La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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7. Le Président et les autres présidents de séance de la Chambre

Le Président de la Chambre

Historique

La présidence de la Chambre des communes est étroitement liée, plus encore que toute autre charge parlementaire, à l’histoire de cette institution. Elle remonte à 600 ans au moins, presque aux origines du Parlement lui-même.

Grande-Bretagne

C’est sir Thomas Hungerford qui a été le premier président de séance à porter le titre de « Speaker », en 1377 [1] . Son prédécesseur, sir Peter de la Mare, élu en 1376, semble être le premier représentant des Communes à avoir été choisi par les membres de l’assemblée [2] . À l’origine, le Président servait d’abord et avant tout de porte-parole de la Chambre des communes dans ses rapports avec la Chambre des lords et la Couronne [3] . À une époque où le roi jouissait d’une influence et d’un pouvoir considérables et où les prérogatives de la Chambre étaient encore mal définies, et subordonnées à celles du souverain, le Président était tout autant le représentant des intérêts royaux (il était d’ailleurs perçu comme « l’homme du roi ») que le serviteur de la Chambre [4] . L’année 1642 marque la fin de l’influence de la Couronne sur le Président; c’est à ce moment-là en effet que Charles Ier, accompagné d’une escorte armée, a traversé la barre de la Chambre, s’est assis dans le fauteuil du Président et a réclamé la reddition de cinq leaders parlementaires accusés de trahison. Tombant à genoux, le Président William Lenthall lui a répondu par ces paroles désormais célèbres, qui définissent depuis lors le rôle de la présidence par rapport à la Chambre et à la Couronne :

Qu’il plaise à Votre Majesté, je n’ai d’yeux pour voir et de langue pour parler que selon le bon plaisir de la Chambre, dont je suis ici le serviteur; et j’implore humblement le pardon de Votre Majesté si je ne puis Lui fournir d’autre réponse à ce qu’Elle juge bon de me demander [5] .

En même temps qu’ils sonnaient le glas de l’influence de la Couronne sur la présidence, les propos du Président Lenthall marquaient le début de l’autorité du gouvernement sur cette dernière. La présidence est devenue dès lors une charge très convoitée par les membres du parti au pouvoir, et utilisée pour promouvoir la politique de ce parti. La Chambre autorisait le Président, qui occupait souvent un poste au gouvernement, à participer couramment aux débats et à fixer l’ordre du jour des séances en choisissant les projets de loi qui devaient être étudiés, de même que le moment où ils le seraient. À son entrée en fonction, le Président Arthur Onslow (1728-1761) a toutefois desserré les liens entre la présidence et le gouvernement, et établi les normes d’indépendance et d’impartialité qui sont aujourd’hui associées à cette charge. Estimant que la corruption généralisée parmi les membres du gouvernement minait la dignité du Parlement, il appliquait à la lettre les règles de procédure et arbitrait avec impartialité les travaux des Communes. Dès le milieu du dix-neuvième siècle et le mandat du Président Shaw-Lefevre (1839-1857), le principe selon lequel le Président devait s’abstenir de toute activité politique était bien établi. Tout au long du dix-neuvième siècle et même après le début du vingtième, la Chambre a modifié périodiquement ses règles pour investir le Président de pouvoirs considérables visant à empêcher les incidents d’obstruction et de désordre, établissant ainsi solidement la tradition d’une présidence non partisane.

C’est également pendant le mandat du Président Shaw-Lefevre que le principe de la continuité de la présidence a commencé à s’appliquer. Dès son élection, le Président renonce à toute affiliation partisane; lorsqu’il cherche à se faire réélire, il se présente à titre de Président de la Chambre. Aucun Président de la Chambre des communes britannique qui cherchait à se faire réélire dans sa circonscription n’a été battu; il est arrivé que des Présidents affrontent un ou plusieurs adversaires nommés par d’autres partis [6] . À sa retraite, le Président est nommé à la Chambre des lords et reçoit une pension en guise de dédommagement pour son renoncement à la vie politique active [7] .

Canada

Comme dans le système parlementaire britannique, le Président de la Chambre des communes du Canada fait office de porte-parole et de président de séance de la Chambre. La situation historique et les attributs de la présidence sont toutefois nettement différents dans les deux pays.

Au Canada, les relations entre la Couronne, le Sénat et la Chambre des communes étaient clairement établies dès la Confédération. Contrairement à ce qui s’est passé en Grande-Bretagne pendant plusieurs siècles, le Président de la Chambre n’a donc pas été mêlé ici à de longues discussions constitutionnelles sur son rôle. Le mode de nomination et le rôle du Président ont été définis clairement dans la Loi constitutionnelle de 1867 et, plus tard, dans la Loi sur le Parlement du Canada et le Règlement de la Chambre des communes [8]. En outre, les partis politiques et le gouvernement de parti ont toujours figuré dans le paysage de la Chambre, au Canada, tandis que les Communes britanniques ont vu le système de gouvernement de parti évoluer pendant 150 ans, depuis la fin du dix-septième siècle [9] . Dès la fin du dix-neuvième siècle, elles avaient conféré à leur Président des pouvoirs discrétionnaires qui lui permettaient de mettre fin aux manœuvres dilatoires des groupes minoritaires à la Chambre.

Contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne, où le principe de la continuité de la présidence est solidement établi, le mandat du Président de la Chambre se limite généralement ici à une ou deux législatures [10]. Cette question a toutefois été soulevée à maintes reprises au Canada, tant à la Chambre que devant ses comités [11] ; sur la trentaine de Présidents qui se sont succédé depuis la Confédération, deux seulement sont demeurés en fonction pendant plus de deux législatures (le Président Lemieux, de 1922 à 1930, et le Président Lamoureux, de 1966 à 1974, ont tous deux assuré la présidence de trois législatures [12]). Le record de longévité à la présidence appartient au Président Lamoureux, qui a assumé cette charge pendant neuf ans.

Le Président vient presque toujours des rangs du parti ministériel [13]  et, bien qu’il évite toute activité politique partisane, il ne coupe pas complètement les liens avec son parti. Seul le Président Lamoureux (1966-1974) a choisi de se libérer de toute affiliation partisane; après avoir démissionné du Parti libéral, il a remporté les élections générales de 1968 et de 1972 à titre de candidat indépendant. En 1968, ni le Parti libéral ni le Parti progressiste-conservateur n’ont présenté de candidats contre lui; le Nouveau Parti démocratique avait toutefois déjà nommé un candidat avant l’annonce de sa décision de se présenter comme indépendant. En 1972, il a cependant dû affronter des candidats du Nouveau Parti démocratique et du Parti progressiste-conservateur.

Ces dernières années, certains changements ont contribué à consolider et à rehausser le prestige de la présidence de la Chambre. En 1968, l’ordre de préséance officiel des dignitaires canadiens [14]  a été modifié de manière à porter le Président de la Chambre des communes de la dixième à la septième position, immédiatement après le gouverneur général, le premier ministre, le juge en chef du Canada, les anciens gouverneurs généraux, les anciens premiers ministres et le Président du Sénat [15] . Depuis le milieu des années 1970, la rémunération et les indemnités associées à la présidence sont comparables à celles d’un ministre [16] . Par ailleurs, la règle qui permettait depuis longtemps de porter les décisions du Président en appel devant la Chambre a été retirée du Règlement en 1965 [17] . Desrègles provisoires adoptées le 27 juin 1985 et rendues permanentes en juin 1987 prévoient en outre l’élection du Président par scrutin secret [18] .

Dispositions habilitantes

La Loi constitutionnelle de 1867 établit la charge de Président de la Chambre des communes, précise le mode d’élection de son titulaire et certaines de ses fonctions, et prévoit que celui-ci n’a le droit de voter que s’il y a égalité des voix, auquel cas il bénéficie d’un « vote prépondérant » [19] .

La Loi sur le Parlement du Canada fixe le traitement du Président et énumère certaines de ses responsabilités administratives, par exemple la présidence du Bureau de régie interne, l’organisme auquel la loi confie la responsabilité de toutes les questions de politique financière et administrative touchant la Chambre des communes [20] . La Loi stipule également que le vice-président, ou tout autre député désigné par le Président, peut assurer la présidence de la Chambre en l’absence de ce dernier [21] . Elle prévoit en outre que le Président et les autres membres du Bureau de régie interne demeurent en fonction à la dissolution du Parlement, pour assurer l’administration de la Chambre, jusqu’à l’ouverture de la nouvelle législature [22] .

Un certain nombre d’autres lois ont aussi une incidence sur le rôle et les responsabilités du Président de la Chambre. Par exemple, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales établit le rôle du Président dans la nomination de deux commissaires à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de chaque province [23] , dans le dépôt des rapports de ces commissions et dans la présentation d’oppositions éventuelles [24] . La Loi sur les langues officielles stipule par ailleurs que, en cas d’absence ou d’empêchement du commissaire aux langues officielles, le gouverneur en conseil peut lui nommer un remplaçant après consultation des Présidents des deux chambres par le premier ministre [25] .

Certaines lois imposent en outre au Président la responsabilité de recevoir des rapports et autres documents et de les déposer à la Chambre [26]. D’autres, comme la Loi sur le transport du grain de l’Ouest, la Loi sur les mesures d’urgence, la Loi sur l’administration de l’énergie, la Loi d’urgence sur les approvisionnements d’énergie, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur l’aide au développement international (institutions financières) et la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui autorisent le Parlement à confirmer, à révoquer ou à modifier les décrets-lois par voie de résolution adoptée après un débat à la Chambre, imposent également au Président certaines obligations spécifiques à cet égard [27].

Le Règlement de la Chambre précise les fonctions du Président à titre de président de séance de la Chambre des communes et énumère d’autres tâches administratives, dont la plupart sont assumées, sous sa direction, par le Greffier et le sergent d’armes [28] .

