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FAAE Rapport du Comité

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VISER L’EXCELLENCE : AMÉLIORER LA STRATÉGIE DU CANADA RELATIVE À LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES POUR PROTÉGER LES DROITS DE LA PERSONNE EN AMÉRIQUE LATINE

Introduction

La présence des sociétés canadiennes d’exploration et d’extraction de ressources demeure forte en Amérique latine, où des projets peuvent offrir des débouchés économiques aux gouvernements, aux collectivités et aux particuliers. Or, chez les groupes les plus vulnérables, notamment les populations autochtones et agricoles, les retombées des projets d’extraction ne compensent pas toujours l’incidence négative de ces projets sur l’environnement et les moyens de subsistance. De plus, les cas de violence à l’encontre des opposants aux projets, dont des assassinats, et la criminalisation des défenseurs des droits de la personne assombrissent les promesses économiques et l’apport des sociétés canadiennes d’extraction de ressources. Les préoccupations de cette nature ne sont pas propres aux projets d’extraction du Canada en Amérique latine, mais le Canada, en tant que chef de file de l’industrie, peut prendre les devants pour limiter les conflits sociaux et les risques de violation des droits de la personne.

En septembre et octobre 2017, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Sous-comité) a entrepris une étude au sujet des droits de la personne liés à l’extraction des ressources naturelles  en Amérique latine. Les défenseurs des droits de la personne latino-américains du Honduras, du Guatemala, du Salvador, du Mexique et de la Colombie ont présenté au Sous-comité des témoignages de première main sur l’incidence de l’extraction des ressources sur leurs collectivités et sur la profonde insécurité que cette présence a entraînée[1]. Le Sous-comité a invité à témoigner des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, y compris le conseiller en responsabilité sociale des entreprises (RSE) de l’industrie extractive et le directeur général des opérations du Service des délégués commerciaux du Canada. Le Sous-comité a aussi entendu les témoignages de M. Pierre Gratton et de M. Ben Chalmers de l’Association minière du Canada et de M. Andrew Cheatle de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (ACPE). Différents spécialistes, soit M. Paul Haslam, M. Jeffrey Webber, M. Carlos Monge ainsi que M. Shin Imai et Mme Leah Gardner, coauteurs du rapport The Canada Brand: Violence and Canadian Mining Companies in Latin America (le rapport The Canada Brand)[2] ont aussi témoigné. Ce rapport ainsi qu’un rapport provisoire dont M. Haslam est coauteur, Do Canadian Mining Firms Cause Social Conflict with Communities? Quantitative Evidence from Latin America[3], ont été cités à maintes reprises par d’autres témoins, y compris des témoins d’Affaires mondiales Canada et d’associations de l’industrie[4]. Les témoignages des représentants de l’Organisation de coopération de développement économiques (OCDE) et du Groupe de travail sur les droits de l’homme et les entreprises des Nations Unies ont permis au Sous‑comité d’en apprendre davantage sur les lignes directrices de RSE et les rôles que doivent jouer les gouvernements.

Le rapport traite d’abord de la présence de l’industrie extractive canadienne en Amérique latine, notamment la mesure dans laquelle ces investissements sont avantageux pour l’économie de l’Amérique latine et l’intérêt qu’ils présentent pour la politique étrangère canadienne. Il fait ensuite état des effets néfastes que peuvent avoir les projets d’extraction sur l’environnement et de la menace que ceux-ci représentent pour la subsistance des collectivités locales ainsi que des lacunes des mécanismes de consultation et de consentement. Le Sous-comité a appris que la pauvreté et les problèmes de gouvernance nuisent à la capacité des collectivités de bénéficier des projets d’extraction de ressources en participant, par exemple, aux chaînes d’approvisionnement. De plus, lorsque de nouveaux emplois sont créés, ils sont parfois précaires et même dangereux. Le rapport s’attarde ensuite aux cas de violation des droits de la personne commis par des personnes ou des entités qui ont des intérêts importants dans le projet; il peut s’agir d’actes de violence, de harcèlement, d’expulsions, de violence sexuelle, de criminalisation, etc. Différents acteurs se livrent à ces violations : les forces armées de l’État et les forces policières, mais aussi des organisations de sécurité privées et des organisations criminelles. Le rapport mentionne ensuite l’effet des problèmes de gouvernance et de l’insécurité citoyenne préexistante et souligne plus particulièrement les cas du Honduras et du Guatemala, où l’insécurité citoyenne et l’impunité prévalent. Enfin, il examine brièvement la disponibilité des preuves de violation des droits de la personne et analyse les lacunes en matière de déclaration et de transparence.

Si certains témoins ont fait valoir que les conflits sociaux et les violations des droits de la personne associés aux sociétés canadiennes étaient « l’exception, et non la règle »[5], d’autres ont indiqué que les violations des droits de la personne liés aux projets canadiens d’extraction de ressources étaient des problèmes « persistants, qui n’ont jamais été résolus »[6]. M. Duane McMullen, directeur général des opérations du Service des délégués commerciaux du Canada, décrit comme suit l’approche d’Affaires mondiales Canada en cas de conflit social ou de violation des droits de la personne : « [n]otre rôle consiste à essayer de déterminer comment les divers facteurs interagissent pour contribuer à l’incident. Il ne s’agit pas nécessairement de scénarios mettant en cause un méchant et une victime. On a affaire à une dynamique dysfonctionnelle et l’on se demande comment régler le problème[7]. »

Dans le rapport, on s’intéresse aux efforts consentis par l’industrie canadienne d’extraction de ressources en vue d’imposer aux entreprises des normes de comportement responsable, ainsi qu’aux critiques portant sur ces efforts. On se penche ensuite sur l’efficacité de la stratégie canadienne relative à la RSE (2014) de l’industrie extractive, intitulé Stratégie améliorée du Canada relative à la responsabilité sociale des entreprises, visant à renforcer les industries extractives du Canada à l’étranger (Stratégie de 2014 relative à la RSE) notamment sur les initiatives de développement et de diplomatie ainsi que sur les mécanismes de facilitation du dialogue, soit le Bureau du conseiller en RSE de l’industrie extractive (conseiller en RSE) et le PCN de l’OCDE. On passe également en revue les sanctions possibles en cas de non-respect des normes prévues dans la Stratégie de 2014 relative à la RSE, comme les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies. Les témoins ont signalé de multiples voies d’amélioration, notamment la création d’un bureau de l’ombudsman doté de pouvoirs d’enquête et la promotion des mécanismes de dialogue prévus dans la stratégie. Au terme des témoignages, le gouvernement du Canada a annoncé la création du bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE), qui sera autorisé à « enquêter sur les allégations d’atteintes aux droits de la personne découlant des activités d’une entreprise canadienne à l’étranger », notamment les activités des secteurs minier, gazier et pétrolier. La création du Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises, composé de représentants de l’industrie et de la société civile, a aussi été annoncée afin de conseiller le gouvernement et l’OCRE. Le Groupe consultatif a tenu sa première rencontre le 23 avril 2018. Il est maintenant présidé par le Ministre de la Diversification du commerce international[8]. Il convient de noter que l’OCRE n’est pas encore en fonction et que son mandat n’a pas encore été officialisé par décret. Le gouvernement du Canada a annoncé qu’il prendrait ces mesures « dès que possible », mais aucune date n’a été fournie[9].

Au vu des témoignages, le Sous-comité présente six recommandations au gouvernement du Canada. Ces recommandations serviront à améliorer la mise en œuvre de l’actuelle Stratégie de 2014 relative à la RSE du Canada et possiblement à maximiser l’efficacité des mécanismes, nouveaux et existants, établis au titre de cette stratégie. Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada utilise ses partenariats de diplomatie et de développement, d’abord pour contrer les effets sociaux et environnementaux néfastes des projets d’extraction, tout en distribuant plus équitablement les bénéfices, puis pour enrayer la corruption et l’impunité à l’origine de la prolifération des violations des droits de la personne. Le Sous-comité exhorte le gouvernement du Canada à continuer d’améliorer la réaction du Canada aux préoccupations relatives aux violations des droits de la personne touchant des projets d’extraction. Le Sous-comité recommande aussi de renforcer l’ensemble de la Stratégie relative à la RSE du Canada, entre autres en demandant une évaluation critique des mécanismes de conformité et des normes de RSE existants et en ayant comme priorité de faire connaître ceux-ci aux communautés qui en ont le plus besoin.

Le gouvernement du Canada devrait consulter des partenaires internationaux et augmenter les ressources affectées à la Stratégie de 2014 relative à la RSE afin d’atteindre ces objectifs. Le gouvernement du Canada doit continuer à favoriser la promotion et la défense des droits internationaux de la personne, notamment en luttant contre les violations des droits de la personne entourant les projets d’extraction de ressources en Amérique latine.

L’industrie canadienne d’extraction de ressources en Amérique latine

Le Canada est un chef de file mondial du secteur de l’extraction de ressources, une industrie soutenue par les secteurs de l’ingénierie, des services bancaires, de la géologie et des services juridiques, entre autres[10]. Toronto est l’un des pôles financiers mondiaux de l’industrie d’extraction de ressources[11]. Environ 40 % des investissements à l’étranger des sociétés extractives canadiennes vont en Amérique latine[12], où environ 340 entreprises canadiennes exploitent 930 projets dans presque tous les pays de la région[13]. De l’avis de M. Gratton, président et chef de la direction de l’Association minière du Canada, les principaux pays bénéficiaires des investissements canadiens en Amérique latine sont le Mexique, le Chili et l’Argentine, suivis du Pérou, du Brésil et de la République dominicaine[14]. Selon des estimations récentes, la valeur des investissements des sociétés extractives canadiennes en Amérique latine oscille de 78 milliards de dollars à 90 milliards de dollars[15]. Parce qu’elles paient des impôts locaux et des redevances, les sociétés minières canadiennes fournissent des recettes aux gouvernements d’Amérique latine, des recettes souvent essentielles[16]. Selon M. McMullen, certaines entreprises canadiennes sont de loin la plus importante source de contribution fiscale dans les pays où elles s’installent[17].

Dans certains pays d’Amérique latine, l’ampleur des investissements du secteur privé canadien se compare à l’ensemble des fonds que le Canada consacre à l’aide au développement[18]. M. McMullen a fait valoir que les investissements du secteur privé canadien dans des projets d’extraction en Amérique latine permettent de « multiplier les objectifs stratégiques canadiens dans la région » et qu’ils sont un « outil très utile » pour faire avancer les objectifs de développement du Canada. M. McMullen a indiqué que l’objectif général d’Affaires mondiales Canada est d’appuyer le développement continu d’institutions efficaces « qui puissent apporter une sécurité, une protection des droits de la personne ainsi que des avantages économiques » découlant des projets d’extraction de ressources[19]. Le personnel affecté aux politiques, au commerce et au développement dans les ambassades canadiennes en Amérique latine travaille de concert pour renforcer la capacité de gérer l’extraction de ressources de manière responsable à l’échelle locale et nationale. Pour ce faire, il établit des relations avec les sociétés minières canadiennes en activité dans le pays[20].

L’incidence des projets d’extraction de ressources en Amérique latine sur les droits de la personne

Droits sociaux et environnementaux

De nombreux pays en Amérique latine encouragent activement l’investissement dans leur secteur des ressources naturelles[21]. Toutefois, selon M. Dante Pesce, membre du Groupe de travail sur les droits de l’homme et les entreprises des Nations Unies, la volonté à court terme des gouvernements d’Amérique latine d’attirer des investissements, de créer des emplois et d’accroître leurs recettes fait fi de l’incidence sociale et environnementale du développement économique[22]. M. Carlos Monge, directeur pour la région de l’Amérique latine du Natural Resource Governance Institute, a mentionné que la chute des prix du pétrole et des produits miniers a entraîné un « nivellement par le bas » en causant une érosion des mesures de protection environnementales et sociales[23].

M. Jeffrey Davidson, conseiller en RSE du Canada, a dit au Sous-comité que, partout en Amérique latine, la présence de projets d’extraction soulève des préoccupations fondamentales sur différentes questions : consultation et consentement, dégradation de l’environnement, incidence sur la santé, utilisation et qualité de l’eau, protection des modes de vie traditionnels et des lieux sacrés, compétition pour l’accès aux ressources naturelles et aux terres, emplois acceptables pour la population locale[24]. Bien souvent, les populations les plus touchées par les projets d’extraction de ressources sont les populations autochtones et les communautés agricoles[25].

