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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 044 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 juin 2021

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 44e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Pour votre information, la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité. La première heure sera consacrée au projet de loi C‑253. À la deuxième heure, nous passerons à huis clos afin de procéder à l'examen d'un rapport.
    Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais énoncer quelques règles à suivre. Les membres du Comité et les témoins peuvent s'exprimer dans la langue officielle de leur choix. Des services d'interprétation sont offerts pour cette réunion. Pour l'audio, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Veuillez fixer votre préférence dès maintenant.
    Je vous rappelle que toutes les interventions des membres et des témoins doivent être adressées à la présidence. Lorsque vous ne parlez pas, votre microphone doit être en sourdine. Si vous avez tendance à déplacer votre microphone après avoir parlé, assurez-vous de l'avoir remis en place avant de répondre.
    Comme je le fais habituellement, je brandirai un carton jaune lorsqu'il ne restera plus que 30 secondes à votre temps de parole, et un carton rouge lorsque votre temps de parole sera écoulé. Veuillez garder votre écran en mode « galerie », afin d'être en mesure de voir les cartons lorsque je les montrerai.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 12 mai 2021, le Comité se réunit pour poursuivre son étude du projet de loi C‑253, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    De CanAge, nous avons Laura Tamblyn Watts, présidente et directrice générale, et Brett Book, agent chargé des politiques. De la GENMO Salaried Pension Organization, nous avons Michael Powell, président, et Tom Laurie, directeur.

[Français]

     De l'Observatoire de la retraite, nous recevons M. François L'Italien, coordonnateur.

[Traduction]

    Du Store and Catalogue Retiree Group, nous avons Kenneth Eady, retraité de Sears et représentant nommé par le tribunal des retraités de Sears.
    Chaque groupe dispose de cinq minutes pour faire sa présentation. Des séries de questions suivront.
    Nous allons commencer par CanAge.
    Bonjour et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de la question pressante de la réforme des pensions.
    Je m'appelle Laura Tamblyn Watts et je suis la directrice générale de CanAge, l'organisme national de défense des intérêts des aînés du Canada. Nous sommes une organisation pancanadienne, non partisane et sans but lucratif. Nous travaillons à l'avancement des droits et à la défense du bien-être des Canadiens qui prennent de l'âge.
    Je suis accompagnée de Brett Book, agent chargé des politiques, avec qui je partagerai cette déclaration liminaire.
    Les retraités canadiens ont besoin d'être protégés contre le phénomène de défaillance des entreprises, en particulier dans le contexte de la COVID‑19 et de la période qui suivra. Comparativement à d'autres États, le Canada accuse un retard important en ce qui concerne la protection des retraités. Avec ce projet de loi, le gouvernement compte protéger les retraités, et ce, sans la moindre incidence fiscale pour les autres Canadiens. Ce projet de loi remet le risque là où il doit être, c'est‑à‑dire entre les mains des entreprises.
    Membres du Comité, les aînés votent. La très grande majorité des aînés votent à chaque élection — 72 % —, et lors des deux dernières élections fédérales, ils ont été 89 % à le faire. Ceci est un enjeu électoral pour eux. Avec la récente catastrophe des retraités de Sears, la question de la protection des pensions a scandalisé la nation, mais il faut savoir que de telles choses se sont produites à maintes reprises auparavant et qu'elles continueront à se produire tant que le gouvernement n'apportera pas de véritables changements.
    CanAge a trois arguments clés en faveur de ce projet de loi et de la réforme des pensions.
    Premièrement, la protection des pensions n'a que trop tardé et la COVID a changé la donne; deuxièmement, les anciens arguments évoqués pour s'opposer à la réforme des pensions sont incorrects et dépassés; et troisièmement, la sécurité financière des aînés est importante.
    Premièrement, la protection des pensions est attendue depuis longtemps et la COVID a changé la donne. J'aimerais vous raconter l'histoire d'un membre qui nous a contactés cette année. Je vais l'appeler Bob. Bob travaille à l'Université Laurentienne, où il souscrit à un régime à prestation déterminée. Or, l'Université Laurentienne est maintenant en grande difficulté. La femme de Bob travaillait chez Sears et elle a perdu sa sécurité financière lorsqu'elle a dû tirer un trait sur la pension qu'elle était censée recevoir. Bob m'a demandé comment il était possible que tous deux aient travaillé toute leur vie et cotisé à leur régime, et qu'ils soient maintenant confrontés à la pauvreté, attendu qu'ils seront les derniers à toucher leur propre argent.
    Nous savons qu'au cours de la période de la COVID‑19, de nombreuses personnes âgées ont connu des temps difficiles sur le plan financier, notamment à cause d'une augmentation des coûts et des taux d'intérêt bas. Avec l'austérité qui se profile à l'horizon, nous savons aussi que d'autres employeurs risquent la faillite. Si le gouvernement n'agit pas dès maintenant pour protéger les salaires différés des retraités, un plus grand nombre d'aînés se feront voler l'argent qu'ils ont âprement gagné et se retrouveront dans une situation d'insécurité financière. Compte tenu du vieillissement de la population, c'est une question qui prend de plus en plus d'importance.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Book.
     Les vieux arguments contre la réforme des régimes de pension sont fautifs et désuets. CanAge se réjouit qu'une légère modification ait été apportée dans le budget de 2019, changeant la donne pour une petite partie des retraités. Le problème sous-jacent demeure, cependant.
    La plupart des motifs invoqués pour ne pas régler le problème s'appuient sur trois arguments désuets et sans fondement.
    Le premier veut que l'adoption de la priorité supérieure des régimes de pension et des mesures de protection des régimes de pension fera en sorte qu'il y aura moins d'employés qui opteront pour des régimes à prestations déterminées. Je ferais respectueusement remarquer que ce n'est guère probable, puisqu'il ne se crée pas de régimes à prestations déterminées. En Ontario, le nombre de ces régimes a diminué de plus de 10 % entre 2017 et 2019, même après que le gouvernement de l'Ontario a fait passer de 100 à 85 % des obligations de financement pour en assurer la solvabilité. Tout ce qui a changé, c'est qu'il y a moins — et non plus — de régimes à prestations déterminées, et les sociétés ont économisé des milliards de dollars.
    Le deuxième argument veut que les primes et les taux d'emprunt rendront les sociétés dotées de régimes à prestations déterminées non concurrentielles, provoquant ainsi plus de faillites. Or, si les sociétés se souciaient tant des profonds déficits des régimes de pension, elles se conformeraient aux bonnes pratiques de gestion du risque et de gouvernance et ne laisseraient jamais leurs régimes de pension accuser d'énormes déficits.
    Le troisième argument veut que la priorité supérieure puisse avoir un effet secondaire: celui de faire en sorte qu'il soit plus difficile pour les entreprises de se sortir de l'insolvabilité. Ce n'est tout simplement pas le cas. Les entreprises ont la capacité financière de financer les régimes de pension, mais choisissent plutôt d'utiliser leur argent pour accorder des primes aux hauts dirigeants, payer des dividendes et racheter des actions. Comme la loi n'oblige pas les sociétés à protéger les régimes de pension, elles ne le font pas.
    La sécurité financière des aînés est importante. Les aînés privés de leur pension doivent se fier aux prestations gouvernementales, qui ne sont pas suffisantes pour joindre les deux bouts. Ils ponctionnent nos régimes déjà utilisés au maximum, et les économies personnelles qu'ils possèdent ne produisent pas beaucoup en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, tout cela alors que la population vieillit rapidement et qu'un Canadien sur cinq atteindra l'âge de la retraite d'ici 2030.
    CanAge présente cinq recommandations à l'appui de ce projet de loi et de la réforme des régimes de pension: assurer la priorité supérieure des retraités ayant un régime à prestations déterminées en cas d'insolvabilité de l'entreprise; instaurer des fonds garantis de prestations de retraite au Canada; exiger que les fonds de pension soient entièrement financés; établir un crédit fiscal remboursable, récurrent et rétroactif égal à la perte encourue; et, enfin, créer un régime de réforme des pensions souple et moderne.
    Nous vous demandons respectueusement d'étudier soigneusement nos recommandations et de lire le document intitulé Voices of Canada's Seniors: A Roadmap to an Age-Inclusive Canada, qui est publié sur notre site Web à l'adresse canage.ca/voices. Pour des recommandations détaillées, regardez dans la section E, qui porte sur la sécurité économique.
    Nous remercions le Comité de nous avoir offert l'occasion de témoigner aujourd'hui. Nous vous avons respectueusement fait part de nos observations et nous vous remercions.

