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FAAE Rapport du Comité

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L’ENGAGEMENT DU CANADA EN ASIE DE L’EST

Introduction

Le Canada est un pays du Pacifique. Et, à l’approche du premier quart de ce qu’on appelle parfois le « siècle asiatique », cette appartenance n’a jamais été aussi importante pour le Canada[1]. Qu’il s’agisse de diplomatie, de commerce ou de sécurité, nos voisins d’outre‑Pacifique, en Asie de l’Est, jouent un rôle de premier plan dans les affaires internationales, et nombre d’entre eux sont en voie de devenir des partenaires indispensables à l’atteinte des objectifs canadiens en matière de politique étrangère.

Cela étant, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) a amorcé une étude sur l’engagement du Canada en Asie de l’Est[2]. Il a pour ce faire accompli deux missions d’étude. La première, tenue en novembre 2017, comptait quatre arrêts : Beijing et Hong Kong (Chine), Hanoï (Vietnam) et Jakarta (Indonésie)[3]. La seconde, tenue en mai 2018, a mené les délégués à Tokyo (Japon), Séoul (Corée du Sud) et Manille (Philippines). Le Comité a également tenu cinq réunions à Ottawa pour entendre des experts canadiens représentant le gouvernement fédéral, le milieu universitaire, la société civile et le secteur privé.

Durant son étude, le Comité a découvert une région en transition. Bon nombre des pays qui accusaient un retard lors des premières réussites économiques de l’Asie de l’Est ont systématiquement surclassé leurs voisins mieux nantis au cours des 10 dernières années, ce qui a bouleversé la dynamique régionale. La nouvelle donne est certes de nature principalement économique, mais se répercute aussi sur les plans de la politique, de la diplomatie et de la sécurité.

La Chine se trouve à l’avant-garde de cette transition régionale. Son essor économique remarquable des dernières décennies a fondamentalement altéré l’équilibre du pouvoir sur la scène internationale. De nombreux observateurs estiment que la Chine est devenue, avec les États-Unis, l’une des deux puissances mondiales. Ce faisant, elle menace le prestige américain. Ce mouvement dans la balance du pouvoir a des effets de portée mondiale, mais se fait surtout sentir en Asie de l’Est. Les intérêts et l’influence de la Chine sont omniprésents dans tous les aspects des relations régionales et affectent le processus de décision interne de tous les pays de la région.

Si la Chine est le catalyseur d’une bonne partie des changements qui s’opèrent dans la région, il faut se garder de mettre la Chine et l’Asie de l’Est sur le même pied et bien tenir compte du dynamisme et de la diversité de la région, comme le Comité se l’est souvent fait rappeler au cours de ses déplacements. Dans chaque pays visité, les députés ont constaté une situation unique. Les gouvernements, les économies et les peuples ont tous leur propre identité et chacun s’adapte à sa façon à l’évolution de la dynamique régionale, en particulier à l’ascension de la Chine. Chacun vit aussi sa propre évolution nationale, évolution qui subit l’influence des changements régionaux autant qu’elle les façonne elle-même. Le Comité en est ressorti empreint d’un respect sincère pour la diversité de l’Asie de l’Est, mais il est aussi fermement convaincu que ces pays jouent un rôle essentiel dans l’engagement du Canada dans la région. Nul d’entre eux ne peut rivaliser avec la puissance de la Chine, mais chacun est un joueur international important et un partenaire stratégique potentiel pour le Canada.

L’ascension de la Chine, couplée à l’importance croissante d’autres pays de la région dans les affaires internationales, signifie que l’engagement du Canada en Asie de l’Est n’a jamais été aussi crucial. Le Canada a beaucoup à gagner directement à entretenir de fortes relations avec la région, particulièrement sur le plan de l’économie. Mais l’importance des relations canadiennes avec ses voisins du Pacifique vaut aussi pour tous les aspects de notre politique étrangère. De la libéralisation du commerce au contre-terrorisme en passant par la protection environnementale, rares sont les domaines où la coopération avec l’Asie de l’Est ne peut faire progresser les objectifs de la politique étrangère du Canada.

Même dans les domaines où règne le désaccord, le Canada est plus susceptible de réussir s’il s’engage fermement auprès de la région. Il risque d’y avoir davantage de désaccord avec l’Asie de l’Est qu’avec nos alliés traditionnels, surtout en ce qui concerne le respect des droits de la personne, la démocratie, l’égalité hommes-femmes et la primauté du droit. Cependant, cela ne devrait pas servir d’excuse pour nous montrer timorés; au contraire, cela devrait motiver le Canada à redoubler d’efforts.

Le Comité a certes constaté lors de son voyage des preuves d’un engagement efficace du Canada dans la région, mais il estime que le pays peut et devrait se montrer plus proactif. Selon ce que le Comité a entendu, la place du Canada en Asie de l’Est est loin d’être assurée, en ces temps où le monde s’intéresse de plus en plus à la région. Si le Canada ne s’y implique pas davantage, il risque d’être ignoré. Par conséquent, pour saisir les occasions qu’offre l’émergence de la région, le Canada doit démontrer son importance et sa volonté à nouer des relations mutuellement avantageuses.

Pour démontrer son importance, l’engagement du Canada doit s’harmoniser aux changements en cours dans la région. Le Canada doit s’engager de façon productive auprès de la Chine en trouvant l’équilibre qui nous permettra, d’une part, de coopérer dans les domaines où nos intérêts sont les mêmes et, d’autre part, de continuer à défendre nos positions dans les domaines de désaccord. Pour ce qui est de notre relation avec nos partenaires traditionnels, comme le Japon et la Corée du Sud, nous devons la renouveler en tenant compte de l’évolution de nos intérêts communs dans le contexte de la nouvelle dynamique et du nouveau paysage économique de la région. En ce qui concerne nos relations avec les économies émergentes comme l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam, nous devons délaisser quelque peu le développement et nous concentrer davantage sur une coopération qui serait mutuellement avantageuse et qui tiendra compte de l’ascension de ces pays. Le Comité a pu constater les progrès accomplis en ce sens et espère que le présent rapport entraînera d’autres changements positifs.

Le rapport traite d’abord des principales raisons, dans la dynamique régionale, pour lesquelles le Canada doit intensifier son engagement en Asie de l’Est. Il s’attarde ensuite aux éléments qui devraient faire partie d’une stratégie canadienne de mobilisation auprès de l’Asie de l’Est. Le rapport ne constitue pas une revue point par point des connaissances que le Comité a acquises sur chacun des pays pendant ses missions. Il cherche surtout à contribuer à la discussion générale sur l’engagement du Canada dans la région. Il fait neuf recommandations en ce sens au gouvernement du Canada.

Dynamique régionale

L’ascension de la Chine et la remise en question du rôle des États-Unis dans la région, conjuguées à la nouvelle donne économique et démographique, sous-tendent la transformation sans conteste la plus radicale qu’ait connue l’Asie de l’Est depuis la fin de la colonisation et la Deuxième Guerre mondiale. Même si beaucoup des personnes que le Comité a rencontrées reconnaissent ce fait, explicitement ou non, rares sont celles ayant exposé une vision claire d’un dénouement probable. L’incertitude et le désir de stabilité sont souvent ressortis lors des discussions. La région est de toute évidence à la recherche d’un nouvel équilibre, mais les interlocuteurs ne savent trop à quoi cet équilibre ressemblera.

Cette incertitude se manifeste dans les tendances politiques générales de l’Asie de l’Est. On supposait autrefois que les pays se dirigeraient inévitablement vers la démocratie libérale – en établissant et en consolidant des institutions démocratiques fondées sur la primauté du droit et en s’orientant vers une libéralisation économique, même lentement et de façon inégale –, mais les développements récents ont mis cette croyance à rude épreuve. Ferry de Kerckhove, membre et maître de conférence de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales, à l’Université d’Ottawa, a vu la crise économique de 2008 comme un tournant à cet égard :

[L]’année 2008 a vu de nombreux pays dans le monde commencer à regarder d’un œil désapprobateur la version occidentale du modèle capitaliste et son supposé principe de la main invisible d’Adam Smith. Beaucoup de pays d’Asie ont tourné leur regard vers la version chinoise du capitalisme d’État, avec une main beaucoup moins invisible qui permet néanmoins aux gagnants ou aux perdants de s’affronter dans le cadre d’objectifs d’État clairement définis[4].

Pour la première fois depuis la dislocation de l’Union soviétique, un pays puissant, la Chine, présente un modèle de gouvernance viable autre que la démocratie libérale. Parallèlement, les Américains, champions de la démocratie libérale, semblent moins enclins à promouvoir leurs idéaux dans la région. Certains des interlocuteurs que le Comité a rencontrés en Asie de l’Est ont évoqué une lutte idéologique régionale opposant la Chine et les États-Unis, qui influence la dynamique générale du pouvoir dans la région.

1. L’ascension de la Chine

Le facteur qui pèse le plus lourd dans le changement rapide et l’incertitude en cours en Asie de l’Est est l’essor économique impressionnant de la Chine. Comme l’a dit Sarah Kutulakos, directrice exécutive du Conseil commercial Canada-Chine :

Autrefois marché émergent intéressant, la Chine est devenue un des principaux moteurs de l’économie mondiale, contribuant au tiers du différentiel de croissance annuelle du PIB mondial. La croissance de la Chine est telle, à 6,8 %, qu’elle ajoute l’équivalent d’un Canada ou d’une Australie chaque année au PIB mondial[5].

L’ascension de la Chine a fondamentalement modifié la dynamique régionale : avec sa taille et sa croissance économique qui est loin de s’essouffler, la Chine domine ses voisins. Malgré les efforts du gouvernement pour limiter les naissances, le poids démographique de la Chine demeure écrasant. Les 10 pays formant l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), par exemple, comptent la moitié des habitants de la Chine[6]. Sur le plan économique, même si l’ANASE englobait le Japon et la République de Corée (Corée du Sud), elle n’arriverait toujours pas à dépasser la Chine[7].

Malgré sa force actuelle, il ne faudrait pas oublier que la Chine est sans doute encore en ascension. Elle n’a pas encore atteint son plein potentiel économique et il lui reste encore énormément de jeu. L’économie chinoise représente plus du double de celle du Japon[8]. Toutefois, par habitant, le Japon est au moins deux fois plus riche, et la Chine se fait dépasser par d’autres pays de la région, comme la Malaisie[9]. De même, sur l’Indicateur du développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement, la Chine se classe au 90e rang, derrière la Thaïlande, entre autres[10]. Lorsqu’on analyse ses affaires internes et ses relations avec le reste du monde, on distingue très bien les forces et les faiblesses relatives de la Chine. Elles témoignent du potentiel du pays, mais démontrent aussi que ce potentiel pourrait demeurer inexploité à bien des égards. La Chine est à la fois une puissance mondiale et un pays en développement.

Pour comprendre le comportement de la Chine sur l’échiquier mondial, il est essentiel de tenir compte du statut de la Chine à titre de pays en développement et de la perception qu’elle a d’elle-même à ce titre. Malgré sa puissance économique, bon nombre des avantages dont jouissent les économies matures lui font défaut. En particulier, en tant qu’État communiste à parti unique doté d’institutions publiques relativement faibles, la Chine n’a pas la stabilité que l’on retrouve au Canada et dans d’autres démocraties de longue date. Et comme l’a fait remarquer James Manicom, ancien chercheur universitaire au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, le parti qui dirige la Chine en est tout à fait conscient :

Les gens du Parti communiste chinois se lèvent le matin en pensant à la façon dont ils vont réussir à rester au pouvoir. C’est leur seul objectif, jour après jour, et cela ne changera pas[11].

Sans le bénéfice d’institutions bien enracinées et la légitimité populaire qu’offre la gouvernance démocratique, le gouvernement de la Chine doit constamment soutenir la stabilité politique du pays. Ainsi, la dominance autoritaire de l’appareil étatique et du Parti communiste dans la société est vue comme un outil de coercition pratique et un symbole de force. Cette dominance, combinée à la capacité sans faille du gouvernement de produire des résultats tangibles pour la population grâce à la croissance économique, sous-tend la légitimité de l’État. Selon certains spécialistes, toute déviation de cette formule risque de déstabiliser le pays et de saper la légitimité nationale du gouvernement à une échelle qui serait improbable dans les démocraties établies.