Dans son étude sur les sociétés minières et les conflits sociaux en Amérique latine, M. Haslam, professeur à l’École de développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa, a constaté que les conflits sociaux surgissent dans des milieux pauvres et peu scolarisés, lorsque les activités agricoles traditionnelles sont perturbées par le projet minier et que la population locale n’a pas la capacité de s’adapter ou de tirer profit de l’activité minière[26]. Selon M. Haslam : « si l’État n’intervient pas dans la redistribution des bénéfices des activités des sociétés minières, il est peu probable que les populations locales en voient la couleur[27] ». En outre : « [q]uand un projet minier réduit les perspectives économiques – l’option de l’agriculture devient moins envisageable, la pauvreté se généralise et les services de l’État sont inexistants – la probabilité que les habitants se mobilisent augmente[28] ». Dans le cadre de son étude, M. Haslam a défini le « conflit social » comme étant « toute situation donnant lieu à une mobilisation soutenue de personnes[29] » pour opérer un changement social. La mobilisation de personnes peut prendre la forme, par exemple, d’un groupe de membres de la collectivité opposés à un projet minier protestant à proximité de terrains privés[30] ».

Incidence sur l’environnement et les moyens de subsistance

Des témoins d’Amérique latine ont présenté des exemples de l’incidence socio-économique néfaste des projets d’extraction de ressources sur l’environnement et les moyens de subsistance des populations locales. M. Arana Morales, le président du Parlement Xinca, qui représente le peuple autochtone Xinca du Guatemala, a expliqué que, « [e]n tant que peuples autochtones, nous sommes très attachés à la nature, car c’est elle qui nous donne la vie[31] ». Il trouve préoccupant qu’un projet d’extraction nuise à la subsistance de sa collectivité : « nous dépendons de l’agriculture comme moyen de subsistance. Nous produisons des aliments et du lait […] les entreprises minières souhaitent mener leurs activités, nous laissant sans terre à cultiver[32] ».

M. Monge a parlé de la pollution causée par les mines, surtout les exploitations à ciel ouvert, et de la menace que cette pollution représente pour les « services environnementaux essentiels[33] ». Il attribue à la déforestation liée aux activités minières dans le bassin de l’Amazone l’accélération du réchauffement climatique, car ce bassin est un important puits de carbone[34]. Selon M. Ben Chalmers de l’Association minière du Canada, les projets miniers entraînent aussi une concurrence pour les ressources en eau[35]. Selon M. Monge, l’industrie minière « monopolise la consommation d’eau dans des territoires densément peuplés et là où l’eau devient une ressource rare justement en raison du réchauffement climatique[36] ». La contamination des sources d’eau et de la nappe phréatique préoccupe énormément M. Monge ainsi que M. Bernardo Belloso, président de l’Association pour le développement au Salvador, et M. Luis Fernando Garcia Monroy, cofondateur de l’organisation guatémaltèque Youth Organized in the Defense of Life[37]. M. Garcia Monroy est agriculteur dans un village touché par les activités d’une mine. Il ne peut pas vendre ses récoltes en raison de la crainte généralisée du risque de contamination. Lui et six autres agriculteurs ont survécu à une tentative d’assassinat en 2013[38]. Il a parlé au Sous-comité du cas de 90 familles forcées d’abandonner leur maison après que des explosifs utilisés pour les opérations minières aient fissuré le sol et causé des glissements de terrain[39]. M. Monge a indiqué que les normes environnementales sont abaissées pour autoriser les projets miniers au Pérou, en Bolivie, en Colombie et en Équateur[40].

Selon M. Haslam, les mines à ciel ouvert, dont l’empreinte écologique est souvent plus grande, sont l’un des principaux éléments permettant de prédire l’éclosion de conflits sociaux, ce qui montre qu’il y a une corrélation entre l’incidence environnementale et la mobilisation sociale[41]. M. Arana Morales a fait valoir que la menace qui pèse sur les moyens de subsistance et l’environnement engendre de plus en plus de conflits[42]. M. Monge a demandé que le gouvernement du Canada encourage le renforcement des normes environnementales dans les pays où des sociétés canadiennes d’extraction sont en activité, surtout pour protéger les écosystèmes qui fournissent des services environnementaux essentiels[43].

Consultation et consentement

M. James Cavallaro, ancien commissaire de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), un organe de l’Organisation des États américains (OEA), a expliqué que les populations autochtones ont le droit de pouvoir fournir leur consentement préalable libre et éclairé, après la tenue de consultations approfondies, lorsqu’un projet « pourrait changer grandement le mode de vie traditionnel des Autochtones et des communautés traditionnelles[44] ». Ce droit est énoncé dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme, dans la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de 1989 de l’Organisation internationale du travail (Convention no 169) ainsi que dans des lois nationales et d’autres traités ou textes internationaux, notamment la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies. Ces textes sont interprétés dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (la Cour) et dans les décisions de la CIDH, qui instruit les plaintes individuelles de discrimination et qui renvoie les dossiers à la Cour[45].

M. Garcia Monroy a indiqué qu’en réalité les consultations sont inexistantes ou organisées de manière sélective. Dans d’autres cas, les résultats ne sont pas respectés[46]. M. Monge a dit au Sous-comité qu’au Mexique, les projets pétroliers font l’objet de consultations, mais pas les projets miniers[47]. Il a indiqué que les populations autochtones ne sont pas les seules à réclamer des consultations et le droit à un consentement préalable libre et éclairé[48]. Des témoins ont exprimé leurs préoccupations concernant l’équité et l’inclusion. Selon M. Gustavo Lozano, du Mexican Network of Mining Affected People, les négociations, s’il y en a, se déroulent dans un contexte où les pouvoirs sont déséquilibrés entre des entreprises relativement bien munies  et des populations touchées par un projet. Celles-ci acceptent les conditions du projet « parce qu’elles n’ont pas d’autres options », mais le consentement obtenu n’est pas vraiment libre ou éclairé[49]. M. Pesce trouve inquiétant que les entreprises ne prennent pas suffisamment en compte les groupes vulnérables, comme les femmes, dans le cadre de leurs consultations. Selon lui, leur capacité d’identifier et de contacter ces groupes est « assez faible »[50]. M. Tarik Khan, directeur général, Direction générale de l’Amérique centrale et Caraïbes, Affaires mondiales Canada, a précisé qu’il est « tout à fait possible d’envisager une plus forte participation des femmes » dans les processus de consultation, ce qui permettrait peut-être de mieux comprendre les répercussions d’un projet donné dans une collectivité[51].

Emploi et développement économique

M. Tyler Gillard, de l’OCDE, et M. McMullen ont fait valoir que le secteur de l’extraction crée des emplois directs, mais aussi des emplois indirects dans les entreprises locales qui fournissent les biens et services nécessaires. Ils ont aussi insisté sur le fait que les projets d’extraction sont un moyen de transférer des compétences aux populations locales[52]. M. McMullen a mentionné que les minières canadiennes créent des centaines de milliers d’emplois « parmi les mieux rémunérés[53] ». Toutefois, M. Webber, maître de conférences à l’École de politiques et de relations internationales de l’Université Queen Mary, à Londres, a plutôt soutenu que l’industrie minière crée très peu d’emplois par dollar investi, surtout par comparaison avec d’autres industries ayant une moins grande incidence sur les moyens de subsistance des populations locales et l’intégrité de l’environnement[54]. Selon M. Khan, les « entreprises rencontrent aussi des difficultés lorsque vient le temps de faire participer les collectivités rurales à la chaîne de valeur », surtout les groupes vulnérables, comme les femmes[55]. Il souligne que d’autres possibilités de travailler s’offrent aux femmes à tous les échelons de la chaîne d’approvisionnement et qu’Affaires mondiales Canada « [encourage] les sociétés à être des employeurs souscrivant au principe de l’égalité d’accès à l’emploi dans le cadre de leur exploitation proprement dite[56] ».

Le Sous-comité a appris que les emplois créés par les projets d’extraction de ressources peuvent être précaires. M. Francisco Ramirez Cuellar, un avocat colombien spécialisé en droit du travail, a jugé que les conditions de travail des emplois miniers en Colombie constituent de l’exploitation, voire du « quasi-esclavage » dans certains cas[57]. M. Cuellar a ajouté que les employeurs n’adoptent aucune des mesures élémentaires nécessaires à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs[58]. M. Monge a décrit des conditions d’emploi précaires semblables dans des sites d’extraction au Pérou[59]. Les travailleurs sont souvent des sous-traitants qui ne sont pas syndiqués[60]. Ils acceptent des contrats à court terme ou travaillent sans contrat, au salaire minimum et sans avantages sociaux. De l’avis de M. Cuellar et de M. Monge, cette situation est très inquiétante, puisque certains travailleurs accomplissent des tâches souterraines dangereuses et manipulent de la machinerie lourde[61].

M. Pesce a signalé qu’il ne suffit pas d’embaucher des syndiqués pour garantir le respect de normes de diligence raisonnable. Il a constaté que, dans le cadre de leurs opérations, les multinationales ont des mécanismes de règlement des griefs inefficaces, mal compris même par des syndicats puissants, et qu’elles négligent dans certains cas de fournir l’information dans la langue locale. Selon lui, il devient encore plus compliqué, pour les sous-traitants et les travailleurs des régions rurales, d’obtenir l’information nécessaire et de communiquer de façon efficace avec la direction d’une multinationale[62].

Infrastructure et services communautaires

Des témoins ont souligné que, lorsque la gouvernance de l’État ou des administrations locales laisse à désirer, on s’attend à ce que les sociétés d’extraction de ressources agissent pour combler cette lacune. La réalité, dans la mesure où elle est différente, alimente les conflits sociaux. M. Gratton a dit au Sous-comité que l’absence de l’État était « [l]’un des plus grands problèmes », car « si les collectivités n’ont pas l’impression que le gouvernement leur donne voix au chapitre, les sociétés doivent combler cette lacune[63] ». M. Davidson a expliqué que, bien souvent, la population s’attend à ce que les sociétés canadiennes fournissent des services de base : routes, eau, électricité, soins de santé, éducation, etc.[64]. M. Cheatle, de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, et M. Chalmers ont souligné que presque toutes les sociétés prenaient des mesures concrètes pour améliorer la vie quotidienne des populations locales[65]. L’envergure des projets dépend des ressources et de la taille de chaque entreprise[66]. De nombreuses petites sociétés minières et d’exploration ne « cherchent pas la longévité » et peuvent affirmer « être pauvres[67] ». M. Davidson a déclaré qu’en définitive, les sociétés ne peuvent pas remplacer les gouvernements locaux. Ceux-ci doivent prendre leurs responsabilités et assurer la prestation des services publics ainsi que l’administration de la justice, la démocratie locale et la sécurité publique[68] ».

Répression de la dissidence

La possibilité de créer de la richesse, des débouchés et d’autres avantages, surtout en situation de pauvreté, peut déchaîner des passions « entre tenants et opposants d’un projet [d’extraction][69] ». Des personnes souhaitant protéger les avantages qu’elles retirent des projets d’extraction, y compris des représentants gouvernementaux et non gouvernementaux, ont parfois usé de violence contre les opposants à un projet. Il y a aussi eu des cas où des institutions de l’État – comme les forces de l’ordre, la magistrature et, dans certains cas, la loi – ont servi à étouffer la dissension[70]. Les protestataires font l’objet de violations des droits de la personne, des défenseurs bien connus des droits de la personne ayant même été assassinés[71]. M. Haslam a observé que, dans la plupart des cas, les sociétés responsables d’un projet ne commettent pas directement ces violations[72]. M. Gratton a affirmé que des pays qui « sont aux prises depuis des décennies avec des conflits civils, voire des guerres civiles, une piètre gouvernance et des niveaux élevés de méfiance, sont souvent en cause dans la plupart des controverses et des exemples préoccupants qui retiennent l’attention des médias[73] ». En principe, les violations des droits de la personne sont des crimes pouvant faire l’objet de poursuites, mais les États où il y a des problèmes de gouvernance ou pour qui les projets d’extraction de ressources présentent un intérêt prépondérant ne prendront pas de mesures pour assurer la reddition de comptes[74]. En plus des témoignages portant sur la violence et la criminalisation[75], le Sous-comité a recueilli des témoignages indiquant que le Honduras et le Guatemala, deux pays ayant de graves problèmes en matière de sécurité et de gouvernance, sont des cas particuliers[76]. Ceux-ci font l’objet d’une analyse détaillée un peu plus loin.

M. Haslam et les auteurs du rapport The Canada Brand, M. Imai et Mme Gardner, n’ont pas cherché à confirmer ou à infirmer les allégations selon lesquelles des sociétés canadiennes perpètrent des violations des droits de la personne[77]. Quoi qu’il en soit, le rapport The Canada Brand indique qu’il « convient de se demander non seulement si la société est impliquée directement, mais aussi si elle a contribué à créer un contexte favorisant la violence et la criminalisation[78] ». Plutôt que de se pencher sur la causalité, M. Imai et Mme Gardner, notamment, se sont penchés sur la complicité des sociétés à l’égard de la violation des droits de la personne, lorsque celles-ci permettent ou facilitent, directement ou indirectement, ces violations ou exacerbent des problèmes préexistants qui engendrent des violations des droits de la personne[79].

