux efforts des pouvoirs publics à l’appui de la réalisation des ODD. Le rôle essentiel que doivent jouer les divers types d’intervenants, y compris du secteur privé, pour atteindre les ODD a été souligné tout au long des audiences du Comité. Même si l’on a beaucoup progressé vers l’éradication de l’extrême pauvreté au cours des 20 dernières années[10], Aniket Bhushan, chercheur principal à la Canadian International Development Platform, a déclaré devant le Comité que le chemin qu’il reste à parcourir avant de pouvoir atteindre l’ODD 1 (éliminer l’extrême pauvreté et la faim) est « le plus difficile ». M. Bhushan a expliqué que la pauvreté se concentre maintenant dans les « zones les plus difficiles » du monde, c’est-à-dire les endroits « où les activités d’extension sont les plus difficiles, les plus coûteuses et les plus risquées[11] ». À ces problèmes s’ajoute le fait que beaucoup de gouvernements donateurs habituels se heurtent à de sérieuses contraintes liées à un manque de ressources. Comme l’a fait remarquer M. Bhushan, l’effet combiné des restrictions budgétaires et des demandes constantes dues à des situations d’urgence fréquentes, coûteuses et complexes, fait peser un lourd fardeau sur les gouvernements donateurs. Ainsi, même si l’APD demeure un outil indispensable – particulièrement pour les pays les moins avancés (PMA) et ceux qui émergent d’un conflit –, il est essentiel de mobiliser d’autres types de ressources financières. Heureusement, d’importantes quantités de capitaux privés affluent déjà vers les pays en développement. Toutefois, même si on ajoute tout cet argent à l’APD actuelle, ce n’est pas assez pour atteindre les ODD. Il faut donc chercher à tout prix de nouveaux mécanismes permettant de dégager du financement privé pour faire avancer le développement. Comme l’a fait valoir Brett House : « Il n’y a pas d’autre choix que de recourir au secteur privé pour financer le développement. C’est inéluctable. L’APD ne peut pas suffire[12]. » 2. Pays en développement : Un monde en mutationAinsi que l’a fait remarquer Daniel Runde, titulaire de la chaire William A. Schreyer et président du projet sur la prospérité et le développement au Center for Strategic and International Studies, « ce n’est plus le monde en développement de vos grands‑parents. Les pays sont plus riches, plus libres et plus capables. Ils ont plus d’options[13] ». Au cours des décennies qui ont suivi l’adoption du terme « pays en développement », les États classés dans cette catégorie n’ont cessé de se développer, justement. En termes réels, le PIB par habitant des pays en développement a pratiquement doublé depuis 20 ans et, dans leur ensemble, ces pays ont augmenté graduellement leur participation à l’économie mondiale[14]. En 2016, la part des économies en développement dans le PIB mondial était de 32 %, contre 20 % d’une économie mondiale beaucoup plus petite en 1997[15]. On ne peut faire abstraction des incroyables progrès économiques réalisés par les pays en développement, qui ne se sont pas seulement enrichis, mais ont aussi continué de combler leur retard en matière de capacités techniques. En 2016, le niveau des exportations de produits manufacturés dits « de haute technologie et à compétences élevées » des économies en développement était pratiquement le même que celui des économies développées[16]. La situation est donc bien différente d’il y a 20 ans, quand la valeur des exportations de ce genre de produits par les pays développés était deux fois et demie supérieure à celle des pays en développement. Et on voit des avancées semblables au chapitre des investissements. En effet, la Chine, Taïwan et la Corée du Sud investissent toutes une part plus importante de leur PIB dans la recherche et le développement que ne le fait le Canada[17]. Des pays qui, il y a 20 ans, pouvaient avoir besoin de l’aide technologique du Canada sont devenus des chefs de file en recherche et développement, et le Canada ferait bien de les imiter[18]. Depuis 20 ans, il y a eu aussi beaucoup de changements dans l’afflux de capitaux vers les pays en développement. Ainsi, alors que l’APD a plus que doublé, en termes réels, pendant cette période, les flux d’investissement direct étranger (IDE) dans les pays en développement ont plus que quintuplé[19]. Cette augmentation soutenue montre que comparativement à l’APD, l’IDE occupe une place de plus en plus grande dans le développement économique mondial. En 2015, on estimait à 765 milliards de dollars américains l’IDE dans les pays en développement, soit un montant près de cinq fois plus important que celui de toute l’aide envoyée cette année-là[20]. Bien que remarquables, ces avancées n’ont pas profité à tous de manière égale. En fait, il devient de plus en plus difficile de voir le monde en développement comme un ensemble monolithique. Des pays en développement à revenu élevé, comme la Chine, la Malaisie et la Thaïlande, continuent de se moderniser et d’intégrer l’économie mondiale, et ressemblent de plus en plus à des pays industrialisés avancés classiques. À l’opposé, il y a des économies en développement à faible revenu, comme le Cambodge, le Tchad et la Sierra Leone, qui n’ont pas réussi à combler leurs retards et risquent même d’en accumuler davantage. Le revenu par habitant dans les PMA représente à peine plus de 20 % de la moyenne des pays en développement, et 11 % du revenu moyen par habitant des pays en développement à revenu élevé[21]. Ces pourcentages ont changé quelque peu depuis 20 ans, car l’écart absolu entre les revenus dans les PMA et le reste du monde en développement a continué de se creuser[22]. Les disparités économiques n’épargnent pas non plus l’investissement international. En effet, en 2015 les flux d’IDE dans les 47 PMA ne représentaient que 2 % de la totalité des flux mondiaux, alors que ces pays comptent 13 % de la population de la planète[23]. Les 35 milliards de dollars américains qui auraient été investis dans les PMA en 2015 sont très inférieurs aux investissements faits au Canada la même année et représentent à peine plus du dixième des 322 milliards de dollars américains investis en Chine et à Hong Kong[24]. 3. Le rôle des institutions de financement du développementComme a pu l’entendre le Comité tout au long de ses audiences, il y aurait encore beaucoup à faire pour mieux orienter et exploiter les capitaux privés à des fins de développement. Mais la vraie question qui se pose est de savoir comment s’y prendre; et c’est là que les IFD ont un rôle à jouer. Les IFD sont des organismes financés par l’État pour soutenir la croissance économique dans les pays en développement. Contrairement aux banques ou aux sociétés privées, les IFD sont habituellement mues à la fois par la nécessité de générer des profits pour leurs actionnaires et par des objectifs de développement, comme la réduction de la pauvreté. Comme l’a appris le Comité, cette double mission permet aux IFD d’occuper un espace entre l’APD et l’investissement privé. Comme les IFD tirent un profit des produits et services qu’elles offrent, elles fonctionnent à bien des égards comme des institutions financières privées. Cependant, en raison de leurs objectifs – notamment l’atteinte des ODD –, les IFD s’inscrivent parfaitement dans le cadre du développement international. Cette double nature d’organisme de développement et d’institution financière permet aux IFD de réaliser un travail complémentaire à celui des organismes d’aide internationale et des sociétés privées. Les IFD offrent à ces dernières des occasions d’investissement rentable dont elles ne pourraient profiter autrement. Elles le font pour obtenir des résultats en matière de développement – comme une croissance économique inclusive et la réduction de la pauvreté –, qui facilitent le travail des organismes d’aide. Marc‑Yves Bertin, directeur général, Politiques économiques internationales, à Affaires mondiales Canada, a parlé du potentiel des IFD en ces termes : Ces IFD peuvent jouer un rôle de catalyseur quand il s’agit de faciliter une croissance animée par le secteur privé dans les pays en développement. Ce rôle a pour effet d’accroître les investissements et les résultats du développement, d’amplifier les montants de financement additionnel et les effets des compétences du secteur privé, de promouvoir les objectifs de politiques, comme la croissance verte et la prise en main par les femmes de leur rôle dans l’économie, tout en créant des emplois. C’est un complément à l’aide traditionnelle, qui reste importante[25]. Par ailleurs, le Comité a appris que dans les pays en développement, les IFD peuvent combler un vide laissé par la plupart des organismes d’aide. En effet, bon nombre de ces pays n’ont pas une cote de solvabilité de catégorie investissement, et les banques ou les investisseurs commerciaux jugent souvent trop risqué d’y faire des investissements. Les IFD remédient à ce problème en offrant des produits financiers dans des pays en développement pour des projets qui, autrement, n’obtiendraient pas le soutien financier nécessaire à des conditions raisonnables. Ces produits peuvent prendre la forme de prêts, d’investissements en actions, de garanties, d’assurances contre les risques et d’autres types de financement. La fonction essentielle des IFD consiste à catalyser les investissements et à débloquer les capitaux nécessaires au progrès macroéconomique des pays en développement. Le Comité a appris que chaque dollar investi par une IFD peut attirer jusqu’à 12 $ supplémentaires d’investissement privé[26]. Parce qu’elles sont financées par des fonds publics et ont une mission axée sur le développement, les IFD agissent différemment des entreprises privées. Elles peuvent assumer davantage de risques et font preuve de plus de patience en matière de rendements financiers que les investisseurs du secteur privé. Jessie Green, directrice, Investissement, pour Développement international Desjardins, a résumé quelques‑uns des grands avantages à travailler avec les IFD : Ce sont des investisseurs patients. Elles ont tendance à prendre plus de risque que les investisseurs du secteur privé. Souvent, nous pouvons obtenir des montants plus importants d’IFD que d’investisseurs du secteur privé. Elles ont tendance à rester lorsque les choses vont moins bien. Lorsqu’il y a une récession économique, le financement du secteur privé a tendance à disparaître, tandis que celui d’une IFD va souvent rester. Elles font des investissements en monnaie nationale, ce qui est essentiel dans les pays en développement[27]. Plusieurs témoins ont fait remarquer que les IFD sont un moyen financièrement avantageux de favoriser la croissance économique dans les pays en développement, parce qu’elles sont généralement autonomes sur le plan financier. Brett House, par exemple, a expliqué que la Commonwealth Development Corporation (CDC) du Royaume-Uni n’a pas fait appel à des fonds publics depuis plus de 15 ans, et que l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC) des États‑Unis estime faire gagner aux contribuables américains 8 $ pour chaque dollar investi dans ses frais généraux. M. House a ajouté que la Société financière internationale de la Banque mondiale recycle régulièrement ses profits directement dans son portefeuille de prêts[28]. Le solide bilan financier des IFD et leur capacité à agir comme catalyseurs de la croissance du secteur privé dans les pays en développement permettent de comprendre pourquoi leurs portefeuilles de prêts se sont élargis rapidement ces dernières années. De 2002 à 2014, les engagements annuels totaux de toutes les IFD sont passés d’environ 10 à 70 milliards de dollars américains[29]. Daniel Runde a indiqué que durant cette période, le montant de l’APD a simplement doublé[30]. Actuellement, les engagements des IFD équivalent à environ la moitié de la taille de l’APD, mais l’investissement de ces institutions pourrait dépasser l’APD d’ici une dizaine d’années, selon Aniket Bhushan[31]. Des témoins ont expliqué au Comité qu’il ne fallait pas voir les IFD comme des concurrentes d’organismes d’aide classiques, car ce n’en sont pas. Plusieurs témoins ont en effet rappelé avec insistance que les IFD ont pour but de compléter, et non de remplacer, l’APD et les organismes d’aide. La ministre Bibeau a précisé que s’il est vrai que l’IFD du Canada « promet d’être un complément solide de nos efforts classiques de développement, l’APD