Le Comité a pu observer cette dynamique à l’œuvre lors de son passage à Beijing. Les représentants chinois ont souvent parlé de l’importance de maintenir la stabilité du pays, tout en vantant les réalisations et la place centrale de l’appareil étatique en Chine. Ils ont aussi maintes fois invoqué le statut de pays en développement de la Chine pour souligner les progrès accomplis, notamment en matière de réduction de la pauvreté, de même que pour expliquer les faiblesses persistantes de la gouvernance, par exemple en ce qui a trait aux efforts du pays pour réduire la corruption et à la nécessité de mieux protéger l’environnement.

Cette dynamique s’observe aussi sur la scène internationale, où le gouvernement chinois cherche à conforter sa légitimité nationale en posant comme puissance mondiale. Comme pour ses affaires intérieures, le gouvernement projette une image de force à l’étranger et évite toute apparence d’échec ou de faiblesse qui pourrait miner sa légitimité. La meilleure démonstration de force et de leadership mondial qu’offre la Chine est sans conteste le programme « Une ceinture, une route », qui vise à investir dans les projets d’infrastructure à la grandeur de l’Asie en vue de relancer des versions modernes des routes commerciales traditionnelles de la Chine. S’il est mené à bien, ce programme entraînera aussi d’intéressantes retombées économiques nationales.

L’expansion du rôle de la Chine dans la gouvernance internationale, telle que préconisée par le président, Xi Jinping, lors du 19e congrès du Parti communiste, a été l’un des thèmes de discussion les plus récurrents pendant le séjour du Comité à Beijing. La Chine prend en effet des mesures, comme le programme « Une ceinture, une route », pour accroître son leadership dans les affaires mondiales. Bien que l’on considère cela comme une menace au statu quo, presque toute la rhétorique et bon nombre des actions de la Chine démontrent bel et bien un désir d’agir dans le cadre des institutions et des structures multilatérales en vigueur. La Chine s’affirme davantage, mais en évitant généralement la confrontation directe. Mis à part les conflits territoriaux comme ceux de la mer de Chine méridionale ou le comportement toujours coercitif de la Chine à l’égard du statut de Taïwan, le pays a su élargir son influence et devenir la puissance dominante de la région, et ce, sans avoir recours à la force militaire conventionnelle[12] ou menacer ouvertement de le faire. Comme l’a déclaré James Boutilier, professeur adjoint en études du Pacifique à l’Université de Victoria, « [la Chine] n’est pas intéressée à faire la guerre […] Elle peut en effet utiliser d’autres moyens pour arriver progressivement à ses fins[13] ». Jeremy Paltiel, professeur en sciences politiques à l’Université Carleton, abonde dans le même sens :

La Chine est un concurrent international, dans tous les sens du terme. Il ne faudrait pas oublier pour autant que les Chinois sont des joueurs sophistiqués qui sont prêts à s’engager de manière proactive pour bien gérer la concurrence et éviter les affrontements. Qui plus est, la Chine tient beaucoup à son image sur la scène internationale[14].

L’une des méthodes fréquemment invoquées par la Chine pour élargir son influence dans la région de manière non conflictuelle est l’exploitation stratégique de sa frappe de force financière pour prêter de fortes sommes à ses pays voisins selon des conditions qu’ils ne trouveraient pas ailleurs. On craint toutefois que ces prêts, y compris dans le cadre du programme « Une ceinture, une route », ne causent le surendettement de certains pays et ne les rendent inféodés à la Chine, s’ils avaient plus tard de la difficulté à les rembourser. On a cité comme exemple concret le cas du Sri Lanka, qui a récemment décidé de céder à la Chine un port en eau profonde pour un bail de 99 ans en échange d’un allégement de sa dette[15].

Lors de son passage à Beijing, le Comité a constaté le désir des fonctionnaires chinois de présenter la montée de la puissance internationale de leur pays en termes non conflictuels. Par exemple, lorsqu’ils ont été interrogés sur la première base militaire outremer établie par la Chine à Djibouti – qui constitue selon M. Paltiel, parmi d’autres, un symbole des ambitions planétaires de la Chine –, les fonctionnaires en ont rapidement minimisé l’importance, faisant valoir que c’était là une extension naturelle des intérêts commerciaux de la Chine en Afrique, et de sa participation accrue aux opérations de maintien de la paix ou à la lutte internationale contre la piraterie.

Au bout du compte, bien que la Chine s’affirme de plus en plus sur la scène internationale, non sans causer de remous dans bien des cas, elle est prête à le faire en respectant les normes internationales, du moins jusqu’à un certain point. Lorsqu’elle défie les structures internationales en place, elle le fait de manière à éviter la confrontation directe. Lors de son allocution du 19e Congrès, le président Xi a déclaré : « Il est difficile de […] réaliser [le rêve chinois] sans un environnement international pacifique et un ordre international stable[16]. » Bien que sa définition de « pacifique » et de « stable » puisse différer de la nôtre, on ne doit pas faire fi de telles déclarations, car elles témoignent de la volonté de la Chine à jouer un rôle de dirigeant international avec le consentement des autres pays plutôt que par la force. Comme l’a affirmé M. Paltiel :

[N]ous ne devrions nous faire aucune illusion quant à la nature du gouvernement chinois. Sur un vaste éventail de questions, ses valeurs sont loin des nôtres. Cela dit, personne ne peut mettre en doute l’attachement sincère et ferme de la Chine envers la stabilité mondiale et les institutions multilatérales s’inspirant du modèle onusien[17].

Selon les discussions tenues alors que le Comité était à l’extérieur de la Chine, les Chinois ont du chemin à parcourir s’ils veulent que leurs voisins acceptent leur aspiration à un leadership mondial. Dans tous les autres pays que nos membres ont visités, les interlocuteurs se sont dits préoccupés par l’hégémonie régionale de la Chine et sceptiques quant à la nature de ses intentions. Pour reprendre l’explication d’un observateur, il existe un écart entre la façon dont la Chine perçoit son comportement dans la région – celui d’un chef bienveillant – et la façon dont ses voisins la perçoivent – souvent comme une intimidatrice. Pour la Chine, surmonter cet écart de perception et obtenir le soutien de ses voisins sera à court terme une mise à l’épreuve importante de sa politique étrangère, puisque sans un appui régional solide, il lui sera difficile, sinon impossible de concrétiser ses ambitions mondiales.

a. Ce que cela implique pour l’engagement du Canada

Le désir de la Chine d’être acceptée comme leader mondial et sa réalité politique intérieure présentent à la fois des débouchés et des défis pour l’engagement du Canada. Là où nos intérêts mutuels s’accordent, la Chine pourrait devenir un partenaire puissant et motivé du Canada, qu’il s’agisse de notre relation bilatérale ou de coopération multilatérale. Là où nous sommes en désaccord, surtout en ce qui concerne le respect des droits de la personne, la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et la primauté du droit, le Canada aura des obstacles à surmonter pour que son engagement soit efficace.

La relation économique du Canada avec la Chine est essentielle à la prospérité à long terme de notre pays. Comme le Canada cherche à moins dépendre des marchés nord‑américains, maintenir et intensifier ses investissements et ses échanges bilatéraux avec la Chine offrent des perspectives d’une ampleur incomparable. Le Comité estime que les relations économiques avec la Chine sont incontournables et qu’elles devraient constituer une priorité, non seulement pour la politique étrangère du Canada en Asie de l’Est, mais à l’échelle mondiale.

La relation du Canada avec la Chine, toutefois, ne devrait pas reposer uniquement sur l’économie. Du maintien de la paix au contre-terrorisme, en passant par la lutte aux changements climatiques et à la promotion de la libéralisation du commerce mondial, il existe suffisamment d’avenues que nos deux pays peuvent emprunter pour servir nos intérêts communs et pour bâtir des partenariats fructueux. Même les critiques du gouvernement chinois s’entendent généralement pour dire qu’il est impératif de s’engager auprès de la Chine. Par exemple, lors de son témoignage, Pittman Potter, professeur de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, a reconnu que « [l]’absence d’engagement n’est tout simplement pas une option[18] ».

Les défis apparaissent là où nos intérêts divergent. Le Canada ne peut fermer l’œil sur les violations généralisées et systémiques de ses obligations internationales en matière de droits de la personne[19]. Son traitement de minorités telles que les Tibétains et les Ouïghours, sa persécution de groupes religieux tels que le Falun Gong ou les accusations de prélèvements forcés d’organes à grande échelle exigent une réponse diplomatique internationale à laquelle le Canada devrait prendre part[20].

Cependant, à la lumière des discussions sur les droits de la personne qu’a amorcées le Comité lors de sa visite à Beijing, orchestrer une réponse internationale ou bilatérale adéquate ne sera pas de tout repos. La simple évocation des droits de la personne suscite souvent chez les représentants chinois de fortes réactions négatives qui empêchent tout dialogue constructif. Notre stratégie doit reconnaître les attitudes chinoises sur ces questions et accepter les limites de l’action internationale pour résoudre ces problèmes délicats.

Pour reprendre les propos de James Boutilier, le Canada est « tiraillé entre son attachement aux valeurs libérales et les aspects pratiques de l’établissement de relations économiques avec des régimes trop souvent peu recommandables en Asie[21] ». Le Comité est convaincu que s’engager auprès de la Chine tout en maintenant les valeurs canadiennes, surtout celles se rapportant aux droits de la personne, restera un dilemme crucial de la politique étrangère du Canada vis-à-vis de l’Asie de l’Est. Le Canada doit trouver l’équilibre idéal entre coopérer dans les domaines d’intérêt commun et aborder efficacement auprès de nos homologues la question des droits de la personne et d’autres sujets préoccupants.

Tenter de demander des comptes à la Chine pour ses violations des droits de la personne sera sans aucun doute épineux, mais cela risque aussi de faire pâtir notre relation dans d’autres domaines. Le pire scénario, celui où notre plaidoyer pour les droits de la personne fait chou blanc en plus d’empêcher tout dénouement heureux dans les autres domaines, est un risque réel que nous devons éviter.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada continue de collaborer avec la Chine afin de renforcer ses relations économiques et commerciales, tout en demandant à la Chine de répondre de ses actes pour ses violations des normes internationales sur son territoire.

Le scepticisme des voisins de la Chine quant à ses aspirations de leader régional présente aussi une occasion d’engagement de la part du Canada. Les voisins en question savent bien qu’ils doivent cultiver des relations harmonieuses avec la Chine, mais se plaignent souvent de l’influence disproportionnée de celle-ci et déplorent l’absence de contrepoids. Le Comité a entendu dire à de nombreuses reprises que les pays de la région s’efforçaient de diversifier leurs partenariats internationaux pour éviter de devenir trop dépendants de la Chine et de lui être redevables. Le Canada, en tant que puissance moyenne du Pacifique, est bien placé pour tirer avantage de cette situation et devrait chercher activement à accroître son engagement auprès d’autres pays d’Asie de l’Est pour faire avancer les objectifs de sa politique étrangère dans la région.

2. Le rôle des États-Unis en Asie de l’Est

Le Comité a pu observer qu’en raison de la nouvelle dynamique du pouvoir dans la région, mais aussi en raison des changements de politiques et de leadership politique aux États-Unis, le rôle des Américains en Asie de l’Est est en transition. Comme l’a souligné Paul Evans, professeur à la School of Public Policy and Global Affairs et directeur émérite et directeur par intérim de l’Institut de recherche sur l’Asie, à l’Université de la Colombie-Britannique : « Les Américains ne sont pas en train de disparaître, mais ils ne joueront plus un rôle de premier plan dans l’avenir[22]. » Cela constitue un contraste net par rapport à l’ordre d’après-guerre établi dans la région. Voici ce qu’avait à dire James Manicom au sujet du leadership traditionnel des États-Unis dans la région :

[L]es États-Unis sont une puissance de l’Asie-Pacifique, et leur puissance militaire assure en grande partie la sécurité de la région. Les forces américaines sont basées en Corée du Sud, au Japon et sur l’île de Guam, et il y a une base navale à Hawaï. Tout cela contribue à toutes sortes de mesures de sécurité en Asie de l’Est, des opérations de secours en cas de catastrophe aux mesures à prendre concernant les armes nucléaires de la Corée du Nord si ce pays s’effondre[23].