  (1110)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous rappelle poliment de clore votre exposé quand vous voyez les cartes jaunes.
    Nous entendrons maintenant la GENMO Salaried Pension Organization, qui dispose de cinq minutes.
    GENMO est une organisation qui défend des intérêts de plus de 7 000 anciens salariés de GM Canada maintenant à la retraite. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous adresser à vous ce matin.
    Comme la plupart des gens, nous pensions que les règlements du gouvernement protégeaient les pensionnés. Après tout, les régimes à prestations déterminées sont censés être garantis à vie. Puis, en 2008 et 2009, GM Canada a frôlé la faillite. En fait, GM et Nortel ont toutes deux été déclarées insolvables aux États-Unis. Un vague problème de pension est venu trop près de devenir réel pour nous.
    C'est dans la foulée de cette affaire que GENMO est née, en mai 2010. Nous avons découvert que les avocats en droit des pensions sont les seuls à proposer les solutions pour résoudre ce problème. Si les autres intervenants affirment tous comprendre que les pensionnés sont traités injustement et devraient être mieux protégés, ils n'ont pas proposé la moindre solution crédible. Nous devons remercier Mme Gill et M. Duvall de s'être joints à des avocats en droit des pensions pour tenter de corriger cette injustice.
    Le projet de loi C‑253 est la seule solution crédible actuellement envisagée. Certains intervenants s'y opposent, affirmant que les entreprises dotées de régime à prestations déterminées risquent de payer des primes d'emprunt qui les rendraient insolvables. Cependant, la décision rendue dans l'affaire Indalex en Ontario, selon laquelle les déficits des régimes de pension constituent une fiducie réputée, est restée valide pendant deux ans sans provoquer de vague d'insolvabilité.
    Les entreprises fonctionneront dans le cadre de l'environnement législatif établi par le gouvernement. Modifiez cet environnement et elles modifieront leur comportement. La mise en œuvre du projet de loi C-253 aura probablement deux grandes répercussions sur le comportement des entreprises à l'égard des régimes de pension.
    D'abord, l'obligation relative aux pensions sera réelle et ne disparaîtra pas en cas d'insolvabilité. Ainsi, les entreprises financeront mieux leurs régimes de pension pour conserver une bonne cote auprès de leurs créanciers. Par exemple, quand les conseils d'administration examinent les dividendes, les rachats d'action et les primes versées aux dirigeants, ils prendront leur obligation relative aux pensions avec plus de sérieux.
    Les études révèlent que les entreprises dotées de régimes à prestations déterminées sortent beaucoup plus d'argent de l'entreprise qu'elles ne le devraient pour honorer leurs obligations relatives aux pensions. Sears, par exemple, a littéralement sorti des centaines de millions de dollars de ses coffres, tout en laissant un passif se chiffrant à des millions de dollars.
    En outre, les entreprises amélioreraient leur gestion du risque à l'égard de leur régime de pension. Leurs contributions viennent de deux sources: les liquidités découlant de leurs activités courantes et les argents tirés des actifs de leur régime. Elles sont encouragées à prendre des risques avec ces actifs pour tenter d'en obtenir un meilleur rendement, réduisant l'apport venant de leurs activités courantes. Si elles font un mauvais calcul ou perdent leur pari, quel est le mauvais côté? Elles ont peut-être 5, 10 ou 15 ans pour se renflouer et, si le pire advient et que l'entreprise déclare faillite, la dette s'évanouit littéralement.
    Dans mon cas, en 2009, quand GM Canada a affirmé à ses salariés que leur régime de pension était financé à 95 %, le fait est qu'après l'effondrement des marchés, il l'était probablement à 50 % environ. GM a‑t‑elle été prise par surprise? Certainement. Avait-elle trop investi dans des placements à haut rendement? Absolument.
    Après le durcissement des mesures de contrôle, GM Canada a considérablement réduit les risques qu'elle prenait avec son régime de pension et l'a financé à plus de 100 %. C'est possible, avec la bonne motivation.
    Nous avons entendu de nombreuses affirmations hypothétiques sur les conséquences de la priorité supérieure. Comment les petites entreprises obtiendront-elles du financement? Qui sera touché? En fait, il y a peu, ou pas, de petites entreprises qui ont un régime à prestations déterminées.
    Qu'en est‑il des autres intervenants en cas d'insolvabilité? Si les entreprises apportent les correctifs dont j'ai parlé précédemment, les répercussions devraient être minimes. De toute façon, tous les autres intervenants ont négocié leur risque. Ce n'est que la partie impayée de leur contrat qui présente un risque. Pour les pensionnés, ce sont 20, 30 ou 40 ans d'économies qui sont en jeu.