Rôle de la présidence en matière de procédure

La Chambre fixe ses propres règles, établit ses propres pratiques et décide elle-même de ses travaux. C’est d’elle que la présidence tient son autorité, et le titulaire du poste de Président peut, à juste titre, être considéré comme son représentant et son conseiller spécialisé sur toutes les questions de forme et de procédure [29] . Il faut faire la distinction entre la fonction de Président et le titulaire du poste, lequel exige le soutien et l’estime de la Chambre pour s’acquitter de sa charge. L’autorité et les responsabilités du Président en tant que président de séance de la Chambre des communes découlent en bonne partie de la Constitution et des règles écrites de la Chambre.

Les fonctions du Président de la Chambre des communes consistent à concilier les droits et les intérêts de la majorité et de la minorité à la Chambre afin de veiller à la conduite efficiente des affaires publiques, de même qu’à la défense et à la protection des intérêts de toutes les parties de la Chambre contre l’application d’un pouvoir arbitraire [30] . C’est dans cet esprit que le Président, à titre de principal serviteur des Communes, doit appliquer les règles en vigueur. En effet, le Président est au service non pas d’une partie de la Chambre ou d’une majorité de ses députés, mais de l’institution tout entière et de ses meilleurs intérêts, fixés dans ses pratiques au fil des générations.

Malgré l’autorité considérable que détient le Président, il ne peut exercer que les pouvoirs que lui confère la Chambre, dans les limites établies par cette dernière. Lorsqu’il rend ses décisions sur les questions de procédure, le Président s’en tient strictement à ce principe, qui établit les paramètres de son autorité et fournit dans certains cas une indication des questions que la Chambre peut juger bon d’examiner [31] .

Protection des droits et privilèges

Le Président est le gardien des droits et privilèges de la Chambre des communes, en tant qu’institution, et des députés qui la composent [32] . À l’ouverture de chaque législature, la Chambre est convoquée dans la salle du Sénat, et le Président nouvellement élu s’adresse à la Couronne ou à son représentant afin de réclamer pour les Communes la reconnaissance de tous leurs droits et privilèges [33] . Ceux-ci demeurent valables jusqu’à la dissolution du Parlement, et un nouveau Président élu pendant une législature n’a pas à les réclamer de nouveau [34] . La liberté de parole est sans doute le plus important des privilèges accordés aux députés; elle constitue :

[…] un droit fondamental, sans lequel ils ne pourraient remplir convenablement leurs fonctions. Cette liberté leur permet d’intervenir sans crainte dans les débats de la Chambre, de traiter des sujets qu’ils jugent pertinents et de dire tout ce qui, à leur avis, doit être dit pour sauvegarder l’intérêt du pays et combler les aspirations de leurs électeurs [35] .

Ce droit n’est toutefois pas absolu; il est assujetti à certaines restrictions issues de la pratique, de la convention et des règles adoptées par la Chambre. Par exemple, le Règlement fixe certaines limites quant à la durée des discours; de plus, en vertu de la convention relative aux affaires en instance judiciaire, il est convenu que les députés évitent de discuter de questions soumises à la considération d’un juge ou d’un tribunal [36]. Il incombe au Président de protéger la liberté de parole de tous les députés et de leur permettre de l’exercer dans toute la mesure du possible; pour ce faire, il doit notamment veiller à l’application des règles et pratiques de la Chambre, de même qu’au maintien de l’ordre et du décorum [37] . Chaque fois qu’un député signale à la Chambre une atteinte possible à l’un des droits ou privilèges, le Président doit déterminer s’il s’agit d’une question de privilège fondée de prime abord [38] . Dans la pratique, lorsqu’on lui soumet une question de privilège, le Président peut intervenir pour rappeler au député le rôle que doit jouer la présidence et pour lui demander de se limiter à la présentation des faits nécessaires pour prouver que la question soulevée est effectivement une question de privilège fondée de prime abord [39] . D’autres députés peuvent être autorisés à participer à la discussion si le Président le juge opportun, et la question n’est prise en considération par la Chambre que quand celui-ci déclare qu’il s’agit bel et bien d’une question de privilège fondée de prime abord [40] .

Maintien de l’ordre et du décorum

En tant qu’arbitre des travaux des Communes, le Président a pour fonction de préserver l’ordre et le décorum à la Chambre et de régler toutes les questions de procédure qui peuvent s’y poser. Le Règlement prévoit que, lorsqu’il rend une décision sur une question d’ordre ou de procédure, le Président doit indiquer l’article du Règlement ou l’autorité applicable en l’espèce [41] .

Il peut arriver que le Président rende sa décision rapidement, en ne fournissant qu’un minimum d’explications [42] . Mais, à d’autres moments, les circonstances ne lui permettent pas de le faire immédiatement. Il peut permettre la discussion sur le rappel au Règlement avant de trancher [43] , tout comme il peut réserver sa décision et en faire part à la Chambre ultérieurement [44] . Une fois cette décision rendue, la question ne peut plus faire l’objet d’un débat. Il est cependant déjà arrivé que le Président décide de modifier ou de clarifier une décision antérieure [45] .

L’obligation de maintenir l’ordre et le décorum à la Chambre [46]  s’assortit de vastes pouvoirs concernant par exemple la tenue vestimentaire et le comportement des députés à la Chambre, la conduite des affaires de la Chambre, les règles du débat, et les perturbations sur le parquet de la Chambre et dans les tribunes. Le Président dispose d’un certain nombre de moyens pour veiller au maintien de l’ordre et du décorum :

  • Les règles relatives à la conduite du débat autorisent le Président à rappeler un député à l’ordre si celui-ci persiste à répéter un argument déjà présenté dans le cours du débat, ou à s’éloigner du sujet de la discussion [47] . Le Président peut s’adresser directement au député fautif ou à l’ensemble de la Chambre [48] ; il peutégalement répondre à un rappel au Règlement invoqué par un autre député [49] . Il peut aussi rappeler à l’ordre tout député dont la conduite trouble l’ordre de la Chambre. Par exemple, lorsqu’un député tient des propos non parlementaires, le Président réclame le retrait pur et simple du mot ou de l’expression en cause [50] .
  • Si le Président juge nécessaire d’intervenir pour rappeler un député à l’ordre, il peut décider de donner la parole à quelqu’un d’autre, empêchant ainsi le député pris en faute de poursuivre [51] . Il peut arriver qu’un député rappelé à l’ordre par le Président ne se conforme pas immédiatement aux directives de ce dernier; le Président peut alors lui laisser le temps de reconsidérer sa position et de réfléchir au rôle de la présidence en exerçant sa prérogative de ne pas le « voir » s’il demande la parole [52] .
  • La sanction disciplinaire la plus grave dont le Président dispose pour maintenir l’ordre à la Chambre consiste à désigner par son nom un député qui persiste à ne pas respecter son autorité [53] . Si un député refuse de se comporter selon les règles et les pratiques de la Chambre lorsque le Président lui enjoint de le faire, celui-ci peut désigner ce député par son nom (plutôt que par son titre ou par le nom de sa circonscription, comme le veut la coutume) et, sans mettre la question aux voix, lui ordonner de quitter la Chambre jusqu’à la fin de la journée de séance [54] . Pendant le débat en comité plénier, si un député persiste, malgré les avertissements du président, à troubler l’ordre et refuse de mettre fin à une conduite non parlementaire, le président du comité se lève et fait rapport de ce comportement au Président de la Chambre; il peut agir de sa propre initiative et n’a pas besoin d’une motion du comité pour le faire [55] . Le Président suit ensuite la procédure prévue pour désigner le député par son nom [56]. Le pouvoir du président à cet égard s’étend également au vice-président et au Président suppléant [57] .
  • Le Président dispose également d’un autre moyen pour maintenir l’ordre à la Chambre; il s’agit du pouvoir discrétionnaire d’ordonner aux étrangers — c’est-à-dire à toute personne qui n’est ni député ni fonctionnaire de la Chambre des communes (par exemple les sénateurs, les diplomates, les fonctionnaires du gouvernement, les journalistes et les membres du public) — de se retirer [58] . Cette disposition a déjà été appliquée pour obliger des gens dont la présence causait du désordre à quitter les tribunes [59] . Il est également arrivé que le Président juge bon de rappeler aux spectateurs dans les tribunes le comportement qu’ils devaient adopter [60] . En outre, les règles stipulent que, lorsqu’un député note la présence d’étrangers (ou lorsque la Chambre souhaite siéger à huis clos [61]), le Président peut mettre aux voix la motion suivante : « Que les étrangers reçoivent l’ordre de se retirer [62]  ». Cette motion ne peut pas faire l’objet d’un débat ni d’un amendement et, si elle est adoptée, le Président (avec l’aide du sergent d’armes au besoin) veille à l’évacuation des tribunes [63] .

Décisions sans appel

Le Règlement actuel interdit tout débat sur les décisions du Président, de même que tout appel de ces décisions à la Chambre [64] . Jusqu’en 1965, toutefois — et ce, depuis la Confédération —, tout député mécontent d’une décision du Président sur une question d’ordre pouvait en appeler immédiatement à la Chambre (en présentant une motion non sujette à débat sur la question de savoir si la Chambre confirmait ou non la décision du Président [65] ). Cette disposition était rarement invoquée dans les premières années de la Confédération [66] . Après le début du siècle, cependant, les députés ont commencé à exercer plus souvent leur droit d’appel à la Chambre [67]  et, à partir des années 1920, il se passait rarement une session sans qu’au moins une décision du Président soit portée en appel [68]. Cette pratique a atteint un sommet lors de la session de 1956, avec 11 appels, principalement durant le très litigieux « débat sur le pipeline » [69] . Les chiffres sont à peu près similaires pour les législatures de 1962-1963 et de 1963-1965 [70] . Ce droit d’en appeler des décisions de la présidence a été aboli en 1965, en même temps qu’une série d’autres modifications étaient apportées au Règlement [71] . L’ancien Président Lambert appuyait l’abolition de ce droit d’appel parce qu’« une des principales difficultés en ce qui concerne les travaux du Parlement au cours des 10 dernières années découlait de l’usage étourdi du droit d’appel de la décision [du Président], non sur des points de jurisprudence ou de procédure, mais à des fins politiques » [72] .

