Le processus décisionnel / Motions et amendements

Motions : motion émanant du gouvernement portant suppression de divers articles du Règlement; recevabilité et emplacement au Feuilleton

Débats, p. 16376-16379

Contexte

Le 6 juin 1988, l’hon. Herb Gray (Windsor-Ouest) invoque le Règlement au sujet de la recevabilité de la motion émanant du gouvernement visant à suspendre l’application de divers articles du Règlement relatifs aux heures et aux jours de séance pour permettre à la Chambre de siéger pendant l’été. Le Président juge qu’il est prématuré d’entreprendre un débat sur ce rappel au Règlement et propose de remettre la discussion jusqu’à ce que la motion soit effectivement proposée[1].

Le lendemain, M. Nelson Riis (Kamloops—Shuswap) invoque le Règlement au sujet de la même motion. Cette motion figure au Feuilleton sous la rubrique Avis de motions du gouvernement et M. Riis est d’avis qu’elle devrait plutôt être intégrée aux Affaires courantes sous la rubrique Motions. Les motifs qui l’amènent à cette conclusion sont de deux ordres. Tout d’abord, il est d’avis que cette motion touche à l’organisation des travaux de la Chambre et que les motions de ce type doivent figurer sous la rubrique Motions. Ensuite, il souligne que bien que le projet de retarder l’ajournement de la Chambre trouve son sens dans le désir de consacrer plus de temps aux ordres inscrits au nom du gouvernement, il demeure que toute motion de prolongation de la session touche également les Affaires émanant des députés et les Questions orales et que ceux-ci ne relèvent pas des affaires du gouvernement. Ainsi, à son avis, la motion ne peut être placée sous les Avis de motions du gouvernement. D’autres députés interviennent également à ce sujet[2]. La présidence prend note des arguments et rappelle que ce point de procédure a vraisemblablement été soulevé prématurément.

Les 9 et 10 juin 1988, au moment où la Chambre se prépare à débattre le contenu de la motion, le Président permet aux députés de faire des interventions au sujet de sa recevabilité. Plusieurs soutiennent alors que la motion n’est pas recevable puisqu’elle suspend l’application du Règlement et remet en cause le principe voulant que les débats qui ont lieu à la Chambre ont lieu selon des règles établies et connues de chaque député. Selon ces députés, elle constituerait un précédent permettant à la majorité de suspendre l’application du Règlement à sa guise. Ils invitent donc le Président à utiliser les prérogatives qui lui sont conférées en vertu de l’article 1 du Règlement afin de déclarer la motion irrecevable. Certains ajoutent également que cette motion est irrecevable du fait qu’elle empiète sur le pouvoir de convocation des députés attribué au seul Président de la Chambre[3]. Le Président prend la question en délibéré. Le 13 juin 1988, il rend la décision reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Le 7 juin 1988, le député de Kamloops—Shuswap a invoqué le Règlement au sujet de la motion no 26 inscrite au Feuilleton à la rubrique Affaires émanant du gouvernement. Le gouvernement propose de suspendre certains articles du Règlement et de faire siéger la Chambre jusqu’au 9 septembre 1988, en supprimant les congés d’été habituels. Il a dit que le gouvernement devrait être obligé de donner un préavis sous la rubrique des motions dans le cadre des Affaires courantes, au lieu de le faire dans le cadre des [Ordres] émanant du gouvernement.

Lorsque la motion no 26 a été mise en délibération, les 9 et 10 juin le député de Windsor-Ouest a dit qu’il doutait de la recevabilité de cette motion sur le plan de la procédure. Il a surtout dit que, en procédant de la sorte, le gouvernement faisait un mauvais usage du principe de la règle de la majorité et qu’il opprimait les partis minoritaires. Il a demandé au Président d’intervenir à titre de protecteur de la minorité et d’utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 1 du Règlement. Il a soutenu par ailleurs que si le gouvernement était autorisé à proposer cette motion, il pourrait s’en servir comme précédent et supprimer les audiences des comités, les débats sur les projets de loi en deuxième lecture et même les votes sur les projets de loi.

Le député de Windsor-Ouest était appuyé par le député de Kamloops—Shuswap. Plusieurs autres députés, surtout Je député de Winnipeg—Birds Hill (M. Bill Blaikie) ont demandé à la présidence de sauver le calendrier parlementaire qui est le fruit du travail de deux comités importants sur la réforme : le comité Lefebvre et le comité McGrath.