  (1115)  

    Nous entendons aussi parler de la déflexion. Vous entendrez probablement des témoins affirmer que la solution se trouve ailleurs, dans une réglementation plus stricte de la solvabilité, dans l'imposition de limites sur les dividendes, etc. Il est toutefois très difficile d'intervenir à cet égard. Le fait est que même si certaines de ces idées semblent raisonnables, elles constituent un cauchemar au chapitre des compétences. Elles concernent trois domaines régis par la loi — les pensions, les entreprises et l'impôt — et font intervenir des instances fédérales et provinciales. Il faudrait déployer énormément d'efforts pour les mettre en œuvre.
    Le seul moyen de protéger les régimes de pension au Canada consiste à adopter une loi sur l'insolvabilité. Le projet de loi C‑253 offre une solution raisonnable.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

     J'invite maintenant M. L'Italien à prendre la parole.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur L'Italien.
    Je me nomme François L'Italien et je suis le coordonnateur de l'Observatoire de la retraite.
    Voici quelques mots sur notre organisme, qui existe depuis 2014. Notre organisme a deux principales missions: d'abord celle de produire et d'encourager la réalisation de recherches économiques sur la retraite pour approfondir les connaissances sur cette question d'intérêt général; ensuite celle de contribuer au débat public sur la retraite en diffusant des connaissances qui sont susceptibles d'élever les compétences civiques des Québécois sur cette question.
    Nous regroupons 14 grands partenaires institutionnels et organisationnels au Québec, dont des gestionnaires de fonds, les grandes associations de retraités et les principales centrales syndicales.
    L'Observatoire de la retraite s'intéresse à la question des répercussions des restructurations d'entreprise sur les retraités depuis plusieurs années maintenant, puisque la protection des rentes est une préoccupation de fond, tant pour nous que pour la société québécoise.
    Nous avons accepté de contribuer aux travaux du Comité en ce qui concerne le projet de loi C‑253 pour souligner l'existence d'un problème structurel avec la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies, soit, selon nous, la surreprésentation des intérêts d'un groupe particulier dans les restructurations qui sont menées sous cette loi.
    Depuis 2010, comme vous le savez, les cas de restructurations ou de faillites d'entreprises qui ont mené à des coupes de rente pour les personnes retraitées sont nombreux et ont souvent été médiatisés. On n'a qu'à penser à Papiers White Birch, Sears Canada et Groupe Capitales Médias, pour ne mentionner que ceux-là. Ces cas ont non seulement montré l'impuissance dans laquelle se trouvaient les retraités affectés par les restructurations, mais ils ont surtout mis en lumière un processus juridique où les personnes qui étaient directement atteintes par les restructurations ne pouvaient pas parler ni négocier. C'est un processus juridique qui justifie une répartition, qui apparaît de plus en plus injuste, des retombées et des risques d'une restructuration financière.
    Avec le recul que nous donnent ces expériences de restructurations à répétition, le processus, les acteurs et les effets des restructurations sont de mieux en mieux documentés et connus et nous font voir des aspects du cadre législatif et juridique de la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies que le législateur n'avait probablement pas vus au tout début. Plus nous avançons, plus nous constatons qu'une loi qui est destinée à relancer des entreprises en difficulté ouvre la voie à des stratégies d'entreprise qui n'ont rien à voir avec des difficultés subies. En fait, nous constatons l'apparition, de plus en plus, d'un schéma dans lequel les régimes à prestations déterminées sont mis à mal.
    Le problème structurel avec lequel nous devons composer avec la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies et qui fait l'objet, je pense, du projet de loi C‑253, est le fait que les acteurs financiers les mieux organisés que sont les créanciers super prioritaires, prioritaires et les propriétaires d'entreprises, qui sont par le fait même les moins vulnérables aux chocs financiers, sortent largement avantagés dans le processus de restructuration lorsqu'on les compare à d'autres parties prenantes, dont les régimes de retraite.
    Ces acteurs financiers peuvent évidemment subir des pertes au moment du processus, là n'est pas la question, mais celles-ci n'ont rien à voir avec celles des autres parties prenantes, à commencer par les participants des régimes de retraite qui sont à un moment très vulnérable de leur vie. Étant donné que la créance du régime de retraite envers l'entreprise n'est pas considérée comme une créance prioritaire ni comme bénéficiant de la même protection que le salaire des employés, l'entrée sous la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies, la LACC, est pratiquement devenue une manière de liquider les régimes et d'atteindre directement la vie des gens.
    Contrairement aux grandes firmes financières et aux propriétaires des entreprises qui se placent sous la LACC, qui gèrent des patrimoines et disposent d'importants revenus, il s'agit ici de personnes réelles avec des ressources financières limitées dans un moment de leur vie où ils ne peuvent pas se refaire financièrement.
    Le cas de Papiers White Birch a été très clair à cet égard. D'un côté, nous avons constaté que les PDG des fonds Black Diamond Capital et de White Birch, qui ont procédé au rachat de l'entreprise, ont été avantagés par la Loi sur les arrangements des créanciers des compagnies en allant chercher plus de 4,2 millions de dollars en frais d'intérêts et 12 millions de dollars en frais professionnels. De l'autre, nous avons vu des retraités dont la rente de retraite a été amputée de 20 à 30 %.
    Cette inégalité entre les grandes organisations financières et les participants des régimes de retraite crée non seulement des conséquences économiques incommensurables, mais génère un sentiment de plus en plus répandu d'injustice économique.

