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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 044 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 25 novembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Traduction]

    Bienvenue à la réunion no 44 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude des conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile.
    Je confirme que tous les témoins ont effectué les tests techniques exigés en prévision de la réunion.
    Avant de passer aux témoins d'aujourd'hui, j'aimerais confirmer que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est prêt à comparaître, le mardi 29 novembre, au sujet du Budget supplémentaire des dépenses (B) et du Plan des niveaux d'immigration du Canada pour 2023‑2025. La réunion de mardi aura lieu en présence du ministre. Je voulais confirmer cela auprès de tout le monde.
    Le 2 décembre, nous aurons notre dernier groupe de témoins sur les conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile, puis une réunion du sous-comité pour discuter des travaux futurs, comme l'ont demandé les membres du Comité à la dernière réunion.
    Le 6 décembre, nous prévoyons commencer notre étude de la réponse du gouvernement au rapport final du Comité spécial sur l'Afghanistan.
    Le vendredi 9 décembre, nous fournirons des instructions pour la rédaction de notre rapport sur les conditions dans lesquelles se trouvent les demandeurs d'asile.
    Oui, monsieur Redekopp.
    Madame la présidente, j'aimerais revenir à la comparution du ministre la semaine prochaine.
    Nous lui avons demandé de venir nous parler du Budget supplémentaire des dépenses (B). Nous avons l'intention de lui demander de revenir nous parler du plan d'immigration. Ce sont deux choses distinctes.
    Ce n'est pas ce que nous souhaitions... Nous voulons seulement aborder le Budget supplémentaire des dépenses (B) mardi.
    Merci.
    C'est l'information que j'ai reçue. Il est prêt à comparaître et à parler du Budget supplémentaire des dépenses et du Plan des niveaux d'immigration du Canada. Ce sont les renseignements que nous avons reçus de son bureau.
    Vous pouvez le contacter à nouveau et lui dire que nous le convoquerons de nouveau pour le plan.
    Merci.
    D'accord.
    Madame Kwan, allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    Je veux renchérir sur ce point. Le Comité a adopté deux motions. L'une consistait à inviter le ministre à comparaître au sujet du Budget supplémentaire des dépenses, et l'autre, à comparaître séparément au sujet du Plan des niveaux d'immigration. Il s'agit de deux invitations distinctes.
    Je suis heureuse qu'il puisse venir nous parler de toutes sortes de sujets, et je suis certaine que les membres du Comité le reconnaîtront. Cela dit, il y a deux invitations distinctes. Nous devrions nous assurer qu'il comprend cela et que la greffière enverra une invitation supplémentaire pour le plan des niveaux.
    Merci.
    Nous entendrons M. Brunelle-Duceppe, puis Mme Lalonde.
    Je suis désolée. Je ne peux pas voir tout le monde. Je me fie à l'information que me donne la greffière.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente, mais Mme Kwan vient de soulever ce que je voulais faire valoir, alors je n'ai plus besoin d'intervenir.

[Traduction]

    D'accord. Merci.
    Madame Lalonde, allez‑y.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je suis très sensible aux commentaires de mes collègues, mais je ne pense pas que ce soit à nous de décider exactement des sujets qui seront abordés par le ministre. C'est une décision qui lui revient. J'ai été un peu surprise par ce que mes collègues ont dit.
    Pour ma part, j'étais fière de voir que le ministre voulait se rendre disponible pour venir nous rencontrer. Nous ne connaissons pas exactement son horaire à venir, mais j'étais très fière d'apprendre que le ministre s'était engagé à venir ici pour nous parler de choses qui nous rassemblent tous, notamment le plan d'immigration. Je pense que c'est très généreux de sa part. Je voulais seulement m'assurer que les gens comprenaient cela.
    Merci.
    Monsieur Brunelle‑Duceppe, vous avez la parole.
    Madame la présidente, je comprends que les libéraux soient fiers d'avoir un de leurs ministres devant le Comité, mais de dire qu'il est généreux, c'est un peu exagéré. Ce n'est quand même pas le pape. Le ministre est payé pour venir nous rencontrer, d'autant plus que le Comité a adopté deux motions à cet effet. Il faut simplement respecter la volonté du Comité, qui est souverain dans ses décisions. C'est tout.
    Cela dit, c'est bien que ma collègue soit fière.

[Traduction]

     Merci, monsieur Brunelle-Duceppe.
    Je vais m'occuper de cela et vous revenir là‑dessus lorsque j'aurai plus de renseignements.
    Sur ce, je tiens à vous informer que nous aurons quelques minutes à la fin de la séance pour discuter des travaux du Comité, et plus particulièrement de la question dont nous avons déterminé mardi dernier que nous allions discuter vendredi.
    Nous pouvons maintenant passer à nos témoins.
    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins qui comparaissent devant le Comité. Nous accueillons aujourd'hui Richard Wex, président et premier dirigeant, Roula Eatrides, vice-présidente de la Section de la protection des réfugiés, et Gary Dukeshire, avocat-conseil, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    Nous recevons également Aaron McCrorie, vice-président, Renseignement et exécution de la loi, et Carl Desmarais, directeur général, Exécution de la loi, de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Nous accueillons aussi des témoins de la Gendarmerie royale du Canada, à savoir, Michael Duheme, sous-commissaire, et le surintendant Martin Roach, officier responsable des enquêtes criminelles par intérim, Division C.
    Bienvenue à tous les témoins. Vous avez cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire.
    Nous allons commencer par le représentant de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    Je vous en prie.
    Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné aujourd'hui de Mme Roula Eatrides, vice-présidente de la Section de la protection des réfugiés, et de M. Gary Dukeshire, notre avocat-conseil.
    Je sais que le Comité s'intéresse particulièrement au nombre de demandes d'asile, aux temps d'attente et aux projections de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, alors je vais aller droit au but et vous épargner l'introduction habituelle au sujet de notre rôle et de notre mandat dans le contexte du système de demandes d'asile. Je suppose que vous connaissez bien ce sujet.

[Français]

    Lorsque j'ai témoigné devant le Comité pour la première fois en tant que nouveau président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, en 2018, nous nous trouvions dans un contexte opérationnel très difficile.

[Traduction]

    Une augmentation subite du nombre de demandes d'asile, régulières et irrégulières, a largement dépassé la capacité de traitement annuelle de la CISR, ce qui a entraîné l'arriéré le plus important et les temps d'attente les plus longs des 30 dernières années d'existence de la Commission.
    À l'époque, nous avions évalué qu'en l'absence d'intervention, l'arriéré atteindrait bien au‑delà de 200 000 demandes d'ici 2022‑2023, avec des temps d'attente de plus de six ans pour une détermination du statut de réfugié au premier palier. À notre avis, le système était au bord de l'effondrement à ce moment‑là. Par conséquent, en 2018‑2019, la CISR a réagi en élaborant un programme de croissance et de transformation ambitieux.

  (1310)  

[Français]

    Alors que nous en sommes à la quatrième année de mise en œuvre de notre plan, j'aimerais vous faire part de certains résultats clés et vous donner un aperçu des défis à venir.
    Je vais parler tout d'abord de la croissance.

[Traduction]

    Depuis 2018‑2019, la Commission a reçu d'importants investissements temporaires dans le cadre de budgets fédéraux successifs, ce qui nous a permis de doubler la production de notre processus décisionnel et de mieux harmoniser la capacité de traitement annuelle de la CISR avec le nombre de demandes d'asile reçues.
    Il s'agissait d'une augmentation massive en relativement peu de temps pour notre organisation. Cette croissance, conjuguée aux gains d'efficacité internes et aux restrictions frontalières liées à la pandémie, a amélioré l'accès à la justice pour les demandeurs qui étaient déjà dans le système, le nombre de demandes traitées et la réduction des temps d'attente en faisant foi.
    Plus récemment, dans le cadre du budget de 2022, on a annoncé que les fonds déjà prévus sur une base temporaire pour la CISR dans les récents budgets deviendront permanents, et que la CISR recevra également d'autres fonds sur deux ans pour traiter les demandes supplémentaires.

[Français]

    Sous réserve de l'approbation du Parlement, ces fonds vont permettre à notre organisation à la fois de se stabiliser aux niveaux actuels et de poursuivre sa croissance pour mieux répondre à l'augmentation du nombre de demandes d'asile reçues.

[Traduction]

    Dans le cadre de notre programme de transformation, nous avons mis en œuvre un éventail de mesures visant à améliorer l'efficacité et la qualité de notre processus décisionnel.

[Français]

    L'un des volets du programme que je tiens à souligner, c'est notre modèle opérationnel d'audiences. La Commission a saisi les occasions offertes par la pandémie pour devenir une organisation numérique.

[Traduction]

    En 2020‑2021, au plus fort de la pandémie, la Commission est passée à un modèle opérationnel d'audiences virtuelles et sans papier. Tous les dossiers ont été numérisés depuis. Les arbitres travaillent maintenant presque entièrement avec des dossiers numériques. Un portail électronique a été créé et bien reçu par la communauté des avocats. Plus de 98 % de nos audiences sont maintenant tenues virtuellement.
    L'adoption des audiences virtuelles au niveau opérationnel a permis à la Commission de protéger la santé de ses employés et des personnes qui comparaissent devant elle, tout en maintenant l'accès à la justice pendant les jours les plus difficiles de la pandémie. C'était essentiel pour contrôler le nombre de demandes et les temps d'attente. En fait, selon le dernier rapport sur les tendances mondiales du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le Canada était l'un des quatre seuls pays à avoir été en mesure, au cours de l'année précédente, de réduire considérablement le nombre de cas de demande d'asile à l'étape de la détermination du statut de réfugié pendant la pandémie.

[Français]

    Grâce aux nouveaux investissements et aux nouvelles mesures mises en œuvre dans le cadre de notre plan, la Section de la protection des réfugiés et la Section d'appel des réfugiés ont réglé, l'an dernier, plus de demandes d'asile et d'appels que jamais auparavant.

[Traduction]

     En 2018‑2019, lorsque j'ai comparu pour la première fois devant le Comité à ce titre, dans cette même salle, les temps d'attente étaient de deux ans et augmentaient à un rythme jamais vu auparavant. Aujourd'hui, les temps d'attente pour les nouveaux demandeurs sont de 16 mois, en baisse de 25 % par rapport à 2018‑2019, et de près de 30 % par rapport au sommet atteint au printemps 2020. À la fin du premier trimestre de l'exercice en cours, les temps d'attente à la CISR étaient à leur plus bas niveau depuis 2016‑2017, avant l'afflux sans précédent de demandeurs d'asile.
    Compte tenu du contexte opérationnel des dernières années, il s'agit de solides résultats.
    Malgré ces développements positifs à la CISR, je dois être très clair: le vent a clairement tourné. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié et le système de demandes d'asile dans son ensemble sont encore une fois soumis à de réelles pressions. Comme vous l'avez entendu, le nombre de demandes en attente d'admissibilité à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et à l'Agence des services frontaliers du Canada augmente rapidement. Cette année, on s'attend à ce que plus de 90 000 demandes soient reçues, ce qui est bien au‑delà de la capacité de traitement annuelle du système et de la CISR, qui peut atteindre 50 000 demandes. Les renvois à la Commission dépassent maintenant notre capacité annuelle de traitement, ce qui entraîne une fois de plus une augmentation du nombre de cas et des temps d'attente, annulant les gains durement réalisés.

[Français]

    Par conséquent, nous devons tous redoubler d'efforts pour améliorer l'efficacité du système et faire avancer les stratégies de financement afin de pouvoir affronter ces réalités, améliorer l'accès à la justice et mieux soutenir le système canadien de détermination du statut de réfugié.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Mme Eatrides répondra à toutes vos questions.
    Des voix: Oh, oh!
    Je suis désolée de vous interrompre. Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Vous avez cinq minutes. Veuillez commencer.
    Bonjour. Je m'appelle Aaron McCrorie et je suis vice-président du Renseignement et de l'exécution de la loi à l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Carl Desmarais, directeur général de l'Exécution de la loi à l'ASFC.

  (1315)  

[Français]

    J'aimerais parler brièvement du rôle de l'ASFC dans le traitement des demandes d'asile, en particulier lorsqu'il s'agit d'arrivées irrégulières, dont la majorité se fait par le chemin Roxham.
    La sécurité et l'intégrité à la frontière sont un mandat partagé entre l'ASFC et la GRC.