Les députés d’Ottawa—Vanier (M. Jean-robert Gauthier), de Saint-Jacques (M. Jacques Guilbault) et de Saint-Denis (M. Marcel prud’homme) ont déclaré que le gouvernement pouvait, en fait, rappeler la Chambre pendant l’été, en vertu de l’article 5 du Règlement, mais ils ont affirmé qu’il ne devrait pas être habilité à le faire en vertu d’une simple motion. Plusieurs autres députés sont intervenus pendant les discussions, quant à la recevabilité procédurale de cette motion, et je leur suis reconnaissant de leur précieuse contribution dans ce débat.

La présidence va aborder les principaux points dans l’ordre suivant :

1) Était-il légitime que le gouvernement donne avis de son intention dans le cadre de ses avis de motions?

2) Le gouvernement peut-il présenter une motion visant à suspendre l’application des dispositions du Règlement?

3) Une telle motion, si elle est recevable, nécessite-t-elle le consentement unanime ou simplement un vote majoritaire de la Chambre?

4) Si la motion est recevable selon les précédents, la réforme parlementaire récente a-t-elle modifié essentiellement nos usages et rendu les précédents antérieurs inapplicables?

Avant de tenter de trancher ces questions essentielles, je crois utile de rappeler aux députés et aux Canadiens quel sera exactement l’effet de cette motion du gouvernement si la Chambre l’adopte. Je voudrais également dire aux députés pour les rassurer que son adoption n’abolirait pas pour autant le Règlement ni ne réduirait à néant les importantes réformes récentes. Cependant, elle modifierait considérablement l’application de nombreux articles du Règlement à compter de son adoption jusqu’au 9 septembre 1988. Cette motion suspendrait en effet :

a) l’article 4 qui établit le calendrier de la Chambre;

b) le paragraphe 1 de l’article 9, puisqu’il fixerait à 22 heures l’heure de l’ajournement de la Chambre les lundis, mardis et jeudis;

c) l’article 66 du Règlement, puisqu’il n’y aurait pas de débat d’ajournement jusqu’au 9 septembre;

d) l’article 10, puisqu’aucun député ne pourrait présenter de motion tendant à prolonger les heures de séance.

Voilà les seuls articles du Règlement que ladite motion propose de suspendre. La motion prévoit cependant que seuls les Ordres émanant du gouvernement feront l’objet de délibérations pendant les heures de séance au-delà de 18 heures.

Cependant, des postes comme Déclarations de ministres, la période des questions, les Affaires courantes, et les Affaires émanant des députés demeureraient inchangés. De l’avis de la présidence, la motion n’entraverait pas la procédure traditionnelle des débats; en fait, elle ajouterait encore au temps prévu pour lesdits débats.

La présidence va maintenant aborder la première question, soit celle de savoir s’il était légitime que le gouvernement donne avis de son intention dans le cadre de ses avis de motions.

Le 7 juin 1988, le député de Kamloops—Shuswap a soutenu que le gouvernement avait eu tort d’informer la Chambre de son intention de prolonger les heures de séance dans le Feuilleton des avis à la partie réservée aux avis de motions, alléguant qu’il aurait dû le faire à la partie réservée aux Motions. Il a signalé que depuis 1955 toutes les motions proposant la prolongation des séances de la Chambre ont paru sous la rubrique Motions et non sous Avis de motions du gouvernement. C’est, a-t-il dit, que la question portait sur les Affaires émanant des députés et non sur les affaires émanant du gouvernement.

La question pose plusieurs problèmes à la présidence. Je voudrais signaler tout d’abord que le Règlement ne mentionne pas quels articles devraient figurer sous Motions et quels articles devraient figurer sous Avis de motions du gouvernement. La présidence doit examiner quelles motions peuvent paraître sous ces rubriques.

Peut-on faire une distinction entre les motions inscrites sous la rubrique Motions et celles qui sont inscrites sous la rubrique Avis de motions du gouvernement uniquement d’après leur teneur? Je prétends que non.