La relation entre la Chine et les États-Unis est souvent vue comme une compétition entre grandes puissances. Marius Grinius, membre de l’Institut canadien des affaires mondiales et ancien ambassadeur du Canada, la voit comme « un nouveau grand jeu se jou[ant] entre la Chine montante et les États-Unis en retraite[24] ». Il est vrai que les événements récents nous donnent de nombreux exemples de cette concurrence. Les désaccords persistants sur les pratiques de commerce et d’investissement, dont l’imposition de droits de douane par les deux concurrents, ainsi que les préoccupations régionales en matière de sécurité, comme la menace que présente la République populaire démocratique de Corée (la Corée du Nord) et la liberté de navigation dans la mer de Chine méridionale, illustrent la multitude de domaines sur lesquels les deux pays ne s’entendent pas. En outre, le gouvernement des États-Unis, dans sa politique de défense nationale de 2018, n’a pas caché qu’il voyait la Chine comme un « concurrent stratégique » qui « force les pays voisins à remanier la région indopacifique à son avantage[25] ». Bien que cette relation soit complexe, puisque la Chine et les États-Unis peuvent coopérer et coopèrent effectivement, la concurrence entre eux risque fort de s’intensifier, selon ce que les témoins ont dit au Comité.

La politique étrangère actuelle des États-Unis joue aussi un rôle dans l’évolution des liens qu’entretiennent les Américains avec d’autres pays de la région. Comme l’a expliqué M. Evans :

[N]ous traitons également avec de nouveaux États-Unis. Les Asiatiques le comprennent certainement. L’imprévisibilité de l’« Amérique d’abord » de Donald Trump secoue la région. Les États-Unis continuent d’offrir un soutien important et visible à ses alliances et à son rôle militaire, mais ils sont incohérents pour ce qui est de leur politique commerciale; ils sont incohérents par rapport à ce dont ils font la promotion au chapitre des droits de la personne et des principes de gouvernance démocratique. Ils soutiennent peu ou de façon négative les institutions multilatérales dans la région[26].

Les États-Unis s’éloignent donc volontairement de certaines de leurs politiques de longue date, comme la promotion du commerce libéralisé et la protection des droits de la personne, au moment même où la Chine menace leur suprématie. Cela se traduit par une incertitude accrue quant au rôle futur des États-Unis dans la région et à sa volonté de poursuivre la lutte idéologique avec la Chine dont nous avons parlé plus tôt.

Les pays d’Asie de l’Est ont tous réagi différemment à la dynamique créée par le rôle changeant des États-Unis. Certains, comme le Vietnam, cherchent à se rapprocher des Américains pour faire contrepoids à l’influence croissante de la Chine : c’est ainsi qu’on a récemment vu un porte-avions américain accoster à Danang, au Vietnam[27]. D’autres, comme les Philippines, font le contraire et tournent le dos aux États-Unis en faveur de la Chine, comme le montre leur approche plus conciliante à l’égard du conflit frontalier maritime en mer de Chine méridionale[28]. Pour sa part, le Japon diversifie ses relations internationales par l’entremise d’accords sur le commerce et la sécurité plus généraux, comme l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), ou en resserrant sa coopération en matière de sécurité maritime avec plusieurs pays, dont la France, l’Inde et le Vietnam[29]. Dans la plupart des cas, les pays de la région semblent accepter la réalité pragmatique selon laquelle ils doivent maintenir des relations positives avec les deux puissances. Comme le Comité l’a entendu, la concurrence sino-américaine, en fait, offre peut-être aux autres pays la possibilité de créer leur propre espace en mettant les deux concurrents en opposition. Cela n’est toutefois possible qu’avec une forte présence américaine. Comme l’a exprimé James Manicom :

[I]l y a un consensus tacite dans la région: pour pouvoir avoir une politique étrangère flexible, la majorité des gouvernements de cette région estime qu’il faut une forte présence américaine. Sans cette présence, il ne fait aucun doute que c’est la Chine qui établit les règles[30].

a. Ce que cela implique pour l’engagement du Canada

L’évolution du rôle des Américains en Asie de l’Est complique l’engagement du Canada dans la région. En effet, le Canada et les États-Unis sont des partenaires de longue date en Asie de l’Est. À preuve, le Canada participe au Commandement des Nations Unies dans la péninsule coréenne et, de façon plus générale, les deux pays coopèrent depuis des décennies pour favoriser le développement et promouvoir les valeurs démocratiques libérales dans la région. Dans la plupart des cas, une diminution de l’influence des Américains entraînerait une diminution de l’influence des Canadiens, surtout si cela se fait à l’avantage de l’expansion chinoise.

Néanmoins, selon ce que le Comité a entendu dans de nombreux pays, une diminution de l’influence américaine pourrait offrir des débouchés au Canada dans certains domaines. Au cours de ses visites, le Comité s’est laissé dire que les avantages dont les États-Unis bénéficiaient grâce à leur leadership de longue date dans la région sont à la baisse et que le Canada se retrouve maintenant devant des règles du jeu plus équitables (mais encore loin d’être entièrement équitables) dans les domaines où il est en concurrence directe avec les États-Unis, comme le commerce et l’investissement, ou pour attirer des étudiants et des travailleurs étrangers.

Que les États-Unis semblent délaisser leur leadership traditionnel dans certains domaines donne aussi au Canada l’occasion de prendre une plus grande place. Comme l’a souligné Stewart Beck, président-directeur général de la Fondation Asie-Pacifique du Canada :

La vague de discours nationaux isolationnistes qui a balayé les États-Unis et l’Europe a compromis les alliances de longue date et les liens de confiance dans la région de l’Asie‑Pacifique. À mesure que ces pays cherchent à se faire de nouveaux amis, le Canada fait l’objet d’une attention renouvelée pour son ouverture sociale et économique, sa culture d’entreprise transparente et sa bonne gouvernance[31].

Dans l’ensemble, un relâchement du leadership américain en Asie de l’Est entraînera des défis pour le Canada, surtout si la Chine prend la place des États-Unis. En revanche, le Comité estime que la nouvelle dynamique du pouvoir dans la région présente peut-être des débouchés pour notre pays, s’il les cible correctement et applique une stratégie d’engagement conçue avec soin.

3. Changements économiques et démographiques

L’Asie de l’Est vit un bouleversement économique et démographique qui est le fruit de décennies de développement. Bien que la dynamique diffère d’un pays à l’autre, dans l’ensemble, ces changements transforment le paysage de l’Asie de l’Est d’une façon qui affecte l’engagement du Canada dans la région. Dans chaque pays visité, nos interlocuteurs ont parlé du besoin d’entreprendre des réformes pour s’adapter au mouvement du contexte national et régional. Bien que la Chine soit aussi de la partie, elle occupe un peu une place à part, et les tendances régionales à l’œuvre sont plus évidentes dans les autres pays que le Comité a visités.

Des sept endroits où s’est rendu le Comité, l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam ont le plus faible produit intérieur brut (PIB) par habitant[32]. Malgré cette pauvreté relative, tous trois ont vécu au cours des dernières décennies une période de prospérité suffisamment longue pour réduire considérablement la pauvreté et assurer un développement de tendances très variées. Depuis 2000, ces trois pays ont nettement surclassé les économies à plus haut revenu que le Comité a visitées au Japon, en Corée du Sud et à Hong Kong, affichant une croissance annualisée de 6,4 % en moyenne pour le Vietnam et de 5,3 % en moyenne pour l’Indonésie et les Philippines[33]. Cette longue période de forte croissance a eu de grandes retombées pour ces économies, et donc pour leurs sociétés. Même en tenant compte de l’inflation, le PIB par habitant du Vietnam a plus que doublé depuis 2000, et celui de l’Indonésie et des Philippines n’est pas loin derrière[34].

Bien que les inégalités économiques demeurent un grave problème dans ces trois pays, la croissance soutenue qu’ils ont connue a permis à une frange considérable de la population d’échapper à la pauvreté et, pour plusieurs, d’accéder à la classe moyenne. En Indonésie, par exemple, le pourcentage de la population disposant de 1,90 $ par jour est passé de 39,3 % en 2000 à 6,5 % en 2016[35].

Malgré cet énorme progrès, le Comité s’est aussi laissé dire qu’il fallait entreprendre des réformes afin que cette tendance se poursuive. On a notamment parlé du « piège du revenu intermédiaire », où la hausse des salaires rend les pays à revenu intermédiaire moins concurrentiels que les pays où les revenus sont faibles, alors que leurs problèmes chroniques de développement les empêchent aussi de se mesurer aux économies mieux établies. Les dirigeants de chaque pays ont exprimé le désir de passer à la prochaine étape, sur le plan économique, en s’éloignant des secteurs qui alimentaient autrefois leur croissance afin de se concentrer dans les domaines à forte valeur qui pourraient soutenir les salaires plus élevés auxquels aspirent de plus en plus les habitants.

Ces trois pays se caractérisent aussi par leur population relativement jeune. Le pourcentage d’habitants de moins de 14 ans en Indonésie, aux Philippines et au Vietnam est de 27 %, 32 % et 23 % respectivement, ce qui est nettement plus élevé que pour Hong Kong, le Japon et la Corée du Sud, qui n’en comptent pas plus de 13 % chacun. Cette « hausse marquée de leurs populations de jeunes » en Asie du Sud-Est, comme l’a décrite Stewart Beck, combinée à l’essor économique des trois pays, signifie qu’il existe une génération nombreuse de jeunes relativement bien nantis pour qui le gouvernement doit trouver des occasions d’apprentissage et d’emploi[36]. Avec les bonnes politiques, ces grosses cohortes, qui commencent maintenant à entrer dans leurs années productives, pourraient donner lieu à un « dividende démographique » qui alimenterait la croissance pendant des années. En revanche, si rien n’est fait, un taux de chômage élevé chez les jeunes pourrait causer de l’instabilité et un désenchantement politique. Il serait imprudent de sous-estimer l’ampleur de ce problème : selon un interlocuteur entendu à Jakarta, l’économie indonésienne doit croître de 7 % par année uniquement pour répondre au besoin grandissant d’emplois chez les jeunes.

Le Comité a pris connaissance du renversement de ces tendances dans les économies mieux développées de la région. À Hong Kong et en Corée du Sud, les commentateurs ont parlé de la concurrence de plus en plus vive ailleurs en Asie dans les secteurs qu’ils dominaient autrefois. Ils disent craindre de perdre tout avantage concurrentiel dans ces secteurs avant d’avoir pu se diversifier dans de nouveaux domaines. Par ailleurs, le Japon est confronté aux mêmes défis économiques depuis des dizaines d’années; sa croissance annualisée moyenne est à peine supérieure à 1 % depuis 1990[37]. Lors de son passage à Tokyo, le Comité a entendu parler des réformes économiques instaurées par le premier ministre, Shinzo Abe, réformes qu’on appelle « Abenomie », et qui comprennent trois « flèches » stratégiques, soit l’assouplissement monétaire, la relance budgétaire et les réformes structurelles[38]. On dit que c’est grâce à ces réformes que le pays aurait connu sa plus longue poussée de croissance trimestrielle en près de 30 ans. D’un autre côté, certains interlocuteurs se disent sceptiques quant à la capacité du premier ministre de concrétiser entièrement ses propositions et quant à l’ampleur de leurs effets positifs à long terme[39].

La nature exacte de la dynamique économique à l’œuvre et les réactions de ces trois économies sont uniques, mais, dans chaque cas, les pays ont l’impression de perdre du terrain par rapport au reste de la région. À Hong Kong, les conversations ont principalement porté sur l’évolution de sa relation économique avec la Chine continentale, qui devient moins dépendante et plus concurrentielle dans des secteurs clés. En Corée du Sud, les discussions ont porté sur la promotion de l’entrepreneuriat ainsi que des petites et moyennes entreprises. Au Japon, le débat a porté sur la nécessité d’encourager les femmes à entrer et à rester sur le marché du travail, ainsi que sur les réformes économiques du premier ministre japonais. Dans chaque cas, le besoin de changement était manifeste.

Ces administrations sont aussi confrontées à des difficultés démographiques semblables; par exemple, toutes trois ont une population vieillissante. La Corée du Sud, dont 13,5 % des habitants ont plus de 65 ans, affiche la plus faible proportion d’aînés entre les trois, mais c’est encore plus du double des Philippines (4,7 %)[40]. Le Japon compte le plus fort pourcentage d’aînés, soit 26,6 %, et subit déjà les conséquences d’un déclin de sa population générale[41]. Les trois administrations ont du mal à composer avec la baisse de productivité de leur main-d’œuvre et la hausse des coûts sociaux qu’entraîne le vieillissement de la population. Parallèlement, elles s’efforcent de répondre aux besoins des jeunes travailleurs, qui font leur entrée dans des économies matures offrant moins de possibilités et qui doivent composer avec un marché de l’habitation hors de prix.

