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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 février 2024

[Enregistrement électronique]

  (1835)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 33e réunion du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier la relation entre le Canada et la République populaire de Chine, en mettant l'accent sur la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique.
    J'aimerais prendre quelques instants, à l'intention des témoins et des membres du Comité, pour décrire certaines des mesures que nous prendrons ce soir.
    La réunion se déroule en mode hybride. Les gens participent en personne ou à distance au moyen de l'application Zoom. Pour la gouverne des témoins et des membres du Comité, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et, s'il vous plaît, éteignez‑le lorsque vous ne parlez pas.
    L'interprétation est disponible pour ceux qui utilisent Zoom. Vous avez le choix entre le parquet, le français ou l'anglais au bas de votre écran. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal désiré. Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Pour les députés qui souhaitent prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les membres sur Zoom, utilisez la fonction « lever la main ». La greffière et moi-même allons gérer l'ordre des interventions de notre mieux. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension. De plus, n'oubliez pas de garder votre oreillette loin du microphone si celui‑ci est allumé. Cela peut entraîner un effet Larsen, ce qui n'est pas agréable pour nos interprètes.
    Nous avons des remplaçants ce soir. Peter Fragiskatos sera avec nous un peu plus tard, vers 20 heures. Entretemps, Viviane Lapointe le remplace. Nous accueillons virtuellement Joyce Murray, de la côte Ouest du Canada. Elle remplace Jean Yip, qui est à l'édifice Sir John A. Macdonald, de l'autre côté de la rue. J'espère que nous avons encore le droit de l'appeler ainsi. Ils ont changé le nom de la promenade du même nom. Quoi qu'il en soit, elle y est pour la célébration du Nouvel An lunaire, ce qui, bien sûr, est très important.
    Sur ce, nous allons commencer par entendre notre premier groupe de témoins.
    Nous sommes très heureux d'accueillir Son Excellence M. Kanji Yamanouchi, ambassadeur du Japon au Canada. L'ambassadeur Yamanouchi est l'un de ceux qui sont conscients de l'importance de comparaître et de discuter du point de vue du Japon sur la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique. Nous avons invité d'autres ambassadeurs, qui n'étaient pas aussi à l'aise de parler de la relation avec la Chine et certains des autres acteurs de la région indo-pacifique, mais nous sommes très heureux d'accueillir l'ambassadeur Yamanouchi aujourd'hui.
    Excellence, vous avez cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Permettez-moi d'exprimer ma sincère reconnaissance pour cette précieuse occasion de m'adresser à ce comité très important.
    En novembre 2022, le gouvernement canadien a annoncé sa Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Le gouvernement japonais a accueilli favorablement et apprécié la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique.
    Le Canada est bordé, comme nous le savons tous, par trois côtes, soit l'Atlantique, le Pacifique et l'Arctique. Cependant, on peut dire sans se tromper que, historiquement, le Canada a entretenu des liens très étroits avec l'Europe par l'océan Atlantique. Par conséquent, la formulation de cette Stratégie pour l'Indo-Pacifique par le Canada a été à la fois novatrice et positive. C'était une excellente nouvelle pour le Japon.
    En fait, le Canada et le Japon partagent des valeurs et des intérêts stratégiques. La Stratégie pour l'Indo-Pacifique a tant à offrir à la région et au‑delà dans le contexte difficile des réalités géopolitiques du XXIe siècle.
    La région indo-pacifique est cruciale pour la paix et la prospérité du monde entier, mais elle est de plus en plus confrontée à une variété de problèmes graves, comme des violations de la règle de droit, l'instabilité, le réchauffement de la planète, les catastrophes naturelles et ainsi de suite. Par conséquent, il est essentiel de maintenir un ordre international libre et ouvert fondé sur la primauté du droit afin de promouvoir le commerce et les investissements, ainsi que d'accroître la résilience de la région de façon inclusive. Ces priorités sont au cœur de la stratégie nationale du Japon, ainsi que de sa vision d'une région indo-pacifique libre et ouverte. Nous sommes heureux que la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique soit également conforme à cette vision.
    Un an et deux mois se sont écoulés depuis l'annonce, et le gouvernement japonais salue les progrès constants que le Canada a réalisés dans la mise en œuvre de sa Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Ces progrès se sont traduits par des mesures prises dans le cadre de nos efforts conjoints, conformément au Plan d'action Canada-Japon pour contribuer à une région indo-pacifique libre et ouverte, annoncé par nos ministres des Affaires étrangères à Tokyo en octobre 2022.
    En 2023, nous avons constaté une forte mobilisation de haut niveau entre nos deux pays. L'année a commencé avec la visite du premier ministre Kishida à Ottawa en janvier, suivie d'une étroite collaboration dans le contexte du G7. À Hiroshima, en mai, les dirigeants du G7 ont souligné, entre autres questions cruciales, leur détermination à appuyer une région indo-pacifique libre et ouverte et à s'opposer à toute tentative unilatérale de changer le statu quo par la force ou l'intimidation.
    De plus, 15 réunions ministérielles du G7 ont eu lieu dans toutes les régions du Japon, en présence de ministres canadiens, dont deux visites de la ministre Joly. Chacune de ces réunions a contribué à l'avancement de la coordination des politiques au sein du G7 et à la réalisation de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique.
    L'année 2023 a également été une année importante pour la coopération entre le Japon et le Canada en matière d'affaires, de commerce et d'investissement. En septembre, le ministre de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie du Japon, M. Nishimura, s'est rendu à Ottawa en compagnie d'une délégation de dirigeants d'entreprise. Le ministre Nishimura et moi avons signé deux protocoles de coopération avec la ministre Ng, le ministre Champagne et le ministre Wilkinson.
    L'un portait sur les chaînes d'approvisionnement en batteries. Le développement d'une chaîne d'approvisionnement durable et résiliente est crucial pour les minéraux critiques et les ressources énergétiques, comme le gaz naturel liquéfié, ou GNL, l'hydrogène et l'ammoniac. L'autre portait sur les technologies et les sciences industrielles. Ces protocoles seront certainement des éléments essentiels de notre partenariat.
    C'était en septembre. En octobre, Équipe Canada a visité le Japon avec plus de 240 délégués canadiens provenant de 160 organisations. Équipe Canada était dirigée par la ministre du Commerce, Mary Ng, et le ministre de l'Agriculture, Lawrence MacAulay.

  (1840)  

     Monsieur le président, puisque j'étais sur le terrain pour les deux visites — ici à Ottawa et à Osaka ainsi qu'à Tokyo —, je peux vous assurer qu'elles ont été un franc succès. Elles ont stimulé non seulement les liens commerciaux existants, mais aussi les occasions d'affaires émergentes.
    La visite d'Équipe Canada a également mis en valeur le spectaculaire pavillon du Canada pour l'exposition d'Osaka en 2025, qui incarne à la fois le dynamisme du Canada et son esprit d'innovation. Il y a à peine un mois, le ministre des Affaires étrangères, M. Kamikawa, et la ministre Joly se sont rencontrés à Montréal et ont examiné la mise en œuvre de notre plan d'action conjoint, qui englobe les développements que je viens de décrire.
    Somme toute, je pense que la relation Canada-Japon entame maintenant un nouveau chapitre fondé sur notre vision commune d'une région indo-pacifique libre et ouverte. De plus, la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique fait maintenant une différence très positive.
    Merci beaucoup.

  (1845)  

    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Nous allons maintenant commencer notre série de questions avec M. Kmiec, pour six minutes ou moins.
     Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur l'ambassadeur, d'être ici.
    Ma première question porte sur l'année 2017, lorsque le regretté premier ministre Shinzo Abe a déclaré que le Japon pourrait être ouvert à se joindre à la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, ou BAII, dirigée par la Chine, si les questions entourant les impacts environnementaux de ses projets et d'autres problèmes étaient réglés. C'est une citation directe du regretté Shinzo Abe.
    Je remarque que le Japon ne s'est pas joint à la BAII. Quels étaient ces autres problèmes?
    Merci beaucoup pour cette excellente question.
    J'étais à Washington, D.C., à l'époque où la BAII faisait l'objet de discussions sérieuses parmi les pays du G7.
    Oui, nous voyons les diverses possibilités en Asie. Comme il y a là un besoin de développer des infrastructures, nous savons qu'il y a une demande. Dans le cas du Japon, nous pensons vraiment que la Banque asiatique de développement et la Banque mondiale font un gros effort. Nous en sommes également un élément très important. Par conséquent, nous ne sommes pas membres de la BAII.
    Cependant, de l'extérieur, je pense qu'il y a certains éléments importants. Le premier est l'ouverture du développement des infrastructures. Le deuxième est la transparence. Quels types de projets sont en cours? Troisièmement, il faut penser aux coûts du cycle de vie, pas seulement une fois, mais à long terme. Ils doivent être très économiques et très efficaces. Quatrièmement, nous devons voir les éléments environnementaux et les droits de la personne au titre de la main-d'œuvre qui crée cette infrastructure. La viabilité des pays bénéficiaires est également très importante.
    Tous ces éléments que sont l'ouverture, la transparence, les coûts du cycle de vie, les droits de la personne, les questions environnementales et la viabilité doivent respecter la norme internationale. C'est notre point de vue en ce qui a trait à la BAII.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Ma prochaine question porte sur la visite du premier ministre Fumio Kishida au Canada en janvier 2023.
    Au cours de cette période, il a parlé à maintes reprises de la nécessité de la transition vers l'énergie propre, mais il a aussi parlé du Canada comme source d'approvisionnement sûre en gaz naturel liquéfié, ou GNL. À l'époque, le premier ministre du Canada a dit que cela n'était pas un secteur rentable.
     Je remarque qu'aucun accord sur le GNL n'a été signé avec le gouvernement du Japon. Où le Japon a‑t‑il obtenu les sources de GNL qu'il devait importer?
    Monsieur Kmiec, merci beaucoup pour cette bonne question.
    Comme vous le savez peut-être, notre taux d'autosuffisance énergétique est de 13 %. Cela signifie que nous devons importer notre énergie pour le reste. Par exemple, environ 90 % du pétrole brut provient du Moyen‑Orient. Il y a aussi le gaz naturel, qui vient de la Russie, de l'Indonésie, de la Malaisie et d'autres pays, dont l'Australie.
    En ce qui concerne le gaz naturel liquéfié, j'aimerais exprimer mon intérêt pour LNG Canada, qui est le plus important projet d'investissement dans ce pays. C'est un projet de 40 milliards de dollars. Une entreprise japonaise y participe également, et maintenant, tous les préparatifs sont en cours. Si tout va bien, nous nous attendons à ce que la première livraison d'énergie canadienne arrive au Japon au milieu des années 2020, donc au début de l'année prochaine.
    Je pense que LNG Canada est un exemple de la façon dont ce pays peut faire une grande différence dans cette transition énergétique.
     Merci, monsieur l'ambassadeur.
    En ce qui concerne le gaz naturel liquéfié, dans quelle mesure est‑il essentiel de l'obtenir du Canada pour répondre à vos besoins énergétiques?

  (1850)  

    Selon le dernier chiffre, 14 millions de tonnes seront produites au cours de la première phase. Sur ces 14 millions de tonnes, nous prévoyons que 2,1 millions de tonnes seront exportées au Japon. Je pense que c'est un chiffre sérieux.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Pour passer à un autre sujet, en ce qui concerne Taïwan, alors que la République populaire de Chine continue de menacer la primauté du droit et les lignes de communication maritimes dans la mer de Chine méridionale, le détroit de Taïwan et la mer de Chine orientale, le gouvernement japonais a‑t‑il évalué l'impact économique d'une éventuelle invasion de Taïwan par la République populaire de Chine?
    Merci beaucoup pour cette question très importante.
    La paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont très importantes, non seulement pour la sécurité du Japon, mais aussi pour la stabilité de la communauté internationale dans son ensemble. Nous suivons la situation de très près. Lors de la réunion des dirigeants du G7 à Hiroshima l'an dernier, ceux‑ci ont souligné l'importance de la paix et de la stabilité dans le détroit. Ils ont émis une déclaration. Ils ont aussi insisté pour qu'un règlement pacifique intervienne si des problèmes devaient découler de toutes ces négociations et de tous ces pourparlers.
    Vous avez également posé la question hypothétique. Pour ce qui est de la première question, en tant que diplomate, j'évite respectueusement de répondre aux questions hypothétiques, mais je dirais qu'il s'agit d'une question très grave. Il est tout naturel que le gouvernement prenne toutes les mesures possibles, y compris l'élaboration d'un système pour faire face à toute éventualité afin d'assurer la sécurité et la prospérité du Japon et de sa population.
    Merci beaucoup, monsieur Kmiec.
    Nous passons maintenant à M. Cormier, pour six minutes.
    Merci, Excellence.
    Je vais poser quelques questions en français, mais je vais commencer par l'anglais.
    D'accord.
    Je vous remercie d'être parmi nous ce soir.
    Vous ne le savez probablement pas, mais dans ma circonscription d'Acadie—Bathurst, au Nouveau‑Brunswick, il y a beaucoup d'usines de transformation du poisson. Certaines de ces usines appartiennent à des Japonais depuis de nombreuses années. Nous entretenons de solides relations avec les Japonais. Je crois qu'ils sont arrivés il y a 20 ou 25 ans. Ils achetaient surtout du crabe à l'origine, mais ils se sont tournés depuis vers le homard.
    Vous parlez du commerce qui est très important pour les deux pays. J'aimerais parler davantage de l'aspect économique de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique. En ce qui concerne le commerce et la stratégie que nous avons proposée à l'heure actuelle, dans quelle mesure croyez-vous qu'il est important que nous continuions à veiller à ce que la stratégie soit bonne et qu'elle sera rentable pour tous les pays qui y participeront? Y a‑t‑il quelque chose que nous pourrions améliorer, selon vous, ou sommes-nous sur la bonne voie en ce qui concerne cette stratégie?
    Comme je viens de le dire, le gouvernement japonais et le gouvernement canadien ont un plan d'action, qui est basé sur votre Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Il comprend d'autres éléments du commerce et de l'investissement internationaux. À partir de là, nous avons travaillé d'arrache-pied pour mettre en œuvre tous ces plans d'action, y compris certains investissements que des entreprises japonaises ont faits au Canada, parce qu'à ce moment‑ci, nous vivons un changement historique, dans le domaine géopolitique et les réalités très sérieuses qu'il englobe.
    De plus, le monde sera neutre en carbone d'ici 2050. Cela rend le Canada si important, parce que vous avez des technologies, des ressources naturelles et un gros marché juste à côté de vous, et le pouvoir de l'ALENA. Pour toutes ces raisons, en plus de la grande qualité de la main-d'œuvre canadienne et des normes élevées, je dirais que de nombreuses entreprises japonaises manifestent maintenant de l'intérêt pour ce pays. C'est l'une des réalisations de la stratégie indo-pacifique.
    De plus, je suis très heureux que le gouvernement canadien ait ouvert sa représentation commerciale en Indonésie, de sorte que l'on s'attend à plus de commerce et d'investissement. Nous sommes également très fiers de la grande différence que fait l'ambassadeur du Canada au Japon, M. McKay. Il a été nommé envoyé spécial dans le cadre de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Cela contribue également à stimuler le commerce et l'investissement dans ce pays.
    Merci.

  (1855)  

     Merci.
    Comme je vais maintenant poursuivre en français, je vais vous donner le temps d'installer votre oreillette.