Violence, et assassinat et criminalisation des défenseurs des droits de la personne

Les auteurs du rapport The Canada Brand ont parlé d’une « prédominance de la violence et de la criminalisation attribuable aux interventions des forces de sécurité publiques ou privées lors de protestations organisées par des défenseurs des droits de la personne et des membres de collectivités touchées[80] ». Le rapport révèle que, de 2000 à 2015, il y a eu 34 conflits violents auxquels ont été mêlées 28 sociétés minières canadiennes, petites et grandes, dans 13 pays hispanophones d’Amérique latine[81]. Les protestations recensées s’inscrivaient souvent dans le cadre d’une mobilisation générale contre un projet mais, dans d’autres cas, il s’agissait de réactions de la collectivité à des incidents comme le déversement de cyanure ou un conflit de travail[82]. Les cas de violence et de criminalisation recensés étaient généralisés sur un vaste territoire. Il y a eu des cas de blessures dans les 13 pays étudiés, de criminalisation dans 12 pays et de décès dans 11 pays[83]. Dans le rapport, on signale que, lors de manifestations ou d’affrontements liés aux activités minières, 13 personnes ont été tuées, dont 8 activistes s’opposant à des projets et 5 policiers, agents de l’État ou travailleurs miniers. Toujours selon le rapport, les deux tiers des 363 personnes blessées lors de manifestations étaient des activistes ou des membres de la collectivité opposés aux projets[84]. Les blessures pouvaient être mineures ou importantes, les plus graves ayant mené à l’invalidité permanente des victimes[85]. Parmi les 44 décès recensés dans le rapport, 30 sont considérés comme étant des « meurtres ciblés »[86].

M. Pesce a parlé d’une attitude de méfiance envers les autorités étatiques, surtout les autorités policières ou militaires, attitude qui s’accentue à mesure que l’on s’éloigne de la capitale ou lorsque perdurent des situations de violence ou de guerre. Il a indiqué que, dans ces circonstances, les communautés autochtones, tout particulièrement, ne « font confiance à personne en uniforme[87] ». La population s’attend à ce que « la police se présente lorsque les minières en ont besoin, mais non lorsque les citoyens ordinaires ont besoin que l'État se porte à leur défense », de sorte que la police et l’armée sont perçues comme des « sous-traitants » des grandes sociétés[88]. Dans le rapport The Canada Brand, on signale que des sociétés canadiennes ont parfois demandé le concours de la police et des forces armées, qui ont pris des moyens démesurés vis-à-vis des protestataires[89]. Les défenseurs des droits de la personne d’Amérique latine ont parlé de leur expérience au Sous-comité. En Colombie, des militaires ont exercé des « pressions illégales » sur les organisateurs syndicaux, notamment au moyen d’expulsions et de représailles contre les familles des protestataires[90]. M. Monge a jugé inquiétant que les forces de police péruviennes disposent d’équipement militaire et bénéficient de l’impunité après avoir commis des violations des droits de la personne[91].

Le Sous-comité a entendu qu’en Amérique latine, il est normal de s’en prendre de façon très musclée aux défenseurs des droits de la personne et aux chefs syndicaux en utilisant l’appareil judiciaire[92]. M. Pesce a précisé que, même si cette façon de faire n’est « pas en tout temps et en tout lieu » adoptée, sa fréquence est telle que la « perception générale est que l’appareil judiciaire est compromis lui aussi et captif des intérêts commerciaux ou économiques[93] ». Le rapport The Canada Brand dénombre, entre 2000 et 2015, 709 cas de criminalisation – plaintes pénales, arrestations, détentions et inculpations – dans 13 pays[94]. En outre, le rapport fait état de nombreux cas d’arrestations de masse lors de manifestations ainsi que de lois adoptées en vue de décourager ces dernières. Il arrive aussi que les leaders des mouvements de contestation et leurs alliés deviennent la cible d’accusations criminelles sans fondement[95]. Parmi les 13 pays étudiés, c’est au Mexique que la criminalisation et les plaintes pénales étaient les plus fréquentes. C’est dans ce pays que l’on trouve 42,3 % des mandats et des plaintes et 13,2 % des arrestations, des détentions et des inculpations[96]. M. Monge a demandé aux représentants du gouvernement du Canada en Amérique latine de travailler à renverser les lois et les politiques qui criminalisent les mouvements de contestation légitime[97].

Dans d’autres cas, les violations des droits de la personne sont le fait d’acteurs non étatiques ou non identifiés. M. Lozano a évoqué la mort ou la disparition non-attribuée de 54 Mexicains qui ont refusé l’accès à leurs terres à des sociétés minières[98]. M. Belloso et Mme Gardner ont parlé du meurtre, en 2009, d’au moins quatre opposants à des projets miniers au Salvador[99]. Lorsqu’elle a été assassinée, l’une des personnes ayant défendu les droits de la personne était enceinte de huit mois et portait son enfant de deux ans dans les bras[100]. L’influence des organisations criminelles dans une région où se trouve un site d’extraction peut accroître les risques de violence et d’insécurité pour les populations locales. M. Gillard a indiqué que « la criminalité est très répandue » dans bien des régions d’Amérique latine. Il a donné l’exemple d’une organisation criminelle en Colombie qui fait des pressions sur les populations autochtones pour les inciter parfois à accepter les projets d’extraction parfois à s’y opposer, sous menace de violence[101]. Comme l’a rappelé M. Gillard, en citant le cas de la Colombie, les sociétés d’extraction risquent de contribuer à cette dynamique si elles paient des taxes et des loyers illégaux à des organisations criminelles[102] ou entretiennent des relations de convenance avec celles-ci[103].

Impunité, insécurité et violation des droits de la personne : les cas du Honduras et du Guatemala

Des témoins représentant l’industrie minière canadienne, la société civile canadienne et des défenseurs des droits de la personne d’Amérique latine ont parlé de la violence entourant l’opposition aux projets d’extraction de ressources au Honduras et au Guatemala, deux pays aux prises avec une crise de sécurité publique prolongée et où sévissent la corruption, la criminalité et l’impunité[104]. M. Rick Craig, directeur général de la Justice Education Society, a indiqué que le Honduras pourrait devenir un « narco-État », un piège que le Guatemala a réussi à éviter[105]. M. Gratton a mentionné qu’au moins deux membres de l’Association minière du Canada ont choisi de « renoncer à investir » au Honduras et au Guatemala, partiellement en raison du climat d’instabilité local[106].

Honduras

En mai et juin 2016, le Sous-comité a étudié la situation des défenseurs des droits de la personne au Honduras, dont la sécurité est en péril parce qu’ils s’opposent à des projets d’extraction, notamment des projets canadiens[107]. M. Cavallaro est d’avis que « le Honduras doit surmonter d'immenses difficultés en ce qui concerne la sécurité des citoyens, le système de justice pénale, la corruption et les droits des autochtones, entre autres. Cette grave situation est en fait une crise qui dure depuis le coup d'État de 2009[108] ». De nombreuses concessions pour des projets d’extraction des ressources et d’hydroélectricité ont été accordées à l’échelle du pays après ce coup d’État, mais selon un témoin, ces projets sont concentrés sur les terres des peuples autochtones[109]. La réforme agraire a causé des « iniquités importantes[110] ». M. Cavallaro a mentionné « les menaces, l'utilisation abusive de la force par les policiers contre les manifestants et contre les personnes qui s'opposent aux processus d'extraction, et l'assassinat de gens qui s'opposent à ces processus[111] ».

Un témoin a dit au Sous-comité que « le Honduras affichait le plus grand nombre d'assassinats de défenseurs des droits de la personne et de l'environnement au monde[112] ». De 2010 à 2015, au moins 109 militants pour l’environnement et les droits des populations autochtones ainsi que des agriculteurs ont été tués. L’une de victimes était Berta Cáceres, une militante des droits des populations autochtones renommée qui était coordonnatrice du Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH). Cet organisme s’est opposé à la construction d’un projet hydro-électrique par une entreprise hondurienne[113]. Selon M. Cavallaro, la mort de Mme Cáceres est emblématique, car « ces problèmes sont récurrents au Honduras[114] ». Il a d’abord indiqué que son décès s’est produit dans un climat général « de tension et de conflit à cause de l’industrie extractive ». Mme Cáceres a été emprisonnée et a reçu 33 menaces de mort et de blessure avant son décès, notamment de la part des autorités municipales des collectivités voisines du projet, d’une agence de sécurité privée employée par une société d’extraction, de la police militaire et des forces spéciales militaires du Honduras[115]. Elle a reçu ces menaces malgré les décisions de la CIDH exigeant que le Honduras la protège[116]. Ceci a été souligné par Mme Berta Zúniga Cáceres, la fille de Mme Cáceres et elle même membre du COPINH. Enfin, M. Cavallaro a rappelé les tentatives effectuées pour discréditer Mme Cáceres et mettre en doute le motif des auteurs de son mort[117]. Des témoins ont conclu que le meurtre de Mme Cáceres était ciblé[118].

M. Cavallaro a fait remarquer ceci : « [c]hose regrettable et même vraisemblable au Honduras, on attribue souvent à la criminalité ordinaire les meurtres sur commande ciblant activistes, procureurs et juges. C'est parce que la violence et les homicides sont monnaie courante et échappent à tout contrôle[119] ». M. Cavallaro a indiqué qu’il est courant d’employer des agents de sécurité privés au Honduras, et que ceux-ci ont l’habitude d’intimider les militants autochtones. Selon lui, il y a environ 60 000 agents de sécurité privés au Honduras, par rapport à environ 14 000 policiers. Les mesures de contrôle qui régissent l’action de ces agents de sécurité, qui travaillent souvent avec le soutien de la police, sont « très laxistes » même si ces agents sont armés et aptes à utiliser une force létale[120]. Certes, des individus ont été condamnés pour le meurtre de Berta Cáceres, mais les témoins ont soutenu que les principaux instigateurs de ce meurtre n’ont pas été tenus responsables[121]. Des témoins ont souligné que l’impunité est la norme au Honduras et que le système judiciaire et la police nationale ont perdu la confiance de la population[122]. M. Cavallaro s’est dit très inquiet pour l’indépendance judiciaire, car des juges et des procureurs ont été congédiés, menacés ou assassinés[123].

Guatemala

Selon M. Haslam, « le Guatemala offre un exemple extrême de faible gouvernance, ce qui n'est jamais une bonne nouvelle pour les droits de la personne[124] ». M. Craig est d’avis que le Guatemala est aux prises avec une crise généralisée de sécurité publique et que, même si les choses s’améliorent, il reste encore « beaucoup de batailles à livrer[125] ». Selon le rapport The Canada Brand, le Guatemala est une aberration en ce qui a trait à la violence physique. Quatre projets d’extraction au Guatemala ont été à l’origine de 27,3 % des décès, de 50 % des disparitions, de 22 % des blessures et de 73,3 % des cas de violence sexuelle dans 13 pays d’Amérique latine au cours de 15 années[126]. M. Webber est d’avis que l’État de droit est si chancelant au Guatemala que la probabilité que les personnes responsables fassent un jour l’objet de poursuites est « éminemment discutable »[127]. M. Garcia Monroy a informé le Sous-comité qu’un juge avait offert de l’argent à son organisation, Youth Organized in the Defense of Life, pour qu’elle abandonne les poursuites contre le chef de la sécurité d’une mine locale. La personne en cause est parvenue à quitter le Guatemala en 2015, même si elle était sous garde policière[128].

Mme Gardner a parlé d’un conflit persistant entourant une mine canadienne au Guatemala qui a débuté en 2011. Pour la période de 2013 à 2015, elle a trouvé des témoignages crédibles concernant sept décès liés à des conflits et à des interventions policières, dont trois assassinats. Dans un cas, le personnel de sécurité de la mine a tiré sur six agriculteurs et un étudiant, lors d’un rassemblement pacifique à la mine. Mme Gardner a aussi parlé de l’enlèvement de quatre dirigeants autochtones qui avaient observé la tenue d’un scrutin local, de l’assassinat et de la tentative d’assassinat de militants locaux participant à l’organisation de référendums ainsi que du harcèlement et du meurtre d’employés d’une ONG locale qui offre un appui juridique à des collectivités ayant intenté des poursuites contre la société minière[129].

Documentation et transparence

M. Haslam a précisé que, malgré le « grand nombre » de cas problématiques en Amérique latine, il y avait un manque surprenant de données généralisables établissant une corrélation entre les activités d’extraction, les conflits sociaux et les violations des droits de la personne[130]. Même si « chaque situation est unique[131] », comme l'a dit M. Lozano, les auteurs du rapport The Canada Brand font valoir qu’« il faut envisager chaque cas en Amérique latine à la lumière d’une tendance plus générale. Une étude plus approfondie de chaque cas pourrait aussi révéler des pistes de liens qui devraient être examinées davantage[132] ».