  (1120)  

     De plus, à mesure que les cas de restructuration s'accumulent, la confiance envers les institutions publiques commence à s'effriter.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    J'invite maintenant M. Eady à présenter son exposé pour cinq minutes.
    Bonjour à tous. Je m'appelle Ken Eady, retraité de Sears nommé par le tribunal à titre de représentant des 17 000 retraités de Sears touchés par la faillite de l'entreprise.
    La plupart d'entre vous connaissent l'histoire de Sears, une entreprise canadienne qui a été en activité pendant 65 ans et qui a inspiré la confiance pendant des décennies au Canada, et au sein de laquelle des employés ont travaillé toute leur carrière, pendant 40 et parfois 50 ans.
    Sears avait promis à ses employés qu'ils bénéficieraient à la retraite d'un revenu garanti, d'une assurance santé et dentaire et d'une assurance-vie collective, et à dire bien franchement, nous l'avons tous crue et pensé que c'était vrai. Le régime de pension — de genre contributif — était une condition d'emploi chez Sears. Les employés y cotisaient chaque mois. C'était notre argent, nos salaires.
    Puis, en 2005, la prise de contrôle de Sears U.S. a jeté Sears Canada entre les mains d'un fonds spéculatif. Vous avez tous lu les histoires sur ce qui s'est passé, et il en a d'ailleurs été question ce matin également. Je vous laisserai tirer vos propres conclusions au sujet des pratiques de ce fonds, me contentant de dire qu'en 2017, l'entreprise s'est placée à l'abri de ses créanciers.
    C'est alors que les choses ont changé pour tous les employés de Sears qui étaient à la retraite. Le régime de pension a immédiatement perdu 20 % de sa valeur.
    D'aucuns penseront qu'une perte de 20 % n'est pas si terrible, mais si on reçoit une petite pension et qu'on en perd 20 %, cela peut avoir une incidence substantielle sur la manière dont on vit. Imaginez perdre 20 % de votre revenu actuel et tenter de conserver votre mode de vie. L'assurance santé et dentaire, l'assurance-vie collective, tout a disparu, et il est difficile de les remplacer quand on a 85 ans. On ne peut adhérer à une assurance collective et l'assurance santé et dentaire est très difficile à remplacer.
    De tous les créanciers, les retraités sont ceux qui sont les moins susceptibles d'atténuer leurs pertes, alors que les autres peuvent poursuivre ou réorienter leurs activités. En fait, les employés peuvent trouver un autre emploi si la chance leur sourit, mais la majorité des retraités ne peuvent atténuer leurs pertes. Cet argent est parti, et pour de bon.
    La vérité, c'est que Sears a rompu sa promesse, une promesse que — à titre de gestionnaire —j'ai contribué à faire aux employés, car je pensais moi aussi que c'était vrai. Sears a rompu sa promesse après l'avoir répétée encore et encore. De plus, même si on nous a affirmé à maintes reprises que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient protéger et protégeraient les aînés vulnérables, ils ont failli à la tâche. Ils ne les ont pas protégés. Il n'y a eu absolument aucune protection.
    La véritable histoire est celle des milliers de retraités qui ont perdu leur pension et leurs revenus. Don, un retraité de 77 ans, a dû retourner au travail chez Home Depot, où il travaille à l'accueil pour pouvoir payer les médicaments de son épouse malade et garder la maison. Doris, qui a œuvré pendant 50 ans chez Sears, a travaillé jusqu'au dernier jour, mais a perdu 20 % de sa pension, ce qui a considérablement modifié les projets de retraite qu'elle et son conjoint s'étaient faits. Jack est âgé de 82 ans, mais il doit utiliser sa marge de crédit afin de subventionner son revenu pour que lui et son épouse puissent conserver leur maison.
    Mes collègues ont présenté beaucoup d'excellents arguments aujourd'hui et avec beaucoup de sérieux, mais je veux vous laisser sur une réflexion importante: est‑il juste qu'au Canada, les lois sur la faillite protègent mieux les banques que les aînés? Est‑il juste qu'au Canada, les banques soient mieux protégées que les aînés vulnérables? Je pense que non.

  (1125)  

    C'est vous qui pourrez changer la donne, mesdames et messieurs. Les députés membres du Comité peuvent voter en faveur de ce projet de loi et contribuer à protéger les aînés. C'est ce que je vous propose de faire.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Eady.
    Nous commencerons maintenant nos tours de questions.
    C'est M. Poilievre qui interviendra en premier pendant six minutes.
    Nous avons maintenant entendu tous les arguments pour et contre ce projet de loi. Ce qu'il me faut, ce sont des renseignements d'ordre technique. Ma première question est la suivante: si le projet de loi est adopté, comment une entreprise pourra‑t‑elle utiliser ses actifs comme garanties pour obtenir des prêts aux fins d'expansion et d'embauche?
    M. Powell serait peut-être la bonne personne pour répondre à cette question d'ordre technique.
    Oui. Je pense que si on présume que les entreprises ne modifieront pas leur comportement, alors ce sera certainement un problème. Je considère toutefois qu'il s'agit d'une présomption erronée. Les entreprises s'adapteront et modifieront leur comportement, comme elles l'ont fait quand la Cour d'appel de l'Ontario a statué, dans l'affaire Indalex, que le passif non capitalisé du régime de pension constitue une fiducie réputée. Il n'y a pas eu de vague d'insolvabilité. Nous n'avons pas lu dans la presse que les entreprises tombaient comme des mouches.
    Comme M. Laurie l'a fait remarquer...

