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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 juin 2021

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Je tiens d'abord à souligner qu'à Ottawa, où je me trouve aujourd'hui, nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 29 avril, le Comité se réunit dans le cadre de son étude sur la traite des Autochtones à des fins sexuelles.
    Pour assurer la tenue d'une réunion ordonnée, j'aimerais décrire les pratiques exemplaires. Nous demandons aux participants de s'assurer de sélectionner la langue de leur choix. Cliquez sur le globe qui se trouve en bas et au centre de l'écran, et vous pourrez choisir le français ou l'anglais, selon votre préférence. Si vous voulez alterner pendant que vous parlez, vous n'avez pas à faire d'autres ajustements. Nous vous demandons de parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être mis en sourdine. Si, au cours de nos échanges, vous souhaitez ajouter quelque chose, vous pouvez utiliser la fonction de main levée. De mon côté, je vais rester à l'affût afin de vous donner la parole quand vous utilisez cette fonction.
    Je suis heureux que nous passions les prochaines heures ensemble et je suis ravi que nous puissions nous réunir sur ce sujet très important.
    Nous accueillons aujourd'hui le chef national Elmer St. Pierre du Congrès des peuples autochtones, le grand chef Garrison Setee et la gestionnaire, Hilda Anderson-Pyrz, de Manitoba Keewatinowi Okimakanak Inc., et Bryanna Brown, coordonnatrice de la prévention, Programme Alluriarniq, au Tungasuvvingat Inuit.
    J'invite les témoins à faire une déclaration préliminaire d'un maximum de six minutes chacun. Nous allons commencer par Elmer St. Pierre.
    Monsieur St. Pierre, nous vous souhaitons la bienvenue, et la parole est à vous.
     Monsieur le président, membres du Comité et autres témoins, je vous remercie de m'accueillir ici pour parler de la traite des personnes autochtones.
    Comme vous le savez, je m'appelle Elmer St. Pierre et je suis le chef national du Congrès des peuples autochtones, le CPA.
    Je me trouve présentement sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple mohawk. Pour l'instant, j'aimerais offrir à chacun d'entre vous une pochette de tabac virtuelle pour l'information que nous allons échanger. Merci.
    Le CPA représente les Indiens inscrits et non-inscrits, les Métis et les Inuits du Sud vivant hors réserve. Aujourd'hui, 80 % de ces Autochtones vivent hors réserve. Une proportion de 44 % de ces personnes vivent dans les centres urbains du pays.
    Le système des pensionnats a constitué la plus grande opération de traite de personnes de l'histoire du Canada. Les Autochtones hors réserve et non-inscrits sont des survivants de ce système tragique. Les traumatismes causés par les pensionnats n'ont jamais cessé.
    Les Autochtones représentent 5 % de la population canadienne. Dans une proportion de 52 %, les enfants en foyer d'accueil sont autochtones. Les filles autochtones sont davantage victimes d'exploitation sexuelle dans les foyers d'accueil que tout autre groupe. Les jeunes qui croupissent en prison sont autochtones dans une proportion de 46 %. Dans certaines provinces, plus de 90 % des jeunes incarcérés sont autochtones. Les femmes incarcérées sont autochtones dans 40 % des cas, et ce nombre ne cesse d'augmenter. Les victimes de la traite des personnes sont des femmes autochtones dans une proportion de 50 %. De ce nombre, près du quart ont moins de 18 ans.
    Il existe des liens directs entre les foyers d'accueil, la prison, l'exploitation sexuelle et la traite des personnes. Les jeunes sont arrachés à leur foyer, à cause de la pauvreté plus que tout autre facteur. Ils sont maltraités en foyer d'accueil. Ils se retrouvent vulnérables dans les rues, vivent avec des traumatismes et luttent pour leur survie. On leur refuse l'éducation et l'emploi. Il y a un cycle constitué d'itinérance, de prison, de situations de violence et de traite et d'exploitation. Trop souvent, ce cycle mène à la mort. Nous devons aider les garçons et les filles à ne pas emprunter cette voie. Nous devons nous assurer que tous ceux qui sont prisonniers de ce cycle peuvent y échapper et trouver la guérison et l'esprit de communauté dont ils ont besoin.
    Le gouvernement a pris des mesures pour travailler avec certains organismes autochtones, mais il en a exclu d'autres en même temps.
    Les communautés d'Autochtones hors réserve et non-inscrits sont mises de côté. On leur refuse des fonds pour le logement qui permettraient d'aider à offrir un refuge aux femmes vulnérables. On leur refuse l'accès au financement de l'éducation qui permettrait de donner un avenir aux enfants. On leur refuse des programmes de justice qui permettraient d'ouvrir des pavillons de ressourcement et d'imposer des peines culturellement adaptées. On leur refuse le statut de détenteurs de droits en vertu de la législation sur la protection des enfants autochtones.
    Les organismes provinciaux et territoriaux du CPA s'efforcent d'offrir des services même s'ils sont mis de côté. Des programmes d'entraide comme « Looking out for each other » s'associent à des refuges dans les communautés pour aider les personnes à risque de disparaître. Ils offrent des logements, des refuges, des services d'intervention auprès des itinérants, de l'aide aux parents et le soutien des soins de santé, mais ils ne peuvent pas répondre aux besoins lorsqu'ils ne peuvent offrir les services requis. J'ajouterais simplement que ces programmes sont offerts sur la côte Est. Le programme d'entraide « Looking out for each other » est offert au Nouveau-Brunswick.

  (1115)  

    Nous lançons les appels à l'action suivants. Mettre fin à l'exclusion des organismes hors réserve de programmes en matière de logement, de protection de l'enfance et de justice. Appuyer le renforcement des capacités pour s'attaquer aux problèmes multidimensionnels révélés par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, la FFADA. Appuyer des options de transport en commun abordables et sûres pour remplacer les itinéraires d'autobus plus risqués du centre-ville. Mettre fin à la surreprésentation des femmes autochtones dans les services correctionnels et accorder la priorité au traitement et aux soins communautaires dans le cadre d'un processus dirigé par des Autochtones. Accélérer le financement dans le cadre du plan d'action de la FFADA. Veiller à ce que nos organismes hors réserve aient accès à des fonds pour les services culturels, linguistiques et juridiques, la sécurité communautaire et d'autres services essentiels pour assurer la sécurité des femmes et des filles.
    Meegwetch. Merci.
    Chef St. Pierre, merci beaucoup de votre déclaration.
    Nous allons maintenant entendre le grand chef Settee et la gestionnaire, Mme Anderson-Pyrz, du Manitoba.
    Grand chef, vous avez la parole.
     Je vous remercie de m'accueillir ici devant le Comité permanent.
    Je vous parle des terres des peuples des territoires visés par le Traité no 1 et le Traité no 5.
    Je m'appelle Garrison Settee. Je suis le grand chef du Manitoba Keewatinowi Okimakanak, le MKO.
    En ma qualité de grand chef, je m'engage à travailler pour mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le sexe et la race qui touchent les femmes et les filles autochtones, ainsi que les personnes 2ELGBTQQIA+. Nous devons examiner les causes profondes de la traite des personnes à des fins sexuelles en tenant compte des répercussions de la colonisation.
    Les événements des deux dernières semaines ont défrayé les manchettes et mis en relief les répercussions de la violence coloniale passée, présente et continue au Canada contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+.
    Le 27 mai, les dépouilles de 215 enfants de l'ancien pensionnat indien de Kamloops ont été découvertes. Le 3 juin 2021, le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et le Plan d'action national pour mettre fin à la violence contre les personnes 2ELGBTQQIA+, ainsi que d'autres documents d'accompagnement, ont été publiés.
    Je tiens à souligner certaines des réalités auxquelles fait face le Nord. Selon [Difficultés techniques] de 2017, les taux de crimes violents contre les jeunes femmes et les filles y sont de cinq à six fois plus élevés que dans le Sud du Manitoba, et c'est pire dans le Nord du Manitoba. Les prédateurs ciblent les filles autochtones dans les gares d'autobus et les aéroports pour profiter de leur vulnérabilité pendant les périodes de transition, comme lorsqu'elles quittent les services à l'enfance et à la famille afin de poursuivre des études ou obtenir des soins médicaux auxquels elles n'ont pas accès dans leur communauté. Le MKO a observé que cela se produit également lorsque des communautés entières sont évacuées vers un centre urbain en raison d'incendies ou d'inondations.
    L'occasion est belle de prévenir la violence et la traite en intervenant à ces points de transition. Winnipeg, tout comme Regina et Saskatoon, est connue comme un triangle urbain où les victimes sont expédiées d'une ville à l'autre et d'une province à l'autre. Par exemple, Thompson est la plus grande ville du nord du Manitoba. Elle compte le plus grand nombre de jeunes personnes disparues de la province. Il s'agit d'un point d'intervention essentiel pour réduire la probabilité qu'elles déménagent ou soient victimes de traite à Winnipeg.
    Le MKO s'inquiète du manque de services de police et de ressources pour lutter contre la traite des personnes dans les collectivités nordiques et éloignées. Les organismes policiers de toutes les administrations ne sont pas tenus de faire rapport au Centre national de coordination contre la traite de personnes. Il en résulte un déni des droits fondamentaux de la personne et des Autochtones en matière de culture, de santé, de sécurité et de justice.
    Les lacunes sur le plan de l'éducation et de l'emploi sont d'importants facteurs qui contribuent à la marginalisation économique des femmes autochtones, et à leur tour, elles les rendent plus dépendantes des autres, plus vulnérables à la violence et moins en mesure de quitter des situations de violence.
    Il y a un besoin de logements sécuritaires, y compris un plus grand nombre de logements dans les réserves et l'accès à des refuges; des services de soins de santé culturellement responsables; et des lois, des politiques et des pratiques de l'État canadien pour reconnaître, respecter et faire place au droit inhérent des Autochtones à l'autonomie, à la gouvernance et à l'autodétermination.
    Mme Anderson-Pryz, je vous cède la parole.

  (1120)  