[Français]

     Au début de votre discours d'ouverture, vous avez parlé de l'importance d'avoir un plan dont toutes les stratégies respectent l'environnement, notamment en ce qui concerne les minéraux critiques, dont nous aurons de plus en plus besoin.
    Pensez-vous que nous sommes sur la bonne voie quant au respect de nos engagements envers la carboneutralité d'ici 2050, ou pensez-vous qu'il y a des ajustements à faire à cet égard?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je pense que c'est une question très importante. Jusqu'à présent, plus de 140 pays se sont engagés à devenir neutres en carbone d'ici 2050. Chaque pays fait de sérieux efforts pour respecter cet engagement. Le monde évolue rapidement, et la technologie évolue très rapidement. Nous espérons seulement y arriver.
    En ce qui concerne la réunion des dirigeants au Sommet d'Hiroshima, ils sont de nouveau déterminés à atteindre la carboneutralité d'ici 2050, selon l'histoire, la réalité politique, les technologies et le niveau de développement économique de chaque pays. Selon tous ces facteurs, il doit y avoir diverses façons d'atteindre la carboneutralité d'ici 2050.
    Je crois que ce pays a un potentiel énorme, parce que vous avez des sources d'énergie propre. Comme je viens de le dire, puisque le taux d'autosuffisance énergétique du Japon n'est que de 13 %, nous devons l'améliorer. Au Canada, le taux d'autosuffisance énergétique est de 190 %, ce qui représente une capacité énorme. De plus, vous avez une forte volonté de proposer des initiatives pour atteindre l'objectif de carboneutralité d'ici 2050. Je vois tellement de technologies nouvelles et émergentes pour produire de l'énergie nouvelle avec de l'hydrogène ou de l'ammoniac, ainsi que de petits réacteurs modulaires et ainsi de suite.
    Je n'ai pas de boule de cristal, mais j'espère que le Canada et le Japon pourront y arriver.
    Merci.
    Monsieur Cormier, votre temps est presque écoulé.
    Je vous remercie de vos questions.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron, pour six minutes ou moins.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Excellence, merci d'être des nôtres aujourd'hui. Nous vous en sommes vraiment très reconnaissants. Je remercie également vos collaborateurs, toujours aussi assidus.
    Dans la foulée de la publication de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, nous nous sommes intéressés à la vision d'autres pays quant à la région indo‑pacifique, notamment celle des États‑Unis. Nous sommes allés rencontrer à Washington des collègues du comité équivalent du Congrès américain pour discuter de leur propre stratégie pour la région indo‑pacifique. Ces discussions doivent se poursuivre.
    Cependant, lorsqu'on regarde le nouveau plan japonais pour un Indo-Pacifique libre et ouvert, on constate que son deuxième axe met en lumière une nouvelle orientation en matière de coopération en offrant des réponses aux défis de l'heure à la « manière de la région indo‑pacifique », notamment en établissant des partenariats d'égal à égal entre les États.
    Pour notre édification personnelle, qu'est-ce qu'on entend du point de vue de la perspective japonaise par « à la “manière de la région indo‑pacifique“ »?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    C'est une question qui tombe à point nommé dans le contexte des affaires mondiales du XXIe siècle. Cette partie du monde est parfois appelée l'« hémisphère Sud », mais la taille des populations et le PIB par habitant de ces pays de l'hémisphère Sud varient beaucoup. Cependant, tant que chacun d'eux est un pays souverain, il a une voix aux Nations unies. Chaque pays a sa fierté, son histoire et sa culture, et nous devons les respecter.
    Lorsque nous avons des réunions avec nos amis des pays de l'Asie du Sud-Est — l'ANASE —, ils expriment en termes très convaincants que nous sommes égaux. Nous nous parlons, nous arrivons à un consensus et nous trouvons un terrain d'entente pour aller dans la bonne direction. Il faut parfois peut-être un certain temps pour en arriver à un consensus, mais au bout du compte, c'est la seule façon de réaliser certaines choses ensemble. Aucun pays ne peut à lui seul faire des choses importantes. Il doit avoir des amis et des pays aux vues similaires pour réaliser certaines choses.
    Lorsque nous disons que nous faisons quelque chose à la manière de l'ANASE ou de l'Indo-Pacifique, c'est parce que nous respectons la voix de chaque pays.

  (1900)  

[Français]

     Merci, Excellence.
    Je pense que beaucoup d'espoirs ont été investis dans la stratégie indo-pacifique canadienne envers l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, justement. La plupart des témoins qui sont venus nous parler de l'ANASE en avaient eux aussi une opinion plutôt positive, mais, la semaine dernière, un témoin nous a apporté un point de vue divergent de l'Association. J'ose à peine le paraphraser, mais il nous a dit essentiellement qu'il ne fallait pas investir autant d'espoirs en termes économiques dans l'ANASE et que certains de ses membres étaient pour ainsi dire des succursales de Pékin. Que pensez-vous de cette affirmation?

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Les pays de l'ANASE accueillent favorablement la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique. Si vous voyez la réalité de ces 10 pays, sur le plan de la population, ils comptent plus de 600 millions d'habitants. C'est plus que l'Union européenne, et le PIB combiné de ces 10 pays s'élève à plus de 3 billions de dollars. C'est un progrès important.
    De plus, en décembre dernier, le gouvernement japonais a tenu une réunion spéciale des dirigeants du Japon et des 10 pays de l'ANASE pour célébrer le 50e anniversaire de la coopération entre le Japon et l'ANASE. Au cours de ces 50 années, à partir de cinq ou sept pays — pour en arriver aujourd'hui à 10 pays —, d'énormes progrès ont été accomplis sur le plan du développement économique, mais aussi de l'unité politique et de l'influence sur d'autres parties du monde.
    Je ne vois que des signes positifs pour les 10 pays de l'ANASE. Ils partagent les mêmes idées. Bien sûr, ils ont chacun leur façon d'exprimer les choses, mais nous avons beaucoup en commun. Vous pouvez voir l'attitude des entreprises japonaises à l'égard de ces 10 pays de l'ANASE. Elles y ont fondé beaucoup d'espoir, et elles ont investi pour renforcer la confiance et aussi assurer la croissance de leur marché.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Vous avez le temps de poser une brève question, monsieur Bergeron.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Excellence, merci de votre réponse.
    Dans l'un des six points du plan japonais pour une région indo-pacifique libre et ouverte, on parle de la coopération entre le Canada et le Japon pour ce qui est de la préservation de l'état de droit. Comme l'état de droit est remis en question par quelques puissances de la région, nommément la Chine et la Corée du Nord, comment entrevoyez-vous la coopération entre le Canada et le Japon quant au maintien de l'état de droit?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je dirais que, d'après le plan d'action conjoint, qui est fondé sur la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, la coopération en matière de défense entre le Canada et le Japon est très dynamique. Je vais vous donner quelques exemples.
    Il y a un exercice qui s'appelle KAEDEX. Kaede est le mot japonais pour « érable », alors KAEDEX est un beau nom pour l'exercice conjoint entre les forces armées japonaises et canadiennes. À cette fin, la Marine canadienne a déployé trois frégates: le NCSM Montréal, le NCSM Vancouver et le NCSM Ottawa. Deux de ses cinq frégates au cours des exercices précédents. C'est un engagement énorme. Nous avons mené ces exercices conjoints et participé aux activités des Nations unies, qui s'inscrivent dans le cadre de la résolution du Conseil de sécurité visant à surveiller les transferts entre navires par la Corée du Nord.
    En plus des frégates, l'aéronef de patrouille canadien CP‑140 Aurora a également été déployé et stationné à la base aérienne Kadena, à Okinawa. Cet Aurora a fait une grande différence dans ces activités.
     De plus, des officiers de la Force d'autodéfense du Japon ont participé à l'opération Nanook dans la région de l'Arctique. L'Arctique est aussi une région très importante, à plus long terme, qui présente un intérêt énorme pour le Canada. Le Japon participe également à ce genre d'activités, à tel point que nous cultivons des choses ensemble dans cette région.
    De plus, nous aimerions vous signaler le protocole d'entente entre le Canada et les Philippines sur la coopération en matière de défense. Le Japon a également signé un accord avec la Malaisie et les Philippines pour l'achat d'équipement de surveillance. Dans l'ensemble, le Canada et le Japon travaillent ensemble pour l'amélioration, la paix et la stabilité de la région.

  (1905)  

[Français]

    Merci, Excellence.

[Traduction]

     Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, Excellence. C'est très intéressant.
    J'étais à Hiroshima juste avant le G7 dans le cadre de la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires. Je n'y ai pas vu le temps passer et je me promets bien de retourner au Japon. J'ai rencontré de nombreux membres de la Diète, l'assemblée nationale du Japon, et ce fut une expérience mémorable.
    Vous avez parlé un peu de l'énergie canadienne et des besoins du Japon, et j'aimerais en savoir un peu plus. Vous avez eu de très bons mots au sujet de la façon dont la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique est avantageuse pour le Japon et le Canada.
    Je viens de l'Alberta, une province productrice d'énergie. Vous avez beaucoup parlé du gaz naturel liquéfié et du pétrole, mais pourriez-vous nous parler un peu des possibilités en ce qui concerne les minéraux critiques et l'hydrogène, bleu et vert, et de ce à quoi cela pourrait ressembler dans le cadre de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique?
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Comme ma maison est à Nagasaki, je partage votre volonté de paix et j'estime qu'il est très important de s'engager pour qu'il n'y ait plus jamais ce genre d'accident.
    En ce qui concerne ces minéraux critiques et ces nouvelles sources d'énergie, je peux vous dire que les entreprises japonaises s'intéressent beaucoup à l'ammoniac bleu en Alberta, parce que, comme je viens de le dire, tous les pays, y compris le Japon et le Canada, se sont engagés à être neutres en carbone d'ici 2050.
    Nous sommes en 2024. Il nous reste donc 26 ans, mais nous devons faire des progrès dans ces nouvelles sources d'énergie, et l'ammoniac a un potentiel énorme. Puisque je crois comprendre que le gaz naturel, qui est un ingrédient de l'ammoniac, est très concurrentiel en Alberta pour ce qui est des prix et qu'il est excellent pour le captage et le stockage du carbone, nous nous y intéressons beaucoup. En ce sens, l'Alberta a un grand potentiel pour aider le pays à atteindre l'objectif de carboneutralité.
    C'est merveilleux.
    Je sais que c'est difficile, puisque vous êtes ambassadeur au Canada, mais quels sont les domaines de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique où le Canada pourrait être plus fort? Dans quels domaines devrions-nous investir un peu plus ou prendre des mesures un peu plus urgentes? Je sais que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique a été mise en œuvre il y a un an, et d'autres témoins nous ont dit qu'elle n'a peut-être pas été déployée aussi rapidement qu'elle aurait pu l'être.
     Je me demande, de votre point de vue... et je sais qu'il est difficile pour vous de répondre à cette question, mais pourriez-vous nous parler de notre engagement en matière d'énergie, de notre engagement à l'égard des étudiants de niveau postsecondaire ou de ce qui vous semble logique?
    Merci beaucoup. Merci de me poser une question difficile.
    La Stratégie pour l'Indo-Pacifique, comme vous le savez, repose sur cinq piliers, à savoir promouvoir la paix, la résilience et la sécurité; accroître les échanges commerciaux et les investissements et renforcer la résilience des chaînes d'approvisionnement; investir dans les gens et tisser des liens entre eux; bâtir un avenir durable et vert; et le Canada, un partenaire actif et engagé dans l'Indo-Pacifique.
    Je pense que c'est très complet. Quand vient le temps d'analyser ce genre de plan global, il est très facile de signaler qu'il n'est pas suffisant. Comme je viens de le dire, ce pays a toujours entretenu des liens très étroits avec l'Europe du côté de l'Atlantique, mais c'est la première fois dans l'histoire qu'il applique ce genre de stratégie globale pour la région indo-pacifique.
    La stratégie n'est en place que depuis un an et deux mois. De plus, le gouvernement canadien s'est engagé à investir 2,3 milliards de dollars au cours des trois premières années pour réaliser cette Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Je pense que c'est un engagement ferme.
    Rien n'est jamais parfait en ce monde. On peut toujours voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Si nous décidions de le voir à moitié vide...

  (1910)  

    Peut-être qu'il est aux trois quarts vide. Nous pourrions le remplir pour vous.
    Je m'attends à ce que le gouvernement du Canada, la population, le secteur privé et le milieu universitaire travaillent en ce sens, parce que l'avenir de ce pays est tourné, bien sûr, du côté de l'Atlantique, mais aussi du côté du Pacifique.
    C'est dans toutes les mesures énoncées dans notre stratégie. Ce sont des choses très difficiles. Cela prendra peut-être un certain temps, mais je suis très heureux que le Japon fasse partie de cette stratégie.
    Je pourrais vous poser une autre question difficile, parce qu'il ne me reste qu'un peu de temps.
    Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez. Nous examinons les répercussions possibles d'une réélection de Trump aux États-Unis. Qu'en pense‑t‑on au Japon? Comment les résultats sont-ils prévus, ou est‑ce que vous ne faites pas beaucoup de prédictions parce que c'est très difficile de savoir ce qui se passera?
     Madame McPherson, je suis allé à Washington entre 2013 et 2016, en ma qualité de ministre de l'Économie. Non seulement le Canada et le Japon, mais de nombreux autres pays s'intéressent aux élections présidentielles. Il est parfois très difficile de commenter les élections en soi dans cet endroit public.
    Je crois comprendre que chaque pays suit la situation de très près et se prépare en conséquence.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame McPherson.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour. Nous allons commencer par M. Chong, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur l'ambassadeur, de comparaître devant nous aujourd'hui.
    J'ai noté que le communiqué du G7 qui a été adopté à Hiroshima indiquait la nécessité d'accroître les livraisons de gaz naturel liquéfié, le GNL, et d'investir davantage dans les projets de GNL.
    Vous avez dit que le Japon dépend des importations d'énergie pour répondre à 87 % de ses besoins énergétiques. Vous avez également dit que le Japon achètera environ 2,1 millions des 14 millions de tonnes qui seront produites lorsque LNG Canada entrera en service. Selon Bloomberg, l'offre à long terme de GNL contractée par les acheteurs japonais diminuera de 30 %, soit de 55 millions de tonnes, de 2022 à 2030, soit dans quelques années seulement. En novembre dernier, Bloomberg rapportait également que le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie poussait les acheteurs japonais à signer davantage de contrats de GNL à long terme pour protéger le Japon des futurs chocs d'approvisionnement ainsi que des sanctions potentiellement plus sévères contre le GNL russe.
    Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure votre gouvernement est intéressé à obtenir du Canada des approvisionnements supplémentaires de GNL sous forme de contrats à long terme ou de marchés au comptant? Est‑ce que LNG Canada est suffisant, ou est‑ce que le Japon serait intéressé à acheter encore plus de gaz naturel liquéfié du Canada?
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    La sécurité énergétique est un élément très important de la sécurité nationale. Comme je viens de le dire, nous avons besoin de sources d'énergie importées de partout dans le monde. Ce qui est important, c'est que nous avons des portefeuilles qui ne dépendent pas trop d'un seul pays. En ce sens, le Canada émerge. Je crois savoir que le Canada n'a exporté son gaz naturel que vers les États-Unis jusqu'ici. Ce projet de LNG Canada change aussi la donne pour le Canada.
    Tout d'abord, je crois comprendre que la première phase sera probablement terminée au milieu des années 2020. J'espère que cela commencera bientôt. Cela nous amène à la deuxième phase. Je pense que le gouvernement aide toujours les entreprises japonaises à diversifier leurs sources d'énergie.
    De plus, nous suivons de près les discussions qui ont lieu au Canada au sujet de la décarbonation du pétrole et du gaz. Je crois que, compte tenu de la complexité de la géopolitique, la sécurité énergétique, la géopolitique et la sécurité économique vont de pair. Nous devons être très prudents. Nous devons nous assurer d'être très intelligents et d'utiliser toutes les sources possibles.

