Le programme quotidien / Affaires courantes

Présentation de pétitions : pétition demandant directement une subvention

Débats, p. 7821-7822

Contexte

Le 15 juin 1987, M. Rod Murphy (Churchill) invoque le Règlement au sujet du droit de présenter une pétition qui demande directement une subvention à même les recettes publiques. M. Murphy s’est vu refuser la certification requise par le greffier des pétitions qui s’est référé à un commentaire de Beauchesne. La pétition demandait au Parlement une affectation de crédits. M. Murphy prie donc la présidence d’examiner le commentaire en question et de juger si une telle restriction est encore pertinente dans la présente conjoncture et si elle ne porte pas atteinte aux droits des citoyens de présenter des pétitions au Parlement. Doug Lewis (secrétaire parlementaire du vice-premier ministre et président du Conseil privé) intervient également sur ce rappel au Règlement. Le Président prend la question en délibéré[1]. Le 30 juin 1987, il rend sa décision. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé le 15 juin par l’honorable député de Churchill au sujet d’une pétition qu’il avait espéré présenter sur la garde des enfants.

Les pétitionnaires demandaient au Parlement de fournir sur-le-champ aux provinces et aux territoires un financement à court terme afin de leur permettre d’étendre les services de garderie à but non lucratif.

Le greffier des pétitions a informé le député que sa pétition était irrecevable parce qu’elle demandait la dépense de deniers publics.

Je puis vous dire que le conseil que le greffier des pétitions a donné au député s’appuyait sur des précédents de longue date. Au commentaire 685(3) de la cinquième édition de Beauchesne, on peut lire que :

La Chambre refusera de recevoir toute pétition demandant directement une subvention à même le revenu public, à moins que ladite subvention n’ait été au préalable recommandée par la Couronne.

Ce commentaire est exposé plus en détail dans toutes les éditions précédentes de Beauchesne ainsi que dans les quatre éditions des règles de procédure parlementaire de Bourinot.

En outre, il y a de nombreux précédents sous forme de décisions de la présidence qui remontent au 7 mai 1868[2].

Le 19 mai 1947, le Président a accueilli une pétition dans laquelle on demandait de majorer les pensions de retraite, mais il l’a fait parce que la recommandation du gouverneur général avait déjà été signifiée à un projet de loi visant le même objectif[3].

Dans une importante décision rendue le 7 juin 1972, le Président a déclaré qu’il lui incombait de veiller à ce que les pétitions soient conformes « à la tradition et aux usages de la Chambre ». Il a ajouté :

La Chambre se montre souvent disposée à suspendre l’application des dispositions de son Règlement, quelque strictes qu’elles soient, pour autoriser la présentation ou l’adoption d’une mesure à laquelle elle est favorable, mais elle refuse invariablement d’en faire autant dans le cas des pétitions[4].

Comme bon nombre de nos pratiques, celle-ci nous a été transmise par le Parlement britannique. Elle est régie par le Règlement de la Chambre des communes britannique depuis 1713, et l’initiative financière de la Couronne a été enracinée dans la procédure parlementaire bien avant cela.

Il ne faut toutefois pas oublier qu’à une certaine époque, tous les projets de loi étaient déposés par voie de pétition, et il n’était pas inhabituel, au Parlement britannique, de présenter un projet de loi à caractère financier par voie de pétition accompagnée d’une recommandation royale.

À la page 794 de la vingtième édition de Erskine May, on peut lire que la pratique consistant à recourir périodiquement à des pétitions pour proposer des dépenses est tombée en désuétude. D’autre part, dans le Règlement de la Chambre des communes britannique, il y a un article qui interdit en tout temps le dépôt de pétitions proposant le décaissement de fonds publics.

Il est toutefois intéressant de noter que jusqu’en 1963 était présentée chaque année par le ministre de l’Intérieur, qui signifiait la recommandation royale, une pétition en vue de l’octroi d’une subvention au British Museum.

Vu tous ces précédents, la présidence n’est pas en mesure de modifier une pratique de longue date, au sujet de laquelle il n’y a pas de doute possible. Je comprends toutefois très bien l’argument invoqué par le député de Churchill qui, comme les députés s’en souviendront, a reçu l’appui du secrétaire parlementaire du vice-premier ministre et président du Conseil privé.

Le droit de présenter des pétitions au Parlement est fondamental dans notre système parlementaire, et il n’est pas déraisonnable de croire que la solution réside, dans bien des cas, dans le décaissement de fonds publics. Un requérant peut présenter une pétition afin d’obtenir de l’aide dans une situation difficile; or la simple modification du libellé pourrait rendre recevable une pétition qui serait autrement irrecevable. On pourrait contourner la difficulté en présentant une pétition dans laquelle il serait demandé d’adopter une mesure qui accorderait l’aide demandée.

Personnellement, j’estime qu’une pétition ne fait pas partie de la même catégorie que les projets de loi, et que si elle désire modifier la pratique actuelle, aussi profondément ancrée dans l’histoire soit-elle, la Chambre devrait se pencher sur cette procédure. Il s’agit là d’une question que pourrait fort bien examiner le Comité permanent des élections, des privilèges et de la procédure, et j’ai l’intention de porter ma décision à l’attention du président du Comité en question.

Je tiens à dire au député de Churchill et au secrétaire parlementaire qu’il s’agit d’une question à l’égard de laquelle la présidence peut déclarer ceci : malgré la longue tradition qui rend difficile la modification unilatérale de cette pratique, la Chambre doit réexaminer cette question. Si la Chambre désire y apporter des changements, il est peut-être temps de songer à le faire.

Je remercie les deux députés de leurs interventions.

F0329-f

33-2

1987-06-30

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[1] Débats, 15 juin 1987, p. 7097.

[2] Débats, 7 mai 1868, p. 645.

[3] Journaux, 19 mai 1947, p. 423.

[4] Débats, 7 juin 1972, p. 2921.