     Je m'appelle Hilda Anderson-Pyrz. Je suis gestionnaire de l'Unité de liaison pour les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
    Notre unité a été créée en 2017 dans le cadre de MKO. Notre mandat consiste à fournir du soutien, des services et des programmes de défense des droits aux familles touchées par la disparition et le meurtre de femmes et de filles autochtones, aux survivantes de violence fondée sur le sexe et aux personnes 2ELGBTQQIA+. L'Unité se concentre également sur la sensibilisation à la prévention pour mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le sexe et la race.
     Je voulais souligner que dans « La voie fédérale », publiée le 4 juin 2021, la traite des personnes se trouve sous le thème « Sûreté et sécurité des personnes » et sous « Soutenir des communautés sûres et saines », et on met l'accent sur l'importance de la prévention et des « interventions pour soutenir les victimes et les survivants de la traite des personnes », d'« [é]liminer les obstacles socio-économiques à l'éducation, à la formation et à l'emploi » et de « [f]avoriser un changement culturel et soutenir les alliés » en sensibilisant le public à la traite des personnes et en offrant de la formation aux policiers de première ligne.
    Sous le même thème, « Lutter contre la traite des personnes et l'exploitation » en augmentant le financement des « initiatives visant à mettre fin à la traite des personnes, y compris le soutien aux populations à risque et aux survivants », on peut lire « Parmi les mesures, on compte le soutien des organisations dirigées par les Autochtones et des organisations communautaires pour faire progresser le travail visant à prévenir et à combattre la traite de personnes. »
     Ce sont des mesures claires qui peuvent être mises en œuvre immédiatement. Les femmes et les filles autochtones et les personnes 2ELGBTQQIA+ ne peuvent attendre que des mesures soient prises. Nous sommes victimes de violence, nous sommes assassinées et nous sommes portées disparues à un rythme alarmant au Canada.
    Voici les recommandations pour l'avenir.
     Que la Stratégie nationale de lutte contre la traite de personnes de 2019 à 2024 soit immédiatement actualisée pour répondre aux appels à la justice formulés dans le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées; qu'un représentant des Premières Nations des communautés éloignées et isolées du Nord du Manitoba siège au comité consultatif composé de victimes et de survivants de la traite des personnes; et que la coordination et la dotation en ressources des mesures immédiates de la stratégie nationale et de la voie fédérale soient mises en œuvre; y compris les orientations découlant des principes des appels à la justice pour le changement et les quatre piliers du Cercle national des familles et des survivantes, soit l'inclusion, l'interconnectivité, la responsabilisation et l'impact.
    Nous faisons tous partie de la solution et nous devons travailler ensemble pour mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le sexe et la race.
    Je vous remercie d'avoir permis au MKO de se faire entendre aujourd'hui.
    Merci, madame Anderson-Pyrz et grand chef Settee.
    Nous accueillons maintenant Bryanna Brown, coordonnatrice de la prévention, Programme Alluriarniq, au Tungasuvvingat Inuit.
    Ai‑je bien prononcé?
     Atelihai. Je m'appelle Bryanna Brown. Bonjour.
    Je viens de Nunatsiaq, au Labrador. Je tiens à souligner que je vis actuellement sur un territoire algonquin non cédé, ici à Ottawa, en Ontario.
    Je représente aujourd'hui Tungasuvvingat Inuit, où je suis la coordonnatrice de la prévention du programme « Alluriarniq », une expression qui signifie « aller de l'avant ».
    Le programme offre un soutien aux Inuits de 16 ans et plus qui vivent au Canada et qui sont ou ont déjà été des travailleurs du sexe ou qui cherchent à quitter le commerce des services sexuels et qui sont victimes ou survivants de la traite des personnes. Nous soutenons également les victimes de violence et d'abus sexuels.
     J'aimerais vous lire un extrait du Plan d'action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées « L’implication totale et indépendante des familles, des survivantes et des personnes 2ELGBTQQIA+ est un aspect déterminant de l’approche décolonisatrice visant à amorcer un changement transformateur. »
    Comme je possède de l'expérience dans de nombreux dossiers dont il est question aujourd'hui, je vous remercie de m'avoir invitée. Je suis heureuse d'être en présence de chacun d'entre vous.
    Merci.

  (1125)  

    Merci beaucoup d'être venue.
    Monsieur le greffier, attendons-nous toujours les deux autres témoins?
    Oui, c'est exact.
    C'est très bien. Nous allons passer aux questions et réorganiser les choses au fur et à mesure que nous avancerons.
    Pour notre première série de questions, nous accorderons six minutes chacun à M. Viersen, Mme Zann, Mme Bérubé et Mme Blaney.
    M. Viersen, vous avez la parole pour six minutes, c'est à vous.
    Monsieur le président, comme mes questions s'adressaient aux témoins qui n'ont pu se joindre à nous, je vais céder la parole à Gary Vidal.
    Le président: M. Vidal, c'est à vous.
    J'aimerais revenir un peu sur ce que le grand chef Settee a dit.
    Grand chef, vous avez parlé des taux dans les régions nordiques et éloignées comparativement aux centres urbains. Comme député qui représente une circonscription très nordique et éloignée, je suis très curieux d'en savoir un peu plus à ce sujet. Je ne vais pas prétendre avoir une compréhension approfondie de la question, et c'est donc pour moi une façon d'apprendre à comprendre certaines choses qui se passent dans ma propre circonscription. Je suppose que le Nord du Manitoba n'est pas si différent du Nord de la Saskatchewan, d'où je viens.
    Si vous pouviez prendre quelques minutes pour développer vos commentaires sur les taux dans les communautés nordiques et éloignées en comparaison de ceux des centres urbains...
    De plus, vous avez parlé des points d'intervention critiques, et vos commentaires m'ont vraiment intrigué. J'aimerais que vous précisiez votre pensée. J'aimerais vous donner un peu de temps pour en parler un peu plus, si vous me le permettez.
    L'une des choses dont j'ai toujours parlé, c'est la démographie très différente avec laquelle nous vivons dans le Nord du Manitoba. C'est très différent du Sud du Manitoba. Au Manitoba, il y a 15 communautés isolées, et 85 % de la population de chacune de ces communautés est sans emploi. Il y a donc de la pauvreté et un manque de ressources pour aider les femmes et les victimes de violence familiale. Les services ne sont tout simplement pas offerts. Les femmes ont tendance à se diriger vers les centres urbains, ce qui crée de plus grands problèmes parce qu'elles n'ont pas accès à un emploi. Elles n'ont pas accès à un logement ou à un refuge adéquat, et elles sont victimes d'un cycle qui se perpétue par un manque de ressources et de soutien adéquat.
    Je dis toujours que les refuges pour femmes sont essentiels dans toutes les Premières Nations. Les femmes qui fuient la violence familiale se tournent vers les centres urbains. Elles se tournent vers d'autres communautés, et elles sont victimes partout où elles vont. C'est très triste. Nous vivons dans un pays prospère. Cette situation ne devrait même pas exister, mais elle est pourtant là. C'est une réalité dans laquelle nous vivons jour après jour.
    Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des interventions critiques? Je pense que vous avez parlé des gares d'autobus. Vous avez parlé des situations d'incendies ou d'évacuations. Vous avez même parlé de certaines villes de ma province, la Saskatchewan. Je crois que vous avez parlé de Saskatoon et de Regina. Puis‑je vous demander de nous en dire davantage sur les points d'intervention critiques et sur la façon dont nous pourrions vous aider à cet égard? Quelles sont les façons dont nous pourrions aider à ces points d'intervention critiques?
    En ce qui concerne le soutien et les ressources nécessaires pour les personnes qui font la transition ou qui déménagent en milieu urbain, il y a une vulnérabilité. Il y a des risques. Nous l'avons vu à Winnipeg. Des jeunes filles viennent à Winnipeg pour des rendez-vous médicaux, et elles sont ensuite portées disparues. On entend dire aux nouvelles qu'elles sont mortes et qu'elles sont devenues des victimes parce qu'il n'y a pas assez de soutien pour suivre la transition et le mouvement des jeunes. Ce sont des domaines de transition.
    Nous devons voir comment nous pouvons améliorer le système. C'est en grande partie du ressort du réseau de la santé. Il n'y a pas assez de ressources et de soutien pour les personnes qui ne connaissent pas la vie en ville. Elles ne connaissent pas la vie urbaine, elles se perdent et deviennent très vulnérables et à risque. Nous devons nous concentrer sur ces points de transition et veiller à la protection et à la sécurité de tous.

  (1130)  

    L'une des choses dont j'ai discuté avec des gens du Nord de la Saskatchewan, et l'un des résultats ou l'une des choses que nous avons peut-être apprises pendant la pandémie, c'est la capacité de fournir des services. Nous sommes en réunion sur Zoom, et il y a certaines choses que nous avons peut-être appris à utiliser avec la technologie pour faire mieux que ce que nous aurions pu faire par le passé, c'est-à-dire fournir des services médicaux et du soutien à certaines communautés éloignées. Nous avons peut-être appris certaines choses qui pourraient nous permettre de mieux offrir ces services afin que certaines de ces jeunes personnes n'aient pas à se rendre dans les grands centres urbains pour les obtenir.
    Est‑il juste de penser qu'il y a peut-être une possibilité d'améliorer ces services grâce à ce que nous avons appris au cours de la dernière année?
     Je pense que, probablement plus que jamais, cette pandémie a mis en lumière notre manque de ressources pour faire face à ce genre de situation. Les gens n'ont pas à quitter la Première Nation. Je pense que la sensibilisation et la prévention seraient essentielles pour éduquer et protéger nos jeunes filles et nos femmes, avant qu'elles ne quittent leur collectivité, et pour leur enseigner les écueils à éviter. Elles doivent être renseignées sur la façon de se protéger.
    Je pourrais peut-être demander à Mme Anderson-Pyrz de répondre à une partie de la question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, parce qu'elle travaille en première ligne avec ces personnes.
    Merci.
    La pandémie a montré à quel point les gouvernements peuvent être réceptifs. Je pense que ce niveau d'intervention doit se poursuivre si nous voulons mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le sexe et la race contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones.
    Lorsque nous examinons nos collectivités, en particulier celles des Premières Nations qui sont éloignées et isolées, nous constatons que les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones, de même que les hommes et les garçons autochtones font face à de nombreux obstacles. Les personnes contraintes de quitter leur communauté pour retrouver leurs droits humains fondamentaux, soit la santé, la sécurité alimentaire et même les perspectives économiques, sont particulièrement vulnérables.
    Il nous faut réfléchir à la façon dont nous pouvons améliorer la vie des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones afin qu'elles n'aient pas à se retrouver dans des situations de vulnérabilité qui pourraient les exposer à la traite des personnes à des fins sexuelles, à l'enlèvement ou au meurtre. Nous devons vraiment réfléchir à des programmes et des services dirigés par les Autochtones et enracinés dans la culture, et miser sur de tels programmes.
    Merci beaucoup de votre réponse.
    Chers collègues, avant de poursuivre, je constate que Mme Blaney s'est jointe à nous. Bienvenue, madame Blaney.
    La procédure technique ici veut que l'élocution soit claire et précise, normalement grâce à un casque d'écoute muni d'un microphone, pour que les interprètes puissent bien interpréter. Le Comité ne peut pas fonctionner sans interprétation adéquate.
    Permettez-moi de m'adresser au greffier pour vérifier le son.
    Monsieur le greffier.
    Bien sûr, monsieur le président.
    Madame Blaney, je vais vous demander de vous présenter, de nous dire d'où vous appelez et de nous parler un peu de votre rôle. Je vais vous demander de parler lentement et clairement. Comme vous n'avez pas de casque d'écoute, j'espère que nos interprètes pourront continuer à interpréter votre témoignage.
    Allez‑y, s'il vous plaît.
    Je m'appelle Fay Blaney, et je suis la directrice générale du Aboriginal Women's Action Network. Je vis à Campbell River.
    Merci, madame Blaney.
    J'espère qu'un des interprètes pourra me faire signe. C'est fait, et l'écoute est suffisamment bonne.
     Je vais vous demander de parler de façon aussi régulière et aussi claire que vous l'avez fait, ce qui a été une bonne chose pour les interprètes, et nous pourrons revenir à votre témoignage aujourd'hui.
    Merci beaucoup.
    Madame Blaney, je vous informe que nous avons déjà commencé un tour de questions de six minutes. Mme Zann sera la suivante, suivie de Mme Bérubé et de Mme Rachel Blaney, après quoi nous passerons à votre témoignage.
    La parole est maintenant à Lenore Zann pour six minutes.
    Merci beaucoup. Wela'lin.
    Je viens du territoire non cédé des Micmacs de Mi'kma'ki, en Nouvelle-Écosse.
    L'appel à la justice 3.4 du rapport Réclamer notre pouvoir et notre place: Rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées précise notamment que les programmes de traitement des traumatismes et des dépendances doivent être « jumelés à d'autres ressources essentielles, comme des services de santé mentale et de lutte contre l'exploitation sexuelle et la traite des personnes, afin de répondre adéquatement à la situation particulière de chacune des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA[+] inuites, métisses et des Premières Nations ».
    La question que je vous pose aujourd'hui est la suivante: quels progrès ont été réalisés par rapport à cet appel à la justice, et compte tenu du fait que bon nombre des services mentionnés sont fournis [Difficultés techniques] avec les provinces et les territoires pour mettre en œuvre cet appel à la justice?
    Qui aimerait répondre à cette question en premier?