demeurera essentielle à une croissance inclusive et durable dans les pays en développement[32] ». De plus, le Comité a appris que les organismes d’aide et les IFD ont des façons très différentes de travailler pour ouvrir des perspectives et obtenir des résultats, notamment en matière de création d’emplois et de réduction de la pauvreté. En même temps, l’un des principaux atouts des IFD, c’est leur capacité à la fois de collaborer avec les organismes d’aide classiques et d’appuyer des projets dans lesquels ces organismes ne peuvent investir ou ne sont pas les mieux placés pour le faire. Brett House a clairement expliqué la situation en ces termes : L’APD et le financement privé sont deux éléments qui se complètent l’un l’autre. Il y a des biens collectifs qui ne peuvent être fournis que par le financement public. Il y en a d’autres qui constituent des activités complémentaires qui se prêtent à des partenariats public-privé. L’IFD canadienne devra être une source additionnelle de financement qui s’ajoutera à l’aide publique au développement, et non pas un remplacement à celle-ci[33]. Même si les IFD occupent un espace entre l’aide publique et l’investissement privé, des témoins ont insisté sur la nécessité de faire une distinction entre les initiatives qui se prêtent le mieux aux investissements des IFD et celles pour lesquelles l’APD est plus appropriée. À cet égard, plusieurs témoins ont affirmé qu’il ne faudrait pas inciter les IFD à agir plus comme des organismes d’aide et moins comme des investisseurs institutionnels, car elles n’ont pas nécessairement l’expertise et les capacités requises pour relever tous les défis en matière de développement. Aniket Bhushan, par exemple, a parlé du danger de pousser les IFD à se donner un mandat trop large en matière de développement, en disant que ce serait « comme si on demandait à un léopard d’avoir des rayures[34] ». Les IFD sont bien placées pour investir dans les projets potentiellement rentables dans des pays et des secteurs où les risques semblent trop élevés pour les prêteurs commerciaux, mais où l’incidence sur le développement peut être considérable. En investissant dans des marchés et des projets que les sociétés privées évitent, les IFD réduisent les risques inhérents à ces investissements et contribuent à prouver leur viabilité, ce qui peut avoir pour effet d’attirer ensuite des fonds privés. Cet effet de stimulation des investissements privés est essentiel pour permettre aux IFD de contribuer à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique, car il permet l’injection de grandes quantités de capitaux dans des secteurs où les effets sur le développement sont les plus importants. Selon certains témoins, les IFD devraient se concentrer sur ces efforts et laisser les autres formes d’aide à des acteurs du développement mieux placés qu’elles pour s’en occuper. Même si les IFD ont plusieurs caractéristiques communes, leurs mandats et structures peuvent varier considérablement[35]. En outre, il y a aussi souvent des différences entre l’accent que les IFD bilatérales et multilatérales mettent sur le volet régional ou sectoriel, ainsi qu’en ce qui concerne les types d’instruments financiers qu’elles offrent. Le Comité a recueilli le témoignage de Diana Noble, alors présidente et directrice générale de CDC, à propos de l’expérience du Royaume-Uni en matière de financement du développement. CDC est la plus ancienne IFD au monde et a pour vocation d’appuyer le développement dans les pays à faible revenu grâce à l’investissement privé. Mme Noble a expliqué au Comité que CDC travaille en Afrique et en Asie du Sud, où se concentre la majorité des populations les plus pauvres de la planète[36]. Dans ces régions, CDC offre des capitaux à des entreprises et des entrepreneurs sous la forme de prêts, de titres de créance, de capitaux propres, de garanties et d’autres arrangements financiers, dans des secteurs prioritaires comme ceux des infrastructures, de l’agroalimentaire ou de la fabrication. Le mandat et le champ d’activités de CDC diffèrent de ceux de l’OPIC, une autre IFD dont le Comité a beaucoup entendu parler tout au long de son étude. Plutôt que d’intervenir directement auprès de partenaires dans les pays en développement, l’OPIC offre du financement et des services à des entreprises américaines souhaitant faire des affaires dans ces pays. L’OPIC a pour mandat de promouvoir les intérêts économiques et de soutenir le secteur privé des États‑Unis, particulièrement les petites entreprises, et exige que les projets qu’elle appuie aient un lien significatif avec le secteur privé américain[37]. Les expériences de CDC et de l’OPIC sont des exemples instructifs et utiles de choix stratégiques en ce qui concerne le mandat, le mode de gouvernance et les activités d’une IFD. Le Canada peut s’inspirer de ces expériences pour la création de sa propre IFD. L’INSTITUTION DE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT DU CANADAL’IFD du Canada accédera à des marchés sur lesquels sont déjà implantées des IFD beaucoup plus importantes et mieux établies, ainsi que d’autres investisseurs institutionnels, dans un contexte d’investissement global très différent de celui qu’ont connu CDC, l’OPIC et d’autres IFD à leurs débuts. Comme indiqué précédemment, la quantité de fonds privés injectés dans les pays en développement s’est considérablement accrue au cours des 20 dernières années, tout comme le montant des capitaux investis par les IFD. Des témoins ont dit au Comité que l’IFD du Canada fera son entrée dans un « secteur qui est déjà très bien servi » et un marché de projets d’investissement « presque saturé[38] ». Dans ce contexte, le Canada doit faire des choix difficiles concernant la conception et le fonctionnement de son IFD, afin de trouver son propre créneau et un juste équilibre entre ses objectifs de développement et d’indépendance financière. Étant donné la grande quantité de capitaux, de plus en plus privés, qui affluent dans les pays en développement, il est plus difficile aujourd’hui qu’il y a 20 ans de saisir des occasions qui ont véritablement un effet catalyseur et permettent d’obtenir un rendement raisonnable sur le capital investi. Les secteurs et les marchés qui étaient jadis sous‑développés et souffraient d’un manque de capitaux sont aujourd’hui matures et solides, de sorte que le secteur privé doit investir de plus en plus là où, avant, il avait peur de s’aventurer. Dans son témoignage, Diana Noble a admis que le rôle des IFD « est certainement de plus en plus difficile », ajoutant qu’« il existe toujours un immense écart, et que les IFD restent nécessaires[39] ». Le Comité a appris que c’est particulièrement dans les PMA que la raison d’être et l’importance des services qu’offrent les IFD prennent tout leur sens. Plusieurs témoins ont déclaré que les investisseurs privés trouvent souvent trop risqué de travailler dans ces pays. Comme l’a dit Daniel Runde : « Attendez-vous à ce que vos discussions d’investissement au Mali soient très différentes de celles qui se seraient tenues au Brésil[40]. » Même s’il est audacieux d’investir dans ces pays, selon Simon Maxwell, associé de recherche principal auprès de l’Overseas Development Institute, les IFD sont « particulièrement utiles » en pareilles circonstances. M. Maxwell a expliqué que beaucoup d’investisseurs privés ont de la difficulté à obtenir l’information nécessaire sur les débouchés commerciaux dans certains des pays les plus pauvres ou des États les plus instables de la planète. Il a indiqué que le « fait d’avoir le sceau de l’IFD » peut donner de la crédibilité à un projet et inciter des entreprises privées à y investir[41]. Parce qu’elle partira de zéro, l’IFD du Canada pourrait être mieux placée que d’autres IFD bien établies pour répondre à certains besoins. Comme l’a dit Brett House : Une IFD canadienne devra être beaucoup plus prête à prendre des risques que les autres IFD. L’une des choses que l’on constate toujours quand on examine les autres IFD, c’est qu’elles ont tendance à investir dans des secteurs qui reçoivent déjà de l’investissement étranger, comme le cinquième fournisseur de téléphonie cellulaire au Ghana ou le 12e hôtel de luxe à Nairobi. Cela ne saurait être la bonne manière de contribuer au développement et ne saurait justifier l’investissement et l’effort consentis pour créer une IFD canadienne, qui devrait se concentrer sur l’octroi de prêts à plus haut risque, dans les secteurs où aucun autre investisseur ne veut aller[42]. Même si des témoins invitent l’IFD du Canada à prendre plus de risques et à se concentrer sur les marchés et les pays ayant vraiment besoin de ses services, ils reconnaissent que c’est plus facile à dire qu’à faire. Jerome Quigley a dit à ce propos que « le risque et la difficulté liés aux investissements augmentent avec la pauvreté. C’est pour cette raison que nous avons besoin, selon moi, d’approches novatrices et créatives[43] ». La taille de l’IFD canadienne doit également être un facteur à prendre en compte dans la conception et le mode de fonctionnement de l’organisme. Selon un témoin, le financement proposé de 300 millions de dollars sur cinq ans n’est « presque rien » par comparaison aux portefeuilles d’investissement d’autres IFD[44]. Même la société mère de l’IFD canadienne, EDC, s’engagera probablement dans des activités de plus grande envergure que sa filiale dans les pays en développement dans un avenir prévisible. En 2016, les activités d’EDC sur les marchés émergents ont généré des produits de 866 millions de dollars, en hausse de 37 % par rapport à l’exercice précédent[45]. Jerome Quigley a expliqué qu’en raison de sa taille relative, l’IFD du Canada devra agir différemment; il a déclaré : « [N]ous croyons que le montant initial de 300 millions de dollars sur cinq ans est trop modeste pour que cette IFD joue le même rôle que ses homologues. L’OPIC investit environ 1,6 milliard de dollars par année. CDC a un actif net avoisinant les 5 milliards de dollars. Pour prendre tout son sens, l’IFD canadienne doit être ambitieuse à cet égard[46]. » Contrairement à des IFD plus grandes, celle du Canada aura de la difficulté à compenser des initiatives risquées par un vaste portefeuille d’investissements sûrs, mais donnant peu de résultats. Par conséquent, pour être viable, l’IFD du Canada devra se doter d’une stratégie d’investissement unique qui ouvre la voie vers de nouveaux débouchés dans des régions mal desservies. À la lumière de ce qui précède, un choix s’impose. Soit l’IFD du Canada adopte une stratégie destinée à la rendre financièrement autonome à court ou à moyen terme – grâce à des investissements à faible risque –, soit elle choisit une stratégie susceptible d’avoir une incidence importante sur le développement, mais elle ne peut pas jouer sur les deux tableaux en même temps; le Comité en a acquis la conviction après avoir entendu les témoins sur cette question. Opter pour la sécurité financière revient à préférer une stratégie exigeant des frais généraux peu élevés et pouvant être mise en place assez rapidement. Cela voudrait dire suivre les traces d’IFD établies et d’autres investisseurs, et profiter de leur expérience et de leurs connaissances pour s’assurer un bon taux de rendement des investissements. L’IFD canadienne serait alors un partenaire novice investissant dans des portefeuilles rentables, mais elle aurait du mal à démontrer l’effet véritablement catalyseur de son action sur le développement. L’autre option – qui consiste à se tourner vers « les secteurs où aucun autre investisseur ne veut aller » – suppose de bâtir des investissements en partant de la base et de prendre des risques plus grands. Avec cette approche, il est peu probable que l’institution atteigne l’autonomie financière à court ou moyen terme, et les risques d’échec sont très élevés. En revanche, la possibilité d’avoir une incidence significative sur le développement serait plus importante. Le Comité est d’avis que le Canada devrait se doter d’une institution novatrice de calibre mondial, dont la contribution au financement du développement international serait fort précieuse. Comme l’a affirmé Brett House, la « création d’une IFD est tout simplement logique ». Tous les autres pays du Groupe des 7 ont une IFD, comme la plupart des membres de l’OCDE. Le Comité est d’accord avec M. House lorsqu’il dit que si le Canada ne se dote pas de sa propre IFD, il pourrait « laisser de l’argent fort utile sur la table dont les autres vont profiter[47] ». Néanmoins, Jerome Quigley a tenu à préciser que le « monde n’a pas besoin d’une autre IFD qui en est à ses premiers balbutiements pour faire concurrence aux autres IFD et aux capitaux privés pour faire des investissements à faible risque et ayant de grandes répercussions dans les pays à faible revenu. Faire cela, ou tenter de le faire, en ferait un poids léger, une pâle copie de ce que les autres IFD font[48] ». Ainsi, l’IFD du Canada ne devrait pas reproduire ce que se fait déjà, mais plutôt adopter une stratégie visant à prendre des risques accrus et à avoir une plus grande incidence sur le développement. Pour ce faire, il lui faut privilégier l’impact sur le développement au détriment de la viabilité financière à court ou moyen terme. Recommandation 1 Que le gouvernement du Canada conçoive son institution de financement du développement de manière à privilégier l’atteinte d’un développement bénéfique et durable et à trouver des solutions novatrices aux problèmes de développement actuels, tout en s’efforçant de prévoir les problèmes à venir pour s’y adapter. 