Avant 1965, il est arrivé à plusieurs reprises qu’une décision portée en appel ne soit pas maintenue par la Chambre. Dans le premier cas de ce genre, en 1873, la Chambre a renversé une décision du Président sur la recevabilité d’une pétition [73] . Une deuxième décision a été rejetée en 1926, et trois autres en 1963 [74] . Le vote rel.tif à la quatrième décision portée en appel en 1963 ayant entraîné l’égalité des voix, le Président s’est abstenu d’accorder un vote prépondérant et a décrété sa décision maintenue « vu [qu’elle n’avait] pas été rejetée » [75] .

Impartialité de la présidence

Lorsqu’il occupe le fauteuil, le Président incarne le pouvoir et l’autorité associés à sa charge, et confirmés par le Règlement et les précédents. Il doit en tout temps faire preuve, de façon manifeste, de l’impartialité requise pour conserver la confiance et le soutien de la Chambre. Ses actions ne doivent pas être critiquées dans le cours du débat, ni d’aucune autre manière, sauf par la voie d’une motion de fond. Il est arrivé en de rares occasions que des motions de ce genre soient présentées contre le Président [76]  ou d’autres présidents de séance [77] . Les réflexions sur la personnalité ou les actions du Président, par exemple les allégations de partialité, peuvent toutefois être interprétées par la Chambre comme des atteintes à son privilège et sanctionnées en conséquence.

À deux reprises, des éditoriaux publiés dans les journaux ont été jugés diffamatoires à l’endroit du Président; la Chambre a déclaré qu’il s’agissait, dans le premier cas, d’un mépris de ses privilèges [78]  et, dans le deuxième, d’une grave violation de ses privilèges [79] .

En 1981, une ministre s’est plainte d’un commentaire qu’avait fait le chef de l’Opposition à l’endroit du Président Sauvé, et qui constituait d’après elle une attaque contre l’autorité et l’impartialité de la présidence. La ministre a déposé le lendemain une motion à la Chambre réclamant le renvoi de la question au Comité permanent des privilèges et élections. Le chef de l’Opposition ayant retiré son commentaire, l’affaire n’est toutefois pas allée plus loin [80] .

Lors d’un autre incident survenu en 1993, une question de privilège a été soulevée à la suite de remarques désobligeantes d’un député au sujet de l’impartialité du vice-président adjoint des comités pléniers. Le député en question ayant refusé de retirer ses paroles, le Président a décrété que ces commentaires « se rapport[aient] à la dignité de [la] Chambre » et constituaient « une attaque contre l’intégrité » d’un officier de la Chambre. Il a établi qu’il s’agissait donc d’une question de privilège fondée de prime abord et la question a été renvoyée à un comité. Le député s’est rétracté deux jours plus tard à la Chambre [81] .

En 1996, une motion d’initiative parlementaire publiée dans le Feuilleton accusait un député et son parti d’outrage à la Chambre pour avoir tenté de mobiliser l’opinion publique dans le but d’influencer une décision que devait rendre le Président. La motion a été retenue pour faire l’objet d’un débat à la Chambre, mais a été retirée par la suite sans avoir été examinée [82] .

En 1998, un député a soulevé une question de privilège en alléguant que des déclarations attribuées à d’autres députés dans un article de journal (au sujet d’une décision que devait rendre la présidence) constituaient une tentative d’intimidation du Président et de la Chambre elle-même. Le Président a décrété qu’il s’agissait d’une question de privilège fondée de prime abord et renvoyé l’affaire à un comité, qui a examiné la question et conclu que les déclarations attribuées à ces députés « n’avaient pas pour objet de faire outrage à la Chambre des communes ou au Président » et qu’elles n’avaient « pas mis en cause l’intégrité de la Chambre des communes et de son serviteur, le Président » [83] .

Afin de garantir l’impartialité de sa charge, le Président s’abstient de toute activité politique partisane (par exemple, en n’assistant pas aux réunions de son groupe parlementaire). Il ne participe pas aux débats et ne vote qu’en cas d’égalité des voix; son vote est alors prépondérant [84] .

Depuis 1979, le Président, à l’opposé de tous les autres députés, n’a pas de place assignée à la Chambre; cela constitue une indication de plus du fait que dans la pratique, le Président n’a aucun rôle dans les débats, que ce soit à la Chambre ou dans un comité plénier [85].

Bien que la règle selon laquelle le Président doit garder le silence pendant les débats existe depuis 1867, elle n’a pas toujours été appliquée quand la Chambre se réunissait en comité plénier. Pendant les 60 premières années de la Confédération, il est arrivé souvent que le Président participe aux débats dans ces circonstances [86] . En 1927, cette pratique se faisait toutefois de plus en plus rare, et les députés se sont opposés à ce que le Président Lemieux prenne la parole en comité [87] . Par la suite, les Présidents ne sont intervenus qu’exceptionnellement en comité plénier, pour défendre leurs prévisions budgétaires [88] . Depuis 1968, les prévisions budgétaires sont soumises à l’examen des comités permanents, et c’est à cette tribune que le Président continue, à titre de témoin, à défendre les prévisions budgétaires de la Chambre des communes [89] .

Il est déjà arrivé que le Président comparaisse devant des comités de la Chambre, ou même qu’il les préside, habituellement lorsque ceux-ci étudiaient des questions touchant la procédure et la réforme du Règlement [90] . Il se contente toutefois depuis quelques années de témoigner devant les comités permanents qui étudient des questions relevant de sa compétence, par exemple les prévisions budgétaires de la Chambre.

Vote prépondérant

Le Président ne participe pas aux débats et ne vote que s’il est nécessaire de briser l’égalité des voix [91] .

En théorie, il est libre de voter selon sa conscience, tout comme les autres députés; cependant, l’exercice de cette responsabilité pourrait l’obliger à se mêler à un débat partisan, ce qui risquerait d’amener la Chambre à mettre son impartialité en doute. Par conséquent, certaines conventions ont été établies afin de guider le Président (et le président d’un comité plénier) dans les rares cas où il doit user de son droit de vote prépondérant [92] . Plus spécifiquement, le Président vote normalement de manière à maintenir le statu quo, c’est-à-dire que :

  • dans la mesure du possible, il laisse la question en suspens pour que la Chambre puisse l’examiner à nouveau et en discuter plus longuement;
  • lorsque cette option n’est pas applicable, il tient compte du fait que la question pourrait toujours, d’une façon ou d’une autre, revenir à la Chambre et être réglée par une majorité des députés;
  • il laisse le projet de loi tel quel plutôt que de voter de telle sorte qu’il soit modifié [93] .

L’Assemblée législative de la Province du Canada a confirmé ces conventions en 1863; son Président, appelé à exercer son droit de vote prépondérant, a alors fait valoir que la pratique, en cas d’égalité des voix, voulait qu’il garde la question devant la Chambre le plus longtemps possible afin de permettre à cette dernière d’exprimer à nouveau son opinion sur le sujet [94] . Ces conventions n’ont cependant pas toujours été appliquées avec constance, et il existe quelques rares cas où le Président ou le président d’un comité plénier a expliqué les motifs de son vote. Par exemple, il est arrivé que le Président vote pour un amendement de renvoi [95]  proposé à la motion portant troisième lecture d’un projet de loi, afin de garder celui-ci devant la Chambre [96] ; dans un autre cas, le Président a voté contre l’amendement de renvoi pour la même raison (« afin de laisser la question devant la Chambre [97]  »).

Le Président suit la procédure suivante lorsqu’il use de son droit de vote prépondérant : normalement, un député demande le vote par appel nominal et le Président vote lorsque l’annonce des résultats révèle une égalité des voix; il peut exposer ses raisons, qui sont alors consignées dans les Journaux. Il est déjà arrivé que l’égalité des voix ait été annoncée, que le Président vote et qu’on se rende compte plus tard qu’en réalité, il n’y avait pas eu d’égalité. Le Président a donc fait une brève déclaration le lendemain afin d’invalider son vote [98] . Dans un autre cas, avant l’abolition du droit d’appel des décisions du Président, une motion visant à maintenir une décision de la présidence a obtenu l’égalité des voix. Le Président a refusé de voter, en indiquant : « Vu que la décision n’a pas été rejetée, je déclare que ma décision est maintenue. » Ce qui n’a pas été contesté [99] .

Fonctions spécifiques

Des fonctions spécifiques du Président de la Chambre des communes sont décrites ci-dessous; bon nombre des questions de procédure évoquées ici font l’objet d’un examen plus détaillé dans d’autres chapitres.