  (1130)  

    Je ne prétends pas que les entreprises feraient faillite. Je m'interroge sur la question juridique: comment rédigerait‑on une entente de garantie stipulant que le prêteur accordera un prêt à l'entreprise aux fins d'expansion et qu'en cas de non-remboursement, il pourra invoquer la garantie? Comment écrirait‑on cette entente avec cette mesure législative en place, alors qu'elle accorde la priorité aux pensions plutôt qu'aux garanties?
    Oui, et les pensions deviennent un autre... Il existe déjà un ordre de priorité en cas d'insolvabilité...
    En effet. C'est pour les salaires et des choses comme cela.
    ... pour des choses comme cela. Ce serait un autre élément qui entrerait en jeu. C'est un risque que les prêteurs évalueront lorsqu'ils accordent un prêt, comme ils le font aujourd'hui. Je le répète: selon moi, les entreprises feront beaucoup plus attention aux déficits qu'elles accumulent au chapitre des régimes de pension, tout comme...
    Oui, c'est un solide argument en faveur du projet de loi. De nombreuses entreprises devraient être obligées — au temps présent — de mettre de l'ordre dans leurs régimes de pension pour obtenir du financement sur les marchés. Vous présentez un bon argument.
    Je ne veux plus être convaincu de quoi que ce soit. Je veux seulement une explication. Est‑ce que quelqu'un d'autre a une idée de la manière dont on rédigerait une entente de garantie si ce projet de loi était en place? Est‑ce que quelqu'un d'autre peut répondre à cette question pointue?
    Il semble que personne ne puisse répondre à cette question.
    Ma prochaine question est la suivante: faut‑il prévoir une période de transition lors de l'entrée en vigueur de cette mesure législative? Si le projet de loi tombait comme une brique aujourd'hui, l'ordre de priorité des créanciers s'en trouverait modifié en cas d'insolvabilité ou de faillite, alors que des ententes de prêt sont déjà en vigueur? Des créanciers ayant déjà accordé des prêts au titre de l'ancien régime devraient subitement suivre de nouvelles règles à mi‑parcours.
    Je vois Laura Tamblyn Watts opiner.
    Voulez-vous répondre à cette question?
    Je vous remercie.
    Cette question a aussi un lien avec la question précédente. Pour que les livres soient en bon ordre et que les chefs d'entreprise puissent superviser l'atténuation et la gestion du risque, je considère respectueusement qu'il faut prévoir une période de déploiement. Les nouvelles règles pourraient commencer à s'appliquer aux entreprises qui se lancent maintenant en affaires et se déployer graduellement sur une période d'environ trois ans. Cela laisserait aux chefs d'entreprise suffisamment de temps pour prévoir le coup et être certains qu'ils sont capables de modifier leurs obligations contractuelles, que les fonds de retraite sont mieux financés et que les nouvelles mesures sont prises au chapitre des garanties de prêt externes.
    Vous avez proposé trois ans. Est‑ce pour les entreprises existantes? Les règles s'appliqueraient-elles immédiatement pour les nouvelles entreprises?
    D'accord.
    Est‑ce que quelqu'un d'autre veut commenter la question de la transition? D'accord.
    Je crois qu'il s'agit d'une suggestion raisonnable, madame Tamblyn Watts. Qu'en est‑il des cas où les accords de prêt sur 30 ans contiennent des dispositions collatérales? On interromprait ces accords après trois ans. Comment règleriez-vous ce problème?
    La gouvernance sait que les règles changent. Tous ceux qui ont déjà siégé à un comité de gouvernance ou qui ont déjà négocié des contrats savent qu'il faut suivre les lois. Le Canada accuse un retard important par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni et même à l'Australie. On sait que c'est nécessaire et que cela arrivera. On en tient déjà compte.
    À notre humble avis, un délai de préavis de trois ans est approprié, même dans les cas où il y a des garanties de prêts contractuelles. Le système sous-jacent de soutien aux prêts peut passer à travers le processus.
    Pourquoi, au lieu de la période de trois ans, on ne dirait pas plutôt que tous les nouveaux prêts et les nouvelles dettes des sociétés qui ont un programme d'avantages sociaux contractés après cette date seront placés derrière les pensions? Ainsi, on n'interromprait pas les accords existants. Est‑ce que ce pourrait être une autre solution?
    Monsieur Powell?
    Je dirais que oui, c'est une solution possible. Je crois qu'il faut faire très attention avec la date de mise en oeuvre. Je pense à ce qui est arrivé cette semaine avec Air Canada. Si les gens savent ce qui s'en vient, ils se dépêcheront à faire une demande de prêt avant la date prévue. C'est ce qui est arrivé avec Air Canada et les primes cette semaine.
    D'accord. Il me reste 30 secondes. Est‑ce que quelqu'un d'autre veut aborder ces questions techniques avant que mon temps ne soit écoulé?
    Très bien. Merci. C'était très utile.