[Traduction]

    L'ASFC est responsable de l'application de la loi aux points d'entrée désignés, alors que la GRC remplit cette fonction entre les points d'entrée.
    Lorsqu'une personne entre au Canada pour présenter une demande d'asile, le rôle de l'ASFC est de déterminer l'admissibilité de cette personne au Canada et l'admissibilité de sa demande en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR.
    À ce jour, en 2022, l'ASFC a reçu plus de 2 400 demandes d'asile régulières, principalement de personnes arrivant par avion. En comparaison, cette année, l'ASFC a dû traiter plus de 32 000 arrivées irrégulières, dont plus de 97 % au Québec. La plupart des entrées irrégulières se font à la frontière canado-américaine au chemin Roxham. Ce n'est pas un poste frontalier officiel.
    En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs, les demandeurs d'asile doivent présenter une demande dans le premier pays où ils arrivent — en l'occurrence, le Canada ou les États-Unis —, à moins qu'ils ne soient admissibles à une exception. Cette entente s'applique aux personnes qui présentent une demande d'asile à des points d'entrée désignés, mais pas aux demandeurs d'asile qui entrent au Canada ailleurs qu'aux postes frontaliers officiels.

[Français]

    Par conséquent, à moins que leur inadmissibilité n'ait déjà été établie par le passé, l'ASFC ne peut pas refuser l'entrée aux demandeurs d'asile qui arrivent des États‑Unis par le chemin Roxham.

[Traduction]

    Lorsque la GRC intercepte une personne qui arrive entre les points d'entrée officiels, cette personne est amenée au point d'entrée le plus proche pour qu'elle puisse présenter une demande d'asile. Dans ce cas, le point d'entrée le plus proche du chemin Roxham est Saint-Bernard-de-Lacolle.
    Avant que les demandeurs du statut de réfugié puissent quitter le point d'entrée, ils doivent d'abord se soumettre à un contrôle de santé et de sécurité rigoureux. Cela comprend des vérifications biographiques et biométriques, ainsi que des vérifications de sécurité et d'antécédents criminels.

[Français]

    L'ASFC s'engage à traiter toutes les demandes d'asile en temps opportun, mais ce processus peut prendre un certain temps. Le temps requis dépend de plusieurs facteurs, comme le niveau de détail des renseignements fournis par le demandeur, la disponibilité des renseignements supplémentaires et le fait qu'il y ait lieu ou non de faire d'autres recherches.
    Le filtrage de sécurité est un élément important de l'évaluation de l'admissibilité d'une personne au Canada. Ce processus permet de s'assurer que quiconque veut venir au Canada n'a pas commis de crimes graves et ne pose pas de risques à la sécurité du Canada et des Canadiens.

[Traduction]

     Plusieurs facteurs sont utilisés pour déterminer l'admissibilité d'une personne, comme la participation à des activités criminelles, les violations des droits de la personne et les activités liées au crime organisé.
    Outre l'admissibilité, les agents de l'ASFC doivent décider si une demande peut être transmise à la CISR pour une audience. Les facteurs qui déterminent l'admissibilité d'un demandeur comprennent le fait d'avoir commis un crime grave, d'avoir déjà présenté une demande d'asile au Canada ou d'avoir déjà été protégé dans un autre pays.
    Pour s'assurer que les demandeurs d'asile du chemin Roxham disposent d'un espace d'attente sûr, confortable et approprié pendant le traitement de leur demande, l'ASFC a investi dans des mesures d'hébergement à court terme. Nous veillons à ce que les demandeurs aient accès à des lits, à des douches, à des repas et à des soins médicaux, au besoin, pendant le traitement de leur demande. Il s'agit du centre de traitement régional près du point d'entrée de Saint-Bernard-de-Lacolle. Compte tenu du nombre sans précédent de demandes dans ce secteur, il s'agit du seul bureau de l'ASFC au Canada qui utilise des structures temporaires pour accueillir les demandeurs d'asile.
    L'ASFC encourage les demandeurs d'asile à entrer au Canada aux points d'entrée désignés, afin d'assurer leur sécurité personnelle et de respecter la loi. Cependant, le nombre d'arrivées irrégulières continue d'augmenter. Comme je l'ai déjà mentionné, depuis le 1er janvier, l'ASFC a traité plus de 32 000 arrivées irrégulières au Québec, principalement au passage du chemin Roxham. Nous travaillons très fort pour faire face à cette flambée de volumes, y compris en réaffectant des ressources d'autres régions pour soutenir nos collègues du Québec, en partageant la charge de travail avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et en créant un portail numérique.
    De plus, afin d'accélérer les temps de traitement, le 1er novembre, l'ASFC a lancé un nouveau processus pour les demandeurs à faible risque. Grâce à ce processus, les demandeurs peuvent être admis au Canada dans des conditions qui leur permettent d'avoir accès à des prestations sociales et à un permis de travail. Les demandeurs sont ensuite dirigés vers le Portail canadien de la protection des réfugiés, afin de remplir leur demande d'asile dans un délai de 45 jours.

  (1320)  

[Français]

    Que les demandeurs d'asile choisissent de présenter leur demande à un point d'entrée officiel ou non, l'ASFC s'engage à traiter avec soin et compassion toutes les personnes qui demandent la protection du Canada.

[Traduction]

     Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions et de travailler avec vous pour améliorer notre centre de traitement des demandes de réfugiés.
    Merci.
    Merci, monsieur McCrorie.
    Nous passons maintenant au représentant de la Gendarmerie royale du Canada. Vous avez cinq minutes pour votre déclaration préliminaire.
     Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Mike Duheme. Je suis sous-commissaire à la GRC.
    Je suis accompagné de Martin Roach, qui supervise et gère la situation au chemin Roxham. Aujourd'hui, nous parlerons des activités de la GRC liées à l'application de la loi à la frontière.
    Le Canada, comme d'autres pays occidentaux, doit gérer la migration irrégulière croissante, ce qui implique de répondre aux besoins humanitaires, tout en veillant à ce que les personnes qui pourraient représenter une menace pour la sécurité publique ne soient pas admises au Canada.

[Français]

    Personne ne mettra en doute le fait que les déplacements illicites de personnes entre les points d'entrée, notamment le passage illégal de demandeurs d'asile à la frontière, sont un problème continu. Toutefois, il faut se rappeler qu'au cœur de cette question se trouvent des personnes vulnérables, en l'occurrence des réfugiés et des demandeurs d'asile, qui entreprennent souvent un long voyage périlleux pour parvenir au Canada. Ces personnes constituent des proies faciles pour les réseaux de passeurs clandestins, formés de groupes du crime organisé transnationaux qui sont réputés pour leurs actes de violence et leurs autres activités criminelles.
    C'est pourquoi la GRC ne ménage aucun effort pour trouver un juste équilibre entre l'exécution de son mandat, qui est d'assurer la sécurité du Canada, et sa responsabilité de veiller à ce que les personnes appréhendées soient traitées avec compassion et respect et aient accès aux recours prévus par la loi.

[Traduction]

    J'aimerais prendre quelques minutes pour mettre en contexte l'approche de la GRC en matière d'application de la loi à la frontière, afin de préciser comment et quand ont lieu les interactions de la GRC avec des personnes.
    En ce qui concerne le droit canadien, quiconque traverse la frontière canadienne sans se présenter à un point d'entrée officiel peut être arrêté par la GRC. Cela dit, lorsque des individus sont interceptés par la GRC en entrant illégalement entre les points d'entrée, ils sont arrêtés en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi sur les douanes, mais on ne sait pas immédiatement quelles sont leurs intentions. Par conséquent, une évaluation préliminaire des risques est effectuée, afin de déterminer s'ils représentent une menace pour le Canada ou les Canadiens. On procède à des vérifications des antécédents, afin de déterminer s'il y a eu participation antérieure à des activités illégales, y compris, par exemple, le trafic de drogue, des liens avec le crime organisé ou des liens avec le terrorisme.
    Chaque situation est évaluée individuellement avant qu'une décision soit prise sur la façon de procéder, c'est‑à‑dire si une personne doit demeurer sous la garde de la GRC en attendant une enquête plus poussée, être renvoyée à un autre service de police ou être transférée à l'ASFC pour que la demande d'asile soit évaluée. C'est lorsque l'ensemble des renseignements est obtenu par la GRC au moyen d'une évaluation préliminaire des risques que l'on procède à une recherche dans les documents personnels pour évaluer le risque que des personnes peuvent poser.
    Il est important de noter que la GRC n'accuse pas les personnes interceptées qui tentent d'entrer au Canada pour présenter une demande d'asile, car cela contreviendrait à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui stipule que les personnes ne peuvent être accusées de certaines infractions liées à leur entrée illégale pendant le traitement de leur demande d'asile.

[Français]

    En ce qui concerne le chemin Roxham, la GRC, conformément à son modèle d'intégrité des frontières, voit à déployer des équipes dans les régions connaissant les plus hauts taux d'activité afin d'appréhender les demandeurs d'asile, qui sont de plus en plus nombreux à passer entre les points d'entrée officiels.
    À l'heure actuelle, la région où l'on trouve le plus grand nombre de migrants clandestins se situe au Québec, au chemin Roxham. De 2017 à 2021, quelque 95 % des interceptions de la GRC se sont faites à cet endroit. Comme aux autres lieux d'interception, chaque personne appréhendée par la GRC au chemin Roxham fait l'objet d'une vérification minutieuse avant que la GRC ne décide de la marche à suivre.

[Traduction]

     Bien que l'enquête de sécurité soit nécessaire pour que la GRC puisse s'acquitter efficacement de son mandat de protéger l'intégrité de nos frontières, nos membres veillent à ce que ces processus soient menés avec humanité et compassion, dans le respect des droits des migrants irréguliers et de leur dignité humaine.
    Afin d'assurer cet équilibre, l'approche du Canada a été et continue d'être examinée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Canada.
    Dans un esprit de transparence, la GRC au Québec a facilité plusieurs visites et offert des séances d'information aux représentants du Haut Commissariat. Nous sommes fiers du fait que les ressources de la GRC sur le terrain font le travail qui leur est confié, et ce, de façon professionnelle et exemplaire.

[Français]

    Cela dit, la GRC a à cœur l'amélioration continue de ses activités d'application de la loi à la frontière. Une approche coordonnée de gestion de la frontière est essentielle à la réussite à long terme et permettra à la GRC de réaliser ses multiples objectifs opérationnels, dont la répression du trafic transfrontalier de drogues et d'armes, ainsi que de la traite des personnes et du passage clandestin.

  (1325)  

[Traduction]

    Nous avons hâte de travailler avec nos partenaires internationaux et nos partenaires nationaux, comme l'ASFC et IRCC, afin de poursuivre la mise en œuvre de cette approche, tout en accordant la priorité à la sécurité du Canada et des Canadiens et en veillant à ce que les migrants irréguliers soient traités avec compassion.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de parler de ces questions importantes.
    Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Redekopp.
    Monsieur Redekopp, vous avez six minutes pour votre tour de questions. Vous pouvez commencer, je vous en prie.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Merci pour tout le travail important que vous faites auprès des migrants et des nouveaux arrivants dans notre pays. Vous faites de l'excellent travail.
    J'aimerais commencer par la GRC.
    Comme vous le savez, le Québec a sa propre force policière, alors la GRC se concentre sur la sensibilisation aux drogues, le crime organisé, la sécurité nationale, ce genre de choses et, bien sûr, l'application de la loi à la frontière.
    Si vous ne connaissez pas les réponses à mes questions, je vous demanderais de nous les soumettre par écrit dans un délai assez court. Nous avons un rapport à produire, alors peut-être que sept jours seraient un bon délai.
    Pouvez-vous dire au Comité combien de membres compte la Division C de la GRC?
    Il y en a de 700 à 800 au total.
    Combien de membres sont actuellement affectés à l'application de la loi à la frontière?
    De ces 120, combien se trouvent au chemin Roxham?
    La grande majorité des 120 sont concentrés au chemin Roxham. Ils patrouillent à la frontière. Il y a d'autres pressions le long de la frontière, mais ils...
    Est‑ce qu'on pourrait dire 90 %?
    Oui, disons 90 %.
    Que font les agents à la frontière au chemin Roxham?
    Au chemin Roxham, le mandat de la GRC est de veiller à ce que les personnes qui entrent ne présentent aucun risque pour la sécurité nationale et n'aient aucun lien avec le crime organisé ou la criminalité transnationale.
    Il y a des personnes qui traversent la frontière et qui peuvent présenter un risque pour le pays ou tenter de commettre un crime, et elles seront arrêtées par les agents en vertu de la Loi sur les douanes. Des vérifications initiales des antécédents des personnes et des entrevues seront effectuées pour s'assurer qu'il n'y a pas de risque pour le pays, pas de risque pour la sécurité nationale.
    S'il n'y a aucun élément de criminalité, les personnes seront transférées à l'ASFC. Ce travail se fait en collaboration avec nos partenaires américains et, évidemment, l'ASFC et nos partenaires nationaux.
    Quel est le délai entre l'interception d'une personne et son transfert à l'ASFC? Parle‑t‑on d'heures, de jours, de semaines?
    Si quelqu'un a commis une infraction et que nous portons des accusations, nous devons le faire dans les 24 heures. Tous nos processus sont en place pour nous assurer de respecter ces 24 heures, conformément à la loi.
    Pour ce qui est du délai, il varie en fonction du volume de travail. Parfois, il passe à 18 heures en raison des volumes d'arrivées, mais nous nous assurons d'avoir le nombre de ressources... et nous adaptons nos processus pour respecter la loi.
     Pour que ce soit bien clair pour moi, votre intervention dans ce processus prend un jour ou deux. Est‑ce ce genre de délai?
    Oui, mais il y a des fluctuations.
     Si quelqu'un arrive avec beaucoup d'effets personnels que nous devons examiner et évaluer pour confirmer son identité, cela fluctue. Cela varie. Il est difficile d'établir un délai précis, mais comme M. Roach l'a dit, notre rôle est de veiller à ce que le premier contact de la personne soit avec la GRC.
    D'accord.
    Les membres qui se trouvent sur le chemin Roxham pourraient-ils être utilisés pour d'autres activités, comme la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé s'ils ne travaillaient pas au chemin Roxham?
    Certains d'entre eux, oui, et d'autres faisaient partie de ces unités que nous avons dû mobiliser pour faire partie du groupe en place au chemin Roxham, au Québec, afin d'accroître notre capacité.
    Je vais supposer que vous n'avez pas de main-d'œuvre excédentaire à la Division C. Est‑il juste de dire que si vos membres n'étaient pas au chemin Roxham, ils feraient enquête sur les trafiquants de drogue, les contrebandiers d'armes à feu et d'autres criminels semblables?
    Ils seraient affectés à d'autres priorités relevant du mandat de la police fédérale dans la province — c'est exact.
    Compte tenu de cela, peut‑on alors supposer avec certitude que d'autres criminels ne font pas l'objet d'enquêtes aussi poussées que ce serait le cas si les agents ne passaient pas de temps au chemin Roxham?