1. Considérations relatives à la conceptionLa conception de l’IFD du Canada – son mandat, la composition de son conseil d’administration, son personnel et ses relations avec le gouvernement et EDC – devrait tenir compte du contexte dans lequel l’organisme s’inscrit et des objectifs qu’il entend poursuivre. Si cette institution veut être novatrice et trouver des investissements qui agissent véritablement comme des catalyseurs, il faut que son mandat le lui permette. Elle doit aussi disposer des ressources pour attirer les talents dont elle a besoin. Comme l’a dit Diana Noble : « Votre objectif principal est de mettre sur pied un organisme d’investissement de qualité supérieure, avec tout ce que cela comporte[49]. » Le Comité a entendu que pour ce faire, l’IFD du Canada doit s’articuler autour de trois grands principes : focalisation, indépendance et patience. a. FocalisationPour être efficace, l’IFD canadienne doit se doter d’un mandat clair et ciblé, qui la guidera dans la composition de son conseil d’administration et la mise en place de sa structure organisationnelle. Des témoins ont insisté sur l’importance d’un mandat bien défini, étant donné que la double nature de cet organisme, qui est à la fois une organisation de développement international et une institution financière, rend la situation « intrinsèquement difficile[50] ». Le mandat doit se concentrer sur des tâches que les IFD maîtrisent bien et ne pas viser inutilement d’autres objectifs de développement. Le mandat doit aussi établir l’équilibre voulu entre les impératifs de développement et les impératifs financiers de l’institution. i) Utilisation limitéeComme indiqué précédemment, les IFD peuvent se révéler des outils efficaces lorsqu’elles sont utilisées pour atteindre des objectifs à leur mesure. Voici ce qu’en a dit brièvement Aniket Bhushan : Je dois souligner le risque existant de pousser les IFD à agir plutôt comme des organismes d’aide et non pas comme des investisseurs institutionnels. Nous devons essayer de garder à l’esprit, ou du moins, ne pas oublier, les buts recherchés dans le mandat. Avons-nous besoin d’un nouvel organisme d’aide, et si oui, pourquoi? Dans le cas contraire, nos objectifs concordent-ils avec la raison d’être des IFD? Ces organisations doivent agir comme catalyseurs pour les entreprises privées; leur utilisation doit être limitée[51]. Le mandat d’une IFD devrait donc se concentrer sur la réalisation de cet objectif, sans perdre de vue que c’est en complément, et non en remplacement, de l’aide publique au développement. En jouant le rôle de catalyseur de l’investissement privé, les IFD font la promotion du développement à l’échelle macroéconomique à long terme. Comme l’a déclaré Aniket Bhushan : « Puisque les impacts des IFD se ressentent au niveau macroéconomique, nous avons une marge de manœuvre qui nous permet d’avoir un impact en stimulant l’investissement, la productivité et la croissance à long terme. Voilà sur quoi on devrait mettre la priorité au lieu de se contenter de faire l’éloge des projets[52]. » Dans son témoignage, Marc-Yves Bertin a donné des exemples d’investissements faits par d’autres IFD et qui ont atteint cet objectif, comme Swedfund, l’IFD suédoise, qui a investi dans « un réseau d’hôpitaux et de cliniques privées pour femmes, d’écoles de sciences infirmières et d’autres projets dans les pays en développement », qui ne réunissaient pas les conditions nécessaires pour obtenir du financement privé[53]. Grâce à l’investissement de l’IFD suédoise, ces organismes ont pu prouver la viabilité de leurs activités et obtenir auprès d’investisseurs commerciaux les capitaux supplémentaires dont ils avaient besoin. M. Bertin a évoqué également l’investissement de l’IFD néerlandaise dans la production d’engrais dans des pays en développement, qui a permis d’améliorer l’accès local aux engrais et la sécurité alimentaire. ii) Ne pas surcharger les IFDDes témoins ont soulevé un point connexe selon lequel, même dans le respect des paramètres d’une « utilisation limitée » consistant à jouer le rôle de catalyseur de capitaux privés, les IFD peuvent se voir demander de viser des objectifs qui risquent de les éloigner de leur fonction première. Rohinton Medhora, président du Centre pour l’innovation de la gouvernance internationale, a mis en garde les gouvernements de ne pas surcharger les IFD en leur associant « un paquet d’objectifs vagues qui ne collent pas les uns avec les autres[54] ». Il peut être tentant d’ajouter des objectifs au mandat de développement économique de base d’une IFD, mais cela risque de réduire l’efficacité générale de l’IFD en limitant un peu plus l’étendue des projets acceptables. Comme indiqué précédemment, pour avoir une incidence sur le développement tout en assurant leur viabilité financière, les IFD doivent cibler précisément certains pays et marchés qui correspondent aux caractéristiques recherchées. Ajouter de nouveaux objectifs en matière de développement ne fait que limiter un peu plus le champ des possibilités. Diana Noble a mis en garde contre la tentation de rendre le mandat de l’IFD du Canada « trop difficile », en demandant à l’organisme de travailler dans des secteurs spécifiques ou de poursuivre des objectifs qui sortent du cadre de ses prérogatives. Comme l’a fait remarquer Paddy Carter, agrégé supérieur de recherche auprès de l’Overseas Development Institute, il y a une limite au nombre d’occasions d’investissement qui respectent les critères des IFD sur le plan du développement et en matière financière. Lorsque les gouvernements se sont mêlés des objectifs des IFD, ils « ont commencé à en éliminer qui ne les satisfaisaient pas, mais sans en ajouter d’autres qui leur conviendraient[55] ». Même si ces limites visent à poursuivre des objectifs qui en valent la peine, elles peuvent réduire l’incidence globale sur le développement des investissements d’une IFD en imposant de nouveaux critères qui excluent les investissements censés donner plus de résultats. D’après Aniket Bhushan, cela s’applique tout particulièrement aux petites IFD, dont le portefeuille d’investissements ne leur permet pas de montrer qu’elles se concentrent sur un objectif particulier. M. Bushan a expliqué ce qui suit : « Certaines des IFD les plus importantes ont un portefeuille et une présence, disons, tellement grands qu’il leur est très facile de montrer qu’elles s’intéressent au sort des femmes et des filles, aux changements climatiques ou à l’agriculture et au climat[56]. » Les IFD de petite taille n’ont pas ce luxe et pourraient être forcées d’investir dans des projets moins porteurs pour montrer qu’elles mettent l’accent sur un objectif donné. Des témoins ont dit expressément que l’objectif consistant à procurer un avantage à l’économie ou à des entreprises canadiennes ne devrait pas faire partie du mandat d’une IFD. Le Comité a appris que les critères liés aux avantages nationaux peuvent compliquer inutilement la mission d’une IFD et compromettre son efficacité. Selon Brett House, « une entité canadienne basée à Montréal et dotée d’un personnel essentiellement canadien sera une entité à laquelle les entreprises et les investisseurs du Canada auront un accès relativement facile […] Je ne pense pas que nous ayons besoin d’appuyer sur un des plateaux de la balance en lui donnant des avantages supplémentaires[57] ». Dans son témoignage, la ministre Bibeau a confirmé que travailler avec des entreprises canadiennes « ne sera pas une exigence préalable[58] ». iii) Un goût du risque inscrit dans l’ADNPlusieurs témoins ont insisté sur l’importance, pour une IFD, de trouver le juste équilibre entre les objectifs financiers et ceux de développement, et exhorté l’IFD du Canada à accorder une attention particulière à l’incidence sur le développement en acceptant de faire des investissements plus risqués. D’après Brett House, l’IFD du Canada « [devrait être axée] sur le haut risque et […] cela devrait être clairement formulé dans son ADN dès le départ […] pour garantir que ça représente vraiment, dans un sens, un élargissement du champ des possibilités finançables par rapport à ce que font ses homologues[59] ». Comme indiqué précédemment, pour avoir un impact significatif sur le développement dans l’économie mondiale moderne, il faut aller dans des marchés et des pays qui manquent de capitaux et sont donc intrinsèquement plus risqués que les autres. Comme l’a expliqué Daniel Runde : « Il y a une attente implicite selon laquelle [l’institution] devra accepter un niveau de risque plus élevé que si elle investissait dans des projets de télécommunication au Brésil, en Turquie ou en Chine[60]. » Autrement dit, accorder la priorité à l’incidence sur le développement, c’est accepter de courir de plus grands risques. Par ailleurs, le Comité a appris que la priorité au développement et la tolérance au risque doivent être inscrites dans le mandat de l’institution, car certaines IFD « sont susceptibles d’abandonner leur objectif de développement pour adopter des fins de nature plus financière et commerciale[61] ». L’un des problèmes que pose le fait de privilégier l’incidence sur le développement, c’est qu’il est difficile de mesurer les résultats. Les objectifs financiers sont faciles à mesurer et à quantifier, de sorte qu’on peut être tenté de les préférer à des objectifs de développement. Un mandat acceptant le risque et faisant la promotion des objectifs de développement permettrait de contrer ce parti pris éventuel et de mettre dès le départ l’institution en position d’atteindre l’équilibre voulu. Mais il ne faut pas pour autant ignorer les impératifs financiers. Au contraire, s’y intéresser, ce serait reconnaître que pour innover, l’IFD du Canada doit modifier l’équilibre traditionnel entre finance et développement. Comme l’a expliqué au Comité Rod Lever, vice‑président de Cowater International, avec des objectifs équilibrés, l’institution canadienne sera forcée « d’innover afin de conclure des ententes complémentaires solides ayant un impact sur le développement qui, à l’échelle du portefeuille […], n’entraînent pas de pertes[62] ». Cet équilibre s’étend à la structure d’une IFD et aux talents qu’elle veut recruter. Diana Noble a insisté sur le fait que les candidats doivent faire preuve de « jugement commercial » pour prendre des décisions d’investissement éclairées – c’est essentiel à la réussite d’une IFD – mais cette compétence est très recherchée, et trouver les personnes qui la possèdent devrait être une priorité[63]. Recommandation 2 Dans son mandat, l’institution de financement du développement du Canada devrait préciser que son objectif principal est d’agir comme catalyseur de l’investissement privé pour le développement international; énoncer clairement la recherche d’un équilibre entre ses objectifs de développement et ses rendements financiers; affirmer qu’elle agit en complément et non en remplacement de l’aide publique au développement et du travail des organismes d’aide; et reconnaître qu’accorder la priorité à l’incidence sur le développement suppose d’accepter des risques financiers plus importants. b. IndépendanceL’indépendance est la deuxième caractéristique fondamentale qui, selon les témoins, est essentielle