Par exemple, durant la session en cours, huit fois, la Chambre a pris des décisions à l’unanimité au sujet de mesures figurant sous la rubrique Motions. Toutefois, le 3 juin 1987, le Règlement provisoire a été modifié une fois de plus et est devenu permanent et c’est peut-être la décision la plus importante au sujet du Règlement prise durant la présente session. Cette décision a été prise après un débat de deux jours sur une motion mise en discussion sous la rubrique Affaires émanant du gouvernement. Le 2 juin dernier, les partis de l’opposition se sont élevés contre la décision du gouvernement de procéder unilatéralement à la modification du Règlement, mais personne n’a soulevé d’objection procédurale visant le fait que le gouvernement a inscrit cette initiative sous la rubrique Ordres émanant du gouvernement et non sous Motions.

Ces cas révèlent que le Règlement a souvent été modifié sous la rubrique Motions. Toutefois, le gouvernement a également agi sous la rubrique Ordres émanant du gouvernement.

On se demande alors quelle est la distinction entre un avis de du gouvernement et une motion? J’estime qu’un avis de motion du gouvernement est toute motion dont le gouvernement donne préavis. En somme, ce qui distingue un avis de motion du gouvernement, ce n’est pas la teneur de la motion mais plutôt le motionnaire. Dans bien des cas, par conséquent, un avis de motion peut s’inscrire sous plus d’une rubrique et il appartient au ministre qui le donne de choisir la rubrique qui convient. De toute évidence, un avis de motion du gouvernement ne peut être proposé que par le gouvernement, mais ce dernier a la possibilité de le placer soit sous la rubrique Motions soit sous la rubrique Avis de motion du gouvernement.

Ce principe découle d’une décision rendue le 16 mai 1985 par le Président Bosley. Il devait se prononcer sur la question de savoir si une motion d’attribution de temps devait être proposée sous Motions durant les Affaires courantes ou si elle pouvait être placée sous la rubrique Avis de motions du gouvernement puis transférée aux ordres inscrits au nom du gouvernement[4].

Le Président Bosley avait décidé que les deux moyens étaient conformes au Règlement et que le ministre avait la possibilité de choisir.

Le Règlement est silencieux quant à la définition du contenu d’une motion ou d’un avis de motion émanant du gouvernement. Compte tenu de la décision du Président Bosley, que j’ai déjà citée, je dois donc dire que lorsqu’il n’y a pas de distinction, le ministre a le choix de déterminer sous quelle rubrique il souhaite placer sa motion. Il m’est par contre impossible d’appuyer les propos de l’honorable député de Kamloops—Shuswap à l’effet que cette motion a figuré au mauvais endroit au [Feuilleton].

La deuxième question à laquelle il fallait répondre était la suivante : est-ce que le gouvernement peut présenter une motion suspendant des dispositions du Règlement?

Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord consulter les autorités canadiennes.

Premièrement, le Règlement actuel de la Chambre envisage au moins la possibilité de le faire à [l’article] 56(1)o). D’après cet [article], les motions portant suspension de dispositions du Règlement peuvent faire l’objet d’un débat. Le Règlement ne donne pas de précisions sur la manière dont de telles motions peuvent être adoptées, mais il est sûr qu’elles sont soumises aux dispositions du Règlement concernant l’avis, le débat et les amendements.

Deuxièmement, le commentaire 21 de Beauchesne, cinquième édition, traite d’une façon générale des règles de procédure. Il est ainsi libellé :

Parmi les privilèges dont est investie la Chambre dans son ensemble aucun n’est plus capital que celui de se fixer à elle-même des règles de procédure et de les appliquer. Sans doute certaines de ces règles figurent-elles à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, mais dans l’immense majorité des cas elles sont constituées par des résolutions de la Chambre qu’il est loisible à celle-ci, à sa diligence, de développer, de modifier ou de rapporter. Il s’ensuit que la Chambre peut passer outre à toutes les prescriptions nées des règles, en toutes circonstances par voie de consentement unanime ou, à l’occasion et par voie de motion, en suspendre l’application pour un temps donné.

Le commentaire 9 de Beauchesne, cinquième édition, nous donne d’autres précisions. Il dit, en effet :

La Chambre vote toutes les règles à la majorité simple […]

La quatrième édition de Beauchesne apporte les précisions suivantes sur le Règlement au commentaire 10 :

Le Règlement peut être suspendu dans un cas d’espèce sans que cela porte atteinte à sa validité, car la Chambre a le pouvoir de supprimer les barrières et les entraves qu’elle s’impose à elle-même par son propre règlement. Elle peut même adopter une motion prescrivant une ligne de conduite incompatible avec le Règlement. [...] Une motion de suspension provisoire exige un avis, mais, dans les cas urgents, elle peut se dispenser de cet avis. Toute modification de la procédure régulière peut être mise en vigueur par simple résolution. Voilà un des traits caractéristiques de la procédure britannique, qui n’a pas peu contribué à la souplesse de notre système parlementaire.