  (1330)  

    Notre mandat est assez complexe et, avec les ressources dont nous disposons, nous établissons les priorités et nous affectons les bonnes ressources aux priorités.
    Si le chemin Roxham n'était pas une priorité, est‑ce que ce serait mieux pour le taux global de criminalité au Québec et au Canada?
    Les ressources seraient redistribuées au sein des autres unités que nous avons dans la province, c'est‑à‑dire celles qui s'occupent des crimes graves et du crime organisé, des crimes financiers et de la sécurité nationale.
    Monsieur Roach, vous avez travaillé au chemin Roxham, ou en tout cas vous connaissez très bien le chemin Roxham. J'aimerais parler un peu du passage de clandestins. Vous avez abordé cela dans votre exposé. Lorsque vous avez interrogé des gens, avez-vous découvert des preuves du passage de clandestins?
    Il y a des preuves de coordination, d'efforts assurément coordonnés, en matière de passage de clandestins. Parfois, il s'agit de liens avec des personnes qui sont déjà au Canada. Parfois, il s'agit d'individus aux États-Unis ou à l'étranger. Tout cela ressort au moment des entrevues, selon les personnes avec lesquelles nous interagissons.
    Nous avons eu de nombreux cas de passage de clandestins où nous avons porté des accusations au Canada contre des groupes qui étaient déjà établis au pays, ou parfois, oui, aux États-Unis.
    À ce sujet, sur 100 personnes qui traversent la frontière, quel est le pourcentage? Est‑ce 10 % ou 20 %? Combien d'accusations avez-vous portées pour passage de clandestins?
    Je n'ai pas le nombre exact de cas où nous avons porté des accusations. Pour ce qui est du pourcentage, ce n'est pas la grande majorité, mais il y a des cas.
    Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais ajouter qu'une fois que les gens ont traversé, il est difficile de les faire parler, parce qu'ils ont atteint leur objectif — ils ont passé la frontière. L'idée est de savoir comment les intercepter à l'avance pour réussir à les faire parler un peu plus. Une fois qu'ils sont en sol canadien, il est difficile de les amener à parler du processus et de la structure en place.
    Merci.
     Combien de temps me reste‑t‑il, madame la présidente?
    Votre temps est écoulé.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Dhaliwal.
     Monsieur Dhaliwal, vous avez six minutes. Veuillez commencer.
    Merci, madame la présidente.
     Ma première question s'adresse à la CISR.
     Merci à vous tous pour vos exposés — les représentants de l'ASFC, de la CISR et de la GRC — et pour l'effet que vous avez sur la vie des gens.
    En ce qui concerne la CISR, M. Wex a mentionné que, même si les temps d'attente sont les plus bas depuis 2016‑2017, nous entendons dire qu'ils sont encore longs lorsqu'il s'agit de traiter les demandes d'asile. M. Wex pourrait‑il nous dire ce que la CISR peut faire pour réduire le temps de traitement de ces demandes?
    Par l'entremise de la présidence, je dirai tout d'abord au sujet des délais d'attente pour les nouvelles demandes, que celles reçues à la CISR, disons aujourd'hui, seront traitées dans les 16 prochains mois, d'après les tendances et les arriérés actuels.
    Deuxièmement, nous en avons environ 65 000 à l'heure actuelle. Un tiers d'entre elles sont en suspens parce que nous attendons des documents, un contrôle de sécurité ou autre chose.
    Il reste donc environ 45 000 demandes qui peuvent être traitées. Les audiences ont eu lieu. Leur traitement se fait ou se fera dans les délais prévus au cours des 11 prochains mois. Du point de vue de la CISR, compte tenu de notre arriéré et du nombre de demandes pouvant être traitées, elles seront ou auront été traitées dans un délai de 11 mois.
    Pour ce qui est des mesures qui peuvent être prises, la CISR a adopté ces dernières années un programme de transformation assez ambitieux, dont j'ai fait état dans ma déclaration liminaire, qui promeut réellement une culture axée sur le rendement et les résultats. Nous comprenons ce que les demandeurs d'asile ont vécu. Leur parcours a été long et très difficile. Ils ont dû surmonter bien des obstacles pour se rendre à la CISR, y compris de longs délais de traitement tout au long du processus. Nous reconnaissons notre responsabilité. C'est une situation difficile, et nous avons passé en revue toutes les étapes du processus, depuis la réception des demandes jusqu'aux recours, dans le but de raccourcir les délais de traitement.
    Il y a une initiative, parmi beaucoup d'autres, dont je veux parler de façon particulière et qui concerne le groupe de travail sur les demandes moins complexes. Il s'agit d'une initiative qui vise à mieux affecter nos ressources en fonction de la complexité des demandes. Ce groupe de travail est composé de membres de la Section de la protection des réfugiés, dirigée par Mme Eatrides, qui y a affecté 10 % de son effectif actuel. Depuis la création de ce groupe, il y a à peu près quatre ans, environ 20 % des audiences ont été menées à terme.
    Cela a pour effet d'accélérer l'accès à la justice pour les personnes dont la demande est en arriéré et d'optimiser l'utilisation de nos ressources. Voilà un exemple parmi tant d'autres qui montre comment nous avons cherché à susciter et à lancer de nouvelles idées et de nouvelles approches pour réduire effectivement les délais de traitement.

  (1335)  

    Merci.
    Ma question, madame la présidente, s'adresse aux trois organisations.
    J'entends beaucoup de gens dire qu'il faudrait faire de toute la frontière canado-américaine un point d'entrée officiel.
    Ils font valoir également que près de 2,5 millions de personnes sont entrées illégalement aux États-Unis en passant par la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Si l'Entente sur les tiers pays sûrs devait être suspendue, quelles en seraient les conséquences futures?
    Il n'y a pas de conséquences qui me viennent à l'esprit, si ce n'est, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, que la raison pour laquelle nous faisons des vérifications des antécédents, c'est pour savoir qui sont ces personnes.
    Dans la plupart des cas, il n'y a pas grand-chose sur le plan de la criminalité, mais, de toute évidence, si les gens commencent à arriver comme ils le font au sud de la frontière, où se trouvent des Américains et des Mexicains, on se demande qui entre. C'est pourquoi, au chemin Roxham et à d'autres endroits au pays, nous veillons à être aussi rigoureux que possible dans nos vérifications des personnes qui entrent au pays, en consultant les diverses banques de données, ainsi que nos partenaires étrangers quand nous le pouvons.
    Si je comprends bien la question, ce qui est le plus préoccupant à mes yeux, c'est la sécurité des personnes qui entrent au Canada. Le moyen le plus sécuritaire pour entrer au Canada est de passer par un point d'entrée officiel.
    Ceux qui traversent la frontière entre les points d'entrée, quelles que soient les circonstances ou les conditions, prennent un risque personnel supplémentaire qui n'est peut-être pas justifié.
    À mon avis, que l'Entente sur les tiers pays sûrs soit en place ou non, il faut inciter les gens à se présenter aux points d'entrée officiels, d'abord et avant tout pour des raisons de sécurité personnelle.
    Merci.
    Si j'ai bien compris la question, vous voulez savoir quelles seraient les conséquences majeures si l'Entente sur les tiers pays sûrs n'était pas en vigueur?
    Oui.
    Il y en a quelques-unes, et je les aborderai rapidement.
    D'abord et avant tout, il est évident qu'il n'y aurait plus de raison pour les gens d'entrer de façon irrégulière et qu'ils seraient ainsi incités à traverser à un poste frontalier, ce qui aurait pour effet de disperser l'afflux dans un secteur comme le chemin Roxham, que les gens connaissent très bien, je crois. Il y a d'autres aspects, évidemment.
    L'Entente sur les tiers pays sûrs a été mise en place à certaines fins: promouvoir la sécurité, promouvoir le partage des responsabilités à l'échelle internationale et ainsi de suite, si bien qu'en l'absence de l'Entente il n'y aurait plus nécessairement d'efforts en ce sens.
    D'un point de vue opérationnel, on craint évidemment que cela amène une pression supplémentaire sur le régime de l'asile. Une optique opérationnelle est différente d'une optique humanitaire.
    Il y a essentiellement trois catégories. Il y a des passages irréguliers à la frontière...
    Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Wex.
    Le temps de M. Dhaliwal est écoulé. Nous devons passer au prochain intervenant.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous êtes le suivant. Vous avez la parole pour six minutes.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Vous faites tous un travail plus qu'humain, selon moi. Vous essayez de le faire du mieux que vous le pouvez. D'ailleurs, je n'ai entendu que de bons mots sur les agents de la GRC qui accueillent les migrants passant par le chemin Roxham. Je tiens à ce que vous sachiez que vous avez une bonne réputation à cet égard.
    Monsieur Wex, j'ai peut-être mal compris: avez-vous dit que, si l'on suspendait l'Entente sur les tiers pays sûrs, on verrait une augmentation du nombre de demandeurs d'asile aux postes frontaliers?

[Traduction]

    Si nous suspendons l'Entente sur les tiers pays sûrs, il est évident que ses objectifs disparaîtront du même coup.
    Par conséquent, oui, certains craignent que la suspension de l'Entente fasse jouer un facteur d'attraction. Personne ne sait... Je ne devrais pas dire « personne ne sait », mais plutôt qu'il y a des projections, des conjectures quant à l'importance et à l'étendue de ce facteur d'attraction. Quoi qu'il en soit, nous croyons comprendre, d'après les projections, qu'il y aurait des effets réels à la frontière.
    Il faut se rappeler que l'Entente sur les tiers pays sûrs a été conclue il y a 20 ans à la faveur des négociations canado-américaines sur le périmètre de sécurité. Celles‑ci ont pris plus d'acuité après le 11 septembre.
    L'un des dossiers en négociation à l'époque était celui de l'Entente sur les tiers pays sûrs parce que, à ce moment‑là, environ le tiers des...

  (1340)  

[Français]

    Je vais vous interrompre ici, parce que je n'ai vraiment pas beaucoup de temps.
    En résumé, aucun document ou aucune étude ne démontre que le nombre de demandes d'asile augmenterait si l'on suspendait l'Entente sur les tiers pays sûrs. Ce sont des intuitions personnelles, mais aucune étude ne le démontre.

[Traduction]

    Désolé, ce n'est pas ce que j'ai dit.
    Je ne peux dire précisément quelles répercussions la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs aurait sur les divers points d'entrée. Je sais que...