  (1915)  

    Le Japon portera ses dépenses militaires à 2 %, si j'ai bien compris, d'ici 2027.
    Dans ce contexte, pouvez-vous nous dire quelle est la position du Japon en ce qui concerne une attaque potentielle contre Taïwan? Le Japon a‑t‑il l'intention de rester neutre si Taïwan devait être attaquée par un autre État, ou adopte‑t‑il une position différente à ce sujet?
     C'est une question très difficile.
    Je vais vous donner la même réponse que j'ai donnée à M. Kmiec. Je répète que la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont très importantes non seulement pour la sécurité du Japon, mais aussi pour la stabilité de la communauté internationale dans son ensemble. C'est la position constante du Japon depuis longtemps. L'on s'attend à ce que les questions entourant Taïwan soient réglées pacifiquement par le dialogue.
    En se fondant sur cette reconnaissance, le premier ministre Kishida a pris les devants à Hiroshima parmi les dirigeants du G7 lorsqu'ils ont fait une déclaration au sujet de Taïwan, exhortant le pays à trouver une solution pacifique en cas de problèmes et soulignant l'importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan. Cela dit, le gouvernement japonais prend toutes les mesures possibles pour assurer la protection des terres, de la population et de la prospérité du Japon. Tout cela concerne Taïwan.
    En ce qui concerne les dépenses consacrées à la défense, d'ici l'exercice 2027, le gouvernement japonais a l'intention de les augmenter jusqu'à concurrence de 2 % de la taille de son PIB de 2022. C'est beaucoup plus facile que de doubler nos dépenses en matière de défense et cette mesure est appuyée par la population. Nous voyons la complexité et les difficultés de la situation de la sécurité au Japon.
    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    Merci beaucoup, monsieur Chong.
    Nous allons maintenant passer à Mme Lalonde en ligne pour cinq minutes ou moins.
    Je tiens à vous remercier, monsieur l'ambassadeur, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
    J'aimerais aussi vous poser quelques questions au sujet de la stratégie de sécurité nationale du Japon, que vous avez soulignée de bien des façons en ce qui concerne les mesures que nos deux pays prennent pour renforcer la coopération en matière de sécurité. Je vous en remercie.
    Je vais peut-être revenir sur une partie des grandes lignes de la stratégie de sécurité nationale du Japon de décembre 2022. Je pense à la stratégie diplomatique et à la participation du Japon aux échanges interpersonnels et culturels.
    Quels sont certains des résultats des efforts du Japon en matière de participation à des échanges interpersonnels et culturels que vous pourriez nous présenter ce soir?
    Merci beaucoup. C'est une question très importante au sujet des échanges interpersonnels.
    Oui, l'amélioration des relations — l'amitié et la confiance — entre les principaux dirigeants du Canada et du Japon est inévitable et très importante. En même temps, les échanges communautaires et interpersonnels cimentent également l'amitié et la confiance entre les peuples.
    J'aimerais vous faire part d'une initiative spéciale. C'est ce que nous appelons le programme JET, un programme d'échange et d'enseignement du Japon. Il a commencé il y a environ 35 ans en ce qui a trait au Canada. Plus de 10 000 étudiants canadiens ont participé au programme JET au cours de ces 35 années. Cela fait du Canada le troisième participant en importance à ce programme. C'est un bon exemple de la façon dont nous améliorons nos échanges. De plus, des Japonais viennent au Canada dans le cadre de vacances-travail et d'études. Il s'agit d'une infrastructure de base pour entretenir l'amitié entre nos deux pays.

  (1920)  

    Merci beaucoup.
    Dans la même veine, pourrions-nous parler un peu de la façon dont nos deux pays, le Canada et le Japon, collaborent à une initiative de développement international dans la région indo-pacifique?
    C'est une autre question très importante.
     Comme vous le savez peut-être, nous avons une agence appelée JICA. C'est l'agence japonaise de développement international. Nous en sommes très fiers. C'est l'un des plus importants organismes qui mettent en œuvre l'aide publique au développement et la coopération économique.
    Le Japon et le Canada ont beaucoup en commun. Vous avez votre Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Nous avons notre propre stratégie et nos propres plans d'action. À partir de ces documents, nous pouvons travailler ensemble pour aider les pays de cette région. Ils attendent notre aide et ils veulent se développer. Avec ces pays bénéficiaires, le Japon et le Canada peuvent travailler ensemble pour améliorer encore davantage la situation de la région.
     Merci beaucoup.
    Je vais peut-être vous laisser sur une réflexion que, je l'espère, vous serez en mesure d'exprimer, puisque nous sommes ici au Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine et que nous étudions la Stratégie pour l'Indo-Pacifique et la façon dont nos deux pays... Comment percevez-vous l'influence de la Chine dans la région? Quelle incidence a‑t‑elle sur certaines initiatives, ou comment pouvons-nous en tenir compte à l'avenir?
     C'est une question très importante par les temps qui courent. La Chine est maintenant la deuxième économie en importance dans le monde, avec 1,4 milliard d'habitants. Son influence est visible partout. Tous les pays travaillent fort pour façonner leur politique à l'égard de la Chine.
    Nous voyons le potentiel de coopération ainsi que les défis et les préoccupations. Si je peux m'exprimer ainsi, nous voyons les tentatives unilatérales de la Chine de changer le statu quo par la force dans la mer de Chine orientale et dans la mer de Chine méridionale. Nous voyons la série d'activités militaires qui entourent nos pays. Certaines d'entre elles se font en collaboration avec la Russie. La paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont également très importantes. Nous y accordons beaucoup d'importance.
    Le Japon maintiendra et affirmera fermement sa position, et il exhortera fortement la Chine à agir de façon responsable. En même temps, nous continuons de dialoguer avec la Chine lorsqu'il y a des sujets de préoccupation ou des possibilités de coopération, comme dans le domaine de l'environnement.
    L'important, c'est la communication. Nous ferons tous les efforts possibles pour établir une relation constructive et stable. C'est notre position. Nous dirons toujours à nos amis que c'est notre position à l'égard de la Chine.
    Merci, madame Lalonde.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron, pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Excellence, j'aimerais revenir sur la question de Taïwan. Depuis son expulsion de l'ONU en 1971, Taïwan est engagée dans une espèce de guérilla diplomatique contre la République populaire de Chine, dans un combat à armes très inégales.
    En effet, la République populaire de Chine use de sa super puissance démographique, économique et militaire pour dévoyer les derniers États qui reconnaissent encore officiellement Taïwan, si bien que le nombre de ces États rétrécit comme peau de chagrin chaque année. Taïwan semble donc être enfermée, enferrée dans cette position traditionnelle où on cherche la reconnaissance diplomatique, ce qui place les États amis de Taïwan, dont le Japon, le Canada et les États‑Unis, dans une position extrêmement délicate.
    Ne devrions-nous pas essayer de contourner cet obstacle de reconnaissance diplomatique? Je discutais informellement avec vous avant la réunion de l'Initiative Kiwa, à laquelle le Canada prend part avec la France. N'est-ce pas là le genre d'initiative dans lequel on devrait essayer d'intégrer Taïwan, de sorte à contourner cette difficulté et cet écueil de la reconnaissance diplomatique, qui place Taïwan dans une position de faiblesse extrême à l'égard de la République populaire de Chine?

  (1925)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Pour nous, Taïwan est un partenaire extrêmement important et un ami précieux. De plus, la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont importantes.
    Le Japon a travaillé très fort pour approfondir la coopération et les échanges avec Taïwan en se fondant sur la position fondamentale énoncée dans notre histoire. De plus, nous travaillions pour les forums internationaux, comme l'OMS ou l'OACI. Taïwan est un partenaire responsable à cet égard. Cependant, il est parfois très difficile d'être membre à part entière. Nous travaillons à faire de Taïwan un observateur à ces tribunes internationales. Je pense qu'il est très important que le Canada et le Japon travaillent ensemble pour mobiliser ces tribunes à titre de partenaires internationaux de Taïwan.

[Français]

     Je comprends que le…

[Traduction]

     Excusez-moi, monsieur Bergeron. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Ça passe trop vite en bonne compagnie.

[Traduction]

    Je sais, mais c'est maintenant au tour de Mme McPherson pour deux minutes et demie.
    J'ai deux minutes et demie.
    Encore une fois, merci beaucoup, Excellence, d'être ici.
    Je représente une circonscription qui compte un certain nombre d'établissements postsecondaires. Vous avez parlé plus tôt à Mme Lalonde des relations interpersonnelles. Pourriez-vous nous parler du potentiel entre le Japon et le Canada en ce qui concerne les étudiants étrangers, la recherche et le partage de cette recherche?
     Quel rôle le Canada et le Japon pourraient-ils jouer à cet égard? Comment la Stratégie pour l'Indo-Pacifique nous aide‑t‑elle à cet égard?
     Les échanges interpersonnels représentent un pilier très important de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique. Nous comprenons qu'au Canada, les établissements d'enseignement supérieur sont très respectés en matière de haute technologie, comme l'intelligence artificielle et la quantique. De plus en plus d'étudiants japonais s'intéressent à ces possibilités, en particulier les étudiants de troisième cycle.
    Les établissements japonais font la promotion de ces échanges universitaires et travaillent d'arrache-pied pour améliorer et accroître les échanges entre les universités de nos deux pays, en particulier dans les domaines de la robotique, du génie artificiel, de l'intelligence artificielle et de la quantique, tous des secteurs de haute technologie.
    Alors que nous essayons de limiter nos interactions ou peut-être d'avoir certains contrôles dans nos interactions avec la Chine et le gouvernement chinois et la recherche qui se fait là‑bas, je pense que les possibilités de recherche au sein des établissements postsecondaires sont assez bonnes.
    Merci beaucoup.
    C'est tout pour moi, monsieur le président.
    Merci, madame McPherson.
    Comme nous avons commencé un peu en retard, si l'ambassadeur le veut bien, nous allons poser quelques questions supplémentaires.
    Cela vous convient‑il?
    Tant qu'elles ne sont pas trop difficiles.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci.
    Pour que ce soit bien clair pour tout le monde, il y aura cinq minutes pour M. Chong, cinq minutes pour M. Oliphant, puis deux minutes et demie pour nos amis du Bloc et du NPD.
    Monsieur Chong, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur l'ambassadeur. Vous avez dit que les liens entre le Canada et le Japon sont solides et profonds. Vous avez parlé du 35e anniversaire du programme JET. Je suis certain que ma femme aimerait que je remercie votre gouvernement en son nom. Elle a participé au programme en 1997‑1998. Elle a participé au programme au Japon. Elle vivait à Kyoto, l'ancienne capitale du Japon, où elle a enseigné l'anglais. Elle a de nombreux bons souvenirs de cette époque et reste en contact avec les personnes qu'elle a connues à l'époque, alors je vous remercie de ce programme.
    Nous n'avons pas parlé du leadership du Japon dans le secteur de la construction automobile. La plus grande entreprise automobile au monde est Toyota Motor Corporation. Nous avons parlé des minéraux critiques plus tôt ce soir. Comme vous le savez, la plupart des grandes économies de l'OCDE rendront obligatoires les véhicules électriques à batterie d'ici 2035, et tous les véhicules devront alors être électriques à batterie.
    M. Toyoda, le président de Toyota Motor Corporation, a indiqué que ce n'est pas possible, que ce n'est pas physiquement possible d'atteindre ces objectifs. Il a récemment suggéré que ces cibles soient remplacées par une cible plus agressive pour les véhicules hybrides. Nous savons que Toyota Motor Corporation est le chef de file mondial de la technologie hybride. Au Canada, Toyota construit des véhicules hybrides à l'usine de Cambridge, en Ontario. Honda construit des véhicules à Alliston, en Ontario.
    Quelle est la position de votre gouvernement sur la recherche de solutions de rechange pour réduire les émissions qui supposeraient des objectifs plus stricts pour les véhicules hybrides plutôt que les cibles agressives concernant les véhicules électriques à batterie que la plupart des pays ont déjà acceptés?

  (1930)  

     Merci beaucoup, monsieur Chong.
    Je suis très heureux d'apprendre que votre charmante épouse était une ancienne du programme JET. Kyoto devait être un bel endroit pour elle. Je suis sûr qu'elle en garde de bons souvenirs. Merci beaucoup.
    En fait, j'ai aussi visité l'usine Toyota à Cambridge, et j'ai été stupéfait. Je ne suis pas la personne la mieux placée pour parler de la possibilité d'innovations technologiques et autres. C'est un processus continu. Chose certaine, le Canada, le Japon, les États-Unis et d'autres pays se sont engagés à être carboneutres d'ici 2050. De toutes les émissions de gaz, environ 25 % proviennent des véhicules automobiles. Il est donc très important de réduire les émissions de gaz des voitures.
    Certains pays ont des cibles précises de véhicules à émission zéro à 100 % d'ici 2035. Cela dépend de la définition d'un véhicule à émission zéro. Certaines définitions comprennent l'hybride, mais d'autres pas. Tout dépend des technologies et des possibilités pour atteindre cet objectif d'ici 2035. C'est un processus continu.
    Pour en revenir au sommet d'Hiroshima, chaque pays devait trouver sa propre façon d'atteindre l'objectif ultime d'être carboneutre d'ici 2050. Diverses façons doivent être admises. Ce sont des aspects technologiques. Toutes les entreprises travaillent d'arrache-pied pour obtenir des technologies de pointe afin d'atteindre cet objectif. Je pense que l'avenir pointe dans cette direction. Chaque pays, chaque parlement et chaque congrès décidera de sa norme.
    Je suis certain que chaque entreprise travaille d'arrache-pied pour devancer d'autres entreprises concurrentes afin d'atteindre cet objectif.
    Merci.
    Je veux simplement souligner, monsieur le président, qu'il y a des recherches qui indiquent que le monde a besoin de 300 mines et usines de transformation des minéraux critiques aujourd'hui pour atteindre les objectifs de 2035.
    M. Toyoda disait que nous avons tous les minéraux critiques et toutes les mines dont nous avons besoin aujourd'hui, si nous devions adopter une cible de 100 % de véhicules hybrides, plutôt qu'une cible de véhicules électriques à batterie. Cela permettrait de réduire plus rapidement les émissions tout en évitant d'éviscérer nos industries vers la République populaire de Chine, qui domine dans la production de véhicules électriques à batterie.
    Je tenais à ce que cela figure au compte rendu, monsieur le président. Merci.
    Merci, monsieur Chong.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant, pour cinq minutes.

  (1935)  

    Merci, monsieur le président, pour cette réunion.
    Votre Excellence, c'est merveilleux de vous voir ici. Certains ont dit que c'était l'âge d'or des relations entre le Canada et le Japon.
    Cela a peut-être commencé avec la visite du regretté premier ministre Abe. Ce fut une visite marquante pour le Canada et le Japon, qui ont pu se pencher sur les étapes menant à la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, à votre propre stratégie pour une région indo-pacifique libre et ouverte, ainsi qu'à notre plan d'action.
    Depuis que vous êtes ici, nous avons pris d'excellentes mesures. Je vous remercie de votre leadership et de l'amitié que vous entretenez entre le Canada et le Japon. C'est vraiment remarquable depuis que vous êtes ici. Nous espérons que ce sera pour encore 10 ans, et ce serait bien si vous pouviez le dire à votre ministre des Affaires étrangères quand vous en aurez l'occasion.
    Je vais poursuivre un peu dans la même veine que M. Chong.
    Le Canada est‑il toujours considéré comme une occasion d'investissement importante et prometteuse dans le secteur automobile pour le Japon? Y a‑t‑il encore un sentiment positif à l'égard des producteurs d'automobiles pour l'avenir?
    La réponse courte est oui.
    Je vois de nombreux rapports selon lesquels des entreprises japonaises songent à investir au Canada en raison de la nature de ce pays. Vous avez une grande confiance dans le peuple japonais et un grand potentiel pour les minéraux critiques.
    Je ne suis pas le seul à le dire, puisque la semaine dernière encore, Bloomberg a publié un article très intéressant sur la capacité de fabriquer une batterie au lithium-ion, et sur le fait que le Canada était considéré comme un des meilleurs pays pour produire cette batterie. Cela en dit long.
     C'est ce que nous espérons, c'est certain. Je pense qu'un partenariat avec le Japon sur toute cette chaîne d'approvisionnement pourrait être très important.
    Je vais changer de sujet et parler du développement, de l'aide humanitaire et du travail de résolution des crises. J'ai constaté une augmentation de l'intérêt du Japon dans le monde, dans les pays en développement de l'hémisphère Sud et dans les partenariats avec des pays aux vues similaires. Est‑ce que je me trompe à ce sujet? Voyez-vous le Canada comme un partenaire dans les interventions d'urgence et de crise — nous savons que vous avez eu vos propres crises au Japon et nous sommes intervenus du mieux que nous le pouvions —, mais aussi dans les pays de l'hémisphère Sud, particulièrement en Afrique ou ailleurs dans le monde?
    Oui, le Canada et le Japon sont des membres responsables du G7 et du forum international, et nous sommes également membres du Partenariat transpacifique, ou PTP. Nous avons beaucoup de choses en commun. Nous partageons des intérêts communs. Il y a tellement de besoins là‑bas, pour ainsi dire, dans les pays de l'hémisphère Sud. Nous pouvons travailler ensemble, et nous avons la volonté et les ressources nécessaires pour les aider.
    Je tiens à préciser, monsieur Yamanouchi, que je ne pense pas que le Canada ait un partenaire plus amical et partageant autant les mêmes idées que le Japon. Merci, et j'espère que vous transmettrez immédiatement ce message au Japon, à Tokyo.
    Merci.
    Merci beaucoup. Je n'y manquerai pas.
    Merci, monsieur Oliphant.
    Nous passons maintenant la parole à M. Bergeron.
    Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de revenir sur l'échange que nous avions, l'ambassadeur et moi, auparavant. Je suis convaincu que beaucoup de gens prendront note de la déclaration que vient de faire M. Oliphant.
    Excellence, vous avez abordé à la toute fin le fait que le Canada, tout comme le Japon, favorise l'adhésion de Taïwan à des organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé ou l'Organisation mondiale du commerce, entre autres.
     Croyez-vous que Taïwan et la République populaire de Chine remplissent les conditions pour adhérer à l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste?