Les analyses de M. Haslam et des auteurs du rapport The Canada Brand reposent sur des comptes rendus d’ONG locales et de médias[133]. Les auteurs du rapport The Canada Brand ont aussi signalé des cas où des conflits sociaux ont été déclarés par les sociétés mères canadiennes cotées en bourse, qui sont visées par des exigences provinciales en matière de déclaration[134]. Les auteurs du rapport The Canada Brand ont indiqué que sans budget pour mener leurs propres enquêtes, ces déclarations étaient essentielles[135]. Des témoins ont exprimé des inquiétudes quant aux rapports publics insuffisants.[136]. Les déclarations « incluent rarement des renseignements biographiques ou le nombre total de personnes touchées par la violence » et souvent, dans les cas de manifestations ou de barrages routiers, les actes de violence s’y rapportant ne sont même pas évoqués[137]. À l’échelon fédéral, M. Imai et M. Monge ont recommandé que le gouvernement du Canada envisage de développer l’Initiative pour la transparence dans les industries d’extraction (ITIE) afin que celle-ci tienne compte des répercussions sociales et environnementales[138]. L’ITIE est une norme mondiale adoptée par 51 pays, dont le Mexique, le Guatemala et le Pérou, qui vise la transparence des processus financiers et juridiques dans le domaine des ressources naturelles[139]. Le Canada appuie l’ITIE et siège actuellement au conseil d’administration[140].

Initiatives de responsabilité sociale des entreprises du secteur privé

Les témoins sont d’accord pour dire qu’« il vaut mieux en affaires procéder de manière responsable[141] ». M. Gillard a expliqué que des pratiques commerciales responsables contribuent à la sécurité des activités minières et de la chaîne d’approvisionnement. À ce sujet, il a affirmé ceci :

[l]'absence d'un engagement réel des parties concernées sur place peut compromettre les opérations, créer un risque d'exploitation pour les compagnies, voire forcer des fermetures. Dans la chaîne d'approvisionnement, l'implication possible d'organisations criminelles pourrait entraîner des obligations en droit et compromettre l'accès stratégique. En fait, la rentabilité est une affaire de long terme[142].

M. Cheatle a fait valoir que le secteur de l’extraction s’est « considérablement [soucié] des moyens de collaborer avec les gouvernements, les collectivités locales et la société civile pour améliorer les relations et réduire les possibilités de conflit[143] ». M. Gratton a manifesté son accord en déclarant que, « [a]vec l'aide du gouvernement, l'industrie minière canadienne contribue au relèvement des normes partout dans le monde, ce dont nous devrions être fiers[144] ». M. Haslam a remarqué qu’en Argentine, au Brésil, au Chili, au Mexique et au Pérou[145], les sociétés canadiennes parvenaient mieux à éviter les conflits que celles d’autres pays, surtout dans les collectivités plus pauvres[146]. La probabilité qu'une société détenue par des intérêts locaux connaisse un conflit social se situe entre 5 % et 7 %; ce chiffre grimpe à 21 % pour les sociétés canadiennes, et à 27 % ou 28 % pour les sociétés étrangères n’appartenant pas à des intérêts canadiens[147].

Pour les entreprises, la gestion des défis sera plus ou moins difficile selon la taille de l’entreprise, qui se mesure par la valeur marchande des actions en circulation (capitalisation boursière)[148]. Selon M. Pesce, les difficultés des petites sociétés viennent du fait qu’elles comptent beaucoup sur les gouvernements des pays hôtes pour obtenir de l’information ou d’autres formes d’aide. Il a précisé que les petites sociétés se fient davantage aux autorités locales pour savoir avec qui communiquer et comment procéder, mais que ces autorités sont perçues par les communautés touchés comme étant très corrompues ou incompétentes[149]. M. Haslam a constaté que les petites entreprises en Argentine, au Brésil, au Chili, au Mexique et au Pérou sont moins exposées à des conflits sociaux que les sociétés de taille moyenne[150]. Il a émis l’hypothèse que les sociétés en plein essor ont du mal à gérer l’accroissement des impacts de leurs activités sur la communauté et l’environnement[151]. M. Davidson a indiqué que les grandes sociétés peuvent éprouver des problèmes lorsque le siège social fait de la microgestion, car les conditions sur le terrain sont mal comprises[152]. M. Haslam s’est dit d’accord, ajoutant que :

[…] l'efficacité dépend de la compétence du personnel sur le terrain et de sa capacité à prendre des décisions importantes pour la collectivité, qui peuvent avoir une incidence sur des aspects clés d'un projet. Dans la réalité, on constate souvent un déficit de gouvernance entre les décisions prises au siège social et leur mise à exécution sur le terrain[153].

Pour illustrer les progrès accomplis par l’industrie de l’extraction face aux préoccupations en matière des droits de la personne, des témoins représentant l’ACPE et l’AMC ont expliqué leurs plans de RSE au Sous-comité. En 2004, l’AMC a mis en place son initiative Vers le développement minier durable (VDMD)[154]. Cette initiative prévoit l’évaluation du rendement sur chaque site ainsi que la vérification indépendante de la performance et de la production de rapports publics, et ses activités sont supervisées par un groupe consultatif national constitué de divers intervenants[155]. Si un membre de l’AMC ne respecte pas les normes VDMD, il risque d’être expulsé et d’avoir une « tache sur sa réputation », sans autres conséquences toutefois[156]. La participation à l’initiative VDMD s’applique obligatoirement aux installations canadiennes des sociétés membres, mais pas aux activités internationales de celles-ci[157]. Néanmoins, certains membres de l’AMC appliquent ces principes à leurs projets au Canada et à l’étranger[158]. L’Argentine, ainsi que la Finlande et le Botswana, sont en train d’implanter les normes VDMD sur leur territoire, principalement grâce au travail du Service des délégués commerciaux du Canada[159].

Selon M. Gratton, les normes et pratiques exemplaires véhiculées par l’initiative VDMD ne prévoient pas que les sociétés contribuent à l’infrastructure locale, puisque c’est au pays hôte de fournir ce genre de services. Comme M. Gratton l’a expliqué, la première manifestation de la responsabilité sociale consiste à mettre en œuvre des normes élevées, à obtenir la participation des intervenants locaux aux projets et à protéger l’environnement de même que les travailleurs[160].

L’AMC exige aussi que ses membres mettent en œuvre les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne[161]. Ces principes ont été établis en 2000 par les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni, en collaboration avec des représentants d’ONG et des secteurs de l’extraction et de l’énergie. Ils visent à aider les entreprises à « assurer la sûreté et la sécurité de leurs opérations à l’intérieur d’un cadre opérationnel qui favorise le respect des droits de la personne[162] ». Ils comprennent notamment des lignes directrices concernant l’évaluation des risques opérationnels ainsi que les interactions avec les forces de sécurité publiques et les entreprises de sécurité privées[163]. L’AMC exige que les membres mettent en place des systèmes de gestion de la sécurité conformes à ces principes[164].

En 2009, l’ACPE a établi des lignes directrices que les membres sont encouragés à suivre, soit les e3 Plus, qui fournissent un cadre d’exploration responsable[165]. En voici certains principes : « Adopter une gouvernance et une gestion responsables »; « Respecter les droits de la personne » et « Obtenir la participation des communautés d’accueil et des autres parties touchées ou intéressées ». À cela s’ajoutent trois boîtes à outils portant sur la responsabilité sociale, la gérance de l’environnement et la santé et la sécurité[166].

Remises en question et critiques des stratégies de responsabilité sociale des entreprises du secteur privé

M. Haslam a expliqué que les codes de RSE de l’industrie « doivent être précis, mesurables et comporter des exigences de rapport et de contrôle par des tiers pour devenir des mécanismes efficaces d'autogouvernance[167] ». Des témoins extérieurs au secteur de l’extraction ont remis en question l’efficacité des initiatives de l’industrie, comme les initiatives VDMD ou e3 Plus, dans le cas des activités d’extraction à l’étranger. Malgré « la volonté et l’ouverture » de l’industrie extractive canadienne quant à l’adoption de codes de conduite de RSE, M. Pesce a constaté que les difficultés associées à leur implantation étaient mal comprises et que rien n’indiquait que ces normes étaient vraiment mises en œuvre sur le terrain[168].

Les auteurs du rapport The Canada Brand font valoir que les codes de RSE « présentent des problèmes structurels profonds liés au fait qu’ils sont non exécutoires et adoptés de façon volontaire. Ils ne prévoient aucun mécanisme d’enquête et ne permettent ni de pénaliser les sociétés ni d’indemniser les victimes[169] ». Ainsi, les auteurs ont remarqué que, malgré l’optimisme entourant leur mise en place, les principes volontaires se sont avérés peu efficaces. Amnistie internationale, qui a contribué à la création de ces principes, s’est retirée du groupe fondateur constitué de divers intervenants en 2013 parce que l’initiative « peine à mettre en place des systèmes efficaces de reddition de comptes pour les entreprises membres[170] ». M. Gratton a admis que l’adoption et la mise en œuvre des initiatives de RSE constituent un « travail en cours » pour les sociétés minières canadiennes en Amérique latine[171].

La Stratégie du gouvernement du Canada relative à la RSE de l’industrie extractive

La Stratégie de 2014 relative à la RSE du gouvernement du Canada décrit les normes que doivent respecter les sociétés canadiennes ainsi que les différents mécanismes utilisés pour promouvoir la RSE au sein des sociétés canadiennes d’extraction présentes à l’étranger, dont en Amérique latine[172]. Les programmes canadiens d’aide au développement visent à lutter contre les origines profondes – comme la mauvaise gouvernance et les inégalités économiques – des conflits sociaux qui surgissent près des projets d’extraction[173].

La Stratégie de 2014 a permis d’améliorer la première Stratégie du gouvernement du Canada relative à la RSE, lancée en 2009 après la tenue de tables rondes avec des représentants de l’industrie (dont l’ACPE et l’AMC)[174]. Conformément à la stratégie de 2014, le gouvernement du Canada s’engage à aider le secteur canadien de l’extraction à comprendre et à déployer les pratiques exemplaires de RSE en promouvant et en renforçant les principes de RSE; en favorisant l’établissement de réseaux et de partenariats; en facilitant le dialogue en vue du règlement des différends; et en renforçant le cadre influant sur les pratiques commerciales responsables[175].

M. Cheatle a qualifié la Stratégie de 2014 relative à la RSE de « modèle […] de progrès[176] ». Voici ce qu’a indiqué M. Davidson lors de son témoignage :

[d]e tous les pays de l'OCDE qui ont dans leur sein des entreprises minières d'intérêts étrangers, le Canada a adopté, à mon avis, la démarche la plus progressive et la plus audacieuse pour favoriser et tenter d'assurer au mieux le comportement responsable et respectueux des droits de la personne de la part de ses propres entreprises[177].

Cependant, le Sous-comité a été informé qu’il y a toujours une « grande possibilité d’amélioration[178] » en ce qui concerne la mise en œuvre de la stratégie. M. Davidson a souligné que le Canada se bute à des obstacles et n’arrive pas à régler la totalité du problème « compte tenu de l’ampleur et de la portée de ses activités [d’extraction] […], sans compter les contraintes et limites des mécanismes en place[179]. » Ainsi, le gouvernement doit « fonctionner en présumant que les sociétés agissent de bonne foi [et] bien souvent, [il dépend] des autres pour que des situations difficiles soient portées à [son] attention[180]. »

Initiatives en matière de diplomatie et de développement

Comme l’indique la Stratégie de 2014 relative à la RSE, le gouvernement du Canada prend part à différentes initiatives en matière de diplomatie et de développement pour lutter contre les violations des droits de la personne liées à l’extraction des ressources naturelles en Amérique latine. AMC forme ses diplomates pour qu’ils sachent reconnaître d’éventuels problèmes liés à des projets canadiens d’extraction à l’étranger. Selon M. McMullen : « Nous nous attendons à ce que [nos diplomates] élèvent la voix lorsqu’ils croient observer une situation d’injustice[181]. » Il a toutefois ajouté qu’AMC ne tient pas de dossiers des problèmes soulevés par les diplomates[182]. Les diplomates sont formés pour conseiller les dirigeants des projets d’extraction en ce qui concerne les bonnes pratiques de gouvernance; ils peuvent demander des conseils au conseiller en RSE du Canada et à d’autres représentants d’AMC[183]. On s’attend en outre à ce que les diplomates « utilisent leur pouvoir de mobilisation pour rassembler les factions polarisées », de manière à trouver des solutions à d’éventuels problèmes liés à des projets canadiens d’extraction à l’étranger[184]. M. Imai a indiqué que les ambassades canadiennes en Amérique latine « doivent jouer un plus grand rôle dans la surveillance des activités des entreprises de leur pays[185]. »

M. Webber a déclaré que les diplomates canadiens privilégient la promotion et la facilitation des investissements miniers canadiens, au détriment des effets négatifs que ces investissements peuvent avoir sur les collectivités locales[186]. M. Webber a recommandé que le gouvernement du Canada, dans le cadre de ses initiatives diplomatiques, respecte « la volonté exprimée par les gens ordinaires, et pas seulement celle des gouvernements latino-américains, qui ne sont pas toujours représentatifs du peuple[187]. » Mme Zúniga Cáceres a illustré cette préoccupation et a critiqué le rôle joué par les diplomates canadiens dans l’élaboration d’une mesure législative, au Honduras, qui a permis de faire en sorte que des projets problématiques d’extraction des ressources aillent de l’avant[188].