[Français]

    C'est parfait, je vais vous arrêter ici. Excusez-moi, mais je n'ai vraiment pas beaucoup de temps.
    Je vais maintenant m'adresser aux messieurs de la GRC.
    Le 28 septembre dernier, à la Chambre, le minitstre de la Sécurité publique a répondu à une question au sujet des réseaux de passeurs. Il a dit ceci, en parlant au nom du gouvernement:
[...] nous reconnaissons que la situation du chemin Roxham pose des défis. C'est la raison pour laquelle nous investissons plus de 40 millions de dollars dans une stratégie visant à s'attaquer au problème de la traite des personnes. C'est la raison pour laquelle nous continuons d'ajouter des ressources à nos frontières pour protéger les droits des réfugiés et pour amener devant la justice les responsables qui abusent du système.
    C'est ce qu'il nous a répondu, à la Chambre.
    À ma connaissance, aucun criminel impliqué dans un réseau criminel opérant au chemin Roxham n’a été poursuivi en justice. Est-ce que je me trompe?
    À ma connaissance, non.
    Vous êtes conscients qu'il existe des réseaux de passeurs, vous nous l'avez dit. Le ministre de la Sécurité publique en est conscient, tout comme le gouvernement. On nous dit que des discussions sont en cours avec les Américains et que des gens seront poursuivis.
    La GRC mène-t-elle présentement des enquêtes sur les réseaux de passeurs?
    Absolument. Plusieurs enquêtes sur des réseaux de passeurs sont en cours. Nous avons des équipes intégrées qui travaillent le long de la frontière, tant à Valleyfield, du côté du Québec, qu'à Champlain, dans l'État de New York, où il y a un détachement qui couvre le territoire du chemin Roxham. Il y en a aussi en Estrie et en Beauce. Cela couvre l'ensemble du territoire, sur une longueur de 810 kilomètres le long de la frontière.
    Nous conduisons donc des enquêtes en partenariat avec nos homologues américains. Il y a eu certains cas où nous avons arrêté des gens et déposé des accusations pour passage clandestin.
    Il y en a donc eu, mais pas au chemin Roxham.
    Nous n'avons pas eu ce genre de cas au chemin Roxham précisément, mais il y en a eu sur l'ensemble du territoire.
    Au chemin Roxham, cependant, nous avons eu des cas où des gens étaient liés à d'autres actes criminels, qu'il s'agisse de pornographie juvénile ou de crime organisé, par exemple. Nous avons eu des cas où les arrivants faisaient l'objet de mandats aux États‑Unis pour d'autres actes criminels. C'est arrivé à quelques reprises.
    Je veux juste être certain de bien comprendre. Je ne sais pas si vous avez vu le reportage à Radio‑Canada sur les passeurs. Je comprends que, bien qu'ils transgressent la loi canadienne, c'est aux États‑Unis qu'ils commettent le crime. Or, il semble avoir été assez facile pour le journaliste de suivre ces gens jusqu'en Floride.
    Vous tenez probablement des discussions avec vos homologues américains à ce sujet, mais je peux vous le répéter: les fourgonnettes blanches impliquées passent le mercredi, le samedi et le dimanche. Elles font deux ou trois voyages par jour, à coup de douzaines de personnes.
    Il y a juste une chose que nous avons de la difficulté à comprendre: comment se fait-il que ces gens continuent ce trafic présentement, alors que l'information a été rendue publique?
    En effet, c'est de l'information publique. Il faut cependant comprendre qu'il est parfois plus aisé ou facile pour les journalistes d'enquête que pour la police d'obtenir certaines informations en vue de lancer une piste d'enquête.
    Comme je l'ai dit tantôt, une fois que les gens arrivent dans le pays où ils veulent aller, il est parfois difficile de trouver de l'aide.
    Je comprends. Le travail devrait donc se faire de l'autre côté de la frontière. C'est là qu'on devrait attraper les personnes qui font les voyages, mais c'est impossible pour vous de le faire.
    Il y a un effort commun déployé non seulement à l'échelle nationale, par les polices provinciales et la GRC, mais aussi à l'échelle internationale.
    J'ai maintenant une question qui s'adresse aux représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada.
    Pouvez-vous expliquer aux membres du Comité quel était le processus à suivre pour faire une demande d'asile en provenance des États‑Unis, avant la mise en place de l'Entente sur les tiers pays sûrs?

[Traduction]

    Par l'entremise de la présidence, je vous remercie de la question.
    Nos processus sont les mêmes, que l'Entente sur les tiers pays sûrs soit en place ou non. Il s'agit de savoir comment et quand les gens arrivent au pays. Je ne connais pas très bien les processus qui étaient en place avant l'entrée en vigueur de l'ETPS en 2014...

  (1345)  

    Je suis désolée de vous interrompre. Le temps de M. Brunelle-Duceppe est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Kwan.
    Madame Kwan, vous avez six minutes. Allez‑y, je vous prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens également à remercier tous les ministères du travail qu'ils font pour notre pays.
    Pour ce qui est de l'Entente sur les tiers pays sûrs, un des problèmes, bien sûr, c'est que les chiffres fluctueront avec l'arrivée irrégulière de gens qui veulent entrer au Canada. Je me demande si, après la présente réunion, la CISR pourrait donner au Comité les chiffres réels établis au fil des ans. Si nous avions des chiffres pour la période avant l'Entente sur les tiers pays sûrs, puis pour la période qui suit jusqu'à aujourd'hui, nous pourrions voir la fluctuation qui s'est produite à l'intérieur des frontières. Est‑il possible d'obtenir les chiffres pour les 10 années précédant l'Entente sur les tiers pays sûrs?
    Par l'entremise de la présidence, je vous remercie de la question.
    La Commission s'engage à faire ce qu'elle peut pour donner suite à cette demande. Je veux simplement m'assurer de bien comprendre la question. Est‑ce qu'elle porte sur le nombre de personnes actuellement considérées comme inadmissibles? Je cherche simplement à bien comprendre la question.
    Mes excuses. Il s'agit du nombre de personnes qui sont arrivées irrégulièrement à la frontière.
    Nous avons ces chiffres, oui. Je peux vous les donner maintenant ou plus tard.
    Vous pourriez peut-être nous les communiquer après la réunion.
    Certainement. Pour ce qui est du nombre de migrants irréguliers qui se sont présentés à la CISR ou qui lui ont été envoyés, nous pouvons vous donner le chiffre. Depuis 2017, il y en a 72 500.
    Merci. J'aimerais avoir la ventilation par année.
    Pourriez-vous également nous donner des renseignements, si vous en avez, sur les données démographiques des personnes qui traversent la frontière?
    Nous vous donnerons ce que nous pouvons. Merci.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à l'ASFC.
    Au sujet du traitement des demandes, un point qui nous a été signalé par un témoin concernait la remise aux demandeurs d'asile du document appelé le « papier brun ». À cause de l'afflux de demandes, je comprends que des pressions pèsent sur l'ASFC sur le plan de ses ressources en personnel. Il existe maintenant une pratique consistant à remettre un document « admission avec examen ultérieur ».
    Pouvez-vous dire au Comité combien de temps il faut aux demandeurs d'asile pour obtenir le papier brun et passer à l'étape suivante du traitement de leur demande?
    Merci, madame la présidente.
    Je profiterai peut-être de l'occasion pour répéter que nos processus sont en place, que l'ETPS soit là ou non. Au chemin Roxham, vu la quantité de demandes, nous avions à l'origine un processus à deux volets. Nous faisions une évaluation initiale à l'arrivée, puis nous reportions l'examen de la demande à une date ultérieure qui devait être fixée lors d'une entrevue d'admissibilité au centre de traitement urbain.
    De ce fait, nous avons constaté que la quantité... nous procédions ainsi parce qu'il faut de quatre à six heures pour l'examen en personne. Nous avons constaté que l'arriéré des demandes d'admissibilité avait augmenté du fait de ce processus en deux étapes, au point que le demandeur devait attendre jusqu'à 18 mois avant de passer son entrevue d'admissibilité et obtenir les documents voulus.
    Pour régler ce problème, nous avons pris quelques mesures. Premièrement, nous avons mis en place, comme je l'ai mentionné, ce que nous appelons notre processus à étape unique, où les demandeurs à faible risque et ceux qui ont tous les documents voulus font l'objet d'une évaluation complète à leur arrivée. Ils sont autorisés à partir. On leur donne les documents nécessaires leur donnant le droit de travailler et l'accès aux services sociaux et aux soins médicaux. Ils doivent remplir leurs formulaires sur notre portail en ligne dans un délai de 45 jours. Cela a pour effet de ralentir la croissance de l'arriéré des dossiers d'admissibilité.
    Notre autre grande innovation, c'est l'utilisation de ce portail numérique. J'ai dit que le délai pouvait, dans les cas extrêmes, atteindre jusqu'à 18 mois. Si les gens transmettent leurs renseignements par l'entremise de notre portail en ligne, qui est un moyen plus convivial, plus fiable et plus précis de le faire, ils peuvent obtenir une entrevue dans un délai de 90 jours. Leur dossier d'admissibilité sera alors clos et ils pourront continuer d'avancer dans le système.
    Je pose cette question parce qu'à l'heure actuelle... en fait, cette semaine, un témoin qui travaille dans un centre pour réfugiés nous a dit que les gens attendaient pendant longtemps. Ils ne reçoivent pas leur papier brun.
    Depuis quand le processus accéléré dont vous parlez est‑il en place?

  (1350)  

    Nous avons lancé le programme le 1er novembre et nous en voyons déjà les avantages. Le portail est en place depuis quelques mois et, encore une fois, nous constatons des avantages immédiats.
    Le portail est accessible à tous ceux qui sont sur la liste d'attente de 18 mois ou moins. L'avantage du portail, à nos yeux, est qu'il est plus convivial, qu'il emploie un langage simple, qu'il est plus précis et plus rapide.
    Je m'excuse. Mon temps est limité.
    Peut-être pourriez-vous également fournir au Comité des données sur le nombre de demandeurs d'asile à chaque étape de la période d'attente? Je vous serais reconnaissante si vous pouviez aussi nous fournir cette information pour ceux du chemin Roxham.
    J'ai été heureuse également d'entendre votre observation sur la sécurité. Si les gens passaient par les points d'entrée officiels, les dangers auxquels ils sont exposés lorsqu'ils tentent d'entrer au Canada pour demander l'asile et la sécurité seraient moindres. Il est important de le souligner.
    Sur ce point, est‑ce que cela ne permettrait pas aussi de mieux organiser la gestion de la situation actuelle pour l'ASFC, et même pour la GRC?
    Ma question s'adresse à la GRC et à l'ASFC.
    En arrivant au point d'entrée...
    Désolée de vous interrompre, madame Kwan, mais le temps est écoulé.
    Nous entreprenons maintenant notre deuxième tour de questions. Vu le temps dont nous disposons, M. Maguire et Mme Lalonde auront chacun deux minutes et demie, puis M. Brunelle-Duceppe et Mme Kwan auront chacun une minute et demie. La séance sera ensuite suspendue.
    La parole est à M. Maguire.
    Vous avez deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.
    Mon temps de parole vient d'être réduit de moitié, et nous devrons donc y aller à pas de course. Je vous demande de répondre par un oui ou par un non.
    Monsieur Wex, je vous remercie de votre témoignage.
    Selon les derniers chiffres publiés sur le site Web d'IRCC, le nombre de personnes ayant traversé la frontière de façon irrégulière pour demander l'asile est maintenant plus élevé que jamais. Je crois que le chiffre que j'ai actuellement est 31 003 pour ceux qui ont été interceptés par la GRC en 2022. Selon certains rapports, il pourrait y avoir jusqu'à 50 000 personnes qui auront traversé la frontière cette année.
    IRCC ou un autre ministère a‑t‑il fourni à la CISR son estimation du nombre de personnes qui traverseront la frontière à pied pendant le reste de l'année ou dans une année ultérieure, oui ou non?
    Ce qu'a dit le sous-ministre d'IRCC dans son témoignage de la semaine dernière, je crois, correspond aux chiffres que nous avons vus également. Nous avons une bonne vue d'ensemble. IRCC nous informe du nombre de personnes répertoriées dans ses dossiers qui ont traversé la frontière de façon irrégulière.
    Comme nous avons peu de temps, pourriez-vous faire parvenir ce document ou d'autres documents pertinents au Comité?
    Ce ne sont pas nos documents. Ce sont des documents d'IRCC.
    Je ne prendrai que cinq secondes. Les cas sont d'abord renvoyés à IRCC, et la CISR en est saisie par la suite. Cela peut parfois prendre de 6 à 12 mois. Il y a donc un certain décalage.
    IRCC a‑t‑il fourni certains de ces documents à la CISR?
    De quels documents s'agit‑il?
    De documents sur le nombre de personnes qui vont traverser la frontière.
    Nous en sommes déjà au 10e de 12 mois. IRCC a déjà témoigné que jusqu'à 45 000 ou 50 000 personnes pourraient traverser la frontière de façon irrégulière entre janvier et décembre de cette année.
    Tout ce que je veux savoir, c'est le nombre de personnes qui traversent la frontière. Je suis sûr que c'est documenté quelque part.
    Je ne suis pas certain que ce soit dans un document que je l'ai appris, mais on m'en a informé.
    Merci.
    Je vais poursuivre.
    Selon le plus récent rapport ministériel sur le rendement, l'objectif de la CISR de traiter les demandes dans les délais légaux n'était que de 50 %. Pour le respect de délais légaux, c'est un objectif des plus modestes. Le pire, c'est que les résultats réels n'étaient que de 17 %. Après le dernier afflux de personnes ayant traversé la frontière de façon irrégulière, la vérificatrice générale a déposé un rapport troublant dans lequel elle signale de nombreuses lacunes à la CISR.
    Comme vous en étiez président à l'époque et que vous l'êtes toujours, j'aimerais obtenir des précisions sur la mise en œuvre par la CISR des recommandations de la vérificatrice générale que la CISR a acceptées. La première serait, comme on l'a demandé, de savoir si la CISR a révisé les cibles de rendement utilisées pour faire rapport sur sa capacité d'absorption et sa productivité.
    Je crois que vous avez dit oui dans votre témoignage. Je vous en remercie donc.
    Pourriez-vous nous expliquer comment la CISR a mis en application cette recommandation?
    Oui, je le peux. Très rapidement...
    Pourriez-vous nous remettre le document à titre d'information?
    Je serai heureux de déposer nos plans opérationnels pour l'année ainsi que nos objectifs de rendement, oui.
    Merci.
    La vérificatrice générale a découvert...