[Traduction]

    Wow. Ce sont de très bonnes questions au sujet de l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, mon sujet préféré.
    Je pense que le PTPGP est un instrument très important non seulement pour le libre-échange, mais aussi pour les questions de sécurité, et le Canada et le Japon sont à la tête du PTPGP. Cette année, en 2024, le Canada en est le président. Nous avons trois grands objectifs pour le PTPGP cette année. Le premier concerne les nouveaux membres. Le deuxième concerne l'examen de la procédure existante et ce genre de choses, et le troisième... J'ai oublié le troisième.
     Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne les nouveaux membres, peu importe qu'il s'agisse d'économies aspirantes, il y a trois choses qui sont très importantes. D'abord, ces économies doivent respecter des normes élevées. Ensuite, elles doivent avoir présenté un bon bilan dans le passé. Enfin, il nous faut un consensus pour appuyer leur adhésion. C'est un élément très important pour les nouveaux membres.
    En tout respect, je ne ferai pas de commentaires précis sur chaque nation ou sur les économies, mais c'est un élément important du PTPGP pour qu'il joue un rôle clé au sein de la communauté internationale.

  (1940)  

    Merci, monsieur Bergeron.

[Français]

    Merci, Excellence.

[Traduction]

    Pour terminer, nous allons passer la parole à Mme McPherson pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Encore une fois, merci beaucoup de vos observations aujourd'hui, Excellence.
    Vous avez parlé un peu des initiatives de développement international sur lesquelles le Japon et le Canada peuvent travailler ensemble, dans la région indo-pacifique. Je pense que M. Oliphant a parlé de l'Afrique. Nous savons que la Chine a d'énormes ambitions en ce qui concerne son Initiative ceinture et route.
     À mesure que le Canada et le Japon travaillent à des initiatives internationales, particulièrement en ce qui concerne les objectifs de développement durable dans d'autres régions du monde, mis à part l'Indo-Pacifique, voyez-vous d'autres régions du monde où nous pourrions travailler ensemble?
     En ce qui concerne l'Afrique, je crois que c'est en 1993 que le gouvernement japonais a lancé une initiative appelée TICAD. Il s'agit de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique. Nous avons entamé un processus de réunions des dirigeants entre le Japon et l'Afrique — avec plus de 50 pays — une fois tous les cinq ans. Récemment, nous l'avons en quelque sorte élevé à l'étape suivante. Tous les trois ans, nous tenons une réunion des dirigeants au sujet de l'initiative TICAD. C'est précisément pour aider les pays africains à se développer.
    Lorsque nous avons commencé en 1993, nous avons beaucoup parlé de l'aide publique au développement. Aujourd'hui, on parle beaucoup du secteur privé. L'argent de l'APD est très important. Il peut s'agir de capitaux de démarrage pour l'aide publique au développement, mais l'investissement du secteur privé a un impact énorme.
    Nous parlons maintenant d'une combinaison d'aide publique au développement et de participation du secteur privé. L'Afrique est le continent de l'avenir. De plus en plus d'entreprises japonaises s'y intéressent. En ce qui concerne le gouvernement, le Canada et le Japon ont beaucoup de choses en commun. Après tout, l'Afrique est si loin du Japon, mais de l'autre côté de l'océan Atlantique, il y a l'Afrique. Vous avez donc plus de connaissances et de contacts. Nous pouvons travailler ensemble.
    C'est encore quand même loin de nous.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame McPherson.
    Excellence, je vous remercie de votre générosité et de vos observations ce soir. Nous avons beaucoup apprécié votre visite. Vos réflexions, j'en suis sûr, se retrouveront très bien dans le rapport que nous déposerons au Parlement en temps et lieu.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance et nous préparer pour notre prochain groupe de témoins.
    Une dernière chose avant que vous nous quittiez...
    Puis‑je dire un dernier mot?
    Oui, bien sûr.
     Je ne saurais trop remercier ce Parlement canadien qui appuie les relations canado-japonaises et notre ambassade ici à Ottawa. Je vous remercie beaucoup.
     Arigato gozaimasu et merci beaucoup ce soir.
    Nous savons tous ce que signifie arigato, mais comment y répondrait‑on?
    Douitashimashite.
    Voilà. Merci.
    Nous allons suspendre la séance.

  (1945)  


  (1950)  

    Reprenons nos travaux.
    Nous reprenons la séance en remerciant nos prochains invités de leur patience. Nous sommes un peu en retard. L'ambassadeur du Japon était extrêmement intéressant, et nous l'avons laissé prolonger ses réflexions parce qu'elles étaient très intéressantes.
    Cela dit, nous devrons probablement être un peu plus attentifs à l'heure durant nos périodes de questions pour pouvoir terminer à temps et laisser à notre personnel de soutien le reste de la soirée.
    Bienvenue à tous. J'aimerais accueillir nos témoins du deuxième groupe.
    Mme Shihoko Goto, qui participe par vidéoconférence, est directrice du Programme de l'Asie au Woodrow Wilson International Center for Scholars. Également par vidéoconférence, nous avons Mme Yuki Tatsumi, codirectrice du programme de l'Asie de l'Est au Henry L. Stimson Center.
    Nous allons commencer par vous, madame Goto, pour un exposé préliminaire de cinq minutes.
    J'invoque le Règlement. Avant de commencer, nous aimerions savoir si notre témoin du troisième tour est disponible ou non, parce que nous avons eu une annulation. Si nous n'avons qu'une personne dans la troisième heure, nous pourrions peut-être faire une heure et demie au lieu de deux heures, s'il se trouve qu'il est disponible.
    Oui, c'est quelque chose dont il aurait...
    Je sais. J'aurais dû en parler il y a deux heures, mais, à y regarder de près, nous pensons qu'une heure complète avec un seul témoin, à cause d'une annulation, c'est bien long.
    Je crois, monsieur Oliphant, que nous allons simplement faire deux tours et nous en tenir là.
    Très bien. D'accord.
    C'est probablement la solution la plus simple, parce que vous avez raison. Il serait un peu exagéré pour une seule personne de témoigner toute une heure comme l'a fait l'ambassadeur.
    Je parlais seulement pour moi.
    Oui, je sais.
    Très bien, madame Goto, vous avez cinq minutes.
     Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui.
    Les États-Unis sont aujourd'hui englués dans non pas un, mais deux conflits, en Ukraine et au Moyen-Orient. Washington n'a cependant pas perdu de vue et ne perdra pas de vue le troisième théâtre d'opérations, à savoir l'Indo-Pacifique, et le défi que représente notamment la Chine. La menace systémique que constitue la Chine reste l'un des rares enjeux qui continuent de susciter une réaction de soutien bipartite au Capitole.
    En réalité, Washington a plus que jamais besoin de ses alliés et de ses partenaires pour relever le défi que représente Pékin.
    Sur le plan de la sécurité, les mesures visant à coordonner les opérations par l'entremise de mécanismes comme le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, ou Quad, et l'AUKUS progressent constamment. L'OTAN repousse les frontières de son mandat à cet égard en invitant des pays comme le Japon, l'Australie et la Corée du Sud à titre d'observateurs.
    Mais c'est sur le front économique que s'impose une vision commune entre les alliés et les partenaires des États-Unis. Et non seulement cette vision est floue, mais il est probable qu'une nouvelle guerre commerciale éclatera sous la forme d'un schisme entre pays aux vues similaires.
    Il est entendu que les pays du G7 s'entendent aujourd'hui pour coopérer afin de renforcer la résilience et la sécurité économiques. Ils cherchent désormais plus uniformément des moyens de contrer l'effet de levier de l'interdépendance mondiale profitant politiquement à la Chine. Les gouvernements et les entreprises des pays les plus riches et des économies les plus vulnérables du Sud ont subi les pressions d'une Chine qui a systématiquement arsenalisé l'interdépendance économique mondiale. L'autocensure pratiquée par les entreprises et par les États pour éviter les représailles chinoises est devenue trop courante.
    Pour les pays de l'Indo-Pacifique et au‑delà, la volonté du G7 de se doter d'un plan d'action contre la coercition chinoise est désormais bienvenue. Des accords de sécurité économique collective ne sont peut-être pas envisageables en tant que tels. Mais il est possible de tirer parti de l'opinion publique internationale contre la coercition chinoise et de sensibiliser le monde aux risques du régime autoritaire chinois.
    Par contre, il n'y a pas de vision commune d'une victoire économique contre la Chine. On ne semble guère enclin à se dissocier de la Chine, mais on ne sait pas très bien comment atténuer le degré de vulnérabilité à l'égard de celle‑ci. Pour les États-Unis, il s'agit peut-être surtout de freiner les ambitions technologiques de Pékin, mais ce n'est pas une préoccupation pour les pays du Sud. Entretemps, alors que les tensions entre Washington et Pékin ne montrent aucun signe d'apaisement, l'objectif des pays de l'Indo-Pacifique est de s'assurer une stabilité et une croissance durables, et cela comprend la gestion des relations économiques avec la Chine comme avec les États-Unis.
    L'objectif de Washington reste de protéger ses technologies de pointe contre la Chine et d'empêcher Pékin d'intégrer des systèmes technologiques civils et militaires. Les mesures de contrôle à l'exportation imposées par les États-Unis étayent cet objectif et ont été acceptées par le Japon et par les Pays-Bas. Cela dit, à défaut de l'adhésion du Japon et des Pays-Bas, qui sont les plus grands fabricants de semi-conducteurs au monde, les efforts des États-Unis pour restreindre l'accès de la Chine aux puces et à la fabrication de puces de pointe n'auraient qu'un impact limité. Dans un contexte d'appels à la délocalisation dans un pays proche ou allié au nom de la sécurité économique et de la résilience, nous assistons à la multiplication de politiques industrielles visant à réduire la dépendance à l'égard d'alliés de confiance tout autant que d'adversaires.
    La Chine n'est évidemment pas le seul facteur de déstabilisation de la croissance, mais les mesures coercitives de Pékin et les violations du principe de la primauté du droit ont donné lieu à une réévaluation de la résilience économique. Un front uni et coopératif contre la coercition chinoise pourrait bien être au cœur d'une stratégie permettant de relever le défi systémique que la Chine lance à l'économie mondiale.
    Nous avons fini par comprendre, en peu de temps, l'importance de la sécurité économique. Il n'y a pas de solution facile pour protéger les technologies essentielles ou pour éviter la coercition économique, mais des pays comme le Canada, tenu en haute estime non seulement par les États-Unis, mais aussi par la communauté internationale en général, pourraient jouer un rôle important dans la protection et la promotion du principe de la primauté du droit international et d'une saine concurrence économique.
    Je vais conclure ici mon exposé préliminaire.
    Merci.

  (1955)  

    Merci beaucoup, madame Goto.
    Madame Tatsumi, vous avez cinq minutes.
     Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de prendre la parole ce soir. C'est un grand plaisir et un honneur de témoigner devant vous.
     Je suis extrêmement heureuse que mon témoignage suive celui de l'ambassadeur Yamanouchi, que vous avez tous entendu au cours de la dernière heure. Il se trouve que c'est un vieil ami et un collègue. Compte tenu de mon expérience personnelle à ses côtés il y a près de 30 ans, lorsque je travaillais à l'ambassade du Japon aux États-Unis, à Washington, comme adjointe spéciale d'un ministre, je peux vous dire que le gouvernement japonais a envoyé l'un de ses meilleurs diplomates à Ottawa. Cela en dit long sur l'importance que le Japon accorde à ses relations avec le Canada.
    L'audience d'aujourd'hui porte sur une perspective internationale et, d'après ce que j'ai compris de mon invitation à comparaître devant vous, sur celle du Japon.
    Comme les membres du Comité le savent bien, le Japon a adopté une stratégie pour un Indo-Pacifique libre et ouvert, ou FOIP, induite en décembre 2012 par le regretté premier ministre Shinzo Abe. Ce qu'on pourrait appeler la version 1.0 du FOIP du Japon reposait sur trois piliers: consolider ses alliances bilatérales avec les États-Unis, intensifier son engagement auprès d'autres alliés et partenaires des États-Unis à l'intérieur et à l'extérieur de la région de l'Indo-Pacifique, notamment en renforçant les cadres trilatéraux et minilatéraux, par exemple entre les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud, entre le Japon, les États-Unis et l'Australie, entre les États-Unis, le Japon et l'Inde, etc., et enfin, et surtout, consolider l'appui durable aux institutions et aux cadres multinationaux comme le G7, le G20, les Nations unies, l'OMC et d'autres.
    Depuis que le Japon a annoncé sa première stratégie de sécurité nationale, publiée sous les auspices du regretté premier ministre Abe en décembre 2012, le concept de FOIP a évolué. Je dirais que son évolution est presque directement liée à l'émergence de la Chine comme adversaire de l'ordre libéral international fondé sur des règles.
    Je pense que l'évolution de la réflexion stratégique de Tokyo est très claire, quand on compare la façon dont la stratégie de 2012 et sa mise à jour de 2022 envisagent respectivement la Chine. La stratégie de 2012 décrit l'assurance grandissante de la Chine comme « source de préoccupation non seulement pour le Japon, mais aussi pour l'ensemble de la communauté internationale » et comme « quelque chose qu'il faut surveiller de près », alors que la mise à jour de 2022 définit la Chine comme un défi stratégique « sans précédent », pendant que le Japon, de concert avec la communauté internationale, poursuit ses efforts pour défendre l'ordre international fondé sur des règles.
    À mesure que le point de vue stratégique du Japon sur la Chine évolue, les mesures qu'il prend pour faire face aux défis posés par Pékin évoluent également. L'interruption des voyages internationaux et d'autres communications internationales directes en personne de 2020 à 2022 en raison de la COVID‑19 a cependant représenté un défi important pour le Japon, puisqu'elle a réellement empêché les interactions en personne aux échelons supérieurs du gouvernement, y compris au sommet. Cela dit, le Japon a quand même essayé de tirer le meilleur parti des possibilités offertes par les plateformes virtuelles.
    Succédant au premier ministre Abe en septembre 2020, le premier ministre Yoshihide Suga a, par exemple, insisté prioritairement sur la revitalisation du Quad et sur l'institutionnalisation du partenariat entre les États-Unis, le Japon, l'Australie et l'Inde dans des domaines comme la coopération pour la production et la commercialisation de vaccins, la résilience des chaînes d'approvisionnement, l'investissement dans les infrastructures de résilience aux catastrophes et d'autres domaines importants de la sécurité économique.
    Le premier ministre actuel Kishida a intensifié les mesures prises par son prédécesseur à cet égard et il a redoublé d'efforts pour relier l'évolution d'autres pays du monde et celle des pays de l'Indo-Pacifique en les contextualisant en termes de normes et de valeurs universelles.