à la réussite de l’IFD du Canada. Selon ce qu’a appris le Comité, pour recruter et retenir les talents dont elle aura besoin, à commencer par les membres de son conseil d’administration, l’institution devra faire preuve d’indépendance à l’égard du gouvernement et de sa société mère, EDC. Cette indépendance est aussi cruciale pour lui permettre d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie d’investissement audacieuse et novatrice, et de demeurer responsable de l’exécution de son mandat. Le fait d’être une filiale de la société d’État EDC conférera à l’institution canadienne une indépendance considérable dès le départ et qui devra être renforcée au moyen de politiques complémentaires permettant à l’IFD de s’acquitter de son mandat en toute autonomie. Rohinton Medhora a recommandé que l’IFD créée ait le statut de société d’État indépendante qui ne relèverait pas d’EDC[64]. i) Recruter les bonnes personnesPour que l’IFD du Canada perce sur d’éventuels marchés dans quelques‑uns des environnements les plus difficiles de la planète, il lui faudra des dirigeants et du personnel dont l’expérience, le talent et le dévouement sont à la hauteur des défis à relever. Les témoins entendus estiment que pour être en mesure d’attirer et de retenir ces talents, l’institution devra posséder l’indépendance nécessaire pour exécuter son mandat sans subir d’ingérence. Cela signifie que son mandat devra être conçu de manière à laisser place au jugement et à l’innovation. Comme l’a dit Diana Noble, « la réussite de l’institution dépend surtout du calibre des gens que vous êtes capables d’attirer, vu la stratégie et le mandat que vous leur confiez. Selon moi, il faut leur laisser une certaine souplesse pour établir la stratégie qu’ils pensent pouvoir mettre en œuvre[65] ». La première étape à franchir pour relever ce défi, c’est de nommer un conseil d’administration ayant l’expertise requise pour mettre en œuvre le mandat de l’IFD du Canada. Brett House a déclaré qu’il « est essentiel que cette institution dispose d’un conseil d’administration indépendant d’esprit et qui n’ait pas peur de prendre des risques », ajoutant du même souffle que l’IFD doit avoir vocation à concilier les deux « impératifs » en matière d’incidence sur le développement et de rendement financier. Pour garantir l’indépendance de l’institution, il est essentiel que son conseil d’administration soit doté d’une expertise équilibrée en matière de développement et de finance. D’après Mme Noble, un conseil d’administration indépendant joue « un rôle supplémentaire d’intermédiaire […] entre les besoins de la direction, qui doit assurer sa continuité pour que les choses puissent se passer, et les discussions qui ont lieu avec le gouvernement et des politiciens, lesquels peuvent suivre un programme à court terme[66] ». Ce rôle ne peut être joué pleinement si le conseil d’administration ne dispose pas de l’indépendance voulue du gouvernement ou d’EDC. Ce besoin d’indépendance s’étend à l’ensemble de l’institution; sa réussite ou son échec dépendent de la somme de toutes les décisions d’investissement prises par son personnel. Comme l’a fait remarquer Diana Noble, l’IFD du Canada devra « attirer des gens très qualifiés. […] Ce genre de personnes existe […], mais elles ne sont pas nombreuses. Vous devez les trouver, puis établir une culture au sein de laquelle les gens voudront rester ». Pour ce faire, il faudra favoriser un environnement dans lequel les employés auront le pouvoir de prendre des décisions d’investissement et la confiance pour mettre en œuvre la stratégie d’investissement de l’institution en toute indépendance. Recommandation 3 Le conseil d’administration de l’institution de financement du développement du Canada devra être constitué de professionnels indépendants, offrant à l’organisme une expertise équilibrée tant en matière de gestion financière que de développement international. ii) Donner au conseil d’administration le pouvoir de décider du programmeLe Comité a appris qu’après avoir choisi les membres du conseil d’administration et recruté les cadres supérieurs de l’IFD du Canada, il faudra leur donner la latitude nécessaire pour remplir leur mandat de la manière qui, de leur point de vue, aura le plus de chances de réussir. Cela commence par le mandat lui‑même qui, comme on l’a expliqué précédemment, doit se concentrer sur la fonction essentielle de l’institution consistant à catalyser l’investissement privé – sans objectifs supplémentaires –, et donner à l’IFD toute l’indépendance nécessaire pour être efficace. Cette indépendance s’étend à la relation qu’entretiendra cette dernière avec EDC et le gouvernement. Elle devra pouvoir mettre en œuvre la stratégie qui lui semble la meilleure, sans égard aux politiques du gouvernement ou aux priorités d’EDC. Des témoins ont dit qu’obliger l’IFD du Canada à aligner sa stratégie d’investissement sur les processus gouvernementaux s’avérera contre‑productif si c’est fait d’une manière qui freine l’innovation et l’émergence d’idées nouvelles. Comme l’a demandé Rohinton Medhora : « Si tout est homogène, d’où proviennent les nouvelles idées?[67]. » M. Medhora a affirmé qu’en favorisant l’innovation par une approche indépendante, l’institution pourrait choisir des secteurs ne figurant pas parmi « les principaux du Canada », et il se pourrait qu’un domaine « puisse devenir une priorité à ce chapitre en raison de quelque chose de petit, d’intéressant et de fructueux dans quoi l’IFD avait investi dix ans auparavant[68] ». Selon ce qu’a appris le Comité, le fait d’insister sur l’efficacité du développement et sur l’indépendance n’est pas contradictoire. Plusieurs témoins ont affirmé qu’en tant qu’acteur sur le grand échiquier canadien du développement international, l’IFD devra satisfaire aux normes de développement les plus élevées. À ce propos, Jerome Quigley a dit que l’incidence sur le développement et le principe d’additionnalité devront figurer parmi les premiers objectifs du mandat de l’IFD[69]. Par ailleurs, Francesca Rhodes, spécialiste en défense des droits de la femme à Oxfam Canada, a déclaré que « le mandat de l’IFD doit respecter les principes de l’efficacité du développement et mettre l’accent sur l’additionnalité. Afin d’assurer le respect du développement durable, l’IFD doit se conformer aux principes d’efficacité du développement, particulièrement l’appropriation par les pays, la transparence et la responsabilité[70] ». Compte tenu de sa taille et du fait qu’elle s’inscrira dans un milieu bien établi, l’IFD du Canada devra trouver de nouvelles idées pour mener à bien ses propres opérations et contribuer de manière importante à l’avancement du vaste programme d’action en matière de développement. M. Quigley a dit : « Étant donné sa taille, l’IFD devrait envisager de faire un ciblage sectoriel ou géographique. Par exemple, on pourrait innover et atténuer les risques liés à l’investissement de capitaux privés dans les infrastructures environnementales, les entreprises dirigées par des femmes ou la santé[71]. » Un conseil d’administration et des cadres supérieurs indépendants et maîtres de leurs décisions devront se concentrer sur l’élaboration et la mise en œuvre de ces idées nouvelles, et ne pas tenter de faire coïncider leurs travaux avec les grands objectifs du gouvernement ou d’EDC. Diana Noble a expliqué en ces termes combien l’indépendance des membres du conseil d’administration de CDC contribue à l’efficacité de l’institution : Nous avons un actionnaire – le gouvernement britannique –, mais il a délégué ses responsabilités à un conseil d’administration indépendant. Il n’est pas représenté, à ce conseil, ni au comité des investissements; il ne participe donc pas aux décisions touchant les investissements. Les membres du conseil d’administration se considèrent comme les seuls responsables des activités, et ils s’assurent que l’équipe de la direction, dont je fais moi‑même partie, s’acquitte de son mandat et met en œuvre notre stratégie le mieux possible[72]. Permettre à l’IFD du Canada de se concentrer sur l’innovation et de s’acquitter de son principal mandat sera un moyen de s’assurer que le conseil d’administration et la haute direction rendent compte de leurs décisions et de la gestion de l’organisation. Recommandation 4 Que le gouvernement du Canada et Exportation et développement Canada permettent à la nouvelle institution de financement du développement du Canada de s’acquitter de son mandat de manière indépendante, sans être tenue d’orienter ses processus opérationnels en fonction des grandes politiques gouvernementales ou institutionnelles. Par ailleurs, l’institution de financement du développement devrait s’assurer d’agir dans le respect des valeurs et des intérêts du Canada. c. PatienceLa troisième caractéristique essentielle que devra posséder la nouvelle IFD canadienne est la patience, selon ce qu’a appris le Comité. En effet, plusieurs témoins ont insisté sur le temps qu’il faudra pour élaborer une approche innovante en matière de financement du développement, et mettre en œuvre une stratégie d’investissement destinée à attirer l’investissement privé dans des environnements risqués. Les investissements seront plus longs à venir et plus susceptibles d’être voués à l’échec, et ceux donnant de bons résultats prendront plus de temps à le faire. L’IFD du Canada devra donc s’armer de patience, tant dans l’établissement d’une stratégie d’investissement et le lancement de ses opérations que dans l’atteinte de la viabilité financière. i) Un temps pour semerLe temps nécessaire pour établir l’institution canadienne et la rendre opérationnelle sera plus long avec un mandat ambitieux. Daniel Runde a conseillé la patience, en laissant le temps à l’IFD de « prouver sa valeur » et de « prendre ses marques[73] ». Il a dit : « On aura une certaine période, de trois à cinq ans, pour mettre sur pied cette institution, pour lui permettre des réalisations en matière d’investissement [et] pour créer les divers processus décisionnels[74]. » Le Comité a appris que le temps requis pour bâtir l’IFD du Canada dépendra de la façon dont elle veut investir. Les IFD qui suivent une stratégie d’investissement indirect peuvent être opérationnelles plus rapidement que celles qui préfèrent investir directement. C’est particulièrement vrai dans les marchés sous‑développés où, comme l’a souligné Aniket Bhushan, une IFD devra « investir beaucoup d’argent dans le cadre de ce que nous appelons des efforts sur le terrain. Elle devra savoir avec qui elle veut créer un partenariat, savoir quels accords sont viables et ainsi de suite[75] ». Développer une stratégie d’investissement novatrice pour avoir une incidence considérable sur le développement dans des environnements difficiles nécessitera temps et argent. Autrement dit, le premier investissement que devra faire l’IFD du Canada, c’est en elle‑même. Elle devra commencer par établir une stratégie d’investissement digne d’une institution de calibre mondial avant de chercher à investir à l’étranger. Cette phase de mise sur pied terminée, l’institution canadienne ne devra pas se précipiter dans les investissements. Plusieurs témoins ont insisté sur la nécessité de constituer une réserve de projets respectant les critères de l’IFD, et de permettre au personnel de déterminer où investir après avoir évalué différentes options viables. Diana Noble a dit que l’IFD du Canada devra « être relativement prudent[e] au départ afin de voir comment vont les choses[76] ». Elle a ajouté que les professionnels de l’investissement ne devraient pas « avoir l’impression qu’il faut faire quelque chose parce que l’influx n’est pas suffisant et il n’y a pas assez de choix[77] ». Le temps que prendra la constitution de cette réserve dépendra aussi du mandat et de la stratégie d’investissement de l’institution canadienne. Trouver et développer des occasions d’investissement dans des environnements difficiles et des marchés sous‑développés est un travail qui nécessite beaucoup de patience. Parlant de l’expérience de CDC dans les marchés sous-développés, Diana Noble a dit : « Dans le cas de bon nombre de nos investissements, il faut parfois une année ou deux après avoir cerné une occasion – quand un investissement est tout à fait inapproprié – pour en arriver à un point où on estime avoir assez bien arrangé les choses pour y investir de l’argent[78]. » Comme l’ont