  (1135)  

     Je peux le faire.
    Merci.
    Je pense que, s'agissant de la nécessité d'offrir des services de traitement des traumatismes et des dépendances — qui font cruellement défaut partout au pays, surtout dans les régions éloignées et isolées —, il faut des ressources et un financement adéquats à long terme pour soutenir les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones qui se remettent de la violence coloniale. Les besoins sont grands. Il faut prendre beaucoup plus de mesures pour veiller à ce qu'il y ait des mécanismes de guérison de la violence coloniale et pour traiter les personnes qui cherchent du soutien et des ressources pour se rétablir des dépendances qui sont utilisées comme mécanisme d'adaptation pour se remettre du traumatisme associé à la violence coloniale.
    Merci.
    Vaut‑il la peine d'avoir une ligne téléphonique nationale pour signaler la traite des personnes? Ce service a‑t‑il été utilisé fréquemment par les Autochtones? Les services sont-ils culturellement adaptés?
    Nous avons fait de la sensibilisation dans toute notre organisation relativement à cette ligne d'assistance. D'après ce que j'ai vu, l'une des plus grandes préoccupations, c'est qu'on peut avoir une ligne d'assistance, mais il faut s'assurer qu'il y a suffisamment de ressources pour soutenir les personnes qui cherchent des ressources en appelant cette ligne d'assistance. À l'heure actuelle, cela n'existe pas partout au pays.
    Merci.
    C'est intéressant, parce que les jeunes qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie ont de la difficulté à en parler en groupe ou à s'ouvrir à un adulte. Ils se sentent beaucoup plus à l'aise d'en parler à d'autres jeunes, à des camarades. Selon vous, qu'est‑ce qui est le mieux pour les femmes et les filles qui sont victimes de traite ou qui sont menacées de l'être? Quel est le meilleur endroit où aller? Comment pouvons-nous les aider à éviter ce terrible bourbier?
    Je pense que les mesures de soutien qui sont mises en place doivent être dirigées par les Autochtones, sans obstacle et sans jugement. Les victimes doivent avoir un sentiment d'appartenance. De plus, ces services et ressources devraient être élaborés en consultation avec les victimes de la traite des personnes, notamment à des fins sexuelles, car elles connaissent mieux que quiconque ce que cela signifie. Elles devraient pouvoir participer aux divers comités qui déterminent les ressources à mobiliser et les services à offrir. Si cela ne se produit pas et que les voix concernées ne sont pas entendues à la table, alors, comme nous l'avons vu partout au pays dans de nombreuses circonstances, ces ressources et services ne répondent souvent pas aux besoins.
    D'accord. Ici, en Nouvelle-Écosse, nous travaillons avec le Nova Scotia Native Women's Centre. Nous avons pu lui obtenir environ 380 000 $ pour l'aider à financer son programme de lutte contre la traite des personnes en vue de prévenir ce genre de trafic ici, dans la Première Nation de Millbrook, et en Nouvelle-Écosse, ce qui est bien. La route 102 part d'Halifax et traverse tout le pays. Nous l'appelons la route des pleurs, parce qu'énormément de jeunes femmes y ont été victimes de la traite. On les fait passer par notre communauté, ici, et plus à l'ouest.
    Selon vous, dans quelle mesure le crime organisé est‑il à l'origine du fléau de la traite des personnes?

  (1140)  

    Je pense qu'une très grande partie du problème est liée au crime organisé, mais je me dois de souligner autre chose. Quand nous envisagerons la reprise économique, au sortir de la pandémie, nous devrons être prêts à intervenir. Nous allons assister à une augmentation de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle des femmes, des filles et des personnes 2ELGBT2QQIA+ autochtones. Notre pays doit être prêt à intervenir et veiller à ce que nous disposions des ressources et du soutien nécessaires pour intervenir auprès des victimes et pour les protéger.
    C'est tout le temps dont vous disposiez, madame Zann. Merci.
    Merci.
    Je suis d'accord.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour six minutes.
    Je tiens à vous remercier de participer à cette réunion. Vos témoignages sont fort importants pour comprendre tout ce processus.
    Dans un article paru dans Juristat de Statistique Canada, ayant pour titre « La traite des personnes au Canada, 2018 », on peut lire ceci: « La grande majorité (97 %) des victimes d’affaires de traite de personnes déclarées par la police étaient des femmes et des filles. »
    Bien que l'article ne donne pas de statistique sur la traite à des fins sexuelles, il mentionne que « [c]es tendances laissent croire qu’au Canada, la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle est plus répandue — ou plus susceptible d’être détectée ou signalée — que la traite de personnes à d’autres fins ».
    L'article ne fait pas mention de femmes autochtones et de la traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent les données relatives à la traite de personnes à des fins d'exploitation sexuelle?

[Traduction]

     Madame Anderson-Pyrz, voulez-vous répondre à cette question?
    Bien sûr.
    L'un des plus gros problèmes actuels pour les Autochtones au pays tient à la façon dont les données sont recueillies. Celles‑ci ne font pas vraiment état de nos réalités. Je sais qu'il y a beaucoup de pression pour qu'on élabore des mécanismes permettant d'établir le cadre et de travailler à la souveraineté des données autochtones.
    Il est actuellement très difficile de faire un suivi précis du nombre de victimes de la traite des personnes, notamment à des fins sexuelles, et même de faire un suivi précis du nombre exact de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées.
    Il faut vraiment insister pour que le cadre et les ressources nécessaires soient mis à la disposition des Autochtones afin d'assurer la collecte et la souveraineté des données les concernant et de pouvoir ainsi mettre en lumière les réalités auxquelles font face les Autochtones du Canada.

[Français]

     On sait que ce processus comporte des lacunes sur le plan des données relatives.
    Y a-t-il des moyens de combler ces lacunes?

[Traduction]

    Je ne sais pas si quelqu'un d'autre veut répondre à cette question. S'il n'y a personne d'autre, je peux le faire.
    Allez‑y, je vous en prie.
    J'ai vraiment insisté sur ce point. Nous avons besoin de l'infrastructure, des outils et des ressources nécessaires pour être en mesure de saisir avec précision les réalités et la violence coloniale dont sont victimes les femmes et les filles autochtones. Je pense que cela nous permettra de savoir vraiment ce qui se passe dans notre pays. Nous devons le faire le plus tôt possible.
    L'enquête nationale a mis en lumière de nombreuses vérités de l'expérience vécue par les femmes, les filles et les 2ELGBTQQIA+ autochtones au Canada, mais nous avons besoin d'une infrastructure adéquate pour les données.

[Français]

    Plus tôt, grand chef Settee, vous avez mentionné que, dans le Nord du Manitoba, il y avait un triangle dans la ville où se faisait la traite des personnes. Vous avez parlé du besoin du soutien de la police et d'infrastructure et d'un hébergement sécurisé.
    Avez-vous d'autres recommandations à faire pour remédier à cette traite?

  (1145)  

[Traduction]

    J'aimerais notamment que nous disposions d'une infrastructure au sein des Premières Nations pour assurer la protection des femmes, de même que dans les centres urbains. Celles‑ci doivent avoir accès à un endroit sécuritaire, faute de quoi elles aboutissent dans la rue, où elles sont très vulnérables, et où personne ne s'occupe d'elles. Nous devons vraiment insister là‑dessus.
    Depuis que je suis grand chef, nous avons vu énormément de mauvaises choses arriver aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQQIA+. Ce dont nous avons le plus besoin en ce moment, c'est d'avoir des endroits sécuritaires. J'estime que toutes les Premières Nations devraient avoir un refuge pour femmes.
    J'ajouterai une chose à ce que le grand chef a dit. Nous devons également insister fortement sur la prévention par l'éducation. Nous avons besoin de programmes dans les écoles qui commencent à un très jeune âge pour parler de la sécurité, des limites, de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle qui ont cours.
    À cause de leur éloignement et de leur isolement, la plupart des communautés du territoire de la MKO n'ont pas les infrastructures nécessaires pour permettre la consultation des ressources en ligne. Les problèmes de mauvaise connectivité ont des répercussions sur de nombreuses nations du territoire de la MKO. Nous devons élaborer un programme d'études qui commencera à un très jeune âge dans les écoles et qui mettra l'accent sur la protection et la réclamation de l'identité et de la culture pour renforcer les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+autochtones. Nous avons besoin d'espaces qui favorisent les activités culturelles et la reconquête de l'identité.
     Merci beaucoup.
    Rachel Blaney, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à tous ceux qui sont ici pour témoigner aujourd'hui. Je vous remercie vraiment de ce que vous aviez à dire.
     Je vais d'abord m'adresser à Mme Brown, puis à Mme Anderson-Pyrz.
     J'entends beaucoup de choses très intéressantes, mais j'aimerais que nous parlions davantage des services offerts. Je suis très heureuse d'entendre parler des besoins des collectivités rurales et éloignées en raison de leur manque d'accès et du fait qu'elles doivent envoyer des gens à l'extérieur. Je pense que c'est vraiment important.
    Madame Brown, pourriez-vous commencer par expliquer comment votre organisation appuie les personnes qui ont été ou qui sont victimes de traite à des fins sexuelles. Quels sont les facteurs les plus importants à prendre en considération au moment de fournir ces services aux Autochtones qui ont été victimes de traite des personnes à des fins sexuelles?
    Je tiens également à dire que si vous avez des renseignements au sujet de l'aspect masculin de la question — parce que j'ai également fait des recherches, et il me semble que de plus en plus d'hommes sont victimes de traite à des fins sexuelles —, je pense que ce serait utile pour le Comité.
    Merci.
     Dans le cadre du programme Alluriarniq, nous jugeons important d'offrir un soutien culturel dans le cadre de notre appui aux survivantes et aux survivants, et d'avoir une aînée ou un aîné présents et disponibles pour ceux et celles qui veulent obtenir nos services.
    La sécurité alimentaire est également un problème important qui contribue à la traite des personnes.
    Nous offrons aussi des services de counselling et nous avons récemment créé un programme de stages pour les survivantes et survivants de la traite des personnes. Je suis moi-même une survivante, et j'ai participé à ce programme de stage. C'est la gestionnaire du programme Alluriarniq, qui venait de quitter son poste chez nous, qui a créé ce programme de stages. Cela m'a vraiment permis d'acquérir plus d'expérience par rapport à mon emploi et à mon cheminement de carrière, et a beaucoup amélioré ma vie.
    Un autre élément extrêmement important pour aider à prévenir la traite des personnes est le logement. C'est quelque chose qui m'a beaucoup dérangée. Après avoir été heurtée par une voiture, il y a environ quatre ans, j'ai eu des problèmes d'accès aux soins de santé en raison du racisme. Chaque fois que je me présentais chez le médecin, on supposait que j'étais ivre ou en état d'ébriété, car j'avais vraiment des étourdissements à cause de mes difficultés respiratoires. Comme la voiture m'a frappée à la jambe, je perdais l'équilibre en marchant. Pour bien des gens, j'avais l'air d'être en état d'ébriété, mais ce n'était pas le cas. J'avais l'impression qu'on me faisait souvent passer d'un professionnel de la santé à l'autre. Ce manque de soins de santé m'a de plus en plus affaiblie. Je n'ai pas pu travailler, puis les gens ont commencé à profiter davantage de ma situation.
    Au fil du temps, après être finalement arrivée à Ottawa et y avoir vécu, j'ai pu avoir accès aux services de santé dont j'avais besoin. En travaillant avec Tungasuvvingat Inuit, j'ai eu l'impression d'être bien aidée et beaucoup moins vulnérable en raison des services qu'on me fournissait, surtout en ce qui concerne le logement.
    La Ville d'Ottawa a un bon programme de logement subventionné, que j'ai trouvé extrêmement utile, d'autant plus que j'avais quitté un refuge quatre jours avant le début de la pandémie. Depuis la pandémie, je constate qu'il y a eu beaucoup plus de soutiens sociaux, et ma vie s'est grandement améliorée grâce à ces soutiens.
    Pour ce qui est des facteurs à prendre en considération, les traumatismes intergénérationnels causés par les pensionnats au sein de notre collectivité jouent un rôle très important, et ils sont en grande partie liés aux problèmes de la traite des personnes, ainsi que des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues ou assassinées.
    J'ai eu beaucoup de difficulté à aller à l'école en raison de la violence coloniale dont j'ai été victime après avoir été frappée par une voiture, et des choses du genre. La formation professionnelle, surtout en milieu de travail, serait très utile et réduirait peut-être le sentiment de traumatisme lorsque nous apprenons ou que nous devons aller à l'école.
    En ce qui concerne les survivants de sexe masculin, quelques personnes m'ont parlé des agressions sexuelles ou de la traite des personnes dont elles avaient été victimes. J'ai remarqué que les hommes ont généralement très peur de se confier à qui que ce soit, et qu'ils ont certainement plus peur encore que cette information soit divulguée aux membres de leur famille, au public ou aux personnes avec qui ils travaillent.
    Je pense que c'est un obstacle très important à l'offre de soutiens. Il est extrêmement important d'avoir des soutiens adaptés à la culture. Quand j'étais jeune, j'éprouvais beaucoup de rancœur parce que je devais trouver mon identité et comprendre qui j'étais. Depuis que j'ai mieux compris ma culture, je suis plus calme et en meilleure santé. Je suis capable de mieux fonctionner et de naviguer dans le monde plus facilement depuis.
    Merci.