L’ouverture de la séance :
C’est le Président qui est chargé d’ouvrir les séances de la Chambre une fois le quorum établi [100] . Il prend alors place dans le fauteuil, appelle la Chambre à l’ordre, lit une prière, donne instruction d’ouvrir les portes des tribunes au public et passe à la première affaire du jour. S’il est absent à l’ouverture de la séance, comme cela se produit parfois, la Chambre en est informée par le Greffier, et le vice-président prend place au fauteuil [101] .
La lecture de motions, la mise aux voix et l’annonce des résultats des votes :
Avant qu’il y ait débat sur une affaire, le Président propose la question en lisant la motion sur laquelle la Chambre aura à se prononcer. Lorsque plus aucun député ne se lève pour demander la parole, le Président demande à la Chambre si elle est « prête à se prononcer », afin de déterminer si le débat est clos. Si tel est le cas, le Président met la question aux voix, c’est-à-dire soumet la motion à la décision des députés, et annonce ensuite à la Chambre le résultat du vote [102].
La répartition du temps de parole :
Aucun député ne peut prendre la parole à la Chambre sans y avoir été invité par le Président, que ce soit pendant les débats, les périodes réservées aux questions et observations, la Période des questions ou les autres étapes des travaux de la Chambre. Il existe diverses conventions et ententes officieuses visant à permettre aux députés de tous les partis de participer aux débats; c’est cependant au Président que revient la décision ultime relativement à la répartition du temps de parole [103] .
Les décisions relatives aux questions d’ordre et de privilège :
À titre de président des délibérations des Communes, le Président règle les questions d’ordre et de privilège, et veille au respect des règles et des pratiques de la Chambre [104] . Il doit trancher les questions d’ordre et de privilège au fur et à mesure qu’elles se posent; il ne peut pas le faire par anticipation [105] . Ces questions peuvent lui être soumises par un député, tout comme il peut intervenir lui-même s’il constate une irrégularité [106] . Lorsqu’il rend ses décisions à cet égard, il cite l’article du Règlement ou l’autorité applicable en l’espèce [107] . Il peut arriver qu’il soit appelé à se prononcer sur des situations qui ne sont pas prévues dans le Règlement de la Chambre; il est alors autorisé à fonder ses décisions sur la tradition parlementaire ailleurs qu’à la Chambre des communes du Canada [108] .
Les décisions relatives aux motions :
Le Règlement de la Chambre confère au Président certaines responsabilités relatives aux motions soumises à la considération de la Chambre. Le Président doit intervenir lorsqu’il juge une motion « contraire aux règles et privilèges du Parlement [109]  ». Il doit alors en informer la Chambre le plus tôt possible, avant que la motion soit mise aux voix, et citer l’article du Règlement ou l’autorité applicable en l’espèce. Il ne faut pas confondre cette responsabilité avec le pouvoir général que détient le Président de rendre des décisions faisant autorité sur les questions de procédure. Bien que celui-ci soit le gardien des règles et privilèges de la Chambre, il en est également le serviteur; les députés demeurent donc libres de leurs décisions collectives. Dès lors, si le Président les informe qu’une motion proposée, bien que correcte dans sa forme, est contraire aux principes, aux coutumes ou aux privilèges parlementaires établis, ils sont en mesure de prendre une décision éclairée sur la question en se fondant sur l’information que leur fournit le Président et les sources qu’il leur cite. Cette règle a été adoptée peu après la Confédération [110]  et n’a jamais été invoquée par le Président, malgré diverses tentatives pour l’en persuader [111] .

Les règles de la Chambre permettent également au Président de choisir les amendements qui seront soumis à la Chambre à l’étape du rapport, et de les combiner pour les besoins du débat et du vote [112] . En outre, lorsqu’on a donné préavis de plus d’une motion d’opposition à l&’occasion d’un jour réservé aux travaux des subsides, le Président doit déterminer quelle motion la Chambre examinera en priorité ce jour-là [113] .

La conduite des affaires émanant des députés :
Le Président a la responsabilité générale de prendre toutes les dispositions nécessaires pour veiller au bon déroulement de l’heure réservée aux Affaires émanant des députés chaque jour où la Chambre siège [114] . Il doit alors s’assurer que la Chambre a reçu un préavis de 24 heures sur l’affaire inscrite à l’Ordre du jour de chaque séance [115] , voir à l’organisation des échanges nécessaires dans le cas où le parrain d’une motion ne peut pas être présent lorsque son affaire doit être prise en considération [116]  et refuser tout préavis portant sur une affaire émanant d’un député s’il juge celle-ci substantiellement identique à une autre [117] .
Les projets de loi d’intérêt privé :
Lorsque le Parlement est saisi de projets de loi d’intérêt privé [118] , les personnes qui veulent servir d’agents parlementaires (c’est-à-dire s’employer à promouvoir ces projets de loi ou à s’y opposer) doivent y être autorisés par le Président [119] . Celui-ci a également le pouvoir d’imposer une interdiction temporaire ou absolue pour empêcher une personne de faire office d’agent parlementaire lorsqu’elle n’a pas respecté les règles et les pratiques parlementaires [120] .
Le dépôt de documents :
En vertu des dispositions de certaines lois et du Règlement de la Chambre, le Président reçoit et dépose certains rapports et documents à la Chambre; il peut soit les déposer en cours de séance [121] , soit les remettre au Greffier [122] . Dans les deux cas, le dépôt est consigné dans les Journaux, et le document déposé est réputé renvoyé en permanence au comité permanent compétent [123] . Plus précisément, le Président dépose les documents suivants :
  • À titre de président du Bureau de régie interne (l’organe responsable de toutes les questions financières et administratives touchant la Chambre des communes), le Président doit déposer le compte rendu des délibérations du Bureau [124] , à savoir les procès-verbaux de ses séances tels qu’approuvés par le Bureau [125] . Le Président est également responsable du dépôt des rapports annuels dans lesquels sont consignées les décisions du Bureau concernant les budgets des comités parlementaires [126] . En outre, la Loi sur le Parlement du Canada exige qu’il dépose, généralement auprès du Greffier, tous les règlements administratifs pris par le Bureau dans les 30 jours suivant leur adoption [127] ;
  • La loi prévoit par ailleurs que certains hauts fonctionnaires du Parlement [128]  et de la Commission canadienne des droits de la personne transmettent au Président leurs rapports annuels, de même que tous leurs rapports spéciaux et rapports d’enquête, pour qu’il les dépose à la Chambre [129] ;
  • Au cours du processus décennal de révision des limites des circonscriptions électorales, le directeur général des élections transmet les rapports des commissions provinciales et territoriales de délimitation des circonscriptions électorales au Président, qui les dépose quand la Chambre siège [130] ;
  • Lorsque les résultats d’une élection sont contestés en vertu de la Loi sur les élections fédérales contestées, le Président en est informé et doit transmettre cette information à la Chambre, généralement en début de séance ou peu après [131] . La loi oblige également le Président à informer la Chambre des modifications apportées aux règles des cours suprêmes des provinces, qui font office de cours d’appel pour les affaires de ce genre [132] . Par ailleurs, la Loi relative aux enquêtes sur les manœuvres frauduleuses (qui porte sur les enquêtes concernant les allégations ou les soupçons de corruption ou de pratiques illégales en période électorale) prévoit la création de commissions d’enquête qui doivent présenter leurs rapports au Parlement — en l’occurrence aux Présidents des deux chambres —, et il incombe alors au Président d’en informer la Chambre [133] .
Les débats d’urgence :
Lorsqu’un député demande l’autorisation de proposer l’ajournement de la Chambre en vue de la tenue d’un débat sur une affaire dont l’étude s’impose d’urgence (un débat d’urgence), c’est le Président qui doit décider s’il y a lieu ou non d’accéder à sa requête [134] . Si le débat d’urgence est autorisé, il doit normalement se tenir le jour même, mais le Président peut également, à sa discrétion, le reporter au jour de séance suivant, à une heure donnée [135] . Le débat d’urgence prend fin aux heures prévues dans le Règlement, mais là encore, le Président peut déclarer la motion adoptée et suspendre les travaux de la Chambre jusqu’au jour de séance suivant s’il juge que le débat s’est terminé avant le moment prévu [136] . Une fois en cours, le débat d’urgence a priorité sur toutes les autres affaires; en cas de conflit ou d’incompatibilité avec d’autres règles ou d’autres affaires de la Chambre, la résolution de la question est laissée à l’entière discrétion du Président [137] .
Le rappel de la Chambre :
Lorsque la Chambre est ajournée en cours de session, le Président peut rappeler les Communes avant la date prévue pour leur retour [138] . Il revient toujours à un ministre de prendre l’initiative de demander le rappel de la Chambre (habituellement le leader du gouvernement à la Chambre) et le Président n’a pas l’autorité d’examiner une telle demande provenant de tout autre député. Dans ces circonstances (ou encore durant une prorogation du Parlement ou avant la première session d’une nouvelle législature), et sur réception d’une requête écrite du gouvernement, le Président fait publier un Feuilleton spécial afin d’informer les députés des mesures que le gouvernement souhaite soumettre immédiatement à la Chambre [139] . L’avis de rappel de la Chambre n’est normalement pas retiré; mais il est déjà arrivé que le Président, après avoir reçu une requête de tous les partis reconnus représentés à la Chambre, fasse une déclaration officielle annulant un avis de rappel antérieur [140] .
Les publications parlementaires :
Les documents officiels de la Chambre des communes sont publiés sous l’autorité du Président. Il s’agit notamment des Journaux et de leurs index, des Débats et de leurs index, de même que du Feuilleton et Feuilleton des Avis, du Règlement de la Chambre des communes, des projets de loi et des procès-verbaux et rapports des comités parlementaires [141].
La présidence des comités législatifs :
Le Président a également certaines responsabilités touchant la présidence des comités législatifs [142] . Au début de chaque session, et au besoin par la suite, il doit désigner les députés qui formeront un comité des présidents. Il bénéficie d’une certaine latitude à cet égard; le Règlement précise seulement que ces députés doivent être choisis en nombre proportionnel parmi les membres du parti ministériel et des partis d’opposition, et que les autres présidents de séance de la Chambre font partie de ce comité [143] . Chaque fois que la Chambre autorise la création d’un comité législatif, le Président doit en choisir le président parmi les membres du comité [144] .