  (1135)  

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Erskine‑Smith.
    Vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    J'aimerais continuer là où s'est arrêté M. Poilievre, au sujet des régimes de pension à prestations définies. S'il y a une période de transition et que la mise en œuvre se fait sur les années suivantes, cela n'entraîne‑t‑il pas un risque pour les pensionnés, puisque les dettes actuelles des sociétés l'emportent sur les dettes non provisionnées associées aux pensions?
    Je crois que si on laissait la porte ouverte, ce serait effectivement un problème, mais Mme Tamblyn Watts et moi-même avons parlé d'une période de trois ans pour s'organiser, ce qui représente un délai raisonnable. Si l'on avait recours à une autre solution, ce serait une formule progressive, comme l'a fait valoir M. Poilievre, mais je me demande comment on pourrait établir la date butoir sans que les sociétés se ruent pour signer des accords afin d'éviter le passif au titre des pensions.
    À notre avis, la période de trois ans est suffisante pour permettre aux sociétés et aux prêteurs de se réorganiser.
     J'ai lu une note du CARP et de la Fédération Canadienne des Retraités qui énumérait diverses solutions possibles. L'une de ces solutions était la fiducie réputée. Toutefois, on reconnaissait que, dans le cas d'une fiducie réputée pour tout le passif au titre des pensions, le prêteur aux débiteurs exploitants serait affecté négativement, ce qui diminuerait probablement les restructurations.
    Expliquez-moi pourquoi cette préoccupation ne s'applique pas à la superpriorité?
    Encore une fois, je dois souligner qu'avec Indalex, en Ontario, les pensions étaient considérées à titre de fiducie pendant près de deux ans, du moins dans la plus récente affaire judiciaire. La fiducie réputée vient en premier et elle l'emporterait sur toute autre priorité en matière d'insolvabilité. Ce n'est tout simplement pas raisonnable. Tout serait détraqué. La superpriorité existe déjà, comme vous le savez probablement, pour les programmes salariaux, les dépenses liées à l'emploi, etc. Elle est déjà en place et est déjà utilisée. Elle ne place pas les pensionnés au sommet, contrairement à la fiducie réputée. Ils se retrouvent au niveau inférieur suivant, en gros.
    Quant à ce qui arriverait, si l'on donne suffisamment de temps aux sociétés pour y répondre, c'est une solution très raisonnable. Ce ne serait pas aussi préoccupant qu'une fiducie réputée, qui représente l'option nucléaire. Les pensions se retrouveraient au‑dessus de toute autre dépense. Les prêteurs aux débiteurs exploitants ne prêteraient jamais si c'était une fiducie réputée.
    J'aimerais que vous nous parliez de l'équilibre entre la protection des pensionnés, qui ont travaillé toute leur vie — la Cour suprême a reconnu que ces pensions étaient des salaires reportés, ce qui est clair —, et la certitude du processus de restructuration pour les prêteurs. Pouvons-nous étudier l'exemple de certains pays qui ont désigné pleinement la superpriorité? On m'a dit que certaines administrations ont un plafond de 50 000 $, par exemple... C'est ce que nous avons entendu de la Fédération Canadienne des Retraités.
    Je me demande ce que vous pensez de l'idée d'établir un plafond dans la loi, qui nous permettrait de protéger les pensionnés tout en établissant un climat de certitude.
    Oui, c'est une option. Cela nous aiderait à régler le problème que nous avons aujourd'hui. L'environnement juridique du Canada est unique. Les pays dont vous avez entendu parler — les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la majeure partie de l'Union européenne — protègent mieux que nous les pensionnés, mais ils le font selon leur environnement juridique. Bien honnêtement, la nature complexe du Canada fait en sorte que plusieurs administrations gèrent les pensions en fonction d'un éventail de régimes juridiques. Il faut tenir compte des lois fiscales, des règlements sur les pensions et de la réglementation des sociétés.
    J'ai déjà travaillé pour General Motors du Canada. Ma pension est réglementée par l'Ontario. La société est enregistrée en Nouvelle-Écosse. Pour mettre en oeuvre une solution comme celle du Royaume-Uni ou même des États-Unis, il faudrait que toutes les administrations acceptent un changement uniforme aux lois fiscales et aux lois régissant les pensions. Je ne sais pas comment on pourrait faire. Je n'ai jamais entendu parler d'une solution crédible pour...
    C'est un autre défi auquel nous devons faire face à l'échelon fédéral, avec cette idée d'un bassin d'assurance. C'est une idée évidente, mais qui entraîne des risques importants, puisque le gouvernement prêterait de l'argent, mais que les gouvernements provinciaux pourraient se dégager de leurs obligations.
    Monsieur Book, je vous ai vu acquiescer de la tête tout à l'heure. J'aimerais connaître le point de vue d'un autre témoin. Est‑ce que nous devrions laisser la loi telle quelle ou est‑ce qu'il serait préférable d'établir un plafond associé à la superpriorité?
    J'aimerais entendre M. Book en premier.
    Merci.
    Je reviendrais à ce qu'a dit M. Powell. Il faut faire avec les lois en place au pays. Si le plafond était plus avantageux pour les pensionnés, nous appuierions cette idée, mais nous voulons souligner l'importance de la superpriorité et de veiller à ce que les pensionnés aient la priorité sur les créanciers.

  (1140)  

    Je comprends.
    Madame Watts, quelle est votre opinion au sujet du plafond? Est‑ce que nous devrions laisser la loi telle quelle avec la superpriorité ou plutôt établir un plafond?
    Je préfère la superpriorité. J'accepterais un plafond.
    Je comprends.
    Monsieur Eady, qu'en pensez-vous?
    Je suis du même avis que Mme Tamblyn Watts. Je pourrais accepter un accord négocié, si l'on veut, mais ce n'est pas ma préférence. Je ne sais pas pourquoi les pensions devraient avoir un plafond alors que les établissements de crédit n'en ont pas.
    Oui, je me tournerais vers les exemples internationaux, et aussi vers la protection des salariés, qui est associée à un plafond, mais je comprends tout à fait. Si le principe est la protection des pensions, alors elles devraient être pleinement protégées.
    Merci à tous.
    Il s'agit d'une dette... d'une vraie dette. On peut la classer dans la même catégorie que les dettes des banques, alors je ne vois pas pourquoi il y aurait un plafond, mais je comprends.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