AMC finance aussi des programmes d’aide au développement qui visent à « [renforcer] les capacités locales et nationales afin de gérer l'extraction des ressources de manière responsable et en toute conformité avec les normes liées aux droits de la personne[189]. » Cette aide au développement permet de s’attaquer aux causes profondes des violations des droits de la personne liées à l’extraction des ressources naturelles en Amérique latine, dont la mauvaise gouvernance et les inégalités économiques. Comme l’a indiqué M. McMullen :

Bien que les meilleurs résultats soient obtenus sur le terrain, un projet, une collectivité et une entreprise à la fois, nous reconnaissons également que la meilleure solution est que ces pays développent eux-mêmes des capacités de gouvernance. Nous avons comme priorité d'aider les gouvernements de la région à renforcer ces capacités de gestion durable des ressources naturelles, conformément à la nouvelle politique canadienne d'aide internationale féministe[190].

Certains projets financés par AMC portent sur des enjeux qui vont au-delà du secteur de l’extraction. Par exemple, M. Craig a dirigé un projet visant à renforcer les systèmes de justice au Honduras, au Guatemala et au Salvador, particulièrement en rendant les services de police plus professionnels. Ce projet a été financé par le Programme visant à renforcer les capacités de lutte contre la criminalité d’Affaires mondiales Canada[191]. D’autres projets visent spécifiquement à renforcer la capacité des collectivités locales de profiter des projets existants d’extraction des ressources. Par exemple, les projets qui relèvent de l’Initiative régionale andine d’AMC en Bolivie, en Colombie et au Pérou sont axés sur le renforcement des capacités des institutions (dans le but de planifier et de réaliser des investissements qui contribuent au développement durable), sur la formation et l’assistance technique en ce qui concerne les pratiques exemplaires de RSE, ainsi que sur le soutien aux initiatives locales visant à promouvoir le développement communautaire durable[192].

En conséquence, le Sous-comité formule les recommandations suivantes :

Recommandation 1 – Réduire l’incidence négative des projets d’extraction de ressources et répartir leurs bénéfices plus équitablement

Que le gouvernement du Canada soutienne les partenaires du développement qui permettent aux populations locales de profiter des projets d’extraction des ressources et d’atténuer  leurs répercussions potentiellement négatives sur le plan social et environnemental, particulièrement au sein des collectivités autochtones, des collectivités axées sur l’agriculture, chez les femmes et chez les autres groupes vulnérables. Le gouvernement du Canada doit également axer ses efforts diplomatiques sur la répartition des bénéfices et sur la réduction des répercussions négatives des projets d’extraction des ressources du secteur privé, notamment en renforçant les efforts visant à documenter les conflits sociaux liés aux projets d’extraction des ressources et la réponse du gouvernement hôte.

Recommandation 2 – Mettre fin à l’impunité dont jouissent les responsables de violations des droits de la personne en accordant la priorité à la bonne gouvernance

Que le gouvernement du Canada continue de soutenir les partenaires multilatéraux et les partenaires du développement qui se concentrent sur la lutte contre la corruption, le crime et l’impunité dans les États hôtes d’Amérique latine, notamment en rendant les services de police plus professionnels et en renforçant les systèmes de justice. Le gouvernement du Canada devrait également tirer parti de ses relations diplomatiques pour aborder la question des causes systémiques de la corruption et de l’impunité avec les gouvernements hôtes.

Normes, sanctions et mécanismes de la Stratégie relative à la RSE

Dans le cadre de l’engagement pris par le gouvernement du Canada de promouvoir et de renforcer les principes de RSE, la Stratégie de 2014 vise à encourager les entreprises à respecter les normes internationales, notamment les Principes volontaires, les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (les Principes directeurs de l’ONU) et les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (les Principes directeurs de l’OCDE)[193].

Les Principes directeurs de l’ONU, coparrainés par le Canada, ont été approuvés à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2011[194]. Ils reposent sur trois piliers : l’obligation des États de protéger leur population contre les atteintes aux droits de la personne par des tiers; la responsabilité des entreprises de respecter les droits de la personne; et un meilleur accès des victimes à des processus de recours efficaces, tant judiciaires qu’extrajudiciaires. Le Groupe de travail de l’ONU sur les entreprises et les droits de l’homme est chargé de la promotion et de la mise en œuvre des Principes directeurs de l’ONU[195].

Les Principes directeurs de l’OCDE contiennent des recommandations non contraignantes sur la conduite responsable des entreprises multinationales exerçant leurs activités dans les pays adhérents, ou à partir de ces pays. Selon M. Gillard, 48 gouvernements ont adhéré aux Principes directeurs de l’OCDE, qui couvre environ 85 % de l’investissement étranger direct mondial et une part énorme du commerce mondial[196]. Cet instrument juridique porte sur des sujets comme les droits de la personne, les pratiques du travail, l’environnement et la corruption. Le chapitre sur les droits de la personne est conforme aux Principes directeurs de l’ONU[197].

La Stratégie de 2014 relative à la RSE prévoyait deux « mécanismes de facilitation du dialogue », conçus pour aider à résoudre les différends entre les communautés et les sociétés canadiennes d’extraction. Le premier mécanisme est un PCN, que les gouvernements adhérents aux Principes directeurs de l’OCDE sont tenus de créer. Le PCN est chargé de promouvoir les Principes directeurs de l’OCDE au sein des entreprises multinationales et de participer à la résolution des différends résultant d’allégations de non-respect de ces principes[198]. Le second mécanisme est le Bureau du conseiller en RSE, qui joue principalement un rôle de prévention et qui est mis à la disposition des parties dès les premières étapes d’un différend. Les cas plus compliqués qui requièrent un processus de médiation officiel sont renvoyés au PCN canadien par le conseiller en RSE[199]. Jusqu’à la fin de son mandat en mai 2018, le conseiller en RSE présentait des conseils et des recommandations en toute franchise au ministre du Commerce international, de qui il relevait directement[200].  Le Bureau du conseiller en RSE du Canada comptait deux employés techniques subalternes et fonctionnait avec un « soutien administratif et budgétaire restreint. »[201] Le 17 janvier 2018, le gouvernement du Canada a annoncé la création d’un nouveau poste d’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE), ainsi que celle d’un groupe consultatif multipartite en ce qui a trait à la conduite responsable des entreprises[202]. Les fonctions du Bureau du conseiller en RSE seront intégrées au mandat de l’OCRE. Toutefois, le mandat du PCN se poursuivra[203]. Les fonctions, les forces et les faiblesses du PCN du Canada du conseilleur en RSE seront abordés plus en détail ci‑dessous.

Point de contact national du Canada conformément aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales

Le PCN du Canada est un comité interministériel qui est actuellement composé des ministères suivants : AMC, Environnement et Changement climatique Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Emploi et Développement social Canada, Affaires autochtones et du Nord Canada, et Finances Canada[204]. Selon M. McMullen, la nature interministérielle du PCN donne « accès à un large éventail de ressources, d'expertise et d'expérience dans des domaines comme les droits environnementaux, la main-d'œuvre, les droits de la personne, la fiscalité ou les droits des peuples autochtones[205]. »

Conformément aux principes directeurs de l’OCDE, le PCN du Canada joue un double rôle. Premièrement, il promeut et favorise le respect des principes directeurs de l’OCDE au sein des entreprises canadiennes[206]. Deuxièmement, il entend des affaires, appelées « cas particuliers », qui peuvent être soumises par quiconque le souhaite, mais qui le sont généralement par des ONG, des syndicats ou des particuliers dont les droits protégés par les principes directeurs de l’OCDE ont été bafoués[207]. En règle générale, le PCN du Canada s’occupe de questions liées à des entreprises multinationales menant des activités au Canada, de même qu’à des entreprises multinationales canadiennes menant des activités dans des pays où il n’y a pas de PCN[208].

On étudie tout d’abord les dossiers soumis au PCN afin de déterminer s’ils nécessitent un examen plus poussé, en fonction des Principes directeurs. Lorsque la demande est admissible, le PCN offre un « forum de discussion », qui peut prendre la forme d’un exercice de médiation professionnelle ou d’un processus de dialogue. Mme Kathryn Dovey, de l’OCDE, a souligné que dans tous les cas, il s’agit d’« un exercice non judiciaire[209]. » Le PCN rend compte publiquement des affaires conclues[210]. Le processus de traitement d’un dossier prend en moyenne douze mois : trois mois pour décider d’accepter le dossier ou de le refuser, six mois pour le processus de médiation et trois mois pour clore le dossier[211].

M. Pesce a jugé le PCN du Canada « excellent[212] ». M. Imai et Mme Gardner, cependant, se sont indignés que le PCN du Canada, « contrairement à d’autres PCN de l’OCDE dans les États participants », n’offre ses bureaux que pour un « dialogue » et ne mène pas d’enquête sur les plaintes déposées. Ainsi, si les deux parties refusent de prendre part à la médiation, le dossier est clos sans autre forme d’enquête[213]. C’est ce qu’a démontré, en 2015, un dossier soumis au PCN visant une filiale canadienne d’une société minière chinoise détenue par l’État. La filiale canadienne a refusé de participer au processus du PCN. M. Imai et Mme Gardner ont conclu ce qui suit :

La seule sanction dont disposait le PCN était de soutenir qu’à l’avenir, le gouvernement du Canada pourrait tenir compte du manque de participation au processus lorsqu’il déciderait si l’ambassade canadienne devait offrir du soutien à China Gold. Comme la société mère était une société d’État chinoise, elle n’aurait pas besoin du soutien diplomatique de l’ambassade canadienne. La sanction invoquée par le PCN était donc vide de sens[214].

Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises de l’industrie extractive

Comme nous l’avons déjà mentionné, les fonctions du conseiller en RSE seront éventuellement intégrées au mandat de l’OCRE[215]. Selon M. Davidson, le Bureau du conseiller en RSE adoptait « une approche proactive et préventive pour promouvoir les pratiques exemplaires et réduire le risque de conflit associé aux projets d’extraction[216] ». Les tâches du conseiller consistaient à faire des allocutions publiques, à rencontrer des entreprises et d’autres intervenants afin d’expliquer et de promouvoir les objectifs du Canada en matière de RSE, et de communiquer directement avec une entreprise lorsqu’une situation attirait son attention sur un site de projet[217]. Le Bureau du conseiller en RSE servait également de ressource à l’égard des pratiques exemplaires en matière de RSE pour les entreprises, les représentants du gouvernement et la société civile, ce qui l’amenait à répondre à des demandes de conseils de la part de ces intervenants sur des situations précises[218]. M. Davidson a indiqué qu’il estimait qu’il faudrait une approche hybride et qu’il faudrait consacrer davantage de ressources au mécanisme de prévention. Il a ajouté qu’il faudrait renforcer les mécanismes de surveillance réglementaire et judiciaire[219].

En sa qualité de conseiller en RSE, M. Davidson s’est rendu dans six pays d’Amérique latine : le Pérou, le Honduras, le Guatemala, le Panama, l’Argentine et la Colombie. M. Davidson a profité de ces voyages pour tenir des consultations avec différents intervenants et pour visiter des sites de projet afin de constater « de quelle manière ces entreprises traitent les enjeux et les répercussions sociales et environnementales, de quelle manière ils bâtissent des relations avec les collectivités locales et les autorités gouvernementales, et de quelle manière les intervenants et les populations locales perçoivent leur présence et réagissent[220]. » En Colombie, le bureau de M. Davidson a coordonné et animé un dialogue réunissant de multiples intervenants sur les rôles et responsabilités du gouvernement, de la société civile et du secteur de l’extraction dans l’établissement de la paix dans un pays émergeant d’un conflit[221]. Au Honduras, M. Davidson et l’ambassadeur canadien ont rencontré des représentants des communautés, des ONG, le commissaire national des droits de la personne et des chefs de chantier afin de trouver des solutions aux éventuels différends entre les communautés et les sociétés canadiennes du secteur de l’extraction[222].