Dans les sept villes où le Comité s’est rendu, les témoins ont parlé du besoin de réforme, ce qui montre bien que la région est en transition. La balance du pouvoir économique entre les premières administrations à avoir prospéré dans la région, comme Hong Kong, le Japon et la Corée du Sud, et celles qui étaient restées derrière, comme l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam, a déjà considérablement bougé ces 20 dernières années en raison de la croissance soutenue d’économies encore relativement pauvres. Pour que ces pays en développement comblent l’écart et obtiennent le statut d’économies à salaire élevé, il leur faudra tabler sur leurs réussites des dernières années tout en relevant les défis démographiques que présente la hausse marquée de leurs populations de jeunes. Pour leur part, dans les économies matures que le Comité a visitées, les dirigeants ont expliqué qu’ils devaient diversifier leurs marchés dans de nouveaux domaines de croissance tout en gérant les conséquences du vieillissement de leur population. Dans tous les cas, la réalité du changement et l’obligation de s’adapter revenaient constamment.

a. Ce que cela implique pour l’engagement du Canada

Les changements économiques et démographiques en cours en Asie de l’Est offrent au Canada l’occasion de renforcer son engagement dans la région. Dans les pays en développement comme l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam, la forte croissance économique et le désir de diversifier leurs économies dans des secteurs plus raffinés en font des marchés extrêmement attirants. Ces trois pays ont exprimé au Comité leur désir de resserrer leur coopération économique avec le Canada.

Les économies d’âge mûr, comme le Japon et la Corée du Sud, ressemblent au Canada à de nombreux égards : ce sont des économies diversifiées à salaire élevé qui dépendent fortement des exportations, dont la population active est vieillissante et qui sont confrontées à une concurrence mondiale accrue. À ce titre, ce sont des alliés naturels pouvant s’entraider à atteindre les objectifs économiques internationaux qu’ils ont en commun. Ces deux pays ont exprimé au Canada leur désir de maintenir et d’élargir le système économique international, ce qui est un domaine naturel de coopération avec le Canada.

Améliorer l’engagement du Canada en Asie de l’est

Le rôle du Canada en Asie de l’Est est loin d’être assuré. Au cours de ses déplacements, le Comité s’est fait dire maintes fois que la réputation du Canada était bonne, mais faible. Les gens ont une bonne opinion du Canada, mais le connaissent peu. Les dirigeants veulent des liens solides avec le Canada, mais ce n’est pas une priorité. Le Canada entretient de bonnes relations avec de nombreux pays de la région depuis longtemps et il dispose d’une base solide à partir de laquelle améliorer son engagement; cependant, son influence n’est pas assurée.

Autrement dit, sans un engagement ferme et égal, le Canada risque d’être ignoré ou même d’être perçu comme étant non pertinent. Par conséquent, notre engagement devrait consister autant à démontrer l’importance du Canada qu’à servir nos intérêts immédiats. Le Canada a beaucoup à offrir aux pays de l’Asie de l’Est, et on a laissé entendre au Comité que le Canada devrait en faire plus pour promouvoir les avantages qu'il y a à se rapprocher de nos partenaires.

Les experts qui ont témoigné devant le Comité à Ottawa étaient généralement d’avis que le Canada n’accorde pas à l’Asie de l’Est l’attention qu’elle mérite. M. Boutilier, par exemple, a déploré notre manque d’intérêt pour la région. Selon lui, cela pourrait s’expliquer par la trop grande attention que le Canada porte à ses alliances traditionnelles. Il a en effet soutenu que « sa grande dépendance à l’égard du marché américain, ses relations un peu partout dans la région de l’Atlantique et ses responsabilités institutionnelles envers l’OTAN et d’autres organisations ont détourné notre attention de l’Asie[42] ». Selon lui, nos différences culturelles, linguistiques et autres pourraient aussi expliquer pourquoi nous préférons faire affaire avec nos alliés traditionnels et pourquoi « inconsciemment, l’Asie [de l’Est] est classée dans le dossier des affaires difficiles[43] ».

Pour que notre engagement porte ses fruits en Asie de l’Est, les témoins ont insisté sur le fait que le Canada devait y assurer une présence permanente, à long terme et dans une vaste gamme de domaines stratégiques. Pour reprendre les propos de David Welch, président de recherche sur la sécurité mondiale du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (CIGI), à l’École Basilien des affaires internationales :

L’une des caractéristiques culturelles principales de la diplomatie dans la région, c’est qu’on ne peut pas s’engager complètement à une table sans s’engager à toutes les tables. Le Canada ne peut se permettre de ne chercher que des possibilités économiques sans examiner d’autres questions qui préoccupent la région. L’Asie‑Pacifique n’est pas un lieu d’opérations; c’est un endroit où la diplomatie, la politique requièrent un engagement soutenu sur le plan des relations[44].

Le Comité a entendu des points de vue similaires lors de ses missions en Asie de l’Est. On lui a constamment rappelé dans plusieurs pays l’importance de nouer des relations à long terme et qu’il pouvait s’avérer coûteux de négliger ces relations, ne serait-ce que temporairement ou par mégarde. On a fait comprendre au Comité que le Canada devait y adopter une approche à long terme et ne pas voir l’Asie de l’Est comme un simple « lieu d’opérations ». On reproche au Canada d’être trop axé sur les questions économiques dans ses liens avec la région. Se rapprocher de l’Asie de l’Est pourrait certes se traduire, comme résultat le plus immédiat et le plus tangible, par des échanges et des investissements plus abondants, mais un engagement à vision unique n’a rien d’efficace, comme l’a expliqué M. Welch.

Les personnes rencontrées ont évoqué une multitude de domaines où il existe, selon les partenaires du Canada en Asie de l’Est, des possibilités de rapprochement. Elles ont notamment fait allusion aux questions environnementales, comme l’impact des changements climatiques et la pollution des océans, à la promotion de l’égalité hommes-femmes ainsi qu’aux problèmes de gouvernance comme la corruption. Le Canada ne devrait pas essayer de démontrer son utilité pour les pays de l’Asie de l’Est uniquement du point de vue économique. Il devrait plutôt tenter de saisir des occasions dans toutes sortes de domaines, afin d’améliorer sa relation d’ensemble dans la région. De l’avis du Comité, si le Canada croit en l’importance de la région, il doit se convaincre qu’il a tout à gagner à miser sur la stabilité et le long terme.

C’est pourquoi le Comité estime que le Canada peut améliorer son engagement en Asie de l’Est en optant pour une stratégie axée à la fois sur l’établissement de relations fortes, stables et durables, et portant sur une vaste gamme de questions internationales. Il faudra tenir compte de l’interconnectivité de ces questions et évaluer notre engagement dans un domaine donné en fonction de son utilité pour l’ensemble des relations du Canada, afin de nourrir des liens profonds et harmonieux avec les pays de la région. Le reste du rapport fait état d’aspects spécifiques de l’engagement du Canada en Asie de l’Est à la lumière des renseignements colligés par le Comité au cours de son étude et contient des recommandations dans les domaines où, selon le Comité, il conviendrait d’améliorer l’engagement canadien.

1. Commerce et investissement

Au cours de son étude, le Comité a entendu des points de vue parfois contradictoires quant à la relation économique du Canada avec les pays de l’Asie de l’Est. D’un côté, on dit que notre politique étrangère est fortement, et peut-être trop, axée sur le commerce et l’investissement dans la région depuis des décennies. De l’autre, on dit que les marchés de l’Asie de l’Est ne sont pas prioritaires pour les entreprises canadiennes et qu’on n’y fait pas autant affaire qu’on le pourrait, et de loin. Au bout du compte, le Comité a vu des preuves à l’appui des deux côtés de cet argument. On a manifestement fait des progrès pour ce qui est de promouvoir le commerce et l’investissement en Asie de l’Est, mais il est néanmoins évident qu’il serait possible d’y accroître considérablement notre activité économique.

Il ne fait aucun doute que le commerce canadien avec l’Asie est important. Selon la Fondation Asie-Pacifique du Canada, le commerce canadien avec la région de l’Asie‑Océanie, qui comprend l’Asie de l’Est, a été en 2017 égal à son commerce combiné avec l’Europe et l’Amérique latine[45]. Les investissements entrants et sortants avec la région n’atteignent pas la même importance proportionnelle que le commerce, mais se chiffrent tout de même, une fois combinés, à plus de 130 milliards de dollars par année et sont dépassés uniquement par les mouvements d’investissement avec les États-Unis et l’Europe[46].

Malgré cette réussite, le Comité s’est fait dire, tout au long de son étude, que la relation économique du Canada avec l’Asie de l’Est n’atteignait pas son plein potentiel, du fait que notre pays, selon des témoins, ne s’y intéresse pas suffisamment. Parlant du commerce canadien avec la Chine en particulier, Sarah Kutulakos, directrice exécutive du Conseil commercial Canada-Chine, a fait observer que les exportations à destination de la Chine avaient augmenté de 13 % en 2017 sans que le Canada « essaie très fort » :

Et quand je dis qu’on n’essaie pas très fort, ce n’est pas pour diminuer les efforts déployés par toutes les institutions que je considère comme essentielles au dossier de la Chine. Cependant, le Canada n’a pas de stratégie propre à la Chine et manque peut-être ainsi de motivation claire[47].

Faisant remarquer que nos exportations y étaient beaucoup plus faibles que ceux d’Australie ou d’Allemagne, Stewart Beck s’est dit du même avis : « l’Asie n’est pas l’une de nos priorités, et nous n’avions pratiquement aucune raison ou volonté d’établir des liens avec cette région[48] ».

Bien que le Comité reconnaisse que le Canada a déployé de louables efforts pour améliorer sa relation économique avec l’Asie de l’Est, il croit qu’il existe d’autres occasions à saisir pour continuer dans cette voie de façon à stimuler concrètement le commerce. Pour encourager les entreprises canadiennes à faire plus d’affaires avec l’Asie de l’Est, le gouvernement fédéral doit veiller à ce que le Canada soit concurrentiel, et à réduire les coûts que les entreprises doivent assumer lorsqu’elles entrent sur des marchés qu’elles connaissent mal.

a. Accords de libre-échange

Parler de la relation économique du Canada avec l’Asie de l’Est implique nécessairement de parler des accords de libre-échange (ALE). Qu’il s’agisse d’accords que le Canada a conclus, comme le PTPGP ou l’Accord de libre-échange Canada-Corée (ALECC), de ceux qu’il étudie, en discutant avec l’ANASE et la Chine, ou d’accords régionaux auxquels participent d’autres pays, les ALE font partie intégrante du paysage économique de la région. Au cours de son étude, le Comité a appris que les accords tels que le PTPGP et l’ALECC pouvaient avantager les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrents, mais qu’il fallait saisir de pareilles occasions sans tarder puisque les pays de la région cherchent résolument à conclure d’autres accords commerciaux qui pourraient, à terme, nuire à la compétitivité du Canada.

Conclu en 2014, l’ALECC est le seul ALE du Canada en vigueur en Asie de l’Est. Lors de son passage à Séoul, le Comité s’est fait dire que bien que l’ALECC soit bien accueilli et vu comme une amélioration au partenariat économique entre le Canada et la Corée du Sud, il n’avait pas encore entraîné d’augmentation significative du commerce entre les deux pays. Compte tenu du grand nombre d’ALE conclus par la Corée du Sud, un commentateur a suggéré que cet ALE devrait être vu comme une réussite, parce qu’il empêche le commerce de décliner. D’autres se sont montrés plus pessimistes quant aux résultats obtenus jusqu’ici, indiquant que les gouvernements des deux pays souhaitent bien sûr intensifier le commerce, mais que, dans un pays comme dans l’autre, les gens d’affaires avaient eu de la difficulté à trouver des partenaires compatibles et qu’ils s’étaient plutôt tournés vers leurs grands voisins immédiats.

Au Japon et au Vietnam, les deux pays membres du PTPGP que le Comité a visités, les intervenants se sont dits optimistes quant aux avantages commerciaux que le nouvel accord produirait une fois en vigueur[49]. Les interlocuteurs locaux ont exprimé la volonté d’inclure d’autres pays à l’accord, en particulier les États-Unis, mais aussi la Chine. En ce qui concerne les avantages potentiels de l’accord pour le Canada, les commentateurs rencontrés au Japon ont dit que les secteurs de l’informatique, de l’intelligence artificielle et de l’agroalimentaire étaient des secteurs bien situés pour tirer profit du PTPGP.