  (1355)  

    Merci.
    Votre temps est écoulé, monsieur Maguire.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Lalonde.
    Madame Lalonde, vous avez deux minutes et demie. Vous pouvez y aller.

[Français]

    Je veux d'abord remercier tous les témoins d'être ici.
    J'aimerais obtenir une clarification, au profit de tout notre groupe.
    Monsieur Wex, je crois que vous avez parlé de 50 000 personnes. Qui sont ces gens? S'agit-il uniquement de ceux qui empruntent le chemin Roxham ou de tous ceux qui demandent l'asile au Canada?

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je ne veux vraiment pas parler de la charge de travail d'IRCC et de l'ASFC; je peux seulement parler de celle de la CISR. Encore une fois, ces deux organisations sont en amont dans le système et nous sommes en aval. Il y a un décalage de 6 à 12 mois.
    Je peux dire au Comité que de janvier à novembre de cette année, nous avons reçu un total de 47 600 demandes d'asile. Nous avons un arriéré d'environ 66 000 dossiers, dont le tiers sont en suspens, comme je l'ai dit plus tôt.
    À titre de précision, monsieur Wex, ces chiffres reflètent-ils la totalité des demandeurs d'asile au Canada?
    Oui, ce sont ces chiffres que je cite. Nous avons reçu 47 000 demandes à la CISR cette année, provenant tant des personnes qui traversent régulièrement la frontière que de celles qui la traversent de façon irrégulière. IRCC aurait un nombre différent de demandes.
    Pour que tout soit bien clair, la Commission ne fait aucune distinction dans son processus décisionnel entre les demandeurs réguliers et les personnes qui franchissent la frontière de façon irrégulière. Pour la décision qu'elle a à rendre, c'est sans conséquence. Cela a d'autres conséquences dans l'ensemble du système dont nous discutons. Je tiens à ce que ce soit clair.
    Je suis heureuse de l'entendre, car c'est très pertinent dans cette discussion.
    Pour poursuivre, vous êtes responsable d'accorder le statut de réfugié aux demandeurs d'asile qui arrivent au Canada. À ce titre, pouvez-vous dire au Comité comment la CISR s'est modernisée et a innové dans l'exercice de ses responsabilités envers les demandeurs d'asile qui sont arrivés par le chemin Roxham depuis le début de la pandémie, s'il vous plaît? Avez-vous connu des revers pendant cette période?
    Pour ce qui est des diverses mesures prises pour composer avec l'afflux au chemin Roxham, nous en avons introduites un certain nombre au cours des dernières années. Nous sommes très attentifs aux progrès accomplis ces dernières années au chemin Roxham.
    Je tiens également à souligner que, pour le formulaire Fondement de la demande d'asile, qui est notre formulaire principal, nous avons prolongé les délais de dépôt et aussi prévu une période transitoire — qui doit être remplie — en reconnaissance du fait que la pression est telle au chemin Roxham qu'il est difficile pour beaucoup de ces demandeurs d'avoir accès à un avocat...
    La présidente: Je suis désolée de vous interrompre. Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?
    M. Richard Wex: ... aussi rapidement qu'auparavant. Ce n'est que l'une des nombreuses mesures qui ont été prises.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Brunelle-Duceppe pour 90 secondes. Allez‑y, je vous prie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais, si possible, que vous répondiez par oui ou par non.
    Est-ce un crime de demander de l'argent à des gens pour leur faire traverser la frontière?
    Je m'adresse aux gens de la GRC.
    Parlez-vous de gens qui demandent de l'argent à des personnes aux États‑Unis?
    L'application de la loi est différente pour nos partenaires américains. Ils n'ont pas les mêmes pouvoirs. Au Canada, par exemple, si une personne commet ou veut commettre une infraction aux États‑Unis, nous pouvons porter des accusations. Aux États‑Unis, les choses ne fonctionnent pas de la même façon; il y a des nuances.
    Je ne peux donc pas commenter la manière dont les Américains appliqueraient la loi dans ce cas.
    Selon les lois canadiennes, c'est un crime de demander de l'argent à quelqu'un pour lui faire traverser la frontière, n'est-ce pas?
    Cela correspond à faciliter le passage, alors c'est effectivement un acte criminel.
    Est-ce que la GRC a soumis des demandes aux autorités américaines pour que les gens qui commettent ces crimes soient arrêtés?
    Comme je le disais, les Américains n'ont pas le même cadre législatif. Cela dit, nous sommes constamment en communication.
    Je comprends. Vous n'avez donc pas encore trouvé le moyen d'arriver à ces fins.
    Êtes-vous inquiets de voir de plus en plus de ces fourgonnettes blanches arriver sur le chemin Roxham?
    Il y en a un bon nombre, mais il faut comprendre que la dynamique a beaucoup changé au fil des ans. Parmi ces gens, il y a aussi des organismes de bienfaisance qui offrent leur aide.
    Bref, il devient parfois compliqué de départager les deux.
    Excusez-moi de vous bousculer un peu, je ne veux pas être impoli, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
    Monsieur Wex, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer quel était le processus à suivre pour faire une demande d'asile à partir des États‑Unis, avant l'entrée en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs?

[Traduction]

    Voulez-vous dire aux États-Unis?

[Français]

    Avant l'entrée en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs, quel était le processus à suivre pour les gens en provenance des États‑Unis qui venaient faire une demande d'asile au Canada?

  (1400)  

[Traduction]

    D'après ce que je comprends — je me trompe peut-être —, le processus serait le même. Il n'y aurait pas d'accord obligeant que la personne soit renvoyée aux États-Unis pour procéder au traitement de...
    Je suis désolée de vous interrompre. Le temps de M. Brunelle-Duceppe est écoulé.
    Nous passons maintenant à Mme Kwan.
    Madame Kwan, vous avez 90 secondes, après quoi nous aurons terminé avec ce groupe de témoins.
    Merci.
    Pour poursuivre dans la même veine, avant l'Entente sur les tiers pays sûrs, les gens traversaient régulièrement la frontière. Est‑ce exact?
    Ma question s'adresse à M. Wex.
    Oui. À ce que je sache, c'était certainement le cas pour la vaste majorité d'entre eux.
    Merci.
    Pour ce qui est des projections de la CISR et du nombre d'arrivants que vous prévoyez... Pour traiter les demandes d'asile à la CISR, quel niveau de financement pensez-vous sera nécessaire pour éviter les retards et l'arriéré que nous avions auparavant?
    À l'heure actuelle, comme vous le savez, notre niveau de financement est établi sur la base de 50 000 demandes par année. Nous nous attendons à en recevoir environ 75 000 cette année. C'est donc un accroissement de 25 000 demandes, qui ajoutera six mois à nos délais de traitement.
    Chaque tranche de 10 000 dossiers d'écart entre notre capacité d'absorption et notre capacité de traitement coûte à la CISR environ 45 ou 50 millions de dollars par année. Telle est, pour l'essentiel, notre formule de financement. On peut faire le calcul.
    À l'heure actuelle, il y a un écart de plus de 10 000.
    Merci beaucoup.
    Quand j'ai été élue pour la première fois, en 2015, il y avait un énorme arriéré à la CISR. Il y avait toute une série de problèmes, notamment un manque de ressources financières, ainsi que des niveaux insuffisants de dotation en personnel. Pendant des années, la CISR n'embauchait les gens qu'à temps partiel.
    Est‑ce maintenant terminé? La CISR a‑t‑elle embauché des gens à temps plein et dans des postes permanents pour traiter les demandes?
    Merci beaucoup de la question.
    Grâce aux crédits accordés dans le budget de 2022, nous serons en mesure de rendre permanents environ 1 000 ETP à la CISR, postes qui étaient auparavant financés à partir de crédits provisoires dans le cadre des budgets de 2018 à 2020.
    Nous sommes actuellement en phase de stabilisation. Ces dernières années, pour plus de la moitié, nos effectifs étaient des temporaires. Les investissements du gouvernement nous permettront maintenant de stabiliser l'organisation, ce qui revêt une grande importance pour le recrutement, le maintien des effectifs, le moral des employés et la productivité.
    Merci.
    Sur ce, le temps prévu pour ce groupe de témoins tire à sa fin.
    Au nom de tous les membres du Comité...
    Allez‑y, monsieur Maguire.
    Ce témoignage est d'un très grand intérêt. Je sais que mon collègue et moi-même avons encore plusieurs questions à poser. Je vais les déposer auprès du greffier et demander aux témoins de nous faire parvenir leurs réponses.
    Merci.
    Merci.
    Je remercie tous les témoins de leur comparution devant le Comité. Il serait très utile que vous fassiez parvenir au Comité toute l'information qu'il a demandée. S'il y a quelque chose dont vous n'avez pas pu discuter faute de temps, vous pouvez toujours nous envoyer par écrit vos observations.
    Monsieur Maguire, le greffier enverra ces demandes d'information aux témoins.
    Merci.
    Merci.
    Le temps prévu pour ce groupe de témoins est écoulé.
    La séance est suspendue, le temps de permettre au greffier de vérifier la connexion audio des nouveaux témoins. Deux d'entre eux comparaîtront en virtuel.
    Merci.

  (1400)  


  (1405)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Je remercie tous les témoins de leur comparution devant le Comité.
    Nous accueillons aujourd'hui Me Stéphane Handfield, avocat chez Handfield et associés, avocats qui témoignera à titre personnel. Nous entendrons également M. Yannick Boucher, directeur, Développement stratégique et de la recherche, Accueil liaison pour arrivants, ainsi que Mme Marzieh Nezakat, gestionnaire, Programme d'établissement et d'intégration des réfugiés, Multi-Lingual Orientation Service Association for Immigrant Communities.
    Après avoir entendu les trois témoins, nous passerons aux questions. Nous allons commencer par M. Handfield.
    Monsieur Handfield, vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez‑y, je vous prie.