  (1150)  

    C'est tout un témoignage. Je vous remercie d'avoir été aussi franche au sujet de ces questions qui sont importantes pour notre comité dans le cadre de notre enquête.
    Je vais demander à Mme Blaney de faire son exposé de six minutes, puis nous passerons à la prochaine série de questions.
    Madame Blaney, encore une fois, allez‑y lentement et clairement.
     D'accord, merci beaucoup.
    Brièvement, je veux simplement dire que l'Aboriginal Women's Action Network existe depuis 1995. Depuis plus de 10 ans, nous nous concentrons sur les questions de traite et de prostitution des femmes autochtones. Je pense que notre intérêt à cet égard a été vraiment piqué par les efforts déployés pendant les Jeux olympiques de 2010 pour délivrer des permis aux bordels. Nous avons alors vraiment commencé à nous concentrer sur cette question.
    J'aimerais présenter mon exposé en trois parties. La première partie portera sur la complexité des expériences des femmes autochtones et sur la façon dont nous sommes exploitées sexuellement. La deuxième partie, je l'emprunte à mon amie Cherry Smiley, que vous entendrez jeudi. Elle m'a dit que l'inceste est...
    Excusez-moi, je me sens vraiment ébranlée parce que la technologie m'a rendue folle avant que je la comprenne, alors j'ai un peu de difficulté en ce moment.

  (1155)  

    Moi aussi, madame Blaney. Ne vous sentez pas mal à cet égard.
    Allez‑y.
     Je n'ai pas pu ouvrir de session Zoom. C'était insensé.
    Quoi qu'il en soit, Cherry Smiley m'a dit que l'inceste est l'antichambre de la prostitution. La deuxième chose que je veux faire ressortir, c'est que les filles autochtones sont exploitées sexuellement et que cela les conduit directement à la traite des personnes ou à la prostitution.
    En dernier lieu, je formulerai quelques recommandations sous le titre de « Rien sur nous, sans nous ». C'est un peu ironique, et je vous l'expliquerai plus tard.
    Pour en revenir à la première partie sur l'univers complexe auquel les femmes autochtones font face, je m'appuierai sur la recension des écrits effectuée par l'Association des femmes autochtones du Canada qui cite une étude de l'ONU portant sur le ciblage des victimes de la traite. Les trafiquants s'en prennent aux femmes qui sont jeunes, pauvres, peu instruites, qui viennent de foyers dysfonctionnels et qui cherchent une vie meilleure. J'ajouterai à cette liste, celles qui sortent du système de protection de l'enfance. Les femmes autochtones dans cette situation sont particulièrement ciblées pour la traite des personnes.
    Je tiens à souligner qu'il existe un très fort lobby au Canada pour légaliser la prostitution, le lobby du travail du sexe. Ces gens‑là ont une perspective unidimensionnelle. Par ailleurs, ils ne tiennent pas compte des énormes complexités qui caractérisent les femmes autochtones. Je n'ai pas besoin d'en dire beaucoup à ce sujet, car on a appris beaucoup de choses dans les médias, comme le cas des 215 enfants et des 104 autres dont on a retrouvé les corps.
    Nous sommes donc aux prises avec le racisme — un racisme profondément enraciné — et le génocide qui sont causes de pauvreté. Il suffit de constater le nombre de sans-abri au pays. Les femmes autochtones et leurs enfants sont aussi très touchés par la pauvreté.
    De plus, je pense que la misogynie passe tout à fait inaperçue dans nos conversations sur la colonisation. La misogynie — comme le patriarcat — joue un rôle énorme dans ce qui arrive aux femmes et aux filles autochtones.
    Nous avons une membre du Réseau d'action des femmes autochtones — j'espère qu'elle nous regarde aujourd'hui — qui nous rappelle sans cesse qu'il est rarement question des femmes handicapées dans nos conversations sur l'exploitation sexuelle. Il arrive souvent que des femmes autochtones deviennent handicapées à cause de la violence.
    Nous sommes marginalisés dans toutes les institutions du pays. Rappelons-nous les cas soulevés par Cindy Blackstock au sujet de la protection de l'enfance, et nous savons qu'un grand nombre de nos enfants sont pris en charge par ces services, partout au pays.
    Le système de justice, le racisme au sein de ce système et l'inconduite policière... C'est tout le système qui est touché, pas seulement la police. Il faut réformer le système de justice. L'enquête nationale aurait dû porter davantage sur le comportement du système de justice.
     Le système de soins de santé, comme mon amie l'a mentionné en parlant de la façon dont elle a été traitée... Même au sein du gouvernement des Premières Nations, les femmes autochtones sont marginalisées dans tous ces systèmes.
    Dans le cadre de ce processus, nous commençons à croire ce qu'on nous impose, ce qu'on nous impose de force. Ce message nous est transmis quotidiennement, régulièrement, partout. Quel que soit le point de vue, les femmes autochtones sont considérées comme étant moins nombreuses, alors nous sommes très ciblées pour la traite des personnes. C'est le seul rôle que nous pouvons jouer dans la société canadienne.

  (1200)  

    C'est mon premier point. Il faut tenir compte de la complexité de l'exploitation sexuelle des femmes autochtones. Il ne s'agit pas de ces quelques rares travailleuses du sexe qui s'enorgueillissent de leur condition, car bien d'autres facteurs entrent en jeu, qui font que les femmes sont exploitées sexuellement dans les communautés autochtones.
    Deuxièmement, à propos des jeunes femmes et des filles, je mentionne souvent le rapport de Mary Ellen Turpel-Lafond qui a été porte-parole des enfants et des jeunes ici, en Colombie-Britannique. Elle a publié un rapport qui portait sur une période de trois ans. Elle a examiné tous les cas de violence sexuelle dans les foyers d'accueil. Son étude a révélé que près de 70 % des victimes étaient des filles autochtones. Je crois que quelque 20 % étaient des garçons autochtones. D'après ces statistiques, presque tous ces enfants victimes de violence étaient des Autochtones.
    On nous prépare à l'exploitation sexuelle que nous acceptons comme étant notre destin. Il existe de nombreuses autres études, comme celle du Vancouver Rape Relief & Women's Shelter, portant sur100 appels dans une certaine période, étude que j'ai examinée. On y apprend que 12 % des appelants avaient moins de 14 ans au moment où ils étaient exploités sexuellement, que 12 % d'entre eux avaient entre 14 et 15 ans et que 18 % avaient entre 16 et 18 ans. Cela fait beaucoup quand on songe que près de la moitié des appelants autochtones étaient mineurs au moment où ils étaient exploités sexuellement ou étaient victimes de traite.
    Le rapport de Melissa Farley et de Jacqueline Lynne indique que 96 % des femmes autochtones ayant participé à leur étude ont déclaré avoir été agressées sexuellement dans leur enfance, avant de faire de la prostitution ou d'être victimes de la traite des personnes.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant. Normalement, nous avons un témoignage d'environ six minutes, et nous avons beaucoup de questions à poser avant la première heure. Combien de temps aimeriez-vous prendre avant que nous passions aux questions?
    Je vais prendre une minute de plus pour conclure par « Rien sur nous, sans nous ». Je prends ce slogan avec un brin d'ironie parce que de nombreux groupes de justice sociale disent la même chose. Ils veulent être inclus dans les décisions qui touchent leur vie.
    Je disais tout à l'heure à mon amie que tout est décidé pour nous et sans nous. À la faveur du Plan d'action national pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, j'ai fait valoir que l'enquête nationale avait révélé qu'aucun groupe de femmes n'était intervenu. Pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas parler en leur propre nom? Je trouve cela extrêmement problématique.
    Afin de régler la crise à laquelle nous sommes confrontés, je recommande d'offrir un service entièrement féministe en vue d'aider les femmes autochtones à quitter la prostitution, la traite des personnes et l'exploitation sexuelle, parce qu'il n'existe pratiquement aucun service de ce genre à l'heure actuelle. Tout ce qu'on a présentement, ce sont des services de promotion de la prostitution, des centres d'intervention qui en sont encore au stade de la « réduction des méfaits ».
    Un revenu de subsistance garanti... Mon amie en a parlé au début, et je suis désolée, mais je ne connais pas son prénom. Son nom de famille est Brown. Quoi qu'il en soit...

  (1205)  

     C'est Bryanna.
    Oui. Elle a parlé du revenu de subsistance garanti dans le cadre de la souveraineté alimentaire et des avantages découlant de la pandémie.
    De plus, la désintoxication réservée aux femmes et le traitement de la toxicomanie sont absolument essentiels. Ici, en Colombie-Britannique, nous avons des centres de traitement qui sont cogérés. J'en ai fait l'expérience et je suis une survivante de violences sexuelles subies dans l'enfance. Je vous le dis, il n'est pas facile de s'asseoir dans une salle où les délinquants divulguent leur expérience de délinquance, et que je dois écouter cela.
    Enfin, le financement des groupes et organisations autonomes de femmes autochtones se ramène à « rien sur nous, sans nous ». C'est ce qui manque presque partout où je regarde. Les femmes autochtones ne dirigent pas le processus d'éducation et ne prennent pas de décisions concernant leur propre vie. Je pourrais continuer longtemps, mais je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup pour ce témoignage vraiment remarquable.
    Nous aimerions que les membres du Comité puissent poser des questions à tous nos témoins. Nous en sommes au prochain tour.
    Monsieur Viersen, êtes-vous prêt à prendre la parole pour les conservateurs...
    D'accord, allez‑y pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage.
    Madame Blaney, il y a quelques années, vous avez témoigné devant le Comité d'experts et de gardiens du savoir de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Vous avez alors formulé des recommandations.
    Vous avez notamment proposé de remonter la chaîne et d'expliquer pourquoi les femmes et les filles autochtones sont victimes de traite en partant. Avez-vous des recommandations à faire pour empêcher la traite des femmes et des filles autochtones? Qu'est‑ce qui doit changer?
    Cela fait effectivement partie de mes recommandations. J'estime essentiel d'offrir des centres de désintoxication et de traitement de la toxicomanie exclusivement réservés aux femmes. Dans mon adolescence, j'ai développé des dépendances à cause de la violence sexuelle et des autres formes de violence que j'avais subies, comme le fait d'être orpheline. Je crois dans l'importance des centres pour femmes. C'est là que je me suis sentie pousser des ailes. C'était dans les centres pour femmes auxquels j'avais accès et grâce aux programmes d'études pour femmes. Ce sont les endroits où j'ai pris conscience de la réalité et que j'ai appris à me connaître. Je n'ai pas été en mesure de me défendre contre l'oppression à laquelle je faisais face jusqu'à ce que je rencontre des groupes de femmes, que j'aille dans des centres pour femmes et dans des espaces sécuritaires pour femmes. Ils sont essentiels.
    Dans le cadre de l'enquête nationale, j'ai parlé de l'importance des groupes de sensibilisation. Ce sont des groupes de femmes autochtones qui discutent ensemble des enjeux ayant un impact sur nos vies et qui font le tour des questions préoccupantes. C'est ainsi que nous fonctionnons au sein du Réseau d'action des femmes autochtones. Nous ne fournissons pas de services. Nous ne sommes pas axés sur le service. Notre tâche principale est de sensibiliser les femmes, de les amener à une prise de conscience et à l'action politique. À partir de là, des choses incroyables se produisent. Certaines de nos membres ont parcouru le pays dans le cadre de la marche nationale des femmes contre la pauvreté et la violence.
    Ce sont là certaines des choses qui, à mon avis, sont vraiment importantes pour prévenir le trafic sexuel des filles autochtones, principalement.
    Selon certaines de mes recherches, la victime moyenne de la traite des personnes à des fins sexuelles au Canada rapporte environ 325 000 $ par an. Cela fait beaucoup d'argent. C'est en partie la raison pour laquelle cela se produit aussi souvent.
    D'où vient cet argent? Une telle somme est un énorme incitatif qui pousse les gens et les trafiquants à s'en prendre à leurs victimes. Comment pourrions-nous nous en prendre au côté financier de ce trafic? D'où vient l'argent et comment peut‑on le sortir du système?
    Je vais donner la parole à Mme Blaney et à Mme Brown.