On a aussi parlé au Comité des ALE qui sont en cours d’étude ou de négociation dans la région, dont le plus grand, le Partenariat économique intégral régional, fait l’objet de négociation entre 16 pays[50]. De façon générale, on reconnaît que cet accord pourrait fortement influencer la dynamique commerciale de la région, mais les intervenants rencontrés par le Comité ont des opinions partagées sur le statut des négociations : plusieurs doutent qu’on parvienne à un consensus sous peu. Il a aussi été question, entre autres, d’un éventuel ALE Chine-Japon-Corée du Sud et d’un ALE Japon-États-Unis, tous deux de moindre envergure. Que ces projets se concrétisent ou non, la grande quantité d’accords en cours d’étude ou de négociation illustre à quel point l’environnement économique de la région est en constante évolution. Les gens d’affaires canadiens en Asie de l’Est ont fait valoir que tous les nouveaux ALE régionaux dont le Canada ne faisait pas partie risquaient de nuire à la compétitivité canadienne et qu’il fallait que les entreprises saisissent chaque occasion qui se présentait.

L’exploration et la négociation d’accords commerciaux sont aussi vues comme un indice important de l’engagement d’un gouvernement dans la région. Parlant de la Chine, Sarah Kutulakos a souligné que le simple fait de négocier un ALE pouvait avoir des effets positifs, peu importe la conclusion :

[N]ous avons sondé l’opinion d’entrepreneurs d’un peu partout au Canada sur un possible accord de libre-échange. Ils ont été nombreux à nous répondre qu’ils n’avaient pas grand-chose à gagner d’une telle entente, même en sachant que le processus de négociation permettrait de maintenir une relation harmonieuse avec la Chine, ce qui ne peut être que bon pour les affaires[51].

Étant donné l’importance des ALE et l’environnement très concurrentiel dont il a entendu parler lors de son passage dans la région, le Comité est convaincu que le Canada doit continuer de chercher des occasions de s’intégrer davantage à l’économie de l’Asie de l’Est. De nouveaux ALE se négocient et le Canada doit garder la cadence s’il ne veut pas accuser un retard par rapport à ses concurrents économiques dans la région.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada continue de chercher des occasions d’accroître l’intégration économique du Canada avec les pays d’Asie de l’Est par l’entremise d’accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux.

b. Délégués commerciaux et chambres de commerce

Le Comité a eu le plaisir de rencontrer des membres du Service des délégués commerciaux du Canada lors de sa visite en Asie de l’Est. Doté de 161 bureaux dans le monde, ce service, qui relève d’Affaires mondiales Canada, aide les entreprises canadiennes faisant affaire ou cherchant à faire affaire sur les marchés étrangers, en plus de promouvoir les intérêts économiques du Canada outre-mer[52]. Dans chaque pays où le Comité s’est entretenu avec des délégués commerciaux locaux, il a toujours été impressionné par leurs connaissances et leur professionnalisme. Ils ont aussi très bonne réputation auprès des gens d’affaires canadiens, qui ont indiqué au Comité qu’ils croyaient fermement à l’importance du Service des délégués commerciaux du Canada.

De même, le Comité a eu la chance de rencontrer des membres de chambres de commerce canadiennes locales en Indonésie, à Hong Kong, au Japon et en Corée du Sud. Comme ce fut le cas pour les délégués commerciaux, le Comité a été impressionné par ces organisations indépendantes, dont les membres n’épargnent aucun effort pour promouvoir les intérêts commerciaux du Canada sur leurs marchés respectifs. Le Comité estime que ces organisations constituent de précieux atouts à l’appui des intérêts économiques du Canada dans la région.

Le Comité a entendu à maintes reprises, tout au long de ses missions d’étude, que les entreprises devaient, si elles souhaitent réussir, cultiver de fortes relations sur le terrain et recueillir de l’information pour mieux comprendre les particularités des marchés visés. Ce devoir préalable de même que la méconnaissance de la culture et de la langue ont souvent été cités comme des obstacles empêchant les entreprises de pénétrer sur les marchés de l’Asie de l’Est, surtout pour les petites et moyennes entreprises. En offrant des informations et des occasions de réseautage, les délégués commerciaux et les chambres de commerce peuvent aider les entreprises à réduire ces coûts initiaux et à se familiariser avec leurs nouveaux marchés.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada continue de renforcer le Service des délégués commerciaux du Canada et d’appuyer le travail des chambres de commerce canadiennes locales en Asie de l’Est dans le cadre d’une stratégie générale de promotion du commerce et de l’investissement canadiens dans la région.

c. Image de marque

L’une des questions qui est revenue le plus souvent durant l’étude du Comité, que ce soit lors de discussions générales ou de discussions portant sur l’économie, concerne la difficulté qu’éprouve le Canada à offrir une image « canadienne » en Asie de l’Est. Comme l’a souligné James Boutilier, « l’image du Canada en Asie laisse grandement à désirer. Les Canadiens sont perçus comme étant gentils, mais franchement sans intérêt[53] ». Le Comité a eu d’autres échos semblables, en termes toutefois plus diplomatiques, dans plusieurs des pays visités. Des commentateurs locaux ont expliqué que les entreprises n’arrivaient pas vraiment à tirer parti de leur identité canadienne pour se démarquer de leurs concurrents étrangers, parce que leurs vis-à-vis connaissent peu le Canada. Il ne serait pas étonnant, selon certains, que le grand public n’ait qu’une vague idée de notre pays ou qu’il n’en sache carrément rien. Quoi qu’il en soit, le Canada serait perçu comme étant trop loin et sans intérêt pour le marché.

Les commentateurs ont souligné que le Canada ratait ainsi une excellente occasion, puisque la réputation internationale du Canada correspond à certaines caractéristiques appréciées par les consommateurs d’Asie de l’Est. On a donné comme exemple les exportations de viande du Canada; en effet, les consommateurs de pays comme la Chine, le Japon et la Corée du Sud sont prêts à payer plus cher s’ils sont convaincus que le produit est de qualité supérieure. La réputation du Canada comme pays possédant des normes de santé strictes, des industries bien réglementées et un environnement naturel propre signalerait aux consommateurs qu’ils devraient préférer les produits canadiens.

Cette prise de conscience est particulièrement utile dans le cas des marchés d’Asie de l’Est dont la classe moyenne est en pleine effervescence. Comme le Comité l’a appris, les gens qui accèdent à la classe moyenne développent des goûts et des préférences qui ont de fortes chances de se cristalliser avec le temps. C’est donc une occasion pour le Canada de véhiculer une image qui aura des avantages à long terme.

Plusieurs commentateurs ont aussi déploré le manque de coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces en ce qui a trait à l’image de marque du Canada. On a dit au Comité, par exemple, que les missions commerciales provinciales vantent souvent les industries provinciales sans les présenter dans le contexte de mesures nationales ou sans les relier à l’image canadienne. Selon les commentateurs, cette fragmentation affaiblit le message d’ensemble, puisqu’il suscite la confusion chez qui connaît peu le Canada. On a aussi fait remarquer que lorsque plusieurs provinces promeuvent le même secteur de cette façon, elles se font en réalité concurrence l’une à l’autre, au lieu de collaborer en vue de renforcer une image commune.

On a fait part au Comité de campagnes d’image de marque qui avaient bien fonctionné et qui reliaient les caractéristiques canadiennes aux préférences des consommateurs, comme celle de Produits de bois canadien en Chine ou du porc canadien au Japon. Toutefois, le cas le plus souvent cité comme exemple de valorisation de l’image et grand concurrent du Canada en Asie de l’Est est celui de l’Australie[54], qui aurait gagné beaucoup de terrain grâce à une stratégie cohérente. Dans son livre blanc sur la politique étrangère de 2017, le gouvernement de l’Australie s’est engagé à cultiver une « image nationale forte » pour compléter « les politiques générales du gouvernement en matière de commerce et d’investissement et donner de l’impulsion à nos principaux partenariats économiques[55] ».

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada accroisse ses efforts, en coordination avec des mesures semblables dans les provinces, en vue de promouvoir l’image canadienne en Asie de l’Est afin de mieux faire connaître le Canada sur le terrain et d’aider les entreprises canadiennes à se démarquer de leurs concurrents.

2. Sécurité

Si le commerce et l’investissement doivent demeurer des priorités pour notre pays, les témoins rencontrés ont insisté sur l’importance pour le Canada de s’engager aussi dans les questions de sécurité en Asie de l’Est. Dans plusieurs pays où le Comité s’est rendu, les témoins se sont dits très préoccupés par la sécurité d’ensemble de leur pays, en partie à cause du changement dans l’équilibre du pouvoir dans la région et de la menace persistance de terrorisme international. Les attaques par des groupes terroristes liés à l’État islamique, les armes nucléaires et les programmes de missiles balistiques de la Corée du Nord ou les conflits territoriaux en mer de Chine méridionale et en mer de Chine orientale sont des questions de sécurité touchant directement le Canada[56]. S’intéresser à ces questions présente une excellente occasion pour le Canada d’affermir sa propre sécurité.

Les experts en sécurité ayant comparu devant le Comité ont décrit les graves problèmes de sécurité de la région. De manière générale, l’absence de coopération constitue une faiblesse majeure qui ouvre la porte aux conflits. Comme l’a précisé Marius Grinius, malgré l’interdépendance économique croissante de la région, qui rend les conflits armés plus coûteux, « le niveau de coopération en matière de politique et de sécurité demeure très bas[57] ». Ferry de Kerckhove, qui abonde dans le même, affirme que la région « a besoin d’une architecture de sécurité », car la sécurité « s’articule principalement autour d’un ensemble disparate d’accords de sécurité bilatéraux plutôt que de s’appuyer sur le genre de cadre multilatéral offert par l’OTAN[58] ». Paul Evans a souligné qu’une « course à l’armement se déroule » actuellement en Asie, puisque la plupart des pays « augmentent considérablement leurs dépenses en défense » tandis que s’amorce un « repositionnement » des alliances de sécurité, en réaction au changement dans l’équilibre des forces[59].

La grande place qu’occupent les forces militaires dans plusieurs pays d’Asie de l’Est est souvent revenue dans les discussions. Comme l’a expliqué James Boutilier : « C’est une chose que nous avons tendance à oublier, la mesure à laquelle les militaires, en service ou à la retraite, sont de grands façonneurs d’opinion dans bon nombre des politiques que nous gérons[60]. » Bien que l’importance du rôle militaire soit plus évidente dans les pays communistes comme la Chine et le Vietnam, il en a aussi été question lorsque le Comité était en Indonésie. Cette importance illustre l’interconnectivité entre les questions de sécurité et les autres domaines où s’engage le Canada.

Ce témoignage correspond en général à ce que le Comité a entendu au cours de ses déplacements en Asie de l’Est. Partout où le Comité s’est arrêté, les préoccupations en matière de sécurité ont fait l’objet de discussions, souvent à l’initiative des intervenants locaux. Le Comité a pu constater que ces préoccupations étaient extrêmement importantes pour les décideurs de la région, souvent autant sinon plus que les questions économiques.

Or divers témoins à Ottawa ont affirmé que le Canada en faisait moins, et non plus dans ce domaine depuis quelques années. Selon David Welch, le Canada « s’est beaucoup désengagé des dossiers de sécurité dans la région », surtout au début des années 2000[61]. Paul Evans, qui partage cet avis, a fait observer « que presque tous les intervenants clés en Asie » considèrent le Canada comme un pays « qui réagit, reste sur la touche et reste en marge du processus[62] ».