  (1410)  

[Français]

    Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1992. J'ai été commissaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pendant 11 ans. De 2012 à 2015, j'ai été chargé de cours au Cégep de Saint‑Laurent dans le programme de Techniques administratives, plus particulièrement dans le programme de Service-conseil en immigration.
    Je suis membre de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration et de l'Association des avocats de la défense de Montréal. Je pratique exclusivement dans le domaine du droit de l'immigration chez Handfield et associés, avocats. J'exerce également la fonction d'inspecteur au Service de l'inspection professionnelle du Barreau du Québec.
    J'ai collaboré à l'ouvrage Démantèlement tranquille, paru aux Éditions Québec Amérique en 2018. J'ai écrit deux ouvrages publiés par la maison d'édition Wilson et Lafleur, soit Immigration et criminalité au Canada: quand l'expulsion devient inévitable, paru en 2020, ainsi que Fatima: le parcours d'une réfugiée, paru en 2021.
    Lorsqu'il est question d'accueil des réfugiés, on ne peut passer sous silence l'Entente sur les tiers pays sûrs.
    En vertu de cette entente, une personne qui se présente à un poste frontalier canado-américain verra sa demande d'asile être jugée irrecevable et sera refoulée en territoire américain, à moins qu'elle ne soit visée par une exception prévue par l'Entente, par exemple lorsqu'il s'agit d'un mineur non accompagné ou lorsqu'il y a présence d'un membre de la famille au Canada.
    Cependant, si cette même personne franchit la frontière de façon irrégulière, elle ne sera pas visée par l'Entente sur les tiers pays sûrs et sa demande d'asile sera jugée recevable. C'est la raison qui a incité des milliers de personnes à franchir la frontière de façon irrégulière au cours des dernières années afin de solliciter la protection du Canada. En fait, depuis janvier 2022, 99,3 % de ces entrées se font au Québec.
    En vertu de l'Entente sur les tiers pays sûrs, une personne n'aura pas de droit d'appel devant la Section d'appel des réfugiés en cas de rejet de sa demande d'asile si cette demande a été faite à un poste frontalier terrestre lors d'un passage régulier. En revanche, si cette même personne franchit la frontière par le chemin Roxham, elle aura un droit d'appel en cas de décision négative sur sa demande d'asile par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    En somme, tous les éléments sont réunis afin d'encourager les demandeurs d'asile à franchir de façon irrégulière la frontière: leur demande sera jugée recevable, il n'y aura pas de refoulement aux États‑Unis et ils conserveront un droit d'appel en cas de rejet de leur demande.
    Le gouvernement est au fait de cette situation, qui perdure depuis des années.
    De janvier à octobre 2022, c'est plus de 30 000 personnes qui ont traversé la frontière par le chemin Roxham. Or, si la tendance se maintient, ils seront près de 50 000 d'ici la fin de l'année. Rappelons que le record avait été établi en 2017, alors que 18 836 demandeurs d'asile avaient franchi la frontière de cette façon.
    Au début d'octobre 2022, le maire de New York, Eric Adams, déclarait qu'il s'attendait à recevoir dans sa ville plus de 100 000 migrants expulsés de l'État du Texas. Il précisait qu'environ un tiers de ces migrants voudraient se rendre vers d'autres destinations. On peut donc penser, avec raison, que l'une de ces destinations sera le chemin Roxham. À Portland, dans l'État du Maine, ils sont des centaines de migrants à rêver du chemin Roxham.
    C'est le système, et non les personnes, qu'il faut dénoncer. Ce sont des personnes qui, dans bien des cas, se font exploiter par des passeurs sans scrupules. Il faut savoir accueillir ces gens, mais il faut surtout savoir les intégrer adéquatement et efficacement, selon notre capacité.
    Étant donné la crise du logement, le manque de place dans les centres de la petite enfance, la pénurie de médecins de famille et d'enseignants et les défis de la francisation, jumelés au fait que le système d'immigration craque de toutes parts, certains évoquent une possible crise humanitaire. Aussi, plusieurs demandeurs d'asile se retrouvent, malgré eux, à devoir faire face à l'itinérance.
    Le nombre de demandeurs d'asile qui franchissent la frontière par le chemin Roxham a des conséquences sur les délais de traitement des dossiers, mais également sur le travail même des commissaires à la Section de la protection des réfugiés. Il est question d'ingérence et de détérioration des conditions de travail de ces commissaires.
    Il est maintenant venu le moment de fermer définitivement cet accès irrégulier et non officiel du tristement célèbre chemin Roxham.
    Il est important de souligner que le gouvernement du Canada a le pouvoir de suspendre de façon unilatérale l'Entente sur les tiers pays sûrs, en vertu de l'article 10 de cette entente: « Chacune des parties peut, par avis écrit donné à l’autre, suspendre l’application du présent accord pour au plus trois mois. Une telle suspension peut être renouvelée pour des périodes additionnelles d’au plus trois mois. »
    Par conséquent, le statu quo n'est plus la solution. Un minimum de volonté politique s'impose. Il est plus que temps.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1415)  

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Boucher.
    Monsieur Boucher, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire.

[Français]

    Bonjour.
    Nous saluons vraiment l'initiative d'aujourd'hui, qui permet de rapporter au Parlement la situation des personnes ayant choisi le Canada comme refuge sécuritaire, comme il vient d'être mentionné.
    Comme l'ont exposé les autres intervenants avant moi, les enjeux et les défis vécus par les demandeurs d'asile tout au long de leur trajectoire d'établissement ont de nombreuses incidences, à la fois humaines, économiques et, surtout, structurelles. On peut penser ici, par exemple, à l'accès à un emploi, à un logement, aux services juridiques, aux soins de santé, aux services à la petite enfance, et j'en passe.
    En tant qu'organisme de première ligne en matière d'immigration et d'intégration depuis 38 ans, nous vous présenterons aujourd'hui une synthèse de nos observations sur le terrain concernant la réalité québécoise des demandeurs d'asile.
    Notre objectif est de vous proposer quatre pistes d'action qui faciliteraient grandement l'intégration des demandeurs d'asile: premièrement, favoriser l'accès à des emplois de qualité, notamment par l'attribution d'un permis de travail dès l'arrivée; deuxièmement, faciliter l'accès à des services psychosociaux et de santé pour les demandeurs d'asile logés dans les hôtels fédéraux du Québec; troisièmement, mettre sur pied une campagne de sensibilisation portant sur le Programme fédéral de santé intérimaire, ou PFSI; et quatrièmement, développer des modèles d'hébergement transitoire pour faciliter l'accès au logement.
    Tout d'abord, pour favoriser l'accès à des emplois de qualité, nous sommes convaincus de l'importance de soutenir les initiatives visant à valoriser les compétences des demandeurs d'asile et à sensibiliser les employeurs à leur potentiel dans un contexte sans précédent de pénurie de main‑d'œuvre. Rappelons que le terme « demandeurs d'asile » est un statut qui ne dit rien de la trajectoire professionnelle de ces personnes.
    D'ailleurs, notre organisme, avec le soutien de Services Québec, tiendra le premier salon de l'emploi pour demandeurs d'asile, le 13 décembre prochain. C'est une belle occasion pour ceux-ci de sortir des réseaux d'emplois informels qui les vulnérabilisent. C'est très important de le mentionner.
    Même si nous tenons à saluer la mise sur pied d'une nouvelle mesure temporaire afin d'accélérer la délivrance de permis de travail, des interrogations demeurent. Selon la politique d'intérêt public, pour obtenir un numéro d'assurance sociale, les personnes doivent avoir en main leur document du demandeur d'asile. Pourront-ils tout de même avoir un numéro d'assurance sociale sans le document du demandeur d'asile, sachant qu'un demandeur d'asile peut attendre un an avant de passer une entrevue de recevabilité pour obtenir ce fameux document? Auparavant, cette entrevue était faite le jour de l'arrivée du demandeur d'asile ou dans les 24 heures suivantes. C'est une année d'attente qui contribue au travail au noir plutôt qu'à nos entreprises en besoin de main-d'œuvre.
    Ces longs délais de traitement entraînent des conséquences sur la santé psychologique des demandeurs d'asile. Nous observons une montée de l'anxiété et de la détresse en raison des démarches administratives, notamment celles liées aux services juridiques, qui sont présentement sous pression au Québec. Une incertitude vient donc s'ajouter aux traumatismes liés à l'expérience vécue par les demandeurs d'asile dans leur pays d'origine et à la longue route qui les a menés au Canada.
    Nous soulevons ici la nécessité pour les demandeurs d'asile logés dans les hôtels fédéraux au Québec de recevoir des services psychosociaux et de santé, au même titre que les demandeurs d'asile hébergés dans le cadre du Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile, ou PRAIDA, une initiative provinciale.
    De plus, nous proposons de mettre sur pied, à l'intention des employés de première ligne du réseau de la santé, une campagne de sensibilisation à l'existence du Programme fédéral de santé intérimaire, qui est méconnu au Québec. Ce programme remplit un vide de service en offrant une couverture d'assurance. Nous proposons également la création d'outils de référence auxquels les agents administratifs du réseau pourraient se référer pour bien comprendre les couvertures médicales. De tels outils simplifieraient la compréhension des procédures du PFSI.
    Une plus grande cohérence entre le PFSI et la Régie de l'assurance maladie du Québec viendrait également faciliter le traitement et éviterait l'abandon du PFSI par certains professionnels jugeant le processus de remboursement trop lourd. La méconnaissance du PFSI par les fournisseurs de services entraîne des conséquences directes sur la santé déjà précaire des demandeurs d'asile.
    En dernier lieu, nous considérons que l'élaboration de modèles d'hébergement transitoire de six mois à un an, en complément de l'hébergement temporaire d'accueil du PRAIDA, viendrait soutenir les demandeurs d'asile dans leur démarche de recherche de logement. Le Québec est la seule province à offrir un hébergement temporaire à l'arrivée. Or, comment peut-on obtenir un logement en trois semaines sans historique de crédit ni références d'anciens propriétaires, et ce, dans un contexte de crise du logement abordable?
    La montée de l'itinérance chez les demandeurs d'asile est une manifestation concrète de la difficulté d'accès à des logements abordables dans la métropole. Les modèles de logement transitoire peuvent servir de tampon à la sortie des hébergements d'accueil en permettant aux demandeurs d'asile de mieux comprendre les règles locatives et de se bâtir un historique de location.
    Je vais terminer là-dessus.
    Je suis disposé à répondre à vos questions.
    Merci.

  (1420)  

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de notre troisième témoin, Mme Nezakat.
    Allez‑y, je vous prie. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
     Je m'appelle Marzieh Nezakat et je suis gestionnaire de l'installation et de l'intégration des réfugiés à MOSAIC.
     MOSAIC est l'un des plus grands organismes à but non lucratif au Canada qui offre des services aux immigrants, aux réfugiés et aux autres communautés dans la province de la Colombie-Britannique et à l'étranger par l'entremise de programmes en ligne. MOSAIC est également l'un des plus grands organismes financés par la province au service des demandeurs d'asile, en partenariat avec d'autres organismes de la Colombie-Britannique.
    À MOSAIC, je supervise des programmes qui desservent environ 2 000 demandeurs d'asile chaque année. Je supervise également le système d'aiguillage et de gestion des données en matière de logement des demandeurs d'asile de la Colombie-Britannique, BC CHARMS, le premier du genre dans l'Ouest canadien. Ce système centralisé d'aiguillage en matière de logement à l'échelle de la province vise à relier les demandeurs d'asile à un logement sûr et abordable dans toute la province.
    Aujourd'hui, j'aimerais prendre le temps de souligner certaines des expériences des demandeurs d'asile desservis par MOSAIC en ce qui a trait à leur sécurité et à leur santé.
    En 2021, à Noël, j'ai reçu un appel de la Croix-Rouge au sujet d'une famille de 11 personnes qui avaient franchi la frontière de façon irrégulière et qui avaient été interceptées par la GRC. Elles étaient couvertes de boue, affamées, avaient été dépouillées et étaient à la recherche d'un abri et de nourriture.
     Une jeune femme dans la vingtaine, qui avait franchi la frontière de façon irrégulière et n'avait pas été interceptée, avait réussi à se rendre au bureau de MOSAIC en fin d'après-midi. Elle était trempée et grelottait, demandant sans cesse dans sa langue maternelle si nous allions la renvoyer à la frontière ou si elle allait être expulsée.
    Après avoir traversé la frontière de façon irrégulière et avoir été interceptée par la GRC, une femme enceinte de sept mois, dont le mari avait été expulsé vers les États-Unis, a été orientée vers MOSAIC pour obtenir de la nourriture et un abri. Elle a ensuite été appelée au bureau de l'ASFC, où elle a été détenue pendant la nuit, puis renvoyée aux États-Unis. Sa cousine nous a parlé plus tard de sa situation difficile au centre de surveillance de l'immigration la nuit précédant son renvoi.
     Une mère célibataire et trois jeunes enfants ont été trouvés par de policiers dans les rues de Vancouver vers minuit. Un agent du service de police de Vancouver avait des liens avec une église qui les a accueillis pour la nuit avant de les envoyer à MOSAIC.
    Au cours des deux derniers mois, MOSAIC a reçu deux familles qui, comme l'indique l'ETPS, n'étaient pas admissibles à présenter une demande au Canada. En raison d'une mesure d'exclusion leur interdisant de rentrer au Canada pendant un an, ces deux familles ont franchi la frontière de façon irrégulière et se sont adressées à MOSAIC pour obtenir de l'aide.
    Le traumatisme que ces familles ont vécu avec leurs jeunes enfants est inimaginable, d'autant plus que bon nombre de ces personnes ont peut-être été victimes de la traite des personnes pour se rendre au Canada. Pour ces demandeurs d'asile, le fait de ne pas être admis, la culpabilité et la honte d'avoir franchi la frontière de façon irrégulière et que leur demande d'asile a été rejetée a des répercussions.
    Selon les statistiques d'IRCC, pour la période allant de janvier à octobre de cette année, le nombre de demandeurs d'asile interceptés par la GRC en Colombie-Britannique a augmenté de 133 % par rapport à la même période l'an dernier, et de 30 % par rapport à la période prépandémique en 2019 dans le cas des demandeurs d'asile qui ont franchi la frontière sans être interceptés ou sans avoir présenté une demande dans un bureau intérieur.
    Lorsqu'ils soumettent une demande aux points d'entrée officiels, les demandeurs peuvent immédiatement présenter une demande de soutien du revenu, qui est reçu dans un délai de moins de trois semaines, et obtenir leur entrevue d'admissibilité dans un maximum de deux mois. S'ils sont jugés admissibles, ils peuvent s'attendre à recevoir un permis de travail en l'espace de trois ou quatre mois. Cependant, lorsqu'on présente une demande dans un bureau intérieur, le processus de demande prend des mois de plus et les demandeurs se retrouvent sans soutien du revenu. De plus, l'octroi des permis de travail peut prendre jusqu'à 18 mois, ce qui fait qu'il est presque impossible de gagner sa vie.
    Compte tenu de ces inconvénients, pourquoi les demandeurs d'asile courent-ils le risque de franchir la frontière de façon irrégulière? La réponse, c'est le risque d'être expulsés vers les États-Unis ou d'y être renvoyés. La majorité des personnes qui traversent la frontière ont épuisé leurs ressources financières pour se rendre de leur pays d'origine, passer dans des pays transitoires, se rendre en Amérique du Sud pour finalement passer par les États-Unis et atteindre le Canada.
    Comme ils ne peuvent pas obtenir un permis de travail dans un délai raisonnable, ils doivent demander l'aide de la collectivité ou des organismes d'aide à l'établissement ou, en dernier recours, travailler illégalement, ce qui, en soi, est une tout autre histoire, car ils sont exposés à la discrimination, à la stigmatisation et à toutes sortes d'abus potentiels de la part d'employeurs.
    En terminant, je tiens à rappeler au Comité et à la collectivité concernés que, malgré tous les défis auxquels font face les demandeurs d'asile, ils ont contribué et continuent de contribuer immensément au tissu social du Canada. MOSAIC reconnaît que la demande d'asile est un droit de la personne, tout comme les principes humanitaires d'impartialité, d'indépendance et de neutralité que nous recherchons dans nos pratiques quotidiennes.
    Merci encore de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.