De plus, le Règlement a déjà été suspendu plusieurs fois à la Chambre des communes, comme on le voit dans les Journaux du 16 mars 1883, du 1er juin 1898, du 8 avril 1948, du 24 avril 1961 et du 14 mai 1964[5]. Les autorités et notre pratique permettent toutes les deux que notre Règlement soit suspendu ou modifié par voie de motion après avis.

Bien des députés ont demandé au Président de trancher cette question en s’appuyant sur l’article 1 du Règlement et sur la pratique parlementaire traditionnelle d’autres gouvernements, lorsqu’elle s’applique.

Le secrétaire parlementaire du leader parlementaire du gouvernement (M. Jim Hawkes) a déjà parlé de la pratique britannique et le commentaire qui figure à la page 212 de la vingtième édition de May mérite d’être répété. Le voici :

Le Règlement n’est pas protégé par une procédure spéciale contre des amendements, des annulations ou des suspensions, que ce soit de façon explicite ou par le biais d’un ordre contraire à son objet. Il suffit de donner un préavis ordinaire pour la motion nécessaire; et certains règlements prévoient la suspension de leurs propres dispositions par un simple vote, sans amendement ni débat.

La présidence a étudié aussi les commentaires de J. A. Pettifer sur la pratique australienne dans House of Representatives Practice. Il est évident que la Chambre australienne se prononce régulièrement sur ces motions. Son Règlement prévoit expressément une suspension d’application sur préavis. Ces motions peuvent être discutées et amendées et faire l’objet d’un vote à la majorité simple des voix exprimées. La présidence est peu encline à s’appuyer sur cet usage parce qu’en Australie il se fonde sur un article exprès du Règlement. Mais il fait voir que la suspension d’application du Règlement n’est pas inconnue des autres Chambres du Commonwealth.

Donc, en réponse à la deuxième question, la présidence est liée par les usages canadiens en ce qui concerne les précédents déjà cités, et je ne puis qu’établir que le gouvernement agit conformément au Règlement lorsqu’il dépose un avis de motion demandant la suspension de l’application de certains articles du Règlement, et en application de l’article 56, paragraphe 1, ces motions peuvent être discutées, amendées et faire l’objet d’un vote.

Je passe maintenant à la question suivante : cette motion exige-t-elle le consentement unanime de la Chambre ou la majorité simple?

Il est certain que la Chambre peut modifier son Règlement ou en suspendre l’application par consentement unanime. C’est là une chose acquise.

Il se révèle à l’examen que notre Règlement actuel, contrairement à celui de la Chambre australienne, est absolument muet sur la façon dont la Chambre procède à la suspension de son Règlement. Les usages consignés par les Journaux de la Chambre renferment au moins un cas précis, qui a fait l’objet d’une contestation que le Président a tranchée. Le 16 mars 1883, la présidence a décrété que la majorité de la Chambre était entièrement compétente, sur préavis dûment signifié, comme en l’espèce, pour suspendre l’application du Règlement. Cela figure aux Journaux à la date du 16 mars 1883, page 128.

Certains députés estimeront peut-être que cette décision « date », mais je soutiens qu’elle est très importante. Découvrir une série de précédents par lesquels la Chambre a fait telle ou telle chose et en déduire l’existence d’un usage est une chose; mais une façon de procéder qui s’appuie sur une décision du Président doit nécessairement constituer un guide pour ses successeurs, à moins que les règles directement applicables à la matière aient changé ou que les événements subséquents en aient modifié le caractère. Je n’ai pu trouver aucun autre guide ou événement qui m’amène à changer d’avis sur cette décision rendue par le Président Kirkpatrick en 1883. Je ne puis donc que dire qu’une motion dont la Chambre est valablement saisie et qui demande à suspendre l’application d’un article du Règlement s’adopte à la majorité simple de la Chambre.

J’aborde maintenant la dernière question : la réforme parlementaire récente a-t-elle apporté un changement fondamental à nos usages et rendu inapplicables les précédents antérieurs?