Comme nous l’avons déjà indiqué, le conseiller en RSE était également habilité à examiner les allégations visant des sociétés canadiennes du secteur de l’extraction ainsi que les mesures prises par ces dernières. La participation au processus d’examen était volontaire pour tous les participants et nécessitait le consentement écrit des parties. Le site Web du Bureau du conseiller indique que le processus d’examen :

met l’accent sur le dialogue et la résolution constructive des problèmes. Il permet aux personnes ayant des opinions et des intérêts différents de collaborer pour trouver des solutions mutuellement acceptables en vue de régler des différends ou des questions. Le Bureau du conseiller en RSE est une tierce partie neutre en matière de règlement des différends. Cela signifie que nous aidons les personnes à trouver des solutions, mais nous ne prenons pas partie[223].

M. Davidson a indiqué au Sous-comité que le Bureau du conseiller en RSE avait reçu six demandes d’examen, qui ont toutes été réglées avant le départ, en 2014, de l’ancienne conseillère du Canada, Mme Marketa Evans[224]. Sur les six demandes d’examen, trois ont été interrompues lorsque les sociétés se sont retirées du processus de règlement des différends[225]. M. Haslam a vanté les efforts déployés par le conseiller en RSE pour collaborer avec les entreprises, mais il a souligné que la Stratégie de 2014 relative à la RSE ne fournissait pas au conseiller les « instruments […] disciplinaires » dont il a besoin pour être réellement efficace[226].

Recommandation 3 – Maintenir le rôle de prévention du conseiller en RSE de l’industrie extractive

Que le gouvernement du Canada veille à ce que le rôle de prévention et d’éducation du conseiller en RSE de l’industrie extractive, y compris les rencontres avec des représentants de l’industrie et d’autres intervenants au Canada et en Amérique latine, dans le but de promouvoir les mécanismes en RSE soit maintenu dans le cadre du mandat de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises.

Évaluation de l’efficacité antérieure des mécanismes de RSE

M. Pesce a soulevé des préoccupations quant au manque de cohérence et de clarté des différents mécanismes de RSE internationaux, nationaux et internes, qui peut entraîner de la confusion sur le terrain et constituer « l’excuse parfaite pour l’inaction[227] ». Il a souligné l’importance d’harmoniser ces outils avec les Principes directeurs de l’ONU, de même que d’améliorer la surveillance des activités des sociétés d’extraction à l’étranger. Il a ajouté que les attentes à l’égard des sociétés d’extraction devraient être énoncées plus clairement dans la stratégie de 2014, particulièrement en ce qui concerne la diligence raisonnable à l’égard des droits de la personne. Il a proposé que le Canada prenne part au partage de pratiques exemplaires avec d’autres pays de l’OCDE afin de continuer à réaliser des progrès à cet égard[228].

Conformément à la Stratégie de 2014 relative à la RSE, les sociétés canadiennes d’extraction bénéficient de mesures incitatives si elles se conforment; dans le cas contraire, des sanctions s’appliquent[229]. Les mesures incitatives comprennent un soutien diplomatique accru de la part du Service des délégués commerciaux. Le non-respect des principes de RSE, notamment le fait de ne pas participer au processus de facilitation du dialogue comme le PCN de l’OCDE, peut entraîner le retrait des services des délégués commerciaux et du financement d’Exportation et Développement Canada (sur recommandation du conseiller en RSE au ministre du Commerce international)[230]. Des témoins ont rappelé que les sanctions ne sont appliquées que lorsqu’une société n’agit pas « de bonne foi[231] ». M. McMullen a souligné que le Canada « [n’hésite] pas à recourir aux sanctions afin d'encourager les entreprises à agir en toute bonne foi et à travailler avec les parties concernées pour remédier aux problèmes[232] ». À ce jour, le gouvernement du Canada a sanctionné qu’une entreprise dans le cadre de ce mécanisme, mais il en a « menacé plusieurs de sanctions pour les encourager à agir de bonne foi pour régler les problèmes[233]. »

Le Canada est le seul pays au monde à imposer des sanctions aux entreprises qui ne se conforment pas aux règles[234]. John Ruggie, auteur des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies, a d’ailleurs salué l’adoption de ces sanctions, estimant qu’elles constituent « une initiative de premier plan au niveau mondial[235]. » M. Webber a toutefois soutenu que les conséquences prévues dans la Stratégie de 2014 relative à la RSE en cas de non-respect des principes ne sont pas suffisantes « pour tenir les sociétés canadiennes comptables de leurs activités à l'étranger, justement parce que la sanction maximale est une menace de les priver de soutien diplomatique. Il s'agit d'un mécanisme volontaire[236]. »

Le Sous-comité a appris que les communautés touchées par les projets canadiens d’extraction ne savent parfois pas que ces mécanismes existent. Mme Dovey, par exemple, a reconnu que le PCN de l’OCDE est un « mécanisme méconnu », malgré le potentiel qu’il offre pour faire de la médiation et régler des différends complexes[237]. Depuis 2013, le Bureau du conseiller en RSE n’a reçu aucune demande pour examiner un différend entre des communautés et une société canadienne d’extraction[238].

M. Pesce a raconté qu’il a déjà offert de la formation à des dirigeants syndicaux en Amérique latine et qu’il a constaté que ces derniers ne connaissaient pas les mécanismes de grief à leur disposition. Il a souligné qu’il s’agissait de travailleurs affiliés à des syndicats puissants, ce qui indique que cette méconnaissance est encore plus marquée à mesure qu’on descend la chaîne d’approvisionnement et qu’on s’éloigne des grands centres. M. Pesce a rappelé que si les travailleurs et les communautés ne connaissent pas les mécanismes mis à leur disposition, ces mécanismes échouent, quelle que soit leur efficacité lorsqu’ils sont bel et bien employés[239].

Des victimes présumées de violations des droits de la personne liées à l’extraction des ressources naturelles en Amérique latine ont cherché à obtenir réparation auprès du système judiciaire canadien, plutôt que par l’entremise des mécanismes de RSE mis en place par le Canada. Par exemple, trois poursuites ont été intentées contre des sociétés d’extraction en Colombie-Britannique et en Ontario par des communautés autochtones touchées en Amérique latine. Jusqu’à maintenant, les tribunaux ont statué qu’ils avaient la compétence à entendre ces causes, même si les violations présumées se sont produites à l’extérieur du Canada[240]. Il est difficile pour les communautés touchées d’obtenir réparation auprès des tribunaux canadiens en raison du temps qui doit être consacré au processus judiciaire et des dépenses qui y sont associées[241]. Cette situation contraste avec les mécanismes non judiciaires et moins formels du PCN et du conseiller en RSE.

M. Cheatle a indiqué au Sous-comité qu’il souhaitait la création d’un groupe multipartite comme le groupe consultatif. Il espérait que ce groupe puisse « présenter au gouvernement des recommandations quant à la structure et aux fonctions du bureau du médiateur et à d’autres moyens pouvant permettre au gouvernement du Canada de faciliter l’accès à des mesures correctives[242] ». Selon M. Cheatle, avant de pouvoir s’engager dans une réforme véritable, le gouvernement du Canada « devrait clairement établir les faits au sujet des conflits allégués […] et procéder à une analyse rigoureuse des mécanismes de recours existants » afin de faire la distinction entre « les lacunes réelles et perçues » à l’intérieur du cadre existant[243].

En conséquence, le Sous-comité formule la recommandation suivante :

Recommandation 4 – Faire une évaluation critique du rendement antérieur de la Stratégie canadienne relative à la RSE de l’industrie extractive

Que le gouvernement du Canada, avec l’aide des mécanismes de RSE, nouveaux et existants, et des fonctionnaires concernés du Service des délégués commerciaux du Canada, évalue de façon proactive la clarté et la cohérence des normes de RSE auxquelles le secteur privé est censé se conformer. Le gouvernement du Canada devrait également procéder à une évaluation critique de l’efficacité des sanctions existantes en cas de non-respect des normes de RSE et renforcer les sanctions lorsque c’est possible. L’évaluation devrait s’accompagner d’un compte rendu complet et rigoureux des préoccupations relatives aux droits de la personne touchant des projets d’extraction en Amérique latine et des mesures prises pour répondre à celles-ci.

Recommandation 5 – Avoir pour priorité de faire connaître les mécanismes de RSE du Canada

Que le gouvernement du Canada ait comme priorité de faire connaître les différents services offerts par le point de contact national pour l’OCDE et l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, surtout aux groupes les plus vulnérables touchés par l’extraction de ressources.

Création d’un bureau de l’ombudsman

Les témoins de l’industrie et de la société civile s’entendaient pour dire que le gouvernement du Canada devrait créer un bureau de l’ombudsman doté de  plus de pouvoirs d’enquête que le conseiller en RSE et le PCN[244]. Selon M. Davidson, un ombudsman aurait « davantage de ressources spéciales, une meilleure architecture pour l’exécution du mandat actuel et une architecture plus robuste qui fournirait à l’ombudsman ou au conseiller des ressources[245]. » M. Cheatle était du même avis. Il a indiqué qu’un bureau de l’ombudsman pourrait être doté de meilleurs pouvoirs d’enquête et qu’il aurait « un rôle un peu plus sévère » que le conseiller en RSE qui, selon lui, joue essentiellement un rôle de prévention[246]. Toutefois, les témoins ont présenté différents points de vue quant au mandat et aux pouvoirs à donner à l’ombudsman. Comme susmentionné, l’OCRE n’est pas encore en fonction et son mandat n’a pas encore été officialisé par décret. Le gouvernement du Canada a annoncé qu’il prendrait ces mesures « dès que possible », mais aucune date n’a été fournie[247]. La discussion qui suit vise à examiner le mandat et les pouvoirs que le gouvernement du Canada propose de donner au bureau de l’OCRE au regard des espoirs et des préoccupations exprimés par les témoins sur la création d’un tel bureau.

M. Gratton et M. Cheatle ont indiqué que le mandat d’un bureau de l’ombudsman devrait toucher tous les secteurs, et pas seulement celui de l’extraction[248]. M. Gratton a observé que cela montrerait que « le Canada souhaite vraiment promouvoir les entreprises et les droits de la personne[249] ». Si le gouvernement du Canada donne suite à son annonce, l’OCRE se concentrerait d’abord sur les plaintes portant sur les secteurs minier, gazier et pétrolier, ainsi que sur l’industrie du vêtement, mais son mandat devrait s’élargir au bout d’un an pour englober d’autres secteurs[250]. M. Gratton a également prévenu qu’un ombudsman ayant un mandat englobant de nombreux secteurs aurait besoin de plus de ressources pour bien remplir ses fonctions élargies[251].

Tel qu’annoncé, l’OCRE aurait pour mandat de se pencher sur des plaintes concernant des allégations de violations des droits de la personne causées par les activités d’une entreprise canadienne à l’étranger. Selon l’information rendue publique sur ce nouveau mécanisme, l’OCRE pourrait choisir de transmettre les plaintes au PCN aux fins de médiation, mais il lui incombera de mener des enquêtes, de présenter des recommandations aux entreprises, de surveiller la mise en œuvre de ces recommandations et de publier des rapports durant le processus. De plus, l’OCRE pourrait recommander des sanctions à l’endroit des entreprises qui ont commis des actes répréhensibles, ce qui demeure inchangé par rapport à la Stratégie de 2014 relative à la RSE (c’est-à-dire le retrait du soutien à la défense des intérêts commerciaux et du soutien financier d’Exportation et Développement Canada). En plus d’examiner des plaintes, l’OCRE serait habilité à enquêter sur des affaires de sa propre initiative, et il aurait le pouvoir d’obliger des témoins à comparaître et d’exiger que des documents soient déposés[252]. M. Gratton a souligné que la principale mission d’un bureau de l’ombudsman « ne devrait pas consister à blâmer ou à dénoncer une partie ou l’autre, surtout parce que, dans de nombreux cas, le conflit n’est pas le résultat d’un acte intentionnel ou délibéré et n’est pas imputable à une seule partie. Le médiateur devrait plutôt mettre l’accent sur le règlement des conflits[253]. » M. Cheatle a indiqué qu’un bureau de l’ombudsman devrait aussi protéger « les sociétés responsables et la réputation du Canada contre les plaintes frivoles ou vexatoires[254]. »

L’OCRE annoncé par le gouvernement du Canada disposerait de toute la latitude voulue pour lancer des enquêtes indépendantes. Il pourra aussi mener des enquêtes conjointes[255]. M. Gratton et M. Cheatle ont fait valoir que l’ombudsman devrait s’acquitter de son mandat en recourant à un processus d’enquête conjointe[256]. Dans le cadre de ce processus, une partie neutre réunirait les deux parties au conflit « afin de faciliter une entente a) sur la nature du conflit, b) sur la façon de mener l’enquête, c) sur la personne qui mènera l’enquête et d) sur les solutions appropriées[257] ». Selon M. Gratton, les enquêtes conjointes fonctionnent parce qu’elles réunissent les deux parties dès le départ, « ce qui réduit la polarisation et leur permet de revendiquer la propriété des résultats[258] ». M. Gratton estime qu’un processus d’enquête indépendant serait contre-productif parce que des conclusions indépendantes, obtenues sans consulter les intervenants pertinents, risquent de n’être reconnues par aucune des deux parties[259]. M. Imai et Mme Gardner ont rejeté cette idée. Mme Gardner a souligné que « pour être efficace, [un bureau de l’ombudsman] doit être neutre et paraître neutre[260] ». Selon M. Imai, permettre aux sociétés d’extraction de prendre part au processus d’enquête ralentirait les enquêtes lorsque ces sociétés nieraient ou contesteraient les accusations portées contre elles. Il a bien fait comprendre au Sous-comité la valeur d’une enquête indépendante, menée par un ombudsman qui n’aurait pas besoin de l’approbation des parties en cause[261].