  (2000)  

     Par exemple, peu après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, Kishida a fait des pieds et des mains pour obtenir du soutien pour l'Ukraine dans la région de l'Indo-Pacifique — beaucoup de ces pays n'ont pas exprimé explicitement leur soutien à l'Ukraine — en faisant valoir que l'Ukraine d'aujourd'hui pourrait être l'Asie de l'Est de demain.
    Comme l'ambassadeur Yamanouchi l'a longuement expliqué quand il a comparu devant vous, la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan sont extrêmement importantes pour la sécurité nationale du Japon. C'est dans ce contexte que le rapprochement de Tokyo avec la République de Corée, symbolisé par le sommet de Camp David l'été dernier, revêt une grande importance.
    Le Japon est désormais sur la même longueur d'onde que Washington et Séoul pour ce qui est de contrer toute tentative de Pékin pour changer le statu quo par la force, ce qui en dit long sur les efforts déployés par le Japon pour s'assurer que des mesures de dissuasion sont en place.
    Madame Tatsumi, pourriez-vous conclure maintenant? Nous sommes en effet prêts à passer aux questions.
    Oui, certainement.
    Merci.
    Avant de terminer, permettez-moi de parler brièvement des relations entre le Japon et le Canada en matière de sécurité. Tandis que le Japon continue d'intensifier ses activités de sensibilisation au‑delà de l'Indo-Pacifique, les relations entre Tokyo et Ottawa sont de plus en plus importantes. Pour le Japon, plus ses partenaires éloignés, dont le Canada, manifestent leur intérêt, mieux cela vaut, car il estime que cette manifestation d'intérêt en temps de paix, étayée par le principe de la primauté du droit, aura valeur de dissuasion collective.
    Pour la suite des choses, l'institutionnalisation croissante de relations bilatérales sûres entre le Japon et le Canada, fondées sur la signature de l'Accord relatif au soutien logistique mutuel en 2019, dont la conclusion de l'accord général sur la sécurité de l'information, sera encore plus avantageuse.
    Surtout au moment où la mer de l'Arctique s'ouvre à la navigation, le Japon, comme observateur au Conseil de l'Arctique, se félicite de collaborer avec le Canada pour instaurer, par exemple, un code de conduite dans cette zone stratégique susceptible de se révéler extrêmement importante.
    Voilà qui conclut mes réflexions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Chong, vous avez six minutes.

  (2005)  

    Merci, monsieur le président.
    L'ambassadeur nous a expliqué que le Japon fera passer ses dépenses de défense à 2 % de son PIB de 2022 d'ici 2027, c'est‑à‑dire d'ici trois ans seulement. Les deux témoins ont parlé, dans leurs exposés respectifs, d'un changement de perspective du Japon dans la région indo-pacifique. On nous a parlé d'une évolution importante entre la position politique de 2012 sur la défense et la sécurité et celle de 2022. Il a été question de réengagement dans le Quad.
    On peut dire, je crois, que la stratégie de 2022 représente pour le Japon un changement sismique par rapport à une position en vigueur depuis environ 77 ans, c'est‑à‑dire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Japon avait jusqu'ici une position pacifiste. La nouvelle stratégie me semble clairement indiquer qu'il se prépare à une attaque militaire directe.
    Cela étant, nos témoins pourraient-elles nous expliquer un peu comment le Japon évalue le risque qu'il soit attaqué par la Corée du Nord ou par la République populaire de Chine?
    Deuxièmement, que ferait le Japon si Taïwan était attaquée par la République populaire de Chine?
    N'hésitez pas à procéder dans l'ordre que vous souhaitez. Je m'en remets au président pour coordonner le tout.
    Écoutons d'abord Mme Tatsumi, puis nous donnerons la parole à Mme Goto.
    Vous avez en tout quatre minutes, donc deux minutes chacune.
     Je vous remercie de cette question, monsieur Chong. Au risque de parler comme l'ambassadeur Yamanouchi, je dirais que c'est une question à la fois très difficile et intéressante.
    Pour le Japon, il me semble que le risque d'être attaqué directement par des missiles de la Corée du Nord — pas nécessairement dans le cadre d'une tentative d'invasion terrestre ou quoi que ce soit du genre, d'ailleurs — est plus élevé que le risque d'une attaque directe venant de la Chine.
    Le Japon s'inquiète davantage d'une tentative de la Chine pour réintégrer Taïwan par la force, aggravant rapidement de ce fait l'état critique de la sécurité nationale au Japon en raison de la proximité géographique de Taïwan. C'est pourquoi le Japon est effectivement en train de consolider sa position de défense dans les îles du Sud-Ouest. Cette zone est très proche de l'île de Taïwan. Nous travaillons en très étroite collaboration avec les États-Unis dans le cadre d'exercices militaires conjoints pour pouvoir repousser une tentative d'invasion directe au cas où la dissuasion échouerait. À vrai dire, nous accueillons favorablement la participation de pays tiers ayant des accords de coopération en matière de défense. L'Australie est de plus en plus présente aux exercices militaires bilatéraux des États-Unis et du Japon axés sur des plans d'urgence pour cette région.
    Compte tenu de l'ACSA conclu en 2019, je suis à peu près certaine que Tokyo accueillerait favorablement la participation du Canada comme observateur des exercices bilatéraux États-Unis-Japon axés sur ce scénario d'urgence.
    Merci beaucoup.
     Madame Goto, je vous en prie.
    Puis‑je ajouter quelque chose au sujet de l'augmentation des dépenses de défense du Japon?
     Cette décision, si elle avait été prise il y a cinq ans, aurait suscité beaucoup d'opposition politique. Le Japon, comme vous l'avez dit, reste un pays pacifiste. Il y aurait eu beaucoup d'opposition de la part de la population. Cela n'a pas été le cas. La seule opposition manifestée tient à la question de savoir comment le Japon va assumer ces dépenses, et cela veut dire que la population elle-même est parfaitement consciente du voisinage dangereux dans lequel elle vit et des risques que représentent non seulement la Corée du Nord, mais aussi la Chine.
    De plus, et nous n'en avons pas encore parlé, les États-Unis hésitent de plus en plus à être une puissance permanente dans le Pacifique. Ils se prémunissent contre ces réalités.
    Quant à Taïwan, je suis de ceux et celles qui ne croient pas que la Chine ne se prépare pas à attaquer, mais tout peut arriver. La Chine a intensifié la surveillance maritime et aérienne. Le risque que les choses tournent mal et que des conséquences imprévues en découlent m'empêche de dormir la nuit, tout comme les dirigeants japonais.

  (2010)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Oliphant, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux deux témoins.
    J'ai deux questions et j'aimerais entendre les réflexions de chacune de vous. Nous allons essayer de partager notre temps.
    Ma première question concerne le sommet trilatéral de Camp David entre les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud et ces relations. Les relations entre la Corée du Sud et le Japon n'ont pas toujours été faciles, mais la relation trilatérale a suscité des possibilités et des difficultés pour le Canada dans le cadre de l'accord de partenariat. Quelles sont les possibilités qui s'offrent à nous et quelles sont les difficultés que vous entrevoyez pour le Canada?
    La deuxième question porte sur deux élections, que je vais préciser tout de suite pour que vous puissiez toutes les deux prendre autant de temps que vous le souhaitez. Il y a eu les élections taiwanaises et il y aura bientôt les élections présidentielles américaines. Quelles en sont les répercussions sur notre stratégie dans l'Indo-Pacifique sur le plan de la sécurité et sur le plan économique?
    Les sujets sont donc le sommet trilatéral et les élections. J'aimerais entendre d'abord Mme Goto.
     Merci.
    Du côté du sommet trilatéral, nous sommes en pleine lune de miel. Les relations entre le Japon et la Corée du Sud ont atteint un creux historique il y a environ deux ans. Mais la situation s'améliore de jour en jour. Je dirais que cette embellie rapide est vraiment due à l'audace du président Yoon de la Corée du Sud, qui a compris la nécessité d'améliorer les relations avec le Japon.
    Cela dit, il y aura bientôt des élections en Corée du Sud. L'Assemblée nationale les a prévues en avril. Il y aura également des élections d'ici septembre prochain au sein du Parti libéral-démocrate du Japon, actuellement au pouvoir. Il n'y aura pas nécessairement de changements importants dans le leadership des gouvernements, mais ces élections auront des répercussions importantes et pourraient entraîner un changement de leadership, pas nécessairement en Corée du Sud, où Yoon est là pour cinq ans, mais au Japon, où c'est l'incertitude politique qui règne en ce moment.
    Quant à nous, nous voulons que les relations entre les trois pays soient institutionnalisées, qu'elles soient stables et résistent aux aléas politiques, qu'elles s'adaptent aux changements politiques et qu'un soutien structurel permette de faciliter la coopération trilatérale.
    Le Canada a un rôle énorme à jouer dans la promotion et le soutien des relations trilatérales, et j'ajouterais qu'il a aussi un rôle énorme à jouer comme bâtisseur de ponts entre le Japon et la Corée. Il a de bonnes relations avec les deux pays, mais il pourrait aussi les approfondir et promouvoir des relations solides entre Tokyo et Séoul.
    Peut-être Mme Tatsumi pourrait-elle répondre à la deuxième question — nous manquons de temps — et nous parler de ces deux élections, d'abord à Taïwan, où le gouvernement a reçu un troisième mandat, bien que réduit, au Parlement, et ensuite des prochaines élections américaines.
    Quelles seraient, d'après vous, les difficultés ou les possibilités pour le Canada à cet égard?
     Permettez-moi une remarque rapide au sujet des États-Unis, du Japon et de la République de Corée avant de passer à la question des élections à Taïwan et aux États-Unis.
    Le sommet de Camp David est une occasion en or pour le Canada, puisque, comme l'a rappelé Mme Goto, il entretient de bonnes relations avec Tokyo et Séoul. De plus, Camp David vise vraiment à institutionnaliser la relation trilatérale entre les États-Unis, le Japon et la République de Corée pour affronter les changements politiques dans leurs trois capitales. J'espère que cela tiendra.
    Ce ne sont pas nécessairement les élections taïwanaises qui sont en cause, parce que, même si la composition du Yuan législatif est un peu défavorable au nouveau président Lai, le Kuomintang a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie. Faute de meilleurs termes, disons qu'il est beaucoup moins disposé à être indulgent envers la Chine. Cela traduit une transformation très profonde dans l'électorat taiwanais, qui ne voit vraiment pas d'un bon œil la perspective d'une réunification avec le continent.
    Je crois que le consensus actuel à Taïwan est que toute réunification doit être pacifique et que Taïwan devra avoir un droit de regard égal sur le mode de réunification éventuel. Le Canada a là une occasion en or de faire valoir ces principes en temps de paix. Tout effort de réunification — par le dialogue entre les deux rives du détroit — devra être pacifique, et aucune tentative de changer le statu quo par la force ne devra être tolérée.
    Revenons aux élections présidentielles aux États-Unis. Je suis sûre que vous êtes tous nerveux, vous aussi, à Ottawa. Nous le sommes aussi à Washington, mais encore plus à Tokyo, parce que certains analystes disent déjà que l'administration Trump 2.0 sera très différente de l'administration Trump 1.0 et discutent de l'éventualité que la version 2.0 se concrétise. Durant l'administration Trump 1.0, le Japon avait en main la meilleure arme, le premier ministre Shinzo Abe, qui savait comment travailler avec le président Trump. Aujourd'hui, Tokyo ne sait pas exactement lequel de ses dirigeants politiques aurait l'aptitude qu'avait le premier ministre Abe à travailler avec le président Trump.
     Dire que cela rend tout le monde nerveux à Tokyo est un euphémisme. C'est mon sentiment actuel, mais, en attendant et en prévision de ce scénario, je peux dire que, dans le cadre des relations bilatérales entre les États-Unis et le Japon, surtout sur le plan militaro-politique, on accélère les mesures pour s'assurer que le cadre général prévu sera institutionnalisé d'ici la fin de l'année. Ils essaient d'en faire le plus possible avant l'arrivée de la nouvelle administration.

  (2015)  

    Merci.
    Vous pouvez prendre ce temps supplémentaire sur notre dernier tour.
    D'accord... quel personnage.
    Madame Goto et madame Tatsumi, savez-vous qu'il y a une fonction d'interprétation sur votre écran? C'est le petit globe terrestre en bas. Notre collègue M. Bergeron est sur le point de vous parler en français. Il a six minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Tatsumi, votre article de novembre 2023, intitulé « Japan’s Indo‑Pacific Strategy », compare les stratégies japonaise et américaine dans l'Indo‑Pacifique. Alors que la stratégie américaine définit les États‑Unis comme une puissance indo‑pacifique, la stratégie japonaise affirme que le Japon et l'Inde devraient conjointement diriger la région à l'ère de l'Indo‑Pacifique.
    J'ai deux questions. Quelle est la réelle perception du Japon à l'égard du rôle des États‑Unis dans la région indo‑pacifique, et doit-on lire dans cet énoncé des relents de vision hégémonique de la part du Japon?

[Traduction]

     Votre question s'adressait-elle à Mme Goto?

[Français]

     Mes questions s'adressent à Mme Tatsumi.

[Traduction]

    Allez‑y, je vous en prie.

[Français]

    Bonsoir, monsieur Bergeron, et merci.

[Traduction]

    Le rôle des États-Unis dans la région indo-pacifique, du point de vue japonais... Idéalement, les États-Unis continuent d'être, aux yeux du Japon, une force de premier plan dans l'évolution de la région de l'Indo-Pacifique vers un ordre fondé sur des règles inspirées de valeurs universelles comme la primauté du droit, le libre-échange et une société ouverte.
    Cela dit, l'évolution récente aux États-Unis rend les dirigeants japonais un peu nerveux, car ils se demandent si cela tiendra. C'est précisément pourquoi Tokyo... Le premier ministre actuel M. Kishida intensifie, surtout dernièrement, les efforts de son propre gouvernement pour communiquer avec d'autres alliés et partenaires des États-Unis, à l'intérieur comme à l'extérieur de la région indo-pacifique, afin d'améliorer les partenariats du Japon avec ces pays, et cela comprend évidemment le Canada. Il s'agit de s'assurer que, en cas de diversion susceptible d'entraver le leadership de Washington, le Japon, de concert avec d'autres démocraties aux vues similaires, aura, pour ainsi dire, un filet de sécurité garantissant un effort collectif durable pour maintenir l'ordre libéral.
    Le Japon envisage le retour possible d'une concurrence stratégique hégémonique. Dans les années 1980, cela se jouait entre les États-Unis et l'Union soviétique. Aujourd'hui, c'est entre les États-Unis et la Chine. La perspective est évidemment très différente pour le Japon, puisque la Chine, contrairement à l'Union soviétique dans les années 1970 et 1980, est géographiquement beaucoup plus proche. De plus, que le Japon le veuille ou non, la Chine demeurera son voisin le plus vaste et le plus peuplé dans un avenir prévisible.
    Cela mettra Tokyo devant le dilemme constant de savoir comment dissuader la Chine tout en gérant les mesures de délocalisation dans un pays allié et d'atténuation des risques sans rompre les liens avec Pékin.
    Comme l'a dit l'ambassadeur Yamanouchi à la dernière séance, le Japon cherche toujours des occasions de collaborer avec Pékin dans les domaines où Tokyo trouve mutuellement avantageux de coopérer avec la Chine, par exemple au sujet des changements climatiques, des secours en cas de catastrophe et d'autres domaines liés au développement économique ou à la sécurité humaine. Mais le Japon ne peut pas faire de compromis dans certains domaines. La souveraineté en est un, tout comme l'est la remise en cause directe par la Chine de l'ordre libéral international actuel, fondé sur le principe de la primauté du droit.
    C'est là qu'entre en jeu la coopération entre le Japon, les États-Unis et d'autres démocraties aux vues similaires, dont le Canada. C'est pourquoi vous avez rencontré l'ambassadeur Yamanouchi. Vous avez à Ottawa, pour travailler avec votre gouvernement, l'un des meilleurs diplomates japonais.

  (2020)  

    Il vous reste une minute, monsieur Bergeron.

[Français]

    Dans une entrevue accordée à la Fondation pour la recherche stratégique, vous indiquez que « le Japon peut encore améliorer sa relation de défense avec les États‑Unis en développant ses propres liens avec d'autres alliés et partenaires des États‑Unis dans la région indo‑pacifique. Ces efforts existent d'ores et déjà, puisque le Japon continue d'institutionnaliser ses relations de sécurité avec des pays tels que l'Australie, l'Inde et les Philippines, ainsi qu'avec les principaux alliés des États‑Unis en Europe, tels que le Royaume‑Uni, la France et l'Allemagne. »
    Vous n'avez pas cité le Canada. Pourquoi?

[Traduction]

    Ce n'était pas intentionnel. Nous nous intéressions, en fait, surtout à... Mais c'était la portée des paramètres fournis par le rédacteur en chef, alors, je vous en prie, blâmez le rédacteur en chef.
    Des députés: Oh, oh!
    Sur ce, merci à M. Bergeron de ses questions.
    Madame McPherson, vous avez six minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins. C'est une conversation très intéressante.
    J'aimerais aussi avoir plus de détails sur la façon dont le Japon négocie avec un gouvernement chinois de plus en plus belliqueux. D'autres témoins nous ont dit que, même quand on essaie de diversifier et de travailler avec d'autres pays de la région et même si on traite avec le Vietnam ou d'autres pays de l'Asie du Sud, on continue, en fait, d'avoir affaire à la Chine, en raison du rôle très important qu'elle y joue. Qu'en pensez-vous?
    L'un des objectifs de la stratégie canadienne dans l'Indo-Pacifique est de réduire notre dépendance à l'égard de la Chine. Vous avez beaucoup parlé de la primauté du droit international.
     L'un des autres grands acteurs de la région est évidemment l'Inde, et c'est une démocratie. Mais elle a des difficultés très réelles en matière de droits de la personne. Les relations diplomatiques entre le Canada et la Chine sont effectivement tendues en ce moment, et c'est une façon très pudique de les décrire.
    Pourriez-vous nous en parler un peu? Je vais commencer par vous, si vous le permettez, madame Goto.