Les députés de Winnipeg—Birds Hill, de Saint-Jacques, de Saint-Denis et de Notre-Dame-de-Grace—Lachine-Est (M. Warren Allmand) ont soutenu de façon éloquente que la motion du gouvernement aurait pour effet d’anéantir de longues années de négociations difficiles effectuées par deux comités spéciaux. Le député de Kamloops—Shuswap a allégué que nous sommes à un carrefour. Quant à notre calendrier, voici ce que l’on trouve en partie dans le troisième rapport du comité Lefebvre qu’a adopté la Chambre :

Le Comité est d’avis que les sessions du Parlement devraient être planifiées en fonction de trois trimestres annuels de séances, ce qui permettrait à tous d’être certains des dates du début ainsi que de la durée de chacun des trimestres durant lesquels la Chambre siégerait.

On a donc inclus ce calendrier de travail à l’article 4 du Règlement de la Chambre. Le député de Calgary-Ouest nous a dit que la Chambre avait siégé à deux reprises pendant l’été. Mais cette prolongation faisait suite à une demande présentée à la présidence aux termes de l’article 5 du Règlement, et non pas à une motion comme celle qui figure maintenant au Feuilleton.

Comme l’ont déjà fait remarquer certains députés, la présidence doit respecter la lettre et l’esprit du Règlement. Mais sans oublier ce que j’ai déjà dit dans certaines décisions que j’ai rendues, à savoir qu’elle doit tenir compte de la règle la plus élémentaire de toutes qui est le bon sens.

Je prie les députés qui voudraient que je rejette cette motion du gouvernement sous prétexte qu’elle est une manifestation de la « tyrannie de la majorité » de songer à ce qui arriverait si je me rendais à leur demande.

Un Président qui établirait que le Règlement ne peut être changé ou suspendu que sur consentement unanime, mettrait la Chambre à la merci d’un seul député. En effet, il suffirait qu’un seul député refuse son consentement pour bloquer toute réforme éventuelle de notre procédure. Un député pourrait par exemple empêcher la Chambre d’ajourner pendant le mois de mai, même si les 281 autres députés souhaitent ajourner avant le 30 juin.

Cette souplesse exceptionnelle prévue dans le système parlementaire britannique, souplesse qui nous a permis de nous adapter à une variété infinie de circonstances, risque d’être compromise. De toute évidence, c’est peu souhaitable.

La présidence apprécie énormément toutefois le calendrier parlementaire tel que proposé par le comité Lefebvre. Je pense que nous lui devons le bon ordre dans lequel se déroulent nos travaux et qu’il a encouragé et favorisé la négociation et le compromis entre les partis lors de la période qui a précédé l’ajournement automatique. À défaut de cette collaboration, des négociations et des compromis· qu’il nous faut faire en tout temps, notre régime de gouvernement cesse de tourner rondement. Si la présidence devait souscrire à l’avis voulant que l’on ne peut modifier le calendrier qu’avec le consentement unanime de la Chambre, elle risquerait de créer un précédent qui non seulement ferait fi de la pratique et des précédents établis à ce jour, mais qui aussi rendrait pratiquement impossible toute nouvelle réforme, tout en compliquant assurément l’adoption d’amendements exceptionnels comme ceux proposés en 1982 et 1985. Par conséquent, la motion proposée par le ministre d’État (l’hon. Doug Lewis) est recevable.

Je voudrais ajouter une chose, soit ce vieux dicton dont j’ai peut-être déjà parlé, et c’est que les cas d’exception constituent généralement de mauvais précédents. Dans le cas qui nous occupe, la présidence a éprouvé la tentation très naturelle de trouver moyen de faire respecter le calendrier parlementaire. À mon grand regret, je dois annoncer aux ardents défenseurs de cette solution que, dans ce cas-ci, ma décision aurait constitué un mauvais précédent, et que j’ai dû me ranger du côté du droit en matière de procédure. Par conséquent, il est de mon devoir de mettre la motion aux voix.

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1988-06-13

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[1] Débats, 6 juin 1988, p. 16139.

[2] Débats, 7 juin 1988, p. 16217-16222.

[3] Débats, 9 juin 1988, p. 16292-16305 et 10 juin 1988, p. 16319-16325.

[4] Débats, 16 mai 1985, p. 4821-4822.

[5] Journaux, 16 mars 1883, p. 128, 1er juin 1898, p. 292, 8 avril 1948, p. 326-327, 24 avril 1961, p. 467-468 et 14 mai 1964, p. 321-322.