En conséquence, le Sous-comité formule la recommandation suivante :

Recommandation 6 – Nominer un ombudsman canadien de la responsabilité de l’entreprise

Que le gouvernement du Canada respecte, le plus rapidement possible, sa promesse à l’égard de la nomination de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, et qu’il s’assure que la personne nommée connaisse à fond les préoccupations relatives aux droits de la personne touchant les projets canadiens d’extraction des ressources.

Conclusion

Le secteur canadien de l’extraction est un chef de file mondial et il représente une part importante des investisseents canadiens à l’étranger, particulièrement en Amérique latine. Le Canada entretient depuis longtemps des relations avec les pays de l’Amérique latine et il s’est taillé une bonne réputation dans la région[262]. Toutefois, les cas de violations des droits de la personne et de conflits sociaux dans les communautés situées près des projets canadiens d’extraction pourraient compromettre la réputation des entreprises canadiennes ainsi que celle du Canada.

Il est important de maintenir les investissements canadiens dans la région pour préserver les relations avec les États hôtes et pour contribuer au développement économique, dont la région a grandement besoin[263]. Toutefois, les entreprises ne devraient en aucun cas profiter de conditions locales, comme les problèmes de gouvernance et de capacité d’application de la loi, pour accroître leurs profits au détriment des droits de la personne. Comme l’a rappelé M. Pesce, dans le cadre de leurs activités à l’étranger, les entreprises doivent appliquer les mêmes normes qu’au Canada, peu importe la situation qui prévaut dans le pays hôte[264].

Les sociétés d’extraction qui décident d’investir dans des pays en développement où les institutions présentent des faiblesses et où la primauté du droit n’est pas respectée sont confrontées à des risques et à défis particuliers. Le secteur privé et le gouvernement du Canada ont reconnu cette réalité en élaborant des mécanismes de RSE pour conseiller les entreprises sur les pratiques exemplaires et pour résoudre les différends lorsqu’ils surviennent. Malgré ces efforts, les cas de conflits sociaux et de violations des droits de la personne liés à des projets canadiens d’extraction à l’étranger ont persisté. M. Haslam a indiqué que les initiatives de RSE ne sont que des outils de gestion qui peuvent favoriser l’adhésion de la collectivité. Ils ne sont « pas une panacée » et ne règlent pas les griefs sous-jacents ou les violations des droits de la personne commises contre les opposants à un projet[265]. C’est dans cette optique que le Sous-comité a recommandé que les initiatives de développement et de diplomatie du gouvernement du Canada en Amérique latine soient axées sur les causes profondes qui sous-tendent les violations des droits de la personne liées à l’extraction des ressources naturelles, notamment le partage inéquitable des bénéfices, l’absence de réglementation efficace et la corruption systémique.

Des témoins ont jugé des éléments de la Stratégie de 2014 relative à la RSE du Canada « excellents[266] » et « uniques au monde[267] ». Toutefois, des préoccupations ont été soulevées à maintes reprises à propos de l’efficacité de la stratégie, de même qu’à propos des lacunes dans sa mise en œuvre. Plusieurs témoins ont recommandé la création d’un bureau de l’ombudsman, qui serait habilité à enquêter sur les conflits sociaux et les violations des droits de la personne liés aux sociétés canadiennes d’extraction menant des activités à l’étranger, et le gouvernement du Canada a annoncé la création du poste d’OCRE peu après la fin des témoignages. Toutefois, la conversation ne s’arrête pas là. Il est possible que les mécanismes prévus dans la Stratégie de 2014 relative à la RSE du Canada ne soient pas utilisés à leur plein potentiel parce que les groupes vulnérables ne connaissent tout simplement pas leur existence. Par exemple, tant le conseiller en RSE que le PCN de l’OCDE ont entendu relativement peu de cas en médiation, comparativement au nombre de conflits liés à des projets canadiens d’extraction. Des témoins ont aussi exprimé des préoccupations en ce qui concerne la cohérence de la Stratégie de 2014 relative à la RSE du Canada avec d’autres normes internationales et normes internes, ainsi qu’en ce qui concerne l’efficacité des sanctions appliquées en cas de non-respect des principes de RSE reconnus. Le gouvernement du Canada doit s’assurer que les mécanismes de RSE règlent ces problèmes.

Comme le mandat de l’OCRE pourrait s’étendre au-delà du secteur de l’extraction des ressources, le Sous-comité estime que les préoccupations relatives aux droits de la personne touchant l’extraction des ressources en Amérique latine doivent demeurer une priorité. Par conséquent, il est important de maintenir les aspects préventif et éducatif du rôle du conseiller en RSE dans le nouveau mandat de l’OCRE. Il faut également s’assurer que la personne nommée à ce poste connaît bien les préoccupations relatives aux droits de la personne touchant l’extraction des ressources.

Les recommandations adressées au gouvernement du Canada par le Sous-comité doivent s’inscrire dans une intervention à multiples volets en cas de violation des droits de la personne liée à l’extraction des ressources naturelles en Amérique latine. Une intervention aussi dynamique est requise en raison de la complexité du problème et de la présence de nombreux intervenants, notamment la société civile, les entreprises canadiennes d’extraction et les gouvernements locaux. Il faut déployer tous les efforts possibles pour s’assurer que les entreprises canadiennes, dans le cadre de leurs activités d’extraction à l’étranger, adoptent une approche de « nivellement par le haut » axée sur le respect des droits de la personne et les pratiques de bonne gouvernance.


[1]              Par l’adoption d’une motion, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international [SDIR] a accepté d’intégrer les témoignages pertinents lui ayant été présentés avant de commencer l’étude sur l’incidence de l’extraction de ressources en Amérique latine sur les droits de la personne. SDIR, Procès-verbal, 1re session, 42e législature, 31 octobre 2017. Cette motion intègre les témoignages suivants : SDIR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 31 mai 2016; SDIR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 2 juin 2016; SDIR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 9 juin 2016; SDIR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 21 mars 2017; SDIR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 8 juin 2017; SDIR, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2017 (Lozano).

[2]              Shin Imai et Justice and Corporate Accountability Project, « The Canada Brand: Violence and Canadian Mining Companies in Latin America », Osgoode Hall Law School Legal Studies Research Paper Series, vol. 13, no 4, 2017 [The Canada Brand] [en anglais seulement].

[3]              Paul Alexander Haslam, Nasser Ary Tanimouse et Zarlasht M. Razeq, Draft: Do Canadian Mining Firms Cause Social Conflict with Communities? Quantitative Evidence from Latin America,16 juillet 2017 [rapport Haslam] [en anglais seulement].

[4]              Par exemple : SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1355 (McMullen); SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1350 (Webber); SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton) et 1320 (Cheatle).

[5]              SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton) et 1315 (Cheatle).

[6]              SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1325 (Webber).

[7]              SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1355 (McMullen).

[8]              Affaires mondiales Canada, Les membres du Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises,16 août 2018.

[9]              Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018.

[10]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton).

[11]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1320 (Webber); SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton). En 2016, environ 57 % du financement réalisé dans le secteur minier à l’échelle mondiale a été effectué à la Bourse de Toronto et à la Bourse de croissance TSX. Voir : TMX, Mines.

[12]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton).

[13]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1310 (McMullen).

[14]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton).

[15]            Ibid.; SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1310 (McMullen).

[16]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1310 (McMullen); SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1345 (Gillard).

[17]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1310 (McMullen).

[18]            Ibid.

[19]            Ibid., 1350 (McMullen).

[20]            Ibid., 1310 (McMullen).

[21]            Ibid., 1355 (McMullen).

[22]            SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1315 (Pesce).

[23]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1330 (Monge).

[24]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1320 (Davidson). Voir aussi : The Canada Brand, p. 8.

[25]            SDIR, Témoignages, 17 octobre 2017, 1330 (Lozano).

[26]            Rapport Haslam, p. 15. L’étude de M. Haslam évalue les circonstances où il y a « action collective publique, soutenue et organisée exprimant des revendications aux autorités ». Ses résultats statistiques reposent sur un ensemble de données initiales de 634 propriétés minières en Argentine, au Brésil, au Chili, au Mexique et au Pérou. Voir : rapport Haslam, p. 11 et 21.

[27]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1345 (Haslam).

[28]            Ibid., 1310 (Haslam).

[29]            Ibid., 1340 (Haslam).

[30]            Ibid.

[31]            SDIR, Témoignages, 21 mars 2017, 1305 (Arana Morales).

[32]            Ibid.

[33]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1330 (Monge). Voir aussi : SDIR, Témoignages, 21 mars 2017, 1315 (Belloso).

[34]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1330 (Monge).

[35]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1355 (Chalmers).

[36]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1330 (Monge).

[37]            Ibid.; SDIR, Témoignages, 21 mars 2017, 1315 (Belloso); SDIR, Témoignages, 8 juin 2017, 1320 (Garcia Monroy).

[38]            SDIR, Témoignages, 8 juin 2017, 1320 (Garcia Monroy).

[39]            Ibid.

[40]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1355 (Monge).

[41]            Rapport Haslam, p. 22.

[42]            SDIR, Témoignages, 21 mars 2017, 1305 (Arana Morales).

[43]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1330 (Monge).

[44]            SDIR, Témoignage, 31 mai 2016, 1355 (Cavallaro). Voir aussi : Commission interaméricaine des droits de l’homme, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights Over Their Ancestral Lands and Natural Resources: Norms and Jurisprudence of the Inter-American Human Rights System, Doc. 56/09, 30 décembre 2009, p.2-8 [en anglais seulement]. Le Canada est un état membre de l’Organisation des états américains [OEA] et reconnaît la compétence de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Toutefois, le Canada n’a pas ratifié la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Par conséquent, il ne reconnaît pas la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Voir : OEA, Charter of the Organization of American States - Signatories and Ratifications [en anglais seulement]; American Convention on Human Rights “Pact of San Jose, Cota Rica” – Signatories and Ratifications [en anglais seulement].

[45]            SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1355 (Cavallaro).

[46]            SDIR, Témoignages, 8 juin 2017, 1320 (Garcia Monroy).

[47]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1325 (Monge).

[48]            Ibid., 1330 (Monge).

[49]            SDIR, Témoignages, 17 octobre 2017, 1340 (Lozano).

[50]            SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1335 (Pesce).

[51]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1335 (Khan).

[52]            Ibid., 1315 (McMullen); SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1345 (Gillard).

[53]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1310 (McMullen).

[54]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1325 (Webber).

[55]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1335 (Khan).

[56]            Ibid.

[57]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1315-1320, 1340 (Cuellar).

[58]            Ibid., 1320 (Cuellar).

[59]            Ibid., 1355 (Monge).

[60]            Ibid., 1315 (Cuellar).

[61]            Ibid., 1315-1320 (Cuellar) et 1355 (Monge).

[62]            SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1335 (Pesce).

[63]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1355 (Gratton).

[64]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1345 (Davidson).

[65]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1340 (Cheatle) et 1340 (Chalmers).

[66]            Ibid., 1340 (Cheatle); SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1345 (Davidson).

[67]            SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1345 (Davidson).

[68]            Ibid., 1310 (McMullen).

[69]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1310 (Haslam).

[70]            Ibid., The Canada Brand, p. 17.

[71]            SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1305 (Zúniga Cáceres); SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1305 (Gardner).

[72]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1310 (Haslam).

[73]            SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[74]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1345 (Haslam).

[75]            The Canada Brand, p. 4 et p. 12 (Figure 1).

[76]            SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1335 (Cavallaro); SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1325 (Craig); SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[77]            SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1315 (Haslam).

[78]            The Canada Brand, p. 28 [traduction].

