Les Affaires émanant des députés / Divers

Motion émanant d’un député concernant des allégations d’outrage de la part d’un député envers un autre : non désignée comme votable; recevabilité

Débats, p. 4028

Contexte

Le 27 février 1996, Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell), le whip en chef du gouvernement fait inscrire au Feuilleton des avis une motion dans laquelle il accuse Ray Speaker (Lethbridge), leader parlementaire du Parti réformiste, de tenter d’exercer des pressions sur le Président afin qu’il reconnaisse le Parti réformiste comme l’Opposition officielle à la Chambre. La motion précise en outre que ce geste constitue un outrage au Parlement et ordonne que M. Speaker soit admonesté par la présidence à la barre de la Chambre. La motion est inscrite au Feuilleton sous les Affaires émanant des députés[1] et le 4 mars 1996, elle est choisie pour débat après un tirage au sort. Toutefois, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ne l’a pas désignée votable. Au début de la séance du 9 mai — le jour précédant celui où la motion devait être mise à l’étude conformément à l’ordre de priorité établi pour les Affaires émanant des députés — M. Speaker invoque le Règlement et demande si une motion non votable peut être utilisée pour porter une accusation contre un autre député. La présidente suppléante (Pierrette Ringuette-Maltais) informe la Chambre que la motion ne sera pas mise à l’étude le lendemain parce que son parrain, M. Boudria, ne peut être présent et qu’entre-temps, la présidence examinera la question[2].

Résolution

Le 18 juin 1996, après les Questions orales, le Président statue sur le rappel au Règlement de M. Speaker concernant la recevabilité, sur le plan de la procédure, de la motion inscrite au nom de M. Boudria. Il précise que la motion respecte les exigences procédurales contenues dans le Règlement pour les Affaires émanant des députés et qu’il n’a pas le pouvoir de déclarer qu’elle fera l’objet d’un vote. Il signale que la « Chambre a à sa disposition des procédures lui permettant de veiller à ce que le sens de l’équité prévale dans toutes les délibérations ».

Décision de la présidence

Le Président : Je suis prêt à rendre ma décision au sujet du rappel au Règlement soulevé le 9 mai 1996 par le député de Lethbridge au sujet de la recevabilité, sur le plan de la procédure, de la motion M‑1 inscrite à l’ordre de priorité des [Affaires émanant des députés] au nom du député de Glengarry—Prescott—Russell.

Le député de Lethbridge a soutenu que la motion est irrecevable, quant à la procédure, parce qu’elle comporte des allégations d’outrage de la part d’un député envers un autre et, de plus, n’a pas été choisie comme motion faisant l’objet d’un vote par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. En d’autres mots, la Chambre doit être en mesure de prendre une décision sur toute motion qui comporte une accusation contre un député. De plus, il a contesté les règles actuelles régissant les [Affaires émanant des députés] qui ont permis que cette situation se produise.

Les règles régissant les Affaires émanant des députés sont en effet complexes. Les députés peuvent donner avis de la présentation de projets de loi ou de motions, et ceux dont le nom a été choisi dans un tirage, décident quelle affaire ils veulent faire débattre par la Chambre pendant la période réservée aux Affaires émanant des députés.

Après que les affaires choisies ont été inscrites à l’ordre de priorité, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre choisit celles qui seront mises aux voix à la Chambre. Dans le cas de la motion M‑1, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a décidé de ne pas la désigner comme affaire faisant l’objet d’un vote.

En vertu [de l’article] 92(2) du Règlement, le rapport du Comité relativement aux affaires faisant l’objet d’un vote est automatiquement réputé adopté et, en conséquence, constitue une décision de la Chambre. C’est la façon dont la Chambre a décidé, en vertu de son Règlement, de traiter les Affaires émanant des députés.

L’honorable député a tout à fait raison lorsqu’il affirme que la conduite d’un député ne peut être examinée par la Chambre qu’en vertu d’une accusation précise contenue dans une motion de fond. Souvent, dans ces cas, les députés choisissent de soulever la question à la Chambre, sans donner l’avis de 48 heures ou de deux semaines, et demandent au Président de lui accorder priorité pour que la Chambre l’étudie immédiatement, mettant ainsi toutes les autres délibérations de la Chambre de côté.

Mais ce qui est en cause ici, c’est de savoir si le Président peut ou non écarter les règles régissant le déroulement des [Affaires émanant des députés] et ordonner que ces motions soient mises aux voix même quand le député qui parraine la motion a choisi de la soumettre à la Chambre selon cette procédure. Je dois humblement admettre que, à moins que la Chambre ne change ses propres règles, je n’ai pas ce pouvoir.

Pour l’information de la Chambre, permettez-moi de souligner que ce n’est pas la première fois que ce genre de motion est soumis à la Chambre sans possibilité de mise aux voix.

À certaines occasions, lors de journées réservées à l’étude des crédits, l’opposition a proposé des motions qui n’ont pas fait l’objet d’un vote pour blâmer des ministres ou condamner leur conduite.

À une occasion, une motion condamnant le ministre « de n’avoir pas fourni des renseignements complets et satisfaisants sur le conflit d’intérêts flagrant dans lequel le ministre est impliqué » a été présentée un jour réservé à l’étude des crédits sans possibilité de mise aux voix.

Je renvoie les députés aux Journaux de la Chambre des communes du 12 mai 1986, à la page 2160 : « À au moins une autre occasion, lors de l’étude des crédits, une motion non susceptible de mise aux voix accusait un ministre d’outrage au Parlement. » Le texte de cette motion se trouve aussi aux Journaux, le 17 juin 1982, à la page 5025.

La teneur de la motion et le fait qu’elle n’ait pas été choisie comme affaire faisant l’objet d’un vote causent des difficultés à la présidence.

Je comprends l’inquiétude du député de Lethbridge. En tant que Président, je puis ajouter que le député de Glengarry—Prescott—Russell ou le député de Lethbridge ou la Chambre elle-même, d’ailleurs, peuvent corriger la situation. La Chambre a à sa disposition des procédures lui permettant de veiller à ce que le sens de l’équité prévale dans toutes les délibérations de sorte que les députés ne soient pas placés dans ce genre de situation.

Dans les circonstances présentes, je conclus que les règles relatives aux [Affaires émanant des députés] ont été observées et que le rappel au Règlement n’est pas fondé.

Je veux remercier l’honorable député d’avoir soulevé cette question, et l’honorable député de Glengarry—Prescott—Russell de sa contribution au débat.

Post-scriptum

La motion parrainée par M. Boudria n’a pas été débattue à la Chambre. Le 23 octobre 1996, le Président informe la Chambre que M. Boudria avait informé la présidence par écrit qu’étant donné sa nomination récente au Cabinet, il ne pouvait plus présenter de motions émanant des députés. Le Président, que le Règlement charge de veiller au bon déroulement des Affaires émanant des députés, ordonne donc que la motion de M. Boudria soit rayée du Feuilleton[3].

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1996-06-18

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[1] Feuilleton et Feuilleton des avis, 28 février 1996, p. VI.

[2] Débats, 9 mai 1996, p. 2523-2524.

[3] Journaux, 23 octobre 1996, p. 768, Débats, p. 5630.