Le Comité soutient que si le Canada souhaite réaliser ses objectifs généraux en matière de politique étrangère en Asie de l’Est, il doit s’engager activement dans les questions de sécurité de la région. Cela signifie participer aux mesures générales de coopération liées à la sécurité, comme l’invitation récente du Canada à assister au Sommet de l’Asie de l’Est[63]. Mais cela signifie aussi que le Canada doit démontrer sa pertinence dans des dossiers précis, en montrant l’importance concrète de sa participation aux questions de sécurité de la région. Le Canada ne sera pas un chef de file en la matière, mais il peut jouer un plus grand rôle dans les questions de sécurité auxquelles l’Asie de l’Est est confrontée, comme celles décrites ci-dessous.

a. Corée du Nord

La menace que présente la Corée du Nord avec la fabrication et l’essai d’armes nucléaires et de missiles balistiques constitue peut-être le point le plus épineux dans la sécurité de la région et le meilleur exemple de l’engagement efficace du Canada. La menace nord-coréenne a fait l’objet de discussion partout où le Comité s’est rendu. Les opinions à ce sujet sont variées, mais, dans les grandes lignes, on concède qu’une solution pacifique et viable passe nécessairement par la désescalade et la diplomatie. On voit en général les sanctions économiques comme un bon moyen de pression pour forcer le gouvernement nord-coréen à abandonner son programme nucléaire et balistique. Le Comité s’est toutefois laissé dire qu’il fallait maintenir ces sanctions à leur niveau actuel si l’on veut progresser.

Lors de son passage à Séoul, il est apparu évident pour le Comité que la Corée du Sud désire fortement entretenir des liens plus étroits avec la Corée du Nord. La formation d’une équipe coréenne commune pour les Olympiques d’hiver, la réunion entre Kim Jong-un, président de la Corée du Nord, et Moon Jae-in, président de la Corée du Sud, ainsi que le sommet alors non réalisé entre Kim et le président américain Donald Trump étaient des changements bien accueillis par rapport aux tensions croissantes précédentes entre la Corée du Nord et les États-Unis. Il a souvent été question de réunification et de paix permanente dans la péninsule coréenne, et on pensait en général que la situation actuelle présentait une occasion unique de transformer les relations en profondeur. On s’entend généralement sur le fait qu’il serait temps d’améliorer les relations, mais moins sur les moyens d’y parvenir. Les intervenants ont dit et redit qu’une réunification serait une entreprise très complexe et très coûteuse qui mérite une approche graduelle. On a proposé comme étapes initiales le fait de rétablir et de renforcer les liens économiques et personnels qui existaient déjà lors des tentatives précédentes de rapprochement, comme le complexe industriel Kaesong, situé en Corée du Nord et principalement financé par la Corée du Sud. Une telle coopération entraînerait alors des accords plus officiels, dont des traités de paix, et une réunification potentielle.

L’engagement du Canada dans le dossier nord-coréen est un bon exemple de la façon dont notre pays peut participer utilement aux questions de sécurité en Asie de l’Est. Qu’il s’agisse de coprésider une rencontre de ministres des Affaires étrangères, d’accroître notre contribution militaire au Commandement des Nations Unies dans la péninsule ou d’envoyer des aéronefs pour surveiller le respect des sanctions en mer, le Canada a pris une part concrète aux efforts internationaux visant la dénucléarisation de la Corée du Nord[64]. Notre contribution n’est pas passée inaperçue dans la région, et cette combinaison de soutien diplomatique et militaire se veut un modèle d’engagement efficace que l’on pourrait appliquer ailleurs.

Pour se mobiliser davantage sur la question, certains témoins ont suggéré que le Canada privilégie la voie diplomatique auprès de la Corée du Nord. Il faut dire que le Canada a considérablement réduit ses liens diplomatiques avec ce pays en 2010, en y adoptant une politique « d’engagement restreint » en réponse aux actes de la Corée du Nord[65]. En particulier, on a suggéré que le Canada redonne à son ambassadeur en Corée du Sud une accréditation multiple pour la Corée du Nord. Marius Grinius, ancien ambassadeur du Canada en Corée du Sud et en Corée du Nord, le voit comme une façon de prendre part aux efforts internationaux actuels : « Il faut être sur place. Il faut savoir ce qui se passe. Il ne faut pas compter sur quelqu’un d’autre pour nous tenir au courant[66]. » Patricia Talbot, chef d’équipe du Programme de partenariat international de l’Église unie du Canada, croit aussi qu’il faut renouveler nos relations diplomatiques : « Nous sommes dans une période de dialogue, et je suis convaincue que le Canada peut contribuer à la communication, à l’interprétation et aux négociations honnêtes nécessaires en ce moment[67]. »

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada continue de coopérer avec ses partenaires internationaux pour faire pression sur la Corée du Nord afin qu’elle abandonne ses programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques et, s’il constate des progrès mesurables à cet égard, qu’il envisage de renouveler ses relations diplomatiques avec la Corée du Nord, y compris en accordant à l’ambassadeur canadien en Corée du Sud une accréditation multiple pour la Corée du Nord.

b. Terrorisme

La question du terrorisme a maintes fois été abordée pendant les missions du Comité en Asie de l’Est. Les réverbérations des conflits du Moyen-Orient, en particulier l’ascension de l’État islamique, ont des effets tangibles sur la région, surtout dans la population musulmane. L’extrémisme violent est une grande préoccupation aux Philippines, où le gouvernement est en conflit ouvert avec des extrémistes dans les îles du sud, ainsi qu’en Indonésie et en Chine. Des commentateurs de la région craignent que l’exportation d’idéologies extrémistes, comme celle de l’État islamique, et le retour de combattants des conflits du Moyen-Orient n’alimentent les mouvements extrémistes locaux et entraînent des actes de violence. Le siège de la ville philippine de Marawi en 2017 prouve que ces craintes sont fondées et que les risques du terrorisme sont réels dans la région.

En Indonésie ainsi qu’aux Philippines, l’influence extrémiste étrangère se combine à la dynamique locale et crée une situation volatile. Sur l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines, le mouvement indépendantiste de la minorité musulmane, vieux de plusieurs décennies et souvent violent, s’est avéré un terreau fertile pour la diffusion de l’idéologie extrémiste. Le siège de Marawi, sur cette île, a eu de profonds effets : la bataille opposant les combattants ralliés à l’État islamique et l’armée philippine a entraîné la mort d’au moins 1 000 personnes et détruit la ville[68]. Les représentants du gouvernement autant que les commentateurs indépendants rencontrés par le Comité ont exprimé le besoin de conclure un traité de paix longtemps retardé entre le gouvernement et les principaux groupes séparatistes, en partie pour contrer la diffusion de l’idéologie extrémiste.

En Indonésie, pays à majorité musulmane, les inquiétudes de plus en plus vives à l’égard de l’extrémisme violent d’influence étrangère sont analysées dans le contexte d’une tendance plus large de politisation de l’Islam. Traditionnellement modéré, le pays a vu poindre un soutien croissant pour des mouvements islamistes politiques appelant à une plus stricte observation de la doctrine religieuse musulmane. L’exemple récent de Basuki Tjahaja Purnama, ancien gouverneur chinois chrétien de Jakarta, condamné pour blasphème à la suite de manifestations islamistes rassemblant des centaines de milliers de personnes, témoigne bien du retournement de la dynamique politique touchant l’ensemble du pays, selon ce que le Comité a entendu[69]. Selon des observateurs rencontrés à Jakarta, cet environnement changeant, conjugué au retour de combattants indonésiens de l’État islamique et de leurs familles, attiserait les groupes extrémistes d’Indonésie. Le Comité a appris que ces groupes, bien que peu nombreux et généralement condamnés, même par les islamistes ardents, ont le potentiel de causer des violences excessives, dans un pays où les attaques terroristes sont devenues monnaie courante.

Dans les deux pays, on a dit au Comité qu’il fallait, pour lutter efficacement contre l’extrémisme violent, une approche où les techniques traditionnelles d’application de la loi et de renseignement se combinent à des politiques de développement visant à saper le soutien des groupes extrémistes dans les communautés. Les interlocuteurs ont déclaré que les politiques générales de développement constituent un moyen essentiel de faire obstacle à l’environnement qui favorise l’existence et l’expansion de ces groupes : c’est l’unique solution à long terme à l’extrémisme violent.

Le Comité est d’avis que cette approche combinée offre au Canada une occasion de raffermir son engagement, en tablant sur les efforts actuels de lutte au terrorisme auprès de l’ANASE et en continuant d’accorder une aide au développement dans la région, comme il le fait depuis longtemps. Il conviendrait de tirer parti de mesures telles que le Programme d’aide au renforcement des capacités antiterroristes et d’utiliser stratégiquement l’aide au développement pour améliorer l’engagement du Canada dans une question d’importance capitale pour les pays de la région[70].

Recommandation 6

Que le gouvernement du Canada adopte une stratégie combinant l’application de la loi et le renseignement ainsi que le recours à l’aide au développement ciblée afin d'accroître son engagement dans la lutte contre le terrorisme avec les pays partenaires d’Asie de l’Est.

3. Autres domaines d’engagement

Au-delà de la relation qu’entretient le Canada en matière d’économie et de sécurité avec les pays d’Asie de l’Est, il existe bien d’autres domaines où le Canada pourrait intensifier sa présence dans le cadre d’une stratégie globale d’engagement dans la région. La promotion des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et de la primauté du droit, les liens de personne à personne, l’aide au développement et la coopération multilatérale sont tous, en soi, des objectifs de politique étrangère méritoires. Toutefois, comme il l’a bien exprimé au cours de son étude, le Comité estime que ces objectifs peuvent aussi servir notre relation d’ensemble. Les liens entre ces domaines se renforcent les uns les autres : plus le Canada s’engage dans de multiples domaines, plus son engagement dans un domaine donné ou un autre sera efficace.

a. Respect des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et de la primauté du droit

La promotion du respect des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et de la primauté du droit est une pierre angulaire de la politique étrangère du Canada depuis des générations. Il demeure néanmoins difficile de promouvoir ces questions efficacement dans le contexte d’une politique étrangère exhaustive comprenant d’autres objectifs aussi importants. C’est ce qu’a vécu le Comité lors de son séjour en Asie de l’Est. En Chine, en Indonésie, aux Philippines et au Vietnam, le Comité a abordé ces sujets et a pris connaissance de situations préoccupantes.

Dans chacun de ces pays, les témoins ont fait état de comportements troublants de la part de leurs gouvernements. En Chine, le Comité a appris l’existence de nouvelles lois venues restreindre encore plus l’espace auquel ont droit les groupes de la société civile. En Indonésie, les commentateurs ont signalé les répercussions négatives de la corruption et du contrôle qu’exerce en permanence l’élite dirigeante du pays. Aux Philippines, les témoins ont exprimé leurs préoccupations quant à la violence et aux violations des droits de la personne découlant de la campagne antidrogue du gouvernement. Au Vietnam, on a parlé au Comité des longues peines d’emprisonnement imposées aux personnes critiquant le gouvernement. Ce sont là quelques exemples parmi d’autres des gestes posés par les gouvernements de ces pays qui font douter de leur respect des normes internationales.

En Chine et aux Philippines, en particulier, le Comité s’est buté à l’opposition des autorités lorsqu’il a abordé ces questions. En gros, elles lui ont dit que les questions intérieures ne concernaient pas le Comité et qu’il était inapproprié que des pays occidentaux comme le Canada imposent leurs normes aux pays en développement de l’Asie de l’Est. Le Comité, lui, croit qu’il est bel et bien approprié de commenter les mesures nationales de pays étrangers lorsqu’elles sont contraires à leurs engagements internationaux, en particulier en matière de droits de la personne. Cependant, le Comité a eu l’impression que beaucoup de ces pays refusaient de recevoir ce qu’ils perçoivent comme des « leçons » sur le sujet et qu’il ne serait guère efficace de promouvoir directement ces questions.

Dans un tel contexte, aborder la question des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et de la primauté du droit demeure ardu. Soutenir le changement intérieur positif dans ces pays tout en respectant leur souveraineté doit être une priorité constante. Toute stratégie doit tenir compte de la perception d’intervention étrangère qu’ont ces pays. Dans certaines situations, les enjeux délicats peuvent être mieux traités par une diplomatie discrète et une action indirecte, par exemple en soutenant la société civile locale, tandis que d’autres situations nécessitent de parler publiquement et d’engager un dialogue ouvert et franc avec les gouvernements de la région, dans la mesure du possible, en travaillant de concert avec des États aux vues similaires. Il serait bon aussi d’accorder une attention particulière aux domaines où la collaboration est possible, puisque c’est là qu’on a le plus de chance d’obtenir des résultats tangibles. Par exemple, dans de nombreux pays, le Comité a constaté que les gouvernements, qui résistent à toute intervention étrangère sur la question générale des droits de la personne, appuyaient activement les mesures liées à la santé et à l’égalité des sexes, conformément aux priorités gouvernementales.

