Le programme quotidien / Affaires courantes

Questions orales : nombre de questions attribuées aux députés indépendants

Débats, p. 22745–22746

Contexte

Le 5 octobre 2018, Monique Pauzé (Repentigny) soulève une question de privilège concernant le nombre de questions attribuées aux députés indépendants durant la période des Questions orales. Mme Pauzé soutient que, puisque le nombre de députés indépendants est passé de 14 à 15, ceux-ci devraient avoir droit à une question de plus par semaine pour éviter une iniquité inacceptable entre les droits des députés indépendants et ceux des députés des partis reconnus[1].

Résolution

Le 23 octobre 2018, le Président rend sa décision. Il explique que, bien que le système parlementaire moderne ait été établi en grande partie autour de l’existence de partis politiques reconnus, la présidence est responsable de protéger les droits des minorités de manière juste et équitable pour tous les députés. Les Présidents des dernières années ont accordé de plus en plus d’interventions aux députés indépendants, si bien que la période des Questions orales est généralement prolongée. Le Président est d’avis que le nombre actuel de questions respecte la gestion du temps, les droits équitables de tous les députés et les usages de longue date de la Chambre des communes. En l’absence d’éléments démontrant que les députés indépendants sont indûment perturbés dans l’accomplissement de leurs fonctions parlementaires, le Président conclut qu’il ne s’agit pas d’une question de privilège fondée de prime abord. Malgré que la situation remette en question la gestion de la Chambre, il s’agit d’un rappel au Règlement plutôt que d’une question de privilège. Toutefois, vu l’importance de la question, il invite la Chambre à offrir des conseils sur la conduite des travaux parlementaires.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée le 5 octobre 2018 par l’honorable députée de Repentigny concernant le nombre de questions attribuées aux députés indépendants durant les questions orales. Je remercie l’honorable députée d’avoir soulevé cette question.

Dans son intervention concernant sa question de privilège, la députée de Repentigny a soutenu que, lorsque le nombre de députés indépendants est récemment passé de 14 à 15, ils avaient droit à une question de plus par semaine dans le cadre de la période des questions. Elle a fait valoir que, sans cette question supplémentaire, il y a une iniquité inacceptable entre les députés indépendants et les députés des partis reconnus.

Certains verront là une question purement mathématique, mais l’honorable députée de Repentigny soulève une question directement liée à la façon dont nos institutions parlementaires sont structurées. Comme les honorables députés le savent, notre système parlementaire moderne a été établi en grande partie autour de l’existence de partis politiques reconnus. Les procédures et les pratiques qui guident une bonne part de nos délibérations reposent sur ces partis reconnus et sont, à bien des égards, le résultat de négociations qui se sont tenues entre eux.

Par exemple, les partis politiques reconnus disposent, dans nos délibérations, de certains avantages dont ne jouissent pas nécessairement les partis non reconnus et les députés indépendants ou dont ils ne jouissent pas dans la même mesure. C’est le cas notamment de l’ordre de participation au débat, de l’attribution des journées de l’opposition, de la composition des comités et, bien sûr, du déroulement de la période des questions. Le Président tient évidemment compte de ces distinctions dans l’exercice de ses fonctions.

En outre, la Loi sur le Parlement du Canada et les règlements administratifs du Bureau de régie interne établissent une distinction claire entre les partis politiques reconnus et les partis politiques non reconnus en leur accordant un financement différent.

Ces distinctions n’ont pas été statiques; elles ont changé au fil du temps avec l’évolution des traditions et des usages, notamment des règles et pratiques que la Chambre a elle-même adoptées. Beaucoup de ces changements sont fondés sur les principes qui consistent à favoriser une participation équitable et active de tous les députés aux travaux de la Chambre.

Le Président Fraser a abordé le rôle du Président à cet égard lorsqu’il a déclaré le 24 septembre 1990, à la page 13216 des Débats de la Chambre des communes :

[…] j’ai comme Président une certaine discrétion concernant les droits de chaque personne dans cette Chambre qui est en minorité. Nous avons, je pense, une grande tradition de protéger les droits des minorités, et je peux assurer le député que, dans une approche juste et égale pour tous les autres députés, les droits des minorités seront protégés par le Président.

La protection des droits équitables et justes de la minorité est tout aussi importante pour le Président durant la période des questions. Dans son interprétation des règles, principes et pratiques adoptés par la Chambre, la présidence doit équilibrer les droits et les intérêts de la majorité et de la minorité. C’est pourquoi les Présidents qui se sont succédé ont progressivement donné aux députés indépendants plus d’occasions d’intervenir durant la période des questions, même si l’attribution du temps de parole accordé pour les différentes interventions sous cette rubrique de notre programme quotidien a été établie dans le passé à la suite de longues discussions entre les partis politiques reconnus.

