Le privilège parlementaire

Introduction

La Chambre jouit collectivement, tout comme les députés à titre individuel, de droits et d’immunités sans lesquels ils ne sauraient, ni elle ni eux, s’acquitter de leurs fonctions. Ces droits et immunités, qui ne se prêtent pas facilement à une classification, se regroupent sous le titre de « privilège parlementaire ». Dès qu’un député croit qu’il a été porté atteinte à ses droits de député ou qu’un outrage à la Chambre a été commis, il soulève une question de privilège pour protester. Lorsqu’il expose ses arguments, le député soutient que la violation de privilège a une telle importance qu’elle doit avoir préséance sur tous les autres travaux de la Chambre. Il appartient alors au Président de juger du bien-fondé de la plainte, c’est-à-dire de déterminer si elle mérite, de prime abord, ou dans la mesure où les premiers éléments permettent d’en juger, un examen immédiat.

Pour évaluer la plainte, le Président entend d’abord un exposé succinct de la part du député qui soulève la question; il peut ensuite, sans y être contraint, entendre les commentaires d’autres députés comme le Président Parent l’a fréquemment fait. Même si, en théorie, le débat sur une question de privilège ne commence, à proprement parler, qu’une fois que le Président a statué qu’il y a de prime abord matière à soulever une question de privilège, celui-ci est la plupart du temps précédé en pratique de longues discussions et généralement la décision du Président règle l’affaire. Par exemple, pour les cinq questions de privilège soulevées sous la présidence de Gilbert Parent qui ont paru fondées de prime abord, trois des motions autorisées par le Président après avoir rendu sa décision ont fait l’objet d’un débat; les deux autres ont été mises aux voix sans débat. Sauf dans les cas les plus clairs, le Président Parent prenait habituellement l’affaire en délibéré après l’exposition initiale de l’affaire en litige afin de pouvoir revenir devant la Chambre pour rendre une décision éclairée.

Avant de prendre ce genre de décision, le Président examine les faits et les arguments invoqués à la Chambre et passe habituellement en revue les règles, les textes faisant autorité en la matière et la jurisprudence. Il est également bon de rappeler que, mis à part le bien-fondé de la plainte, la décision du Président peut dépendre d’autres facteurs, comme le libellé de la motion que le député veut présenter et la preuve que la question a été soulevée à la première occasion, que le préavis requis a été donné et que la question a été soulevée au moment opportun.

Les trois questions de privilège jugées fondées de prime abord par le Président Parent et ensuite débattues par la Chambre — celles soulevées par Jim Hart (Okanagan—Similkameen—Merritt) le 12 mars 1996, par Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough) le 9 mars 1998 et par Joe Fontana (London-Centre-Nord) le 17 mars 2000 — illustrent bien les procédures suivies par la Chambre pour les questions de privilège.

Lors de la préparation de ce recueil, il a tout d’abord été décidé de laisser les questions soulevées déterminer l’organisation de la matière à l’intérieur du chapitre, puis d’intégrer les classifications procédurale et thématique, pour tenter de faire ressortir le lien inévitable entre les deux. Pour faciliter ce genre d’intégration, des décisions au sujet de certaines questions de privilège ne figurent pas dans le chapitre sur le privilège parlementaire, mais plutôt dans un chapitre où elles cadrent mieux. Ainsi, plusieurs décisions rendues en réponse à des questions de privilège relatives aux comités se retrouvent dans le chapitre sur les comités.

Il en résulte que le présent chapitre se divise en deux parties. La première — Les droits de la Chambre — porte sur les questions qui visent l’ensemble des députés, tandis que la seconde — Les droits des députés — traite de ce qui touche les députés à titre individuel. À l’intérieur de ces deux grandes divisions, les décisions sont présentées en ordre chronologique.