  (1425)  

    Merci, madame Nezakat, de votre déclaration préliminaire.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous aurons une série de questions de cinq minutes chacune. Nous passerons ensuite à huis clos pour discuter des travaux du Comité pendant les 10 dernières minutes.
    Nous allons commencer notre série de questions avec M. Berthold.
    Monsieur Berthold, vous avez cinq minutes pour votre tour de questions. Veuillez commencer.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    D'entrée de jeu, je tiens à remercier les membres du Comité de me donner l'occasion aujourd'hui de prendre la parole et de poser des questions.
    Que cela se fasse par le chemin Roxham ou ailleurs au Canada, comme Mme Nezakat vient d'en parler, l'immigration irrégulière est une préoccupation majeure. On parle ici de gens qui traversent la frontière de manière irrégulière. Ce qu'on oublie toujours, c'est qu'il s'agit d'abord et avant tout de personnes et de familles qui ont vécu des moments difficiles et qui ont fait des choix difficiles avant de décider de venir s'établir au Canada. Ce sont des histoires humaines, d'abord et avant tout. Malheureusement, on oublie un peu trop souvent cette réalité, dans tout le processus.
    Je peux confirmer que, dans nos bureaux de circonscription, nous entendons tous les jours des histoires tristes. Je pense à un exemple récent où une personne, qui était entrée au Canada par le chemin Roxham avec sa famille et qui s'était bien intégrée à la communauté, vient de recevoir un ordre d'expulsion. Cela me porte à dire que nous avons probablement des problèmes sur le plan de l'accueil des gens; nous ne les recevons pas comme il faut.
    Le chemin Roxham est une solution de rechange sur laquelle vous ne semblez pas d'accord, monsieur Handfield, puisque vous demandez que l'on suspende l'Entente sur les tiers pays sûrs. Concrètement, qu'est-ce que la suspension de cette entente changerait pour les gens qui traversent la frontière de façon irrégulière?
    En fait, les gens vont pouvoir se présenter à un poste de contrôle officiel, que ce soit au Québec ou à n'importe quel autre endroit sur le territoire canadien.
    À cause de cette entente, les demandeurs d'asile n'ont d'autre choix que de passer par le chemin Roxham, sinon leur demande sera jugée irrecevable et ils seront refoulés en sol américain. La suspension de l'Entente redirigera ce flux de demandeurs d'asile vers les postes de contrôle officiels, où ils vont pouvoir être pris en charge adéquatement par les autorités canadiennes, non seulement au Québec, mais sur l'ensemble du territoire canadien, comme cela se faisait, d'ailleurs, avant l'entrée en vigueur de l'Entente en 2002.
    C'est justement ce qui m'inquiète. Actuellement, notre capacité d'accueil n'est pas à la hauteur. On l'a vu et tous les témoignages le démontrent: nous ne sommes pas capables d'accueillir plus de personnes.
    Corrigez-moi si je me trompe, mais je crains que la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs n'envoie un message disant que la frontière au Canada est ouverte, qu'on peut passer partout, que c'est le temps d'y aller, et que des passeurs ou d'autres personnes mal intentionnées un peu partout aux États‑Unis et jusqu'en Amérique du Sud profitent de cette occasion. Malheureusement, je ne crois pas que le Canada soit en mesure de recevoir autant de personnes en si peu de temps.
    Messieurs Handfield et Boucher, j'aimerais que vous me donniez à tour de rôle vos commentaires à cet égard.
    En fait, le message qui est envoyé aux gens présentement, c'est qu'ils peuvent venir au Canada par le chemin Roxham. Présentement, rien n'empêche des milliers de migrants, peu importe où ils se trouvent, de venir au Canada par ce chemin. Le message qu'on envoie, c'est qu'ils peuvent venir au Canada, mais qu'au lieu de le faire par la voie régulière, ils peuvent le faire de façon irrégulière, parce qu'ils auront ainsi plus de droits, dont un droit d'appel.
    Ce que vous dites, c'est qu'on va ouvrir encore plus de portes pour avoir beaucoup plus de citoyens.
    Non, ce n'est pas cela. En fait, on va répartir les demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire canadien, comme on le faisait avant.
    Comme vous le savez, l'article 10 de l'Entente permet au gouvernement de suspendre unilatéralement l'application de l'entente pendant une période d'au plus trois mois, et la suspension peut être renouvelée pour d'autres périodes d’au plus trois mois à la fois. Alors, le gouvernement peut très bien suspendre l'Entente et voir comment cela se passe sur le terrain. Par la suite...
    Je comprends cela, monsieur Handfield. Excusez-moi de vous interrompre, mais mon temps de parole s'écoule vite.

  (1430)  

    D'accord, je comprends.
    Je veux m'assurer que l'on comprend bien.
    J'ai peur que le message qu'on envoie ne crée un afflux de demandeurs d'asile. Pour éviter cela, il faudrait que ce soit jumelé à une campagne pour expliquer aux gens le processus à suivre pour être bien reçu au Canada.
    Je reviens sur le cas en particulier que j'ai cité plus tôt. Cela prend énormément de temps avant qu'un demandeur d'asile sache si sa demande est acceptée ou non. En effet, la réponse peut arriver deux ou trois ans plus tard. En tant qu'avocat, vous savez que cela peut être très long. Or, ce n'est pas facile pour un demandeur d'asile de recevoir un verdict négatif et de devoir retourner dans son pays d'origine, après avoir vécu d'espoir pendant si longtemps. Je rappelle qu'on parle ici d'êtres humains. C'est abominable de faire vivre des situations comme celles-là à des gens qui espèrent trouver une terre d'accueil au Canada.
    Le temps file rapidement, mais j'aimerais entendre vos commentaires, monsieur Boucher.
    Je suis quand même un peu d'accord avec mon homologue. Je ne suis pas certain que le Canada soit dans l'incapacité d'accueillir d'autres personnes. Le Canada n'accueille même pas 5 % des réfugiés à l'échelle de la planète, et ce chiffre a diminué au fil des ans.
    Personnellement, je pense que c'est une bonne idée de répartir le fardeau, pour que la responsabilité soit partagée entre les provinces au lieu d'être concentrée au Québec. En ce moment, les ressources du Québec sont asphyxiées. Tous les intervenants du Québec sont à bout de souffle, présentement.

[Traduction]

     Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Boucher. Le temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. El‑Khoury.
    Monsieur El‑Khoury, vous avez cinq minutes pour votre tour de questions.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins.
    Ma première question s'adresse à Mme Nezakat.
    Madame Nezakat, je vous remercie de votre témoignage. Les exemples que vous avez donnés étaient vraiment touchants. Cela brisait le cœur de les écouter.
    J'aimerais vous demander pourquoi vous pensez qu'il y a eu une telle augmentation du nombre de personnes qui utilisent les services de votre organisme, MOSAIC.

[Traduction]

    MOSAIC a toujours reçu de nombreux demandeurs d'asile, comme je l'ai mentionné. Nous sommes l'un des principaux organismes en Colombie-Britannique qui travaillent auprès des demandeurs d'asile. Nous offrons un éventail précis de services aux demandeurs d'asile. Comme n'importe quelle autre organisation, nous avons enregistré une baisse du nombre de demandeurs d'asile pendant la pandémie de COVID‑19, mais lorsque les frontières ont ouvert en novembre 2021, nous avons commencé à recevoir beaucoup plus de demandeurs d'asile.
    Comme je l'ai dit — et j'ai donné les statistiques concernant la Colombie-Britannique —, le nombre de personnes qui tentent maintenant de franchir la frontière de façon irrégulière et qui sont interceptées par la GRC a augmenté. Je crois que l'une des raisons est... Comparativement aux deux dernières années, maintenant que la pandémie de COVID‑19 est derrière nous et que les frontières sont ouvertes, les chiffres ont augmenté par rapport à la période prépandémique, mais pas à un niveau sans précédent.
    L'une des principales raisons de cette augmentation serait la crise des réfugiés partout dans le monde. Quand on compare la situation mondiale d'aujourd'hui à celle d'il y a trois ans, on constate que de nombreuses crises se produisent dans le monde, de sorte que de plus en plus de gens voudraient demander l'asile au Canada. Je considère que c'est l'une des principales raisons de cette augmentation.

[Français]

    D'après vous, qu'est-ce qui pourrait être fait afin que les gens soient moins incités à recourir à des manières irrégulières pour franchir notre frontière?

[Traduction]

     En notre qualité d'organisme offrant des services d'établissement, nous serions vraiment en faveur d'un processus de demande respectueux de la dignité pour les demandeurs d'asile. Nous savons tous que, lorsqu'ils tentent de franchir la frontière de façon irrégulière, cela va à l'encontre du respect de la dignité.
    Si l'on pouvait donner des signes d'encouragement aux demandeurs d'asile, ou leur garantir que s'ils franchissent de façon régulière la frontière aux points d'entrée officiels, ils seront traités plus rapidement et dans la dignité et qu'ils pourront rester au Canada s'ils sont jugés admissibles, ils ne mettraient pas vraiment leur vie en danger ni celle des membres de leur famille, en traversant des forêts, comme nous le voyons aujourd'hui. Il faut donner à ces gens la certitude ou l'assurance que s'ils traversent de façon régulière aux points d'entrée officiels, ils ne seront pas renvoyés ou déportés. Ils devraient faire ce qui est plus sûr pour eux et les membres de leur famille, et avec un peu plus de dignité, bien sûr.

[Français]

    Merci, madame Nezakat.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Boucher.
    Monsieur Boucher, vous avez mentionné l'existence d'un programme de santé qui est méconnu des intervenants du Québec. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce que notre gouvernement peut faire afin de maximiser les bénéfices dans cette province?

  (1435)  

    Il s'agit du Programme fédéral de santé intérimaire, qui est un programme d'assurance couvrant certains services de santé. C'est un peu l'équivalent de la Régie de l'assurance maladie du Québec.
    Dans le réseau de la santé du Québec, il y a une énorme méconnaissance de ce programme. Le personnel de première ligne n'a pas l'habitude de recevoir des personnes ayant le statut de demandeur d'asile. Lorsque la situation se présente et qu'un demandeur d'asile veut obtenir des soins d'urgence, le personnel n'est pas au courant de la marche à suivre. Les demandeurs d'asile ne sont pas admissibles à la Régie de l'assurance maladie du Québec. En revanche, ils sont admissibles au PFSI, mais il doit y avoir une inscription au préalable.
    Ce que le gouvernement fédéral peut faire, véritablement, c'est lancer une campagne de sensibilisation et élaborer des outils pour que les gens comprennent bien les procédures à suivre. Il faudrait agir en amont, de sorte qu'un certain nombre de professionnels de la santé soient déjà inscrits sur la liste de ce programme fédéral. Ainsi, les demandeurs d'asile qui se présentent dans nos hôpitaux pourraient être pris en charge rapidement, au lieu qu'ils soient refusés et qu'ils attendent que leur état de santé requière des soins de toute urgence avant de revenir à l'hôpital.