  (1210)  

     Je pense que l'argent vient du droit que s'arrogent les hommes.
    La Suède a mené un vaste processus de sensibilisation d'après le modèle nordique que ce pays a élaboré. Un élément important était l'éducation sur les questions d'égalité pour les femmes.
    La Loi sur les Indiens est fondée sur le patriarcat, et il faudra beaucoup de temps avant que nous puissions défaire ce qui nous a été fait, y compris la résistance du gouvernement actuel à la mise en œuvre du projet de loi S‑3, je crois, sur la question du statut.
    Madame Brown.
    Excusez-moi, mais pourriez-vous répéter la question?
    Oui. Par le passé, l'argent a beaucoup compté dans bien des domaines, qu'il s'agisse du poisson, du bois d'œuvre ou des peaux de castor. Aujourd'hui, nous constatons qu'une victime de la traite des personnes à des fins sexuelles rapporte environ 325 000 $ par année au trafiquant.
    La question revient essentiellement à savoir d'où vient cet argent et comment le retirer du système.
    La demande est forte, bien sûr.
    J'ai remarqué que cette demande est alimentée par des gens de tous les milieux, et je sais que l'exploitation financière est étroitement liée à la traite de personnes et au servage.
    Il y a environ un an ou deux, quelqu'un a essayé de me préparer à la traite des personnes, et j'ai eu la chance de comprendre ce qu'il faisait avant que cela n'arrive. Cela a commencé par une tentative de relation. Au début, c'était quelque chose qui semblait tout à fait normal, juste un petit ami ou une relation régulière, puis on a essayé de me lier au plus grand nombre de contrats possible. On aurait des achats sous mon nom que j'aurais dû rembourser et qui aurait aussi porté le nom du trafiquant. Il aurait pu s'agir d'une voiture, d'un plan téléphonique de deux ans avec Bell ou Rogers, de choses comme cela. Comme il est ensuite difficile de se dégager de ce genre d'obligation, on est encore plus lié au trafiquant, et l'on est forcé de lui obéir.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Adam van Koeverden pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à dire un énorme merci à nos témoins d'aujourd'hui pour leurs récits personnels de personnes vulnérables. La chose n'est pas facile pour le gouvernement, mais cela ne se compare en rien à ce que vous avez vécu. Votre expérience personnelle permet de faire progresser les choses, et je tiens à vous remercier au nom des personnes qui seront protégées par les politiques futures que ce travail créera. Merci.
     Je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de Credit.
     Je veux aussi dire que la violence faite aux femmes est presque toujours la violence des hommes envers les femmes. Cela dit, je veux céder mon temps de parole à Lenore Zann, ma collègue. Il s'agit de son espace et de son travail, et je pense qu'elle a des questions plus valables à poser que moi.
    Je tiens à remercier tout le monde encore une fois.
    Je vous cède la parole, madame Zann.
     Merci beaucoup, monsieur van Koeverden. Merci d'avoir été si généreux et d'avoir pensé à mon temps également.
    Je tiens à remercier les témoins. Je sais que c'est un sujet difficile, mais c'est très, très important.
    Je tiens à souligner certaines des choses que Mme Blaney a mentionnées et avec lesquelles je suis tout à fait d'accord. C'est une question de misogynie. C'est une question de patriarcat. Il s'agit de l'inégalité des femmes dans la société et du mépris total de certains hommes envers les femmes et les filles. Il faut que cela cesse maintenant. Plus on entend parler de féminicides, plus je suis en colère. Je sais que tout cela peut être évité si les gens apprennent à croire que nous sommes tous égaux, que vous pouvez avoir vos émotions et être bouleversés par quelque chose, mais cela ne veut pas dire que vous pouvez tuer quelqu'un ou essayer de contrôler quelqu'un d'autre. C'est une question de contrôle et de domination. De toute façon, ce sont toutes des attitudes et des actions coloniales. Dans l'ensemble, je crois que la plupart des femmes ont été touchées par cette situation, en particulier les membres des Premières Nations, et j'en suis vraiment désolée.
    Dans le mémoire présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, l'Association des femmes autochtones du Canada indique certains des thèmes récurrents qui contribuent au recrutement de femmes autochtones victimes de la traite des personnes comprennent — nous en avons parlé aujourd'hui. Il s'agit: de la précarité des logements et des mauvaises conditions de vie; du taux élevé de chômage; de l'instabilité des emplois et des bas salaires; du manque d'accès aux ressources et aux programmes sociaux et économiques; de l'exposition antérieure à la traite des personnes et au commerce du sexe à un jeune âge, par l'entremise de la famille ou d'amis; de la violence familiale et des répercussions de la colonisation, comme l'expérience des pensionnats et les traumatismes intergénérationnels.
    Parlez-nous donc de « rien sur nous, sans nous ». Quelles sont les premières mesures que nous devons prendre pour lutter contre cette terrible pratique qu'est la traite des personnes? Il est dégoûtant de tarifer la vie d'une femme, de lui mettre un prix.
    Madame Blaney et madame Anderson, avez-vous des commentaires?

  (1215)  

    Voulez-vous commencer?
    Non, vous pouvez y aller.
    D'accord.
    J'ai établi un lien entre « rien sur nous, sans nous » et le financement des organisations autonomes de femmes autochtones afin que nous puissions prendre notre envol, comme je l'ai fait, grâce aux centres pour femmes et aux universités. C'est grâce aux études féminines que j'ai appris ce qui m'était arrivé.
    Tout cela devient tellement normalisé. Il y a un livre intitulé Black Eyes All of the Time. Je pense que nous avons besoin d'un autre livre qui parle de l'exploitation sexuelle des filles autochtones et de la façon dont cela devient tellement normalisé que la traite n'est pas si loin de notre réalité. À mon avis, la solution consiste à renforcer les capacités des femmes autochtones.
    Je ne sais jamais comment le faire avec respect, et je veux le faire. Je suis préoccupée par le fait que nous ayons une Assemblée des Premières Nations bien dotée en ressources, mais une Association des femmes autochtones du Canada mal dotée en ressources qui ne peut pas représenter adéquatement nos intérêts partout au pays, et encore moins à l'échelon local. Nous devons absolument nous-mêmes renforcer nos capacités. À la suite des travaux de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme, en 1972, je crois, les femmes non autochtones ont obtenu des centres pour femmes partout au pays. Elles ont obtenu Condition féminine Canada et le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Toutes ces choses se sont produites pour les femmes non autochtones. C'est à notre tour. Nous devons nous dissocier de ce qui nous a été fait dans la Loi sur les Indiens.
    C'est un long processus. Je crains que nous n'en soyons même pas au début. Nous sommes toujours sous le parapluie de nos conseils de bande et sous la bannière du colonialisme, sans qu'on s'intéresse particulièrement au colonialisme sexospécifique, au racisme sexospécifique et à la pauvreté sexospécifique. Ces choses sont pratiquement absentes, et elles sont éclipsées par les grandes questions du colonialisme.
    C'est ce dont je parle beaucoup.

  (1220)  

     Merci.
    Intéressant. Merci beaucoup.
    Madame Zann, je pense que nous pourrons revenir à vous plus tard, et vous pourrez revenir là‑dessus avec Mme Anderson-Pyrz.
    Pour l'instant, madame Bérubé, c'est votre tour. Allez‑y, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Blaney, votre discours et votre témoignage étaient très touchants. On apprend tout ce que les personnes peuvent vivre.
    On parle de misogynie, de patriarcat, de pauvreté, de discrimination, d'agressions dans les foyers, entre autres. Selon vous, que peut-on faire pour remédier à cette situation? Avez-vous des recommandations à faire?
    Vous avez dit qu'il était important que vous participiez aux recommandations pour contrer la traite des femmes autochtones. Avez-vous des recommandations à nous faire pour que nous puissions en tenir compte?

[Traduction]

    Je suis vraiment désolée. Je n'ai rien compris de tout cela.
    Vous n'avez pas choisi la langue, madame Blaney. Au centre de votre écran se trouve un globe. Sélectionnez le globe, puis sélectionnez « English » comme langue. Vous pourrez ainsi entendre l'interprétation.
    D'accord.
    C'est une très bonne question, et je pense que Mme Bérubé devrait la reformuler pour que vous puissiez l'entendre.
    Madame Bérubé, s'il vous plaît.

[Français]

    M'entendez-vous, madame Blaney?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Je disais que je trouvais tout ce que vous avez dit très pertinent. C'était très touchant. J'en ai pris bonne note.
    Vous dites qu'il s'agissait de génocide, de pauvreté, de discrimination, de misogynie et que la Loi sur les Indiens faisait preuve de patriarcat. Vous avez dit vouloir aussi participer en tant que femme et responsable dans ce dossier, et que ce n'était pas à nous de décider, mais à vous de voir ce qu'on pouvait faire pour remédier à la situation.
    Avez-vous des recommandations à nous fournir pour vous aider afin de remédier à ce problème?

[Traduction]

    D'accord. J'ai l'impression de me répéter. Je suis désolée.
    Je crois vraiment qu'en tant que femmes autochtones nous devons commencer à renforcer nos capacités entre nous afin de pouvoir répondre à tout l'éventail de problèmes qui nous touchent. Il y a la prise en charge des enfants. Il y a de la violence masculine contre les femmes dans nos familles. Il y a même l'expression « violence familiale » — à laquelle je m'oppose vraiment — qui obscurcit qui fait quoi à qui. Il s'agit en général de violence masculine.
    Il y a divers problèmes qui nous touchent, nous les femmes autochtones. Nous devons renforcer les capacités et créer des cercles de sensibilisation entre nous afin de pouvoir nous organiser pour y répondre.
    J'ai eu le don, en 1982, de faire partie d'un cercle de femmes, et c'est là que j'ai commencé à m'intéresser à ma propre situation. J'ai siégé avec les femmes autochtones ici [Difficultés techniques]
    Oups. Je pense que nous avons perdu Fay Blaney. Nous allons reprendre contact avec elle. Nous passerons en attendant à Rachel Blaney pour sa question.
    Madame Blaney, allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Si vous me permettez de revenir à vous, madame Anderson-Pyrz, j'aimerais d'abord parler de la ligne d'urgence. Des Autochtones de ma circonscription m'ont dit, surtout en ce qui concerne la découverte des 215 enfants, « Pourquoi devrais‑je appeler une ligne d'aide? Qui est à l'autre bout? Ils ont tout gâché. Pourquoi devrais‑je les appeler pour leur demander de l'aide?  Je l'ai entendu tellement de fois que je constate qu'il y a de la méfiance.
    Je me demande si vous pourriez nous en parler, mais pourriez-vous aussi nous parler des services que vous offrez? Quels sont les défis, surtout pour une région rurale et éloignée comme celle que vous représentez?
    Merci.