En ce qui concerne l’égalité hommes-femmes en particulier, c’est avec plaisir que le Comité a pris connaissance des efforts déployés dans plusieurs des pays qu’il a visités pour promouvoir les droits des femmes. On reconnaît généralement dans la région qu’il faut supprimer les obstacles empêchant une participation accrue des femmes à l’économie et au marché du travail pour garantir le bon fonctionnement d’une économie moderne. Les Philippines constituent pour le reste de la région un excellent exemple de modèle à suivre en matière d’égalité hommes-femmes, se classant au 10e rang selon l’Indice mondial d’écart entre les genres du Forum économique mondial, devant le Canada et tous ses voisins d’Asie de l’Est[71]. Lors de son passage aux Philippines, le Comité a entendu parler des réalisations du pays dans la promotion de l’égalité des sexes, mais s’est aussi laissé dire qu’il fallait en faire plus, particulièrement en ce qui concerne les droits des filles et des femmes à faible revenu, ainsi qu’une sexualité saine et les droits génésiques des femmes.

Peu importent la stratégie qui sera adoptée et les obstacles que le Canada devra sans doute affronter, le Comité estime que l’engagement du Canada sur la question des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et de la primauté du droit doit continuer d’être un point central de sa politique étrangère dans la région. Si le Canada s’y prend de façon réfléchie, ses mesures de promotion entraîneront des résultats concrets tout en assurant que son engagement régional reflète ses priorités nationales.

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada continue de promouvoir le respect des droits de la personne, de la démocratie, de l’égalité hommes-femmes et de la primauté du droit en Asie de l’Est. Les stratégies d’engagement doivent être adaptées aux circonstances locales et appuyer le changement positif au sein du pays en question, tout en privilégiant la diplomatie discrète et l’action indirecte, ou en prenant la parole en public et en s’engageant dans des dialogues ouverts et francs avec les gouvernements de la région et, si possible, en travaillant de concert avec des États ayant des objectifs semblables aux nôtres.

b. Liens de personne à personne

Les gens se déplacent entre le Canada et l’Asie de l’Est comme jamais auparavant. Partout où il s’est arrêté dans la région, le Comité s’est fait dire que les liens de personne à personne étaient à la hausse, puisque les gens se rendent dans un pays comme dans l’autre pour le tourisme, l’éducation, les débouchés économiques ou la migration permanente. Ce flot croissant de personnes recèle en lui-même d’importants avantages, mais il présente aussi une occasion d’améliorer l’engagement général du Canada dans la région. Au cours de son étude, le Comité a entendu à maintes reprises que les liens de personne à personne contribuaient à faire connaître le Canada et à augmenter sa visibilité dans la région. Ces liens sont donc de précieux atouts à intégrer à toute stratégie d’engagement exhaustive.

Comme l’a fait observer Sarah Kutulakos, l’éducation et le tourisme sont des secteurs très importants du point de vue économique; ce sont « des secteurs faciles […], en ce sens que nos exportateurs n’ont pas à quitter le pays pour vendre leurs produits », et qui offrent « des connexions de personne à personne qui permettent d’exprimer et de transmettre les valeurs canadiennes[72] ». On a beaucoup insisté sur la double importance de ces secteurs tout au long des missions du Comité en Asie de l’Est. L’Asie de l’Est occupe déjà une place prépondérante dans le secteur de l’éducation, la Chine étant le principal pays d’origine d’étudiants étrangers au Canada, suivie de la Corée du Sud, en 3e place[73]. Le Vietnam a été en 2016-2017 le pays d’origine d’étudiants étrangers à la plus forte croissance[74]. Les pays d’Asie de l’Est sont aussi d’importantes sources de touristes : en mai 2018, plus de 60 000 résidents chinois sont entrés au Canada, chiffre dépassé uniquement par les touristes américains et britanniques. Un grand nombre de touristes proviennent aussi du Japon et de la Corée du Sud[75].

Le Comité a appris que le nombre d’étudiants et de touristes optant pour le Canada était à la hausse et qu’il pouvait encore augmenter considérablement. Les mesures actuelles comme la Stratégie du Canada en matière d’éducation internationale et la Vision du tourisme du Canada illustrent l’importance que le pays accorde déjà à ces secteurs, mais le Comité est convaincu que le pays peut en faire plus[76].

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada travaille avec ses partenaires provinciaux et les établissements d’enseignement pour bonifier les mesures actuelles visant à attirer des étudiants étrangers au Canada.

La diaspora des populations d’Asie de l’Est a aussi fait l’objet de discussions lors des voyages du Comité. À Hong Kong et aux Philippines, en particulier, les intervenants ont parlé de l’importance des communautés issues de ces pays installées au Canada et des citoyens canadiens qui retournent dans leur pays d’origine. À Hong Kong, le nombre de détenteurs d’un passeport canadien est estimé à 300 000, ce qui a souvent été qualifié d’avantage concurrentiel pour le Canada et de ressource potentielle pour les entreprises canadiennes souhaitant entrer sur les marchés d’Asie de l’Est. Aux Philippines, les intervenants ont parlé des niveaux élevés d’immigration permanente à destination du Canada, qu’ils voient comme un arrangement mutuellement avantageux, puisque cela signifie des occasions d’emplois pour les Philippins instruits et des travailleurs qualifiés pour l’économie canadienne.

c. Aide au développement

Les programmes canadiens d’aide au développement en Asie de l’Est ont considérablement évolué, étant donné la croissance économique soutenue des pays de la région. Les pays bénéficiaires comme l’Indonésie, les Philippines et le Vietnam ont expliqué au Comité que plusieurs pays donateurs comme le Canada réduisaient leur aide ou mettaient fin à leurs programmes, au fur et à mesure que les pays bénéficiaires s’affranchissaient de leur besoin d’aide au développement.

Pour sa part, le Canada continue d’apporter une aide considérable à l’Indonésie, aux Philippines et au Vietnam[77]. Dans ces trois pays, le Comité a beaucoup entendu parler de la relation solide que le Canada avait réussi à tisser grâce à ses programmes d’aide au développement. Toutefois, bien que les législateurs et fonctionnaires rencontrés par le Comité aient exprimé leur gratitude pour l’aide du Canada, personne ne semblait penser que l’avenir de notre relation passait par cette aide. La discussion à ce sujet a plutôt porté sur les domaines où la coopération serait possible et basée sur des intérêts communs, comme le commerce et l’investissement.

Malgré la moindre importance accordée à l’aide au développement, il a tout de même été question de grands projets qui seront concrétisés avec l’aide du Canada. Aux Philippines, le Comité a eu le privilège de visiter une clinique de santé communautaire gérée par l’organisation nationale de planification familiale. Le Comité a pu constater de lui-même les précieux services qu’offre cette organisation et que les fonds canadiens vont contribuer vraiment à améliorer la santé des femmes et des enfants de l’endroit. C’est un exemple positif de la façon dont l’aide canadienne peut faire bouger les choses dans les pays ayant récemment connu une forte croissance économique. Le projet démontre aussi le rôle que l’aide au développement peut jouer dans la relation générale du Canada avec ces pays.

En Chine, le Comité a rencontré des représentants du ministère de l’Aide extérieure, qui lui ont parlé du programme d’aide au développement de la Chine, lequel est en expansion. Les représentants se sont empressés de déclarer que les mesures de développement de la Chine outremer devaient être vues comme un complément à l’aide des donateurs traditionnels, comme le Canada, et qu’ils espéraient avoir des occasions de coopération directe. Qu’il y ait coopération directe ou non, les programmes d’aide canadiens devraient tenir compte des fonds venant de sources non traditionnelles, comme la Chine, puisque ces sources joueront probablement un rôle de plus en plus prépondérant dans le paysage de l’aide au développement.

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada continue d’accorder son aide à ses partenaires de développement en Asie de l’Est dans le cadre d’une stratégie globale d’engagement auprès des économies émergentes de la région.

d. Coopération multilatérale

Dans les domaines de fond, s’engager par l’entremise d’institutions multilatérales peut être un moyen efficace pour le Canada d’atteindre ses objectifs de politique étrangère. Les tribunes multilatérales offrent la possibilité d’interagir avec plusieurs pays sur divers sujets dans un environnement où la voix du Canada a plus de chance de se faire entendre. Les accords commerciaux multilatéraux, comme le PTPGP, offrent une avenue commune d’engagement auprès de plusieurs pays, puisque la négociation et le maintien de traités commerciaux facilitent l’interaction régulière entre les participants. Les relations de longue date du Canada avec les pays de l’ANASE sont une autre façon pour notre pays de mener à bien une vaste gamme d’objectifs de politique étrangère multilatéralement. Les organisations multilatérales de développement et d’investissement, comme la Banque asiatique de développement (BAD) et la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII), sont aussi des mécanismes par lesquels le Canada peut agir de manière multilatérale et démontrer son engagement à l’égard du développement économique de la région.

Le Comité a vu que l’engagement du Canada auprès des pays de l’ANASE avait crû considérablement en 40 ans de relations. Outre ses intérêts de base dans les domaines du commerce et de la sécurité, que le Canada défend en prenant part à des pourparlers sur de possibles ALE et en participant au Sommet de l’Asie de l’Est, respectivement, le Canada a jeté des ponts avec l’ANASE dans divers domaines, du contre-terrorisme à l’égalité et à la représentation hommes-femmes, en passant par les changements climatiques et la gestion de l’eau. En s’engageant auprès de l’ANASE, le Canada peut interagir simultanément avec tous les pays membres sur les questions qu’ils jugent prioritaires et ainsi démontrer son intérêt pour la région. La nomination d’un ambassadeur à l’ANASE a été une décision bien accueillie par les membres et qui démontre l’importance qu’accorde le Canada à sa relation avec eux.

De même, la participation du Canada à la BAD et à la BAII illustre son engagement pour l’une des grandes priorités de l’Asie de l’Est : l’infrastructure. Tout au long de son voyage, le Comité a beaucoup entendu parler du déficit d’infrastructure de la région. Lors de rencontres avec la BAD, le Comité a appris que l’Asie avait besoin d’environ 1,7 billion de dollars américains en investissement par année jusqu’en 2030 pour répondre à ses besoins en infrastructure. En participant à la BAD et à la BAII, le Canada contribue de manière tangible à une priorité dont les leaders rencontrés par le Comité ont beaucoup discuté, tout en se donnant l’occasion d’accroître le commerce et l’investissement canadiens.

4. Conclusion

Le Canada est un pays du Pacifique. Mais s’il veut être perçu comme tel et récolter les bénéfices qui en découlent, il doit interagir davantage avec ses voisins d’Asie de l’Est. Le Canada ne devrait pas hésiter à entretenir de telles relations du fait qu’elles peuvent être difficiles et donner lieu à des désaccords. Le Canada devrait plutôt s’employer à nouer avec les pays de la région des relations générales et à long terme pouvant sous‑tendre une coopération bilatérale mutuellement avantageuse et servir de tribune pour collaborer dans les dossiers d’importance internationale.

Étant donné la puissance croissante des pays d’Asie de l’Est, le Canada doit, dans son engagement avec ses partenaires, démontrer l’importance qu’il leur accorde, ce qui est tout aussi essentiel que les bénéfices que le Canada en retire. Ce n’est pas le Canada qui établit l’ordre du jour de l’Asie de l’Est, et il se peut fort bien que les pays de la région aient des priorités qui diffèrent des nôtres. Pour atteindre ses objectifs, le Canada doit s’engager dans les objectifs de ses partenaires.

La Chine devrait être au centre de la stratégie canadienne d’engagement. L’équilibre qu’atteindra le Canada entre coopérer avec la Chine dans les domaines d’intérêt commun et lui demander des comptes lorsqu’elle manque à ses obligations internationales sera un bon indicateur de l’efficacité de son engagement dans la région dans son ensemble. Le Canada continuera d’être en désaccord avec la Chine dans de nombreux dossiers, mais nous devons le faire de façon à favoriser l’épanouissement de notre relation.

Dans leur ensemble, les autres pays d’Asie de l’Est sont aussi importants sinon plus pour le Canada que la Chine. Bien que ces pays soient de moindre taille, la variété et l’accessibilité des occasions qu’ils présentent en font des partenaires attirants pour le Canada. Après son voyage, le Comité est convaincu que ces pays souhaitent sincèrement renforcer leurs relations avec le Canada et que notre pays a beaucoup à gagner à le faire.

