Le privilège parlementaire / Les droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : remarques d’un juge sur la conduite des députés

Débats, p. 3737-3738

Contexte

En réponse à une question posée durant les Questions orales du 2 décembre 1997, l’honorable Lawrence MacAulay (ministre du Travail) annonce qu’il prendra des mesures légales pour congédier le président du Conseil canadien des relations de travail[1]. Les députés accueillent cette nouvelle en accordant au ministre une ovation debout. Peu après, le président du Conseil s’adresse à la Cour pour obtenir une injonction empêchant la prise de mesures légales qui mèneraient à son congédiement. Le juge Louis Marcel Joyal de la Cour fédérale, lorsqu’il a entendu l’injonction, aurait, selon les propos rapportés dans le Ottawa Citizen, comparé le comportement des députés aux gens qui entouraient la guillotine durant la Révolution française. Le 3 février 1998, après la période des questions, John Bryden (Wentworth—Burlington) soulève une question de privilège. Dans son intervention, M. Bryden soutient que les remarques du juge Joyal constituent un outrage au Parlement et propose trois recours possibles à l’égard du juge : une motion de censure, le renvoi de cette question à un comité pour étude ou la sommation du juge à comparaître à la barre de la Chambre. Après avoir écouté les interventions d’autres députés, le Président déclare qu’il prend la question en délibéré afin de réfléchir à cette situation et d’examiner les options qui s’offrent, et il ajoute qu’il reviendra à la Chambre au besoin[2].

Résolution

Le Président fait une déclaration après les Questions orales du 11 février 1998. Il indique qu’il a tenu compte de la suggestion de Derek Lee (Scarborough—Rouge River) qui a proposé que le greffier de la Chambre renvoie cette question au Conseil canadien de la magistrature. Il ajoute que le directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature avait écrit au greffier pour l’informer que le président du Comité de déontologie judiciaire avait engagé une procédure officielle concernant les déclarations attribuées au juge Joyal. Le Président déclare qu’il permettra au Conseil canadien de la magistrature d’aller au bout de son initiative avant de faire tout autre commentaire à ce sujet. Le Président dépose des copies de la correspondance et ajoute qu’il tiendra la Chambre informée de l’évolution de ce dossier.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président : Je suis maintenant prêt à faire une déclaration au sujet de la question de privilège soulevée par le député de Wentworth—Burlington, le 3 février 1998, au sujet des remarques faites par le juge Louis Marcel Joyal.

J’aimerais d’abord remercier le député de Wentworth—Burlington, le député de Fraser Valley (Chuck Strahl), le député de Winnipeg—Transcona(Bill Blaikie) et le député de Scarborough—Rouge River(Derek Lee) pour leurs interventions relativement à cette question de privilège.

En tant que votre Président et en tant que député de la Chambre des communes, je considère que c’est là une question très sérieuse. Ce n’est certainement pas une exagération que de dire que le respect pour nos institutions diminue rapidement. Lorsque ce respect est miné par des gens qui devraient donner l’exemple à tous les Canadiens, c’est encore plus préjudiciable.

Il existe une séparation constitutionnelle nécessaire entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Il ne devrait y avoir rapprochement entre les deux que lorsqu’une institution cherche à appuyer énergiquement le rôle de l’autre.

La citation 493 de la 6e édition de Beauchesne existe précisément pour respecter cette convention de la séparation des rôles, et je cite :

493. 1) De tout temps, les présidents de la Chambre ont considéré comme non parlementaires les allusions aux magistrats et aux tribunaux, lorsqu’elles revêtaient le caractère d’une attaque personnelle ou d’un blâme.

La Chambre des communes mérite tout au moins le même respect de la part des tribunaux.

C’est pour cette raison que j’ai pris le temps de bien réfléchir à cette question.

Dans son intervention du 3 février 1998, le député de Scarborough—Rouge River a fait ce que je crois être une suggestion très utile et judicieuse. Il a proposé que je demande au greffier de la Chambre de renvoyer cette question au Conseil canadien de la magistrature, l’organe responsable d’examiner la conduite de nos juges.

Il se trouve que le directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature a écrit au greffier pour l’informer du fait que le juge en chef, Allan MacEachem, président du Comité de déontologie judiciaire, a engagé une procédure officielle, conformément aux règlements du conseil, au sujet des remarques attribuées au juge Marcel Joyal.

Bien que cela ne m’empêche aucunement de juger que la question de privilège paraît fondée de prime abord, j’ai décidé qu’il serait sage de suivre le conseil du député de Scarborough—Rouge River et de permettre au Conseil canadien de la magistrature d’aller au bout de son initiative avant que je ne fasse d’autres commentaires à cet égard.

Je dépose des copies de ladite correspondance afin que tous les députés puissent en prendre connaissance. Je tiendrai la Chambre au courant de la situation relativement à cette affaire.

Post-scriptum

Après les Questions orales du 21 avril 1998, le Président informe la Chambre que le greffier a reçu du directeur exécutif du Conseil canadien de la magistrature de la documentation relativement aux commentaires formulés par le juge Louis Marcel Joyal de la Cour fédérale et à la question de privilège soulevée par M. Bryden. Le Président dépose ces documents et considère cette affaire close[3].

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1998-02-11

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[1] Débats, 2 décembre 1997, p. 2582.

[2] Débats, 3 février 1998, p. 3269-3272.

[3] Journaux, 21 avril 1998, p. 682, Débats, p. 5910.