Le processus législatif

Introduction

L’étude et l’adoption de mesures législatives sont sans conteste les principales fonctions d’un Parlement. Avant d’être adopté et présenté au gouverneur général pour la sanction royale, un projet de loi doit franchir, à la Chambre des communes et au Sénat, diverses étapes bien précises qui constituent ce que l’on appelle le processus législatif.

Depuis la Confédération, les règles des deux Chambres contiennent des dispositions détaillées régissant l’adoption des projets de loi d’intérêt public et privé. Plusieurs des règles qui étaient en vigueur à l’époque de la Confédération le sont encore de nos jours. C’est le cas notamment, pour la Chambre des communes, des dispositions du Règlement interdisant la présentation de projets de loi en blanc ou de forme incomplète, ou prescrivant que tout projet de loi doive faire l’objet de trois lectures en des jours différents, et exigeant que les projets de loi soient imprimés dans les deux langues officielles et attestés par le Greffier de la Chambre à chacune des lectures.

Au fil des ans, les règles qui encadrent le processus législatif ont fait l’objet de nombreuses modifications pour faciliter l’examen des projets de loi d’intérêt public, élargir le rôle des comités et encourager une plus grande participation des députés.

Au cours de la 42e législature, une modification a été apportée au Règlement s’appliquant précisément au processus législatif. Le nouvel article 69.1 s’applique spécifiquement à un projet de loi émanant du gouvernement dit « omnibus ». Par définition, celui-ci vise à modifier, à abroger ou à édicter plus d’une loi et qui n’a aucun fil directeur ou porte sur des sujets qui n’ont rien en commun les uns avec les autres. En vertu du nouvel article 69.1, le Président a maintenant le pouvoir de diviser les questions au moment de la mise aux voix aux étapes de la deuxième lecture et au renvoi en comité, et de la troisième lecture et de l’adoption du projet de loi. Le Président a également le pouvoir de regrouper thématiquement des articles de ce projet de loi. Il y a alors un seul débat à chaque étape, et les députés peuvent ensuite voter séparément sur les différentes parties du projet de loi. Cette nouvelle disposition du Règlement ne s’applique pas si le projet de loi à l’étude a comme objectif central la mise en œuvre d’un budget et contient des dispositions qui ont été annoncées lors de l’exposé budgétaire ou qui étaient contenues dans les documents déposés lors de l’exposé budgétaire.

Plusieurs décisions contenues dans le présent chapitre aident à préciser la portée et l’effet du nouvel article 69.1 du Règlement. À titre d’exemple, dans sa décision du 7 novembre 2017, le Président Regan explique comment il entend faire usage des nouveaux pouvoirs que lui confère le Règlement en s’inspirant des exemples antérieurs de division de motions. Il affirme qu’il s’agit de déterminer si les sujets qui font l’objet du projet de loi ont si peu en commun qu’il serait justifié de les mettre aux voix séparément. En l’espèce, il analyse le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels. Le Président confirme que les deux parties litigieuses de ce projet de loi sont effectivement deux mesures distinctes, mais qu’elles relèvent ultimement de la même loi. De plus, il souligne que le projet de loi dans son ensemble porte sur le traitement des délinquants. Il n’y a donc pas lieu que ces parties fassent l’objet de votes distincts.

Le 24 octobre 2018, le Président Regan rend une décision importante relative au processus législatif concernant le concept de la règle de la « loi existante », qui interdit qu’un amendement à un projet de loi modifie un article d’une loi existante qui n’est pas déjà modifié par le projet de loi. Le Président, dans son examen du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, souligne que cette règle est fondée sur celle de la pertinence. La plupart du temps, un amendement qui vise à modifier un article d’une loi existante qui n’est pas déjà modifié par le projet de loi équivaut à aborder une nouvelle question, non pertinente et donc non recevable. Toutefois, le Président explique qu’il peut arriver que de telles modifications soient pertinentes, comme lorsqu’elles sont corrélatives à des amendements par ailleurs recevables; lorsqu’un amendement a clairement rapport à l’objet du projet de loi.

Le présent chapitre comprend 14 décisions, incluant celles ici mentionnées, regroupées en fonction des diverses étapes du processus législatif. À sa lecture, on constatera que le Président Regan a joué un rôle prépondérant pour ce qui est de maintenir et d’expliquer les usages pertinents et les nouvelles règles, tout en s’adaptant à des circonstances nouvelles et imprévues.