  (2025)  

    C'est un phénomène intéressant. Parallèlement aux mesures d'atténuation des risques associés à la Chine, on voit celle‑ci se faire progressivement la championne des règles du libre-échange.
     Nous en sommes là, à Washington. Les États-Unis hésitent à signer de nouveaux accords commerciaux, mais la Chine est partie aux accords commerciaux parmi les plus importants et les plus ambitieux qui soient, le plus remarquable étant le PTPGP. Le Japon a un rôle énorme à jouer dans le choix des nouveaux pays qui pourraient s'y joindre. Il fait office de gardien dans la région et il s'oppose vigoureusement à l'adhésion de la Chine au PTPGP. Mais d'autres parmi les pays membres sont, eux, favorables à l'adhésion de la Chine.
    C'est là qu'est le dilemme. D'une part, la Chine offre des débouchés économiques. Elle essaie de faire croire qu'elle respectera l'ordre actuel. D'autre part, elle porte atteinte aux règles sans vergogne, et c'est précisément ce qui a contribué à sa croissance incroyable au cours des dernières décennies. Son régime autoritaire prend le dessus, surtout quand il s'agit de coercition économique.
    Je tiens également à dire que je suis d'accord avec Mme Tatsumi pour dire que le Japon anticipe avec inquiétude le résultat de l'élection présidentielle aux États-Unis. Cela dit, sur le plan économique, l'administration Biden a effectivement prolongé les politiques de Trump. Nous nous attendons donc à un continuum de ce positionnement, quel que soit le résultat des élections. Autrement dit, nous nous attendons à une ligne dure à l'égard de la Chine et à la prévention d'un transfert de technologie vers la Chine.
     L'objectif est de gagner sur le plan de la concurrence dans le domaine des technologies de pointe et, pour les États-Unis, de gagner en étant à l'avant-garde de l'établissement de nouvelles règles pour les nouvelles technologies et de nouvelles valeurs pour les questions relatives aux données, à la science, etc.
    Merci.
    Madame Tatsumi, je vous en prie.
     Oui, je crois que je vais surtout parler de la façon dont le Japon voit le partenariat avec l'Inde dans cette perspective.
    Comme vous l'avez dit, l'Inde doit régler certains problèmes concernant les normes universelles, surtout en matière de démocratie, mais le Japon a vraiment eu de la difficulté à se positionner avec l'Inde au lendemain de l'invasion de l'Ukraine, parce que l'Inde n'était pas disposée à dénoncer explicitement le comportement de la Russie. Certains des analystes stratégiques de Tokyo se sont vraiment demandé si l'Inde pourrait effectivement devenir un partenaire fiable dans le Quad, notamment en matière militaropolitique. Cela dit, géographiquement parlant, l'Inde étant un gardien du côté de l'océan Indien, tout près de la frontière terrestre avec la Chine, le Japon doit travailler avec elle et s'assurer que, même si elle ne souscrit pas aux [difficultés techniques] dans les systèmes d'alliance, elle reste quand même de notre côté. Il y a donc dilemme.
    Le Japon, le Canada et d'autres pays de l'Indo-Pacifique, et même d'Europe, partagent tous le même dilemme, à savoir qu'il est pratiquement impossible de dissocier nos économies de celle de la Chine. Comment donc atténuer les risques et comment en faire une alliée économique? Je crois que c'est la raison pour laquelle le Japon investit de plus en plus d'efforts dans sa collaboration avec des démocraties aux vues similaires pour favoriser la résilience des chaînes d'approvisionnement et veiller à ce que l'approvisionnement en technologies et en matériaux essentiels ne dépende pas autant des sources chinoises.

  (2030)  

    Merci, madame Tatsumi, et merci, madame McPherson.
    Madame Lantsman, vous avez cinq minutes.
    Merci. Je remercie nos deux témoins de leur présence parmi nous.
    Madame Goto, je voudrais simplement vous entendre au sujet d'une question posée par un de mes collègues, particulièrement au sujet des élections aux États-Unis. Vous avez dit qu'il y avait un appui bipartite à Washington, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez d'un changement éventuel du point de vue de l'aide militaire et des relations avec l'Indo-Pacifique, ses voisins et les régimes autoritaires agressifs, s'il y avait un changement de gouvernement aux États-Unis.
    Je crois qu'on peut envisager les choses sous deux angles. Comment les États-Unis collaboreront-ils avec leurs alliés et partenaires pour relever le défi de la Chine et comment collaboreront-ils avec la Chine elle-même?
    L'appui bipartite des démocrates et des républicains face à la menace de la Chine ne changera pas.
    Permettez que je parle un peu plus longuement de la force de l'administration Biden. Elle est évidemment à l'origine d'une stratégie pour l'Indo-Pacifique, et je crois que cela a incité beaucoup d'autres pays, dont le Canada, à en faire autant. Une stratégie pour l'Indo-Pacifique, c'est, à mon avis, une sorte de raccourci pour une stratégie visant la Chine, et cela permet de mieux harmoniser les relations entre les alliés et les partenaires des États-Unis à cet égard. On craint que les États-Unis, sous une administration Trump, hésitent davantage à adopter une perspective de coopération multilatérale face à la Chine, voire s'y opposent carrément.
    Sachez que le Japon est un acteur multilatéral très engagé. Il souhaite participer à l'échelle multilatérale sur le front de la sécurité et sur le front économique et se faire le champion de la primauté du droit, pour que de nombreux pays adoptent notre stratégie pour un Indo-Pacifique libre et ouvert. Le Japon fait maintenant la promotion d'un ordre international libre et ouvert, qui, à mon avis, sera l'un des enjeux dont il voudra se saisir dans l'avenir.
    Sous une administration Trump, les États-Unis seront probablement moins enclins à se rallier à ce genre de résistance multilatérale contre la Chine.
    J'ai une autre question en lien avec vos réflexions concernant la réduction de la dépendance à l'égard de la Chine et avec l'idée que toute stratégie indo-pacifique est en fait une stratégie visant la Chine. Avez-vous des idées précises sur ce que le Canada pourrait faire sur le plan de la technologie ou de la chaîne d'approvisionnement, au‑delà du simple partenariat?
     Il faut d'abord circonscrire les zones de coopération et de coordination. Il faut ensuite comprendre que, en matière économique, notamment sur le plan commercial, il y aura de la concurrence. Et il y aura de la concurrence parce que le secteur privé y est engagé. Le secteur privé est la force vive de la production de semi-conducteurs et de l'innovation. Nous voulons favoriser cela. Nous allons observer une forte surcapacité dans certains secteurs industriels, et le secteur de production de puces en fera évidemment partie.
     Il ne faut pas oublier non plus que la Chine ne prend pas toutes ces mesures coordonnées contre elle sans réagir. Elle aussi dresse ses propres plans économiques. Elle aussi accroît sa propre résilience économique et tente de conclure ses propres partenariats économiques pour obtenir le matériel, le savoir-faire et les investissements dont elle aura besoin au cours des prochaines décennies.
    Si les États-Unis et leurs alliés, notamment le Japon et le Canada, peuvent collaborer davantage sur les enjeux précurseurs de l'intelligence artificielle et du quantum, c'est là qu'il peut y avoir le plus de coopération et de coordination. À vrai dire, dans le secteur de la fabrication, il y aura encore plus de concurrence et non pas moins.

  (2035)  

    Merci, madame Lantsman.
    Monsieur Cormier, vous avez cinq minutes.
    Nous allons travailler en français dans le prochain segment. Alors cliquez sur le bouton, et c'est parti.

[Français]

     Merci aux témoins d'être ici ce soir. Mes questions s'adressent à vous tous.
    J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de notre dépendance envers la Chine. Plusieurs pensent qu'il sera difficile pour nous de nous passer de nos relations économiques avec la Chine, et même que ça pourrait nuire à notre économie et à nos milliers d'entreprises qui font affaire avec la Chine.
    Selon vous, comment gère-t-on ces inquiétudes? Comment explique-t-on à toutes ces personnes que la stratégie indo‑pacifique pourra grandement aider à réduire notre dépendance envers la Chine? De plus, devrions-nous continuer de faire affaire avec la Chine pour différents secteurs de notre économie, même après l'implantation de notre stratégie indo‑pacifique dans les années à venir?
    Je voudrais vous remercier de vos questions, auxquelles je peux essayer de répondre, mais je suis désolée de devoir le faire en anglais.

[Traduction]

     Le Canada n'est pas le seul à penser ainsi le marché chinois. Les Européens, tout comme les Canadiens, se trouvent dans une situation semblable, l'objectif étant toujours de découpler les enjeux pour nouer des liens économiques étroits et forts avec la Chine, tout en se gardant de la menace militaire chinoise.
    Le Canada est un membre important du G7. Nous avons observé les efforts coordonnés des membres du G7 pour réagir au régime autoritaire et à la violation brutale du principe de la primauté du droit et des normes et règlements économiques internationaux.
    Mais ce que nous souhaitons, c'est que le Canada s'engage davantage à rétablir des institutions internationales comme l'OMC. Il y aura davantage de différends commerciaux. Et nous aurons besoin d'un mécanisme pour régler ces différends. Cela n'existe pas pour l'instant. Et ce n'est pas parce que l'OMC est aujourd'hui affaiblie pour nombre de raisons d'ordre politique qu'on n'a pas besoin d'elle, loin de là. Le Canada peut‑il jouer un rôle à cet égard? Je crois que oui. Il peut se faire le promoteur d'institutions garantissant plus de clarté, de transparence et d'engagement économique.
    L'autre possibilité — et vous en avez parlé longuement avec l'ambassadeur Yamanouchi — a trait à la sécurité énergétique et à l'exportation des riches ressources naturelles du Canada. Il y a là une occasion à saisir.
    Enfin, je tiens à dire ceci. Quand on parle de la résilience des chaînes d'approvisionnement et de réinventer la façon dont l'interdépendance mondiale pourrait devenir plus efficace, on offre au Canada l'occasion d'être le pays de l'innovation. Il pourrait être au centre de certains des domaines novateurs émergents de la science et de la technologie. Le Canada compte des universités et des chercheurs de calibre mondial. Nous en sommes au point où nous essayons d'instaurer de nouvelles règles pour la gestion des données et ce genre de choses.
    J'espère que le Canada — parce que, comme je l'ai dit, c'est un pays auquel on fait confiance — tirera parti de l'estime dans laquelle il est tenu parmi les membres de la communauté internationale pour faire partie de l'ordre qui créera les règles.

  (2040)  

    Merci beaucoup, monsieur Cormier.
    Nous allons maintenant passer à la dernière série de questions de deux minutes et demie, car nous devons encore entendre notre dernier témoin pour cette séance.
    Monsieur Bergeron, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Nous avons entendu la volonté très clairement exprimée par l'ambassadeur d'intensifier les relations entre le Canada et le Japon pour qu'ils deviennent des partenaires importants dans le développement de la région indo‑pacifique.
     Nous avons également appris que le Japon compte aussi travailler en étroite collaboration avec l'Inde à cet égard, ce sur quoi Mme Tatsumi aurait un peu mis un bémol lors de sa présentation précédente. Or, comment réconcilier tout cela avec le fait que les relations entre le Canada et l'Inde se sont considérablement détériorées ces derniers mois?

[Traduction]

    Allez‑y, madame Tatsumi. Veuillez être assez brève.
    Monsieur Bergeron, je n'ai pas assez de savoir pour me prononcer sur la profondeur des relations entre le Canada et l'Inde. À mon avis, le Japon devra également faire face à ce dilemme quand il se penchera sur ses relations avec l'Inde. Il sait que l'Inde est un partenaire stratégique important pour contrer la Chine. Cela ne veut pas dire que le Japon n'a pas de problèmes, bilatéralement parlant, surtout en termes de valeurs. Il a de sérieuses réserves quant à la façon dont l'Inde traite ses minorités, etc.
    Le Japon fait de son mieux pour adopter une approche pragmatique, dans le cadre de laquelle il reconnaît l'importance stratégique de l'Inde comme partenaire, mais il lui fait honnêtement savoir ce qui pourrait constituer un obstacle à la promotion d'une relation bilatérale entre les deux pays.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais j'observe ce que le Japon essaie de faire. Tout comme vous, je crains que des pays comme l'Inde ne soient toujours un casse-tête quand il est question de ce genre de relations, surtout maintenant que nous sommes confrontés à de nouvelles difficultés avec la Chine.
    Malheureusement, votre temps de parole est écoulé, monsieur Bergeron.
    Madame McPherson, vous avez deux minutes et demie.
    Merci.
    Comme je serai la dernière personne à intervenir dans ce groupe, je crois que je vais terminer en vous demandant comment vous évaluez la stratégie canadienne pour l'Indo-Pacifique et sa mise en œuvre. Y a‑t‑il autre chose que vous aimeriez dire au Comité?
    Madame Goto, je crois que je vais commencer par vous.
    En un mot, c'est un excellent plan. Nous souhaitons qu'il soit plus largement mis en œuvre.
    Très rapidement, puis‑je vous demander si vous avez l'impression que la mise en œuvre a été lente ou est‑ce simplement que vous souhaitez qu'elle soit élargie?
    C'est un peu les deux. Eu égard à la sécurité, le Canada pourrait certainement s'engager davantage en matière de défense. Sur le plan économique, je le redis, le Canada pourrait jouer un rôle déterminant en puisant dans ses ressources naturelles et en les rendant disponibles dans le cadre de l'amélioration de la résilience des chaînes d'approvisionnement mondiales.
    Merci.
    Madame Tatsumi, vous avez la parole.

  (2045)  

    Je suis d'accord avec Mme Goto. La stratégie canadienne pour l'Indo-Pacifique est un excellent plan. Le Plan d'action Canada-Japon y est tout à fait conforme. Je dirais que, même si c'est symbolique, la démonstration d'un geste bilatéral conjoint pour accentuer l'aspect sécurité de la relation — par exemple, le projet « deux-plus-deux » actuellement au niveau vice-ministériel, mais qui pourrait être élevé au niveau ministériel et devenir un « deux-plus-deux » à part entière — en dirait long sur la volonté collective des deux pays de resserrer cette relation.
    J'ai également parlé de l'accord conclu et signé entre les deux pays sur la sécurité générale de l'information. Je crois aussi que les Japonais aimeraient voir plus de Canadiens se présenter comme observateurs ou participants actifs aux exercices militaires conjoints bilatéraux, trilatéraux ou multilatéraux que le Japon mène avec les États-Unis et d'autres pays.
    Merci beaucoup.
     Sur ce, merci à vous deux, madame Tatsumi et madame Goto. Nous vous sommes reconnaissants de votre contribution et de vos profondes réflexions durant cette soirée.
    Nous allons suspendre la séance et nous préparer à accueillir notre dernier groupe de témoins.