  (1225)  

     Lorsqu'il s'agit de la ligne d'urgence, nous voulons voir si les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones sont à l'aise pour avoir recours aux services. Les relations sont quelque chose de fondamental lorsqu'on parle de traite des personnes et de la violence fondée sur le sexe.
    Il est très difficile d'obtenir du soutien par téléphone, parce que ce n'est pas notre façon de faire. Les Autochtones nous avons tendance à être plus à l'aise lorsque nous pouvons rencontrer quelqu'un en personne, quelqu'un qui nous transmet un sentiment de sécurité et l'envie d'établir une relation. Nous pouvons alors parler ouvertement de nos expériences vécues et demander de l'aide.
    Si la ligne d'urgence est censée être une première étape, il faudrait y avoir une réponse automatique disant: « Merci d'avoir appelé. Ce service se trouve dans votre région, et c'est ainsi que vous pouvez y avoir accès. » Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, parce qu'il n'y a pas suffisamment de ressources au pays pour soutenir les victimes de violence fondée sur le sexe et la race.
    Au sein de notre unité, nous adoptons une approche très décolonisante à l'égard des services que nous offrons. Nous insistons pour qu'ils soient enracinés dans nos façons d'être par la culture, les cérémonies et les langues, et qu'ils soient dirigés par des Autochtones. C'est ainsi que l'on parle de notre soutien dans le cadre de divers événements, de rencontres de guérison et d'autres activités que nous organisons et faisons évaluer. Nous prenons vraiment ces évaluations à cœur. Elles nous sont transmises par les participants qui cherchent nos ressources et notre soutien par l'entremise de l'unité de liaison MKO MMIWG.
    Il nous est difficile d'interagir avec les structures coloniales qui sont mises en place pour la prestation des services, et ce en raison des obstacles et du manque de volonté de travailler avec les fournisseurs de services autochtones. Nous sommes perçus comme étant inférieurs, incapables de fournir des services utiles. Cependant, si vous examinez notre approche, vous verrez qu'elle est très utile et efficace pour traiter les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones qui sont victimes de violence fondée sur la race et le sexe, et elle met l'accent sur le mieux-être, la guérison et la prévention.
    Merci de cette réponse.
    Je précise que le prochain intervenant sera M. Schmale, suivi de M. Battiste, pour cinq minutes chacun.
    Je remercie nos témoins de leur présence et de leurs excellents témoignages.
    Je vais commencer par le Congrès des peuples autochtones. Pourriez-vous nous parler de votre affilié, le Conseil des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick, et de son programme intitulé « Looking Out For Each Other »?
    En fait, j'en ai eu vent assez récemment. Lorsque les femmes sortent, elles le font habituellement à deux ou elles établissent des contacts. Elles se téléphonent entre elles et se rendent visite mutuellement. C'est ainsi qu'elles veillent les unes sur les autres.
    Ce programme a connu beaucoup de succès. Les femmes et les filles disent où elles vont aller. C'est un bon programme, surtout si elles doivent faire des courses ou sortir le soir. Elles ont toujours quelqu'un, une bonne amie qui les accompagne.

  (1230)  

    Je comprends. Comme vous l'avez dit, vous l'avez appris récemment. Plus je lis au sujet de ce programme, plus je trouve intéressant de voir comment on peut s'assurer que tout le monde rentre à la maison en toute sécurité. Il y a toujours quelqu'un qui est au courant et les gens savent que la personne est attendue quelque part.
    J'aimerais savoir si vous avez quelque chose à ajouter. Vous l'avez en quelque sorte mentionné dans votre déclaration préliminaire. Prendre soin des enfants en bas âge et mettre en place un solide programme de soutien peuvent être des facteurs importants pour prévenir la traite des mineurs, comme nous l'avons d'ailleurs entendu des témoignages aujourd'hui.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi le Congrès des peuples autochtones a été exclu des réformes de la Loi sur le bien-être des enfants autochtones et ce que cela a voulu dire pour les collectivités qui n'ont pas participé à ce processus?
     Cela a eu une incidence majeure, comparable à celle du principe de Jordan. Le Congrès des peuples autochtones et nos organisations provinciales et territoriales n'ont pas eu leur mot à dire, pas plus que la vox populi. Mais nous n'étions pas les seuls à être exclus. L'Association des femmes autochtones a également été oubliée. Je ne sais pas si les députés le savent, mais les trois seules organisations autochtones nationales à siéger à une table sont le Ralliement national des Métis, l'Assemblée des Premières Nations et Inuit Tapiriit Kanatami.
    Nous étions assis à la table autrefois. Il y a cinq ans, nous étions présents à toutes les tables. Il y avait même des députés qui se plaignaient si nous n'y étions pas. Il n'y a pas si longtemps, il y en a un qui s'est fait taper sur les doigts parce qu'il nous avait invités. Il y a les trois autres organisations que je viens de mentionner. Parfois, à la fin d'une invitation, on ajoute: « Si le Congrès des peuples autochtones sera là, nous n'y serons pas. »
    Nous nous concentrons sur les gens ordinaires et nous les aidons d'une façon ou d'une autre. La COVID‑19 en est un excellent exemple. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais lorsque nous avons présenté notre première demande, on nous a offert 250 000 $ pour desservir neuf collectivités partout au Canada, ce qui aurait représenté environ 25 000 $ pour chaque province. Nous avons essayé de faire les calculs nous-mêmes. Nous avons conclu que chaque famille se serait retrouvée avec un petit sandwich de rien du tout.
    Nous avons décidé de traîner le Canada devant les tribunaux, et juste au moment où nous étions sur le point de le faire, ils nous ont donné un chiffre. Ce n'était pas le meilleur, mais c'était suffisant pour aider nos gens. Je ne sais toujours pas pourquoi nous sommes exclus de toutes les tables, car comment voulez-vous que nous sachions quoi faire si nous ne sommes pas là? Nous recevons des nouvelles par des tiers. Il y a tout de même deux ou trois ministres qui, je suppose, nous sont fidèles, parce que chaque fois qu'ils ont une table ronde, nous sommes invités et nous savons ce qui se passe dès le départ.
    La déclaration des Nations unies en est un excellent exemple. Six mois avant que l'on communique avec le Congrès, des consultations ont été menées auprès des trois autres organisations. Tout à coup, ils ont décidé qu'il valait mieux nous consulter nous aussi. Nous avons eu au total peut-être trois heures de consultation, alors que trois des autres organisations ont eu six mois. Pour moi, ce n'est pas juste.
    Nous sommes Autochtones. Nous sommes Métis. Nous ne sommes pas des Indiens inscrits. Nous sommes inscrits hors réserve et nous sommes des Inuits du Sud. Je ne comprends tout simplement pas. Vous avez probablement tous entendu parler de la base distincte, et c'est là que nous sommes laissés pour compte. Je ne sais pas pourquoi, parce que nous sommes une base distincte. Nous sommes des Métis.

  (1235)  

    Chef St. Pierre, vous êtes toujours le bienvenu ici, et j'apprécie vraiment...
    Je sais bien... Quand je parle des députés qui nous font participer à toutes les réunions, c'est bien sûr à vous que je songe, Bob Bratina. Il y a aussi Rachel Blaney. Ensuite, il y en a d'autres dont je ne suis pas tout à fait certain, mais au moins vous deux vous êtes ici présents. Nous avons eu des réunions en table ronde, et je suis heureux qu'il y ait des députés de notre côté qui nous inviteront, peu importe ce que diront les trois autres organisations.
    Merci, chef. Merci beaucoup.
     Je n'aime pas qu'on me cherche noise. Je dis simplement: « Venez donc nous voir! Bienvenue. »
    Nous passons maintenant à Jaime Battiste, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais revenir au sujet à l'étude. Ma question s'adresse à Mme Anderson-Pyrz et à Mme Brown, puis à Mme Blaney. Le gouvernement a prévu 2,2 milliards de dollars dans le dernier budget pour répondre aux appels à la justice formulés dans le cadre de l'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous avons présenté un plan d'action national le 2 juin, et nous espérons utiliser cet argent pour mettre fin au racisme systémique et à la violence contre les femmes autochtones au Canada.
    J'aimerais que chacun d'entre vous, en une minute, nous fasse des suggestions sur la meilleure façon d'utiliser cet argent pour s'attaquer au problème de la traite des femmes autochtones au Canada. Nous pourrons ainsi formuler des recommandations au gouvernement en fonction de vos commentaires, en lui indiquant les aspects les plus prioritaires.
    Madame Anderson, pourriez-vous commencer?
     Oui, absolument.
    Je pense que la première chose que le gouvernement peut faire, c'est de mettre en place un revenu de subsistance garanti, car la pauvreté est un facteur important de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle.
    Offrir sans entraves des possibilités de guérison de la violence coloniale et des répercussions enracinées dans la culture. Offrir également des cérémonies et des possibilités de guérison liées à la terre.
    Merci.
    Je vous en remercie.
    Madame Blaney ou madame Brown, vouliez-vous faire des recommandations sur la façon dont nous pouvons utiliser ces 2,2 milliards de dollars pour régler le problème qui nous occupe?
    Je pense qu'il serait très très important de s'assurer que les consultants qui ont survécu à des abus sexuels ou à la traite des personnes soient consultés et rémunérés pour leur travail et pour leurs connaissances traditionnelles.
    Il serait très utile d'avoir des programmes de formation ou des présentations pour mieux sensibiliser les peuples autochtones à ce qu'ils vivent dans le contexte des pensionnats et des traumatismes intergénérationnels, leur faire comprendre le lien entre ces faits, les abus sexuels et la normalisation de la traite des personnes dans les collectivités et, en définitive, voir comment ces problèmes surgissent et comment les prévenir.
    Merci.
    Madame Blaney.
    Je pense que le chemin est long à parcourir quand on sort de la traite sexuelle et de la prostitution. Nous avons vraiment besoin d'un service féministe complet pour les femmes autochtones.
    D'autres formes de guérison... J'ai parlé plus tôt des centres de désintoxication réservés aux femmes et des centres de traitement de la toxicomanie. Je pense que ce genre de services est vraiment essentiel pour le grand nombre de femmes autochtones qui survivent à la prostitution ou qui sont victimes de traite.
    Madame Blaney, il ne me reste qu'environ une minute. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les pratiques exemplaires que vous avez utilisées pour vous en sortir?
    Que peut faire le gouvernement pour trouver un moyen de sortir les gens de cette situation de façon sécuritaire et respectueuse des peuples autochtones du Canada?