Comme nous l’avons mentionné dans le présent rapport, notre engagement en Asie de l’Est n’est pas facile et ne risque guère de devenir plus facile de sitôt. Mais il est nécessaire. Maintenant que le centre du pouvoir international se déplace vers l’Asie, l’Asie de l’Est occupera une place de plus en plus grande, que le Canada interagisse ou non avec la région. Par conséquent, pour renouveler son engagement en Asie de l’Est, le Canada doit, d’abord et avant tout, maintenir sa pertinence et sa position sur l’échiquier mondial.


[1]              Banque asiatique de développement, Asia 2050: Realizing the Asian Century (Asie 2050 : réaliser le siècle asiatique), août 2011.

[2]              Aux fins de la présente étude, l’Asie de l’Est comprend les pays de l’Asie du Sud-Est (qu’on nomme généralement pays membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ANASE), voir note 6) ainsi que la Chine, le Japon, la République populaire démocratique de Corée et la République de Corée.

[3]              Hong Kong est une région administrative spéciale de la Chine. Compte tenu de son histoire et de son système politique différents de celui de la Chine continentale, la région est vue comme une administration distincte dans le présent rapport, le cas échéant.

[4]              Comité permanent des affaires étrangères et du développement international [FAAE], Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[5]              Ibid.

[6]              Les 10 membres de l’ANASE sont le Brunéi, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, la Birmanie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam, ASEANUp, 4 ASEAN Infographics: population, market, economy (Infographie sur l’ANASE : population, marché et économie), 3 juillet 2018.

[7]              Le PIB combiné des 12 pays s’élève à 9,17 billions de dollars, alors que celui de la Chine est de 12,24 billions de dollars. Source : Banque mondiale, PIB ($ US courants), 29 juin 2018.

[8]              Le PIB du Japon est de 4,87 billions de dollars. Source : Ibid.

[9]              Le PIB par habitant du Japon est de 39 002 $, celui de la Chine, 15 309 $ et celui de la Malaisie, 26 808 $. Source : Banque mondiale, PIB par habitant ($ PPA internationaux constants de 2011).

[10]            Programme des Nations Unies pour le développement, « Table 1: Human Development Index and its components », (Tableau 1 : L’indice de développement humain et ses composantes), Rapports sur le développement humain, 29 juin 2018 [disponible en anglais seulement].

[11]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 avril 2018.

[12]            Il existe un différend de longue date opposant la Chine à ses voisins sur les frontières maritimes de la mer de Chine méridionale et de la mer de Chine orientale, où la Chine a bâti et militarisé des îles artificielles pour asseoir ses prétentions. Voir Council on Foreign Relations, China’s Maritime Disputes (Conseil des relations extérieures, Les conflits maritimes de la Chine) [disponible en anglais seulement]. Depuis la fin de la guerre civile et l’établissement du régime communiste sur son territoire en 1949, la Chine soutient que l’île de Taïwan fait partie de la Chine, tandis que le gouvernement taïwanais ne reconnaît pas officiellement le gouvernement chinois, même s’il y a des relations entre les deux gouvernements. Cette ambiguïté malaisante, qu’on appelle généralement la « politique d’une seule Chine », a donné lieu à des tensions militaires entre les deux gouvernements, de même qu’entre la Chine et le principal partenaire stratégique de Taïwan, les États-Unis. Voir Conseil des relations extérieures, China-Taiwan Relations (Les relations Chine-Taïwan) [disponible en anglais seulement].

[13]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[14]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 avril 2018.

[15]            Reuters, « Chinese firm pays $584 million in Sri Lanka port debt-to-equity deal » (Une firme chinoise verse 584 millions de dollars pour un port du Sri Lanka dans un accord de conversion de dettes en fonds propres), 20 juin 2018.

[16]            Xi Jingping, « Remporter la victoire décisive de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance et faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère », rapport au 19e Congrès national du Parti communiste chinois, 18 octobre 2017.

[17]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2018.

[18]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018.

[19]            La Chine est signataire de six traités internationaux sur les droits de la personne; voir Human Rights in China, UN Treaty Bodies and China (Droits de la personne en Chine, La Chine et les Organes de traités sur les droits de l’homme des Nations Unies) [disponible en anglais seulement].

[20]            Pour consulter les témoignages entendus par le Comité sur ces questions, voir FAAE,Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018.

[21]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 avril 2018.

[22]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018.

[23]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 avril 2018.

[24]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 avril 2018.

[25]            Département de la Défense des États-Unis, « Summary of the 2018 National Defense Strategy of the United States of America » (Résumé de la Stratégie de défense nationale de 2018 des États-Unis d’Amérique) [traduction].

[26]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 avril 2018.

[27]            Minh Nguyen, « U.S. carrier arrives in Vietnam amid rising Chinese influence in region » (Un porte-avions américain arrive au Vietnam suivant l’influence croissante de la Chine dans la région), Reuters, 5 mars 2018.

[28]            Ralph Jennings, « China's Once Impossible Friendship With The Philippines Hits Another New High » (L’amitié autrefois impossible entre la Chine et les Philippines atteint un nouveau sommet), Forbes, 12 décembre 2017.

[29]            Nikkei Asian Review, « Japan passes bills to ratify trans-Pacific trade deal » (Le Japon adopte un projet de loi pour ratifier son traité commercial transpacifique), 29 juin 2018; Daisuke Kikuchi, « Japan and France agree to deepen maritime security ties in ‘two plus two’ meeting » (Le Japon et la France conviennent de resserrer leurs liens en matière de sécurité maritime lors de pourparlers « deux-plus-deux »), The Japan Times, 26 janvier 2018; Dipanjan Roy Chaudhury, « India, Japan target maritime security pact during Shinzo Abe’s September visit » (L’Inde et le Japon espèrent signer un pacte de sécurité maritime lors de la visite de septembre de Shinzo Abe), The Economic Times, 11 juillet 2018; Mari Yamaguchi, « Japan, Vietnam to bolster maritime security cooperation » (Le Japon et le Vietnam renforceront leur coopération en matière de sécurité maritime), The Seattle Times, 6 juin 2017.

[30]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 avril 2018.

[31]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[32]            Du plus fort au plus faible, le PIB par habitant en 2017 était de 56 055 $ pour Hong Kong, 39 002 $ pour le Japon, 35 938 $ pour la Corée du Sud, 15 309 $ pour la Chine, 11 189 $ pour l’Indonésie, 7 599 $ pour les Philippines et 6 172 $ pour le Vietnam. Source : Banque mondiale, PIB par habitant ($ PPA internationaux constants de 2011).

[33]            Entre 2000 et 2017, la croissance annuelle du PIB affichait une moyenne de 4,1 % en Corée du Sud, 3,9 % à Hong Kong et 1 % au Japon. Source : Banque mondiale, Croissance du PIB (% annuel).

[34]            Le PIB par habitant en dollars internationaux constants de 2011 pour l’Indonésie se chiffrait à 5 806 $ en 2000 et à 11 189 $ en 2017; pour les Philippines à 4 224 $ en 2000 et à 7 599 $ en 2017, et pour le Vietnam à 2 562 $ en 2000 et à 6 172 $ en 2017. Source : Banque mondiale, PIB par habitant ($ PPA internationaux constants de 2011).

[35]            La Banque mondiale, Pauvreté.

[36]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[37]            La Banque mondiale, Croissance du PIB (% annuel).

[38]            Gouvernement du Japon, About Abenomics (Au sujet de l’Abenomie) [disponible en anglais seulement].

[39]            Hudson Lockett et Robin Harding, « Japan records longest growth spurt since 1989 » (Le Japon enregistre sa plus longue poussée de croissance depuis 1989), The Financial Times, 13 février 2018.

[40]            La Banque mondiale, Population âgée de 65 et plus (% du total).

[41]            Ibid.

[42]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[43]            Ibid.

[44]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 avril 2018.

[45]            Le commerce entre le Canada et la région Asie-Océanie se chiffrait à 186,2 milliards de dollars en 2017, ce qui équivaut au commerce combiné avec l’Europe (119,9 milliards de dollars) et l’Amérique latine (66,3 milliards de dollars). Source : Fondation Asie Pacifique du Canada, Canada’s Trade with the World, by Region (Le commerce du Canada avec le monde, par pays) [disponible en anglais seulement].

[46]            Les investissements directs étrangers (IDE) entrants de l’Asie s’élevaient à 75,7 milliards de dollars en 2016 et à 65 milliards de dollars pour les IDE sortants. Source : Fondation Asie Pacifique du Canada, Canadian Inward Foreign Direct Investment from the World; Fondation Asie Pacifique du Canada, Canadian Foreign Direct Investment to the World [disponible en anglais seulement].

[47]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[48]            Ibid.

[49]            L’accord devrait entrer en vigueur le 30 décembre 2018, 60 jours après avoir été ratifié par au moins 6 des 11 membres. Le Canada l’a ratifié le 29 octobre 2018. Janyce McGregor, « Pacific Rim trade deal to kick in Dec. 30 including Canada, Australia », CBC News, 31 octobre 2018.

[50]            Les pays participant actuellement aux négociations du Partenariat économique intégral régional sont les 10 membres de l’ANASE plus l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée et la Nouvelle-Zélande. Source : Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, Partenariat économique intégral régional [disponible en anglais seulement].

[51]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[52]            Service des délégués commerciaux du Canada, À propos de nous.

[53]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[54]            L’image des produits de bois canadien, y compris en Chine, au Japon et en Corée du Sud, est l’un des deux grands dossiers de Produits de bois canadien. Source : Produits de bois canadien, À propose de nous – Aperçu de Produits de bois canadien [disponible en anglais seulement].

[55]            Gouvernement de l’Australie, « Soft power » (Le pouvoir de convaincre), Livre blanc sur la politique étrangère de 2017 [traduction].

[56]            Pour de plus amples renseignements sur ces problèmes de sécurité, voir Nuclear Threat Initiative, North Korea (Initiative sur la menace nucléaire, Corée du Nord); Greg Raymond, Counterterrorism Yearbook 2018: Southeast Asia, Australian Strategic Policy Institute (Annuaire 2018 du contre-terrorisme : Asie du Sud-Est, Institut australien des politiques stratégiques), 4 avril 2018; Council on Foreign Relations, China’s Maritime Disputes (Conseil des relations extérieures, Les conflits maritimes de la Chine) [disponible en anglais seulement].

[57]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[58]            Ibid.

[59]            Voir les témoignages de James Boutilier, FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018, et de Paul Evans, FAAE,Témoignages, 1re session, 42législature, 24 avril 2018.

[60]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[61]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 avril 2018.

[62]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 24 avril 2018.

[63]            Le Sommet de l’Asie de l’Est se veut « une tribune de dialogue et de coopération stratégiques » qui se tient habituellement en marge de la réunion des dirigeants de l’ANASE. Le Canada n’en fait pas partie, mais a été invité à y participer en 2017 par les Philippines. Sources : Gouvernement de l’Australie, département des Affaires extérieures et du Commerce, Sommet de l’Asie de l’Est; Andy Blatchford, « Philippines' Duterte helps secure Trudeau invitation to security event » (Duterte invite Trudeau à un événement sur la sécurité), The Star, 13 novembre 2017.

[65]            Gouvernement du Canada, Canada et République populaire démocratique de Corée.

[66]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[67]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 avril 2018.

[68]            Carmela Fonbuena, « Marawi one year after the battle: a ghost town still haunted by threat of Isis » (Marawi un an plus tard : une ville-fantôme toujours hantée par la menace de l’EIIS), The Guardian, 22 mai 2018.

[69]            Kathy Quiano et James Griffiths, « Indonesia: 200,000 protest Christian governor of Jakarta » (Indonésie : 200 000 musulmans manifestent contre le gouverneur chrétien de Jakarta), CNN, 2 décembre 2016.

[70]            Gouvernement du Canada, Nouvel appui du Canada en Asie du Sud-Est.

[71]            Forum économique mondial, Ranking by Global Gender Gap score.

[72]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 avril 2018.

[73]            Bureau canadien de l’éducation internationale, Faits et chiffres.

[74]            Ibid.

[76]            Affaires mondiales Canada, Stratégie du Canada en matière d’éducation internationale; gouvernement du Canada, La vision du tourisme du Canada.

[77]            L’aide au développement officielle du gouvernement du Canada en 2016-2017 était de 29,3 millions de dollars pour l’Indonésie; de 20,1 millions pour les Philippines et de 20,2 millions pour le Vietnam. Source : gouvernement du Canada, Rapport statistique sur l’aide internationale 2016-2017.