  (2045)  


  (2045)  

    Reprenons.
    Bienvenue à tout le monde, et notamment à notre prochain invité, Rory Medcalf, professeur et chef responsable du National Security College, Crawford School of Public Policy, Australian National University, qui se joint à nous par Zoom.
    Il est étonnant que vous ne nous apparaissiez pas à l'envers. J'imagine que tous les ajustements nécessaires ont été faits.
    Vous avez cinq minutes, monsieur. Nous passerons ensuite aux questions des membres de notre équipe. Les cinq prochaines minutes sont à vous.
     Merci, monsieur le président. C'est vraiment un privilège de participer à cette conversation avec le Comité.
    J'aimerais formuler deux séries d'observations pour contribuer à votre étude. La première concerne les relations de l'Australie avec la Chine, notamment les expériences très difficiles que nous avons vécues au cours des huit dernières années. C'est un peu semblable à ce qu'a vécu le Canada. Il serait utile d'en tirer des leçons pour les deux parties.
    Deuxièmement, j'aimerais situer cette relation dans le contexte de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, dont on a déjà parlé aujourd'hui. Je voudrais y ajouter une perspective australienne indépendante, parce que nos relations bilatérales avec la Chine, tout comme les vôtres, ne se déroulent évidemment pas en vase clos. Elles recoupent la grande influence de la politique de l'Indo-Pacifique et du monde. Elles recoupent les ambitions stratégiques de la Chine à l'égard de nombreux autres acteurs du système international.
     Ce serait une erreur de mesurer isolément le succès ou la stabilisation des relations bilatérales. C'est en tout cas une erreur pour une puissance moyenne comme l'Australie ou le Canada de se blâmer chaque fois qu'elle a un problème dans ses relations avec la Chine.
    Le caractère autoritaire de l'État chinois et les positions particulièrement intransigeantes adoptées par ses dirigeants au cours de la dernière décennie sont évidemment un facteur dans toutes ces discussions.
    Pour commencer, voici quelques réflexions sur les relations entre l'Australie et la Chine. Je m'adresse à vous en février 2024, à un moment où le gouvernement australien, et, en fait, l'Australie elle-même, connaît, depuis plus d'un an maintenant, ce que j'appellerais un processus de stabilisation des relations avec la Chine.
    Il est vraiment important de souligner le caractère mitigé et limité de la stabilisation. Ce n'est pas une réinitialisation. Ce n'est pas une question de confiance stratégique. Personne n'envisage de lendemains qui chantent. Il s'agit en fait de limiter et de gérer les dégâts que nous avons subis en raison de la coercition économique, des politiques vouées à l'échec de la Chine à l'égard de l'Australie et du gel du dialogue diplomatique, mais nous en sommes, de fait, à une étape de stabilisation.

  (2050)  

    Monsieur Medcalf, puis‑je vous demander de relever un peu votre micro?
    Vous parlez en français sur un autre canal. Vous ne le saviez probablement pas, mais c'est un fait.
    Merci.
     D'accord. J'espère que mon français est excellent.
    La stabilisation des relations entre l'Australie et la Chine, qu'il est très important de comprendre, vient de voler en éclats, évidemment, en raison d'un terrible événement, à savoir la condamnation à mort d'un citoyen australien détenu en Chine, le Dr Yang Hengjun.
    Il y a, d'un côté, la stabilisation récente et, de l'autre, les relations entre l'Australie et la Chine il y a environ huit ans. Pour résumer ce qui s'est passé entretemps, soit jusqu'en 2016, je crois, les relations de l'Australie avec la Chine étaient marquées au coin par un certain degré de confiance et de naïveté, et nous pensions que nos relations économiques très solides avec elle pourraient être gérées sans grand risque pour la sécurité. Dans le cadre de ces relations, nous dépendions massivement de la Chine pour nos exportations, en particulier pour le minerai de fer, et nous approfondissions nos relations à certains égards économiques et sociétaux, notamment en matière de migration et d'éducation.
    Le retour à la réalité que nous avons vécu à partir de 2016, et qui a été le plus brutal en 2020 avec l'application de mesures économiques coercitives contre l'Australie par la République populaire de Chine, a mis fin à cette naïveté et remis au premier plan la question du risque stratégique dans la relation bilatérale.
    Il y a eu quelques jalons importants dans ce parcours. Le premier a été les révélations sur l'influence politique étrangère, l'ingérence, et les activités d'espionnage de la République populaire de Chine ou d'entités liées au Parti communiste et au Département du travail sur le front uni en 2016 et 2017, qui ont mené, notamment, à la démission d'un sénateur australien impliqué dans beaucoup de ces désagréments.
     Il y a eu aussi l'introduction de lois criminalisant l'ingérence politique étrangère en Australie, ainsi que de lois exigeant un registre des agents d'influence, de lois limitant les dons étrangers aux partis politiques australiens et de lois exigeant des gouvernements infranationaux, États et territoires, ainsi que d'institutions comme les universités, de consulter le gouvernement fédéral avant de conclure des partenariats internationaux officiels. D'autres facteurs sont entrés en ligne de compte, mais la question de l'ingérence étrangère a été un élément important de cette prise de conscience.
    Un autre jalon très important a été la décision du gouvernement australien, en 2018, d'interdire les fournisseurs non fiables du réseau 5G, autrement dit, évidemment, sous forme codée, Huawei et ZTE. Cela a évidemment fortement déplu à la Chine et compromis la relation bilatérale.
    Mais, surtout, du point de vue stratégique, c'était un exemple et un signal communiqués à de nombreuses démocraties concernant la nécessité d'examiner de près les institutions auxquelles elles font confiance pour fournir les systèmes centraux de leurs économies.
     L'ingérence étrangère et la technologie de pointe...

  (2055)  

    Monsieur Medcalf, pourriez-vous nous dire si vous avez d'autres...
    Voulez-vous que je termine?
    Oui, veuillez conclure, s'il vous plaît.
    Merci. Pas de problème.
    J'ai deux dernières remarques à formuler avant de passer à la conversation.
    Ce qu'il est évidemment très important de comprendre également, ce sont les mesures de coercition économique qui, comme les membres du Comité le savent, ont été imposées à l'Australie après que le gouvernement australien de l'époque avait demandé une enquête internationale indépendante sur les origines de la pandémie de COVID‑19. La politique australienne régissant les relations a parfois été maladroite et ces relations sont peut-être devenues trop politisées, mais je crois que les intérêts nationaux et les valeurs en jeu dans cette confrontation ont été reconnus dans tout le spectre politique.
    Pour conclure, depuis les 18 ou presque 24 derniers mois, l'Australie a un gouvernement relativement nouveau, un gouvernement travailliste, qui, bien qu'il ait adopté une diplomatie plus prudente envers la Chine, n'a pas reculé sur les engagements fondamentaux pris par le gouvernement précédent en matière de sécurité nationale. En fait, il s'est montré plus proactif à certains égards, en faisant concurrence à l'influence stratégique et politique de la Chine dans la partie méridionale du Pacifique de la région indo-pacifique.
    Je vais m'arrêter ici. J'aimerais avoir l'occasion de parler un peu au Comité de la situation géopolitique plus générale dans l'Indo-Pacifique, mais je suis certain que certaines questions déclencheront cette discussion.
    Merci.
     Merci beaucoup, monsieur.
    Nous aurons une série de questions. Chaque groupe aura six minutes, puis cinq, et encore cinq, puis deux et demie, et encore deux et demie, comme d'habitude.
    Nous commencerons par vous, monsieur Kmiec. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    En fait, je voudrais que le professeur nous parle de l'affaire Yang Hengjun. Je crois savoir que c'est un écrivain australien, un blogueur prodémocratie, et qu'il est emprisonné depuis 2019.
    Pourriez-vous nous donner des détails sur cette affaire et sur ses répercussions sur la politique étrangère australienne?
    Oui, je peux en parler dans une certaine mesure, mais n'oubliez pas que, ces dernières années, il y a eu un autre cas de détention arbitraire, celui d'une citoyenne australienne en Chine: Cheng Lei. Elle a été libérée à la fin de l'année dernière, je crois, après des tractations et des négociations très poussées avec le gouvernement australien.
    Nous avons une bonne nouvelle et aussi, malheureusement, une mauvaise nouvelle. Je vais parler de M. Yang Hengjun. Il ressort très clairement des déclarations du gouvernement chinois au cours des deux dernières semaines qu'il n'y a aucune intention de le libérer. En fait, celui‑ci a même été reconnu coupable à la manière très opaque et arbitraire du système de la République populaire de Chine.
     Il a été déclaré coupable d'une infraction présumée d'espionnage et officiellement condamné à mort. D'après ce que nous avons compris, cette peine a été suspendue pour l'instant. La tragédie réside en partie dans le fait que cette suspension de la peine de mort sera peut-être inutile, parce qu'il est très malade, son état de santé étant sans doute le résultat de la négligence médicale dont il a fait l'objet en détention. Sa famille en Australie, ses amis, ses soutiens et, je crois, la société australienne en général, craignent qu'il ne revienne jamais au pays.
    Il est citoyen australien depuis assez longtemps déjà. Dans les reportages à son sujet, il est de plus en plus question de sa situation antérieure de citoyen de la République populaire de Chine, mais aussi d'ancien employé d'organismes gouvernementaux chinois. Apparemment, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Sécurité d'État australiens ne sont pas en mesure de confirmer ni d'infirmer cette information.
    Cependant, selon les médias australiens, si l'État chinois insiste tant pour le retenir, c'est peut-être parce qu'il a l'impression que Yang Hengjun est l'un des leurs, quelqu'un qui faisait partie de l'appareil de sécurité du Parti communiste et qui, plus tard dans la vie, s'est laissé convaincre par les vertus de la démocratie et a fait campagne à ce sujet sans craindre pour sa sécurité. En ce sens, il est peut-être brutalement utilisé comme exemple.
    Il faut aussi songer au contexte de cette arrestation à propos duquel une question se pose. On peut se demander si son maintien en prison et la suspension de sa condamnation à mort ne sont pas une forme de pression exercée par la Chine sur le gouvernement australien pour gagner son respect sur le plan diplomatique.

  (2100)  

    Professeur, j'aimerais revenir sur ce que le Canada a vécu avec les deux Michael. Nous les appelons simplement les « deux Michael », sans préciser leurs noms de famille, ce qui atteste de leur célébrité.
    Et puis, il y a le cas de Huseyin Celil, qui est en prison depuis une dizaine d'années, je crois. C'est un cas très semblable, soit celui d'un autre militant pro-ouïghours. Cela rejoint votre thèse, c'est-à-dire qu'étant d'origine chinoise, la Chine refuse de le reconnaître en tant que ressortissant de notre pays, et elle le traite différemment des autres. C'est là un comportement classique de la République populaire de Chine.
     Quel genre de message pensez-vous que cela envoie aux pays occidentaux? Quel enseignement les pays occidentaux devraient-ils en tirer, et comment devrions-nous réagir? Nos deux pays — l'Australie et le Canada — accordent leur nationalité à beaucoup de citoyens d'autres pays qui bénéficient d'une pleine protection et de pleins droits chez nous. Je suis l'un d'eux. J'aimerais savoir ce qu'il faut en conclure, selon un point de vue australien.
     Bien entendu, l'Australie et le Canada se ressemblent sans doute plus que tout autre pays en raison de la nature multiculturelle de leurs identités nationales et de la relation privilégiée qu'ils entretiennent avec leurs nouveaux citoyens respectifs qui viennent des quatre coins du monde.
    Le fait de nier ainsi la citoyenneté australienne à une personne et de la considérer comme étant la propriété exclusive d'un État autoritaire étranger est un véritable affront fait à l'esprit d'identité nationale australienne. C'est dur à accepter.
    Jusqu'à présent, le gouvernement australien a fait de son mieux, mais sa réponse doit être entendue à deux niveaux. Je pense qu'il y a un parallèle sur ce plan avec le Canada. Il y a la diplomatie, l'activité consulaire, mais aussi la coordination avec les autres pays et l'instauration de coalitions de solidarité. Nous ne devons pas négliger ce genre de chose. Il faut continuer d'en faire une priorité de l'action diplomatique, comme pour tout autre citoyen australien, peu importe ses origines. Je dirais que l'actuelle ministre australienne des Affaires étrangères a pris ce dossier très au sérieux. Vous aurez pu constater, d'après sa réaction la semaine dernière à l'annonce de la condamnation à mort, qu'elle considère ce dossier non seulement comme une priorité nationale, mais aussi comme une affaire très personnelle.
    Cependant, sur le plan national, nous devons redoubler d'efforts pour renforcer la cohésion entre les communautés d'origines diverses, pour encourager et habiliter leur identification à notre État et à nos valeurs collectives — nos valeurs démocratiques libérales et notre sens de la communauté — et pour veiller, par l'entremise des organismes gouvernementaux, à ce que les Australiens, toutes origines confondues, soient protégés de la même manière contre l'ingérence étrangère ou l'intimidation sur notre territoire.
    Merci, monsieur Kmiec.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant, pour six minutes.
    Puis‑je vérifier combien de temps nous avons pour ce dernier tour?
    À peu près sept minutes.
    D'accord. Nous proposons de nous passer la balle entre nous. Nous allons partager ce temps, et nous n'aurons pas besoin d'un autre tour ensuite. Si nous prenons six minutes maintenant, nous ferons trois minutes chacun...
    C'est bien.
    ... et nous recommandons de procéder ainsi pour essayer de terminer à une heure raisonnable ce soir.
    Il est vrai qu'il se fait tard à Ottawa, monsieur Medcalf, même si le dynamisme n'a pas fléchi, je vous l'assure.
    Allez‑y, monsieur Oliphant.
    Ma question à M. Medcalf va porter sur le concept de réaction collective par le truchement de stratégies indo-pacifiques complémentaires ou spécifiques à différents pays. Divers pays européens, ainsi que l'Australie, évidemment, et le Japon, ont adopté une approche à l'égard de la région indo-pacifique, tout comme le Canada.
    Pensez-vous qu'il soit possible de dégager des éléments communs sur lesquels nous appuyer pour composer avec la superpuissance de la région — la Chine — ou y voyez-vous plutôt une source de difficultés que nous devrions régler, en quelque sorte, en lien avec nos alliés et des pays aux vues semblables?

  (2105)  

     Merci. C'est une question fondamentale qui nous amène à la situation stratégique.
    Comme vous le savez tous, le principal défi stratégique qui se pose dans la région indo-pacifique est de savoir comment gérer le pouvoir et la volonté d'affirmation de la République populaire de Chine de façon à ne pas aboutir à un conflit majeur ou à une conflagration mondiale. C'est un exercice d'équilibre incroyablement difficile, et il ne fonctionnera que par une combinaison de moyens de dissuasion, de diplomatie et d'autres méthodes, y compris l'aide au développement pour faire passer des États de l'orbite chinoise à l'orbite américaine, et c'est là qu'interviennent les stratégies indo-pacifiques.
    Je suis un ardent défenseur du concept indo-pacifique depuis longtemps. Il est encourageant de voir le nombre et la diversité de pays et d'institutions, comme l'UE et l'ANASE, qui ont élaboré une sorte de perspective, de stratégie ou de cadre stratégique indo-pacifique. Il est très important que ce ne soit pas là de simples mots, bien sûr. Le concept d'indo-pacifique consiste essentiellement à nouer des solidarités dans une région constituée de deux océans, où nous pouvons ouvrir l'éventail des partenariats afin de gérer le pouvoir chinois, de dissuader le pouvoir chinois et de tous s'engager dans la même mesure. Nous pourrions élargir l'éventail des partenariats si nous travaillions dans un espace stratégique beaucoup plus restreint défini par la Chine. La Chine préfère de loin considérer isolément des sous-régions comme l'Asie du Sud-Est et partir du principe que tout pays extérieur à la région n'a rien à y faire. Bien sûr, cela explique en partie les tentatives de la Chine d'asseoir sa domination dans la mer de Chine méridionale.
    Où en sommes-nous? Je pense que, pour l'ensemble des pays et des institutions en cause, comme les États-Unis, l'Inde, le Japon, l'Australie, les partenaires européens, le Canada, certains pays d'Asie du Sud-Est — particulièrement les Philippines et le Vietnam — et des institutions comme l'ANASE et l'UE, on constate beaucoup de points communs dans le cas des visions et des politiques concernant la région indo-pacifique. Tout un ensemble de principes unit les différentes positions au sujet de la primauté du droit, de la souveraineté des États, grands et petits, de la non-coercition et du non-recours à la force.
    Cependant, nous pourrions faire mieux. Nous...
    Je vais vous arrêter ici pour que mon collègue puisse lui aussi poser une question.
    Merci.
    D'accord.
    Merci beaucoup, monsieur Medcalf, pour votre témoignage de ce soir.
    Un témoin du groupe précédent, Mme Shihoko Goto du Woodrow Wilson Center, a déclaré que, bien qu'elle n'entrevoit pas un risque de conflit dans l'immédiat entre la Chine et Taïwan, la menace d'un malentendu est très réelle avec des conséquences imprévues à la clé, ce qui pourrait signifier un conflit. C'est ainsi que j'ai compris ses remarques.
    Ma question ne porte pas vraiment sur ce que vous croyez être l'issue possible de cette tension — bien que, si vous en avez le temps, j'aimerais l'entendre. Je veux plutôt savoir où se situent des pays comme le Canada et l'Australie — des puissances moyennes qui sont tenues de...
    Sommes-nous destinés à être de simples spectateurs? Comment pouvons être constructifs dans la mesure du possible, pour éviter l'issue envisagée?
    Merci.
    Votre question de savoir comment être constructifs va me permettre de compléter ce que j'ai dit en réponse à la question précédente, parce que nous devons combler l'écart entre les pays et les institutions qui insistent sur l'action diplomatique, comme si le fait de prendre la Chine dans un enchevêtrement de règles, de manœuvres diplomatiques, de réunions et de négociations pouvait nous épargner une action agressive. Par exemple, l'ANASE et l'Union européenne semblent tout miser sur la diplomatie quand elles parlent de la région indo-pacifique, plutôt que de reconnaître qu'il faut pratiquer la dissuasion.
    Par ailleurs, compte tenu de cet écart, nous devons travailler tout particulièrement au côté des États-Unis pour rappeler... Nous avons besoin d'une force de dissuasion très importante dans la région indo-pacifique. Le leadership des États-Unis à cet égard demeure essentiel, mais il doit s'accompagner d'une diplomatie agile et de l'engagement d'un large éventail de partenaires respectant les intérêts de l'Asie du Sud-Est.
    Voilà le défi. La contribution que nous pouvons tous apporter dans le cas, par exemple, du détroit de Taïwan potentiellement explosif, consiste à trouver des moyens de contribuer à la fois à la dissuasion et à la diplomatie. La dissuasion n'est pas et ne devrait pas être a priori de nature militaire par tous les acteurs — par le Canada, par exemple —, mais il faut, pour le moins, bien comprendre les messages des États-Unis, et y adhérer, ce qui revient à dire à l'armée populaire chinoise — pas simplement aujourd'hui, mais tous les jours — qu'il n'y aura jamais de bon moment pour déclencher une guerre catastrophique dans le détroit de Taïwan.
    Cependant, cela signifie également que tous nos alliés doivent réfléchir à la façon de se préparer à des scénarios de conflit et de crise. Plus nous serons préparés — notamment sous l'angle de la résilience économique, de la coordination avec les alliés et les partenaires, et peut-être de la volonté de contribuer à la lutte contre des opérations de contre-blocus dans un scénario extrême —, plus nous aurons la possibilité d'influencer les têtes pensantes de Pékin.
    En conclusion, je ne pense pas probable un conflit d'envergure, mais je le pense possible. Ce sentiment de possibilité va, à bien des égards, amener Pékin à se demander si le reste du monde va fermer les yeux sur un tel conflit.