     J'invite maintenant M. Lemire à prendre la parole.
    Vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de vos témoignages. Je vous remercie tout particulièrement, monsieur Eady, de votre témoignage très saisissant. Je comprends la charge émotive liée à cette question.
    Je remercie aussi mes collègues de réfléchir à ces préoccupations et de le faire en dehors du cadre. Recentrer la question de l'équité m'apparaît important.
    Nous pourrions peut-être nous inspirer de Papiers White Birch, notamment.
    Monsieur L'Italien, vous avez étudié ce cas en particulier. Que pouvons-nous retenir de cette saga?
    Je vous remercie de votre question.
    En fait, nous avons fait une analyse économique approfondie à partir des documents qui ont été mis en disponibilité par le contrôleur financier Ernst & Young au moment de la restructuration, en 2010. Nous avons pu recomposer la stratégie financière du propriétaire en mettant la main sur les rapports annuels, ainsi que sur des rapports produits par des vérificateurs indépendants.
    Il aurait fallu investiguer davantage, mais, faute de moyens et de temps, nous n'avons pu approfondir cette voie. Toutefois, nous en sommes venus à la conclusion que, derrière l'endettement exorbitant de l'usine de Stadacona, à Québec, il y avait un stratagème d'entreprise. Étant donné la maturité du régime à prestations déterminées des employés de l'usine, étant donné également que l'essentiel des frais de gestion et de tout le capital variable, c'est-à-dire les dépenses associées aux salaires et au régime de retraite liées à cette usine, était démesuré aux yeux du propriétaire, il y a eu une stratégie d'endettement excessif, laquelle a conduit le propriétaire à se placer sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC.
    Selon nous, ce qui ressort de ce cas, c'est que, si la LACC avait au départ comme objectif de permettre à des entreprises qui ont de réelles difficultés financières de se relancer, elle a permis avec le temps à certains employeurs de développer des stratagèmes.
    Il faudrait vraiment faire des enquêtes économiques approfondies. Nous savons que le cas de Sears Canada, en Ontario, a pointé dans la direction d'un versement indu de certains revenus vers les actionnaires de l'entreprise au moment où on savait que l'entreprise avait des difficultés financières. Nous voyons donc que, dans la LACC, l'argument selon lequel on doit protéger les créanciers vis-à-vis d'un défaut de paiement ou d'un risque entrepreneurial ne tient pas la route de façon systématique. Nous devons regarder ces cas. Cela fait déjà plusieurs années que nous observons des restructurations à répétition, et nous pensons que le temps est venu de faire minimalement le point sur les cas de restructuration et de rajuster le tir.
    Selon nous, le fait de rehausser le niveau de protection associé aux régimes de retraite est un pas dans la bonne direction pour faire ce bilan et améliorer la protection des rentes.
     Par souci d'équité, adopter ce projet de loi rapidement paraît nécessaire.
     J'aimerais vous entendre sur les inégalités dans un processus de faillite. Quand on observe les parties prenantes en comparant les actionnaires prioritaires, les propriétaires et les travailleurs, où se trouvent les inégalités dans le processus, selon vous? Peut-on prétendre qu'il y a une iniquité dans le risque, mais aussi dans les conséquences de la faillite? Y a-t-il une injustice économique?

  (1145)  

    Dans le cas de Papiers White Birch, cela est indéniable. Des personnes ici peuvent témoigner d'autres cas. Nous avons entendu parler de Sears Canada, où il y a clairement une asymétrie structurelle entre, d'une part, les travailleurs, et, d'autre part, des créanciers ou des propriétaires qui, grâce à la LACC voient leurs intérêts financiers protégés, voire améliorés, parce que la LACC suspend l'ensemble des négociations, conventions collectives et, au Québec, toutes les dispositions du Code du travail pour rouvrir des conventions collectives.
    La LACC procure énormément de pouvoirs aux propriétaires et aux créanciers pour la relance d'une entreprise alors que, quand vient le temps de discuter de la convention de relance d'entreprise, les retraités n'ont aucune voix, ils ne sont pas impliqués, à moins que les parties prenantes au sens de la LACC ne le décident. Ils ne sont pas convoqués par le juge pour témoigner sur les conséquences qu'une restructuration pourrait avoir, ou pour donner, tout simplement, leur adhésion à la convention de relance.
    Il y a deux injustices profondes. La première porte sur la concertation des parties prenantes sur la convention de restructuration de relance. La deuxième est liée aux conséquences économiques et financières. J'en parlais dans mon intervention, si l'on prend le cas de Papiers White Birch, on voit que la situation financière du créancier et du propriétaire s'est améliorée avec la LACC, alors que les retraités ont dû composer avec des problèmes financiers extraordinaires. D'un côté, nous avons donc des gestionnaires de fonds et des banques, des établissements où le patrimoine des personnes n'est pas en cause. On parle, dans leur cas, d'un problème financier pouvant esquinter le bilan d'une entreprise, alors que, de l'autre côté, on parle de personnes réelles, qui ont des sommes relativement modestes pour vivre, et qui ne peuvent rien dire sur le processus qui les concerne directement. Nous sommes devant un processus injuste.
    J'ai une dernière question à vous poser.
     Je comprends que la capacité d'absorption des effets négatifs est beaucoup plus facile pour une banque, par exemple, que pour un travailleur. Dans le projet de loi C‑253, les banques sont-elles affectées comme créanciers privilégiés, selon vous?
    Vous pouvez répondre très vite.
    C'est une excellente question.
    De notre côté, aucune étude ne démontre que c'est le cas. Il faudrait avoir des études, parce qu'on n'a pas assez de données pour déterminer objectivement si c'est le cas ou non.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Notre prochain intervenant est M. Duvall.
    Vous disposez de six minutes. Allez‑y.
    Merci. Je tiens à remercier tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui et de nous donner leur point de vue sur ce sujet important.
    Ma première question était destinée à M. Powell, parce qu'il avait abordé le sujet, mais M. Book en a parlé aussi. On a parlé, en comité, de retarder l'exécution des mesures du projet de loi. J'ai entendu parler d'un délai de trois ans. Est‑ce que ce serait pour ce qui est déjà... pour les gens qui ont déjà entamé les procédures?
    Je pose la question parce que si nous permettons un report de trois ans pour la mise en oeuvre du projet de loi tel qu'il a été rédigé, il me semble que les demandeurs vont se ruer pour arriver avant cette échéance.
    J'aimerais connaître l'opinion de M. Powell à ce sujet, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur Duvall.
    Lorsque je pense à cela et au report de trois ans ou autre — je ne sais pas si c'est la bonne échéance —, je me dis qu'il faut réorganiser les accords entre les emprunteurs et les prêteurs. Il faut le faire, peu importe le temps qu'on prendra.
    Je n'aime pas l'idée de dire que rien ne se passe avant trois ans. La loi prend effet maintenant et les sociétés ont trois ans pour s'ajuster. Ainsi, sur le plan juridique, la loi ne peut être exécutée avant trois ans. On ne donne pas trois ans pour conclure des accords à long terme qui permettraient d'éviter de se conformer à la loi. La loi sera là. On disposera de trois ans pour se structurer et se préparer à s'y conformer.
    Je ne rédige pas les lois. Je ne sais pas comment on pourrait le faire, mais c'est ce que je voudrais dire.