souligné plusieurs témoins, ce processus peut inclure l’établissement de partenariats avec d’autres organismes dans le but de fournir aux partenaires l’assistance technique ou toute autre forme d’aide requise pour qu’il soit intéressant d’investir dans des projets. Dans les circonstances, il importe que l’IFD du Canada ait le temps nécessaire pour se mettre sur pied et se constituer une réserve de projets qui cadrent avec son mandat et sa stratégie d’investissement. Cela signifie qu’il faudra financer les activités de l’institution pendant l’établissement initial et la phase opérationnelle du début, et ne pas être pressé de voir une augmentation des engagements en matière d’investissement. ii) Un temps pour croîtreIl faudra faire preuve de patience non seulement pendant le processus de mise sur pied et de constitution de la réserve de projets, mais aussi à l’égard du travail de l’IFD. Des témoins ont dit à maintes reprises que l’une des caractéristiques essentielles de la réussite des IFD, c’est la capacité d’injecter des « capitaux patients ». Selon James Haga, vice‑président, Stratégie et investissement, auprès d’Ingénieurs sans frontières Canada, « nous envisageons un rendement dans 10 ou 15 ans, au lieu de penser à la première, deuxième ou troisième année. Ce genre de modèle d’investissement patient est d’une importance primordiale[79] ». Cette patience est l’une des grandes différences entre les IFD et les institutions d’investissement privées. Comme l’a souligné Marc-Yves Bertin, les banques commerciales « ont tendance à s’intéresser au rendement sur une certaine durée, que ce soit à un horizon de trois ou de cinq ans[80] ». En revanche, les IFD s’attendent à ce que le capital investi leur procure un rendement à plus long terme, donnant ainsi aux entreprises privées dans les marchés arrivant à maturité le temps et l’espace pour croître. Cette patience devient encore plus essentielle quand on travaille dans des environnements difficiles. Comme l’a fait remarquer James Haga, « il a fallu à Coca-Cola, l’une des entreprises les plus importantes et efficientes au monde, plus de 12 ans pour simplement atteindre le seuil de rentabilité concernant ses activités en Afrique subsaharienne[81] ». Les capitaux patients donnent aux entreprises qui démarrent la stabilité nécessaire pour s’adapter à des environnements dynamiques et à des marchés incertains. En offrant aux entreprises les conditions dont elles ont besoin pour réussir, les investissements patients peuvent contribuer à démontrer la viabilité d’industries dans des secteurs où, auparavant, on refusait d’injecter des capitaux. Comme l’a fait valoir Diana Noble, cette patience s’applique aussi à l’obtention de résultats en matière de développement : « Nous devons penser en décennies, et non en années, et par conséquent, les parties intéressées de l’IFD doivent savoir qu’il faudra beaucoup de temps avant que les résultats, qu’il s’agisse de rendement financier ou de retombées, se fassent sentir[82]. » Lorsque l’IFD du Canada aura obtenu son mandat et la liberté de l’exécuter, il faudra lui donner le temps de prouver la viabilité de sa stratégie, tant sur le plan financier que sur celui du développement. Comme l’a dit Diana Noble : « Ce serait un désastre de perdre patience à mi-parcours, disons après cinq ans[83]. » Recommandation 5 Que le gouvernement du Canada donne à son institution de financement du développement au moins 10 ans pour prouver sa capacité à s’acquitter de son mandat d’une manière financièrement viable, et qu’il s’engage à lui accorder du financement supplémentaire pendant cette période, si besoin est; le tout étant assujetti à la structure et au budget administratif de l’institution. 2. Stratégie d’investissementUne fois que l’IFD du Canada disposera de sa structure de base et de son mandat, elle devra élaborer une stratégie d’investissement et prendre les décisions opérationnelles connexes. Des témoins ont mis l’accent sur certains choix difficiles que devra faire l’institution quant à la manière de mener à bien son mandat. Ces choix auront des conséquences les uns sur les autres, car les décisions concernant la stratégie d’investissement influenceront les choix opérationnels. Des témoins ont parlé de quelques‑uns des choix que devra faire l’IFD du Canada dans l’établissement de sa stratégie d’investissement. Ces choix porteront notamment sur la taille et la nature des investissements, les régions ou les thématiques sur lesquelles elle se concentrera, ainsi que les types de partenariats qu’elle voudra conclure. i) Quoi offrirL’IFD canadienne doit décider quels services elle entend offrir. Plusieurs témoins, dont Brett House, ont plaidé en faveur d’une vaste gamme de services. M. House a déclaré que l’organisation « aura besoin d’un éventail complet d’instruments financiers, allant de l’emprunt jusqu’à la possibilité de prendre des participations dans le capital d’entreprises, de fournir des garanties et de souscrire de l’assurance contre le risque[84] ». Il faudra chercher la bonne combinaison de services et d’instruments financiers à offrir – et notamment l’équilibre entre les capitaux d’emprunt et les capitaux de placement en actions – en fonction de la meilleure façon d’atteindre les objectifs de développement, dans un projet particulier, à la lumière des considérations opérationnelles pertinentes. Comme l’a fait remarquer Marc-Yves Bertin : « Ce sera donc à elle de décider dans quelle mesure elle utilisera les divers instruments à sa disposition et dans quels pourcentages. Elle devra aussi préciser les calendriers à respecter dans l’utilisation de ces instruments. À titre d’exemple, il est souvent moins exigeant et plus rapide de demander un prêt que de mettre en place les autres formes de transactions[85]. » L’IFD du Canada pourra profiter de son lien avec EDC à cet égard, notamment de son expertise, pour offrir un éventail varié de services financiers dans un contexte international. En plus de choisir quels types de services financiers offrir, l’institution canadienne devra décider de la taille des investissements à faire. Plusieurs témoins ont laissé entendre qu’elle pourrait se distinguer des autres IFD en faisant des investissements plus modestes qu’elles. Par exemple, Jessie Greene, directrice de l’Investissement chez Développement international Desjardins, a évoqué la difficulté qu’avait éprouvée son organisation à obtenir de petits investissements de la part d’IFD. Voici ce qu’elle a dit : « On cherchait à obtenir moins de quelques millions de dollars, et les IFD nous ont dit que c’était juste en dessous de leur montant de transaction minimal. La plupart d’entre elles commencent à 7 millions de dollars ou plus. Cela fait en sorte qu’il est presque impossible pour les entreprises en démarrage et pour les nouvelles initiatives innovatrices d’obtenir du financement de la part d’IFD[86]. » Une des façons envisageables d’innover, pour l’IFD du Canada, serait de faire de petits investissements, ce qui lui permettrait également de diversifier ses risques en augmentant le nombre total de ses investissements. Comme l’a déclaré Paddy Carter : « Une petite entité, par exemple, peut faire face au risque en ayant toute une brochette de tout petits investissements, de façon à ne pas tout perdre en même temps, puisque, si vous faites de gros investissements, votre exposition au risque est de toute évidence beaucoup plus importante[87]. » La stratégie consistant à faire de petits investissements a toutefois ses limites, car les frais généraux relatifs qui y sont associés sont vraisemblablement plus importants. Si le temps et l’argent nécessaires pour investir un million de dollars sont essentiellement les mêmes que pour investir 10 millions, plus l’investissement sera petit, plus le rendement devra être élevé pour que l’investissement soit financièrement viable. Comme l’a dit Simon Maxwell : « Vu la quantité d’argent que vous avez à portée de main, vous n’allez pas être un détaillant[88]. » Même si l’option consistant à faire des investissements plus modestes que ceux que font habituellement les autres IFD pourrait s’avérer une stratégie viable du point de vue de l’innovation et de l’incidence sur le développement, il y aura néanmoins un seuil minimal en deçà duquel les investissements ne seront plus financièrement viables. Par exemple, si l’IFD était intéressée à investir dans des initiatives de microfinancement, elle le ferait dans des institutions qui offrent ce type de financement plutôt qu’en accordant directement de petits prêts. Paddy Carter a dit que ce modèle d’affaires fondé sur des « intermédiaires » permet d’aider les femmes, les jeunes entrepreneurs et les petits agriculteurs[89]. ii) Où investir et qui ciblerCompte tenu de sa taille relativement petite, l’IFD du Canada pourrait maximiser son impact en se concentrant sur certains secteurs ou certaines zones géographiques. Ainsi que l’a fait remarquer Aniket Bhushan, « comme l’IFD sera de petite taille, elle doit, par définition, se trouver un créneau[90] ». En limitant l’étendue de ses opérations à certains pays ou secteurs, elle pourrait aussi limiter certains frais de fonctionnement inhérents à un mandat ambitieux. L’adoption d’une telle approche permettrait aussi de réduire l’investissement nécessaire pour développer l’expertise et la connaissance du terrain requises pour s’aventurer dans des environnements risqués. Un mandat qui privilégie l’incidence sur le développement au moyen d’investissements ayant un effet véritablement catalyseur est susceptible de limiter l’étendue géographique des opérations, peu importe la stratégie d’investissement adoptée. Comme indiqué précédemment, les pays et les marchés ayant véritablement besoin des services d’une IFD sont moins nombreux qu’il y a 20 ans. Par conséquent, l’IFD du Canada devra probablement exclure les projets dans les économies à revenu moyen-supérieur et à revenu élevé – c’est-à-dire dans la plupart des pays d’Amérique latine et une grande partie de l’Asie[91] – et pourrait décider de se limiter à un groupe particulier de pays lui offrant les meilleures chances de mener à bien son mandat. Alors que de manière générale les témoins ont recommandé que l’IFD du Canada se concentre sur les pays et les populations les plus pauvres, plusieurs d’entre eux ont suggéré l’examen d’autres avenues. S’exprimant au sujet de l’expérience de sa propre organisation, Lauren Ravon, directrice, Politiques et campagnes, à Oxfam Canada, a dit : « Oxfam n’investit plus seulement dans les pays les plus pauvres, mais tient aussi compte des critères liés à l’inégalité. [...] Tandis que nous voyons cet écart s’élargir, l’inégalité dans ces pays est en fait plus préoccupante à long terme que si on met seulement l’accent sur les pays qui sont pauvres actuellement[92]. » Jessie Greene a quant à elle discuté de la manière dont s’y prend Développement international Desjardins pour cibler des pays en fonction de la nécessité manifeste d’y offrir des services : « Pour choisir des pays, essentiellement, nous accordons la priorité aux pays où l’accès au financement est difficile [...] Pour nous, cela montre un besoin élevé. C’est une occasion à saisir, autant sur le plan sociétal que sur le plan des affaires[93]. » Plusieurs témoins, dont la ministre du Développement international et de la Francophonie, ont insisté sur la nécessité, pour l’IFD, d’aligner sa stratégie d’investissement sur la nouvelle Politique d’aide internationale féministe du Canada. Francesca Rhodes a dit au Comité : « Puisque la nouvelle politique d’aide internationale féministe du Canada propose une approche féministe pour mettre fin à la pauvreté, l’IFD devrait compléter cette approche et faire de même[94]. » Elle a ensuite souligné le fait qu’il fallait « s’assurer que l’IFD a la capacité et l’expertise de prendre en compte l’égalité entre les sexes dans tous ses travaux tout en fournissant des investissements ciblés bénéfiques pour les femmes et les filles ». Mme Rhodes a ajouté : « Lorsqu’on conçoit une politique ou un programme de développement, une analyse axée sur le sexe est essentielle si l’on veut s’assurer que les femmes et les filles en bénéficieront, et qu’on ne renforce pas par inadvertance l’inégalité entre les sexes. » James Haga a insisté sur l’importance de tenir compte des différences entre les sexes, faisant remarquer que « l’entrepreneuriat féminin