  (2110)  

    Merci.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur Medcalf, savez-vous qu'un bouton vous permet d'entendre l'interprétation?
    Oui.
    C'est le petit globe en bas de l'écran.
    Allez‑y.
    Parfait.
    Nous allons passer à M. Bergeron pour six minutes, et peut-être un peu plus.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Medcalf, nous vous sommes reconnaissants d'être des nôtres ce soir.
    En novembre dernier, le premier ministre australien et le président chinois ont tenu une rencontre durant laquelle ils ont convenu que les deux pays pouvaient devenir des partenaires de confiance. Le souhait était de rétablir des ponts sur le plan commercial. Cette rencontre a été décrite de part et d'autre comme étant positive, particulièrement par le premier ministre australien.
    Selon vous, est-ce qu'on peut réellement parler d'un réchauffement des relations avec la République populaire de Chine, et est-ce que les Australiens y croient réellement?

[Traduction]

     Merci.
    C'est là que le mot « stabilisation » revêt toute son importance.
    En fait, il s'est tenu un certain nombre de réunions au sommet entre les gouvernements australien et chinois l'an dernier, mais je crois que celle à laquelle vous faites allusion est intervenue dans le cadre de l'APEC. Et puis, le premier ministre australien s'est également rendu en Chine en octobre dernier, je crois. Ces rencontres sont des indicateurs clés d'un réchauffement des relations sino-australiennes.
    Elles sont des jalons sur la voie de la normalisation du dialogue diplomatique. Ce dialogue diplomatique est bien sûr nécessaire entre pays ayant des différences de vue. La Chine a levé une partie des mesures économiques coercitives, mais pas toutes — il s'agit de sanctions qu'elle avait imposées sur une série de produits importés d'Australie —, mais je suis d'avis que l'amorce d'une discussion plus vaste sur la relation ne crée pas la confiance. À mon avis, cela ne correspond pas aux ambitions que l'Australie entretient en matière de relations bilatérales.
    Le mal est fait. Je pense que les Australiens se méfient beaucoup plus de la République populaire de Chine qu'il y a cinq ou dix ans. On constate certes une certaine fatigue de la population à cause de cette confrontation. Il y a des secteurs de la société et de l'économie australiennes qui, de toute évidence, recherchent des débouchés économiques en Chine et ailleurs dans le monde. De nombreux segments de la société et du milieu des affaires préféreraient bien sûr que nous vivions dans un monde exempt de tout risque de confrontation militaire, mais je pense que nous sommes désormais conscients que les conflits sont une réalité du XXIe siècle. L'Ukraine nous l'a rappelé. Nous ne sommes pas en voie de renouer avec le genre de relations des années 2015, disons.
    En dernier lieu, je dirai que l'annonce terrible de la condamnation à mort de Yang Hengjun, la semaine dernière, vient de couper court aux espoirs d'amélioration de la relation.
    À court terme, celle‑ci ne devrait pas se détériorer davantage, mais on voit mal comment le gouvernement australien pourra, s'il se respecte, continuer de réclamer la stabilisation générale des relations ou l'instauration d'une confiance mutuelle. Il lui suffit, pour décourager la Chine d'afficher des comportements déstabilisants, de s'en tenir aux améliorations qu'il a apportées et de continuer à renforcer ses capacités en matière de sécurité, ses alliances et ses partenariats — le groupe AUKUS occupant évidemment une place très importante à cet égard.

  (2115)  

[Français]

     Vous savez sans doute que le Canada compte se doter d'un registre des agents étrangers, ce que le gouvernement de l'Australie a fait il y a déjà un certain temps. Est-ce que les résultats se sont révélés positifs et, le cas échéant, en quoi?

[Traduction]

    Le registre d'enregistrement officiel des agents étrangers en Australie est très épais. Il ne s'applique pas uniquement à la Chine et compte des centaines de personnes et d'entités illustrant les nombreuses relations de l'Australie de par le monde.
    On pourrait faire valoir que cela n'a donc pas été très efficace parce que cela englobe souvent des relations qui n'ont en fait aucune importance stratégique. D'autre part, cela montre que le gouvernement australien est agnostique et qu'il ne s'agit pas de faire de la discrimination contre la Chine; il s'agit simplement d'appliquer des règles égales à tous.
    Je dirais que la loi et le registre sont des réussites modestes. On ne peut parler de succès retentissant, mais ces outils ont assez bien fonctionné en conjonction avec les lois qui criminalisent l'ingérence étrangère et tous les autres éléments de l'architecture.
    Plus intéressant encore, l'effet dissuasif du registre tient en partie au fait qu'on peut justement supposer qu'un certain nombre de personnes ont mis fin à leurs relations avec la Chine ou à leur participation officielle à des institutions ayant des liens avec la République populaire de Chine avant l'entrée en vigueur du registre. En soi, cela a donné un résultat positif.

[Français]

    Dans votre ouvrage intitulé Contest for the Indo-Pacific: Why China Won’t Map the Future, vous écrivez que l'Indo-Pacifique consiste à organiser une réponse collective à la Chine sans recourir à la capitulation ou au conflit. Est-ce une vision des choses largement partagée par les pays de l'Indo-Pacifique, particulièrement par ceux de l'Association des nations de l’Asie du Sud-Est, considérant que certains de ces pays sont plutôt proches de Pékin?

[Traduction]

     Merci d'avoir cité mon livre sur l'Indo-Pacifique. Je suis convaincu qu'à la suite des délibérations de ce soir, il y aura une augmentation conséquente de ses ventes au Canada.
    Plus sérieusement, avec ce livre, j'ai essayé de dégager les points communs des différentes visions indo-pacifiques et d'encourager ensuite nos pays très diversifiés à travailler ensemble autant que faire se peut. Je poursuis d'ailleurs mon travail en ce sens.
    Dire qu'une stratégie indo-pacifique vise à éviter à la fois la capitulation et le conflit ne revient pas à dire que, si un conflit éclatait, nous devrions faire machine arrière. Cela revient à dire que nous voulons faire tout notre possible pour parvenir à un équilibre stratégique, comme l'a dit la ministre des Affaires étrangères de l'Australie, afin de maintenir la paix et la stabilité, mais la dissuasion fait partie du tableau. Certains pays sont très sérieux à cet égard. Je crois que c'est le cas de l'Australie. Je pense que le Japon l'est aussi, et les États-Unis le sont incontestablement, et je crois même que ce fut le cas sous l'administration Trump.
    La dynamique de l'Asie du Sud-Est est évidemment très complexe et problématique. Le Vietnam tentera, à sa façon, de dissuader la Chine, mais ne cherchera pas à se joindre à d'autres pays pour exercer une dissuasion collective. Les Philippines — et je pense qu'il faut y voir une bonne nouvelle — se sont nettement rapprochées de leur allié américain au cours des dernières années et prennent encore plus au sérieux leurs propres capacités. Je pense donc que les Philippines penchent dans le sens de l'équilibre stratégique que l'Australie cherche à atteindre. Encore une fois, je crois que la République de Corée est sur la bonne voie.
    On constate des progrès, mais nous sommes loin d'une réponse uniforme. Pour être honnête, je ne pense pas que nous nous attendions vraiment à une telle réponse. Dans la mesure où nous pouvons nous assurer que les principaux pays de l'Asie du Sud-Est, en particulier l'Indonésie, ne seront pas effectivement phagocytés par la Chine en cas de conflit ou de crise, c'est probablement suffisant, et je rappelle en passant à nos amis de l'Asie du Sud-Est qu'un conflit dans la zone les toucherait directement. Par exemple, un conflit à Taïwan mettrait immédiatement en danger la vie de centaines de milliers de ressortissants indonésiens résidant à Taïwan.
    Le fait de rappeler aux pays qu'ils ne peuvent pas échapper à la situation, qu'ils ne peuvent pas rester les bras croisés et qu'ils doivent protéger leurs intérêts constitue un élément vraiment important du défi diplomatique qui se pose à l'Australie et, en fait, au Canada.

  (2120)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à notre dernière intervenante, Mme McPherson, qui a quelque six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être parmi nous ce soir. Je dois dire que votre météo semble beaucoup plus agréable en cette période de l'année, en février, que la nôtre à Ottawa.
    Je suis frappée par les rapprochements que vous avez fait entre le Canada et l'Australie et par nos relations avec la Chine.
    Mon collègue du Parti conservateur a parlé de Huseyin Celil. Nous, nous avons les deux Michael. À l'évidence, l'Australie connaît une situation très semblable à la nôtre.
    Évidemment, agir seul n'est pas la solution. Il faut travailler avec ses alliés. Avez-vous l'impression, maintenant que vous êtes dans cette situation, que l'Australie est appuyée par ses alliés? Obtenez-vous le soutien dont vous avez besoin? Dans notre cas, je ne suis pas certain que nous ayons eu ce soutien.
    Pour tout dire, je ne sais pas, et je vous induirais en erreur si j'affirmais être certain de cette solidarité.
    Je ne sais pas ce qui se passe en coulisses. J'espère que les officiels, les ministres, se consultent sérieusement à ce sujet et que ce ne sera pas seulement une affaire. Nous devons renforcer la solidarité entre pays aux vues similaires, à l'échelle régionale et mondiale, ce qui revient à dire que nous pouvons et devons aller au‑delà des limites géographiques. Nous pourrions, par exemple, considérer que l'Europe pourrait être au centre de ces coalitions.
    J'ai l'impression que, depuis cinq ou six ans — depuis que le Canada connaît cette terrible situation avec les deux Michael, que l'Australie fait l'objet d'une coercition économique, que d'autres pays sont ciblés — nous ne sommes en général pas suffisamment solidaires les uns des autres. Beaucoup de choses ont été dites. Il y a probablement eu des conversations intéressantes en coulisses sur la façon dont nous pouvons coordonner le lobbying, coordonner les sanctions et coordonner les politiques ou les lois nationales, mais on n'a pas l'impression que la coalition est suffisamment étendue. Franchement, je pense que tous nos pays sont probablement coupables à cet égard.
    Cela nous ramène à la question de la diplomatie des otages, mais aussi à celle de la coercition économique. C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre, pour quelqu'un comme moi qui est en faveur d'une réaction assez ferme face à la coercition de la Chine en matière de sécurité nationale et de droits démocratiques. C'est une question qui m'a été posée, à moi et à des gens comme moi, par le lobby chinois en Australie pendant la période où la Chine exerçait sa coercition économique. La Chine admettait que le charbon australien était exclu des ports chinois, mais disait du même souffle que d'autres pays, dont le Canada, prenaient les relais.
     En d'autres termes, votre espoir de solidarité est condamné à être déçu. Loin de moi l'idée de critiquer la politique économique ou commerciale du Canada, mais il est certain que nous devons faire mieux si nous voulons faire la démonstration de la solidarité de nos démocraties.
    Tout à fait. Je pense que nous l'avons vu avec les entreprises présentes en Chine dans le cas des chaînes d'approvisionnement, par exemple. Au Canada, la législation sur le travail forcé est tépide. Nous aimerions une loi plus ferme, mais rien n'a encore été présenté. Nous examinons ce que font d'autres pays dans le dossier du travail forcé.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, sur la façon dont nous pourrions faire preuve de plus de cohérence dans l'examen du travail forcé en Chine et, peut-être, sur les risques auxquels font actuellement face les entreprises présentes en Chine? Comme vous le dites, la Chine peut nous dresser les uns contre les autres dans une certaine mesure, ce qui ajoute beaucoup d'insécurité et de risques pour les entreprises.
    Je ne maîtrise pas assez tous les détails, notamment dans le cas de l'Australie, pour émettre un avis informé sur la façon dont nous pourrions ou devrions coordonner la question du travail forcé. Je pourrais cependant dire, par exemple, que cette question ne fait plus la une dans le débat politique australien. Il existe certes des voix fortes, particulièrement au Parlement et dans l'ensemble du spectre politique, qui se disent très préoccupées par le travail forcé en Chine, en particulier pour ce qui est de la communauté ouïghoure.
    Je dirais que l'instauration et le maintien d'une collaboration et d'un dialogue interparlementaires public plus soutenus constitueraient l'une des meilleures contributions que nos alliés pourraient faire afin que cette question demeure à l'avant-plan des préoccupations. Je ne pense pas que, sur le plan des politiques, le gouvernement australien recule sur ces questions. Par exemple, j'ai parlé de notre loi moderne sur l'esclavage et de l'efficacité de la loi Magnitski. Cependant, je pense que le gouvernement australien a pris soin de choisir ses batailles dans la façon dont il exprime ouvertement ses préoccupations à la Chine. Je ne pense pas que ce soit une situation viable à long terme.
    Je pense qu'il est logique, à court terme, de stabiliser la relation, mais comme l'affaire Yang Hengjun nous l'a rappelé, il y aura encore des cas où le comportement insultant de l'État chinois viendra bousculer nos valeurs fondamentales et nos identités nationales. Nous devons être prêts.
    Je pense que, d'une certaine façon, les démocraties doivent publiquement faire preuve de patience les unes envers les autres, mais en privé, en coulisse, elles doivent s'atteler frénétiquement à la tâche pour préparer ces coalitions en vue de la prochaine crise.

  (2125)  

    Merci beaucoup.
    Sur ce, monsieur Medcalf, nous vous remercions de votre temps. Votre témoignage a été très éclairant et ce fut un plaisir d'avoir des nouvelles de notre antipode. Nous espérons parvenir à dialoguer avec un de vos homologues en Nouvelle-Zélande, si possible, ou dans d'autres pays de ce coin du monde. Nous vous remercions de votre temps et de votre contribution aujourd'hui.
    Merci. Tout le plaisir est pour moi. Je vous souhaite bonne chance.
    Merci.
    Sur ce, nous avons terminé. Je tiens à remercier la greffière, les analystes, les interprètes et le personnel de soutien pour tout leur travail.
    La séance est levée.
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