Rôle administratif

Le Président est l’administrateur en chef de la Chambre des communes, dont il assure la direction et la gestion générales [145]. Les services administratifs de la Chambre appuient les députés dans l’exercice de leurs fonctions parlementaires, individuellement et collectivement, tout comme l’institution de la Chambre elle-même.

Un des privilèges fondamentaux de la Chambre est qu’elle est autorisée à réglementer elle-même ses affaires internes et qu’elle a compétence exclusive sur ses locaux et les personnes qui s’y trouvent [146] . En vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, toutes les questions de politique administrative et financière touchant la Chambre des communes relèvent du Bureau de régie interne [147] , composé de députés du parti ministériel et des partis d’opposition, et présidé par le Président de la Chambre.

L’administration courante du personnel de la Chambre des communes est confiée au Greffier [148]  et aux hauts fonctionnaires relevant du Greffier et est sujette aux ordres de la Chambre ou du Président [149] . Ce dernier, à titre de président du Bureau de régie interne et principal responsable de la gestion de la Chambre, conserve un rôle primordial dans la gestion des ressources humaines.

Les prévisions budgétaires [150]  de la Chambre des communes sont établies à la demande du Bureau de régie interne; une fois que celui-ci les a approuvées, il incombe au Président de les transmettre au président du Conseil du Trésor pour que ce dernier les dépose avec les prévisions budgétaires des ministères pour l’année financière.

Le Président de la Chambre préside également le comité exécutif, établi par le Bureau de régie interne. Ce comité est responsable de l’application de la politique de gestion et prend toutes les grandes décisions touchant les pratiques administratives générales, la sécurité, et l’administration des ressources humaines et financières [151] .

Le droit dont bénéficie chacune des chambres du Parlement de régler elle-même ses affaires internes s’étend également à la gestion des locaux « dans son enceinte et à l’extérieur de la salle des débats [152]  ». En tant que gardien des droits et privilèges des Communes, le Président doit veiller à ce que ceux-ci soient respectés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Chambre [153] . C’est donc lui qui est responsable de la sécurité et du maintien de l’ordre aux alentours de la Chambre. La sécurité à l’intérieur des immeubles occupés par les députés et le personnel de la Chambre est assurée par le sergent d’armes, qui relève du Président [154]  et qui peut compter pour ce faire sur le service de sécurité de la Chambre. C’est cependant la Gendarmerie royale du Canada (GRC), en vertu des dispositions prises avec le service de sécurité de la Chambre, qui s’occupe de la sécurité sur les terrains entourant les édifices parlementaires. Il peut arriver que le personnel de sécurité de la Chambre demande — et reçoive — l’aide de forces policières de l’extérieur, que ce soit la GRC ou la police locale. Si celles-ci veulent entrer dans les locaux du Parlement, elles doivent cependant y être autorisées par le Président, qui exerce sa discrétion exclusive à cet égard [155] .

À titre d’administrateur en chef de la Chambre, le Président supervise tous les rapports de cette dernière avec les ministères au sujet des questions administratives. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) est le principal ministère chargé de fournir des services centraux et communs au gouvernement et au Parlement du Canada. Les fonctionnaires de la Chambre des communes, sous la direction du Président, travaillent en étroite collaboration avec son personnel pour la prestation de services professionnels et techniques comme la traduction et l’interprétation, l’impression et l’édition, de même que la gestion des édifices du Parlement et des propriétés louées. Par ailleurs, la Commission de la capitale nationale (CCN) est une société de la Couronne qui a pour mission « d’établir des plans d’aménagement, de conservation et d’embellissement de la région de la capitale nationale et de concourir à la réalisation de ces trois buts, afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale [156]  ». C’est la CCN qui est chargée de l’entretien des terrains de la colline du Parlement [157] , et elle parraine beaucoup d’autres activités organisées dans ce lieu historique. Le Président est tout naturellement intéressé à veiller à ce que toutes ces activités tiennent compte de la dignité et de l’autorité de l’institution qu’il représente ainsi que des privilèges des députés, tel le droit d’accès en tout temps à la Chambre des communes et à l’enceinte parlementaire.

Rôle cérémonial et diplomatique

Certaines des responsabilités du Président peuvent être considérées comme étant de nature traditionnelle, cérémoniale ou diplomatique, ce qui met en relief son rôle de représentant des Communes. Le Président est en effet le représentant et le porte-parole de la Chambre des communes dans ses rapports avec le Sénat, la Couronne et les autres organes extérieurs. C’est lui qui communique à la Chambre les messages, la correspondance et les documents qui lui sont adressés [158] .

Lorsqu’il arrive à la Chambre ou qu’il la quitte, le Président est toujours précédé du sergent d’armes, qui porte la masse [159] . L’ouverture de chaque séance de la Chambre est précédée d’une cérémonie appelée « défilé du Président », au cours de laquelle le Président parcourt en cortège les corridors de l’édifice du Centre pour se rendre à la Chambre des communes [160].

Le Président ouvre également la marche chaque fois que la Chambre est convoquée à la salle du Sénat pour y rencontrer la reine, le gouverneur général ou son représentant, c’est-à-dire à l’ouverture de la législature ou de la session [161], et chaque fois qu’a lieu la cérémonie de la sanction royale [162]. À l’ouverture d’une nouvelle législature ou d’une nouvelle session, le discours du Trône est lu dans la salle du Sénat et est ensuite communiqué officiellement aux Communes par le Président. Une fois que la Chambre a terminé son débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône, celle-ci est grossoyée, signée par le Président et présentée en personne au gouverneur général [163].

Le Parlement du Canada entretient également des liens avec les assemblées législatives provinciales et territoriales, de même qu’avec la plupart des parlements étrangers. Dans bien des cas, ces rapports sont assurés par le Président de la Chambre des communes et le Président du Sénat, ou en leur nom.Ces contacts avec les autres parlements et assemblées législatives peuvent prendre la forme d’échanges de lettres, de visites officielles réciproques, ou de séances de formation et de perfectionnement à l’intention du personnel parlementaire.

Le Parlement du Canada participe activement aux échanges internationaux d’idées, d’information et d’expériences entre les parlements du monde, et il est membre de plusieurs groupes d’amitié et associations interparlementaires [164]. Le Président de la Chambre est président honoraire de toutes ces organisations et, avec le Président du Sénat, autorise les crédits budgétaires qui leur sont alloués [165] . Les parlementaires (en tant que délégués, membres ou participants) assistent à des rencontres, à des conférences et à des colloques nationaux, bilatéraux et internationaux organisés par l’entremise de ces associations parlementaires et de ces groupes d’amitié.

En dehors du cadre des associations interparlementaires, le Parlement du Canada participe en outre à divers programmes d’échanges et de coopération avec d’autres parlements du monde, avec l’autorisation et sous la supervision des Présidents des deux chambres. Les programmes d’échanges permettent aux parlementaires d’élargir leurs connaissances, et de discuter de questions d’intérêt mutuel et de sujets d’actualité. Le rôle du Président à cet égard peut consister par exemple à accepter les invitations des autres parlements, à accueillir les délégations de parlementaires en visite, et à participer aux rencontres des présidents d’assemblées législatives du Canada et d’ailleurs.

Pendant une séance, le Président peut attirer l’attention de la Chambre sur la présence de distingués visiteurs à la tribune [166] . En général, il fait cette annonce immédiatement après la Période des questions, bien qu’il l’ait déjà faite avant ou même pendant [167] . Dans la plupart des cas, il salue des visiteurs se trouvant à la tribune du Président [168] . Il n’existe pas de règles écrites ni de lignes directrices officielles visant à définir quel type de visiteurs le Président doit saluer. En pratique, ce sont :

  • les chefs d’État et de gouvernement étrangers, de même que les invités officiels du gouverneur général ou du premier ministre;
  • les délégations parlementaires, les présidents de séance et les ministres des assemblées législatives provinciales et territoriales, ou ceux de pays étrangers;
  • les Canadiens qui se sont distingués dans n’importe quel domaine par des réalisations, des actes ou des réussites d’envergure nationale ou internationale [169] .

Il arrive à l’occasion qu’un visiteur éminent (habituellement un chef d’État ou de gouvernement) s’adresse aux députés et aux sénateurs réunis dans l’enceinte de la Chambre des communes. À titre d’hôte, le Président joue un rôle de premier plan lors de ces cérémonies, dont le déroulement suit un protocole bien établi [170].

L’élection du Président comme pré de séance

L’élection du Président de la Chambre des communes est prévue dans la Constitution [171] . Elle doit se tenir au début de la première session de chaque législature, la présidence de la Chambre étant alors vacante. Une nouvelle élection doit également avoir lieu si le Président démissionne ou annonce son intention de démissionner en cours de législature, ou s’il se produit une vacance pour une autre raison [172] . Cette exigence constitutionnelle sert de fondement aux articles du Règlement qui précisent à quel moment et dans quelles circonstances cette élection doit se dérouler [173] . La plupart des Présidents ont été élus à l’ouverture de la première session d’une nouvelle législature, mais plusieurs autres l’ont été en cours de session, ou encore à l’ouverture de la deuxième session de la législature ou d’une session subséquente [174]. Dans tous les cas, l’élection a priorité sur toutes les autres affaires de la Chambre et ne doit pas être considérée comme une question de confiance envers le gouvernement [175] . Le scrutin peut au besoin se poursuivre après l’heure normale de l’ajournement quotidien, jusqu’à ce qu’un Président soit déclaré élu. La Chambre ne peut être saisie d’aucune autre affaire tant que le scrutin n’est pas terminé et que le nouveau Président n’a pas pris place au fauteuil [176] .