  (1240)  

    Le Manitoba est certainement en avance sur nous à cet égard. Je suis sûre que Mme Anderson-Pyrz pourrait vous parler de ce qui se passe là‑bas.
    En Colombie-Britannique, nous avons des services religieux — chrétiens, par exemple — pour les femmes qui veulent s'en sortir.
    Je vais demander à Mme Anderson-Pyrz de vous parler un peu de ce qui se fait au Manitoba.
    Je sais qu'au Manitoba, on fait appel aux victimes qui ont survécu à la traite des personnes et à l'exploitation sexuelle pour leur expérience vécue, leur expertise et leur agentivité afin de guider le processus et expliquer en quoi ça consiste. Je sais qu'on insiste également sur ce que signifie la sécurité pour les victimes dans cette optique. Nous savons que certaines croyances chrétiennes ne soutiennent pas vraiment ce que l'on entend par la sécurité des victimes.
    À titre d'exemple, la victime est obligée de rester confinée dans une pièce. Or, de nombreuses victimes de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle ont été violées dans une salle fermée. Il faut avoir un concept d'espace ouvert, mais sûr, où les victimes peuvent se réfugier 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et qui offre des ressources culturellement appropriées, comme des grands-mères, des services de counselling et des pratiques cérémoniales.
     C'est ce qui se passe actuellement au Manitoba, où il y a un espace sécuritaire ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui porte le nom d'une grand-mère qui a joué un rôle essentiel dans le soutien de nombreuses victimes de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle. Ça s'appelle Velma's House. C'est dirigé par des victimes qui mettent à contribution leur expérience, leur expertise et leur agentivité pour fournir ces soutiens et ces ressources.
    Si on pouvait se débarrasser des préjugés et créer cet espace sécuritaire, la personne qui cherche à obtenir du soutien et des ressources sera mieux en mesure de retrouver son esprit et de s'inspirer d'autres exemples qui peuvent l'aider dans son cheminement vers la guérison. Il s'agit de protéger les victimes contre les trafiquants tout en respectant leur dignité tout au long du processus.
    Il est essentiel de veiller à ce que les personnes qui ont besoin de soutien et de ressources jouissent de la dignité nécessaire pour ne pas avoir l'impression d'être un problème et se sentir coupables, car ce n'est pas de leur faute.
     Merci beaucoup de votre réponse.
    Mesdames et messieurs, nous avons le temps pour une dernière intervention de chacun des partis.
    Les conservateurs sont les premiers.
    Puisque les choses ont un peu changé, est‑ce que ce sera Gary Vidal? Qui sera le prochain intervenant pour les conservateurs? Monsieur Melillo?
    Voulez-vous prendre la parole pour cinq minutes, s'il vous plaît?
    Merci, monsieur le président. J'apprécie.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence.
    Je ne sais pas trop à qui poser cette question, mais peut-être à vous, madame Anderson-Pyrz, si vous êtes encore en ligne.
    Dans notre étude précédente, nous avons beaucoup parlé de l'application de la loi dans les réserves et de certaines des lacunes, des défis et de la confusion sur le plan des compétences qui limitent ce que la police, voire les tribunaux, peuvent faire. Je me demande si vous avez des commentaires à faire sur l'incidence que cela pourrait avoir sur la prévalence de la traite des personnes à des fins sexuelles, le cas échéant, et si le fait de combler ces lacunes pourrait contribuer à régler le problème qui se pose aujourd'hui.
    Oui, absolument.
    Nous devons supprimer les barrières limitrophes afin d'accélérer les interventions en faveur de la protection et de la sécurité des victimes de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle, car il y a des retards en l'absence d'ententes intergouvernementales. C'est par exemple le cas si un incident a lieu au Manitoba ou en Ontario et qu'il faut agir en conséquence. Pendant que l'on décide quelle est la province qui a la compétence, la victime continue de souffrir.
    Nous devons coopérer et nous entendre pour agir en temps opportun et en songeant avant tout à la victime pour mettre fin aux meurtres de femmes et de filles autochtones et à la violence fondée sur le sexe et la race. Nous devons vraiment examiner la façon dont le Canada réagit et veiller à ce que ces obstacles soient éliminés.

  (1245)  

    Merci.
    Quelqu'un d'autre souhaite‑t‑il intervenir avant que je poursuive?
     Je ne vois personne, alors je poursuis. Je ne veux pas répéter ce qui a déjà été demandé, mais il s'agit certainement d'une discussion très importante qui mérite un examen en bonne et due forme. Nous avons parlé un peu des facteurs qui amènent les gens à se trouver dans des situations de vulnérabilité. Je me demande si Mme Anderson-Pyrz, Mme Brown ou quelqu'un d'autre pourrait nous donner plus de détails sur les meilleures façons d'empêcher les gens de se retrouver dans des situations de vulnérabilité?
    Je vais céder la parole à Mme Brown, car je pense que c'est une tribune importante où faire part de son vécu.
    Merci.
    Je suis désolée. Je suis nerveuse. Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?
    Pas de problème. Merci.
    Je me demande si vous pouvez nous dire ce que le gouvernement pourrait faire de mieux pour que nous soyons plus préventifs, plus proactifs, pour éviter que les gens se retrouvent dans des situations de vulnérabilité qui mènent à la traite des personnes, notamment à des fins d'exploitation sexuelle. Que pouvons-nous faire au chapitre des programmes et du soutien? Comment pouvons-nous combler les lacunes [Difficultés techniques]
     Je pense qu'il est vraiment important que l'orientation de tout programme conçu pour la lutte contre la traite des personnes ou la guérison des survivants soit dirigée par des Autochtones.
    Je fais également partie du comité directeur national autochtone sur l'action climatique, et j'ai bien sûr remarqué les changements climatiques, l'extraction et l'exploitation des terres et des ressources naturelles. J'ai réfléchi à la façon dont cela se rapporte à l'exploitation des peuples autochtones, en particulier des femmes, et à l'injustice et au racisme environnementaux qui causent leur déplacement, sans parler du nouveau choc culturel de se retrouver dans une collectivité moins autochtone, sans accès à la nourriture traditionnelle ni à leur territoire ancestral.
    Je pense que l'accès aux terres est extrêmement important. Je remarque que tout va mieux quand nous avons plus de ressources culturellement pertinentes pour les clients qui sont fournies par des personnes autochtones et d'autres origines ethniques.
    J'ai créé des programmes, des ateliers et des présentations pour sensibiliser les gens et j'ai offert des consultations aux hôpitaux et aux organisations de lutte contre la traite des personnes afin de donner mon avis sur les programmes de leadership et de guérison pour les survivants. J'ai remarqué qu'il y a une forte demande pour ces présentations et pour une plus grande sensibilisation à ces questions.
    Merci.

  (1250)  

    Merci beaucoup.
    Avant de donner la parole à Mme Zann, je constate que Diane Redsky s'est jointe à nous.
    Madame Redsky, nous avons trois autres interventions. S'il reste du temps à la fin, je vous demanderai de faire quelques commentaires.
    Monsieur le greffier, pourrions-nous ajouter quelques minutes à la fin pour permettre à Mme Redsky de faire sa présentation? Est‑ce que cela vous convient?
    Le greffier: Oui.
    Le président: D'accord, nous allons donc le faire.
    Attendez et écoutez la conversation.
    Nous allons maintenant passer à Mme Zann, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, madame Brown, vous avez fait un excellent travail. Il me semble que vous êtes vraiment sur la bonne voie.
    L'éducation est la clé. Je crois que la clé, c'est d'apprendre à avoir l'estime de soi et à retrouver sa valeur après avoir vécu des situations terribles de violence et de négligence. Cela enlève beaucoup aux femmes, mais nous devons être là pour nous soutenir les unes les autres.
    J'espère que vous obtenez tout le soutien dont vous avez besoin. Vous êtes une source d'inspiration, et je vous remercie infiniment de votre présence.
    J'aimerais revenir sur la question des 2,2 milliards de dollars que le gouvernement va accorder au cours des prochaines années au dossier des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées.
    Ici, en Nouvelle‑Écosse, on parle d'un centre de résilience. C'est ce à quoi travaille l'Association des femmes autochtones de la Nouvelle‑Écosse avec moi. On estime que ce serait une très bonne façon d'offrir un espace sécuritaire aux femmes qui ont subi des traumatismes intergénérationnels, des traumatismes liés aux pensionnats, des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées et les LGBTQQIA+. Ce serait un excellent endroit sûr où les gens pourraient guérir.
    Est‑ce que l'une d'entre vous travaille également à ce genre de projets au Canada?
    Madame Blaney, je vais peut-être commencer par vous.
    Oui.
    Nous n'avons pas de centre de résilience; nous participons à la coalition sur les personnes assassinées et disparues. Cette coalition est née de l'enquête Oppal, et c'est un moyen important pour nous d'exprimer nos préoccupations à l'échelle nationale.
    Pour ce qui est des montants que vous avez mentionnés, je suis d'accord avec Mme Anderson‑Pyrz. Un revenu de subsistance garanti est vraiment important, car il permettrait aux femmes autochtones d'être autonomes. Les niveaux de pauvreté sont assez élevés, et les centres urbains deviennent inhabitables. Le logement est à son paroxysme.
    Ici, à Campbell River, il y a des tas de projets de développement et les loyers sont absolument inabordables. Je pense que le revenu de subsistance garanti serait une façon de remédier à l'inégalité des femmes autochtones.
     Merci beaucoup.
    Vous avez dit tantôt que « l'inceste est l'antichambre de la prostitution ». Ici aussi, en Nouvelle‑Écosse, j'ai travaillé avec des personnes, dont Linda MacDonald et Jeanne Sarsen, qui sont allées aux Nations unies pour parler de la traite des personnes. Elles travaillent avec des femmes qui y ont survécu. J'en ai rencontré plusieurs qui m'ont confirmé qu'il y a des familles où les enfants ont été formés pour travailler dans cette terrible industrie pour ensuite être envoyés un peu partout.
    Qu'aimeriez-vous dire ici? Comment pouvons-nous régler ce terrible problème?
    La question de l'inceste est certainement un comportement acquis. Nous l'avons acquis grâce à nos chers pensionnats, qui nous ont tués en passant. Je pense que c'est un comportement qu'il faut désapprendre. Nous ne saurions trop dire à quel point les pensionnats nous ont touchés. Je suis une survivante, et il y a quatre générations avant moi qui le sont aussi.
    En fait, ma génération est la première à élever ses propres enfants. Toute cette question d'avoir une famille — prenons un peu de recul — est quelque chose qu'on nous a nié, nié, nié tout au long de l'histoire. Il est très difficile maintenant de nous préoccuper soudainement de la protection de nos filles, après tout ce que nous avons vécu. C'est un problème très complexe.
    J'écoutais les questions de l'autre monsieur, sur ce que nous pouvons faire pour régler ce problème, et je riais un peu nerveusement, parce qu'au début, je parlais de la pauvreté, du racisme, de la misogynie, du système de protection de l'enfance, du système de justice et du système de soins de santé. Toutes ces institutions s'entendent pour nous opprimer. Elles sont complices.

  (1255)  

    C'est accablant, n'est‑ce pas? C'est presque accablant quand vous...
    Oui.
    Le président: D'accord. Merci...
    Je suis désolée de vous interrompre, monsieur le président. Je dois dire que Nora Bernard était une amie de mon père. Il a lancé le programme d'enseignement micmac des Premières Nations en Nouvelle‑Écosse pour former des élèves micmacs à devenir enseignants, et il était très près de Mme Bernard. Elle a fait un travail extraordinaire pour les survivants des pensionnats.
    Je suis de tout cœur avec vous et avec tous les survivants de ce terrible système. C'était un système terrible. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour venir à bout du traumatisme qui en découle pour toutes les familles et les familles intergénérationnelles. Veuillez rester en contact.
    Merci.
    Madame Bérubé, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Blaney, j'aimerais avoir une information. Vous avez parlé d'une aide à l'enfance mieux ciblée.
    Pouvez-vous m'expliquer cette situation, s'il vous plait?

[Traduction]

    Nous avons beaucoup de chemin à faire pour avoir une certaine autonomie par rapport au système de protection de l'enfance. Le taux d'appréhension atteint des sommets. Nous parlons souvent du fait qu'il y a maintenant plus d'enfants pris en charge qu'il n'y en a jamais eu dans les pensionnats. L'appréhension a causé d'énormes dommages, à l'instar du système des pensionnats.
     J'étais autrefois enseignante au niveau postsecondaire. Il y avait souvent des étudiants autochtones dans ma classe qui ne savaient pas qui ils étaient. C'est dans ma classe qu'ils apprenaient qui ils étaient et ce que c'est que d'être Autochtone: D'où est‑ce que je viens? C'est un autre volet de la stratégie génocidaire qui a été lancée contre nous.
    J'espère avoir répondu à votre question. Je crois qu'elle portait sur la protection de l'enfance.