Par exemple, il n’y a pas si longtemps, la présidence autorisait les députés indépendants à poser des questions durant la période des questions lorsque le temps le permettait, et seulement lorsque le temps le permettait. C’était la pratique établie. La députée de Repentigny a souligné, à juste titre, qu’au cours des dernières années les Présidents se sont efforcés d’inviter les députés indépendants à poser des questions selon la proportion des sièges qu’ils occupent à la Chambre.

En fait, les Présidents qui se sont succédé récemment ont déployé des efforts considérables pour trouver un équilibre délicat dans la répartition des questions entre les partis politiques reconnus et les députés indépendants. Ces efforts ont atteint des niveaux sans précédent dans la présente législature. Les députés indépendants n’ont jamais eu autant de possibilités d’intervenir durant la période des questions.

Cela a eu une incidence considérable; le temps maintenant consacré à la période des questions a augmenté de sorte que cette période se termine rarement dans le temps prévu au Règlement. En tant que Président, je crois que l’ajout d’une autre question, comme le propose la députée de Repentigny, ne ferait qu’exacerber la pression pour ce qui est du nombre limité d’heures dont disposent les députés.

Dans une décision rendue le 23 avril 2013, à la page 15800 des Débats de la Chambre des communes, mon prédécesseur a eu l’occasion de traiter de la notion d’« équité » dans le contexte des droits des députés :

Par conséquent, bien que de nombreux députés aient pris la parole dans le cas présent pour défendre le droit de prendre la parole, le député de Langley a reconnu cette limite inhérente et a parlé de façon plus précise du droit de parole égal pour tous. C’est cet aspect — l’égalité — qui importe le plus et c’est cela que la présidence doit examiner attentivement.

Le principe de l’équité s’applique à l’attribution des questions aux députés indépendants pour la période des questions. Comme la période des questions ne dure que 45 minutes, il est primordial qu’elle soit gérée de façon juste et équitable en tenant compte des droits de tous les députés.

Je manquerais à mon devoir si j’examinais cette question seulement du point de vue d’un groupe de députés et de leur droit de parole. Je me dois de gérer toutes les délibérations, y compris la période des questions, de façon efficace dans l’intérêt de tous les députés. La présidence est d’avis que l’attribution actuelle de 14 questions par semaine aux députés indépendants maintient un juste équilibre entre la gestion du temps, les droits des députés indépendants et les pratiques de longue date de la Chambre.

La présidence tient à signaler que dernièrement les députés indépendants n’ont pas toujours utilisé les temps de parole qui leur ont été attribués. Jencourage donc les députés indépendants à consulter les greffiers au Bureau qui sont toujours prêts à offrir leur concours afin que ces occasions soient optimisées dans l’intérêt de tous.

Étant donné que la présidence n’a trouvé aucune preuve que les droits des députés indépendants n’ont pas été respectés ou qu’on ait empêché ces députés d’exercer leurs fonctions parlementaires, il n’y a pas matière à question de privilège dans ce cas-ci.

Enfin, la plainte soulevée au moyen de cette question de privilège vise la gestion et le contrôle des travaux de la Chambre, lesquels sont protégés par le privilège. Ces dernières années, une certaine confusion s’est installée quant à la distinction entre les questions de privilège et les rappels au Règlement. La question qui nous occupe relève davantage du Règlement.

Néanmoins, la présidence sait qu’il s’agit d’une question importante pour bon nombre d’entre nous. Comme le Président se tourne souvent vers la Chambre pour des conseils et de l’orientation, surtout en ce qui concerne les changements au déroulement des travaux dans cette enceinte, j’invite la Chambre à me soumettre toute orientation qu’elle souhaite proposer à ce sujet, peut-être dans le cadre de négociations entre les partis et les députés indépendants ou par l’entremise du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

Post-scriptum

Le 7 mai 2019, pendant la période des Questions orales, Erin Weir (Regina—Lewvan) pose une question au premier ministre concernant le nombre de questions accordées aux députés indépendants après l’élection de Paul Manly (Nanaimo—Ladysmith). En réponse, Baridsh Chagger (leader du gouvernement à la Chambre des communes) fait référence à la décision antérieure de la présidence, rendue le 23 octobre 2018, concernant le nombre actuel de 14 questions accordées par semaine aux députés indépendants[2].

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[1] Débats, 5 octobre 2018, p. 22282.

[2] Débats, 7 mai 2019, p. 27484.