[79]            Ibid., note de bas de page 17, citation d’Ian Binnie, « Legal Redress for Corporate Participation in International Human Rights Abuses », 2009, The Brief 44.45. Voir aussi SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1320 (Cheatle).

[80]            The Canada Brand, p. 17 [traduction].

[81]            Les auteurs du rapport The Canada Brand ont consigné des incidents signalés dans au moins deux déclarations indépendantes documentant ou démontrant de manière crédible que la présence du projet dans la région a vraisemblablement contribué de façon importante à des décès, des blessures, des violences sexuelles ou à la criminalisation. Une société canadienne devait, au moment de l’incident, détenir ou exploiter le projet minier ou avoir des intérêts ou des liens étroits avec celui-ci. Voir : SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1305 (Gardner); The Canada Brand, p. 46-47.

[82]            Ibid.

[83]            The Canada Brand, p. 4 et 12 (Figure 1).

[84]            Ibid., p. 17.

[85]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1305 (Gardner).

[86]            The Canada Brand, p. 4 [traduction].

[87]            SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1350 (Pesce).

[88]            Ibid.

[89]            The Canada Brand, p. 32.

[90]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1320 (Cuellar).

[91]            Ibid., 1335 (Monge).

[92]            SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1350 (Pesce).

[93]            Ibid.

[94]            The Canada Brand, p. 4.

[95]            Ibid., p. 19.

[96]            Ibid., p. 12.

[97]            SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1335 (Monge).

[98]            SDIR, Témoignages, 17 octobre 2017, 1330 (Lozano).

[99]            SDIR, Témoignages, 21 mars 2017, 1320 (Belloso); SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1310 (Gardner).

[100]          SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1310 (Gardner).

[101]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1355 (Gillard).

[102]          Ibid., 1310.

[103]          The Canada Brand, p. 35.

[104]          SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1335 (Cavallaro); SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1325 (Craig); SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[105]          SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1315 (Craig).

[106]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[107]          SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1310-1315 (Zúniga Cáceres).

[108]          Ibid., 1335 (Cavallaro).

[109]          Ibid., 1305 (Zúniga Cáceres).

[110]          SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1335 (Craig).

[111]          SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1355 (Cavallaro).

[112]          Ibid., 1305 (Zúniga Cáceres) Voir aussi : Global Witness, Honduras: The Deadliest Place to Defend the Planet, janvier 2017, p. 8. Selon Global Witness, le Honduras, qui compte « 8 millions d’habitants, présente le plus haut taux de meurtres d’activistes par habitant que tout autre pays » [Traduction]. Il a enregistré 123 meurtres de défenseurs des terres et de l’environnement de 2009 à 2017.

[113]          Ibid.

[114]          Ibid., 1325 (Cavallaro).

[115]          SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1325 (Cavallaro) et 1340 (Zúniga Cáceres).

[116]          Ibid., 1310 (Zúniga Cáceres), 1325 (Cavallaro) et 1325 (Castro Soto).

[117]          Ibid., 1325 (Cavallaro).

[118]          Ibid. 1310 (Zúniga Cáceres), 1325 (Cavallaro), et 1325 (Castro Soto).

[119]          Ibid., 1330 (Cavallaro). M. Cavallaro a indiqué qu’en 2013 le taux d’homicide au Honduras était de 79 pour 100 000 habitants. Les données de 2014 et 2015 laissent entrevoir une légère réduction à 70 décès pour 100 000 habitants. Toutefois, M. Cavallaro a déclaré que ce taux est près de 50 fois plus élevé que celui du Canada.

[120]          Ibid. Voir aussi : SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1340 (Craig).

[121]          SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1355 (Zúniga Cáceres) et 1355 (Cavallaro).

[122]          Ibid., 1325 (Castro Soto) et 1330 (Cavallaro).

[123]          Ibid., 1330 et 1355 (Cavallaro).

[124]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1345 (Haslam).

[125]          SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1325 (Craig).

[126]          The Canada Brand, p. 12 (Figure 1).

[127]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1345 (Webber).

[128]          SDIR, Témoignages, 8 juin 2017, 1345 (Garcia Monroy).

[129]          SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1305 (Gardner).

[130]          Rapport Haslam, p. 2.

[131]          SDIR, Témoignages, 17 octobre 2017, 1330 (Lozano).

[132]          The Canada Brand, p. 30 [traduction].

[133]          Ibid., p. 45; Rapport Haslam, p. 11 et 21.

[134]          The Canada Brand, pp. 23-27 [traduction].

[135]          Ibid., p. 48.

[136]          Selon Mme Gardner, 12 % des incidents ayant causé la mort et 24 % des incidents ayant causé des blessures consignés dans le rapport The Canada Brand ont été déclarés publiquement par les sociétés minières entre 2000 et 2015. SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1345 (Gardner); The Canada Brand, p. 24.

[137]          The Canada Brand,, p. 24 [Traduction].

[138]          Shin Imai, courriel au Comité SDIR (Objet : Suivi concernant le témoignage devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne), 27 octobre 2017; SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1325 (Monge).

[139]          ITIE, Pays.

[140]          ITIE, Canada – Ressources naturelles Canada. Bien que les témoignages n’en fassent pas mention, la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif, L.C. 2014, ch. 39, art. 376, est un exemple de loi sur la transparence visant le secteur extractif. Elle est conçue pour lutter contre la corruption en exigeant la déclaration des paiements faits par des entités à des organismes gouvernementaux à l’étranger, mais ne prévoit toutefois pas la déclaration d’informations additionnelles sur les répercussions environnementales ou sociales.

[141]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1315 (Haslam); SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1350 (Gillard).

[142]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1350 (Gillard).

[143]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1320 (Cheatle).

[144]          Ibid., 1310 (Gratton).

[145]          Selon M. Haslam, 85 % des projets miniers en Amérique latine se trouvent dans ces cinq pays; SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1345 (Haslam).

[146]          Ibid., 1315 (Haslam).

[147]          Ibid. Selon M. Haslam, ces résultats sont statistiquement bien étayés.

[148]          Ibid., 1310 (Haslam). Voir aussi : rapport Haslam, p. 17 et 22; SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1350 (Pesce); SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1345 (Davidson). Selon le barème de M. Haslam, la capitalisation boursière d’une petite société est inférieure à 750 millions de dollars américains, celle d’une société de taille moyenne se situe entre 750 millions de dollars américains et 5 milliards de dollars américains et celle des grandes sociétés est de plus de 5 milliards de dollars américains.

[149]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1350 (Pesce).

[150]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1310 (Haslam); rapport Haslam, p. 22.

[151]          Rapport Haslam, p. 17.

[152]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1345 (Davidson).

[153]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1315 (Haslam).

[154]               Association minière du Canada, Vers le développement minier durable : Introduction, juin 2017, p. 1.

[155]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1305 (Gratton).

[156]          Ibid., 1355 (Gratton).

[157]          Ibid., 1305 (Gratton).

[158]          Ibid.

[159]          Ibid., 1310 (Gratton).

[160]          Ibid., 1335 (Gratton).

[161]          Ibid., 1305 (Gratton).

[162]          Voluntary Principles on Security and Human Rights, What are the Voluntary Principles? [en anglais seulement].

[163]          Ibid.

[164]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1400 (Chalmers).

[165]               ACPE, Responsible Exploration: e3 Plus, « e3 » renvoie à l’excellence dans l’exploration de l’environnement et « plus » aux boîtes à outils conçues pour améliorer le rendement en matière de santé et de sécurité et sur le plan social [en anglais seulement].

[166]               Ibid.

[167]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1315 (Haslam).

[168]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1310 and 1325 (Pesce).

[169]          The Canada Brand, p. 38 [traduction].

[171]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1400 (Gratton).

[172]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (McMullen).

[173]          Ibid., 1310 (McMullen).

[174]          Ibid., 1320 (Cheatle) et 1345 (Gratton).

[176]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1320 (Cheatle).

[177]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1320 (Davidson).

[178]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1315 (Pesce).

[179]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1345 (Davidson).

[180]          Ibid.

[181]          Ibid., 1315 (McMullen).

[182]          Ibid., 1325 (McMullen).

[183]          Ibid., 1315 (McMullen).

[184]          Ibid.

[185]          SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1350 (Imai).

[186]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1350 (Webber).

[187]          Ibid.

[188]          SDIR, Témoignages, 31 mai 2016, 1310 (Zúniga Cáceres).

[189]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1310 (McMullen).

[190]          Ibid., 1315 (McMullen).

[191]          SDIR, Témoignages, 2 juin 2016, 1325 (Craig).

[193]          Ibid.

[194]          Business & Human Rights Resource Centre, UN ‘Protect, Respect and Remedy’ Framework and Guiding Principles [en anglais seulement].

[195]          Ibid.

[196]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1305 (Gillard).

[197]               Ibid.; SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1310 (Pesce).

[198]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1305 (Gillard).

[199]          Stratégie de 2014.

[200]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (Davidson); Gouvernement du Canada, Décret 2015-0270, 26 février 2015.

[201]          Ibid.

[202]          Gouvernement du Canada, « Document d'information : Faire progresser l’approche du Canada en matière de conduite responsable des entreprises à l’étranger », Communiqué de presse, 17 janvier 2018.

[203]          Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018.

[204]               Affaires mondiales Canada, Rapport annuel de 2016 du Point de contact national (PCN); SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (McMullen).

[205]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (McMullen).

[206]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1330 (Dovey).

[207]          Ibid., 1305 (Dovey).

[209]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1305 (Dovey).

[210]          Ibid.

[211]          Ibid., 1330 (Dovey).

[212]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1345 (Pesce).

[213]          The Canada Brand, p. 39.

[214]          Ibid.

[215]          Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018.

[216]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (Davidson).

[217]          Ibid.

[218]          Ibid.

[219]          Ibid., 1330 (Davidson).

[220]          Ibid.

[221]          Ibid., 1320 (Davidson).

[222]          Ibid.

[223]          Affaires mondiales Canada, Bureau du conseiller en RSE, Ce que nous faisons.

[224]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1330 (Davidson).

[225]          The Canada Brand, p. 39.

[226]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1400 (Haslam).

[227]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1310 (Pesce).

[228]          Ibid., 1340 (Pesce).

[229]          Ibid., 1305 (Gillard) et 1310 (Pesce).

[230]          Stratégie de 2014; SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (McMullen).

[231]          Ibid., 1340 (McMullen).

[232]          Ibid., 1315 (McMullen).

[233]          Ibid., 1330 (McMullen).

[234]          Ibid., 1315 (McMullen).

[235]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[236]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1340 (Webber).

[237]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1330 (Dovey).

[238]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1330 (Davidson).

[239]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1355 (Pesce).

[240]          Choc v. Hudbay Minerals Inc., 2013 ONSC 1414; Garcia v. Tahoe Resources Inc., 2017 BCCA 39; Chevron Corp. c. Yaiguaje, 2015 CSC 42. Toutes les causes sont en attente de procès au moment de la rédaction du présent rapport.

[241]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[242]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1320 (Cheatle). Comme indiqué précédemment, le gouvernement du Canada a annoncé la création du Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises qui prodiguera au gouvernement des conseils sur la conduite responsable des entreprises et sur le mandat à confier à l’ombudsman. La composition du Groupe consultatif a été rendue publique le 22 avril 2018. Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018; Gouvernement du Canada, Les membres du Groupe consultatif multipartite sur la conduite responsable des entreprises, Document d’information, 22 avril 2018.

[243]          Ibid.

[244]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1315 (Gratton) et 1320 (Cheatle); SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1320 (Gardner).

[245]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1330 (Davidson).

[246]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1330 (Cheatle).

[247]          Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018.

[248]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1315 (Gratton) et 1320 (Cheatle).

[249]          Ibid., 1315 (Gratton).

[250]          Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018.

[251]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1315 (Gratton).

[252]          Ibid.

[253]          Ibid., 1310 (Gratton).

[254]          Ibid., 1320 (Cheatle).

[255]          Affaires mondiales Canada, Conduite responsable des entreprises à l’étranger – Foire aux questions, 19 janvier 2018.

[256]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1315 (Gratton) et 1320 (Cheatle).

[257]          Ibid., 1315 (Gratton).

[258]          Ibid.

[259]          Ibid., 1350 (Gratton).

[260]          SDIR, Témoignages, 19 octobre 2017, 1310 (Gardner).

[261]          Ibid., 1310 (Imai).

[262]          SDIR, Témoignages, 26 septembre 2017, 1315 (McMullen).

[263]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).

[264]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1320 (Pesce).

[265]          SDIR, Témoignages, 28 septembre 2017, 1315 (Haslam).

[266]          SDIR, Témoignages, 3 octobre 2017, 1345 (Pesce).

[267]          SDIR, Témoignages, 5 octobre 2017, 1310 (Gratton).