Le processus législatif / Divers

Projets de loi d’intérêt public : amendements adoptés en comité, recevabilité des amendements adoptés en comité à l’étape du rapport, recevabilité du rapport

Débats, p. 9801

Contexte

Le 28 avril 1992, au moment où la Chambre s’apprête à entreprendre l’étude à l’étape du rapport du projet de loi C‑54 concernant les offices de commercialisation des produits de ferme, M. Vic Althouse (Mackenzie) invoque le Règlement au sujet de la recevabilité de trois des amendements au projet de loi adoptés en comité[1]. Le président du Comité avait jugé irrecevables les trois amendements car deux d’entre eux cherchaient à modifier la loi constituante et le troisième allait au-delà de la portée du projet de loi, mais ces décisions ont été infirmées par le Comité. M. Althouse prétend que le Comité a outrepassé ses pouvoirs et demande que le Président juge le rapport irrecevable ou retire les amendements du projet de loi avant que la Chambre y donne suite. Après avoir entendu les commentaires d’autres députés[2], le Président rend immédiatement une décision qui est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Ce matin, la présidence a entendu le point de vue du député de Mackenzie sur la recevabilité de certains amendements apportés par le Comité au projet de loi C‑54, Loi modifiant la Loi sur les offices de commercialisation des produits de ferme et d’autres lois en conséquence. J’ai répondu que je rendrais ma décision cet après-midi. Je suis maintenant disposé à le faire.

Auparavant, je voudrais remercier les députés de Mackenzie, Algoma (M. Maurice Foster), Elgin—Norfolk (M. Ken Monteith) et Prince Edward—Hastings (M. Lyle Vanclief) pour les observations qu’ils ont faites dans le cadre de ce recours au Règlement.

Résumons brièvement le problème. Le Comité permanent de l’agriculture, auquel le projet de loi C‑54 a été renvoyé, a fait rapport du projet de loi le 6 avril 1992 avec des propositions d’amendement. Deux des amendements proposés par le Comité ont été déclarés irrecevables par le président parce qu’ils visaient à modifier des articles de la loi originale qui ne se trouvent pas dans le projet. La décision du président du Comité a fait l’objet d’un appel; elle a été renversée, et le Comité a adopté ces amendements. Un autre amendement, portant sur l’article 10, a été jugé irrecevable parce qu’il dépassait la portée du projet de loi et, là encore, la décision du président a été renversée par le Comité et l’amendement a été adopté[3].

Le nœud du problème, pour la présidence de la Chambre, est de savoir si le Comité a outrepassé ses pouvoirs et est allé au-delà de son mandat, qui porte sur le projet de loi même. Voilà la question que le député de Mackenzie a exposée dans son rappel au Règlement.

Lorsqu’un projet de loi est renvoyé à un comité permanent ou législatif de la Chambre, ce comité est autorisé uniquement à adopter, à modifier ou à rejeter les dispositions qui se trouvent dans le projet de loi et à faire rapport du projet de loi à la Chambre avec ou sans proposition d’amendement. Dans ses travaux, le comité doit respecter un certain nombre de contraintes. Il ne peut empiéter sur la prérogative financière de la Couronne, il ne peut aller au-delà de la portée du projet de loi adopté à l’étape de la deuxième lecture, et il ne peut toucher à la loi originale en y apportant des amendements qui ne sont pas envisagés dans le projet, aussi tentant que cela puisse être.

Dans certains cas, cette dernière règle fondamentale est claire comme le jour. Par exemple, si un comité examine un projet de loi visant à modifier le Code criminel en ce qui concerne les loteries, un député ne peut remonter à la loi qu’il s’agit de modifier et proposer des amendements relatifs à ses articles qui concernent les armes à feu. Il y a d’autres cas, toutefois, où il est plus difficile d’expliquer le principe en cause.

Dans le cas présent, deux amendements ont été proposés aux dispositions 17.1. e), 17.2(2) et 34.1 de la Loi sur la commercialisation des produits de ferme.

Comme ces articles de la loi ne se retrouvent pas dans le projet de loi C‑54, il n’était pas conforme au Règlement d’insérer dans le texte des dispositions concernant ces articles de la loi.

Un troisième amendement, portant celui-là sur l’article 10, dépassait la portée du projet de loi, car il visait à élargir le champ d’application du projet de loi de manière à englober d’autres produits agricoles non prévus pour l’instant.

Tout comme le président du comité permanent, je dois déclarer ces trois amendements irrecevables et cela, pour les motifs que le président a donnés au Comité.

Lorsqu’il est demandé à la présidence de se prononcer sur la recevabilité d’amendements apportés par un comité, tout amendement qui va à l’encontre d’un principe fondamental du processus législatif est retiré du projet de loi. C’est ce qu’a fait le Président Jerome le 23 avril 1975 relativement au projet de loi C‑44, Loi modifiant la Loi sur le Sénat et la Chambre des communes, la Loi sur les traitements et la Loi sur les secrétaires parlementaires, et le vice-président Francis le 7 avril 1981 au sujet du projet de loi C‑42, Loi [constituant} la Société canadienne des postes[4].

En conséquence, je dois déclarer irrecevables les amendements adoptés par le Comité permanent de l’agriculture au nouvel article 9, au nouvel article 10 ainsi qu’à l’article 10 du projet de loi C‑54. Ces amendements sont frappés de nullité, et ils ne font plus partie du projet de loi dont il a été fait rapport à la Chambre.

Je réitère mes remerciements aux députés pour leur contribution à ce débat.

Post-scriptum

Du consentement unanime, plus tard le même jour, les amendements en question sont adoptés par la Chambre[5].

F0512-f

34-3

1992-04-28

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[1] Débats, 28 avril 1992, p. 9753.

[2] Débats, 28 avril 1992, p. 9753-9754.

[3] Comité permanent de l’agriculture, Procès-verbaux et témoignages, 31 mars 1992, fasc. no 35, p. 38-43.

[4] Débats, 23 avril 1975, p. 5115-5116, 7 avril 1981, p. 9052.

[5] Journaux, 28 avril 1992, p. 1326-1327, Débats, p. 9802.