dans tous les pays en développement du monde doit affronter un grand nombre de difficultés systématiques ainsi que de la discrimination[95] ». Des témoins ont aussi recommandé que l’IFD du Canada soutienne des projets ayant une incidence importante sur le développement et susceptibles de générer des retombées financières dans certains secteurs que d’autres IFD ont souvent boudés, comme celui de l’agriculture. Rob Lever, par exemple, a recommandé que l’institution se concentre sur des secteurs où les entreprises « sont viables et ont le potentiel de croître d’une manière durable sur le plan financier. Le secteur de l’énergie renouvelable, le secteur de l’eau et les petites infrastructures sont des exemples[96] ». Plusieurs témoins ont aussi insisté sur les possibilités d’investissement auprès d’entrepreneures et d’entreprises dirigées par des femmes, une orientation qui irait dans le sens de la politique d’aide internationale féministe du Canada. Si l’on se concentre stratégiquement sur certains pays ou secteurs, on éviterait de surcharger l’institution canadienne en ajoutant d’autres objectifs à son mandat, comme discuté précédemment. L’adoption d’une orientation stratégique viserait à cibler des projets dans des pays et des secteurs offrant les meilleures chances de réussite, tant du point de vue de l’incidence sur le développement que du rendement financier. C’est une option différente de celle consistant à ajouter des objectifs qui risqueraient d’éloigner l’organisation de sa mission et de l’empêcher de bien s’acquitter de son mandat fondamental. iii) Combien offrirQuelques témoins ont remis en question la capitalisation relativement modeste de l’IFD du Canada, faisant remarquer que cela pourrait compromettre sa viabilité et son efficacité à long terme. Bien que la taille proposée actuellement puisse être adéquate pour les premières phases de mise en œuvre, l’institution canadienne devra se demander jusqu’à quel point la taille de son portefeuille de placement cadre avec sa stratégie d’investissement à long terme. Comme l’a déclaré Rohinton Medhora : « Je pense qu’une petite taille, c’est bien pour commencer, mais qu’il ne s’agit pas d’un modèle durable à long terme. À long terme, il devra y avoir une différence du point de vue du ratio, et la façon de changer ce ratio, c’est non pas de réduire le personnel, mais de mener des activités de prêt de plus grande envergure[97]. » Le Comité a été informé de deux grandes options à envisager pour augmenter le montant total des capitaux d’investissement de l’IFD. La première consiste simplement à demander plus de financement au gouvernement ou à EDC. Daniel Runde a déclaré qu’il ne serait pas « surpris si l’IFD revenait voir le Comité et le Parlement pour demander plus d’argent que ces 300 millions de dollars. Si vous comptez lui demander d’aller dans des endroits où il est plus difficile de conclure des affaires, vous allez devoir accepter que le risque soit plus élevé […] il se peut qu’on vous demande du capital supplémentaire[98] ». Si l’IFD du Canada estime que les capitaux additionnels requis sont du même ordre que l’engagement initial, une option viable serait d’augmenter le financement en puisant dans les revenus annuels d’EDC. Si on part de l’hypothèse qu’EDC maintient son revenu net près des niveaux actuels, des engagements additionnels semblables à l’engagement initial du gouvernement n’imposeraient pas un fardeau indu à la société mère de l’IFD canadienne[99]. Dans son témoignage, la ministre Bibeau a dit que la capitalisation initiale était « un bon départ » pour une entreprise nouvelle, et laissé entendre que le gouvernement serait prêt à consentir du capital supplémentaire, si besoin était[100]. Si l’IFD du Canada estime qu’elle devra accroître ses opérations de manière importante, l’autre option consistera à augmenter son portefeuille en émettant des titres de créances. Brett House, pour sa part, a plaidé pour un organisme de « beaucoup plus grande envergure […] essentiellement financé par des levées de fonds sur les marchés privés, c’est-à-dire par l’émission de dette ou d’obligations, ou par des placements privés sur les marchés de capitaux internationaux, comme EDC le fait actuellement[101] ». Compte tenu de l’environnement financier mondial actuel, M. House croit qu’il « y aurait une demande énorme pour des titres émis par EDC ou par l’IFD », et garantis par le gouvernement du Canada, au bout du compte[102]. iv) Quels partenaires choisirDes témoins ont insisté sur la nécessité de développer des partenariats efficaces pour réduire le risque que devra assumer l’IFD canadienne et pour augmenter l’incidence sur le développement. Ces partenariats pourraient prendre différentes formes. S’unir à d’autres IFD ou à des organisations similaires contribuerait à répartir les risques et à réduire les coûts. Collaborer avec les entreprises dès les premiers stades d’un projet favoriserait l’attraction de capitaux privés par la suite. Les organismes d’aide et les groupes de la société civile pourraient aussi être des partenaires importants; ils peuvent fournir une connaissance du terrain, grâce aux contacts directs qu’ils entretiennent avec les bénéficiaires et les groupes communautaires, ainsi qu’une expertise du contexte économique et de l’état du développement dans un pays donné. Les témoins ont dit maintes fois que l’assistance technique et d’autres formes d’aide courantes sont essentielles pour développer des projets jusqu’au point où l’investissement d’une IFD devient viable, particulièrement dans les marchés sous‑développés. Rod Lever a dit clairement que les « IFD qui connaissent du succès combinent leurs instruments financiers avec l’assistance technique faisant l’objet de subventions, qui est essentielle au moment de fournir la capacité dont le bénéficiaire a besoin[103] ». Dans le même ordre d’idées, James Haga a fait remarquer qu’il « sera extrêmement important de fournir aux entrepreneurs de l’assistance technique ainsi que toute une gamme de services de soutien aux entreprises[104] ». S’exprimant au sujet du développement de la microfinance, Jessie Greene a déclaré qu’un « grand nombre de subventions ont été accordées […] aux quatre coins du monde […] Au départ, on ne voyait pas l’intérêt d’investir dans cela. Mais l’infrastructure a été mise en place, et, au bout du compte, des institutions dans lesquelles on peut investir ont été créées[105] ». Mme Greene a averti qu’il ne fallait pas négliger cette phase initiale en ces termes : « De nos jours, il arrive souvent, dans de nouveaux secteurs ou de nouvelles régions géographiques où il n’y a pas ce genre d’institutions, que des investisseurs se manifestent sans avoir pris en considération qu’il a fallu très longtemps pour mettre en place, à l’aide de subventions, ce genre d’infrastructures[106]. » Même si l’IFD du Canada devrait être indépendante du gouvernement, Affaires mondiales Canada (AMC) sera probablement son partenaire le plus proche. Des témoins ont souligné la possibilité d’établir une relation mutuellement avantageuse entre AMC et l’IFD, dans le cadre de laquelle AMC pourrait fournir l’aide nécessaire à la constitution d’une réserve de projets dans lesquels investir. Parlant de la collaboration fructueuse, en matière d’investissement, entre AMC et Mennonite Economic Development Associates of Canada, Jerome Quigley a dit « que l’IFD devrait songer à collaborer avec Affaires mondiales Canada pour avoir accès à un soutien technique supplémentaire, ce qui augmenterait et bonifierait ses investissements[107] ». Selon M. Quigley, l’IFD du Canada « comprendra rapidement que ses investissements auront beaucoup plus d’impact si Affaires mondiales Canada fournit un soutien additionnel[108] ». Du côté du gouvernement, la ministre Bibeau a confirmé la possibilité qu’AMC fournisse une assistance technique à l’institution pour lui permettre de réaliser des projets, surtout si cette aide favorise l’égalité entre les sexes[109]. Des témoins ont aussi recommandé que l’IFD du Canada conclue des partenariats avec le secteur privé canadien et des diasporas établies au pays, afin d’exploiter l’expertise et les connaissances canadiennes existantes. Rod Lever a proposé, par exemple, que « l’IFD mette en place un mécanisme pour travailler avec le secteur privé canadien afin de définir les projets en devenir qui auront un impact considérable sur le développement et au sujet desquels l’expertise canadienne peut grandement contribuer[110] ». Paddy Carter a fait remarquer que « les données probantes révèlent que la vaste majorité des entreprises dans les États fragiles et où il y a des conflits sont exploitées par des membres de la diaspora qui reviennent au pays[111] ». Brett House a souligné que les chiffres indiquent qu’actuellement, le Canada ne profite pas des diasporas pour faire la promotion des relations en matière de commerce et d’investissement. Il a déclaré : « Nous ne semblons pas être capables d’exploiter ces racines culturelles, familiales et historiques potentielles en matière d’investissement[112]. » À mesure que l’IFD canadienne se constituera un portefeuille de projets, elle devra s’assurer de tirer parti de toute l’expertise que ces groupes, comme ceux des diasporas établies au Canada, ont à offrir. 3. Décisions opérationnellesAprès avoir défini sa stratégie d’investissement, l’IFD du Canada devra prendre un certain nombre de décisions pour se mettre sur pied et devenir opérationnelle. Elle devra faire des choix quant à son modèle de fonctionnement, son processus d’approbation des projets, sa méthode d’évaluation de l’incidence sur le développement, ainsi qu’à l’égard de ses structures de reddition de comptes et leur niveau de transparence. Ces décisions devront être prises dans le respect du mandat et de la stratégie d’investissement de l’institution, et celle-ci devra mener ses activités dans le but d’atteindre les objectifs qu’elle se sera fixés. i) Bâtir l’infrastructure organisationnelleL’IFD du Canada doit se doter d’une infrastructure organisationnelle propre à une institution financière et déterminer les divers services auxiliaires nécessaires à la réalisation d’investissements. Pour créer cette structure, l’institution devra définir son niveau d’intégration à EDC. Comme l’a fait remarquer Marc-Yves Bertin, d’Affaires mondiales Canada, il faudra « définir la mission essentielle de l’organisme et préciser le type de tâches ou de fonctions qu’[il] pourra “externaliser” […] à EDC, comme les systèmes de TI, les ressources humaines et même, éventuellement, la gestion de sa trésorerie[113] ». M. Bertin a expliqué que cette externalisation pourrait avoir « le mérite d’accélérer la mise sur pied de l’organisation, en lui évitant de partir de rien, et lui permettrait de reposer sur des fondations stables en prenant avantage de celles d’EDC et du savoir-faire de cette dernière[114] ». Il faudrait ensuite mesurer les avantages et les inconvénients éventuels de cette stratégie, notamment la perte d’autonomie de la nouvelle institution et une structure organisationnelle potentiellement plus complexe. L’IFD canadienne devra également déterminer la portée de ses activités à l’étranger, et décider si elle a besoin d’une présence permanente ailleurs dans le monde et de quelle taille, le cas échéant. Cette décision sera particulièrement influencée par la stratégie d’investissement, étant donné que les types d’investissements à réaliser et l’étendue géographique des opérations seront des facteurs essentiels pour établir la nécessité et la viabilité de bureaux à l’étranger. Même si cela coûte cher, les témoins ont insisté sur l’importance d’exploiter la connaissance du terrain pour réussir dans des environnements difficiles. Comme l’a déclaré Rohinton Medhora : « Si vous voulez être efficace dans la sphère du développement, vous aurez besoin d’expertise sur le terrain. […] Comment allez-vous saisir la nuance locale? Y arriverez-vous en étant à Montréal, ou bien en établissant un réseau d’informateurs et de personnel professionnel partout dans le monde? C’est probablement la dernière option. » Par ailleurs, l’IFD du Canada pourra tirer profit de la capacité d’EDC et de sa présence dans les pays en développement pour assurer sa représentation en limitant ses frais généraux[115]. ii) Trouver des occasions d’investissementL’IFD du Canada devra se doter d’un processus décisionnel qui facilite