  (1150)  

    Merci.
    Monsieur Eady, je tiens à vous remercier pour votre travail en tant que représentant des retraités de Sears. Vous êtes une personne incroyable, tout comme le groupe avec lequel vous travaillez. Je sais que vous avez connu des moments difficiles.
    Si la partie non financée du régime de pension était en superpriorité et l'emportait sur les autres créanciers garantis, comme le prévoit le projet de loi C‑253, est‑ce que cela aurait aidé les pensionnés de Sears?
    La réponse simple, c'est oui.
    D'accord. On a parlé de déplacer la partie non financée de la pension vers le haut dans la hiérarchie, mais de la laisser derrière celle des banques. Est‑ce que cela aurait permis de sauver les pensionnés de Sears?
    Je n'en suis pas certain. Je ne crois pas. Dans ce cas‑ci, il n'y avait que les super créanciers et le reste. Les employés faisaient partie des super créanciers, et les banques. Je ne crois pas que cela aurait changé grand-chose pour les pensionnés de Sears.
    Je ne cautionne pas ce processus. À tout le moins, les pensionnés doivent être traités au même titre que les autres débiteurs en ce qui a trait à la dette qui leur est due. Il est facile de dire que tous les créanciers sont des débiteurs, mais la dette associée au régime de pension est différente. C'est une dette à long terme. Les pensionnés doivent être traités à titre de super créanciers pour que ce soit valable, et les pensionnés de Sears auraient pu en profiter.
    Merci.
    Monsieur Eady, en ce qui a trait au cas de Sears — et je sais qu'il a été dévastateur pour les gens de l'ensemble du Canada, et qu'il reflète bien la situation actuelle —, croyez-vous que le statu quo ou les règles en place sont inadéquats? Sears a pu facilement se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et déclarer faillite pour se dégager de ses dettes et même permettre à d'autres de réaliser des profits.
    C'est une question complexe, monsieur Duvall. La situation de Sears n'est pas unique, mais elle diffère grandement des autres exemples, comme celui de Nortel. On a eu recours à une pratique d'affaires particulière, soit le fonds spéculatif. Il n'y a aucune loi au Canada qui empêche le recours à un tel processus. Est‑ce qu'il devrait y en avoir? C'est une tout autre question, à laquelle on pourra répondre une autre fois. Il faudrait peut-être l'aborder également. Toutefois, dans le cas présent, cette pratique était légale, et je ne suis pas ici pour la remettre en question.
    La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies est passée d'une loi de restructuration à ce qui semble être une loi pour assurer une faillite ordonnée. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que Sears savait qu'elle allait fermer ses portes lorsqu'elle a demandé la protection du tribunal, mais elle a utilisé la loi pour obtenir des prêts aux débiteurs exploitants et les organiser, peut-être au profit de la société, peut-être pas.
    D'accord.
    Madame Watts, je tiens à vous remercier pour votre travail.
    Croyez-vous qu'il soit impératif pour le gouvernement d'aborder cette question afin de veiller à ce que les changements apportés protègent les pensionnés que vous représentez?
    Vous êtes la meilleure. Merci.
    Merci beaucoup. Je crois qu'elle a vu que j'agitais un carton, alors elle a répondu très rapidement.
    Il ne reste qu'environ six minutes à la première heure de la réunion. Comme nous devons faire une transition, nous déconnecter de cette réunion et nous rebrancher pour la deuxième partie, qui se tient à huis clos, et que nous devons nous arrêter à 13 heures pour les interprètes, je propose que nous terminions à la fin de la première série de questions, si les membres du Comité sont d'accord, afin de passer au huis clos. Êtes-vous d'accord?
    C'est très bien. Merci beaucoup.
    Sur ce, je tiens à remercier les témoins d'avoir été avec nous aujourd'hui. Vos témoignages nous aideront à voir le projet de loi à travers les yeux de tous ceux qui sont touchés par les modifications aux régimes de pensions.
    Encore une fois, merci.

  (1155)  

[Français]

     Je vous remercie de vos interventions.

[Traduction]

    Je rappelle aux membres du Comité que tout amendement au projet de loi doit être transmis au greffier d'ici 16 heures aujourd'hui.
    Je vous remercie tous d'avoir été avec nous aujourd'hui.
    Mesdames et messieurs les membres du Comité, veuillez s'il vous plaît vous déconnecter de la présente réunion Zoom et vous connecter à la réunion à huis clos. À tout de suite. Merci beaucoup.
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