Bien que la Constitution prévoie à quel moment doit se tenir l’élection du Président, le Règlement ne précisait pas avant 1985 par quels moyens cela devait se faire. Entre 1867 et 1985, c’est le Greffier de la Chambre qui présidait à l’élection. En règle générale, le premier ministre proposait un candidat à la présidence en présentant une motion sujette à débat, qui était généralement appuyée par un ministre de premier plan ou, depuis 1953, par le chef de l’Opposition [177]. Après le débat sur cette motion, le Greffier mettait la question aux voix, et le candidat désigné était élu à la majorité des députés présents ou, le plus souvent, à l’unanimité [178] . Le Président élu, affichant une feinte réticence, était ensuite escorté vers le fauteuil par les députés ayant proposé et appuyé la motion visant son élection, après quoi il acceptait sa nomination et la masse était placée sur le Bureau. La coutume voulant que le Président élu se montre hésitant remonte à l’époque des premiers Présidents des Communes britanniques, qui acceptaient leurs nouvelles fonctions avec une réelle réticence [179] .

En 1982, le Comité spécial chargé d’examiner le Règlement et la procédure (le Comité Lefebvre, du nom de son président) recommandait une nouvelle procédure visant l’élection du Président par scrutin secret [180] . Cette recommandation a été mise en œuvre en 1985, après que le gouvernement eut accueilli favorablement une nouvelle recommandation présentée en ce sens par le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le Comité McGrath, du nom de son président) [181] . Le gouvernement avait toutefois suggéré, dans sa réponse au rapport de ce Comité, certains changements qui se sont reflétés plus tard dans les modifications proposées au Règlement et adoptées en juin 1985 [182] . Le nouveau mode de scrutin est entré en vigueur en septembre de la même année, à titre temporaire, et a été appliqué pour la première fois en 1986 lors de la démission du Président Bosley; après 11 tours de scrutin, la Chambre a alors élu John Fraser à la présidence [183] . La longueur de cette élection a suscité des demandes de modification de la nouvelle procédure; c’est ainsi que le Règlement a été modifié de nouveau en 1987, de manière à exclure du tour suivant les candidats ayant reçu 5 p. 100 ou moins des suffrages exprimés. C’est également à ce moment-là que le mode de scrutin secret est devenu permanent [184] . En 1988, le Président Fraser a été réélu au premier tour. Le Président Parent a pour sa part été élu au sixième tour en 1994 et réélu au quatrième tour en 1997.

L’élection du Président par scrutin secret

Lorsque la Chambre se réunit à l’ouverture d’une nouvelle législature, les Communes sont convoquées à la salle du Sénat par un message que leur transmet l’huissier du bâton noir [185] . Précédés du Greffier de la Chambre, les députés se rendent donc au Sénat où un suppléant du gouverneur général [186]  les informe que les motifs de leur convocation ne seront pas divulgués (c’est-à-dire que le discours du Trône ne sera pas lu) « avant que le Président de la Chambre des communes n’ait été choisi conformément à la loi ». Les députés retournent alors à la Chambre et procèdent immédiatement à l’élection du Président.

Tous les députés, à l’exception des ministres et des chefs de parti, sont considérés d’office comme candidats à la présidence [187] . Le Règlement détermine qui doit présider à l’élection du Président [188]  mais ne précise pas si le député qui préside peut aussi être candidat. Lors des quatre élections tenues à ce jour, le député qui présidait s’est volontairement retiré de la liste des candidats de la façon prescrite. Tout député éligible qui ne souhaite pas se porter candidat doit en informer le Greffier par écrit avant 18 heures la veille de la date prévue pour le scrutin [189]  et signer un avis de désistement [190] . Après l’expiration de ce délai, le Greffier établit la liste alphabétique des députés qui ne souhaitent pas se porter candidats ou qui ne sont pas éligibles du fait qu’ils sont ministres ou chefs de parti. Un député qui s’est désisté peut, avant l’expiration du délai, annuler son avis de désistement et rétablir ainsi sa candidature [191] .

Les règles régissant l’élection du Président par scrutin secret passent sous silence bien des aspects du processus électoral. En 1986, quand ont commencé les préparatifs en vue de la première élection par scrutin secret, les questions qui n’étaient pas prévues dans les règles écrites ont été résolues par le Greffier, en consultation avec les leaders parlementaires, et les décisions prises à cette occasion font maintenant partie de la pratique associée à l’élection du Président [192] .

La disposition de la Chambre est légèrement modifiée pour la circonstance. Le Bureau est vidé des objets qui s’y trouvent d’habitude et, bien que le fauteuil du Greffier demeure à sa place, ceux des greffiers au Bureau sont retirés. Une urne est déposée sur une petite table au bout du Bureau, et des isoloirs portatifs sont placés de chaque côté sur le Bureau. Pendant la tenue du scrutin, la masse reste sous le Bureau puisque la présidence est vacante.

Quand l’élection du Président a lieu à l’ouverture d’une législature, elle est présidée par le « doyen de la Chambre », c’est-à-dire le député qui compte le plus d’années de service ininterrompu parmi ceux qui ne sont pas ministres et qui n’occupent aucune charge à la Chambre [193] . Lorsque les députés reviennent du Sénat, le Greffier invite le doyen de la Chambre à s’installer dans le fauteuil à titre de président d’élection. Toutefois, quand l’élection a lieu pendant une législature afin de remplacer un Président qui a annoncé son intention de démissionner, comme cela s’est produit en 1986, c’est le Président sortant qui préside à l’élection [194] . En son absence, lors d’une élection en cours de législature, la tâche revient au vice-président et président des comités pléniers [195] . Le député qui préside à l’élection est investi de tous les pouvoirs de la présidence et a le droit de voter; son vote n’est toutefois pas prépondérant en cas d’égalité des voix [196] .

Comme le prévoit le Règlement, le président d’élection annonce à la Chambre que la liste des députés qui ne souhaitent pas se porter candidats à la présidence ou qui n’y sont pas éligibles peut être consultée au Bureau [197] . Il doit le faire avant le début du scrutin; en même temps, il lit à haute voix la liste des candidats au premier tour (par ordre alphabétique) et indique aux députés qu’ils peuvent consulter cette liste dans tous les isoloirs. Ces deux listes leur ont d’ailleurs déjà été distribuées à leur siège. Il est déjà arrivé que des députés qui ne souhaitaient pas poser leur candidature aient cherché à la retirer après le début du scrutin. Le président d’élection avait alors répondu que, le délai prévu (18 heures la veille) étant expiré, il était impossible de modifier la liste des candidats au moment du premier tour de scrutin, mais que la Chambre tiendrait certainement compte de leur requête [198] . Le scrutin commence quand le président d’élection demande aux députés qui souhaitent voter de quitter leur siège, de se diriger vers le fauteuil du Président en empruntant les corridors situés derrière les rideaux et de se présenter au Bureau en passant par les entrées se trouvant à la gauche et à la droite du fauteuil, selon le côté de la Chambre où ils siègent.

À ces entrées, les greffiers au Bureau qui assistent le Greffier de la Chambre inscrivent les noms des députés et leur remettent un bulletin de vote [199] . Les députés doivent passer par l’entrée située du côté de la Chambre où se trouve leur siège. Une fois en possession de leur bulletin de vote, ils se dirigent vers l’isoloir placé du côté approprié du Bureau. Ils inscrivent en majuscules le prénom et le nom de famille d’un candidat sur le bulletin [200] , déposent celui-ci dans l’urne [201]  et quittent le secteur pour permettre aux autres députés de voter en toute confidentialité.

Lorsque le président d’élection juge que tous les députés qui souhaitaient voter l’ont fait, le Greffier se retire de la Chambre vers une salle voisine afin de compter les votes avec l’aide d’autres greffiers au Bureau. Le sergent d’armes porte l’urne et s’arrête devant le fauteuil pour permettre au président d’élection d’y déposer son bulletin de vote. Le président d’élection annonce alors que les travaux sont suspendus pendant le dépouillement.

Ce dépouillement se fait en secret. Lorsque le Greffier est satisfait de l’exactitude du compte, tous les bulletins de vote et les documents relatifs au vote sont détruits. Le Règlement interdit au Greffier de divulguer par quelque moyen que ce soit le nombre de voix recueillies par chaque candidat [202] . Une fois le dépouillement terminé, la cloche sonne pendant quelques minutes pour convoquer les députés, et le Greffier revient à la Chambre.

Si un député a recueilli une majorité de voix, le Greffier communique son nom au président d’élection, qui déclare alors le nouveau Président élu [203] . Autrement, le Greffier fournit au président d’élection une liste alphabétique des candidats en lice pour le prochain tour de scrutin, qu’il établit comme suit : à partir de la liste originale des candidats, il retire le nom du candidat (ou des candidats, en cas d’égalité) ayant recueilli le moins de voix, de même que de ceux qui n’ont obtenu que 5 p. 100 des voix ou moins [204] . La règle prévoit cependant qu’aucun nom n’est rayé de la liste si tous les candidats ont obtenu le même nombre de voix. Le président d’élection annonce alors qu’un deuxième tour de scrutin sera nécessaire et lit à haute voix les noms des candidats. Tous ceux qui désirent se désister à cette étape peuvent se lever et retirer leur candidature, en expliquant leurs motifs [205] . Le Greffier raye alors leur nom de la liste. Lorsque la liste alphabétique des députés éligibles est prête et placée dans chacun des isoloirs, le président d’élection invite les députés qui souhaitent voter à le faire de la même manière qu’au premier tour.

Le deuxième tour se déroule selon la même procédure que le premier, sauf que les bulletins de vote sont d’une autre couleur. Lorsque le président d’élection juge que tous les députés qui souhaitaient voter l’ont fait, il donne au Greffier l’ordre de procéder au dépouillement du deuxième tour de scrutin. Lorsque le compte est terminé, le Greffier détruit tous les bulletins de vote et les documents qui s’y rattachent, encore une fois pour s’assurer que le décompte reste secret tel qu’exigé par le Règlement.