[Français]

     Je vous remercie.
    En 2018, un mémoire a été présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. L'Association des femmes autochtones écrivait qu'il y avait un manque de données ventilées et de données interorganisationnelles, ce qui nuisait grandement à l'identification des victimes et des survivantes de la traite des personnes et de l'exploitation et rendait difficile de leur venir en aide.
    Compte tenu de l'importance de ces statistiques et des données ventilées, pouvez-vous me dire comment remédier à ce manque?

[Traduction]

     Je pense que Mme Anderson‑Pyrz fait partie — tout comme Mme Redsky — du plan d'action national. Il y a un comité ou une table qui s'occupe des données, et j'ai vraiment hâte de voir les résultats de ses travaux.
    L'observatoire du féminicide participe à ce processus, et j'en suis très heureuse. Il est question de décoloniser les données. Mme Anderson‑Pyrz a parlé, dans une certaine mesure, des problèmes de compétence que nous avons relativement aux services de police, et j'espère que le Comité en tiendra compte.
    J'ai hâte de voir les travaux du comité sur les données.

  (1300)  

    Merci beaucoup.
    Quelqu'un s'oppose‑t‑il à ce qu'on prolonge brièvement la séance au‑delà de 13 heures?
    Je pense que j'aurai l'appui du Comité pour poursuivre après 13 heures.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Rachel Blaney, puis à Mme Redsky.
    Monsieur le président, j'aimerais céder mon temps de parole. Je veux vraiment entendre Mme Redsky. Je ne veux pas qu'elle perde une minute.
    Je tiens également à dire qu'il est agréable d'avoir une autre Blaney dans la salle, Fay Blaney. Il est toujours bon d'avoir sa belle-sœur en ligne.
    Merci. Je vais céder mon temps de parole.
    C'est très gentil de votre part.
    Madame Redsky, bonjour et bienvenue.
    Normalement, nos témoins font un exposé d'environ six minutes. Nous aimerions vraiment entendre le vôtre, alors pouvez-vous commencer, s'il vous plaît?
    Pouvez-vous m'entendre?
    Oui, nous vous entendons.
     D'accord, c'est bien. Nous avons eu des difficultés techniques plus tôt.
    [La témoin s'exprime en ojibwé]
    [Traduction]
    Mon nom spirituel est Love Eagle et je suis du clan du Caribou. Je reconnais le territoire visé par le traité sur lequel j'ai le privilège de vivre et de travailler, le Traité no 1, dans la patrie de la nation métisse. Je reconnais également le territoire traditionnel de mes ancêtres, le Traité no 3, la Première Nation de Shoal Lake 40, qui fournit également l'eau à la ville de Winnipeg.
    Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici. Je m'excuse des difficultés techniques et du fait que je n'ai pas pu participer à toute la séance, mais je suis très contente de voir que certains dirigeants travaillent sur cette question avec Mme Anderson‑Pyrz et Fay Blaney. Je tiens également à remercier notre survivante, qui apporte une voix vraiment importante à cette question absolument vitale.
    J'espère que vous avez appris... Il semble que vous ayez tenu quelques réunions à ce sujet avec divers témoins. Je suis heureuse que vous obteniez beaucoup de points de vue différents sur les raisons pour lesquelles il s'agit de la forme la plus extrême de violence contre les femmes et les filles autochtones, sur la façon dont les femmes et les filles autochtones et les personnes bispirituelles LGBTQQIA sont tout spécialement ciblées pour leur exploitation sexuelle dans notre pays, et pourquoi il est essentiel d'avoir des ressources uniques, accessibles et dirigées par les Autochtones, qui tiennent compte des traumatismes et préconisent la réduction des méfaits. J'espère que ce sont là des messages clés que vous avez retenus.
    Voilà une trentaine d'années que je travaille à trouver des solutions — à résoudre des problèmes — pour mettre fin à la traite des femmes et des filles autochtones. J'ai beaucoup travaillé dans ce domaine, notamment en dirigeant le Groupe de travail national sur la traite des femmes et des filles à des fins d'exploitation sexuelle au Canada.
    L'organisation pour laquelle je travaille s'appelle le Ma Mawi Wi Chi Itata Centre. Elle est située à Winnipeg, au Manitoba, dans le territoire du Traité no 1. Nous exploitons actuellement un pavillon de ressourcement rural. C'est le seul pavillon de la sorte au Canada pour les enfants victimes de la traite à des fins sexuelles. Il s'agit d'une ressource très unique qui fait partie du portefeuille de la stratégie provinciale appelée Tracia's Trust pour mettre fin à l'exploitation sexuelle et à la traite des personnes à des fins sexuelles dans notre pays. Ce pavillon de ressourcement rural est financé par la province.
    J'aimerais simplement vous donner un aperçu de ce pavillon et de notre expérience au niveau de son exploitation. Il s'agit de filles et d'adolescents transgenres âgés de 13 à 17 ans, des enfants mineurs qui participent au système de protection de l'enfance, surtout de filles qui ont besoin de protection et de soutien pour commencer leur cheminement vers la guérison.
    Voici quelques-uns des principaux points dont ils nous ont fait part au cours des années où nous avons exploité Hands of Mother Earth, qui est le nom du pavillon de ressourcement rural. Ces enfants sont préparés et attirés en ligne et en personne. Les filles des Premières Nations du Nord sont particulièrement à risque, car les choses se font souvent en ligne. Certaines filles sont manipulées et forcées de se rendre dans les collectivités des Premières Nations du Nord pour faire du recrutement et leurrer d'autres filles pour les ramener à Winnipeg ou dans les grands centres urbains.
    Le contrôle par le trafiquant peut prendre de nombreuses formes. Il peut se présenter comme un petit ami ou un trafiquant de drogue, un homme plus âgé qui lui fournit de la drogue ou un endroit où rester. Il peut se présenter comme un oncle ou une figure paternelle, voire comme un « papa » dans certains cas, alors la façon dont les trafiquants ciblent les femmes et les filles autochtones est très axée sur les relations. Elles sont obligées de commettre des actes sexuels de six à dix fois par jour, de façon continue, sept jours par semaine, et de remettre l'argent au trafiquant.

  (1305)  

     Ces enfants consomment souvent aussi des drogues très nocives pour tenir le coup, ainsi que ce qu'on leur donne, comme la méthamphétamine, l'héroïne, le crack et ce genre de drogues qui peuvent vraiment annuler leur volonté. La méthamphétamine continue d'être un facteur important dans le contrôle des filles. Une fille est plus rentable pour un trafiquant qu'une femme adulte, mais le lien traumatique avec le trafiquant rend l'intervention très difficile. La cible numéro un ce sont les filles qui sont prises en charge par les services à l'enfance et à la famille. Certaines régions sont plus dangereuses que d'autres, comme en Ontario et en Saskatchewan, où les services à l'enfance ont établi l'âge de la majorité à 16 ans. Il y a une période entre 15 et 18 ans où il n'y a pas vraiment d'adultes qui sont activement responsables de leurs soins et de leur protection, ce qui les rend très vulnérables aux trafiquants.
    Nous savons que de nombreux hommes achètent des filles pour les agresser sexuellement — et c'est le terme juste à utiliser. C'est aussi assez diversifié, alors si nous cherchons qui sont les agresseurs et les délinquants typiques, ce sont des hommes de tous âges, de différents milieux culturels et de différentes situations socioéconomiques.
    Ce qui est également important dans ce que nous ont dit nos jeunes résidents, c'est qu'il s'agit d'un long processus de guérison. Leur cheminement prendra une éternité, et ce n'est pas une mauvaise chose, parce qu'avec des soutiens adéquats, des soutiens dirigés par les Autochtones et des possibilités de continuer à guérir, cette parenthèse est un investissement vraiment important pour leur guérison à long terme. Il faut toute une vie pour guérir de la forme la plus extrême de violence faite aux femmes et aux filles. Il est donc d'une importance capitale d'avoir un endroit sûr où entreprendre le processus de guérison.
    J'ai quelques recommandations à faire au Comité. Au sujet du Plan d'action national de lutte contre la traite des personnes, j'aimerais vraiment que l'on insiste pour qu'il soit dirigé par les Autochtones, et qu'il y ait un volet autochtone qui s'occupe de faire les investissements stratégiques partout au pays. Nous devons faire mieux que ce qui existe déjà.
     Je conviens que la collecte de données est d'une importance cruciale. Il n'y a pas de collecte de données commune, alors nous n'avons pas de chiffres exacts sur ce qui se passe dans l'ensemble du pays. Des femmes et des filles se présentent dans des refuges et sont documentées comme des cas de violence familiale plutôt que comme des cas de traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle. La collecte de données est donc très complexe, mais il y a encore une occasion vraiment importante à saisir dans l'ensemble du pays.
    Nous devons vraiment élaborer une stratégie de services aux victimes axée sur leur guérison à vie, et non pas sur leur participation au système judiciaire. Bon nombre de nos filles du pavillon de ressourcement rural Hands of Our Mother Earth ont participé au système judiciaire. L'expérience a été terrible du début à la fin, alors nous avons vraiment besoin d'un centre d'aide aux victimes, d'une stratégie de services aux victimes, pour nous assurer que nous offrons un soutien solide aux jeunes filles, à n'importe qui, à n'importe quelle victime, qui sont touchés par la traite des personnes à des fins sexuelles pendant qu'ils sont devant les tribunaux. Dans un seul cas, où il y a eu plusieurs victimes, plusieurs filles ont participé au système judiciaire et ont fait des tentatives de suicide, dont certaines ont réussi. Nous devons vraiment nous assurer de créer ce filet de sécurité solide pendant leur passage par le système judiciaire.

  (1310)  

     Il est d'une importance capitale — en ce qui concerne ce que nous avons actuellement et qui pourrait au moins aider et ne pas empirer les choses — de ne pas abroger le projet de loi C-36. Il s'agit de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. C'est une mesure législative vraiment essentielle non seulement pour la collectivité, mais aussi pour les services de police, qui doivent être en mesure d'intervenir à l'occasion, afin qu'ils disposent d'un lieu ou d'un certain nombre d'outils pour intervenir entre un trafiquant et les personnes qu'il exploite sexuellement.
    Je vais dire deux autres choses. Ce que les défenseurs comme moi et bien d'autres veulent vraiment, ce dont ils ont besoin et ce qu'ils encouragent, c'est que l'on mise sur la voix des survivants. C'est d'une importance capitale, car c'est là que se trouvent les réponses. C'est là que nous devons appuyer le leadership des survivants. Nous devons investir dans ces voix et dans ces organisations dirigées par des survivants, car c'est là que se trouvent les stratégies et les solutions. Il est essentiel de miser sur les voix des survivants, en particulier celles des Autochtones.
    La dernière chose que je dirai, c'est que toute forme d'achat de services sexuels auprès de femmes et de filles constitue en définitive de la violence faite aux femmes. Nous devons cesser de banaliser cette forme de violence et de dire que c'est correct parce qu'il y a de l'argent en jeu.
    Voilà ce dont je voulais faire part au Comité. Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion d'être ici.
    Madame Redsky, merci beaucoup.
    Je suis heureux d'avoir eu l'occasion d'entendre ces arguments. Je veux que vous compreniez que le Comité travaille — les quatre partis ensemble — à l'atteinte d'un objectif commun, soit celui de résoudre les problèmes dont nous entendons parler. Je suis très fier de la façon dont nous avons pu travailler.
    De plus, nous avons d'excellents analystes. Rien ne sera oublié dans les documents qui nous ont été préparés à la suite des conversations, des questions et des réponses que nous avons eues. Ces deux heures ont été brillantes. De quoi réfléchir.
    Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie tous d'avoir partagé vos expériences de vie tout en nous montrant la voie vers un avenir meilleur.
    Sur ce, je suis prêt à accepter une motion d'ajournement.
    Je propose de lever la séance.
    Merci, madame Zann. Que tous ceux qui sont en faveur se manifestent.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: La séance est levée.
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