[Traduction]

    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Boucher. Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Brunelle-Duceppe, pour cinq minutes.
    Monsieur Brunelle-Duceppe, vous pouvez commencer.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins qui sont présents pour la deuxième heure de notre réunion.
    Monsieur Handfield, la semaine passée, j'ai demandé à la sous-ministre d'IRCC de me dire comment fonctionnait le processus de demande d'asile pour les gens en provenance des États‑Unis, avant la mise en place de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Elle a été incapable de me répondre. Aujourd'hui, les représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada que nous avons reçus n'ont pas été capables de répondre à cette même question, pas plus que les représentants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    Premièrement, trouvez-vous cela normal, que ces hauts fonctionnaires ne soient pas capables de répondre à cette question?
    Deuxièmement, pouvez-vous me dire comment cela se passait, avant la mise en place de l'Entente en 2004?
    Vous comprendrez que je ne peux pas faire de commentaires sur ce qu'ils savent ou non. Cependant, ayant été commissaire à la CISR pendant 11 ans, je peux vous dire ce que je sais.
    Avant l'entrée en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs, les gens en provenance des États‑Unis qui voulaient demander l'asile se présentaient à un poste de contrôle officiel, c'est-à-dire à n'importe lequel des postes frontaliers se trouvant sur le territoire canadien, que ce soit en Colombie‑Britannique, en Ontario, au Manitoba ou au Québec.
    Ils entraient donc par la grande porte et étaient accueillis dignement, plutôt que d'entrer par la petite fenêtre arrière qu'est le chemin Roxham aujourd'hui.
    Ils étaient accueillis par l'Agence des services frontaliers du Canada et le gouvernement canadien, et ils n'avaient pas à dormir dans des roulottes sur le bord d'une autoroute.
    Certaines personnes pensent que la suspension de l'Entente sur les tiers pays sûrs entraînerait une immense augmentation du nombre de demandes d'asile. Comme vous avez pu le voir, certains députés s'inquiétaient de cela.
    Premièrement, y a-t-il des études qui prouvent cela?
    Deuxièmement, j'aimerais entendre votre opinion là-dessus. Pouvez-vous expliquer clairement l'effet qu'une suspension de l'Entente aurait sur le volume de demandes d'asile?
    Personnellement, je n'ai pas connaissance d'études qui démontrent que la suspension de l'Entente ferait qu'on recevrait 100 000, 200 000 ou 300 000 nouveaux demandeurs d'asile annuellement.
    Il faut regarder ce qui se passait à l'époque, avant l'entrée en vigueur de l'Entente sur les tiers pays sûrs. On ne recevait pas des flots disproportionnés de demandeurs d'asile. C'était sensiblement similaire d'une année à l'autre. Je ne vois donc pas en quoi la suspension de l'Entente aggraverait la situation, bien au contraire.
    Je rappelle que, jusqu'à maintenant en 2022, 99,3 % des entrées irrégulières de demandeurs d'asile se sont faites par le chemin Roxham. C'est donc pratiquement l'entièreté des entrées irrégulières au Canada qui se fait par le chemin Roxham. Si l'Entente était suspendue, les demandeurs d'asile ne seraient plus concentrés en cet endroit. De plus, les gens ne seraient plus obligés de faire affaire avec des passeurs. On oublie que les demandeurs vont dépenser des dizaines de milliers de dollars pour faire affaire avec des passeurs sans scrupules pour qu'ils les conduisent au chemin Roxham. Au lieu de cela, les demandeurs d'asile pourraient tout simplement se présenter à n'importe quel poste de contrôle sur l'ensemble du territoire canadien et être pris en charge adéquatement et dignement par les autorités canadiennes, comme cela se faisait auparavant.
    J'essaie de comprendre ce qui se passe. Dans ce dossier, la plupart des experts comme vous en la matière, des associations d'avocats en droit de l'immigration, des associations de défense des migrants ou des organismes communautaires me disent qu'il faut absolument suspendre l'Entente. Pourtant, le gouvernement refuse de le faire. Depuis quatre ans, on nous dit qu'on veut la moderniser, mais il ne se passe toujours rien.
    Selon vous, pourquoi le gouvernement n'agit-il pas? A-t-il peur de froisser les Américains?
    Il est difficile de répondre à cette question.
    Je travaille sur le dossier du chemin Roxham depuis 2017. Il faut rappeler la position du gouvernement dans ce dossier. À l'été 2020, à la suite d'une contestation, la Cour fédérale a invalidé l'Entente sur les tiers pays sûrs. Le gouvernement aurait pu, à ce moment, prendre acte de la décision et agir en conséquence. Au contraire, il a interjeté appel. Cela s'est rendu jusque devant la Cour suprême et on attend la décision, qui devrait être prise dans les prochaines semaines.
    Pourquoi le gouvernement ne bouge-t-il pas sur cette question, alors que tous les intervenants militent en faveur de la suspension de l'Entente? Comme je l'ai dit au départ, l'article 10 de l'Entente permet au gouvernement de suspendre celle-ci pour une période de trois mois, et ce, de façon unilatérale, sans même avoir besoin de l'autorisation du gouvernement américain. Il serait donc très facile pour le gouvernement de suspendre l'Entente et d'observer comment les choses se passent sur le terrain. Si jamais l'appréhension de certains se concrétisait et que le Canada devait recevoir 100 000 ou 200 000 nouveaux demandeurs d'asile, le gouvernement pourrait alors décider de rétablir l'Entente. Il se pourrait aussi que la situation demeure stable.
    On pourrait faire cela. Pourquoi ne le fait-on pas? Il faudrait poser la question au ministre.

  (1440)  

    Nous la lui avons posée, d'ailleurs, et nous n'avons pas eu de réponse. En fait, il nous a répondu qu'il prévoyait une augmentation du nombre de demandeurs d'asile. Cependant, comme vous l'avez dit, on pourrait toujours suspendre l'Entente pour trois mois et, au besoin, la rétablir par la suite.
    On nous dit qu'on travaille sur une modernisation de l'Entente et qu'on négocie avec les Américains. Selon vous, la suspension de l'Entente ne serait-elle pas une façon d'accélérer les négociations avec les Américains...

[Traduction]

     Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Brunelle-Duceppe.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Handfield.

[Traduction]

    Merci. Votre temps est écoulé, monsieur Brunelle-Duceppe.
    Nous allons maintenant terminer notre table ronde par Mme Kwan.
    Madame Kwan, vous avez cinq minutes pour vos questions. Vous pouvez commencer, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous les témoins de leurs exposés.
    Je vais poursuivre dans la même veine que M. Handfield.
    En ce qui concerne l'Entente sur les tiers pays sûrs, certains diront que les États-Unis sont un pays sûr et que, par conséquent, les gens qui essaient de se rendre au Canada en toute sécurité sont à la recherche du meilleur pays d'asile.
    Je me demande ce que vous en pensez. Quelle est la situation actuelle pour les demandeurs d'asile aux États-Unis?

[Français]

    Je pense que c'est une erreur que de comparer les deux systèmes d'octroi de l'asile. La situation aux États‑Unis est fort différente de celle au Canada. Le Canada est beaucoup plus ouvert et a des critères beaucoup plus souples permettant de reconnaître le statut de réfugié à une personne. Je vous donne quelques exemples.
    D'abord, il y a l'orientation sexuelle. Une personne qui solliciterait l'asile aux États‑Unis sur la base de son orientation sexuelle ne pourrait pas être reconnue comme une personne réfugiée par le tribunal américain de l'immigration. À l'inverse, au Canada, l'appartenance à ce qu'on appelle un groupe social particulier est un motif pour être reconnu comme réfugié.
    Il y a aussi le fait, pour une personne, de craindre certains groupes criminels dans son pays d'origine. Ce n'est pas un motif reconnu aux États‑Unis, alors que ce l'est au Canada. Ce sont évidemment des différences importantes.
    Il y a également des différences en ce qui concerne la détention des migrants. Au Canada, c'est l'exception: on détient les migrants dans un centre de détention de l'immigration conçu à cet effet, qui accueille les femmes, les enfants et les familles. Aux États‑Unis, les migrants qui sollicitent l'asile sont plutôt détenus dans des prisons de droit commun, aux côtés de criminels, et parfois même de criminels endurcis, comme des meurtriers.
    Les deux systèmes sont complètement différents. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Cour fédérale a invalidé l'Entente, en 2020. On considérait que le système était différent et que les États‑Unis, contrairement à ce qu'on pouvait penser, n'étaient pas un tiers pays sûr pour les personnes qui craignaient la persécution si elles devaient retourner dans leur pays d'origine.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant m'adresser à la représentante de MOSAIC, Mme Nezakat.
    On met beaucoup l'accent sur le chemin Roxham, bien sûr, en raison du nombre de personnes qui franchissent la frontière de façon irrégulière. En Colombie-Britannique, nous avons aussi des chiffres.
    Avez-vous une idée des répercussions sur les personnes qui franchissent la frontière de façon irrégulière en Colombie-Britannique?
    Merci beaucoup de cette question.
    Comme je l'ai dit un peu plus tôt, quand des migrants franchissent la frontière de façon irrégulière et ne sont pas interceptés, ils doivent présenter une demande dans un bureau au Canada. Advenant le cas, tout le processus de demande d'asile est beaucoup plus difficile et plus long en raison de l'arriéré existant du côté de l'aide juridique. Il faudrait parfois un ou deux mois pour qu'un demandeur d'asile puisse commencer à travailler avec ses avocats pour présenter sa demande. Ensuite, il faudra un certain temps pour obtenir un soutien du revenu, et l'octroi des permis de travail peut prendre jusqu'à 18 mois, et même plus.
    Pendant ce temps, ils n'ont pas vraiment d'autres ressources financières et le stress de ne pas avoir de statut légal, le fait de ne pas connaître les résultats de leur entrevue d'admissibilité et le risque que leur demande soit rejetée et qu'ils soient jugés inadmissibles après plus d'un an de présence au pays exercent beaucoup de pression sur les demandeurs d'asile. Nous recevons chaque semaine des demandeurs d'asile qui ont besoin de services de counselling et de séances individuelles pour les traumatismes qu'ils vivent. Ils sont stressés.
    Nous voyons des familles qui sont séparées parce qu'elles ne peuvent plus supporter la pression en raison de l'incertitude. Cela a des répercussions sur les demandeurs d'asile.

  (1445)  

    Merci.
    Est‑ce que MOSAIC reçoit des fonds fédéraux pour offrir un soutien aux demandeurs d'asile?
    C'est une très bonne question.
    En Colombie-Britannique, tous les services destinés aux demandeurs d'asile ne sont financés que par la province.
    Il n'y a qu'un seul programme financé par le gouvernement fédéral, par IRCC, qui s'appelle Vers un chez-soi. C'est seulement pour certaines maisons de transition. Nous n'avons pas beaucoup de maisons de transition pour les demandeurs d'asile en Colombie-Britannique. C'est un petit programme, alors je dirais que presque tout le financement vient du gouvernement provincial et non d'IRCC.
     Donc, effectivement, toute cette pression est refilée à la province. C'est la même chose au Québec, au Manitoba et en Colombie-Britannique.
    Étant donné que l'immigration, même s'il s'agit de demandeurs d'asile, est une question qui relève du gouvernement fédéral, diriez-vous que le gouvernement fédéral devrait aider les provinces à gérer la situation et, bien sûr, le faire pour des raisons humanitaires?
    Je ne sais pas vraiment pourquoi le gouvernement fédéral ne finance pas les services aux demandeurs d'asile en Colombie-Britannique — c'est une question à laquelle je n'ai pas de réponse —, mais, bien sûr, je dirais que oui.
    Je suis désolée de vous interrompre, madame Nezakat, mais le temps de parole de Mme Kwan est écoulé.
    Sur ce, nous allons clore cette deuxième partie de la réunion.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'avoir comparu devant le Comité et d'avoir fourni des renseignements importants.
    Si vous voulez porter quelque chose à l'attention du Comité, vous pouvez toujours le faire par écrit et l'envoyer à la greffière. Ce sera distribué aux membres du Comité avant de mettre la dernière main au rapport.
    Sur ce, cette deuxième partie de la réunion tire à sa fin. Je remercie tous les témoins. Ils peuvent partir.
    Je demande aux membres du Comité de se déconnecter de la séance publique, puis de se reconnecter pour la séance à huis clos afin que nous puissions nous occuper des travaux du Comité.
    Sur ce, la séance est suspendue.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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