Le président d’élection convoque alors les députés et leur annonce soit le nom du nouveau Président, soit la tenue d’un troisième tour de scrutin, auquel cas il donne lecture de la liste des candidats éligibles, établie par le Greffier. Les députés qui souhaitent retirer leur candidature à ce moment-là, ou pendant un tour subséquent, peuvent le faire et n’ont pas à donner leurs raisons [206] . Les noms des candidats qui se sont désistés sont alors rayés de la liste des candidats éligibles et, lorsque cette liste est prête, les députés procèdent au vote.

Le scrutin se poursuit ainsi jusqu’à ce qu’un candidat obtienne la majorité des voix ou qu’il n’en reste plus qu’un. Au besoin, la Chambre peut prolonger sa séance au-delà de l’heure normale de l’ajournement, jusqu’à ce qu’un Président soit déclaré élu [207] .

Après avoir annoncé le nom du Président élu, le président d’élection invite ce dernier à prendre place au fauteuil. Il quitte alors l’estrade et escorte le Président élu de son siège jusqu’à l’estrade. Le Président élu peut lui opposer une résistance symbolique [208] .

Le premier geste officiel de chaque Président élu depuis la Confédération a toujours consisté à remercier la Chambre, du haut de l’estrade, pour l’honneur qu’elle vient de lui faire. Ces remerciements commencent par une formule bien établie : « Honorables députés, je tiens à exprimer à la Chambre mes humbles remerciements pour le grand honneur qu’elle a bien voulu me faire en me choisissant comme Président. »

Le Président poursuit généralement en s’engageant à s’acquitter de ses devoirs avec fermeté et impartialité, en soulignant les importantes responsabilités liées à sa charge, en demandant à la Chambre de continuer à lui manifester son appui et sa bonne volonté, et en offrant ses compliments et ses félicitations à ses prédécesseurs, aux autres candidats (lorsqu’il a été élu par scrutin secret), à ses électeurs, à sa famille et à ses collègues députés [209] . Il prend ensuite place au fauteuil. Une fois les isoloirs et l’urne enlevés, le sergent d’armes va chercher la masse (symbole de l’autorité de la Chambre) sous le Bureau, où elle est demeurée tout au long du scrutin, et la pose sur le Bureau, ce qui signifie que la Chambre est dûment constituée maintenant que le fauteuil de la présidence est occupé.

Depuis que le Président est élu par scrutin secret, il est arrivé que des chefs de parti se lèvent pour lui offrir leurs félicitations, leurs bons vœux et leur appui une fois qu’il a pris place au fauteuil et que la masse a été déposée sur le Bureau [210] . Avant 1986, à l’époque où le Président était nommé sur une motion présentée par le premier ministre et déclaré élu lorsque la Chambre adoptait cette motion, le premier ministre et le chef de l’Opposition avaient coutume de faire son éloge dans leurs discours de nomination, mais il ne recevait généralement pas de félicitations après son élection [211] .

Une fois que le nouveau Président a pris place au fauteuil et qu’il a écouté les félicitations de ses collègues, il peut arriver que la Chambre ait dépassé l’heure prévue dans le Règlement pour son ajournement; le Président lève alors la séance jusqu’au lendemain [212] . C’est ce qui s’est produit en 1986; la Chambre a alors siégé jusqu’à 2h30 du matin et a été convoquée de nouveau quelques heures plus tard, dans la même journée, en vue de l’ouverture de la session [213] . En 1988, le Président a été élu après un seul tour de scrutin, et la séance a été suspendue pendant quelques heures jusqu’à l’ouverture de la législature plus tard dans la même journée [214] . À d’autres moments, le Président a été élu avant l’heure normale d’ajournement de la Chambre, qui a suspendu ses travaux jusqu’au lendemain à l’heure prévue pour l’ouverture de la législature [215] .

Pendant l’élection du Président, aucun débat n’est permis, aucune motion n’est acceptée, et aucune question de privilège ne peut être soumise au président d’élection [216] . Il est toutefois déjà arrivé qu’un député invoque le Règlement et que la présidence lui réponde [217] .

À l’heure fixée pour l’ouverture officielle de la législature et la lecture du discours du Trône, la Chambre reçoit la visite de l’huissier du bâton noir et se rend en cortège au Sénat. Le nouveau Président s’avance à la barre du Sénat, prend place sur une petite plate-forme, enlève son tricorne et se fait reconnaître par le gouverneur général, qui est assis sur le Trône. Il s’adresse à lui selon une formule établie :

Qu’il plaise à Votre Excellence,

La Chambre des communes m’a élu Président, bien que je sois peu capable de remplir les devoirs importants qui me sont par là assignés. Si, dans l’exécution de ces devoirs, il m’arrive jamais de faire une erreur, je demande que la faute me soit imputée et non aux Communes, dont je suis le serviteur et qui, en vue de s’acquitter le mieux possible de leurs devoirs envers la Reine et le pays, réclament humblement, par ma voix, la reconnaissance de leurs droits et privilèges incontestables, notamment la liberté de parole dans les débats ainsi que l’accès auprès de la personne de Votre Excellence en tout temps convenable, et demandent que Votre Excellence veuille bien interpréter de la manière la plus favorable leurs délibérations [218] .

Ce à quoi le Président du Sénat, au nom du gouverneur général, fait la réponse traditionnelle :

Monsieur/Madame le Président,

Son Excellence le/la gouverneur(e) général(e) me charge de vous dire que, ayant pleine confiance dans le loyalisme et l’attachement de la Chambre des communes envers la personne et le gouvernement de Sa Majesté, et ne doutant nullement que ses délibérations seront marquées au coin de la sagesse, de la modération et de la prudence, il/elle lui accorde et, en toutes occasions, saura reconnaître ses privilèges constitutionnels. J’ai également ordre de vous assurer que les Communes auront, en toute occasion convenable, libre accès auprès de Son Excellence et que leurs délibérations ainsi que vos paroles et vos actes seront toujours interprétés par lui/elle de la manière la plus favorable [219] .

Le nouveau Président se présente toujours au gouverneur général. Cependant, il ne réclame les privilèges des Communes, en leur nom, qu’à l’ouverture d’une nouvelle législature; ces privilèges ne sont pas renouvelés lorsqu’un nouveau Président est élu avant la fin de la législature [220] .

L’élection du Président en cours de session

Lorsqu’ils doivent élire un Président pendant une session, les députés se réunissent à la Chambre à l’heure habituelle du début de la séance. Le fauteuil est occupé soit par le Président qui a déjà annoncé son intention de se démettre de sa charge [221] , soit, en son absence, par le vice-président et président des comités pléniers [222] . Comme la présidence est vacante, la masse n’est pas sur le Bureau [223] . Le premier ministre informe les députés que le gouverneur général a autorisé la Chambre à se choisir un Président. L’occupant du fauteuil préside alors à l’élection selon la procédure habituelle. Une fois le scrutin terminé, le Président élu est escorté de son siège et fait quelques brèves remarques sur l’estrade avant de prendre place au fauteuil pour la première fois. La masse est alors posée sur le Bureau, et la séance est suspendue quelques minutes jusqu’à l’arrivée de l’huissier du bâton noir. La Chambre est convoquée et se rend à la salle du Sénat, où le Président se présente et se fait reconnaître par le gouverneur général selon la formule traditionnelle [224]. À son retour du Sénat, la Chambre reprend les travaux prévus pour la séance du jour.

Deux seulement des 33 Présidents élus depuis la Confédération l’ont été en cours de session [225] , dans les deux cas avant l’adoption des règles actuelles prévoyant l’élection du Président par scrutin secret. Le Président Bain a succédé en 1899 au Président Edgar, le seul Président mort en exercice, et est demeuré en fonction jusqu’à la fin de la 8e législature, en 1901. Le Président Francis a été élu pour sa part pendant la 32e législature (en 1984) pour succéder au Président Sauvé, qui avait remis sa démission après avoir accepté le poste de gouverneur général du Canada. Les Présidents Bain et Francis ont tous deux présidé la Chambre jusqu’à la fin de la session et de la législature pendant lesquelles ils avaient été élus.

L’élection du Président à l€™ouverture de la deuxième session d’une législature ou d’une session subséquente

Lorsqu’elle doit procéder à l’élection d’un Président dès l’ouverture de la deuxième session d’une législature ou d’une session subséquente, la Chambre se réunit à la date fixée par proclamation. Comme pour l’élection d’un Président en cours de session, le fauteuil est occupé soit par le Président qui a déjà annoncé son intention de se démettre de sa charge, soit par le vice-président, et la masse n’est pas posée sur le Bureau. Le premier ministre demande la parole et annonce que le gouverneur général consent à ce que la Chambre élise un nouveau Président [226] , ce qu’elle fait ensuite selon la procédure établie. Le Président élu est escorté de son siège vers l’estrade, où il fait les remarques et les remerciements habituels avant de prendre place au fauteuil pour la première fois. La masse est ensuite posée sur le Bureau. La séance est normalement levée à ce moment-là, ou peu après, la présentation du Président au gouverneur général et la lecture du discours du Trône ayant lieu le lendemain [227] .

Il est arrivé à six reprises, depuis 1867, que le Président soit élu le premier jour de la deuxième session d’une législature ou d’une session subséquente [228] , chaque fois à la suite de la démission du Président. La dernière fois, en 1986, la démission du Président Bosley est entrée en vigueur le jour de l’ouverture de la deuxième session de la 33e législature, et le Président Fraser est devenu le premier Président élu par scrutin secret, en vertu des nouvelles règles.