l’identification, l’évaluation et l’approbation ou le rejet de projets. La solidité de ce processus déterminera dans une large mesure la capacité de l’organisme à mettre en œuvre son mandat et sa stratégie d’investissement. Comme l’a déclaré Diana Noble : « Vous devez être clairs à propos de ce à quoi vous allez dire oui et ce à quoi vous allez dire non, [parce que sans un processus d’approbation rigoureux] votre équipe sera en mesure de justifier n’importe quel investissement, parce que tout investissement dans un pays où il est difficile de faire des affaires génère certaines retombées[116]. » Les principes et les objectifs du mandat doivent donc s’articuler d’une manière cohérente et conforme à l’orientation stratégique de l’institution. Mme Noble a insisté sur la nécessité d’évaluer adéquatement les risques par rapport au rendement de l’investissement. Selon elle, « les intervenants pensent aux retombées, toujours aux retombées. Ils ne pensent pas en premier lieu au risque qu’il faut assumer pour obtenir ces retombées ». Pour éviter cela, Mme Noble recommande l’embauche de professionnels « qui ont le sens du commerce, des gens qui peuvent évaluer une situation et comprendre le risque qu’ils prennent, l’atténuer, le structurer, et qui peuvent également dire non ». Elle a ajouté que pour appuyer ces personnes, les IFD doivent se doter « d’excellents processus touchant le risque ». S’exprimant au sujet de CDC, Mme Noble a déclaré : « Nous avons un comité du risque. Nous avons une structure de risque. Nous travaillons à partir de la base. Nous en parlons beaucoup. Le risque, c’est notre affaire, et nous devons bien faire les choses[117]. » Par ailleurs, selon ce qu’a appris le Comité, les processus décisionnels doivent aussi tenir compte des types d’investissements que l’IFD du Canada souhaite réaliser et de l’environnement dans lequel elle entend mener des activités. D’après Jessie Greene, les IFD ont tendance « à manquer un peu de souplesse et à être portées sur la bureaucratie », et travailler avec elles peut donner lieu à « d’importants retards et des négociations juridiques compliquées » susceptibles de nuire à l’obtention de résultats en matière de développement[118]. Mme Greene a dit ceci à propos du travail avec des organismes locaux ayant une capacité juridique limitée : « [U]ne IFD leur présente un contrat de prêt de 50 pages, ils se contentent de le signer sans comprendre tout ce qu’il renferme ou toutes les conséquences possibles de cette signature. Ce n’est pas une bonne approche dans le domaine du développement. L’institution essaie de parer à toutes les éventualités, à toutes les conséquences juridiques possibles dans un pays où le système juridique n’est pas, disons, celui du Canada[119]. » iii) Mesurer les résultats au chapitre du développementÉtant donné la double nature de son mandat, une IFD sera jugée à la fois sur ses résultats en matière de développement et sur le rendement du capital investi. La ministre Bibeau l’a dit clairement lorsqu’elle a expliqué que la réussite d’une IFD « se mesurera à sa capacité de produire des résultats à long terme en matière de développement tout en devenant, avec le temps, financièrement autonome[120] ». L’IFD du Canada devra donc trouver le moyen de mesurer l’incidence de ses investissements sur le développement pour prouver qu’elle s’acquitte bien de son mandat. Bien que les IFD rendent compte de l’accomplissement de leur mandat à l’égard du développement, selon Brett House, « elles négligent souvent de fixer à l’avance et de mesurer » adéquatement les résultats sous-jacents en matière développement[121]. Lauren Ravon a critiqué le fait que dans certains pays, les IFD « ont très peu fait leurs preuves » en ne faisant pas la démonstration de l’incidence de leurs activités sur le développement. Elle estime qu’il faudrait demander à l’IFD du Canada « la même reddition de comptes » que celle attendue d’autres acteurs canadiens du développement, qui doivent donner « beaucoup de preuves » à l’appui des résultats de leur travail[122]. Même si l’on a critiqué les IFD existantes pour leur manque de rigueur dans la mesure de l’incidence de leurs activités sur le développement, Rob Lever a fait remarquer qu’il existe des méthodes qui permettront à l’IFD du Canada d’« établir un cadre robuste de mesure du rendement fondé sur les pratiques exemplaires du secteur privé dans la sphère du développement international[123] ». Aniket Bhushan a recommandé que l’institution canadienne ne se contente pas de mesurer l’incidence immédiate, mais qu’elle mesure aussi « les répercussions au niveau intermédiaire et macroéconomique » et sa « contribution à la croissance de deuxième ordre des activités et des investissements et de leur incidence, peu importe à quel point l’impact est indirect, sur la réduction de la pauvreté[124] ». D’autres témoins étaient plus sceptiques quant à l’application à l’IFD canadienne de méthodologies empruntées à d’autres types d’organisations vouées au développement, signalant des différences dans leurs mandats et leurs objectifs respectifs. Selon Paddy Carter, contrairement aux projets d’aide classiques, dont le but est « d’avoir un effet plutôt défini sur un groupe de personnes plutôt défini », les retombées des investissements d’une IFD sont diffuses et se voient à long terme[125]. Étant donné qu’il « faut accumuler des investissements pour qu’un pays pauvre et non productif devienne riche et productif », M. Carter a dit avoir confiance « qu’une IFD contribue aux objectifs de développement durable ». Il a fait observer, toutefois, qu’il « demeure difficile[126] » d’évaluer et de rendre compte de la contribution des IFD au développement durable. Jessie Greene a abondé dans le même sens, disant « qu’il faudrait demander à une IFD, ou exiger d’elle qu’elle rende des comptes sur ses résultats et ses activités ». Cependant, même si elle reconnaît l’importance de la mise en place de systèmes visant à réduire la pauvreté, Mme Greene a fait remarquer que « la pauvreté est quelque chose de très complexe » et qu’il n’est pas toujours facile de mesurer les résultats en la matière[127]. iv) Promouvoir la transparence et la reddition de comptesLa mesure de l’incidence sur le développement fait partie des grandes décisions en matière de reddition de comptes et de transparence que devra prendre l’IFD du Canada. Francesca Rhodes a dit que l’on exige « des IFD beaucoup plus de transparence et de responsabilisation[128] ». Paddy Carter a fait valoir que l’IFD canadienne avait « l’occasion d’être un chef de file mondial en ce qui a trait à la transparence des opérations », à un moment où des IFD établies s’efforcent de modifier leurs procédures en réaction aux critiques dont elles ont fait l’objet. À propos de la question de la transparence, M. Carter a ajouté : Il devrait être possible pour les citoyens canadiens de savoir là où vous avez investi, de comprendre la justification des investissements, de déterminer s’il y a des questions à poser au sujet des arrangements fiscaux liés à ces investissements, de pouvoir connaître la nature des arrangements fiscaux et de pouvoir cerner la propriété effective[129]. Abondant dans le même sens, Francesca Rhodes a souligné l’importance de « mettre en place des mécanismes de responsabilisation » pour l’IFD. Elle a recommandé en particulier que l’IFD canadienne instaure un mécanisme semblable à celui établi par l’IFD néerlandaise. Selon Mme Rhodes, les Pays‑Bas ont créé un mécanisme indépendant « dans le cadre duquel les collectivités touchées par les investissements de [l’IFD néerlandaise] peuvent communiquer leurs préoccupations ou leurs plaintes[130] ». Les plaintes déposées au moyen de ce mécanisme sont étudiées par un groupe d’experts indépendants[131]. Jessie Greene a aussi recommandé que l’IFD du Canada fasse l’effort de reconnaître les projets qu’elle n’aura pas pu mener à bien et d’en faire rapport. Elle a déclaré : « Je serais très satisfaite de voir une IFD divulguer ses échecs. Même si c’est un tabou dans le contexte de l’aide au développement, c’est très commun dans le monde des investissements[132]. » De solides mécanismes de reddition de comptes et de transparence seront essentiels au maintien de la légitimité de l’IFD du Canada et à sa capacité de s’acquitter de son double mandat consistant, d’une part, à appuyer le développement et, d’autre part, à demeurer financièrement autonome. La ministre Bibeau a confirmé, lors de son témoignage devant le Comité, que l’IFD du Canada adoptera également un cadre de responsabilité sociale d’entreprise qui reflétera les pratiques exemplaires des autres IFD en matière d’éthique et de transparence[133]. Recommandation 6 L’institution de financement du développement du Canada devrait se doter de mécanismes de transparence et de reddition de comptes dont les normes égaleraient ou dépasseraient celles établies actuellement par des institutions de financement du développement étrangères. CONCLUSIONLa décision du gouvernement fédéral de créer une IFD arrive à un moment charnière de la coopération internationale pour le développement. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur le climat ont réaffirmé l’importance de la coopération internationale pour relever les défis mondiaux du XXIe siècle, et ont mobilisé des personnes et des groupes de partout au monde. Ces appels à l’action ont également permis de clarifier la dynamique du système international moderne. Il n’y a plus de dichotomie nette entre le monde développé et le monde en développement, car les économies émergentes se sont affirmées sur la scène mondiale. Parallèlement, les acteurs non étatiques de la société civile et du secteur privé provoquent de plus en plus de changements à l’échelle planétaire. Pour relever les défis actuels du développement, il faut tirer profit des expériences, de l’expertise et des ressources de tous ces intervenants. C’est dans ce contexte que le Canada lance son IFD. Comme a pu l’entendre le Comité tout au long de ses audiences, les IFD peuvent jouer un rôle déterminant dans ce nouvel environnement en servant d’intermédiaires entre les acteurs traditionnels du développement et le secteur privé, et en créant des partenariats qui permettent de mobiliser les nouvelles ressources nécessaires. En tant qu’institutions vouées au développement et institutions financières, les IFD ont un rôle unique à jouer : celui d’appuyer les entreprises commerciales dont les activités ont une grande incidence sur le développement, mais qui manquent de fonds privés ou publics. En effet, alors que la communauté internationale s’efforce de remplir ses engagements en matière de développement, les IFD sont un outil indispensable pour catalyser et libérer la croissance et les capitaux du secteur privé. Selon les termes d’un témoin, « les IFD se trouvent là où la rondelle se dirige[134] ». Le Comité est d’avis que cette nouvelle institution canadienne peut jouer un rôle important dans le financement du développement et contribuer à l’ensemble des efforts que déploie notre pays en matière de développement. Mais, pour ce faire, elle ne devra pas se contenter de reproduire le travail que font déjà des IFD plus grosses et bien établies; elle ne devra pas non plus faire concurrence aux services et au soutien que fournissent les donateurs traditionnels; elle devra au contraire innover et concentrer ses efforts dans des secteurs susceptibles d’être de véritables catalyseurs de l’investissement privé pour atteindre les objectifs de développement. Ce ne sera pas une tâche facile, et elle devra assumer des risques élevés, ce qui rendra plus difficile l’atteinte de son objectif de viabilité financière. Le Comité croit toutefois qu’en adoptant une perspective et une stratégie reposant sur la focalisation, l’indépendance et la patience, l’IFD du Canada peut devenir une institution innovante de calibre mondial qui obtiendra des résultats tangibles. [1] Gouvernement du Canada, Bâtir une classe moyenne forte, budget de 2017, 22 mars 2017. [2] Loi sur le développement des exportations, L.R.C., 1985, ch. E-20, alinéa 10(1)c). [3] Gouvernement du Canada, Montréal hébergera le nouvel institut canadien chargé d’attirer l’investissement privé dans les pays en développement, communiqué de presse, 5 mai 2017; Affaires mondiales Canada, « Foire aux questions », Politique d’aide internationale féministe du Canada. [4] Voir : Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (FAAE), Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [5] En juin 2017, le gouvernement du Canada a rendu publique sa nouvelle politique d’aide internationale féministe. Selon celle-ci, le Canada « délaissera son approche axée sur les pays ciblés, approche qui concentrait l’aide au développement dans certains pays sélectionnés » et il modifiera sa démarche afin d’apporter un soutien accru aux pays les moins avancés. La politique prévoit que « le Canada consacrera au moins 50 % de son aide bilatérale en matière de développement international aux pays d’Afrique subsaharienne d’ici 2021-2022 ». Voir : gouvernement du Canada, Politique d’aide internationale féministe du Canada. [6] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [7] Les objectifs de développement durable (ODD) ont remplacé les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) le 1er janvier 2016. Au nombre de 8 et assortis de 17 cibles, les OMD, fixés en 2000 pour la période allant jusqu’en 2015, formaient un ensemble d’objectifs de développement, visant notamment à réduire la pauvreté et la faim, à augmenter l’accès à l’éducation primaire et à prévenir la mortalité infantile et maternelle. [8] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [9] OCDE, L’aide au développement augmente de nouveau en 2016 mais les apports aux pays les plus pauvres diminuent, 11 avril 2017. [10] Selon la Banque mondiale, près de 1,1 milliard de personnes sont sorties de l’extrême pauvreté entre 1990 et 2013. Des estimations indiquent qu’en 2013, environ 767 millions de personnes vivaient avec moins de 1,90 $ par jour, comparativement à 1,85 milliard en 1990. La Banque mondiale, « Vue d’ensemble », Pauvreté. [11] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [12] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [13] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [14] En dollars américains de 2005, le produit intérieur brut (PIB) par habitant dans les économies en développement était de 1 664 $ US en 1997, comparativement à 3 247 $ US en 2016; Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), « Produit intérieur brut : total et par habitant, prix courants et constants (2005), annuel, 1970-2016 », UNCTADSTAT. [15] En dollars américains de 2005, le PIB mondial était de 37,2 billions de dollars en 1997, dont 7,7 billions dans les économies en développement, alors qu’il se chiffrait à 61,4 billions de dollars en 2016, dont 19,7 billions dans les économies en développement. Ibid. [16] En 2016, les exportations d’« articles manufacturés de haute technologie et à compétences élevées » dans les pays développés se chiffraient à 2,4 billions de dollars américains, et à 2,2 billions de dollars américains dans les pays en développement; CNUCED, « Matrice du Commerce de Marchandises – groupes de produits, exportations en milliers de dollars, annuel, 1995-2016 », UNCTADSTAT. [17] En 2014, les dépenses en recherche et développement en pourcentage du PIB étaient de 1,6 % au Canada, de 2 % en Chine, de 3 % à Taïwan et de 4,3 % en Corée du Sud; OCDE Données, Dépenses intérieures brutes de R-D. [18] Barrie McKenna, « Canada is falling behind global leaders in R&D », The Globe and Mail, 16 novembre 2014 [disponible en anglais seulement]. [19] En dollars américains de 2015, l’APD totale est passée de 70 milliards de dollars américains en 1997 à 171 milliards de dollars américains en 2016, OECD.Stat, Statistiques sur le développement international de l’OCDE. En dollars américains courants, les flux entrants d’investissement direct étranger (IDE) dans les pays en développement sont passés de 147 milliards de dollars américains en 1996 à 752 milliards de dollars américains en 2015; CNUCED, « Investissement étranger direct : stock entrant et sortant, annuel, 1970‑2015 », UNCTADSTAT. [20] Ibid. [21] Les Nations Unies ont dressé la liste des 47 pays les moins avancés (PMA). Les PMA sont des pays à faible revenu se heurtant à de sérieux obstacles structurels au développement durable et très vulnérables aux chocs économiques et environnementaux. Nations Unies, Least Developed Countries (LDCs) [disponible en anglais seulement]. En 2016, le PIB par habitant dans les pays en développement était de 4 977 $ US, alors qu’il n’était que de 1 065 $ US dans les PMA. En revanche, toujours en 2016, le PIB par habitant dans les pays en développement à revenu élevé était de 9 513 $ US; CNUCED, « Produit intérieur brut : total et par habitant, prix courants et constants (2005), annuel, 1970-2015 », UNCTADSTAT. [22] En 1997, le PIB par habitant était de 1 492 $ US dans les pays en développement, de 300 $ US dans les PMA et de 2 594 $ US dans les pays en développement à revenu élevé. Ibid. [23] CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde 2016 – Nationalité des investisseurs : Enjeux et politiques; Bureau du Haut Représentant des Nations Unies pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, LDCs in Facts and Figures [disponible en anglais seulement]. [24] Les flux entrants d’IDE au Canada en 2015 ont été évalués à 49 milliards de dollars américains; CNUCED, Rapport sur l’investissement dans le monde 2016 – Nationalité des investisseurs : Enjeux et politiques. [25] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [26] Ibid. [27] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [28] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [29] Pour en savoir plus sur l’augmentation du financement des IFD, voir : Center for Strategic and International Studies, Development Finance Institutions Come of Age: Policy Engagement, Impact and New Directions, octobre 2016 [disponible en anglais seulement]. [30] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [31] Selon M. Bhushan, les engagements des IFD ont augmenté 10 fois plus rapidement que l’APD entre 2002 et 2014. Mémoire présenté au Comité par Aniket Bhushan (Canadian International Development Platform), 8 juin 2017. [32] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [33] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [34] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [35] Pour connaître la liste des institutions multilatérales de financement du développement et des institutions bilatérales au sein des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), voir : OCDE, Institutions Financières de Développement et développement du secteur privé. Pour ce qui est de la part totale du portefeuille d’engagements, la plus grande institution bilatérale de financement du développement au monde est l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC) des États‑Unis, et les plus grandes institutions multilatérales de financement du développement sont la Société financière internationale, membre du Groupe de la Banque mondiale, et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. [36] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [37] OPIC, U.S. Connection Requirements for OPIC-Supported Projects; Committee on Foreign Relations and Committee on Foreign Affairs, Legislation on Foreign Relations Through 2008, p. 122 [disponibles en anglais seulement]. [38] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017; FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [39] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [40] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [41] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [42] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [43] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [44] Ibid. [45] Exportation et développement Canada (EDC), Transformer le commerce : Rapport annuel 2016. [46] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [47] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [48] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [49] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [50] Ibid. [51] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [52] Ibid. [53] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [54] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [55] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [56] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [57] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [58] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [59] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [60] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [61] Ibid. [62] Ibid. [63] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [64] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [65] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [66] Ibid. [67] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [68] Ibid. [69] Ibid. [70] Ibid. [71] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [72] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [73] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [74] Ibid. [75] Ibid. [76] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [77] Ibid. [78] Ibid. [79] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [80] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [81] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [82] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [83] Ibid. [84] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [85] Ibid. [86] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [87] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [88] Ibid. [89] Ibid. [90] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [91] Banque mondiale, World Bank Country and Lending Groups [disponible en anglais seulement]. [92] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [93] Ibid. [94] Ibid. [95] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [96] Ibid. [97] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [98] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [99] EDC a déclaré un revenu net de 1,072 milliard de dollars en 2016, ce qui représente une augmentation par rapport aux 925 millions déclarés en 2015. EDC, Transformer le commerce : Rapport annuel 2016. [100] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [101] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [102] Ibid. [103] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [104] Ibid. [105] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [106] Ibid. [107] M. Quigley a dit que le Nouveau Partenariat pour l’investissement d’impact durable dans les marchés frontières est un « projet novateur de financement mixte piloté par Affaires mondiales Canada; le gouvernement canadien verse 15 millions de dollars de capitaux d’atténuation de risque, et une aide technique de 5 millions de dollars » aux entreprises qui « se préoccupent sincèrement des problèmes de pauvreté, d’environnement ou de participation des femmes, notamment ». FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [108] Ibid. [109] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [110] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [111] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [112] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [113] Ibid. [114] Ibid. [115] EDC a un bureau à Singapour, ainsi que des représentants dans les ambassades et consulats canadiens en Afrique du Sud, en Allemagne, au Brésil, au Chili, en Chine, en Colombie, aux Émirats arabes unis, en Inde, en Indonésie, au Mexique, au Pérou, au Royaume-Uni, en Russie et en Turquie. [116] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [117] Ibid. [118] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [119] Ibid. [120] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [121] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 16 mai 2017. [122] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [123] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. [124] Ibid. [125] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [126] Ibid. [127] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [128] Ibid. [129] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 13 juin 2017. [130] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [131] FMO Entrepreneurial Development Bank, Independent complaints mechanism [disponible en anglais seulement]. [132] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 15 juin 2017. [133] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 28 septembre 2017. [134] FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017. |