Le privilège parlementaire / Les droits de la Chambre

Associations parlementaires : ministre anticipant une décision de la Chambre

Débats, p. 6035-6036

Contexte

Le 21 avril 1998, après les Questions orales, Chuck Strahl (Fraser Valley), whip en chef de l’Opposition, soulève une question de privilège en ce qui touche à un communiqué diffusé par l’honorable Sergio Marchi (ministre du Commerce international) le 30 mars 1998 annonçant l’établissement du Groupe interparlementaire Canada—Chine. M. Strahl soutient que la diffusion de ce communiqué par le ministre a donné l’impression que ce groupe serait approuvé et financé par le Parlement. Il soutient qu’il s’agit nettement d’un outrage à la Chambre. Après les interventions d’autres députés, le Président déclare qu’il prend l’affaire en délibéré et qu’il informera la Chambre de sa décision[1].

Résolution

Après les Questions orales le 23 avril 1998, le Président rend sa décision sur la question de privilège. Il explique le processus d’établissement d’un groupe interparlementaire. Il déclare que le ministre, en préjugeant d’une décision qui n’avait pas encore été prise, avait clairement outrepassé ses pouvoirs et n’avait donc rien fait pour rehausser le prestige du Parlement sur la scène internationale. Le Président indique toutefois qu’il n’y a pas matière à question de privilège et que l’affaire doit être traitée par un moyen différent, soit par le Bureau de régie interne qui est le responsable légal de ces dossiers. Il indique que jusqu’à ce que le Bureau soit saisi de cette question et se prononce sur celle-ci, il n’y a aucune association parlementaire qui est officiellement reconnue pour la Chine.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président : Le mardi 21 avril, le député de Fraser Valley a soulevé une question de privilège concernant un communiqué de presse du gouvernement annonçant la constitution d’un groupe interparlementaire Canada—Chine.

Le député de Fraser Valley a soutenu qu’en publiant ce communiqué de presse, le ministre du Commerce international a donné l’impression que ce groupe allait être approuvé et financé par le Parlement. Il a affirmé qu’il s’agissait nettement d’un outrage à la Chambre.

Après avoir entendu les observations de plusieurs députés, j’ai pris la question en délibéré. Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur cette question de privilège.

La création de groupes interparlementaires canadiens relève de certains organes administratifs au sein de la Chambre des communes et du Sénat. Il ne s’agit pas d’une décision de l’exécutif à être prise par le Cabinet. Bien que le gouvernement ait, à l’occasion, fait des recommandations à cet égard, dans le cadre de la politique étrangère du Canada, ces questions ne relèvent pas directement d’un ministère ou d’une agence du gouvernement.

Les relations interparlementaires relèvent de la responsabilité du Parlement et il existe des processus décisionnels qui régissent leur administration. Comme je l’ai mentionné mardi, des réunions sont prévues cette semaine et dans le courant de la semaine prochaine concernant précisément ces questions.

C’est le Président de la Chambre des communes qui a la charge de représenter cette dernière dans les rapports qu’elle a avec les assemblées législatives étrangères. Pour ce motif, j’estime qu’il est de mon devoir de commenter les actes du ministre du Commerce international.

Dans leurs exposés, plusieurs députés ont fait état du fait que des actes comme ceux-là paraissent miner l’autorité du Parlement. À titre de parlementaires, nous devrions tous être conscients des différences entre l’autorité du Cabinet et celle du Parlement. En matière de relations étrangères, le Cabinet peut conclure des accords avec d’autres gouvernements alors que le Parlement peut entretenir des relations avec d’autres assemblées législatives.

Ces décisions sont prises en fonction de la politique étrangère du Canada et de l’intérêt de tous les Canadiens. Cependant, le Cabinet ne détermine pas la nature et l’étendue des relations interparlementaires du Parlement du Canada.

En annonçant la constitution d’un Groupe interparlementaire Canada—Chine et, de ce fait, préjugeant d’une décision qui n’a pas encore été prise, le ministre a clairement outrepassé ses pouvoirs. Je suis déçu qu’un ministre de la Couronne, en agissant avec tant de précipitation, puisse avoir gêné l’avancement d’un projet qu’il voulait se voir réaliser. Un tel manque de respect pour la compétence administrative du Parlement n’a pas pour effet de rehausser le prestige de ce dernier sur la scène internationale.

Les députés ont exprimé leur frustration en raison des déclarations du gouvernement qui semblent faire fi de l’autorité de la Chambre. Comme on me l’a signalé, cette situation s’est produite plus d’une fois au cours de la présente législature.

Il y a lieu de s’inquiéter puisqu’il semble y avoir un système qui s’installe malgré les mises en garde formulées par la présidence. Mon rôle, cependant, me limite aux précédents qui existent et qui régissent l’application du privilège.

Compte tenu des inquiétudes à l’égard de ces questions, je suggère que l’affaire soit traitée par un moyen différent, soit par le Bureau de régie interne. Celui-ci possède, en droit, l’autorité sur ces questions. D’ailleurs, j’ai observé pendant les débats du 21 avril 1998, que cinq des députés qui sont intervenus étaient membres du Bureau de régie interne.

Jusqu’à ce que le Bureau soit saisi de cette question et se prononce sur celle-ci, je tiens à aviser la Chambre qu’il n’y a pas d’association parlementaire officiellement reconnue avec la Chine. En conséquence, il ne peut y avoir de président intérimaire venant soit de la Chambre soit du Sénat.

Je regrette de devoir faire cette déclaration aussi publiquement. J’espère que nos amis les Chinois comprendront qu’il s’agit d’une situation strictement interne au Canada concernant les principes essentiels de notre droit fondamental. J’espère que nos amis les Chinois comprendront mieux notre démocratie parlementaire à mesure que nous poursuivons ce dialogue.

Post-scriptum

La décision du Président de renvoyer cette question au Bureau de régie interne donne lieu à un certain nombre de rappels au Règlement par des députés qui cherchent à obtenir des éclaircissements. John Nunziata (York-Sud—Weston) demande ainsi au Président qui représente les députés indépendants au sein du Bureau de régie interne. Le Président lui répond que c’est habituellement le Président qui représente les députés indépendants au sein du Bureau de régie interne[2].

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1998-04-23

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[1] Débats, 21 avril 1998, p. 5910-5914.

[2] Débats, 23 avril 1998, p. 6036-6037.