Dans ces six cas, la Chambre s’est réunie pour l’ouverture de la session à la date fixée par proclamation. Les cinq fois où la chose s’est produite avant 1986, la Chambre a été immédiatement convoquée au Sénat et informée (comme à l’ouverture d’une législature) qu’elle devait se choisir un Président avant que le discours du Trône puisse être lu [229] . À son retour du Sénat, la Chambre a donc procédé à l’élection d’un Président : le premier ministre, appuyé par un ministre de premier plan, a proposé la nomination d’un député, et (à une exception près [230] ) le candidat proposé a été élu à l’unanimité après une brève intervention du chef de l’Opposition.

La sollicitation des votes

Les règles régissant l’élection du Président par scrutin secret ne contiennent aucune disposition sur le processus de mise en candidature, ni sur la sollicitation des votes [231] . Le comité spécial de la procédure qui avait recommandé la tenue d’un scrutin secret cherchait à donner à la Chambre et à ses députés le plein contrôle sur le choix du Président (pour le soustraire à ce qu’il qualifiait de « contrôle exclusif » du premier ministre), en soulignant que le Président ne relevait pas du gouvernement ou de l’opposition, mais de la Chambre [232] . Le Président Bosley, lorsqu’il a comparu devant le comité en 1985, a exprimé des réserves quant aux chances de succès du système de scrutin secret si l’élection était précédée d’une campagne de style politique [233] .

Certains candidats ont fait campagne à chacune des élections qui se sont tenues jusqu’ici par scrutin secret (1986, 1988, 1994 et 1997), mais toujours officieusement, à l’extérieur de la Chambre, parce que le Règlement n’autorise pas le débat pendant le processus électoral [234] . Ces dernières années, certains députés ont fait valoir que, quand vient le temps d’élire un Président, les nouveaux venus à la Chambre n’ont guère eu le temps ou l’occasion de prendre des renseignements sur tous les candidats [235] . En 1994, certains des partis représentés à la Chambre ont organisé des réunions de groupes parlementaires avant l’élection du Président et y ont invité les divers candidats [236] . Par ailleurs, avant l’élection de 1997, on a suggéré que les intéressés se portent officiellement candidats et participent à une séance de questions et réponses organisée par un des quatre partis d’opposition à l’intention des députés de tous les partis [237] .

Mandat

Le Président est élu dès le début de la législature, avant l’examen de toute autre affaire, et préside les travaux de la Chambre pendant toute la durée de la législature [238] . À la dissolution du Parlement, il est réputé demeurer en fonction, à des fins administratives, jusqu’à ce qu’une nouvelle élection ait lieu [239] . S’il se produit une vacance à la présidence en cours de législature, la Chambre doit élire un nouveau Président sans délai [240]  et ne peut être saisie d’aucune autre affaire tant qu’elle ne l’a pas fait.

Il peut se produire une vacance à la présidence à la suite d’un décès ou d’une démission. Le Président Edgar (1896-1899) est mort en fonction, en juillet 1899, pendant une session. Il était déjà absent de la Chambre depuis quelque temps, pour cause d’indisposition, et le vice-président occupait le fauteuil [241] . Son décès a été annoncé à la Chambre le 31 juillet 1899 par le premier ministre, qui a ensuite proposé une motion d’ajournement de la Chambre. Après une brève intervention d’un député de l’opposition, la motion a été adoptée et la séance a été levée [242] . La Chambre s’est réunie le lendemain à l’heure habituelle et a procédé immédiatement à l’élection d’un nouveau Président [243] .

La présidence peut aussi se libérer lorsque son titulaire annonce son intention de démissionner ou si la Chambre prend les mesures nécessaires pour le relever de ses fonctions. La chose s’est déjà produite également parce que le Président avait accepté un poste qui l’obligeait automatiquement à abandonner son siège à la Chambre.

Il est arrivé trois fois qu’il y ait une vacance à la présidence après que le Président eut signifié par écrit son intention de se démettre de sa charge; il s’agissait du Président Black, en 1935, du Président Sauvé, en 1984, et du Président Bosley, en 1986.

Le Président Black (1930-1935) a informé le premier ministre qu’il comptait quitter la présidence dans une lettre datée du 15 janvier 1935, pendant une prorogation. Le premier ministre en a fait l’annonce à la Chambre à son retour le 17 janvier, à la date prévue pour l’ouverture de la session, et la Chambre a alors procédé à l’élection d’un nouveau Président [244] .

Le Président Sauvé (1980-1984), après avoir accepté le poste de gouverneur général du Canada, a pour sa part annoncé dans une lettre adressée le 6 janvier 1984 au Greffier de la Chambre qu’elle quitterait son poste de députée et la présidence de la Chambre à minuit, le 15 janvier 1984. La Chambre, qui s’était ajournée le 21 décembre, a repris ses travaux le 16 janvier, et le Greffier a lu cette lettre. La Chambre a alors procédé à l’élection du Président Francis [245] .

Le Président Bosley (1984-1986) a quitté la présidence en 1986. Ses préoccupations touchant l’érosion du respect de la population pour le Parlement étaient bien connues, et il était d’avis qu’il serait mieux placé pour contribuer à la réforme de cette institution en tant que simple député, laissant ainsi la Chambre tout à fait libre de se choisir un Président selon le nouveau mode d’élection par scrutin secret [246] . Il a donc écrit au Greffier le 5 septembre 1986, pendant une prorogation du Parlement, pour lui annoncer son intention de démissionner dès l’élection de son successeur à la date fixée par proclamation pour l’ouverture de la session suivante. Lorsque la Chambre a repris ses travaux, le 30 septembre, il a déposé des copies de cette correspondance et remercié les députés de lui avoir fait l’honneur de les servir à la présidence. Puis, comme le prévoit le Règlement, il a présidé à l’élection du Président Fraser par scrutin secret [247] .

Trois autres Présidents ont accepté des postes qui les obligeaient à renoncer à leur siège de député (et par conséquent à la présidence). Les Présidents Brodeur (1901-1904) et Sévigny (1916-1917) ont été nommés au Cabinet [248] , et le Président Sproule (1911-1915), au Sénat [249] . Dans chaque cas, leur nomination a eu lieu dans l’intervalle entre deux sessions, et c’est pourquoi la Chambre n’a reçu aucun avis officiel concernant les intentions de démission de son Président. À la reprise de ses travaux, la Chambre n’avait donc plus de Président. La lettre l’informant de l’arrivée du suppléant du gouverneur général pour l’ouverture de la nouvelle session, lue normalement par le Président, a été lue par le Greffier. Plus tard, suivant la pratique établie, quand celui-ci a annoncé quelles étaient les circonscriptions électorales pour lesquelles des avis de vacance avaient été reçus, il a mentionné celles des Présidents Brodeur, en 1904 [250] , Sproule, en 1916 [251] , et Sévigny, en 1917 [252] .

Il faut également citer l’exemple inhabituel du Président Anglin, élu deux fois à la présidence au cours de la 3e législature (1874-1878). Après son élection à l’ouverture de la législature, en 1874, il a quitté son siège à la Chambre pendant l’intersession [253]  et l’a repris à l’occasion d’une élection partielle. C’est ainsi qu’à l’ouverture de la nouvelle session, le 7 février 1878, la Chambre a été informée en même temps de la vacance dans la circonscription représentée par l’ancien Président et de la réélection de ce dernier à la Chambre [254] . M. Anglin a alors été proposé comme candidat à la présidence et réélu [255] .

Il n’est pas arrivé souvent, au Canada, qu’un Président doive remettre sa démission à la suite de mesures prises en ce sens par un organe législatif [256] . En 1875, la Chambre d’assemblée de la province de Nouvelle-Écosse a été saisie d’une motion proposant que le Président soit invité à se démettre de sa charge et qu’un nouveau Président soit élu [257] . La motion a été adoptée à la suite d’un vote par appel nominal, et l’assemblée a suspendu ses travaux jusqu’au lendemain; à ce moment-là, comme premier point à l’ordre du jour, le Président s’est levé, a remis sa démission et a quitté le fauteuil [258] . L’assemblée a alors adopté une motion, présentée par un membre du Cabinet, proposant que la démission du Président soit acceptée et qu’un comité ministériel soit constitué afin d’informer le lieutenant-gouverneur que l’assemblée n’avait plus de Président [259] . À la séance suivante, le comité a annoncé qu’il avait communiqué avec le lieutenant-gouverneur, et l’assemblée a élu un nouveau Président [260] .

En juillet 1956, à la Chambre des communes, le Président Beaudoin (1953-1957) a offert sa démission — mais la Chambre ne l’a pas considérée — dans le sillage de la controverse politique et des disputes de procédure qui ont marqué ce qu’on a appelé le débat sur le pipeline [261] . L’examen du projet de loi sur le pipeline a donné lieu à de nombreux rappels au Règlement, et le Président a été fortement contesté. Vingt-cinq de ses décisions ont été portées en appel (ce qui était permis en vertu des règles en vigueur à l’époque), mais elles ont toutes été confirmées [262] . Il a également fait l’objet d’une motion de censure, qui a été rejetée [263] ; c’est la seule fois qu’un Président de la Chambre des communes du Canada a fait l’objet d’une motion de ce genre. Trois semaines après l’adoption du projet de loi par la Chambre, une question de privilège mettant en doute l’impartialité du Président a été soulevée [264] . Le 2 juillet, à l’ouverture de la séance, le Président a fait une déclaration et remis sa démission à la Chambre, pour qu’elle entre en vigueur quand il lui plairait [265] . La Chambre n’a toutefois été saisie d’aucune résolution en ce sens, et personne n’a soulevé d’objection quand le Président Beaudoin a continué d’assumer ses fonctions officielles. Il est demeuré en poste jusqu’à la fin de la 22e législature.

Il existe d’autres exemples de motions de censure déposées contre des Présidents du Sénat ou d’assemblées législatives canadiennes, mais aucune n’a jamais été adoptée [266] .


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